N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME V

Fascicule 2

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Enseignement supérieur

Par M. Stéphane PIEDNOIR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Les crédits en faveur de l'enseignement supérieur sont en augmentation de près de 500 millions d'euros.

Cette hausse ne doit néanmoins pas masquer quatre points de vigilance :

- avec une compensation de la revalorisation salariale pour l'ensemble des agents publics annoncée en juillet dernier à hauteur de 50 % seulement en année pleine, ce projet de loi de finances acte pour la première fois un reste à charge pérenne pour les établissements publics de l'enseignement supérieur en matière salariale. Pour le rapporteur, il doit être mis fin aux non-compensations, même temporaires, d'annonces gouvernementales que l'université connait désormais depuis trois ans. Une telle situation accentue la ponction sur les fonds de roulement de ces établissements dont la vocation est de financer leurs dépenses d'investissement ;

- 2024 est également une année charnière dans les relations entre les universités et leur ministère de tutelle, avec la mise en place des contrats d'objectifs, de moyens et de performance, qui se substituent aux dialogues stratégique et de gestion. Ils peuvent représenter une opportunité pour les universités, à condition toutefois de ne pas tomber dans les travers du micromanagement ;

- les nouvelles modalités de collecte et du versement du solde de la taxe d'apprentissage via la plateforme SOLTéA ont entraîné des dysfonctionnements et un retard majeurs, créant de fortes incertitudes sur les montants dont bénéficieront les établissements d'enseignement supérieur. Plus largement, si le soutien de l'État à l'apprentissage doit être maintenu, il est nécessaire de mieux contrôler les établissements d'enseignement éligibles à ces aides pour éviter qu'elles ne profitent à des officines à but lucratif, dont les formations ne sont pas reconnues par l'État - ni leurs qualités contrôlées par ce dernier ;

- enfin, si la revalorisation des bourses sur critères sociaux est à saluer, le rapporteur réitère son voeu d'une réforme systémique prévue pour la rentrée 2025.

I. DES CRÉDITS EN HAUSSE DE 469 MILLIONS D'EUROS

BUDGET CONSACRÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA VIE ÉTUDIANTE

PROGRAMME 150

« Formations supérieures et recherche universitaire »

14,2 Mds€ en crédits de paiement en 2024

+ 273 millions € par rapport à 2023 (soit + 1,8 %)

dont

+ 141,7 M€ au titre du déploiement de la loi de programmation de la recherche (LPR) ;

+ 151,7 M€ au titre de la compensation de la revalorisation du point d'indice de 1,5 % au 1er juillet 2023 ainsi que la majoration de 5 points des indices à partir du 1er janvier 2024 ;

+ 17,5 M€ pour la construction du campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Nord Paris

+ 7 M€ pour les études de santé

Programme 231

« Vie étudiante »

3,3 Mds€ en crédits de paiement en 2024

+ 196 millions € par rapport à 2023 (soit + 6,26 %) 

dont

+ 120 M€ afin de revaloriser les bourses sur critères sociaux et élargir le nombre de bénéficiaires ;

+ 60 M€ pour le réseau des oeuvres universitaires, dont 25 M€ pour la contractualisation avec de nouveaux partenaires, afin de développer l'offre de restauration étudiante à tarif modéré et 19 M€ pour la compensation du gel des loyers dans les résidences des CROUS ;

+ 10 M€ pour la mise en oeuvre des mesures annoncées lors de la conférence nationale du handicap, en faveur des étudiants en situation de handicap

Les crédits du programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire » et du programme 231 « vie étudiante » sont en augmentation de près d'un demi-milliard d'euros.

Une partie des mesures nouvelles est financée par des redéploiements de crédits sous-consommés (52,1 millions d'euros). Pour le ministère, il s'agit de moyens financiers nouveaux, puisque ceux-ci bien qu'inscrits, n'étaient pas utilisés.

Si le rapporteur partage cette volonté de « recycler » des crédits non utilisés1(*), il n'en demeure pas moins que tel que présentés dans les documents budgétaires, ces redéploiements rendent difficiles le contrôle des moyens réellement nouveaux, d'autant plus que le ministère n'indique pas précisément les lignes de crédits ponctionnés au sein de chaque programme permettant d'alimenter ces crédits réemployés.

Comme les années précédentes, le rapporteur regrette le manque de critères dans l'attribution de dotations aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG), entraînant des différences importantes de montant par élève entre établissements qui ne se justifient pas.

II. UN CONTEXTE FINANCIER DE PLUS EN PLUS TENDU

A. UNE NON-COMPENSATION D'UNE MESURE DE REVALORISATION SALARIALE INÉDITE EN ANNÉE PLEINE

Si la revalorisation salariale annoncée en juin 2023 est saluée par les présidents d'université, sa compensation partielle en 2024 occasionne selon France Universités « une incompréhension, voire de vives inquiétudes ». En effet seulement 157 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024, au titre du financement des mesures inter-catégorielles et interministérielles, annoncées en juin 2023 (+ 1,5 % du point d'indice dès juillet 2023, revalorisation des bas salaires, + 5 points d'indice supplémentaires au 1er janvier 2024). Les reste à charge pour les universités est de 150 millions d'euros.

La ministre assume une compensation à hauteur uniquement de 50 % en année pleine de ces mesures, appelant les établissements « à un effort de responsabilité », « compte tenu de leurs réserves financières ». Le rapporteur note que s'il a pu exister, les années précédentes, un décalage dans la mise en place d'une compensation par l'État de mesures de revalorisation salariale des fonctionnaires, celui-ci n'a pas excédé six mois2(*). Dans le cas présent et pour la première fois, est créé un reste à charge pérenne, qui grèvera le budget des universités chaque année.

D'autres mesures salariales viennent peser annuellement sur le budget des universités, notamment :

- la non compensation du glissement vieillesse technicité par l'État depuis plusieurs années, représentant un coût annuel d'environ 45 millions d'euros ;

- un alignement des salaires des personnels recrutés sur leurs fonds propres par les universités sur les mesures de revalorisations salariales annoncées par l'État (+ 20 à 30 millions d'euros en 2023).

En trois ans, les universités auront vu leurs charges salariales augmenter de 600 millions d'euros. En effet s'ajoutent la non-compensation de la hausse du point d'indice de 3,5 % entre juillet et décembre 2022 (200 millions d'euros), celle entre juillet et décembre 2023 pour la deuxième augmentation du point d'indice de 1,5 % (entre 130 à 140 millions d'euros), la compensation partielle en 2024 des mesures de revalorisation salariales annoncées en juin 2023 par Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques (pour un montant de 125 millions d'euros), l'alignement des salaires des personnels recrutés sur fonds propres à la suite de ces revalorisations (entre 20 et 30 millions d'euros), et le glissement vieillesse technicité d'un montant annuel de 45 millions qui n'est plus compensé depuis plusieurs années (soit 135 millions d'euros depuis 2020).

Par ailleurs, même si les prix de l'énergie venaient à se stabiliser, il est peu probable qu'ils redescendent au niveau des prix de 2019, entraînant un surcoût durable pour le budget des établissements de l'enseignement supérieur.

Le rapporteur rappelle que les fonds de roulement des universités n'ont pas vocation à financer des dépenses de fonctionnement, mais des projets d'investissement ou des aléas, d'autant plus que les universités ne peuvent pas emprunter. Elles sont ainsi tenues de mobiliser la totalité de leur financement avant d'engager une opération d'investissement notamment de rénovation thermique immobilière3(*).

Alors que l'immobilier représente le second poste budgétaire des universités après la masse salariale, le rapport de la Cour des comptes sur l'immobilier des universités estime que celles-ci « ne disposent pas des moyens pour remplir leur obligation d'entretien, tant le financement de l'immobilier universitaire est défaillant »4(*).

Le rapporteur souhaite qu'il soit mis fin à cette ponction sur les fonds de roulement : cette compensation partielle en année pleine doit être exceptionnelle et ne doit pas perdurer au-delà de 2024. Plus largement, il doit être mis fin aux non-compensations, même temporaires, d'annonces gouvernementales que l'université connait désormais depuis trois ans.

B. DES CONSÉQUENCES À MOYEN TERME SUR L'INVESTISSEMENT ?

À plusieurs reprises, le gouvernement a invité les universités à mobiliser « les réserves en fond de roulement qui dorment ». Au contraire, les représentants des universités ont dénoncé ce « mythe du milliard d'euros des fonds de roulement disponibles », soulignant que « 80 % de ces sommes étaient engagées ».

En 2022, une vingtaine d'universités étaient en déficit au lieu de trois ou quatre les années précédentes. Michel Deneken, président de l'union des dix grandes universités françaises (Udice), a indiqué que les deux tiers des budgets des établissements de l'Udice sont en déficit cette année.

C'est à très court terme leur autonomie qui est en jeu : en cas de vote d'un budget initial déficitaire deux années consécutives, l'établissement risque une reprise en main par un administrateur provisoire nommé par le recteur. Certes, la ministre a demandé aux rectorats de faire preuve de bienveillance dans le contrôle de légalité des budgets en déficit. Mais d'une part il ne s'agit pas, de l'avis même des présidents d'université, d'une gestion financière sereine. D'autre part, nul ne sait pendant combien de temps le ministère va tolérer ces déficits. Dans ces conditions, l'abaissement de la réserve prudentielle de 30 à 15 jours de fonctionnement permet certes de rendre mobilisables des crédits au sein du fonds de roulement, mais s'apparente davantage à « une fuite en avant ».

À plus long terme, certains présidents d'université font désormais part de leurs inquiétudes en termes d'offres de formation impactées par ces contraintes budgétaires, à l'heure où le gouvernement leur demande d'en développer pour répondre notamment aux besoins des métiers en tension et d'avenir.

À trop puiser dans les fonds de roulement, le risque est désormais réel pour certaines universités de devoir différer des projets d'investissement, ou encore de revoir le périmètre de leurs missions. C'est également de l'attractivité des universités dont il est question, alors que des postes ne sont déjà pas pourvus et que près de la moitié des cadres supérieurs des universités vont partir à la retraite d'ici 2033.

III. LES CONTRATS D'OBJECTIFS, DE MOYENS ET DE PERFORMANCE : UN NOUVEL OUTIL PROMETTEUR

L'année 2023 a vu le lancement d'une première vague de contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP), qui se substituent au dialogue stratégique et de gestion. Conclus pour une durée de trois ans, ces contrats doivent permettre de renforcer l'autonomie des établissements.

Les COMP doivent répondre à quatre objectifs de politiques publiques nationales prioritaires :

- la formation des étudiants et des adultes aux métiers d'avenir ou sous tension ;

- la réussite et le bien-être étudiant ;

- l'excellence de la recherche et de l'innovation ;

- la transition écologique et le développement soutenable (TEDS).

S'y ajoutent un objectif portant sur l'amélioration de la gestion et du pilotage de l'établissement, ainsi qu'un objectif choisi librement par l'établissement.

Les financements sont conditionnés à l'atteinte de cibles chiffrées, négociées entre l'État et les établissements. Trois vagues de contractualisation sont prévues, s'échelonnant entre 2023 et 2025. En 2023, 17 COMP ont été rédigés, concernant 36 établissements dont 34 sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. 112 millions d'euros sont prévus dans ce cadre pour les années 2023-2025, dont 35 millions de crédits nouveaux inscrits au budget 2023.

Selon les présidents d'université auditionnés, ces contrats constituent un moment charnière de l'autonomie des universités : ils peuvent permettre la construction d'un vrai dialogue avec le ministère de tutelle autour d'orientations stratégiques, de cibles fixées conjointement, avec une latitude laissée aux universités pour les atteindre et des comptes à rendre au bout de trois ans. Ils doivent notamment permettre de mieux prendre en compte les spécificités des universités.

Si ces nouveaux contrats sont perçus comme un signe positif témoignant une confiance dans les universités, les présidents auditionnés alertent néanmoins sur les risques de dérives vers « un exercice tatillon et un micro-management », ce qui constituerait alors un frein à l'autonomie des universités.

Enfin, se pose la question de l'articulation entre ces nouveaux contrats trisannuels et les contrats quinquennaux de sites, comprenant un volet commun aux établissements d'un même site et décrivant une politique partagée à l'échelle d'un territoire en matière de formation et de recherche, et un volet propre à chaque établissement présentant sa contribution à la politique du site.

IV. L'APPRENTISSAGE : UNE MODALITÉ D'ÉTUDES À PRÉSERVER AU SEIN DE FORMATIONS CONTRÔLÉES ET RECONNUES PAR L'ÉTAT

A. L'APPRENTISSAGE : UN OUTIL IMPORTANT POUR ENCOURAGER LES ÉTUDIANTS À POURSUIVRE LEURS ÉTUDES SUPÉRIEURES

L'apprentissage connait un fort engouement. En l'espace de cinq ans, le nombre de jeunes de l'enseignement supérieur en apprentissage a augmenté de près de 140 %.À la rentrée 2023, le nombre de contrats d'apprentissage dans l'enseignement supérieur est de plus de 537 400. On en dénombrait en 225 500 en 2019. Le développement de l'apprentissage a été porté par le soutien financier aux entreprises. Pour les contrats signés en 2023, le montant de l'aide de l'État s'élève à 6 000 euros.

Le rapporteur se félicite de cette modalité d'études qui permet notamment à un certain nombre de jeunes de poursuivre leurs études supérieures quelles que soient leurs origines sociale mais aussi géographique. En leur permettant de disposer d'un revenu, l'apprentissage participe à la mobilité des étudiants.

Aussi, le rapporteur alerte contre toute tentation d'exclure de l'aide à l'apprentissage les contrats d'apprentis préparant un diplôme supérieur à bac + 2 pour les entreprises de plus de 250 salariés5(*). Il rappelle que des conditions spécifiques s'appliquent déjà pour ces entreprises pour en bénéficier : atteindre au moins 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle dans l'effectif salarié total annuel ou atteindre au moins 3 % d'alternants et avoir connu une progression de 10 % d'alternants au 31 décembre 2024. Une restriction des aides risquerait de porter préjudice aux étudiants qui par manque de financement de leurs études pourraient être contraints de les écourter.

