III. PROLONGER NOS ÉQUIPEMENTS DE SOUVERAINETÉ SANS TOUT ATTENDRE DES COOPÉRATIONS ENGAGÉES AVEC L'ALLEMAGNE

Les rapporteurs ont souhaité s'arrêter plus particulièrement cette année sur deux programmes majeurs conduits avec nos partenaires allemands concernant le char et l'avion de combat du futur ainsi que les systèmes qui leur sont associés. Si la phase d'études est en cours pour le SCAF et si elle pourrait débuter en 2024 pour le char, les industriels ne sont pas très optimistes sur les chances de succès de ces programmes. Sans remettre en cause l'intérêt de développer des coopérations avec l'Allemagne, force est de constater que l'absence de synchronisation dans les calendriers de renouvellement de ces équipements, les divergences stratégiques persistantes sur la définition des besoins et les intérêts économiques concurrents obèrent les perspectives de passage à l'étape de la production et pourraient fragiliser notre capacité de défense sur la période 2030-2050.

Il faut assurer la permanence de notre défense dans la période qui précédera l'aboutissement des coopérations européennes tout en nous prémunissant de leur éventuel non-aboutissement. À cet égard, l'année 2025 constitue une date clé pour prendre des décisions stratégiques concernant le renouvellement des deux équipements majeurs que sont le char Leclerc et le Rafale. Il n'y a pas de raisons objectives de repousser des décisions devenues incontournables pour notre sécurité et indispensables pour préserver un équilibre dans les partenariats avec l'Allemagne.

A. PRÉSERVER LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS EN MATIÈRE DE BLINDÉS SANS POUR AUTANT RENONCER AU MGCS

L'audition du ministre des armées le 11 octobre 2023 n'a pas permis répondre à toutes les interrogations soulevées par le programme MGCS. Si des efforts ont été faits par les gouvernements français et allemand pour lancer en 2024 la phase d'études avec la signature d'un document consignant les exigences opérationnelles des deux pays, on ne peut ignorer le caractère politique de cet accord qui ne repose sur aucune stratégie industrielle partagée. La question de l'avenir de notre capacité blindée à moyen terme reste posée.

Certes, le programme MGCS qui était au point mort a été relancé cet automne en recourant à la méthode des piliers utilisée pour le SCAF. Pour autant, l'horizon de ce programme demeure encombré par de nombreux nuages : des doutes sur l'intérêt des industriels allemands perdurent, le Gouvernement allemand continue à privilégier une solution associant Rheinmetall à KMW et le calendrier accuse un retard substantiel puisque la première capacité opérationnelle n'est pas attendue avant 2040-2045.

Les études technologiques de ce nouveau système de combat terrestre devraient avoir lieu en 2024 ou 2025, selon le ministère des Armées. 7 à 8 piliers sont envisagés qui concerneraient les plateformes, les systèmes d'information et de communication, les effecteurs, les senseurs, les moyens de protection... Le Ministère des Armées estime que la qualité de la fonction feu du Leclerc justifie que Nexter puisse être chargé de « proposer une nouvelle arme performante offrant un potentiel d'évolution vers des munitions plus performantes et intelligentes ». Nos industriels disposent également de compétences solides en terme de navigation autonome/robotisation de la fonction mobilité, de protection passive et réactive, de systèmes d'information...

Les rapporteurs considèrent que les industriels français doivent pouvoir contribuer au développement du MGCS en prenant la responsabilité des fonctions dans lesquelles leur excellence est reconnue à l'image de la fonction feu. À cet égard, Nexter a rappelé aux rapporteurs les synergies existantes entre la fonction feu des blindées et celle des systèmes d'artillerie. Les rapporteurs sont convaincus que la perte de compétence sur la première aurait immanquablement des conséquences sur la seconde.

Si la France et l'Allemagne ont réaffirmé leur volonté de poursuivre le programme MGCS, il n'est plus possible d'ignorer le fait que Rheinmetall ne considère pas ce projet comme prioritaire comme l'illustre sa décision, soutenue par le Gouvernement allemand, de répondre à l'appel à projet de la Commission européenne pour un futur blindé (F-MBT) en excluant la partie française de KNDS.

Dans ces conditions il apparaît indispensable de préparer dès aujourd'hui des évolutions supplémentaires du char Leclerc d'autant plus que la mise à niveau dont il fait l'objet aujourd'hui (21 exemplaires rénovés livrés en 2024) ne lui permettra pas d'être prolongé jusqu'à 2040-45. Parmi les scénarios envisageables, deux sont à examiner plus particulièrement : une rénovation complète des chars Leclerc qui viserait à les prolonger en modernisant leur moteur et leur boîte de vitesse ou la réalisation d'un nouveau char qui s'appuierait sur les compétences de KNDS (E-MBT) et pourrait être exporté.

Recommandation n°6 : compte tenu des retards et incertitudes qui entourent le programme MGCS, les rapporteurs estiment indispensable de garantir nos équipements blindés sur la période 2030-2050. Ils considèrent essentiel que le Gouvernement examine rigoureusement en 2024 les avantages et les inconvénients des principaux scénarios envisageables (rénovation intégrale du Leclerc ou choix d'un nouveau matériel) pour conserver une capacité blindée souveraine jusqu'en 2050.

Partager cette page