TRAVAUX DE LA COMMISSION

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I. AUDITION, EN COMMUN AVEC LA COMMISSION DES LOIS,
DE M. OLIVIER VÉRAN,
MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ

(Mardi 26 octobre 2021)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous auditionnons Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, dans le cadre de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. Cette audition est commune à la commission des affaires sociales et à la commission des lois.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - C'est la onzième fois que je me présente devant vous pour une audition sur la gestion de la crise sanitaire. Le projet de loi que je vous présente a trait non plus à l'urgence sanitaire, mais à la vigilance sanitaire, car le contexte n'est plus le même. En effet, alors que, précédemment, les hôpitaux se remplissaient et que les cas se comptaient par dizaines de milliers, justifiant un état d'urgence localisé ou national, nous avons aujourd'hui 5 000  contaminations par jour et une charge hospitalière moins importante. Pour autant, la vigilance reste nécessaire, car le virus ne disparaitra pas à court ou moyen terme.

Toute l'Europe est soumise à une augmentation de la pression épidémique. L'impact est réel en Europe de l'Est, moins vaccinée : on observe un taux d'incidence de plus de 700 cas pour 100 000 en 7 jours en Roumanie, en Lettonie, en Bulgarie ou encore en Slovénie.

En Europe occidentale, il y a le cas britannique, avec une vaccination insuffisante, et la décision politique d'arrêter les mesures de gestion de la crise : le Royaume-Uni enregistre 45 000, voire, bientôt, 50 000 cas par jour. La charge hospitalière commence à peser et des questions sont posées au plus haut niveau de l'État : les citoyens du Royaume-Uni pourront-ils célébrer les fêtes ; un passe sanitaire devra-t-il être mis en place ? La croissance de l'épidémie n'y est plus maîtrisée et la couverture vaccinale est inférieure à celle de la France.

Nos voisins allemands, dont la couverture vaccinale est plus faible que chez nous, dépassent les 13 000 cas par jour, nombre qui augmente. Le taux d'incidence y est plus élevé qu'en France, à l'instar de la Belgique et des Pays-Bas. Seuls les pays du sud de l'Europe, de par leur climat plus sec et chaud, sont moins concernés par une reprise de l'épidémie, mais, nul doute que l'Espagne et l'Italie connaîtront prochainement une croissance épidémique comme la nôtre.

Au cours des six prochains mois, a minima jusqu'au mois d'avril, les conditions climatiques seront favorables à la circulation du virus. En février prochain, la situation sanitaire permettra-t-elle de ne plus activer les outils de gestion de crise ? Non, aucun expert sérieux ne le pense. Et a fortiori en janvier. Si le Parlement devait réexaminer un projet de loi en février, celui-ci serait présenté en janvier, au coeur de l'hiver où la circulation virale est la plus forte - et la covid-19 n'échappe pas à cette règle, comme nous l'avons vu l'année dernière.

Pour autant, nous ne serons pas forcément contraints d'activer tous les outils dont nous vous demandons la création ou la prolongation. Nous ne les mettrons en oeuvre que si la situation sanitaire l'exige. On observe désormais une décorrélation entre la pression épidémique et la pression sanitaire. La plus grande étude mondiale sur l'impact de la vaccination - une étude française portant sur 11 millions de personnes vaccinées et 11 millions de personnes non vaccinées - indique que le vaccin permet d'éviter 92 % des cas d'hospitalisation quand les personnes ont plus de 50 ans. Autrefois, 30 000 cas entraînaient plusieurs milliers d'hospitalisations et plusieurs centaines de décès. Aujourd'hui, grâce à la vaccination, l'impact n'est plus du tout le même. D'ailleurs, la quatrième vague montre bien cette décorrélation entre le nombre de contaminations et le nombre de cas graves.

Les conditions climatiques exacerbent de 30 % environ la circulation des virus respiratoires, dont la covid-19. Mais, par ailleurs, le passe sanitaire et les mesures de gestion encore en vigueur, dont l'application des gestes barrières, réduisent d'environ 30 % la circulation du virus. Ces dernières sont donc utiles, comme le montre l'exemple d'outre-Manche.