En revanche, le rapporteur juge nécessaire un encadrement plus strict de l'accès à la taxe d'apprentissage6(*), afin d'éviter que des « officines » aux formations non reconnues - ni leurs qualités contrôlées - par l'État puissent en bénéficier. Un certain nombre d'entre elles jouent sur la confusion entre diplômes et accréditations relevant du ministère de l'enseignement supérieur, et les certifications d'organisme de formation continue, ou encore « louent » des titres à une société spécialisée puis proposent une formation sans lien avec le titre loué. La rédaction actuelle de l'article L. 6241-5 du code du travail leur permet d'en bénéficier à partir du moment où elles ont gardé une partie de leur organisation sous forme associative, ont créé une association liée à l'officine, ou encore ont rejoint un groupement d'établissements géré par des organismes à but non lucratif.

B. UN VERSEMENT CHAOTIQUE EN 2023 DU SOLDE DE LA TAXE D'APPRENTISSAGE AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Jusqu'à cette année, le solde de la taxe d'apprentissage était directement versé par les entreprises aux établissements éligibles de leur choix.

Les modalités de collecte et de versement de la taxe ont évolué en 2023. Plutôt que d'envoyer leurs chèques et virements directement aux établissements, les entreprises versent désormais via l'URSSAF et la mutuelle sociale agricole leur contribution à une plateforme appelée SOLTéA. Elles indiquent également sur cette plateforme la répartition de leur contribution - en pourcentage et non en montant - entre les établissements. La plateforme se charge ensuite de procéder au virement.

SOLTéA

Crédits n'ayant pas pu être attribués (« fonds libre »)

SOLTéA, la nouvelle plateforme de collecte du solde de la taxe d'apprentissage

Cette première année de mise en oeuvre a été, pour reprendre les propos entendus en audition, « une catastrophe industrielle » pour plusieurs raisons :

- les établissements d'enseignement supérieur ont connu des difficultés pour se connecter à la plateforme et s'inscrire ;

- le processus a également été particulièrement compliqué pour les entreprises présentes sur plusieurs sites, avec une multiplication des SIRET à renseigner ;

- en raison de dysfonctionnements, la plateforme a été temporairement fermée au moment même où de nombreux établissements menaient leur communication auprès des entreprises pour le versement de ce solde ;

- face aux difficultés pour trouver l'établissement sur la plateforme, un certain nombre d'entreprises n'ont pas attribué leur solde, ou seulement une partie de celui-ci. Les fonds non attribués constitueront un « fonds libre », dont les modalités de répartition restent à déterminer. (cf ci-après). Il s'agit d'une problématique inédite ;

- le suivi des versements est particulièrement difficile pour les établissements d'enseignement : elles n'ont connaissance que du numéro de SIRET et pas du nom de l'entreprise leur ayant versé une contribution.

Par arrêté du 6 octobre 2023, le calendrier de la campagne de répartition a été prolongé jusqu'au 9 novembre, pour permettre d'une part aux établissements de s'inscrire sur la plateforme, compléter leurs dossiers et solliciter les entreprises, et d'autre part pour laisser plus de temps aux entreprises de répartir leurs soldes entre les établissements et ainsi limiter le « fonds libre ».

Un calendrier des versements profondément perturbé

Les établissements d'enseignement ont bénéficié d'un premier versement le 24 août. Une deuxième campagne d'allocation des fonds par les entreprises a été ouverte du 24 aout au 5 octobre. Un deuxième versement aux établissements a été fait vers le 15 octobre.

Une troisième campagne d'allocation des fonds par les entreprises a ouvert le 10 octobre et prolongé jusqu'au 9 novembre. Un troisième virement aux établissements d'enseignement doit être fait à partir du 2 décembre. Enfin, le 15 décembre, la dotation du fonds libre doit être attribuée, dans des conditions restant à définir.

L'ensemble de ces éléments ont entraîné un retard dans le versement de la taxe d'apprentissage aux établissements. Au 31 août 2023, à peine 20 % avaient été alloués par rapport à la même période en 2022. Or, les établissements d'enseignement supérieur doivent clôturer leur budget au 31 août. L'élaboration du budget s'est faite cette année dans un contexte d'incertitude sur les sommes qui seront in fine perçues. Ce versement tardif a conduit certains établissements à connaître des tensions dans leur trésorerie.

Par ailleurs, les deux versements de décembre seront difficilement utilisables pour des dépenses de fonctionnement, les règles de comptabilité publique imposant que la dépense ait lieu l'année civile d'attribution du solde.

Enfin les critères d'attribution du « fonds libre » restent inconnus. Pour le rapporteur, il ne peut pas s'agir d'une allocation forfaitaire : le nombre d'étudiants par établissement doit être pris en compte. Par ailleurs, il alerte sur une attribution de ce fonds prioritairement aux établissements qui forment aux métiers en tension. Un certain nombre d'« officines » aux formations non contrôlées ni reconnues par l'État se sont emparées de ce créneau, et en seraient alors les principales bénéficiaires7(*). À ce sujet, le rapporteur invite l'État à travailler avec l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur publics et privés pour permettre le développement rapide de nouvelles formations, afin ne pas laisser ce champ aux mains de structures ne faisant l'objet d'aucun contrôle.

V. VIE ÉTUDIANTE : DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES FACE À UNE PRÉCARITÉ ÉTUDIANTE CROISSANTE

Depuis la crise de la Covid et le confinement, la précarité étudiante est en constante augmentation. Selon l'UNEF, le coût de la vie étudiante a augmenté de 6,47 % l'an dernier sous l'effet de l'inflation. Les trois-quarts des étudiants ont dû réduire leurs achats alimentaires et d'hygiène de première nécessité8(*).

Enfin, la rentrée 2023 a été marquée par une crise du logement et une hausse moyenne nationale de 8,95 % des loyers, ces chiffres atteignant 9,77 % par rapport à la rentrée 2022 hors Île-de-France.

A. UNE AUGMENTATION DES SUBVENTIONS AU RÉSEAU DES oeUVRES UNIVERSITAIRES ET SOCIALES

Le CNOUS bénéficie en 2024 d'une augmentation de 70 millions d'euros de sa subvention pour charges de service public portée par :

· + 20 M€ au titre du financement de mesures salariales. À la différence des universités, le CNOUS bénéficie d'une compensation intégrale des mesures de revalorisations salariales annoncées par l'État ;

· + 25 M€ pour la mise en oeuvre de la loi « Levi » (cf. ci-après) ;

· + 19 M€ pour la compensation du gel des loyers dans les CROUS. Le gouvernement a annoncé la reconduite de ce gel, mis en oeuvre depuis 2020, pour la rentrée 2023, entraînant un manque à gagner pour les CROUS ;

· + 2,7 M€ pour accompagner les coûts de fonctionnement liés à l'ouverture de nouvelles places de restauration ;

· + 1,8 M€ pour le recrutement de 38 ETP supplémentaires.

B. L'ANNONCE DE 30 000 LOGEMENTS ÉTUDIANTS SUPPLÉMENTAIRES D'ICI LA FIN DU QUINQUENNAT

Lors de la réunion de présentation du pacte des solidarités le 18 septembre dernier, la Première ministre a annoncé la création de 30 000 logements étudiants d'ici la fin du quinquennat. Trois circulaires interministérielles depuis 2020 (25 mai 2020, 5 juillet 2021, 13 mars 2023) ont permis de mener un travail de recensement et de prospection foncière sur l'ensemble du territoire, afin d'identifier des sites susceptibles d'accueillir de nouveaux logements.

47 opérations de réhabilitation lourde doivent être menées en quatre ans. Sur l'ensemble du quinquennat, 8 700 logements doivent être rénovés.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une augmentation de 25 millions d'euros des autorisations d'engagement (pluriannuelle) dans le programme 231, mobilisables pour des opérations de réhabilitation ou de construction. Cette augmentation devrait être reconduite en 2025.

Les conséquences des Jeux Olympiques dans les résidences universitaires

Dans le cadre des Jeux Olympiques, une partie des pompiers, personnels de santé et des forces de sécurité devrait être hébergée dans des résidences des CROUS. Cette annonce a entraîné de nombreuses réactions. Plusieurs contentieux sont en cours devant les tribunaux administratifs portant sur la possibilité pour les CROUS de contraindre les étudiants à quitter leur résidence cet été. Selon les informations transmises au rapporteur, ce sont 3 200 logements dans 12 résidences - sur les 150 existantes en Ile-de-France - qui seraient concernés. Ces logements, mis à disposition uniquement pendant les Jeux Olympiques - mais pas pour les Jeux Paralympiques - seront à nouveau disponibles pour les étudiants au plus tard le 1er septembre 2024.

Dominique Marchand, présidente du CNOUS, a rappelé que près de 30 % des étudiants quittent chaque été, à la fin de l'année universitaire, leurs logements dans les CROUS. Parmi les autres, et notamment en région parisienne, une proportion importante préfère payer leur loyer en été, même sans occuper le logement, par crainte de ne pas retrouver de logement à la rentrée.

Pendant les Jeux Olympiques, les étudiants qui poursuivraient leurs études l'année suivante et libèreraient leur logement au sein des résidences concernées, sont garantis de pouvoir le retrouver à la rentrée de septembre 2024 sans s'acquitter de loyer au cours de la période estivale.

Pour ceux qui souhaitent être logés pendant l'été, ils se verront proposer une « solution de proximité, sans difficulté et sans aucun surcoût pour eux », ainsi qu'un accompagnement forfaitaire de 100 euros. Il s'agit notamment d'une aide financière pour le déménagement. Par ailleurs, la ministre a indiqué qu'ils bénéficieront « de deux places pour les épreuves olympiques ».

À l'issue des Jeux, plusieurs bâtiments (village olympique et village des médias notamment) devraient être réorganisés et permettre la création de 1 667 logements étudiants, dont 1 300 en Seine-Saint-Denis. Ils devraient être accessibles à partir du premier semestre de l'année universitaire 2024-2025.

Malgré ces efforts en faveur de la construction de résidences universitaires, le rapporteur alerte sur un effet ciseau risquant d'aggraver les difficultés de logements des étudiants, notamment dans le parc locatif privé : d'une part, les primo-accédants, en raison des difficultés d'emprunts et des taux d'intérêt élevés, repoussent leurs projets d'achat immobilier entrainant une congestion du marché immobilier, et notamment de petites surfaces prisées par les étudiants. D'autre part, le nombre de locations risque de fortement diminuer à partir du 1er janvier 2025, en raison de l'interdiction de mise en location des logements qualifiés de passoires thermiques (1er janvier 2025 pour les logements classés G et 1er janvier 2028 pour les logements classés F). Selon les estimations, 7,2 millions de logements sont concernés.

C. LA RESTAURATION ÉTUDIANTE : UNE FRÉQUENTATION EN HAUSSE

La fréquentation des restaurants universitaires a très fortement augmenté. Ce sont plus de 35 millions de repas qui ont été servis en 2022. Ce sont ainsi 8 millions de repas supplémentaires, qui ont été servis par rapport à 2021, soit une progression de 29 %. Cette hausse se constate à la fois sur le nombre de repas à 3,30 € servis (+ 17 %) que sur celui des repas à 1 euro servis (+ 12 %).

Cette hausse de la fréquentation se poursuit en 2023 : en cette rentrée, le nombre de repas servis augmente de 6 à 8 % par rapport à la rentrée universitaire 2022.

La tarification sociale (repas à 1 euro) pour les étudiants boursiers et les étudiants non boursiers en situation précaire, mise en place en septembre 2022 est pérennisée à partir de la rentrée universitaire 2023-2024.

Le budget prévoit également 25 millions d'euros pour la mise en oeuvre de la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite « loi Levi ». Celle-ci permet à tous les étudiants de bénéficier d'une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d'études ou d'une aide financière dans le cas contraire.

Le CNOUS est en train de contractualiser avec de nouveaux partenaires pour proposer des repas à tarif social, en complément des quelque 800 implantations de restauration universitaires actuelles. Il travaille également, en lien avec le ministère, sur la mise en oeuvre de l'aide dont peuvent bénéficier les étudiants ne disposant pas de lieux de restauration à tarif modéré. Comme il l'avait indiqué lors de l'examen de la proposition de loi, le rapporteur souligne les difficultés de sa mise en oeuvre, à la fois pour identifier les étudiants éligibles à cette aide, ainsi que pour trouver le support de versement de celle-ci.

D. UNE REVALORISATION DU MONTANT DES BOURSES DANS L'ATTENTE D'UNE RÉFORME SYSTÉMIQUE

Les crédits alloués aux bourses sur critères sociaux sont en augmentation de 120,4 millions d'euros dans le PLF 2024, portés par quatre mesures :

- l'augmentation de 6 % des plafonds de ressources. Le barème revenu-points de charge pour le calcul des bourses était resté inchangé depuis 2013, entraînant d'une part une diminution du nombre de bénéficiaires potentiels des bourses, et d'autre part des niveaux moins élevés pour ceux éligibles. Le rehaussement des plafonds devrait permettre à 35 000 étudiants d'être éligibles aux bourses sur critères sociaux ;

- l'augmentation de 37 euros par mois des montants de bourses pour l'ensemble des échelons. Cela correspond à une hausse de 34 % pour l'échelon 1 (2 163 €) et de 6 % pour l'échelon 7, le plus élevé (6 335 €) ;

- un complément de 30 euros par mois pour les étudiants boursiers qui suivent des études dans les territoires ultramarins ;

- une majoration de quatre points de charge lors du calcul de leur éligibilité pour les étudiants en situation de handicap ou aidants de parents en situation de handicap.

Du fait de cette évolution des critères, la campagne de dépôts des dossiers a commencé en 2023, six semaines plus tard que d'habitude. Le rapporteur tient à saluer la forte mobilisation des équipes du CNOUS : malgré ce délai plus court, 94 % des dossiers ont été instruits à la rentrée avec une hausse de 20 % du nombre de paiement anticipé début septembre par rapport à l'année dernière.

Un nombre plus important de dossiers ont également été déposés en août et septembre. Une nouvelle campagne de communication va prochainement être lancée auprès des étudiants, à la fois pour ceux qui n'auraient pas encore déposé leurs dossiers, mais aussi pour ceux dont le dossier n'est pas encore complet, empêchant son examen.

