B. DES FREINS IMPORTANTS AU DÉVELOPPEMENT DE LA PRATIQUE DU SPORT À L'ÉCOLE

La pratique du sport à l'école prend principalement deux formes :

- les cours d'EPS, obligatoires et inscrits dans les programmes scolaires ;

- le sport scolaire qui se caractérise par une pratique facultative d'un sport en dehors du temps scolaire , mais tout en gardant un lien fort avec l'école ou l'établissement : il est animé par des enseignants bénévoles pour le primaire, et des enseignants d'EPS dans le cadre de leurs heures obligatoires de service 1 ( * ) pour le secondaire.

1. Des difficultés au sein du ministère de l'éducation nationale dans le déroulé des cours d'EPS

• Dans les textes, la France se trouve sur le podium en termes de volume horaire d'enseignement physique et sportif (EPS)

Part de l'instruction obligatoire de l'enseignement physique dans le temps global d'instruction obligatoire (%)

(Source) Regards sur l'éducation, indicateurs de l'OCDE, 2021

La France est l'un des pays de l'OCDE disposant sur l'ensemble de la scolarité d'un volume horaire obligatoire d'EPS parmi les plus élevés .

L'EPS constitue l'une des huit composantes du socle commun de connaissances et de compétences. Il s'agit d'ailleurs de la seule discipline présente à tous les niveaux de scolarité.

Au primaire

Au collège

Au lycée

heures hebdomadaires en moyenne (108 heures annuelles)

heures hebdomadaires
en 6 ème , puis 3 heures hebdomadaires
dans les autres niveaux

heures dans le tronc commun

• L'instauration d'un enseignement renforcé sur les activités et pratiques sportives au lycée dans le cadre de la construction professionnelle du jeune

Dans le cadre de la réforme du lycée, un nouvel enseignement de spécificité « éducation physique, pratiques et culture sportives » a été créé en 2021 au sein de la voie générale. Il s'adresse aux élèves souhaitant poursuivre leurs études et parcours professionnels dans des métiers tels que la santé et le bien-être, l'enseignement, l'entraînement, la gestion, la communication, le secteur évènementiel, la recherche et la sécurité.

élèves de première répartis dans 94 lycées

Depuis la rentrée 2018, il existe de nouveaux enseignements en baccalauréat professionnel par une mention complémentaire animation et gestion de projets dans le secteur sportif (MC AG2S).

élèves répartis dans 61 établissements

Par ailleurs, un parcours de formation (Unité facultative secteur sportif ou UF2S) visant une bi-qualification vient d'ouvrir depuis la rentrée 2021 à des élèves de classe de première dans cinq baccalauréats professionnels (assistance à la gestion des organisations et leurs activités ; métiers du commerce et de la vente ; métiers de l'accueil ; métiers de la sécurité ; animation enfance et personnes âgées).

• Un non-respect des horaires d'enseignement obligatoire de l'EPS en primaire

Dans son rapport de 2019, la Cour des comptes pointait le non-respect des 3 heures hebdomadaires d'EPS à l'école primaire : « Dans le primaire, l'EPS est une variable d'ajustement des emplois du temps. Son enseignement n'est pas assuré conformément au programme » 2 ( * ) .

Dans ce rapport, le ministère de l'éducation nationale estime d'ailleurs l'horaire moyen hebdomadaire d'EPS à 1 heure 30, soit la moitié de l'obligation règlementaire .

De nombreux enseignants du primaire ne se sentent pas armés pour pouvoir délivrer cet enseignement. Les modules dédiés à l'EPS ont diminué ces dernières années que ce soit lors de la formation initiale ou continue . Or, dans le même temps, le nombre de conseillers pédagogiques EPS, chargés d'accompagner les enseignants ou de contribuer à la formation initiale et continue est également en baisse ces dernières années.

Ce non-respect des horaires limite l'acquisition des compétences par l'élève, mais aussi sa découverte d'un sport, alors même que pour de nombreux élèves du primaire, l'EPS est la seule occasion de la pratique sportive.

Conscient de ce problème, le ministère de l'éducation nationale a fait du respect des trois heures hebdomadaires d'EPS l'une des conditions pour obtenir le label « Génération 2024 » .

Enfin, le nombre d'enseignants d'EPS a diminué de 800 ETP depuis le début du quinquennat, dans un contexte de forte hausse démographique dans le secondaire.

2. Le sport scolaire : une pratique inégale en fonction des niveaux scolaires et des établissements

• L'USEP (union sportive de l'enseignement du premier degré) et l'UNSS (union nationale du sport scolaire), socles du sport scolaire

Pourcentage d'enfants pratiquant un sport scolaire (dans le cadre de l'USEP ou de l'UNSS)

Principalement développée au collège , la pratique sportive scolaire s'effondre lors du passage au lycée .