De nouveaux variants peuvent également apparaître. Un sous-type du variant Delta est actuellement en circulation, le AY.4.2, apparu au Royaume-Uni. Les premières études britanniques attestent d'une contagiosité supérieure de 10 à 15 % à celle du variant Delta. Il se propage vite et représente déjà 6 % des cas observés au Royaume-Uni. L'histoire se répétant, il est sans doute déjà présent en Europe.

Dans les prochains mois, nous avons des raisons d'espérer, avec la vaccination et nos outils de gestion sanitaire, notamment le passe sanitaire. Il importe cependant de rester vigilants, avec ce nouveau sous-variant et l'arrivée de l'hiver. Cette situation durera jusqu'au mois de mai, voire juin ou juillet. C'est pourquoi le Gouvernement demande à la représentation nationale de lui donner la possibilité, si la situation l'exige, de prolonger la mise en oeuvre des outils nécessaires pour protéger la population, comme le passe sanitaire, et de prendre des mesures plus lourdes dont l'état d'urgence localisé, et ce jusqu'au 31 juillet 2022. Les députés, qui se sont déjà prononcés sur ce texte, ont, dans leur majorité, accordé leur confiance au Gouvernement. Un tel dispositif n'empêche pas d'échanger et de débattre, et je viendrai volontiers en février prochain pour discuter avec vous de la situation sanitaire. Vous le savez, chaque fois que vous m'avez sollicité, je suis toujours venu répondre à vos questions.

Enfin, vous noterez que le Gouvernement vous demande de prolonger ces mesures jusqu'au 31 juillet, soit huit mois seulement. Le Parlement a déjà accordé des prolongations plus longues, de dix mois.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je vous remercie tout d'abord pour votre disponibilité personnelle, importante dans ce contexte de crise de la covid-19. Je remercie aussi le Gouvernement d'avoir respecté la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire s'agissant de l'information sur les effets économiques et sanitaires du passe sanitaire.

Le but de cette audition n'est pas d'ouvrir le débat, mais d'avoir des précisions et d'éclairer les positions que nous devrons prendre dès demain en commission, puis en séance publique à partir de jeudi prochain. Aussi, je me limiterai à vous poser quelques questions.

Dans ses avis des 5 et 6 octobre, le conseil scientifique estime que le passe sanitaire a joué un rôle déterminant dans l'accélération de la vaccination, mais, pour autant, il considère que son rôle en termes de protection des individus est plus difficile à mettre en évidence. En effet, celui-ci a été mis en place début août alors que l'épidémie liée au variant Delta a décru vers le 20 juillet. Avez-vous des précisions sur l'utilité du passe sanitaire quant à la prévention des contaminations ?

Ensuite, si la contagiosité du virus, avec ses nouveaux variants, augmente, sa létalité diminue. La situation diffère donc de celles que nous avons connues jusqu'à présent : quel est le danger actuel du virus, dès lors que la vaccination est massive en France, succès qu'il faut saluer, et que les personnes contaminées sont plus jeunes et plus résistantes ? Nous combattons avec les mêmes armes une maladie qui a évolué. Quelle est votre appréciation de la situation ?

Par ailleurs, vous avez relevé le rôle préoccupant des nouveaux variants, l'arrivée de l'hiver et la propagation de l'épidémie en Europe de l'Est et en Grande-Bretagne, mais de nouveaux traitements préventifs et curatifs apparaissent : comment peut-on anticiper leur mise à disposition auprès des prescripteurs et des patients ?

Enfin, se pose la question de la poursuite de la vaccination. Avons-nous atteint un plafond ou pouvons-nous espérer avoir encore quelques marges ? En France, 14 % des personnes âgées de plus de 80 ans ne sont pas vaccinées, contre 5 % dans certains pays voisins. Que faire pour augmenter leur taux de vaccination ? Les premières vaccinations ralentissent, laissant présager que ce sera sans doute aussi le cas des secondes : envisagez-vous de nouveaux moyens de communication pour inciter à la vaccination ? Enfin, le Gouvernement entend-il recommander la généralisation de la troisième dose, compte tenu de la baisse d'efficacité du vaccin dans le temps ?

Mme Pascale Gruny , rapporteur pour avis . - Je vous remercie à mon tour pour votre présence ; nous avons toujours plaisir à vous entendre en commission et dans l'hémicycle.

Je commencerai par vous poser une question plus générale. Les masques et le gel sont-ils encore nécessaires et utiles ? On le voit, de plus en plus de personnes ne portent plus le masque, le portent mal ou veulent l'enlever. Il serait bienvenu de rappeler qu'ils sont utiles et qu'ils doivent couvrir le nez...