1952 : année charnière pour l'habilitation des établissements privés
à recevoir des boursiers

En application des articles L. 812-2 et L. 812-3 du code de l'éducation, les établissements privés de l'enseignement supérieur, même reconnus d'intérêt général, ne disposent pas des mêmes facultés d'accueillir des élèves boursiers, en fonction de leur date de création :

 cette habilitation est de plein droit pour les formations conduisant à un diplôme national dispensées dans les établissements existant avant le 1er novembre 1952 et les facultés libres. Toutefois, la liste des formations habilitées de droit n'inclut pas les formations délivrant le grade équivalent (par exemple la formation « bachelor délivrant le grade de licence ») ;

 en revanche, cette habilitation se fait sur décision ministérielle pour les établissements créés après cette date du 1er novembre 1952 (même pour les EESPIG si leur création est postérieure à 1952), ainsi que pour les formations des écoles consulaires et celles des établissements supérieurs techniques privés reconnus par l'État. Les établissements intéressés doivent transmettre au ministère un dossier de demande accompagné de l'avis du recteur. L'habilitation est accordée pour une durée déterminée qui varie selon les établissements. Dans l'attente de l'accord, que ce soit pour la demande initiale ou les renouvellements, ces établissements versent souvent un montant équivalent des bourses à leurs étudiants, pris sur leurs fonds propres. Dans tous les cas, la demande d'habilitation à recevoir des boursiers ne peut porter que sur une formation existant depuis au moins trois années.

Ce système gagnerait à être actualisé et simplifié, notamment pour les établissements supérieurs privés dont la qualité de l'enseignement a déjà été contrôlée et visée par l'État.

Pour le rapporteur, ces revalorisations, certes nécessaires, ne doivent constituer qu'une étape, dans l'attente d'une réforme structurelle annoncée par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche pour la rentrée 2025 et qu'il appelle de ses voeux.

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* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 8 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 8 NOVEMBRE 2023

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M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Mes chers collègues, le budget consacré à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante augmente de près d'un demi-milliard d'euros. C'est un effort que je salue.

Le programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire » est en progression de 273 millions d'euros. Cette hausse est principalement due au déploiement pour la quatrième année consécutive de la loi de programmation de la recherche, ainsi qu'à la compensation - certes partielle - des mesures salariales interministérielles. En ce qui concerne le programme 231 relatif à la « vie étudiante », la hausse des crédits est de 196 millions d'euros. Cette augmentation s'explique par la revalorisation des bourses et la hausse de la subvention pour charge publique attribuée au CNOUS et aux CROUS.

Ce tableau ne doit cependant pas cacher le contexte financier de plus en plus tendu pour les établissements d'enseignement supérieur, et notamment des universités.

Pour la première fois, une mesure interministérielle de revalorisation salariale n'est pas compensée intégralement en année pleine, mais seulement à hauteur de 50 %. La ministre assume cette compensation partielle appelant les établissements à « un effort de responsabilité », « compte tenu de leurs réserves financières ». Sauf changement de position du gouvernement, le budget des universités sera grevé de 150 millions d'euros chaque année.

En trois ans, entre le glissement vieillesse technicité et les annonces de revalorisation salariale compensées tardivement, ou partiellement, les universités ont dû puiser 600 millions d'euros dans leurs fonds propres.

Cette compensation partielle en année pleine doit être exceptionnelle et ne doit pas perdurer au-delà de 2024. Plus largement, il doit être mis fin aux non-compensations mêmes temporaires d'annonces gouvernementales. Je ne peux m'empêcher de comparer cette situation à celle que connaissent trop bien nos élus locaux face à des annonces dont ils doivent ensuite supporter le coût.

Preuve de ces difficultés, les deux tiers de dix plus grandes universités françaises ont voté un budget en déficit. Il en est de même pour de nombreuses universités plus petites. À très court terme, leur autonomie est en jeu avec un risque de reprise en main par un administrateur provisoire nommé par le recteur. La ministre a demandé aux rectorats de faire preuve de bienveillance dans le contrôle de légalité des budgets en déficit. Mais nul ne sait pendant combien de temps le ministère va tolérer ces déficits. Dans ces conditions, l'abaissement de la réserve prudentielle de 30 à 15 jours de fonctionnement permet certes de rendre mobilisables des crédits au sein du fonds de roulement, mais s'apparente davantage à « une fuite en avant ».

À plus long terme, certains présidents d'université font part de leurs inquiétudes sur l'impact de ces contraintes budgétaires sur les offres de formation, à l'heure où le gouvernement leur demande d'en développer pour répondre aux besoins des métiers en tension et d'avenir.

2023 a également été pour les universités l'année de lancement d'un nouvel outil perçu positivement par les présidents d'université engagés dans cette démarche : les contrats d'objectifs, de moyens et de performance. Ils doivent se substituer au dialogue stratégique et de gestion. Ces contrats constituent un moment charnière de l'autonomie des universités : ils peuvent permettre la construction d'un vrai dialogue avec le ministère de tutelle autour d'orientations stratégiques, des cibles fixées conjointement, une latitude laissée aux universités pour les atteindre et des comptes à rendre au bout de trois ans. Pour reprendre les mots d'un président d'université qui a signé un COMP : « on a le sentiment, vis-à-vis de notre tutelle, que l'on est un peu plus adulte ». En revanche, j'ai immédiatement été alerté sur les risques identifiés d'une dérive vers un exercice tatillon et un micro-management, les yeux rivés sur le tableur Excel. Dans ce cas, les COMP constitueraient un recul de l'autonomie des universités.

Dans le cadre de cet avis, je souhaite faire un focus sur l'apprentissage. Il s'agit d'une modalité intéressante de formation permettant à l'étudiant de trouver des sources de financement pour ses études. Aussi, nous devons être attentifs à toute tentative, à l'image d'un amendement de M. Da Silva déposé à l'Assemblée nationale, d'exclure de l'aide aux entreprises les contrats préparant à un diplôme supérieur à bac + 2 pour les entreprises de plus de 250 salariés. Une telle restriction porterait au final préjudice aux étudiants les plus modestes, qui par manque de financement pourraient écourter leurs études.

En revanche, il me semble important d'encadrer plus strictement les bénéficiaires de la taxe d'apprentissage pour écarter les officines qui proposent des formations non reconnues ni contrôlées par l'État.

Deuxième point que je souhaitais évoquer concernant la taxe d'apprentissage : la nouvelle plateforme SOLTéA. La taxe d'apprentissage est composée de deux parties : la part principale qui finance les formations en apprentissage, et un solde qui finance le développement des formations initiales ainsi que l'insertion professionnelle. Les établissements d'enseignement supérieur peuvent en bénéficier.

Jusqu'à présent, les entreprises payaient directement le solde de la taxe d'apprentissage aux établissements d'enseignement supérieur de leur choix. En 2023, la plateforme SOLTéA a été créée. L'idée est que l'entreprise via l'URSSAF ou la MSA verse ce qu'elle doit sur une plateforme, y indique quel pourcentage de son solde elle veut attribuer à quel établissement. La plateforme procède ensuite au virement vers les établissements. Cela a été, je cite, « une catastrophe industrielle » pour plusieurs raisons : les établissements ont eu du mal à s'inscrire sur la plateforme. Il en est de même pour les entreprises, avec une difficulté supplémentaire pour celles implantées sur plusieurs sites - chaque site devant avoir un Siret. De nombreuses entreprises, n'arrivant pas à trouver l'établissement qu'elles souhaitaient soutenir, ont versé leur solde sans l'affecter. Cela a créé de manière inédite un fond libre. La question se pose désormais des critères d'attribution de ce fonds libre. Enfin, en raison de dysfonctionnements, la plateforme a fermé pendant plusieurs semaines, au moment où de nombreux établissements lançaient leur campagne de communication et d'appel à contribution de la taxe d'apprentissage.

Fin août 2023, seuls 20 % de la taxe d'apprentissage ont été versés aux établissements, en comparaison des sommes reçues à la même époque en 2022. Les établissements, qui doivent élaborer leurs budgets au 31 août ont donc bâti ce dernier sur des incertitudes de recettes. Un deuxième versement a eu lieu en octobre. Un troisième versement des fonds affectés aura lieu début décembre.

Mi-décembre, le fonds libre doit être réparti. La grande inconnue reste les critères de répartition. Là encore, les officines pourraient tirer leurs épingles du jeu si le ministère décidait de l'attribuer en priorité aux filières formant aux métiers sous tension. Plus prosaïquement, un versement en décembre pose des problèmes dans l'utilisation de ces fonds : les règles de comptabilité publique imposent de dépenser les crédits pour des dépenses de fonctionnement dans l'année civile où ils ont été perçus.

Au final cette plateforme visant à simplifier la collecte et le versement du solde de la taxe d'apprentissage a eu l'effet inverse. Espérons que les leçons seront tirées pour la campagne 2024.

J'en viens maintenant à la vie étudiante. Les crédits en faveur du CNOUS et des CROUS augmentent de 70 millions d'euros. 25 millions d'euros concernent la mise en oeuvre de la loi de notre collègue Pierre-Antoine Levi permettant à tous les étudiants de bénéficier d'une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d'études ou d'une aide financière. Le Cnous est en train de contractualiser avec de nouveaux partenaires pour augmenter le nombre de ses implantations. Reste à définir les modalités de versement de l'aide pour les étudiants n'ayant pas accès aux restaurants universitaires et assimilés. Deux problèmes se posent : comment identifier les étudiants éligibles ? Sur quel support verser l'aide ? Le CNOUS travaille de concert avec le ministère sur ce sujet.

La fréquentation des restaurants universitaires a très fortement augmenté : 8 millions de repas de plus ont été servis en 2022 par rapport à 2021, la hausse concernant à la fois les repas à 1 euro et les repas à 3,30 euros. Cette hausse se poursuite à la rentrée 2023, avec une nouvelle augmentation de fréquentation de 6 à 8 % par rapport à la rentrée 2022.

En ce qui concerne le logement, le gel des loyers dans les CROUS a été maintenu cette année. Face à la crise du logement étudiant, la Première ministre a annoncé la construction de 30 000 logements étudiants d'ici la fin du quinquennat. Parmi ceux-ci, les Jeux Olympiques devraient laisser pour la rentrée 2024-2025 en héritage un peu plus de 1 600 logements au sein du village olympique et du village des médias. Par ailleurs, trois circulaires interministérielles depuis 2020 ont permis de mener un travail de prospection foncière sur l'ensemble du territoire, afin d'identifier des sites susceptibles d'accueillir de nouveaux logements. Il reste désormais à les construire. Néanmoins, un effet ciseau risque d'aggraver les difficultés de logements des étudiants, notamment dans le parc locatif privé : d'une part, les primo-accédants, en raison des difficultés d'emprunts et des taux d'intérêt élevés, repoussent leurs projets d'achat immobilier entrainant une congestion du marché immobilier, et notamment de petites surfaces prisées par les étudiants. D'autre part, le nombre de locations va diminuer à partir du 1er janvier 2025, en raison de l'interdiction de mise en location des logements qualifiés de passoires thermiques.

Mon dernier point concerne la réforme des bourses sur critères sociaux. Les crédits dédiés augmentent de plus de 120 millions d'euros. La hausse des plafonds de ressources devrait permettre à 35 000 étudiants supplémentaires d'être éligibles. Le barème revenu-points de charge pour le calcul des bourses était resté inchangé depuis 2013, soit depuis 10 ans. Il ne doit s'agir que d'une première étape dans l'attente d'une réforme structurelle annoncée pour la rentrée 2025. Il existe des complexités à gommer dans l'attribution des bourses. Par exemple, l'habilitation de plein droit des EESPIG à accueillir des étudiants n'existe que pour ceux créés avant 1952. Pour les autres, une demande d'habilitation, avec avis du recteur, doit être adressée périodiquement au ministère. Je tiens à rappeler que l'exigence d'une politique sociale est inscrite dans les contrats liant les EESPIG à l'État. Par ailleurs, dans les établissements post 1952, les étudiants des formations existant depuis moins de trois ans, c'est-à-dire souvent les métiers d'avenir ou en tension, ne peuvent prétendre à une bourse sur critère social.

En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de l'enseignement supérieur.

M. Yan Chantrel. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour la qualité de son travail. On peut se réjouir que les crédits du programme 150 soient en hausse de 1,8 %. Cette hausse est conforme aux contours esquissés par la loi de programmation pour la recherche. Néanmoins, elle reste inférieure à l'inflation qui est de presque 6 % cette année. À cela s'ajoute un financement insuffisant par l'État de la masse salariale : je pense à la non-compensation partielle de la revalorisation du point d'indice et des mesures Guerini, ou à d'autres non-compensations chroniques. L'addition s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros. Les universités doivent également faire face à une flambée des coûts énergétiques.

La hausse des crédits du programme 150 est loin de compenser l'ensemble de ces dépenses supplémentaires. D'ailleurs, la ministre le reconnait. Elle encourage les universités à utiliser leurs fonds de roulement pour équilibrer leurs budgets. Nous connaissons les problèmes que peuvent poser ces propositions. Ce n'est pas viable à moyen terme et même impossible à court terme pour certaines universités dont les fonds de roulement sont négatifs. Je pense à l'université Paris I. Elles vont devoir faire des sacrifices dans leurs offres de formation.

Le programme 231 est en hausse de près de 220 millions d'euros. Néanmoins, je souhaite alerter sur les projections déjà à la baisse en 2025 et 2026, alors même que 27 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté. Certes, des points positifs sont à souligner : nous nous réjouissons des 70 millions d'euros supplémentaires pour le CNOUS et les CROUS. Cette dotation permet le maintien des tarifs à un euro pour les boursiers et les étudiants précaires - même si nous sommes favorables à un élargissement des tickets restaurant à un euro à l'ensemble des étudiants - et compense le gel des loyers en résidence universitaire. Nous nous réjouissons également de l'annonce faite hier par la ministre du relèvement du plafond d'emplois du CNOUS. Enfin, je n'oublie pas les 10 millions d'euros supplémentaires accompagnant les mesures issues de la conférence nationale du handicap, notamment les quatre points de charges supplémentaires pour les étudiants en situation de handicap ou les étudiants aidants.

