III. LES SERVICES DE SOUTIEN : UN NÉCESSAIRE RENFORCEMENT

Le modèle de soutien , réformé pour accentuer son caractère interarmées il y a une dizaine d'années, a souffert du double effet de la révision générale des politiques publiques et de la LPM 2014-2019, portant forte attritions des ressources humaines des services de soutien . Or la pandémie a rappelé que la Résilience (nom donné à l'opération associant les forces armées à l'effort de lutte contre la pandémie) de la nation passait par l'engagement de ses forces armées , lequel dépend largement de la capacité de ses services de soutien à faire face, dans l'urgence, aux objectifs assignés 1 ( * ) .

Il ne s'agit pas de remettre en cause le modèle de soutien déployé mais de veiller à l'adéquation des moyens aux impératifs d'efficacité pesant sur les services de soutien dans un contexte de plus en plus exigeant, comprenant l'accroissement de la population soutenue avec la remontée de la force opérationnelle terrestre (FOT), le réinvestissement du territoire national avec Sentinelle et Résilience, et la multiplicité des théâtres extérieurs.

Entre 2008 et 2018, les effectifs du service du commissariat des armées (SCA) sont passés de 34 000 à 25 000 personnes, soit une réduction de 8 500 postes . Ces « effectifs soutenants » ont diminué plus vite que les effectifs soutenus, la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre a d'ailleurs marqué un tournant, les effectifs soutenus augmentant de nouveau alors que les effectifs soutenants continuaient de diminuer.

Alors que ses effectifs ont diminué de 30 % , dont 100 personnels ces 6 dernières années, l'arrêt de la déflation des personnels a finalement été décidé pour la fin de la période de programmation précédente. Pour autant le schéma d'emploi de 2019 à 2023 prévoit encore 150 suppressions de postes . Un suivi attentif de l'adéquation entre les ressources humaines et les objectifs du SCA devra donc être mené tout au long de la LPM afin de s'assurer que la direction centrale n'est pas de nouveau confrontée à une pénurie de moyens humains.

Source : site internet du Minarm

Le projet « SCA 22 » repose sur deux objectifs : d'une part renforcer d'une part le soutien de proximité des unités (principe de « bascule vers l'avant » des ressources), et d'autre part moderniser et améliorer la qualité du soutien, notamment par une digitalisation accrue et le recours maitrisé à des prestataires extérieurs. L'ambition de « SCA 22 » est de rapprocher le soutenu du soutenant. Le Commissariat met ainsi en place des guichets uniques nouvelle génération et des espaces ATLAS (Accès en Tout temps et en tout Lieu Au Soutien). Ils rassemblent dans une pièce un maximum de prestation du commissariat, de l'institution de gestion sociale des armées (IGESA), mais aussi les prestations des services municipaux et de la CAF. Placés près de lieux de restauration, regroupant 10 à 15 personnes, ces espaces traitent 90 % des demandes adressées en premier contact qu'il s'agisse d'habillement, de carte SNCF, de loisirs ou de problématiques sociales. Ils désengorgent les groupes de soutien des bases. Ce sont 200 espaces ATLAS qui devraient être déployés à terme (2021).

Durant la pandémie , le SCA a renforcé ses actions en faveur de la digitalisation des procédures pour participer à la diminution de la circulation du virus. Pendant le déploiement de l'élément militaire de réanimation (EMR) à Mulhouse, les groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) de Colmar et Strasbourg ainsi que la plate-forme commissariat (PFC) de Metz ont assuré le soutien des personnels du service de santé des armées (SSA) et du régiment médical (RMED).

Les efforts de rationalisation des effectifs et des crédits se poursuivent, notamment dans la fonction « restauration-loisirs ». Un premier programme expérimental d'externalisation, sur la période 2009 - 2015, a permis une économie estimée à 11% du coût du fonctionnement annuel en régie (la mise en oeuvre de ce programme a été confiée à l'économat des armées (Edda)). En 2016, une nouvelle phase d'externalisation a été lancée amenant en 2020, le taux d'externalisation de la fonction « restauration » à près de 20 % et à une forte diminution des effectifs de la filière (environ 1 254 ETP entre 2014 et 2019). Compte tenu des difficultés structurelles de la filière « restauration » (taux de départ à la retraite élevé, parc de matériels et infrastructures vétustes) l'économat des armées (EdA) a reçu concession de 73 sites de restauration sur la période 2020-2025, à raison de 9 à 13 sites par an, parmi ceux qui ne sont pas strictement nécessaires au socle capacitaire et à la résilience des armées . Le contrat de concession a été signé en décembre 2019. Neuf sites ont été concédés entre avril et juillet 2020, treize le seront en 2021. Le volume des effectifs concernés par l'externalisation est de 1 800 ETP environ, dont 47 % de personnels civils (leur sont proposé des départs à la retraite, le reclassement sur la base du volontariat dans les sites maintenus en régie).