L'obligation vaccinale pour certaines personnes est en vigueur sur tout le territoire depuis le 15 octobre, mais, dans certains territoires, en particulier dans les Antilles et en Guyane, force est de constater que le taux de vaccination est particulièrement bas dans les établissements de santé et médico-sociaux. Vous avez récemment indiqué que la loi devait s'appliquer partout, mais, avec votre collègue chargé des outre-mer, vous faites preuve d'une certaine tolérance. Cette souplesse n'est-elle pas d'autant plus paradoxale que la situation des outre-mer a justifié un retour à l'état d'urgence ? Comment conciliez-vous l'impératif de continuité des soins et le respect de la loi ? Je rappelle que le Sénat avait rejeté lors de la discussion du précédent projet de loi un amendement tendant à suspendre l'obligation vaccinale pour raisons de service...

Ensuite, les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) préconisent une dose de rappel pour les soignants. Prévoyez-vous d'adapter le schéma vaccinal pour prendre en compte, voire rendre obligatoire une troisième dose ? Je rappelle que la commission des affaires sociales avait choisi de dissocier le schéma vaccinal requis pour le passe sanitaire de celui qui permet de satisfaire à l'obligation vaccinale, en vue d'anticiper de telles évolutions.

Par ailleurs, je souhaite vous interroger sur la modification de l'article 13 de la loi du 5 août précitée proposée par le projet de loi, qui concerne les modalités de contrôle du respect de l'obligation vaccinale. Vous revendiquez une dérogation générale au secret médical, sans préciser, ni dans l'étude d'impact ni dans le dispositif, les personnes qui pourront accéder au fichier SI Vaccin. Quelle est votre conception de la protection du secret médical quand il concerne l'épidémie de covid-19 ? La simplicité opérationnelle ne justifie pas tout. Si une dérogation peut s'entendre pour les personnes soumises à l'obligation vaccinale, comment la définir ensemble pour éviter que l'accès à la base de données médicales SI Vaccin ne soit beaucoup trop ouvert ?

Enfin, sur les questions de droit du travail, vous demandez plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance trop larges ou aux objectifs imprécis. Quelles adaptations législatives supplémentaires sont-elles nécessaires pour ce qui concerne le complément employeur aux indemnités journalières maladie alors qu'un régime d'exception existe déjà dans le code du travail ? Les dispositions portant sur l'activité partielle de longue durée ne pourraient-elles pas être précisées en dur dans la loi ? Nous n'aimons guère les ordonnances au Sénat...

M. Bernard Jomier . - Je reviens d'outre-mer, où la situation est particulièrement grave.

Quel est l'intérêt du passe sanitaire appliqué à une population déjà vaccinée à un niveau élevé ? Permettez-moi de rappeler les deux objectifs initiaux du passe sanitaire. Le premier était d'inciter à la vaccination, dans une forme d'obligation vaccinale déguisée - celle-ci aurait d'ailleurs pu être franchement assumée -, qui a très bien fonctionné. Le second était l'espoir de réduire la circulation du virus. Or, en l'espèce, le passe sanitaire n'a pas démontré son efficacité, comme l'a indiqué le conseil scientifique et l'a rappelé le rapporteur. Vous avez parlé d'une baisse de 30 % de la circulation virale, mais je crois comprendre que cela inclut toutes les mesures de limitation, y compris les gestes barrières. L'effet du passe sanitaire est donc faible. Quel objectif poursuivez-vous en maintenant le passe sanitaire alors que la population est vaccinée ? Vous avez précisé que le virus ne pourra pas être écrasé. Qu'entendez-vous par là ? Visez-vous un zéro covid, une stratégie qui paraît hors de portée, ou plutôt la réduction de la circulation du virus à un bruit de fond, avec des récurrences ponctuelles absorbables par notre système de santé, qui ne nécessitent donc pas de mesures exorbitantes du droit commun ?

Qu'attendez-vous de la prolongation du passe sanitaire, d'autant que la fin de la gratuité totale des tests, en vigueur depuis onze jours, semble être sans effet massif sur la vaccination ? Observez-vous une reprise de la vaccination ? Quel niveau d'épidémie justifie la restriction de liberté qu'est le passe sanitaire et quelle est son efficacité ?