Nous saluons l'augmentation de 37 euros par mois du montant des bourses sur critères sociaux, ainsi que le relèvement de 6 % du plafond des ressources pour chaque échelon. Cette mesure était plus que nécessaire face à la hausse de 15,3 % des frais alimentaires, de 9 % du prix des loisirs et de 5,2 % de la contribution de vie étudiante et de campus. Mais, nous craignons que la ministre se contente d'une réforme paramétrique, et non systémique des bourses sur critères sociaux, qui ne permettra pas de répondre à la grande précarité dont souffrent les étudiants.

Pour toutes ces raisons, notre groupe émet un avis défavorable sur l'adoption de ces crédits.

M. Jean Hingray. - Je salue le travail de notre rapporteur. Mon groupe votera pour le budget de l'enseignement supérieur qui est en augmentation. Par ailleurs, la ministre est à l'écoute des propositions et des travaux, notamment sénatoriaux. Je pense à la loi sur la restauration étudiante de notre collègue Pierre-Antoine Levi, pour laquelle 25 millions d'euros sont prévus cette année et 25 millions d'euros supplémentaires l'année prochaine.

Le rapporteur a parlé de formations pour des métiers sous tension. Quelles sont les formations concernées ?

Bien évidemment, nous serons attentifs à l'évolution prochaine du budget de l'enseignement supérieur.

En ce qui concerne le budget pour 2024, il y a, pour moi, un point sensible en lien avec l'autonomie des universités. Je ne trouve pas normal que l'État décide d'une augmentation du point d'indice des fonctionnaires de l'université, sans compenser à l'euro près. À partir du moment où l'État ne compense plus ses annonces des charges, ne faudrait-il pas aller plus loin dans l'autonomie, en laissant les universités décider de la rémunération des personnes y travaillant ?

M. Max Brisson. - Ce rapport est de grande qualité. Le budget est en hausse et la ministre est ouverte à la concertation. Ce sont des motifs de satisfaction. Ce texte porte également des marqueurs intéressants sur les bourses ou la mise en oeuvre de la loi de programmation pour la recherche.

Pourtant, en écoutant le rapporteur, j'ai entendu un certain nombre de nuances. Bien évidemment le groupe Les Républicains suivra son avis. Mais, la non-compensation partielle de la revalorisation salariale des agents publics est un problème incontestable pour les universités, dont l'aisance financière n'est plus aussi importante que la ministre peut le penser.

Nous qui sommes attachés à l'autonomie des universités, seront attentifs à ce que les COMP ne se transforment pas en contrôles tatillons d'une administration qui, par essence et par gêne, n'a jamais apprécié l'autonomie de certains de ces opérateurs.

Je me suis déjà exprimé sur l'effet d'aubaine que constitue la réforme de l'apprentissage, ainsi que sur les officines. Je sais que notre rapporteur est particulièrement attentif à ce sujet, et j'attends les réponses de la ministre face aux interpellations récurrentes qu'il a faites à ce sujet.

Pour ma part, je souhaite interroger le rapporteur sur deux thématiques. Je pense tout d'abord au lien entre le lycée et l'enseignement supérieur. La réforme du calendrier du baccalauréat qui était attendue pour améliorer l'organisation des cours dans les lycées permettra-t-elle d'accorder un poids plus important au baccalauréat dans le dispositif Parcoursup ?

Cela m'amène à parler d'orientation vers le supérieur. Deux députés - Hendrik Davi et Thomas Cazenave avant qu'il ne devienne ministre - évoquaient dans un rapport « le gâchis » de l'orientation, constituant un « système caricatural », avec une multiplication des acteurs. Au Sénat, avec Annick Billon et Marie-Pierre Monier, nous avons souligné combien l'orientation était un échec. Nous avions fait le constat que les 54 heures dédiées à celle-ci étaient détournées de leur vocation, et souligné la mauvaise connaissance de l'enseignement supérieur par les enseignants du second degré. Au final, l'absence de formation se fait ressentir. Face à ce constat, les réponses possibles sont diamétralement opposées. Thomas Cazenave proposait une centralisation et la création d'un poste de délégué interministériel en charge de l'orientation. Valérie Pécresse, présidente de région, propose un choc de décentralisation. Quelle est l'approche de notre rapporteur sur le sujet ?

Mme Monique de Marco. - Je salue les travaux du rapporteur, même si après sa démonstration je ne comprends pas l'avis favorable qu'il propose.

Je souhaite souligner le contexte de plus en plus tendu des universités et le mécontentement de leurs présidents qui doivent puiser dans les fonds de réserve et de roulement. Cette situation impacte le fonctionnement des universités. Il faut entendre cette inquiétude.

Je me suis rendue récemment dans un CROUS de Bordeaux. J'ai été agréablement surprise par le fait que le plateau proposé soit le même, quel que soit le tarif appliqué. Je tiens à souligner l'effort des CROUS et du CNOUS pour proposer des repas équilibrés.

La ministre prend souvent l'exemple de Bordeaux lorsqu'elle évoque la surélévation de bâtiments du CROUS pour y aménager des logements supplémentaires. Je tiens à signaler que cette opération a pu être faite grâce à des budgets complémentaires importants de la métropole et de la région. Je partage l'inquiétude de notre rapporteur sur la crise amplifiée du logement étudiant dans les prochaines années. Certains logements ne seront plus louables.

Je n'ai pas l'impression qu'il y ait une volonté, de la part du ministère, d'une remise à plat du système des bourses sur critères sociaux pour répondre à la précarité croissante des étudiants. À mon sens, une réflexion devrait avoir lieu sur la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les étudiants et les apprentis. Je sais que nous sommes plusieurs à y réfléchir. Quatorze présidents d'université ont signé une tribune dans le journal Le Monde en faveur d'une telle allocation. Nous examinerons en séance le 14 décembre prochain la proposition de loi de mon groupe visant à créer une telle allocation. Si la commission en était d'accord, nous pourrions débattre de ce sujet.

Je souhaite également suggérer la création d'une mission flash à la suite des propos de notre rapporteur sur la taxe d'apprentissage.

Enfin, mon groupe ne suivra pas l'avis du rapporteur.

M. Pierre Ouzoulias. - J'ai été surpris par les prises de parole - rares - d'un certain nombre de présidents d'université, qui dans la presse ont dénoncé les conditions budgétaires de leurs universités. Qu'il y ait presque trente universités votant leurs budgets en déficit est du jamais vu. Cela doit nous alerter. À mon sens, il manque, parallèlement à la loi de programmation pour la recherche, une loi de programmation pour l'université. Les universitaires se sentent oubliés. Je crains que la volonté de la ministre de réformer l'écosystème de la recherche se heurte à la forte réticence des universités d'aller plus loin en l'absence de réponses à leurs problèmes budgétaires. Il y a une forme de mise sous tutelle des universités, à tel point que l'on peut parler de « feu la loi Pécresse ».

Je note également une potentielle fin de l'autonomie pédagogique dans les propos du Président de la République. Il existe une forme d'injonction présidentielle à définir des cursus en adéquation avec les demandes du marché. Dans ce cas, que fait-on du latin ? Quels sont ses débouchés ou encore ceux des études de théologie ? Les perspectives d'emploi y sont modestes.

Le gel des recrutements est dramatique. Cela explique la diminution du nombre d'étudiants s'orientant dans une thèse : qui s'engagerait dans un cursus long sans avoir aucune visibilité sur un recrutement à l'université ? La France est le seul pays qui connait une baisse du nombre de docteurs. Cela doit nous alerter. Je ne peux pas imaginer que l'université française puisse satisfaire à ces engagements de transformations énergétique et sociale sur le territoire sans docteur et sans sciences en général.

J'alerte également sur les conséquences du système de recrutement des chaires juniors. Recrutées par un système où prime le localisme, ces personnes bénéficient de contraintes d'enseignement allégées. Face à eux, les enseignants « classiques » vont supporter de plein fouet la baisse tendancielle du taux d'encadrement. Faire cohabiter ces deux populations d'enseignant au sein d'un même établissement va être très difficile.

Je partage l'analyse de notre rapporteur sur le logement. Nous avions réfléchi, avec le président Lafon dans le cadre de la mission sur les conditions de vie étudiante, à une transformation de l'action du CNOUS en lien avec les collectivités. Celles-ci doivent reprendre la main sur la définition de ce que pourraient être de futurs programmes de constructions locatives. Le campus tel que nous l'avons connu est mort. Il faut songer à des logements étudiants, peut-être moins nombreux à un même endroit, mais inclus dans un programme de réaménagement des centres-villes.

Enfin, il est essentiel de repenser l'université comme un instrument d'aménagement du territoire. C'est ce que souligne la Cour des comptes dans un récent rapport. Plus on s'éloigne des grands centres universitaires, plus l'accès à l'université est réduit. Il existe des talents immenses à mobiliser dans les territoires ruraux. Pour cela il faut décentraliser l'université.

J'ai entendu les points de vigilance évoqués par le rapporteur. Conformément à ceux-ci, mon groupe ne votera pas les crédits de ce budget.

M. Bernard Fialaire. - Je partage l'interrogation de Mme de Marco sur la taxe d'apprentissage. En revanche, notre avis diverge sur une allocation universelle pour les étudiants. La ministre évoquait hier la notion de solidarité. La solidarité n'est pas l'uniformité, quels que soient les revenus de la famille et de l'étudiant. Nous avons eu une réponse claire hier de la part de la ministre.

Nous connaissons le contexte économique de notre pays. Malgré cela, un effort important a été fait en faveur de l'enseignement supérieur et la recherche. Je suivrai l'avis du rapporteur.

J'évoquais hier la question du tutorat. Le passage de l'enseignement secondaire au supérieur est particulièrement sensible pour de nombreux étudiants. Une des raisons des déserts territoriaux dans certaines professions vient du recrutement d'enfants de CSP + ultra urbains par le biais d'établissements confidentiels et spécialisés. Cela ne permet pas à tout le territoire de pouvoir irriguer les formations d'enseignement supérieur. On le paye cher en aménagement du territoire. C'est particulièrement frappant pour les vétérinaires. Les enfants de la campagne, pourtant brillants, échouent aux concours de quelques points. Dans ces conditions nous n'aurons plus dans nos territoires les vétérinaires dont nous aurons besoin.

Mme Catherine Belrhiti. - Le parc logement étudiant reste insuffisant.

En ce qui concerne la réquisition des logements étudiants cet été pour les Jeux olympiques, la ministre évoque le nombre de 3 000 logements. Comment vont-ils être mis à disposition ? Quelles seront les garanties ? Pour quels publics ?

M. Jacques Grosperrin. - Je suis surpris de l'audition de la ministre hier qui s'est beaucoup attardée sur la liberté académique. Elle évoquait l'autonomie de l'université. Nous avons tous vu des gouvernements tenter de récupérer des fonds de réserve d'autres organismes, comme l'AGIRC-ARRCO. Normalement celui qui décide, paye. Le gouvernement a décidé de revaloriser le salaire des agents publics - on peut s'en réjouir, mais à lui de le financer. Or, sa participation n'est que de 50 %. Nous avons une fois encore la preuve que Bercy finit toujours par gagner les arbitrages budgétaires.

J'ai déjà émis le souhait, avec plusieurs collègues, d'un grand ministère de l'intelligence regroupant l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, pour fluidifier les échanges et les parcours des élèves.

M. Laurent Lafon, président. - Dans la mission d'information sur la vie étudiante, nous avons fait le constat d'une augmentation du nombre d'étudiants depuis plusieurs années - + 20 000 à 30 000. De mémoire, le pic de progression devrait être atteint en 2025-2027, avant de redescendre. Cette baisse à venir du nombre d'étudiants peut être une opportunité budgétaire et un argument pour Bercy pour réduire les crédits budgétaires dans quelques années. Par anticipation, j'appelle à une certaine vigilance sur ce sujet.

M. Stéphane Piednoir. - J'entends que dans ma présentation les nuances étaient nombreuses. Néanmoins, si j'avais fait l'impasse sur ces points de vigilance, cela me l'aurait été reproché.

Il y a beaucoup de points qui ne me conviennent pas - la non-compensation de l'inflation, les mesures salariales. J'ai même pointé dans ma présentation des fortes similitudes avec ce que connaissent les élus locaux. La flambée des coûts énergétiques est également une réalité. Il y a une grande disparité de situations entre les universités que ce soit sur les coûts énergétiques ou les fonds de roulement. Certaines ont des fonds importants, d'autres ont fait de gros efforts de rénovation énergétique et sont donc moins exposées à l'augmentation des coûts de l'énergie.

Néanmoins, les points de vigilance évoqués ne me permettent pas de balayer d'un revers de main l'effort d'un demi-milliard d'euros obtenu par la ministre.

Les métiers en tension concernent ceux de la décarbonation et du numérique, ainsi que ceux participant à la réindustralisation du pays. Des financements spécifiques sont prévus à travers l'appel à manifestation d'intérêt « compétences et métiers d'avenir » dans le cadre de France 2030. Les COMP contiennent également un volet « métiers d'avenir ou en tension », avec des moyens fléchés, dont les signataires nous ont dit qu'ils étaient conséquents.

Des réflexions ont lieu au sein de nos différents groupes sur l'allocation autonomie. Celles-ci peuvent déboucher sur des avis différents. Je partage l'avis de la nécessité d'une réforme plus en profondeur du système des bourses. Elle est en revanche difficile à mettre en oeuvre. Je pense à la linéarisation des bourses. Aujourd'hui le système fonctionne par palier, avec les effets de seuils que nous connaissons. Mais la linéarisation pose d'autres problèmes, avec un risque d'une approche technocratique.

Le décalage dans le temps des épreuves de spécialités apparait comme une évidence. C'est humain et lycéen de ne plus vouloir aller en cours une fois les épreuves passées en mars : nous avons tous eu 17 ou 18 ans.

Je considère que Parcoursup est le plus mauvais système à l'exception de tous les autres. Nous avons connu une époque où, avant d'avoir le bac, on candidatait dans un brouillard absolu en espérant recevoir une réponse positive. Par ailleurs, pour moi, le tri des candidatures n'est pas une hérésie. De même la plateforme APB avait le mérite d'exister. Certes, il y a eu des procédés de sélection inacceptables comme le tirage au sort conduisant à condamner cette plateforme. Mais n'oublions pas que de celle-ci est née Parcoursup.