Entre établissements, les écarts sont importants : dans les collèges des zones rurales, près d'un élève sur trois est licencié dans son association sportive scolaire.

Le développement de la pratique du sport scolaire au primaire reste freiné par l'absence d'association sportive dans chaque école - à la différence du secondaire. Elle empêche la possibilité pour un enseignant du premier degré volontaire souhaitant mettre en place une pratique sportive en dehors du temps scolaire, de pouvoir se greffer facilement sur un socle juridique préexistant.

Comme les clubs sportifs, le sport scolaire a fortement été touché par la pandémie de la covid-19 : l'USEP a ainsi constaté en 2020 une diminution de 30 % de ses licenciés.

La tendance pour la rentrée scolaire est néanmoins encourageante : le nombre d'enseignants et d'élèves du primaire affiliés à l'USEP, début octobre 2021, est supérieur à celui d'octobre 2019.

• Le développement des sections sportives scolaires pour une pratique sportive plus soutenue

Les sections sportives scolaires visent à permettre au jeune de bénéficier d'un entraînement plus soutenu dans une ou plusieurs disciplines sportives proposées par l'établissement scolaire, tout en poursuivant une scolarité normale . Orientées initialement vers l'inclusion, la mixité et la lutte contre le décrochage scolaire, la circulaire du 20 avril 2020 vise à réaffirmer le caractère sportif de ces sections.

Ces sections doivent contribuer à la formation de jeunes sportifs de bon niveau et de futurs éducateurs, arbitres, officiels. Elles doivent permettre aux élèves d'atteindre un bon niveau de pratique sans pour autant avoir pour objectif la formation de sportifs de haut niveau.

sections sportives scolaires

Les sports collectifs représentant la moitié de celles-ci. Le collège accueille 80 % de ces sections, soulignant la rupture de la pratique sportive au lycée.

3. Un manque de concertation et une difficulté d'accès aux infrastructures sportives
a) Un fonctionnement en silo

De manière inédite, la circulaire du 23 juin 2021 « sport-éducation » met en lumière - autour de huit priorités - l'ensemble des mesures existantes pour renforcer la pratique sportive à l'école. Ce texte appelle à « mieux faire ensemble, les mesures relatives au développement du sport dans les espaces et les temps éducatifs témoignent de cette volonté de rapprocher l'ensemble des acteurs ».

Aussi, il est regrettable que ceux-ci n'aient pas été associés à l'élaboration de cette circulaire, alors même qu'ils sont explicitement mentionnés comme partenaires pour la réalisation des huit objectifs .

Il ressort des auditions menées par le rapporteur que ni les collectivités territoriales, ni les associations du sport scolaire comme l'USEP et l'UNSS, ni même les syndicats d'enseignants, n'ont été associés en amont
de la publication de cette circulaire.

Le rapporteur rappelle que les collectivités territoriales, notamment les communes et leurs groupements, sont des acteurs majeurs du développement de la pratique sportive scolaire, que ce soit dans le cadre du temps d'instruction obligatoire ou en marge du temps scolaire :

- 80 % des infrastructures sportives leur appartiennent ;

- elles mettent à disposition des éducateurs sportifs qui peuvent intervenir dans les écoles pour épauler les enseignants ;

- elles subventionnent des clubs sportifs intervenant à l'école ;

- elles participent à l'acquisition de petits matériels sportifs pour les établissements scolaires.

b) Un accès inégal aux infrastructures sportives

L'accès aux infrastructures est un problème récurrent pour la pratique du sport en France. Les conditions d'exercice de l'EPS, les sports proposés en matière de sport scolaire dépendent fortement de l'accès à des équipements sportifs de proximité.

Des équipements tels que les patinoires n'existent que dans les grandes villes et métropoles. L'accès aux piscines et souvent problématique. D'ailleurs, un tiers des classes élémentaires ne bénéficie pas d'une offre de bassins satisfaisant . Faute d'équipements suffisants, la pratique de l'EPS et le sport scolaire se trouvent en concurrence , pour l'utilisation des infrastructures avec les clubs sportifs ou les particuliers.

Pour l'association des maires de France, cette problématique est particulièrement sensible pour les écoles et établissements situés en zone rurale , où toute pratique confondue, le déficit d'équipement est important.

Le rapporteur souligne la nécessité de ne pas oublier les territoires ruraux dans la construction d'ici 2024 de 5 000 équipements sportifs de proximité annoncés par le Président de la République le 13 octobre dernier .