M. Loïc Hervé . - L'Espagne, qui n'a pas mis en place de passe sanitaire, présente pourtant un taux de vaccination supérieur à celui de la France et, a priori, un taux de contamination moins élevé.

Par ailleurs, le taux d'incidence sur 100 000 habitants ne risque-t-il pas de diminuer artificiellement du fait de la baisse du nombre de tests réalisés entraînée par la fin du remboursement des tests ?

Enfin, que comptez-vous faire pour lutter contre l'accoutumance au passe sanitaire - donc au contrôle social pour raisons sanitaires - redoutée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ? En effet, alors même que cette mesure a été annoncée comme temporaire, force est de constater que le passe sanitaire s'installe dans nos vies quotidiennes et que de nombreux Français se le sont approprié.

M. Olivier Véran, ministre . - Je vous remercie de la qualité de vos questions, qui prouve votre connaissance des sujets que nous abordons.

Je tiens à saluer également l'esprit de responsabilité dont a fait preuve le Sénat lors de l'examen du dernier texte relatif à la gestion de la crise sanitaire, dans des conditions difficiles.

Il est tout aussi difficile de mesurer l'impact du passe sanitaire sur la circulation du virus que de mesurer celui du port du masque ou de l'utilisation du gel hydroalcoolique sur l'épidémie. Cependant, il est possible d'éprouver empiriquement l'efficacité de ces outils, voire leur caractère indispensable. Selon certaines estimations, le passe sanitaire a permis de réduire de 25 % à 30 % les contaminations, car il protège certains lieux propices à la création de foyers épidémiques, comme les restaurants.

Chaque fois que nous avons mis en place des mesures de gestion, y compris de confinement, l'épidémie ralentissait du fait de l'adaptation des comportements résultant de leur annonce. Lorsque l'on sonne l'alerte, les comportements s'ajustent immédiatement en conséquence. De la même manière, lorsque l'épidémie fait moins parler d'elle, une tendance au relâchement s'observe dans le contrôle du passe sanitaire comme dans le respect des gestes barrières. Une nouvelle campagne de communication nationale pour rappeler l'importance de ces derniers vient d'ailleurs d'être lancée.

J'en viens ensuite aux risques de contamination chez les personnes vaccinées. À chaque apparition d'un nouveau variant - et le variant Delta n'a pas fait exception à la règle - la pathogénicité, donc la dangerosité propre au virus, a crû. Les personnes vaccinées sont protégées à plus de 90 % contre les cas graves. Une minorité d'entre elles reste donc susceptible de présenter des formes graves de covid-19.

Plus le virus circule, plus les risques de contamination augmentent, chez les personnes non vaccinées comme chez les personnes vaccinées, même si la protection conférée par la vaccination est réelle. Certaines personnes vaccinées peuvent être par ailleurs immunodéprimées, et voir, par conséquent, leur système immunitaire exposé à des risques de forme grave. D'autres personnes très vulnérables ou très âgées peuvent être, de la même façon, plus fragiles, raison pour laquelle nous encourageons les rappels de vaccination pour ces publics. Enfin, le risque de covid long, sur lequel nous manquons d'études fines, demeure. Pour toutes ces raisons, nous conservons à cet égard une logique de prudence.

S'agissant des traitements, le molnupiravir constitue un game changer. Cette molécule antivirale prise de façon précoce, en traitement oral pendant sept jours, par des personnes symptomatiques, peut réduire d'environ 50 % le risque de forme grave. Si cette molécule avait été disponible au cours des deux premières vagues, le nombre de décès et de cas graves aurait été bien plus faible.

La France s'étant positionnée très tôt en précommande, 50 000 doses de molnupiravir lui seront livrées fin novembre ou début décembre, soit dès la sortie de ce traitement des chaînes de production.

Dans les mois qui suivront, de nouveaux traitements par anticorps monoclonaux seront disponibles. L'association de ces traitements au molnupiravir chez les personnes susceptibles de développer des formes graves pourrait s'avérer très efficace. Si l'on ajoute à cela la vaccination, l'impact de l'épidémie se trouverait donc fortement amoindri, tout comme le risque de survenue d'un nouveau variant.

