III. RENFORCER LA LUTTE CONTRE LE SQUAT, MIEUX PRÉVENIR LES IMPAYÉS ET LES EXPULSIONS

La commission a approuvé les mesures contre le squat qui sont d'ailleurs partiellement issues de la PPL 4 ( * ) présentée par le rapporteur et qui a été votée par le Sénat, le 19 janvier 2021.

« Que de temps perdu depuis le vote du Sénat en 2021 ! »

Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis

Concernant l'accélération des procédures du contentieux de l'impayé et de l'expulsion, la commission a approuvé, là aussi, l'objectif général . Il est établi que ce contentieux décourage les propriétaires d'investir et de proposer des logements à la location de longue durée pour préférer des meublés de tourisme par exemple. Cette protection exagérée se retourne donc contre les locataires et se traduit par une pénurie de logements à louer.

Pour autant, la commission a décidé de proposer des modifications importantes au texte.

A. RENFORCER LES SANCTIONS CONTRE LE SQUAT SANS PÉNALISER LES LOCATAIRES

Comme cela avait été fait dans la PPL votée par le Sénat, la commission a distingué strictement entre les squatteurs et les locataires en difficulté, alors que les formulations retenues par l'Assemblée nationale aux articles 1 er A et 2, en remplaçant notamment un « et » par un « ou » et en ne mentionnant pas l'entrée frauduleuse dans le local économique ou d'habitation, pouvaient faire craindre un amalgame (amendements Com-52 et Com-53 ).

La commission a, en outre, inclus à l'article 2 les apports du texte voté au Sénat, notamment l'aide de l'État à la victime du squat pour prouver qu'il s'agit de son domicile .

À l'article 2 bis , si le principe de l'exonération de responsabilité du propriétaire en cas d'occupation illicite a été approuvé, elle doit être réservée aux propriétaires de bonne foi et éviter absolument que des marchands de sommeil ne cherchent à utiliser ce dispositif ( Com-54 ).

À l'article 2 ter , la pérennisation du dispositif de logement intérimaire est bienvenue, mais la commission a voulu protéger son développement en empêchant toute requalification en bail classique, ce qui retirerait tout intérêt à cette solution bénéfique pour tous ( Com-55 ).

B. FACILITER LA PRÉVENTION PRÉCOCE DES IMPAYÉS ET DES EXPULSIONS

En matière de procédure d'impayé et d'expulsion, la commission a adopté plusieurs amendements.

Elle a estimé contraire à un procès équitable de soumettre un certain nombre de décisions à des demandes des locataires, car ceux-ci sont peu conscients de leurs droits, peu présents à l'audience (moins de 40 %) et bénéficient peu de l'aide juridictionnelle. Dès lors, soumettre l'établissement d'un échéancier d'apurement à la demande du locataire, alors qu'il pourrait figurer dans le diagnostic social et financier ou être proposé par le propriétaire lui-même, est contreproductif. De même, il n'est guère concevable de ne pas permettre au juge de vérifier le montant de la dette locative ou que le logement respecte bien les conditions de décence . Si l'on comprend la volonté de responsabilisation du locataire, cela passera plus par un accompagnement social adéquat que par une réduction de ses droits ( Com-56 ).

Sécuriser les bailleurs en sécurisant les solutions amiables

La commission a également proposé de sécuriser pour le propriétaire les exigences de la période pendant laquelle la poursuite du bail est suspendue au respect de l'échéancier fixé par le juge et qui pourrait, en l'état du droit, faire l'objet d'une cassation selon les informations recueillies par le rapporteur.

En matière de délais, si la commission est favorable à la réduction des délais une fois la décision d'expulsion prise et contre les locataires de mauvaise foi , elle estime contreproductif de trop réduire la période pendant laquelle la majeure partie des impayés se résolvent , c'est-à-dire entre le commandement de payer et l'assignation. Six semaines (plutôt qu'un mois et au lieu de deux actuellement) semblent un minimum, en pratique, pour les acteurs du secteur ( Com-57 ).

La commission a, de plus, souhaité des progrès en matière d'indemnisation des bailleurs privés auxquels est refusé le concours de la force publique pour recouvrer leur bien. Aujourd'hui, seulement 50 % seraient indemnisés, et encore partiellement. L'article 40 ne permet pas de rendre cette indemnisation intégrale et automatique comme cela devrait être le cas, mais la commission a adopté un amendement qui impose que ses modalités soient définies par un décret, ce qui permettra déjà de sortir du maquis de la jurisprudence et des pratiques variables des préfectures ( Com-61 ).

Enfin, la commission a sensiblement amélioré la prévention des expulsions. À la suite du rapport du député Nicolas Démoulin 5 ( * ) et de celui de la Cour des comptes, on sait que la prévention n'est pas assez précoce, que les services sociaux n'ont pas assez de temps pour réaliser les diagnostics sociaux et financiers, et que les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions, les CCAPEX, n'ont pas les moyens de leur action, de même que le système d'information qu'elles utilisent est insuffisamment nourri et interfacé.

C'est pourquoi, en travaillant avec l'Agence nationale pour l'information sur le logement, l'ANIL, et son réseau départemental des ADIL, avec la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, la DIHAL, ainsi qu'avec les commissaires de justice et d'autres acteurs du secteur, le rapporteur a proposé d'avancer de un à trois mois, selon le département, le seuil à partir duquel un commandement de payer est transmis aux CCAPEX, soit à partir de deux mois d'impayé .

Parallèlement, serait avancé d'autant le moment à partir duquel un Diagnostic social et financier, un DSF, doit être réalisé, ce qui permettrait ainsi d'augmenter de 50 % le temps de sa réalisation en le portant de deux mois à trois mois. Il faut savoir qu'aujourd'hui le DSF n'est réalisé que pour un tiers des audiences. Pourtant, sans cet outil, comment accompagner sérieusement les locataires en difficulté ?

La commission a en outre décidé de créer un nouveau chapitre dédié à l'amélioration de l'accompagnement social des locataires en difficulté, et de donner aux CCAPEX les moyens d'agir ( Com-59 et Com-60 ) .

Pour cela, la commission a introduit plusieurs dispositions nouvelles permettant :

- d'impliquer les métropoles qui sont les gestionnaires des Fonds de solidarité pour le logement ;

- de donner aux CCAPEX les moyens de mobiliser les aides, de déclencher des mesures d'accompagnement social personnalisé de niveau 3, les MASP, et de pouvoir s'assurer du versement des APL si les ménages en ont le besoin ;

- de s'assurer que les CCAPEX disposent tout au long de la procédure des informations clefs pour soit mener leur mission préventive, soit éviter qu'un ménage ne se retrouve à la rue ;

- de lever les freins en matière de partage de l'information pour que les membres des CCAPEX puissent disposer des éléments qui leur sont nécessaires.

Par exemple, lors de la transmission du commandement de payer, les commissaires de justice pourront désormais transmettre aux CCAPEX les coordonnées, notamment le numéro de téléphone portable, et les informations socioéconomiques dont ils disposent sur les locataires. Cela leur est aujourd'hui interdit en raison du secret professionnel alors même que les services sociaux ne disposent pas de l'information et, bien souvent, ne peuvent pas joindre facilement les locataires en difficulté ! Ce sera une vraie avancée.


* 4 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-081.html

* 5 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/RapportDEMOULIN-PEX.pdf

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