En revanche, je regrette le manque de lisibilité. Il existe des formations qui échappent à Parcoursup, surfent sur la communication - je parle ici des officines, de ces établissements qui prennent l'argent de l'apprentissage, proposent des formations vides de sens, basées uniquement sur la formation à distance. Les parents dont les enfants se lancent dans ces formations se retrouvent désemparés. J'insiste sur la nécessité d'un encadrement et d'une plus grande transparence sur les contenus et débouchés de ces établissements.

En ce qui concerne l'orientation, j'ai l'habitude de dire que les conseillers d'orientation sont des personnes qualifiées dans les établissements scolaires qui connaissent bien les formations, mais moins bien les élèves. Quant aux enseignants, ils connaissent bien les élèves mais méconnaissent les formations existantes. Lorsque vous parlez d'apprentissage à un enseignant du lycée, et encore plus du collège, il vous regarde avec des yeux ronds. La formation à l'orientation est insuffisante.

Douze des 150 résidences universitaires d'Ile-de-France sont mobilisées pour les Jeux olympiques. Elles permettront de loger uniquement des personnes des services de sécurité et de secours, ainsi que des pompiers et ne concerne que les Jeux olympiques - et pas paralympiques. Environ 1 000 logements seront libres fin juin du fait du mouvement naturel d'étudiants quittant leurs résidences à la fin de l'année universitaire. Dans les faits, entre 1 000 et 2 000 étudiants sont concernés et devront être relogés. Pour ceux-ci, une proposition de relogement leur sera faite. Ils bénéficieront d'une aide forfaitaire de 100 euros pour le déménagement, ainsi que de deux places pour les épreuves des Jeux olympiques.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2024.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 26 octobre 2023

- France Universités : M. Dean LEWIS, vice-président de France Universités et président de l'Université de Bordeaux, M. Kevin NEUVILLE, conseiller en charge des relations avec le Parlement.

- Conférence des grandes écoles (CGE) : M. Hughes BRUNET, délégué général, M. Marc SAGOT, en charge des relations extérieures, M. Foucauld KNEUSS, référent en charge de la Vie étudiante, du Sport et affaires publiques.

- Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) : M. Etienne CRAYE, président, Mme Sophie SAVIN, déléguée générale.

Jeudi 2 novembre 2023

- Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (Fésic) : Mme Laure VIELLARD, vice-présidente, M. Germain COMERRE, chargé de relations institutionnelles et animation réseau.

- Udice : M. Michel DENEKEN, président, Mme Anne-Isabelle BISCHOFF, déléguée générale.

- Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) : Mme Dominique MARCHAND, présidente.

- Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) : Mme Dominique BAILLARGEAT, vice-présidente, M. Emmanuel PERRIN, co-président de la commission Ressources et accompagnement des personnels, Mme Isabelle SCHÖNINGER, directrice exécutive.

Mardi 7 novembre 2023

Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé) : M. Alain FRUGIÈRE, président du Réseau des INSPÉ et directeur de l'INSPÉ de Paris, Mme Anne-Lise ROTUREAU, déléguée générale du Réseau des INSPÉ.

ANNEXE

Audition de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

MARDI 7 NOVEMBRE 2023

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons notre cycle d'auditions liées à l'examen du projet de loi de finances (PLF) 2024 en recevant Mme Sylvie Retailleau.

Madame la ministre, nous restons particulièrement attentifs au sein de la commission aux problématiques relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche. À cet égard, je souhaiterais mentionner le projet de loi de programmation de la recherche (LPR), que nous avons profondément amendé lors de son examen en octobre 2020. Nous demeurons vigilants concernant la mise en oeuvre de ce texte, qui doit permettre de mieux financer la recherche française, d'améliorer l'attractivité de ses métiers et de replacer la science dans une relation ouverte avec la société.

L'an dernier, notre rapporteure nous avait alertés quant à la sous-exécution des créations de postes inscrites dans la loi ; les difficultés réglementaires rencontrées en la matière ont-elles été levées depuis ?

De même, nous souhaiterions en savoir davantage en ce qui concerne la clause de revoyure prévue dans la loi avant la fin de l'année 2023 ; celle-ci sera-t-elle décalée ?

La mission commune d'information sur les conditions de la vie étudiante, que présidait Pierre Ouzoulias et dont j'étais rapporteur, a souligné la nécessité d'un meilleur accompagnement des étudiants dans les domaines des études, de la santé ou du logement. Dans notre rapport, nous évoquions notamment la nécessité d'une refonte globale du système de bourses sur critères sociaux. Votre ministère s'est saisi de cette question et des consultations sont en cours. Pourrez-vous revenir sur l'avancement de ce dossier ? Quelles pistes étudiez-vous ? Quel calendrier comptez-vous suivre ?

Par ailleurs, à l'initiative de Pierre-Antoine Levi, le Parlement a adopté en avril 2023 la loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d'études. Quand un tel accès n'est pas possible, les étudiants peuvent alors bénéficier d'une aide financière. Comment cette « loi Levi » sera-t-elle appliquée dès cette année ?

Enfin, en ce qui concerne la non-compensation intégrale des dernières mesures salariales annoncées par le Gouvernement, vous avez indiqué qu'il n'y aurait « pas de miracle », en invitant les opérateurs et les universités à recourir si nécessaire à la part mobilisable de leur fonds de roulement. Ces déclarations ont été accueillies avec une certaine inquiétude par les universités et l'ensemble des opérateurs de votre ministère. Mes collègues rapporteurs ne manqueront pas de vous interroger sur ce sujet.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Avant de répondre à vos questions, monsieur le président, je commencerai par présenter les grandes orientations de ce budget de l'enseignement et de la recherche, qui connaît une nouvelle augmentation en 2024. Ainsi, nous comptons 1,2 milliard d'euros de moyens nouveaux par rapport au tendanciel prévu, ce qui représente 20 % supplémentaires par rapport à 2017 et 8 % par rapport à 2022.

En premier lieu, ce budget vise à aider plus et mieux les étudiants. Les engagements que j'avais pris devant le Parlement sont tenus et le PLF traduit les mesures annoncées, qui bénéficieront de 500 millions d'euros supplémentaires. Cette enveloppe permettra de financer la première étape de la réforme des bourses, présentée en avril dernier, à hauteur de 400 millions d'euros. Elle sera également allouée à la pérennisation du repas à un euro pour tous les étudiants boursiers mais aussi pour les étudiants précaires, ainsi qu'au gel des tarifs de restauration et des loyers en résidence universitaire pour tous les étudiants. Ces dernières mesures sont compensées au niveau du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) à hauteur de 70 millions d'euros.

En cette rentrée, les étudiants perçoivent des bourses sur critères sociaux revalorisées. Il s'agit d'un investissement historique, qui était nécessaire dans le contexte d'inflation actuel. Cette première étape de la réforme dépasse la simple revalorisation des montants pour chaque échelon, puisque nous nous attaquons aux effets de seuil et que nous renforçons nos aides pour les étudiants en situation de handicap, comme pour les étudiants en situation d'« aidance ».

Le budget pour 2024 intègre donc une hausse des dotations d'investissement du Cnous de 25 millions d'euros, soit plus de 25 %, pour construire et rénover des restaurants et des résidences universitaires. Ces crédits permettront en particulier de poursuivre la réhabilitation des places d'hébergement, pour atteindre l'objectif de 12 000 rénovations d'ici 2027, annoncé par la Première ministre dans le cadre du CNR Jeunesse.

Nous prévoyons aussi 25 millions d'euros pour développer la restauration, en conformité avec la « loi Levi ». De nouveaux conventionnements ont été développés avec des organismes partenaires. De plus, une aide financière déployée de façon progressive permet de soutenir les étudiants qui n'auraient pas accès à des solutions collectives de proximité, malgré les conventions passées. En outre, le Cnous recevra une dotation de 5 millions d'euros pour financer le coût de fonctionnement lié à l'ouverture des nouvelles places de restauration et bénéficiera du recrutement de 38 agents supplémentaires.

Le Gouvernement s'apprête à déposer un amendement qui permettra de relever le plafond d'emplois des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) de 110 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Il s'agit d'une nouvelle importante, qui reflète l'augmentation des flux d'étudiants en raison des mesures prises. Ce relèvement du plafond est historique, puisqu'il n'avait pas évolué depuis 2014, et il permettra d'accompagner la croissance de l'activité du réseau. Il s'agissait d'une recommandation de votre rapport sur les conditions de la vie étudiante, monsieur le président : je suis heureuse de vous dire que vous aviez raison et que cette mesure était nécessaire.

Une enveloppe de 10 millions d'euros sera consacrée au renforcement de l'accompagnement des étudiants en situation de handicap, conformément aux annonces faites lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) et à la loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation, dont la proposition avait été déposée au Sénat.

En deuxième lieu, ce budget permet de soutenir la recherche et les chercheurs, confirmant cette année encore la trajectoire en crédits et en emplois de la LPR. Ainsi, 468 millions d'euros supplémentaires seront consacrés au périmètre du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - une marge de 500 millions d'euros, si l'on inclut les crédits du programme 193, dédiés à la recherche spatiale.

Ces crédits financeront des dépenses en matière de ressources humaines, parmi lesquelles des revalorisations salariales pour 138 millions d'euros supplémentaires, mais aussi des recrutements additionnels de chercheurs, puisque le schéma d'emplois augmentera de 650 équivalents temps plein (ETP), ce qui permettra notamment de créer de nouveaux contrats doctoraux et des chaires de professeurs juniors supplémentaires. Cette augmentation entraînera une hausse de 91 millions d'euros des dépenses consacrées à la masse salariale.

En outre, je souhaiterais signaler 73 recrutements supplémentaires, qui seront autorisés pour la recherche sur le nucléaire civil au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Des projets de recherche sont également mis en oeuvre, dont ceux qui ont été sélectionnés par l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui connaissent une augmentation de leur budget de 123 millions d'euros. La somme de 52 millions d'euros sera consacrée à des investissements dans les équipements, les organisations scientifiques internationales et les organismes de recherche. Enfin, diverses autres mesures sont prévues dans le cadre de la LPR pour un montant de 65 millions d'euros.

Afin d'assurer la bonne atteinte de nos objectifs, il nous faut mesurer les effets de ce qui a été mis en place, en les comparant à ce que nous observons aux niveaux international et européen, en travaillant avec des organisations comme l'OCDE. Je souhaite ainsi nourrir le bilan de ces trois années de mise en oeuvre de la LPR, que je vous présenterai début 2024.

En troisième lieu, ce budget vise à accompagner les transformations des universités. À cet effet, une enveloppe de 15 millions d'euros sera consacrée au financement de la troisième année de bachelor universitaire de technologie (BUT) et à l'ouverture de nouveaux départements d'instituts universitaires des technologies, renforçant l'accès à l'enseignement supérieur dans tous les territoires.

Les financements alloués aux études de santé connaitront également une hausse de 7 millions d'euros.

Nous poursuivons aussi le déploiement des contrats d'objectifs, de moyens et de performance, qui avaient déjà été signés par 36 établissements et compteront 42 nouveaux signataires. Chaque année, 100 millions d'euros seront alloués à tous les établissements dans ce cadre, qui permet d'établir un dialogue stratégique rénové et d'offrir aux établissements une visibilité budgétaire pluriannuelle.

En quatrième lieu, ce budget vise à soutenir le pouvoir d'achat alors que l'inflation reste importante et que la dette s'alourdit. Dans ce contexte, le Gouvernement accompagne les Français et notamment les agents publics. Le ministre de la transformation et de la fonction publiques a ainsi annoncé différentes mesures pour préserver le pouvoir d'achat des fonctionnaires, qui ciblent en particulier les agents des catégories B et C. Une enveloppe de 215 millions d'euros a été allouée afin de compenser les revalorisations salariales annoncées en juin 2023. Ce budget permettra de couvrir au moins 50 % des surcoûts liés aux mesures relatives au point d'indice, pour tous les établissements, et d'apporter des soutiens plus ciblés pour les plus fragilisés. Comme en 2022 et en 2023, le Cnous et les Crous feront l'objet d'une compensation intégrale de ces mesures salariales pour 2024.

Pour le reste, les établissements sont appelés à un effort exceptionnel compte tenu du niveau de leurs réserves financières. En effet, ces niveaux importants, en augmentation depuis plusieurs années, doivent leur permettre d'absorber cet effort pour 2024. Ces réserves, estimées à environ 1 milliard d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et à 300 millions d'euros pour les organismes de recherche, sont bien supérieures à l'effort exceptionnel demandé. D'après une enquête que nous avons menée, ces réserves sont libres de tout emploi. Pour les évaluer, nous excluons notamment les investissements, qu'ils soient engagés ou programmés par les conseils d'administration des établissements. Je leur ai donc demandé de mobiliser leur trésorerie sans renoncer à leurs projets en cours. Comme je l'ai fait devant les présidents des universités et à l'Assemblée nationale, je tiens à vous assurer que nous serons attentifs aux situations particulières de certains établissements. Ainsi, nous avons choisi de compenser à hauteur de 50 % l'ensemble des établissements afin de conserver les marges nécessaires pour mieux soutenir ceux qui connaissent une situation critique.

J'en viens aux dotations d'investissement, qui augmentent dans ce budget. Les contrats de plan État-région (CPER) se déploient et 1,2 milliard d'euros seront alloués pour les établissements dépendant de mon ministère pour la période 2021-2027, avec une poursuite de la montée en charge des projets l'an prochain. Les établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche bénéficieront de la hausse de 600 millions d'euros de l'enveloppe interministérielle consacrée à la rénovation des bâtiments de l'État.

Nous allouerons des financements spécifiques pour des projets emblématiques comme le campus hospitalo-universitaire de Saint-Ouen, le Paris Santé Campus du site du Val-de-Grâce ou le Centre national de la matière extraterrestre sur le site du Jardin des Plantes.

Enfin, au-delà de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les établissements relevant de mon ministère continueront de bénéficier de financements extrabudgétaires importants, liés en particulier au plan France 2030.