Idéalement, 92 % de la population vaccinable devrait pouvoir être vaccinée. Le taux d'intentions vaccinales qui ressortait des premières enquêtes d'opinion a déjà été largement dépassé. Il reste néanmoins environ 2 millions de personnes qui, selon nos estimations, attendent avant de se faire vacciner sans être foncièrement opposées à cette démarche. Toutes les professions concernées sont pleinement mobilisées pour les convaincre de se faire vacciner. Les médecins et pharmaciens libéraux peuvent désormais commander autant de doses de vaccins Pfizer qu'ils le souhaitent. Une instruction interministérielle a récemment été diffusée pour mobiliser tous les acteurs de terrain dans la ruralité et dans les quartiers populaires des villes. Le nombre de primo-vaccinations s'élève à 51 millions, et nous espérons le voir atteindre les 52 millions en décembre.

La fin de la gratuité complète des tests a entraîné un léger rebond des primo-vaccinations, passées de 40 000 à 50 000 par jour - soit 1 million de Français vaccinés supplémentaires par mois. L'impact de l'épidémie et le risque d'avoir à prendre de nouvelles mesures de confinement s'en trouvent fortement réduits.

Les rappels de vaccination constituent un enjeu majeur. Les personnes âgées souffrant de maladies chroniques ou n'ayant reçu qu'une seule dose du vaccin Janssen ainsi que les soignants doivent pouvoir recevoir une dose de rappel. Les statistiques dans ce domaine, sans être excellentes, ne sont pas mauvaises. À titre d'exemple, six mois après leur dernière dose, 55 % des plus de 65 ans ont déjà reçu leur dose de rappel.

Il faut cependant davantage proposer le rappel aux personnes qui ont eu une dose de Janssen et à celles qui souffrent de comorbidité.

La question de l'intégration potentielle dans le passe sanitaire des doses de rappel pour les publics les plus fragiles a fait l'objet d'une saisine des autorités sanitaires compétentes : le conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, la HAS et le conseil scientifique. Je suis dans l'attente de leur réponse et ne peux donc vous répondre précisément pour l'instant.

En outre-mer, nous assistons à une vague épidémique sans précédent, couplée à des dégâts hospitaliers majeurs - 2 500 soignants métropolitains ont d'ailleurs rejoint l'outre-mer depuis la mi-août, dans des conditions, notamment d'accueil, parfois difficiles. S'y ajoutent de nombreuses fausses informations et peurs infondées - la seule peur fondée étant celle du virus - et une protection de la population et des soignants insuffisante. J'ai souhaité que la loi de la République s'applique sur tout le territoire de la République. Il y va de la crédibilité de la parole de l'État. Nous tenons compte néanmoins de la réalité sanitaire, notamment de la charge de travail des directeurs d'hôpitaux et des équipes soignantes. Il faut donc un jugement adapté. Au lieu de travailler à l'échelle de l'ensemble d'un établissement, il faut convaincre dans chaque équipe, chaque unité, chaque service, les derniers réticents et prendre, le cas échéant, des mesures de suspension.

J'ai annoncé l'envoi d'une médiation en Martinique visant à rétablir les conditions d'un dialogue serein avec l'ensemble des parties prenantes, pour que la loi s'applique dans de bonnes conditions et que la vaccination progresse.

Les deux tiers des soignants suspendus faute de vaccination sont revenus au travail une fois vaccinés - métropole et outre-mer confondus. Dans l'ensemble, les salariés des établissements sanitaires et médico-sociaux présentent une couverture vaccinale élevée et un taux de suspension et de démission faible. L'obligation vaccinale des soignants, que vous avez soutenue, s'applique donc dans de bonnes conditions sur le territoire national.

J'en viens à la question de la dérogation au secret médical et de l'accès au logiciel « système d'information vaccin covid » (SI VAC). L'établissement chargé du contrôle peut connaître le statut vaccinal des agents des établissements de santé. Le cadre de cette disposition sera précisé par un décret en Conseil d'État après avis de la CNIL. L'accès à SI VAC passera donc toujours par un intermédiaire, l'enjeu étant que les personnes devant faire respecter l'obligation vaccinale puissent le faire dans de bonnes conditions.

Il existe depuis de nombreuses années une dérogation au secret médical dans les fichiers des soignants pour les vaccins contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Le respect de ces obligations vaccinales doit pouvoir être contrôlé par les employeurs. La disposition que nous envisageons, si elle sort du droit commun, existe donc déjà dans le droit et est pratiquée depuis des décennies.