4. Quels moyens budgétaires pour mettre en oeuvre les objectifs multiples assignés à l'école en matière de pratiques et savoirs fondamentaux sportifs ?

• Des moyens très limités alloués par l'Éducation nationale aux trois actions phares de la circulaire du 26 juin 2021 en faveur de la pratique du sport à l'école

La circulaire du 26 juin dernier met en avant trois dispositifs se trouvant au coeur de l'action du ministère : les deux premiers, le « savoir-nager » et le « savoir-rouler à vélo », constituent la première priorité énumérée par cette circulaire : « le renforcement de savoirs fondamentaux par la pratique sportive ». Le label « génération 2024 » s'inscrit dans le « plan héritage 2024 » des jeux Olympiques et Paralympiques, afin d'encourager la pratique sportive et physique des Français.

« savoir-nager »

Le dispositif « savoir-nager », visant à sécuriser le plus tôt possible - dès 4 ans - les enfants dans l'eau, est financé uniquement par l'Agence nationale du sport : 3 millions d'euros sont prévus en 2022 à travers des projets d'appels à intérêts - après 1,7 million d'euros en 2020 et 1 million d'euros en 2019.

« savoir-rouler

à vélo » (SRAV)

entre 2018 et 2020

Le SRAV « vise le développement de la pratique du vélo en toute sécurité avec l'objectif à terme que tous les enfants entrant au collège maîtrisent la pratique de manière autonome dans des conditions réelles de circulation, à des fins de mobilité ».

Avant cette année et bien que lancé en 2018, le SRAV n'a fait l'objet d'aucun financement dédié ce qui, selon le ministère, « freine son déploiement » .

Des moyens ont enfin été débloqués dans le cadre du comité interministériel à la ville du 29 janvier 2021 : 200 000 euros ont été attribués à l'ANS et fléchés pour le SRAV.

Le contrat d'économie d'énergie « Génération Vélo » doit allouer 21 millions d'euros sur trois ans, en s'appuyant sur un cofinancement des collectivités territoriales.

« Génération 2024 »

supplémentaire

Le déploiement du label Génération 2024 se fait à moyens constants , en s'appuyant sur la mobilisation des ressources humaines.

Au niveau académique, les moyens humains correspondent à l'activité dédiée à la promotion et au développement de ce label - estimé par le ministère à 15 % du temps de travail des référents Génération 2024 .

L'ensemble des moyens humains - nationaux et académiques - consacrés à ce label est estimé à 12 ETP de cadres et 0,3 ETP de secrétariat.

• Un budget alloué au sport par l'Éducation nationale constitué par une valorisation surestimée du temps d'enseignement

Selon le « jaune budgétaire » relatif à l'effort financier public dans le domaine du sport, annexé au PLF 2022, la participation de l'Éducation nationale se limite pratiquement à la seule valorisation du salaire des enseignants assurant les cours d'EPS et l'encadrement du sport scolaire .

Crédits budgétaires mobilisés dans la mission « enseignement scolaire »
en faveur du sport (LFI 2021)

Programme

Montant
(en milliard d'euros)

Programme 140 : enseignement élémentaire

2,21

Programme 141 : enseignement secondaire

Dont : enseignement au collège

enseignement général et technologique au lycée

enseignement professionnel sous statut scolaire

2,18

1,25

0,72

0,21

Programme 230 : vie de l'élève, action santé scolaire

0,05

Total

4,44
(dont 0,05 milliard hors titre 2).

Source : rapport relatif à l'effort financier public dans le domaine du sport, « jaune budgétaire », PLF 2022

Ces crédits constituent, en dehors des mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la crise de la covid et du plan de relance, le principal poste de dépenses de l'État en matière sportive.

Néanmoins, cette valorisation à 4 milliards d'euros des crédits alloués par la mission « enseignement scolaire » en faveur du sport interroge.

Le non-respect de moitié des heures d'enseignement remet fortement en cause la valorisation du temps d'enseignement dans le primaire.

Au final, le budget alloué se rapproche davantage de 3,3 milliards d'euros, soit 25 % de moins que celui annoncé par les chiffres inscrits dans les documents budgétaires.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 10 novembre 2021, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2022.


* 1 Les enseignants d'EPS dans le secondaire ont deux heures obligatoires de service de plus que leurs homologues des autres disciplines. Ils doivent consacrer 3 heures (sur 17 heures pour les professeurs agrégés d'EPS et sur 20 heures pour les professeurs et chargés d'EPS) au développement de l'association sportive et à l'entraînement de ses membres.

* 2 L'école et le sport : une ambition à concrétiser, Cour des comptes, 2019.

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