L'enjeu RH du SCA : l'adéquation des compétences aux besoins

Un levier d'action important d'amélioration de l'efficience du SCA concerne la gestion des ressources humaines. Il conviendrait de chercher à bâtir des parcours et des carrières permettant la professionnalisation des filières. À ce jour, le directeur du SCA doit faire face à un défi majeur : le niveau de qualification des personnels affectés, souvent d'un grade inférieur aux profils de poste.

Durant la précédente LPM, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels . La remontée de la FOT et le niveau élevé de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs, supérieur aux objectifs de construction de la LPM et du modèle SSA 2020, ont mécaniquement induit un besoin supplémentaire de soutien par le SSA. La LPM 2019-2025 s'est concrétisée par l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2019 et prévoit leur stabilisation jusqu'en 2023, puis leur remontée modérée au-delà .

Source : site internet du Minarm

La mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire sera l'un des axes de la stratégie SSA 2030 en cours de définition . L'un de ses enjeux essentiels est la redéfinition des perspectives d'insertion du parc hospitalier militaire à l'offre publique de soins à l'aune les leçons tirées de la pandémie . Les huit hôpitaux d'instruction des armées (HIA) (HIA Bégin à Saint-Mandé, HIA Clermont-Tonnerre à Brest, HIA Desgenettes à Lyon, HIA Laveran à Marseille, HIA Legouest à Metz, HIA Percy à Clamart, HIA Robert Picqué à Bordeaux et HIA Sainte-Anne à Toulon), ouverts à tous les assurés sociaux sont assimilés par le ministère de la Santé à des centres hospitaliers et universitaires . Ces hôpitaux, établissements polyvalents de soins pour adultes, sont soumis aux procédures de certification de la santé publique et participent à l'offre de soins à l'échelle d'un territoire. Les élus locaux doivent donc être étroitement associés à la définition cette offre de soins .

La difficulté centrale tient à la trop lente remontée en puissance de la médecine des forces . Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque une centaine , ce qui conduit à concentrer sur les mêmes personnels la charge de projection du service . Le taux de projection des équipes médicales est supérieur à 100 %, malgré l'apport des réservistes, et il atteint 200 % pour les équipes chirurgicales.

Source : site internet du Minarm

Cette sur-sollicitation du personnel a des conséquences néfastes sur la fidélisation des professionnels de santé militaires. Elle a également un impact notable sur le parcours professionnel du personnel de santé, notamment à travers la difficulté de satisfaire à l'obligation de développement professionnel continu. Elle pèse sur les perspectives d'évolution des effectifs du SSA.

Celles-ci restent préoccupantes . L'écart entre le plafond ministériel d'emplois autorisés et l'effectif moyen réalisés pour le Service de santé des armées montre qu'il manque en 2019, selon le périmètre retenu entre 246 et 241 personnes.

État des effectifs du personnel géré par le SSA en 2019

Plafond ministériel des emplois autorisés

Effectif moyen réalisé

ECART

Militaires

7 721

7 589

- 132

Civils

2 545

2 431

- 114

Total

10 266

10 020

- 246

État des postes et de leur réalisation concernant le personnel employé par le SSA et comprenant les personnels fourni au SSA par les armées, les services et la gendarmerie pour les missions de soutien du périmètre de l'état-major des armées en 2019

Plafond ministériel des emplois autorisés

Effectif terminal

ECART

Militaires

10 260

9 894

- 366

Civils

4 515

4 640

+ 125

Total

14 775

14 534

- 241

Le chiffre de « 100 médecins manquants » correspond à un effectif lissé qui évolue en cours de gestion au gré des départs, des mutations et des indisponibilités. Les priorisations sont revues régulièrement pour satisfaire aussi bien que possible les besoins des forces armées , en fonction des activités effectives et des possibilités de renforcement ponctuelles. En parallèle, le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est marqué par un accroissement des besoins en expertise médicale d'aptitude et une intensification des activités de soutien des activités à risque, du fait de l'augmentation des effectifs de la FOT et du plan Réserve 2019.