S'agissant du droit du travail, les habilitations à légiférer par ordonnances concernent uniquement des dispositions favorables aux salariés visant à éviter des suspensions d'indemnités journalières (IJ) ou de salaires en cas de fermeture d'entreprise ou de recours au chômage partiel. Le Gouvernement fait le choix de la réactivité et de la flexibilité afin de pouvoir décider au jour le jour, le cas échéant, de mesures favorisant la conservation des droits des salariés.

Dans le cadre d'un mécanisme classique, une concertation de l'ensemble des parties prenantes serait nécessaire, ce qui impliquerait une perte de temps d'un mois. Je crois que, depuis le début de la crise, les Français nous savent gré de leur avoir permis de percevoir sans délai les revenus qui leur étaient dus.

Pourquoi maintenir un passe sanitaire si tout le monde est vacciné ? Cette question est très pertinente. Il reste encore un peu plus de 10 % de la population vaccinable qui n'est pas vaccinée, donc 10 % de la population qui a besoin de réaliser des tests pour avoir un passe sanitaire. Le risque de création de chaînes de contamination dans des établissements recevant du public (ERP) dont l'accès est conditionné à la présentation d'un passe sanitaire et qui ne sont donc plus soumis à l'obligation du port du masque demeure. À ce stade, nous manquons de recul pour décider de nous passer d'un outil fonctionnel par ailleurs très bien accepté par la population.

Les enquêtes d'opinion montrent en effet que les Français sont majoritairement favorables au passe sanitaire, car ils ont compris qu'il les protégeait, ne réduisait pas leurs droits, et avait également évité la fermeture de nombreux établissements pendant la vague épidémique du variant Delta. Nous avons d'ailleurs connu une meilleure saison touristique en 2021 qu'en 2019, soit avant l'arrivée de la covid-19. Cela ne signifie pas cependant que nous souhaitons installer le passe sanitaire dans la durée.

Lorsque le niveau de vaccination le justifiera et lorsque la circulation virale sera suffisamment atténuée pour qu'il ne soit plus nécessaire de contrôler la vaccination, nous le supprimerons. Je redis notre volonté farouche de nous passer de cet outil dès que nous le pourrons. Croyez en mon engagement sur ce sujet.

Si le variant actuel demeure, faut-il procéder à des rappels de vaccination et, le cas échéant, pour quel public et à quelle fréquence ? Chez les personnes fragiles, du fait de leur âge ou d'une maladie, et dont le système immunitaire ne garde pas la mémoire du vaccin suffisamment longtemps, un rappel est nécessaire six mois après la première injection. Pour les personnes plus jeunes, aucune recommandation particulière n'a été émise. Si les données nous montraient que l'immunité s'affaiblit chez elles au bout de dix ou douze mois, nous pourrions conseiller un rappel également pour cette population.

Que nous permettrait une vaccination massive, dans la durée, contre le covid-19 ? Il existe plusieurs issues possibles à la crise. Le virus peut muter, faute de pouvoir circuler librement, et dans ce cas devenir contagieux, mais inactif, c'est-à-dire sans entraîner de symptôme. Il serait alors possible de vivre avec lui, comme nous vivons déjà avec des milliers d'autres virus. Le virus pourrait également revenir de manière récurrente, par vaguelettes et non plus par vagues, sans se montrer plus dangereux que la grippe. Or, seule la vaccination peut rendre ces deux scénarios envisageables, et seul le temps nous permettra d'évaluer la nécessité de faire des rappels ou non.

Nous pouvons également imaginer un scénario négatif, dans lequel une nouvelle mutation échapperait au vaccin.

Tout nous laisse à penser que nous avons désormais la maîtrise de l'épidémie grâce aux outils dont nous disposons. Nous aurons encore besoin de ces outils dans les mois à venir. C'est l'objet de ce projet de loi.

Si nous mettons la politique et les élections de côté, force est de constater qu'il n'y a aucune chance pour que, dans trois mois, la situation soit différente de celle d'aujourd'hui. Nous avons trouvé les bons outils pour ménager l'équilibre entre les contraintes et les libertés. Depuis six mois, malgré la vague épidémique, l'impact sanitaire est contenu. Il ne paraît donc pas judicieux de nous désarmer dans les mois à venir.