Les grands défis écologiques, technologiques, industriels et sociétaux que la France doit relever restent inchangés et très importants. Pour y faire face, les contributions de l'enseignement supérieur et de la recherche demeurent essentielles, notre pays devant rester une grande nation scientifique qui découvre, forme aux métiers d'aujourd'hui et de demain, innove et attire les talents dans un paysage international complexe, mouvant et compétitif. Le budget de mon ministère pour 2024 répond à ces nécessités de façon responsable, en respectant les engagements pris.

Mme Laurence Garnier, rapporteure pour avis des crédits de la recherche. - Je commencerai par évoquer les conséquences du rapport de la mission Gillet sur l'écosystème de la recherche et de l'innovation, qui vous a été remis en juillet dernier et pourrait constituer un tournant majeur dans la structuration de l'écosystème de la recherche française. En ligne avec les préconisations de ce rapport Gillet, le Gouvernement semble avoir décidé de donner à des organismes de recherche un nouveau rôle d'agence de programmes, ce qui constitue une évolution majeure. Avez-vous tiré le bilan de l'activité des alliances de recherche ? Nos organismes nationaux de recherche (ONR) pourront-ils exercer cette fonction en plus de celle d'opérateur de recherche ? Quel sera le rôle de ces agences de programmes par rapport aux alliances ? Quelle place occuperont les sciences humaines et sociales (SHS) dans cette nouvelle organisation ? Quel sera l'impact de cette réorganisation en termes budgétaires ? Qu'en est-il de la clause de revoyure ?

En ce qui concerne la LPR, quelles raisons expliquent les difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs en matière d'installation des chaires de professeurs juniors ?

Enfin, j'en viens à la recherche biomédicale, qui a constitué un sujet important cette année. En effet, le président de l'Académie des sciences, Alain Fischer, a publié son rapport, intitulé « La recherche médicale en France, bilan et propositions », qui évoque l'affaiblissement progressif de la recherche française et souligne l'état préoccupant de notre recherche médicale. France Universités a également rendu un rapport. Par ailleurs, vous avez confié une mission à Raymond Le Moign et à Manuel Tunon de Lara sur la rénovation de la recherche biomédicale. Quel est l'état de vos réflexions sur la souveraineté de la France en la matière ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Je commencerai par saluer un budget globalement en hausse pour les crédits relatifs à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante.

Cependant, les critères utilisés pour calculer les crédits alloués aux Crous et aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig) ne prennent pas en compte la hausse de la fréquentation. Ainsi, les Eespig comptent un nombre d'étudiants en forte augmentation et leur dotation pour charge de service public ne représente qu'environ 5 % - soit 600 euros - de ce que coûte en moyenne un étudiant dans l'enseignement supérieur. Une révision des critères est-elle envisagée afin de garantir plus de transparence et une meilleure lisibilité ?

Par ailleurs, les mesures salariales du plan de protection des agents publics, dites « Guerini », seront compensées à hauteur de 50 % pour cette année, ce qui est une bonne chose. Cependant, ces mesures représentent une somme d'environ 150 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur, qu'ils doivent financer sur leurs fonds propres, dont les évaluations varient entre 600 millions et 1 milliard d'euros. Ainsi, si une telle dépense devait être consentie chaque année, les établissements ne pourraient tenir que quelques années. Vous engagez-vous à une compensation intégrale à partir de l'année prochaine ?

J'en viens à la plateforme Soltéa de répartition du solde de la taxe d'apprentissage, lancée en 2023. Aux dires de plusieurs responsables d'établissements que j'ai entendus pendant la préparation de mon avis budgétaire, il s'agit d'une « catastrophe industrielle ». À la fin du mois d'août, environ 20 % du solde était versé sur les comptes des établissements d'enseignement supérieur alors que, habituellement, à la même période, le solde est réglé à environ 80 %. Les budgets ont été construits sur une forte incertitude qui crée de l'inquiétude chez les acteurs. De plus, pour la première fois, un fonds libre restera puisque les entreprises n'ont pas pu attribuer facilement les montants via la plateforme, en raison de difficultés techniques de lisibilité. Quelles sont les modalités d'attribution de ce fonds ? Quelles mesures seront prises pour éviter que les mêmes difficultés ne surviennent l'année prochaine ?

Enfin, il semble important de mettre en place rapidement une labélisation et une accréditation par l'État des nouvelles formations proposées dans l'enseignement supérieur. Notre commission a récemment organisé une table ronde sur l'enseignement privé et nous avons constaté la façon dont certaines officines s'accaparent un secteur en l'absence d'alternative, proposent des formations non reconnues par l'État, dont la qualité n'est pas contrôlée, et bénéficient ainsi de crédits. Serait-il possible de favoriser des labélisations et accréditations pour des établissements reconnus par l'État ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - En ce qui concerne le schéma d'emplois, nous avons rencontré des difficultés en matière de déploiement, en raison de la pandémie de covid, de problèmes d'acceptabilité et de mise en oeuvre. Cette sous-exécution était particulièrement visible au niveau des organismes nationaux de recherche, qui ont perdu environ 27 ETP. Cette situation a été bien identifiée, en particulier au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Cependant, si les données ne sont pas encore tout à fait consolidées pour 2023, la situation semble meilleure et les schémas d'emplois sont réalisés. En 2022, nous comptions déjà 474 ETP supplémentaires. Les schémas votés en PLF respectent la LPR. Les mesures emblématiques telles que les contrats doctoraux et les chaires de professeurs juniors doivent respecter le schéma et l'année 2023 inaugure une phase de régime permanent, qui permettra de créer ces postes.

L'augmentation des emplois scientifiques devrait donc être constatée comme prévu. En 2024, nous devrions compter 650 ETP supplémentaires issus de la LPR et 725 au total, en incluant les postes du CEA. L'objectif de 5 200 ETP supplémentaires entre 2021 et 2030 devrait être atteint. Pour 2024, 200 chaires pour professeurs juniors et 340 contrats doctoraux supplémentaires doivent être créés. Ainsi, ces derniers auront augmenté de 1 100 depuis 2020, suivant la trajectoire tracée par la LPR, que nous continuerons à suivre.

J'en viens au rapport Gillet et à la question des agences de programmes. Nous avons travaillé avec les organismes, les universités, France Universités et Udice. Nous proposons aux opérateurs de recherche que sont les établissements et les organismes d'exercer le rôle d'agences de programmes pour coordonner les autres acteurs sur une thématique particulière. Ce rôle de coordination sera formalisé par une lettre de mission et les agences ont vocation à remplacer les alliances de recherche, avec lesquelles le lien devra être fait pendant cette première année expérimentale. Une gouvernance simple et légère est proposée.

Les agences de programmes travailleront autour de thématiques, pas de disciplines. Il nous faudra mener une réflexion particulière sur le domaine des sciences humaines et sociales, mais celle-ci ne fera pas partie des agences de programmes, qui mettront les acteurs autour de la table pour relever des grands défis de société, et non pour guider des stratégies de disciplines.

En ce qui concerne l'impact budgétaire et global, vous avez mentionné des tâches supplémentaires. Certes, nous formaliserons les missions mais nous travaillerons davantage dans un cadre interministériel. Les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), aujourd'hui pilotés par un ou des ONR, pourraient constituer des projets scientifiques pilotés par ces agences. Il s'agit de formaliser ce qui est déjà fait pour traiter les grands défis avec l'ensemble des forces et des acteurs au niveau national.

Sur la question de la clause de revoyure de la LPR, nous prévoyons de vous présenter un bilan au début de l'année 2024. Ce bilan considèrera l'impact des mesures portant notamment sur les ressources humaines et l'ANR. Nous avons déjà conduit le travail en interne. Nous sollicitons à présent l'aide de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), mais aussi de l'OCDE, le bilan devant être envisagé dans un contexte européen et international.

Dans la mise en oeuvre de la LPR, nous avons déjà tenté de tenir compte de l'inflation, notamment en adoptant les mesures « Guerini », en élargissant le rehaussement des contrats doctoraux au stock des doctorants quand la LPR ne concernait que les entrants, ou en revalorisant la prime des enseignants agrégés et certifiés du secondaire affectés dans le supérieur (Esas) grâce à 50 millions d'euros supplémentaires. La réflexion est en cours et j'en présenterai l'avancement au moment du bilan.

Je reviens aux objectifs fixés en matière de chaires pour les professeurs juniors qui doivent ouvrir, après une période de contractualisation, sur des postes de professeurs ou de directeurs de recherche. Nous atteignons aujourd'hui le nombre fixé par la LPR, qui consacre plus de 1,3 milliard d'euros supplémentaires à ce dispositif, qui connaît un grand succès. En effet, nous avons compté près de 1 000 candidats pour 229 chaires ouvertes en 2021 et 2022, avant d'adopter le régime permanent des postes déployés. De plus, lors de ces deux premières campagnes, 49 % des lauréats venaient de l'étranger, alors que ce taux se situe entre 10 % et 15 % pour des postes de professeurs classiques. Ces chaires améliorent donc l'attractivité de nos postes. Elles sont également bénéfiques pour l'évolution de carrière des professeurs, selon les principes de repyramidage et de reconnaissance des missions accomplies, notamment pour les enseignants-chercheurs. Il faut cadrer ces nouveaux postes, sans oublier le reste.

S'agissant de la mission sur la rénovation de la recherche biomédicale, Anne-Marie Armanteras a remplacé Raymond Le Moign, devenu directeur de cabinet d'Aurélien Rousseau. La mission a donc pris un peu de retard et n'a démarré que début octobre. Il s'agit notamment de travailler à l'attractivité des carrières de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et nous avons déjà annoncé, avec Aurélien Rousseau, des mesures sur les retraites. Il faudra faire un bilan, en nous positionnant aussi par rapport à l'Europe et à l'international, en prenant en considération les résultats du plan Innovation Santé 2030, qui a permis la création de bioclusters ainsi que d'instituts hospitalo-universitaires (IHU) supplémentaires, lesquels constituent une force de frappe certaine en la matière. Pour entretenir le lien entre recherche fondamentale et recherche clinique, il faut associer l'ensemble des acteurs, dans les institutions mais aussi dans les laboratoires ou les hôpitaux. Il s'agit de regagner en souveraineté, ce que permettent notamment les 7 milliards d'euros du plan Innovation Santé, dont une partie porte sur la recherche et l'innovation et une autre sur le développement des marchés et de l'industrie. La mission considèrera ces enjeux au-delà du plan.

J'en viens à la question des critères. Je porte une attention particulière à la vie étudiante, ce que reflète ce budget. La première étape de la réforme des bourses a été accompagnée d'une enveloppe de 500 millions d'euros, pour agir dans les domaines de l'accès à la restauration, du logement, mais aussi afin de compenser le Cnous et les Crous pour les mesures salariales et les surcoûts énergétiques.

Pour réviser les critères, il s'agira d'abord de remettre à plat le modèle des bourses sur critères sociaux. La première étape a démarré et les étudiants peuvent déjà en mesurer les effets sur leurs comptes en banque. Par ailleurs, nous continuons de travailler avec le ministère des solidarités et des familles pour développer un nouveau modèle qui soit plus représentatif et qui permette d'aider plus et mieux ceux qui en ont le plus besoin. Il s'agit de revoir le périmètre d'attribution en faisant entrer des étudiants en difficulté. Nous avons donc choisi de ne pas appliquer un pourcentage d'augmentation aux échelons de bourse et avons préféré attribuer une somme de 37 euros, qui correspond à 6 % de l'augmentation de l'échelon le plus haut. Par ailleurs, cette première étape tient déjà compte de la question territoriale, puisque nous avons augmenté les montants de 30 euros par mois pour ceux qui étudient en outre-mer. En outre, quatre points supplémentaires sont attribués pour les étudiants en situation de handicap et les aidants.

La première étape ne constitue pas seulement une revalorisation, mais ouvre des pistes pour le nouveau modèle de bourses, qui devrait entrer en vigueur à la rentrée 2025. La plateforme ouvrant en mars, il nous faudra être prêts au plus tard pour le début 2025. Il serait trop difficile d'y parvenir pour la rentrée 2024, d'autant que nous souhaitons rester cohérents avec le travail effectué par d'autres ministères sur la solidarité à la source et développer des références budgétaires communes pour disposer d'une vision globale des aides sociales.

En ce qui concerne les Eespig, vous l'avez dit : les subventions de l'État représentent un soutien très limité. Contrairement aux établissements publics d'enseignement supérieur relevant de mon ministère, les droits d'inscription jouent un rôle majeur pour ces Eespig, qui bénéficient d'un modèle économique plus souple. Pour autant, le PLF 2023 augmentait ses subventions de 1 million d'euros par rapport au PLF précédent, pour tenir compte de la hausse du nombre d'étudiants et de la reconnaissance de ces onze établissements dont les effectifs ont augmenté et que nous continuerons d'accompagner.

La plateforme Soltéa, gérée par la Caisse des dépôts et consignations, a été lancée cette année pour faciliter la collecte de la taxe d'apprentissage. Des dysfonctionnements sont apparus, auxquels l'État a tenté de remédier en temps réel. Cette première année de campagne donne lieu à un retour d'expérience et nous sommes bien conscients des difficultés rencontrées par les établissements comme par les industriels. Aujourd'hui, l'équivalent de 72 % des montants attribués en 2022 ont été affectés, ce qui témoigne de l'effort fourni. Dès l'année prochaine, les établissements auront accès beaucoup plus tôt à une visibilité des fonds alloués pour préparer leurs budgets. Le lien sera encore renforcé entre les industriels et les établissements. De plus, les contrôles seront développés pour éviter les fraudes, qui ont bloqué la plateforme cette année. Nous travaillons pour que les choses soient plus fluides.

Enfin, nous rencontrons avec certaines nouvelles formations privées un problème de manque de transparence, notamment en matière d'affichage des frais d'inscription, ou d'absence de cohérence pour des étudiants en formation initiale. Nous travaillons avec le ministère du travail, mais aussi avec des familles et des étudiants, pour renforcer des labels existants à court terme. Dans cette perspective, nous listons des critères de transparence en matière de prix et de conditions d'inscription, d'accompagnement et de gouvernance stable.

M. Laurent Lafon, président. - Une loi sera-t-elle nécessaire pour mettre en oeuvre la réforme des bourses ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - Non. Il s'agit d'une réforme du modèle des bourses, qui ne relève pas du registre législatif.