Ces tensions concernent également la composante hospitalière, où certaines spécialités font l'objet d'une attention toute particulière : chirurgie (orthopédique, viscérale, vasculaire, thoracique, urologique, tête et cou), médecine d'urgence en exercice hospitalier, psychiatrie et radiologie. Plusieurs spécialités paramédicales, essentielles à la prise en charge des militaires blessés, se révèlent également sous tension, à l'instar des infirmiers de bloc opératoire, ou encore des masseurs-kinésithérapeutes.

Malgré l'intérêt qu'il suscite auprès de nombreux candidats potentiels, le SSA rencontre des difficultés pour attirer des professionnels de santé sous contrat. Le contexte concurrentiel important vis-à-vis de la santé publique et un déficit chronique dans la santé publique des spécialités d'intérêt pour le SSA, en particulier de médecins généralistes, freinent le recrutement. Fort de ce constat, le SSA exploite tous les leviers à sa portée pour accélérer la dynamique de recrutement. Dans ce cadre, de nombreuses actions sont mises en oeuvre : communication ciblée pour le recrutement, mesures financières (PLS « attractivité » puis « fidélisation », allocation financière spécifique de formation), ouverture de la possibilité de recrutement en cours de 3ème cycle des études médicales.

Il est ainsi prévu d'ouvrir 15 postes d'élèves médecins et 10 postes d'élèves infirmiers supplémentaires chaque année à compter de 2019 au titre de la formation ab initio . De même, la possibilité de recruter dans le corps des internes des hôpitaux des armées des étudiants inscrits en 3 e cycle des études médicales, a été ouverte en 2020. Ce sont 36 postes supplémentaires d'élèves médecins destinés à des étudiants civils déjà inscrits en cursus universitaire qui ont été ouverts par concours à compter de l'année 2019.

Le SSA s'attache à équilibrer ses recrutements initiaux et à maîtriser ses flux de sortie sur les métiers et spécialités sensibles afin de remplir son contrat opérationnel, dans un contexte où la concurrence avec le secteur privé s'est encore accentuée en cette période de « haute intensité sanitaire ». Le recrutement complémentaire de praticiens contractuels est tout de même en nette amélioration. Un bureau de coordination du recrutement a d'ailleurs été créé en 2020.

La crise sanitaire a eu un effet positif inattendu en orientant vers le SSA des réservistes beaucoup plus jeunes qu'habituellement (les réservistes du SSA étaient traditionnellement des personnels retraités, libérés de leurs obligations de service).

Les conclusions du Ségur de la santé vont probablement conduire en 2020 et 2021 à des évolutions statutaires et financières, et donc incidemment exercer un effet sur l'attractivité et la fidélisation du personnel dont il faudra impérativement tenir compte pour maintenir le niveau d'excellence et d'engagement qui caractérise le SSA et dont les forces armées ont besoin, au quotidien, mais aussi pour maintenir leur compétence à « entrer en premier » sur les théâtres d'opération.

Enfin, les recommandations relatives à la vaccination contre la Covid en France ne visent pas les militaires. Pourtant, les militaires embarqués, notamment dans les sous-marins, ou déployés en OPEX, devraient bénéficier de mesures de protection adéquate face à la pandémie. Lors de la préparation de cet avis, aucune décision n'était encore prise sur l'intégration ou non de cette vaccination dans les recommandations vaccinales adressées aux militaires.

Ce sujet fera l'objet d'un suivi très attentif. La commission avait recommandé et obtenu que les militaires déployés fassent l'objet d'un dépistage systématique. Si la vaccination ne devait pas être rendue obligatoire, les mesures sanitaires adéquates pour continuer de faire face à la pandémie devront être définies.


* 1 Voir le rapport d'information n° 501 (2019-2020) du 10 juin 2020 - par M. Jean-Marie BOCKEL et Mme Christine PRUNAUD sur le suivi de l'action du service de santé des armées pendant la crise sanitaire.

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