La fin de la gratuité des tests a augmenté légèrement le nombre de primo-vaccinations, mais n'a pas affecté le suivi de l'épidémie. Le nombre de tests réalisés par semaine s'élève à 2 millions, soit un nombre situé dans la moyenne haute des pays de l'Union européenne. Si le nombre de tests réalisés a baissé de 30 % dans la semaine qui a suivi la fin de leur remboursement, ce qui a entraîné une baisse du taux d'incidence que nous avions anticipée, le suivi de l'épidémie a pu reprendre sans difficulté une semaine plus tard. Les outils de mesure de l'épidémie n'ont donc pas été perdus, et le niveau de tests affiché par la France demeure très ambitieux.

Je rappelle que les tests sont gratuits pour tout le monde, sauf pour les personnes non vaccinées, n'ayant pas d'ordonnance, qui ne sont pas cas contacts, ne participent pas à une opération de dépistage collectif et qui ne sont appelées ni par l'assurance maladie ni par une agence régionale de santé (ARS). Nous avons donc veillé, plus encore que nos voisins, à bien sécuriser les outils de mesure de l'épidémie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Je n'ai pas compris vos arguments justifiant le choix de la date du 31 juillet. Aucun des onze textes successifs votés dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire n'a prévu une durée si longue !

M. Olivier Véran, ministre . - Si !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Je n'ai pas entendu d'argument rationnel de votre part justifiant votre volonté de prolonger le passe sanitaire au-delà de la fin du mois de février, date de suspension des travaux parlementaires.

Par ailleurs, si j'ai bien compris, vous n'êtes pas en mesure de nous répondre sur les modalités d'intégration d'une dose de rappel dans le passe sanitaire et les conséquences potentielles de cette intégration sur la durée et les conditions de validité de ce dernier.

M. Olivier Véran, ministre . - C'est incroyable, vous ne m'avez pas écouté !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Vous nous avez dit avoir posé la question aux autorités sanitaires. Nous souhaitons comprendre comment ce système fonctionnera.

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Le passe sanitaire ne sera pas obligatoire dans les meetings politiques, qui constituent pourtant des lieux favorables à la circulation du virus. Dans le même temps, les enfants qui souhaitent s'instruire doivent présenter un passe sanitaire pour pouvoir accéder aux espaces culturels. Selon les statistiques officielles, 30 % des enfants de douze à dix-huit ans ne sont pas vaccinés et ne disposent pas de passe.

Cette situation s'explique peut-être par le fait que le discours officiel a consisté pendant des mois à désigner la vaccination des jeunes comme inutile, voire contre-productive, avant que le Gouvernement n'opère une volte-face sur le sujet au début de l'été.

Presque un tiers des jeunes seront donc bannis des lieux d'intelligence. Le meeting politique mérite-t-il plus de considération que des enfants qui souhaitent s'instruire ?

M. Alain Richard . - La question légitime de savoir s'il est pertinent de faire de la troisième dose de rappel une condition du maintien du passe sanitaire pour certains publics a été posée aux autorités sanitaires. Mais si l'âge peut raisonnablement constituer un critère pour déterminer ces publics - la troisième dose pouvant devenir indispensable, par exemple, pour les plus de 65 ans pour obtenir le passe -, il ne saurait en aller de même pour des pathologies comme le surpoids. En effet, d'où tirerait-on cette donnée ?

Disposons-nous de données utilisables dans des conditions pratiques et légales pour moduler la prise en compte de la troisième dose de vaccination dans le maintien du passe sanitaire ?

M. Martin Lévrier . - Merci, monsieur le ministre, d'avoir rappelé que cette crise était une pandémie et non une crise française, et que les mesures prises pour la combattre s'inscrivent forcément dans le temps long moyennant de nombreuses incertitudes.

Avez-vous des statistiques concernant la possibilité offerte aux médecins généralistes d'accéder aux fichiers de leurs patients non vaccinés ? Il semblerait que nombre d'entre eux ne l'utilisent pas. Quels moyens pourrions-nous imaginer pour accélérer ce processus ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Monsieur le ministre, vous dites que rien ne permet de penser que la situation sera différente, fin février, de ce qu'elle est aujourd'hui. Mais la situation n'a cessé d'évoluer, à la faveur des transformations du contexte épidémiologique, de l'apparition de nouvelles molécules ou des effets de la vaccination.