M. Yan Chantrel. - On estime à 27 % le nombre d'étudiants vivant sous le seuil de pauvreté et nous devons répondre de façon urgente à cette précarité. À court terme, quel est l'impact des mesures prises en cette rentrée 2023 ? Vous aviez annoncé 35 000 étudiants boursiers supplémentaires et 140 000 étudiants passant à l'échelon supérieur ; où en est-on ? À plus long terme, deux propositions de réforme du modèle de bourses sur critères sociaux circulent. D'une part, une réforme systémique, défendue dans une tribune par quatorze présidents d'universités, prendrait la forme d'une allocation d'études, fondée sur l'idée d'un contrat avec les étudiants et inspirée du modèle danois. L'allocation permettrait d'offrir la garantie d'un revenu décent à tous les étudiants, ce qui favoriserait leur autonomie. D'autre part, une réforme paramétrique, proposée par le rapport de Jean-Michel Jolion sur la vie étudiante et la réforme des bourses, vise à généraliser une prime universelle de rentrée de 500 euros, à supprimer les échelons en faveur d'un mécanisme progressif sans rupture, à indexer le barème grâce à un mécanisme identique à celui qui est utilisé pour les aides sociales et à changer le revenu retenu pour le calcul, afin de privilégier le revenu fiscal de référence. Quelle option a votre faveur ?

M. Jean Hingray. - Je commencerai par saluer votre travail, madame la ministre : il est enthousiasmant de constater l'augmentation sensible du budget, même s'il reste beaucoup à faire pour les étudiants précaires.

J'associerai Pierre-Antoine Levi à ma première question, qui porte sur la loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. Le budget pour 2023 prévoyait 25 millions d'euros pour mettre en oeuvre la loi ; nous espérons 25 millions d'euros pour l'année prochaine. Ces dépenses supplémentaires ne devront pas se faire au détriment des projets lancés. Pouvez-vous revenir sur le calendrier d'adoption des décrets d'application de cette loi ? En ce qui concerne les hypothèses de travail, peut-on espérer passer de trois à cinq repas ?

Par ailleurs, en conséquence des conflits internationaux en cours, des universités ont subi de nombreuses dégradations ces dernières semaines, dont le coût peut représenter plusieurs centaines de milliers d'euros. Les frais engendrés pèseront-ils sur les budgets des universités ou les étudiants responsables seront-ils punis et intégrés au mécanisme de réparation ? Vous exercez un rôle par rapport aux présidents d'universités, qui ont bien répondu dans l'ensemble même si certains récalcitrants font preuve de lâcheté. Comment réaffirmer les valeurs de la République en ces temps difficiles ?

Mme Laure Darcos. - En ce qui concerne la biosanté, j'ai produit une note sur l'innovation thérapeutique en oncologie avec l'Opecst. Certains chercheurs ne peuvent terminer leurs essais cliniques. Il ne s'agit pas forcément de votre responsabilité et il faudrait que la mission « Santé » prévoie un fléchage vers la recherche.

Sur la question de la LPR et des chaires pour les professeurs juniors, je rappelle que les décrets d'application n'ont été adoptés qu'au bout d'un an et demi, ce qui a aussi ralenti la mise en oeuvre de la mesure. Qu'en est-il des CDI de mission, qui ont du mal à démarrer ? Ont-ils été abandonnés dans l'esprit de la loi ?

Enfin, je reviendrai une dernière fois - je l'espère - sur les logements d'étudiants réquisitionnés pour les jeux Olympiques et Paralympiques. Sachant qu'une polémique latente demeure sur le sujet, pouvez-vous clarifier votre position ?

M. Pierre Ouzoulias. - Sur les questions de trésorerie, je peine à comprendre comment les universités pourraient amasser des trésors de guerre, au moment où elles font face à des déficits structurels qui, comme l'a noté Laurent Lafon, touchent principalement les universités nouvelles, souvent de province.

Je citerai l'exemple de celle de Créteil : l'effectif d'étudiants a augmenté de 20 % entre 2017 et 2022, la subvention pour charge de service public de seulement 8 %. Le déficit structurel est considérable - 10 millions d'euros - et conduit l'université à geler tous ses recrutements pour l'an prochain, avec, pour conséquence, un taux d'encadrement qui baisse et un niveau d'échec en licence sans doute appelé à s'accroître. De manière générale, il ne faut pas s'étonner du manque d'intérêt des jeunes pour les missions de recherche s'il n'y a aucune perspective d'embauche.

L'an dernier, madame la ministre, je vous avais alertée sur la situation de l'université de Nanterre et vous aviez débloqué des crédits. Cette année, je me permets de vous alerter sur celle de Créteil, avec, je l'espère, la même réussite.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - C'est déjà fait, monsieur le sénateur !

M. Pierre Ouzoulias. - Je vous en remercie.

Mme Monique de Marco. - Alors que la précarité étudiante s'installe durablement, il faut espérer que la réforme envisagée des bourses ne soit pas une énième rustine.

Vous avez confié une mission au professeur Jean-Michel Jolion sur les conditions de vie des étudiants. Ce rapport sera-t-il publié prochainement ?

Par ailleurs, accepteriez-vous d'envisager l'instauration d'une allocation d'autonomie universelle d'études et de demander à vos services de travailler sur un tel dispositif ? C'est une demande formulée par de nombreuses associations étudiantes et 14 présidents d'université se sont prononcés dans ce sens. Au moment où vous entendez remettre à plat le système des bourses, pourquoi ne pas en discuter ? Notre groupe a déposé une proposition de loi sur ce sujet qui sera examinée en séance le 14 décembre.

M. Max Brisson. - Au-delà des bilans dressés sur la LPR, un chiffre doit nous inquiéter, celui de la part des dépenses intérieures en recherche et développement, qui stagne à 2,2 % du PIB, un niveau inférieur à certains pays comme l'Allemagne - 3 % - ou la Suède - 3,5 %. Comment expliquez-vous cette stagnation ?

De nombreux investissements ont été réalisés pour assurer la protection des étudiants, des personnels et des biens sur les campus. Quel bilan tirez-vous des mesures déjà mises en oeuvre ? Ces investissements sont-ils suffisants ?

Je me permets enfin une remarque sans lien avec le budget. Je suis très choqué d'apprendre que, dans certains campus de mon pays, des étudiants vont en cours la peur au ventre parce qu'ils sont de confession juive. Des minorités agissantes, menaçantes, violentes font, ici et là, régner la terreur à force d'apologie du terrorisme ou de diffusion d'un antisémitisme d'ambiance tout à fait insupportable.

Je sais ce qu'est l'autonomie des universités ; je l'ai défendue ici même. Pour autant, la loi de la République doit s'appliquer partout et il est de votre responsabilité, madame la ministre, qu'elle le soit. Quelle mesure envisagez-vous de prendre pour lutter plus efficacement contre ce fléau de l'antisémitisme et contre ceux qui profèrent des menaces à l'encontre d'étudiants dans certains campus de France ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je vous remercie de vos propos liminaires et de l'implication dont vous avez fait preuve pour que la loi dont je suis à l'origine soit mise en application rapidement. La somme de 25 millions d'euros est une première étape, et nous espérons que les crédits pour les années suivantes évolueront de manière favorable. La discussion avec Bercy est, je le sais, compliquée, mais vous pouvez compter sur nous pour vous soutenir dans ce dialogue car la précarité continue de gagner du terrain.

Je voudrais revenir un instant sur les propos de Max Brisson. Plusieurs étudiants m'ont fait part d'actes antisémites assez forts sur plusieurs universités toulousaines. À Toulouse Capitole, le président est intervenu rapidement : des sanctions ont été prises, avec signalement auprès du procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Ce n'est pas le cas sur le campus du Mirail, bien connu pour ses tendances islamo-gauchistes, où plusieurs manifestations ont été tolérées, entraînant des débordements. Que comptez-vous faire ? Certains étudiants ne vont plus en cours par peur pour leur santé ou leur sécurité.

M. Jacques Grosperrin. - Les fonds de roulement des universités constituent des réserves importantes, mettant celles-ci en mesure de pouvoir engager des travaux de rénovation. Vous avez indiqué que vous seriez « vigilante » quant aux situations particulières. Quel sens donner à ce terme, quand on sait que la compensation accordée par l'État en lien avec les mesures salariales est insuffisante ?

Une somme de 500 millions d'euros est consacrée à la rénovation du parc immobilier universitaire, pour un besoin estimé à 7 milliards d'euros par France Universités et un tiers du parc à l'état de passoire énergétique. Alors que la France se veut un acteur de la transition écologique, ne serait-il pas intéressant de mettre en place un plan ambitieux dans ce domaine ?

Enfin, les annonces faites quant aux conditions de réquisition des appartements du Crous sont-elles budgétisées dans le PLF 2024 ?

M. David Ros. - Je salue votre volontarisme, madame la ministre, même si l'augmentation des crédits doit être pondérée de l'inflation et de la hausse des coûts de l'énergie.

L'accroissement des moyens devrait rassurer. Or, nous ressentons diverses inquiétudes dans la communauté scientifique.

Les premières sont liées aux statuts de chercheur et d'enseignant-chercheur, sujet récurrent, mais remis d'actualité par l'attente du rapport Gillet.

Les deuxièmes ont trait au sujet des fonds de roulement. Dès lors que l'on parle d'un effort exceptionnel ponctuel destiné à répondre à des problématiques structurelles, il faudrait un engagement à ce que, à compter de l'année prochaine, ces besoins structurels soient pris en charge par l'État, et ce d'autant que ces fonds pourraient servir à la rénovation énergétique des bâtiments.

Celle-ci, qui constitue une troisième source d'inquiétudes, m'amène à la question des postes d'excellence budgétés. Qu'en est-il des postes administratifs ? Les administrations des universités et centres de recherche manquent des compétences nécessaires pour pouvoir répondre à tous les enjeux. Ne faut-il pas, aussi, budgéter des postes de qualité dans ces secteurs très complexes, comme la rénovation énergétique ?

Que pouvez-vous nous dire sur les priorités face aux défis de santé, climatiques, énergétiques et numériques. Qu'envisageons-nous en termes, notamment, de travaux avec d'autres pays européens ou de liens entre recherche publique et recherche privée ?

Enfin, avez-vous des retours sur l'incidence de la réforme du bac et de Parcoursup sur la poursuite des études dans l'enseignement supérieur ? J'ai pour ma part constaté une baisse de l'orientation vers les mathématiques ou les sciences de la vie et de la terre. Quel travail est mené, avec le ministère de l'éducation nationale, pour favoriser ces filières et accroître, dans l'avenir, le nombre d'ingénieurs et de techniciens ?

Mme Catherine Belrhiti. - Parmi les coûts engendrés par la vie étudiante, le logement constitue la problématique principale. Alors que le nombre d'étudiants ne cesse de croître, le nombre de logements disponibles dans le parc locatif privé tend à diminuer. Ainsi, environ 250 000 logements manquaient à la rentrée et les loyers explosent. L'offre est aussi trop faible en cité universitaire et résidence universitaire : l'attribution est soumise à condition de ressources, mais le nombre d'étudiants boursiers est supérieur à celui des chambres en Crous ! Enfin, l'objectif de 12 000 rénovations d'ici à la fin du quinquennat est insuffisant par rapport aux besoins réels. Dans ce contexte, quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend-il prendre ?

M. Bernard Fialaire. - Le tutorat, dont on nous a beaucoup parlé, a toujours été salué comme une excellente idée. Mais où en est-on ? Et quelle ligne budgétaire pour ce tutorat ?

Mme Mathilde Ollivier. - Me joignant aux préoccupations exprimées sur la précarité étudiante, je souhaite également connaître votre position sur l'allocation d'autonomie universelle d'études que nous proposons.

L'attractivité de notre pays aux yeux des étudiants étrangers constitue également une de vos priorités. Or, en 2024, la période de forte activité des consulats en matière de délivrance de visas étudiants coïncidera avec les jeux Olympiques et Paralympiques, qui engendreront aussi une forte demande en visas. Cette situation a-t-elle été anticipée sur le plan budgétaire et organisationnel ?

Pouvez-vous faire un point sur l'état du parc universitaire et les objectifs en matière de rénovation thermique. Les besoins sont immenses et le défi de taille !

Mme Sonia de La Provôté. - Ma première question porte sur les agences de programmes. Quelles thématiques seront retenues ? Quelle articulation avec France 2030 et, sur la partie santé, avec l'Agence de l'innovation en santé ? Compte tenu du nombre croissant d'interlocuteurs, peut-être serait-il utile de dégager des orientations communes...

Ma deuxième question porte sur les masters. Nous devrions avoir le bilan de la rentrée et, en particulier, de l'activité de la plateforme MonMaster. Certains étudiants, on le sait, ont connu des difficultés. En sait-on plus aujourd'hui ? Existe-t-il toujours des filières en tension, comme celle du droit ? A-t-on avancé sur l'idée de travailler le contenu des licences en amont pour pouvoir garantir un accès au marché sans master ?

Mme Karine Daniel. - Je voudrais insister sur les enjeux en matière de précarité étudiante, en mettant l'accent sur les services de santé dans les universités. Il arrive que les plaquettes distribuées en début d'année ouvrent des perspectives de consultation ou de prise en charge, alors que les délais d'attente dépassent en réalité l'année universitaire...

Par ailleurs, la situation budgétaire des universités constitue effectivement un point d'alerte et les annonces faites ne sont pas de nature à rassurer les présidents et présidentes d'université. Les compensations sont partielles et floues sur certains aspects. La situation est alarmante. Pour ma part, j'évoquerai le cas de l'université de Nantes, qui a voté un budget en déficit de 11 millions d'euros pour 2023, alors que ses fonds de roulement sont parmi les plus faibles. Les équipes en sont à gérer des urgences et à faire des choix difficiles, alors que l'université devrait représenter aujourd'hui une ressource de taille face aux défis à venir.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Les Français ne peuvent qu'être fiers de leurs chercheurs. J'en veux pour preuve, encore, le prix Nobel de physique récemment attribué à Anne L'Huillier et Pierre Agostini. Cela étant, si l'on en croit le parcours de ces deux lauréats, ce n'est pas la France qui leur a permis d'atteindre un tel niveau. Avez-vous des pistes de travail pour faire en sorte que nos chercheurs nationaux continuent à travailler dans notre pays ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - Je commencerai par la fin, en indiquant que nous pouvons nous réjouir des prix Nobel obtenus par nos chercheurs. Tout comme Alain Aspect l'an dernier, l'un des récents lauréats a effectué toute sa carrière en France et l'autre y a commencé sa carrière, avant de partir pour des raisons personnelles en Suède. Tous deux ont obtenu le prix Nobel sur une manipulation réalisée en France, au sein du CEA. Nous devons donc être fiers de ces récompenses, même si, c'est vrai, certains chercheurs partent et que l'attractivité doit rester un point de vigilance.