La situation ne sera évidemment pas la même dans trois mois. Or nous souhaitons, non vous priver de moyens d'action, mais pouvoir décider en fonction du contexte s'il est pertinent ou non de prolonger les mesures. Il n'y a pas de raison que le Sénat adopte une ligne différente de celle cohérente, qu'il a toujours défendue depuis le début de la crise sanitaire.

Mme Nathalie Goulet . - Comment se fait-il qu'un délai soit nécessaire pour intégrer la troisième dose au passe sanitaire ?

M. Olivier Véran, ministre . - Il est faux de dire que les textes n'ont jamais prévu de durée aussi longue que celle dont nous discutons. Cette assertion est d'ailleurs battue en brèche par les votes des sénateurs eux-mêmes. En effet, le régime de l'état d'urgence a déjà été créé et prorogé pour douze mois, puis pour neuf mois, et le cadre des systèmes d'information permettant le suivi de l'épidémie, SI-DEP et Contact-Covid, a été prorogé pour neuf mois.

Sur les meetings politiques, dans votre grande sagesse et par un large consensus, vous avez souhaité que le passe sanitaire soit limité aux seules activités dites de loisir, dont le Conseil constitutionnel a considéré qu'elles excluaient les activités politiques, syndicales et cultuelles. Dès lors, aucune disposition juridique ne nous permettrait - ce que nous ne souhaitons pas - d'appliquer le passe sanitaire pour tout événement de cette nature.

Le Gouvernement, le conseil scientifique tout comme le conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, par l'intermédiaire de son président le professeur Alain Fischer, n'ont jamais dit que la vaccination pouvait être contre-productive pour les jeunes.

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Nous n'avons pas les mêmes lectures, monsieur le ministre !

M. Olivier Véran, ministre . - Je vous orienterai volontiers vers les sites gouvernementaux et les antennes des agences indépendantes.

Les jeunes non vaccinés ne sont bannis de nulle part, puisqu'ils ont accès gratuitement aux tests.

La troisième dose n'a pas été intégrée dans le passe sanitaire, car elle n'a pour l'instant rien à voir avec cet outil. Si les autorités sanitaires plaidaient en faveur de cette intégration, ce qui n'est pas certain, cela soulèverait en effet des questions techniques assez sensibles, le passe ne reconnaissant pas les personnes de moins de 65 ans souffrant de comorbidités.

Les médecins libéraux ont eu plusieurs fois l'occasion d'ouvrir le fichier de leurs patients non vaccinés et rencontrent à cet égard les mêmes difficultés que les centres de vaccination ou l'État. Ils sont confrontés, en effet, à des personnes très isolées qui ne souhaitent pas se faire vacciner ou à des jeunes gens qui ne se sentent pas concernés par le risque de contamination par le virus. Néanmoins, aucun Français ne peut ignorer qu'il existe un vaccin contre le covid-19 qui lui est proposé gratuitement et qu'il est incité à se faire vacciner. Nous continuons d'agir en ce sens. Au total, 25 000 médecins généralistes utilisent le fichier qui leur a été transmis par l'assurance maladie.

Monsieur le sénateur Bas, je n'ai pas souhaité dire que la situation serait identique, à la fin du mois de février, à celle que nous connaissons. En revanche, rien ne permet d'espérer que la situation sera meilleure au coeur de l'hiver qu'au début de l'automne.

M. Philippe Bas , rapporteur . - C'est à nous d'en juger !

M. Olivier Véran, ministre . - Ce n'est pas une question de jugement ! Sans vouloir faire de prédiction, il est scientifiquement avéré que les virus respiratoires circulent davantage l'hiver que l'automne. La situation ne sera donc pas meilleure en février qu'aujourd'hui. Le virus continuera à circuler à raison de plusieurs milliers de contaminations par jour.

Dans la mesure où vous avez déjà voté plusieurs fois pour une prorogation des mesures sur des durées plus longues que celle qui vous est demandée, même si j'entends bien que vous ne soyez pas disposés à voter de nouveau en ce sens, je vous redis la fermeté de la volonté du Gouvernement d'étendre la prorogation des mesures en place jusqu'à la fin du mois de juillet. Ce point sera débattu au Parlement, ce qui est tout à fait légitime.

M. François-Noël Buffet , président . - Merci de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

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