S'agissant de la précarité étudiante, je reviendrai tout d'abord sur le thème de la santé, notamment mentale. C'est en effet un point saillant depuis la crise du covid-19, nos jeunes ayant payé un lourd tribut à cette occasion. Je pourrai vous présenter, en 2024, le bilan qui va m'être adressé en décembre sur l'évolution des services de santé universitaires et qui traite, notamment, de la réduction des délais de visites ou de l'accès à tous les étudiants d'un même territoire. Le budget a été renforcé de 8 millions d'euros et 80 postes titulaires de psychologues ont été ajoutés dans les services en 2023. Enfin, nous avons demandé que le projet de recherche sur la santé mentale dit « Propsy » comprenne un volet dédié aux jeunes, en particulier aux étudiants.

Par ailleurs, plusieurs questions se posent s'agissant du modèle du système de bourses et j'y répondrai en trois points.

Premièrement, il est en effet urgent de traiter le problème de précarité étudiante, d'où la somme mise sur la table par le Gouvernement pour la première étape. Toutefois, les problématiques de précarité et d'autonomie n'appellent pas les mêmes mesures ni le même discours.

Deuxièmement, seul le Danemark a mis en place une allocation d'études, mais il faut prendre en compte le modèle dans son intégralité : ce pays compte beaucoup moins d'étudiants que la France ; son système d'entrée dans l'enseignement supérieur est plus sélectif ; l'allocation n'est versée qu'aux décohabitants.

Troisièmement, je suis personnellement contre un modèle d'allocation universelle et favorable à un modèle fondé sur des critères sociaux, même si je suis évidemment d'accord pour examiner toutes les solutions en faveur des étudiants. Sur un plan philosophique, nous avons la responsabilité d'inculquer aux étudiants, qui sont de jeunes adultes, les fondements d'un modèle social reposant sur la solidarité. Combattre la précarité étudiante, c'est aider mieux et plus ceux qui en ont le plus besoin : le système d'allocation universelle ne semble pas la meilleure solution pour cela. Sur un plan financier, un calcul très rapide montre qu'avec 2,4 millions d'étudiants en France, hors apprentis, 1 000 euros par étudiant pendant 10 mois, le budget atteindrait 24 milliards d'euros, soit le budget total de mon ministère. Ne vaut-il pas mieux conserver notre modèle et ses diverses formes d'allocations sociales - aides personnelles au logement (APL), demi-part fiscale, restauration universitaire -, plutôt qu'opter pour une règle unique coûtant extrêmement cher ?

Pour terminer sur cette question des bourses, je ne dispose pas de bilan final, mais à la fin du mois d'août, nous enregistrions 76 000 étudiants boursiers supplémentaires par rapport au même mois de l'année précédente, soit une croissance de 20 %. Cela ne signifie pas que nous resterons à ce niveau, mais nous sommes tout de même sur une pente positive, avec une croissance supérieure à ce que nous attendions.

Je suis par ailleurs tout à fait consciente des difficultés budgétaires de nos établissements. Je pense néanmoins que l'on peut relativiser ce que représente une somme de 600 millions d'euros, voire de 1 milliard d'euros, de fonds de roulement disponibles quand on la ramène à chacun des 130 établissements concernés.

Il est de bonne gestion de conserver des fonds de roulement face à des phénomènes inflationnistes ou aux risques de dépassements budgétaires inhérents à n'importe quel projet d'infrastructure. À cela s'ajoute, évidemment, l'autonomie des universités. Mais, depuis plusieurs années, nous constatons une progression régulière des fonds de roulement au moment des comptes du mois de mars. Par ailleurs, pour évaluer les fonds de roulement disponibles, nous avons bien retiré toutes les décisions prises en conseil d'administration ainsi que les 15 jours de réserve de précaution, en nous limitant aux seuls fonds disponibles pour les années à venir. Certes, ils pourraient typiquement être utilisés pour des projets de rénovation thermique - nous travaillons sur ces dossiers, notamment sur le tiers financement en lien avec la direction de l'immobilier de l'État -, mais pour l'heure nous avons des difficultés budgétaires, avec des problèmes de dettes, et il y a de l'argent disponible. J'insiste sur le caractère tout à fait exceptionnel de cette décision : ces fonds de roulement disponibles ne pourront pas être utilisés, sur les années suivantes, pour compenser la masse salariale.

J'ai annoncé, dans une interview récente au Parisien, une aide exceptionnelle de 3 millions d'euros pour la fin de gestion de l'université de Créteil, à laquelle s'ajoute une aide de 7 millions d'euros pour répondre à ses problèmes immobiliers. Il s'agit de sommes non négligeables.

Cela m'amène à la question des surcoûts énergétiques. Sur les 275 millions d'euros débloqués l'an dernier, 100 millions d'euros devaient être assis sur les coûts réels. Nous sommes donc en train de les distribuer. Je précise que ces surcoûts énergétiques, évalués en début d'année à 400 millions d'euros pour 2023, s'établissent à l'heure actuelle autour de 200 millions d'euros. Nous continuerons d'accompagner les établissements en 2024, mais il ne semble pas nécessaire, dans le contexte actuel, d'anticiper cet accompagnement.

Pour clôturer ce volet financier, j'insiste sur l'attention que nous portons au fait de ne pas pénaliser les projets ou les campagnes d'emplois des établissements avec cette autorisation exceptionnelle à utiliser les fonds de roulement pour compenser les efforts en matière de masse salariale.

S'agissant de la recherche, la mission confiée à Manuel Tunon de Lara et Anne-Marie Armanteras - mission commune du ministère de la santé et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - comportera bien un volet relatif aux budgets de recherche. Les agences de programmes ont vocation à réunir tous les acteurs autour de la table et à revoir les modalités de financement des budgets de recherche sur des enveloppes déjà existantes.

Je remercie ceux d'entre vous qui m'ont interrogée sur les jeux Olympiques et Paralympiques ; cela me permet de m'expliquer. L'accueil de cet événement planétaire engendre des besoins en termes de logements pour les agents qui viendront renforcer les services publics. Or, chaque année, 6 000 logements Crous se retrouvent vides à la fin du mois de juin en Île-de-France. Nous avons donc proposé de mettre 3 200 de ces logements à disposition, regroupés dans 12 résidences différentes. Nous avons choisi de déplacer les étudiants qui choisiront ces résidences car ceux qui restent en été le font souvent pour réviser d'éventuels concours prévus à la rentrée et leurs horaires ne nous semblent pas compatibles avec ceux d'agents publics tels que des pompiers, des membres des forces de l'ordre ou des agents médicaux. Nous leur proposerons des logements équivalents sans surcoût, en proximité, et enquêtons actuellement pour savoir à quel moment leur déménagement sera le moins dérangeant, étant rappelé qu'il s'agit de déménager une chambre étudiante, avec, en outre, un défraiement de 100 euros et 2 places offertes pour les jeux. Enfin, notons que nous récupérerons après l'événement 1 600 logements - 1 300 dans le village olympique et 300 à Lille - pour accroître l'offre de logement étudiant.

La question plus générale du logement comporte trois volets.

En matière de rénovation, nous avons lancé et financé un plan de rénovation des 12 000 logements étudiants restant à rénover, avec une enveloppe de 300 millions d'euros à l'échéance de 2027. Un complément de 25 millions d'euros a été apporté pour l'an prochain, et c'est sans compter le plan porté par le Crous.

En matière de construction de nouveaux logements étudiants, il manque environ 30 000 logements sur les 60 000 qui avaient été annoncés. Mais nous rencontrons des difficultés en termes de foncier et avons diligenté une mission sur le sujet. Nous poursuivons donc nos efforts. Nous avons déjà identifié du foncier pour bâtir 10 000 logements.

À ceux-ci, c'est le troisième point, s'ajoutent la surélévation de certaines résidences en cours de rénovation ou les projets en matière de résidences intergénérationnelles.

Nous travaillons bien, avec le ministère de l'éducation nationale, sur les réponses à apporter à la baisse d'attractivité de certaines filières. Je pense notamment à la formation des professeurs des écoles, au travail mené sur une orientation plus précoce et aux financements de France 2030 destinés à l'ouverture de formations d'ingénieurs ou sur des métiers en tension.

Nous travaillons également sur la question des postes administratifs dans le cadre des contrats d'objectifs, de moyens et de performance. Le plan France 2030 comprend par ailleurs un programme d'accélération des stratégies de développement des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, dit ASDESR, qui porte, par exemple, sur l'accompagnement des chercheurs dans les directions de projets européens, de développements économiques, de formations continues. Enfin, nous travaillons sur la montée en compétences des postes administratifs et techniques dans nos établissements ; nous pourrons en rediscuter lors de nos échanges sur le bilan de la loi de programmation de la recherche.

S'agissant du rapport Gillet, aucune modification des statuts de chercheur ou d'enseignant-chercheur n'est prévue.

Par ailleurs, les 25 millions d'euros cités par Pierre-Antoine Levi au titre de l'année 2024 constituent bien une somme supplémentaire. Nous allons travailler, d'abord, sur la multiplication des conventions pour donner accès à une restauration collective sur les campus, puis sur une carte de paiement prépayée pour les étudiants n'ayant pas accès à ces solutions de restauration. L'année 2024 nous permettra d'évaluer les coûts et le nombre d'étudiants concernés, ce qui nous offrira une meilleure perspective pour défendre le budget de 2025.

Comment expliquer la stagnation des dépenses de recherche et développement à 2,2 % de PIB ? C'est bien évidemment un point que nous devrons discuter dans le cadre du bilan de la loi de programmation de la recherche. Mais il faut bien faire la part entre ce que l'on dépense et ce que l'on injecte dans le système, et ce qui est de l'ordre du secteur privé et de l'ordre du secteur public. Or, alors que la France a perdu sur les dépenses de recherche publiques et privées, elle est très bien classée en matière d'investissement public. C'est donc une vraie question, qu'il faut regarder finement, et nous ferons un bilan sur le sujet.

Par ailleurs, nous ne lâchons rien sur les CDI de mission. Je reviens de Corse, où le président de l'université m'indique qu'il commence à y avoir fortement recours. La dynamique est donc en place.

Je tiens à clore ces réponses en évoquant la question du respect des valeurs de la République.

J'ai toujours défendu avec ferveur l'autonomie des universités et la liberté académique. Mais, je rejoins totalement les propos tenus : nos universités doivent aussi être les garantes des valeurs républicaines. J'ai écrit, le 8 octobre dernier, aux présidents de chacune d'entre elles pour rappeler ce cadre et donner une position claire : l'incitation à la haine ou à la violence, l'antisémitisme ou autres manifestations de cette nature n'ont pas leur place à l'université. Des consignes claires ont été données et nous avons construit un réseau entre les recteurs, les préfets et les présidents d'université, tel qu'on n'en a jamais vu, pour pouvoir réagir dès que possible : commissions disciplinaires, application de l'article 40, retrait des tags ou des affiches sur les campus. Pour reprendre l'exemple de l'université Toulouse 2, je précise que, pour pouvoir interdire une manifestation, y compris au sein d'une université, il faut des risques de troubles à l'ordre public et que, suite à la manifestation ayant eu lieu, la présidente a eu recours à la procédure de l'article 40. Donc, nous suivons ces phénomènes, avec des sanctions disciplinaires qui sont prises, et je peux vous assurer que, sur ces sujets, ma main ne tremblera pas.

Mais, pour finir sur un aspect plus positif, constatons aussi que, grâce à ce réseau performant et aux instructions claires, nous n'avons pas de réactions aussi catastrophiques que dans certains autres pays - ce qui n'enlève rien à la vigilance qui s'impose.

Concernant la question relative au bilan de la rentrée 2023 pour les masters, je ne dispose pas des éléments finaux. Mais, au moment de l'arrêt de la plateforme MonMaster, à la fin de l'été, le nombre de candidatures ayant reçu des propositions atteignait 156 000 candidats, soit 10 000 personnes de plus que l'an dernier, à la même date. Par conséquent, la plateforme fonctionne, même si elle peut être améliorée, sachant que nous avons ouvert plus de places en master que le nombre d'étudiants en licence, c'est-à-dire le nombre de candidats potentiels. Elle nous permettra d'établir une cartographie et d'identifier les territoires et les formations où les demandes sont trop nombreuses.


* 1 Le rapport de la commission des finances sur le bilan du financement de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) (rapport n° 790, 2022-2023) estime à près de 215 millions d'euros des crédits ouverts sur le programme 150 entre 2019 et 2022 qui n'ont jamais été utilisés.

* 2 Compensation au 1er janvier 2023 de l'augmentation de 3,5 % du point d'indice annoncé en juillet 2022.

* 3 Cf Avis n° 120 (2022-2023) « enseignement supérieur », sur le PLF 2023, du même rapporteur.

* 4 Cour des comptes, « L'immobilier universitaire », octobre 2022.

* 5 Amendement n° II-CF 2907 de M. Da Silva, rapporteur de la mission « Travail et emploi », adopté en commission des finances à l'Assemblée nationale.

* 6 La taxe d'apprentissage, due par les entreprises, est constituée de deux parts : une part principale (87 %) qui finance les formations par apprentissage, et un solde (13 %) qui finance le développement de formations initiales technologiques et professionnelles (hors apprentissage) et l'insertion professionnelle. Ce solde est perçu notamment par les établissements du second degré, les établissements d'enseignement supérieur et les centres de formation des apprentis.

* 7 Cf. compte rendu de la table ronde sur l'essor du secteur privé lucratif dans l'enseignement supérieur du 11 octobre 2023, commission de la culture du Sénat.

* 8 Baromètre de la précarité étudiante AGORAé 2023, fédération des associations générales étudiantes.

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