Avis n° 145 (2019-2020) de MM. Jean-Jacques LOZACH et Jacques-Bernard MAGNER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 21 novembre 2019

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N° 145

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME VI

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Par MM. Jean-Jacques LOZACH et Jacques-Bernard MAGNER,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly, présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert, vice - présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le ministère des sports poursuivra en 2020 sa mue entamée en 2017 dans un contexte marqué par la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

L'année dernière, avec la loi de finances pour 2019, c'est l'intégration du Centre national pour le développement du sport (CNDS) dans la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) qui a été engagée. Ce changement majeur a été décidé sans débat préalable au Parlement mais à l'issue d'une simple concertation associant l'État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique.

Ce « contournement » initial du Parlement n'a pas été sans conséquences puisque les statuts de l'ANS - approuvés par un arrêté ministériel du 20 avril 2019 - ont immédiatement fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État de la part de l'Association professionnelle de l'inspection générale de la jeunesse et des sports (APIGJS) et du Syndicat national des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports (SNIGJS). Il a fallu que le Gouvernement intègre in extremis dans le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé en juin dernier au Sénat une disposition de sécurisation juridique de l'Agence nationale du sport pour éviter tout risque de remise en cause. L'examen de ce texte a également été l'occasion pour le Sénat de préciser la gouvernance territoriale de l'ANS, ce qui était indispensable 1 ( * ) .

À l'issue de ces évolutions fondamentales, le budget du ministère des sports se compose donc de deux programmes. Le programme 219 « Sport » destiné à financer les actions du ministère et la part étatique du financement de l'Agence nationale du sport et le programme 350 consacré aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Le programme 219 se voit doté - à périmètre constant - d'un montant de crédits identique à celui de l'année dernière, soit 312 M€ en crédits de paiement. Le programme connaît cependant une mesure de périmètre avec l'intégration des dépenses de personnel des conseillers techniques sportifs (CTS) pour un montant de 120,8 M€ ce qui porte les crédits du programme 219 à périmètre courant à 434,7 M€ en crédits de paiement.

Le programme 350 porte l'ensemble des financements de l'État pour la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 à un montant prévisionnel total de 1,1 milliard d'euros dont 933 M€ seront apportés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) sur la période 2018-2025. Ces financements seront complétés par les contributions des collectivités territoriales à hauteur de 455 M€ pour constituer une enveloppe de 1,4 milliard d'euros de crédits publics 2 ( * ) . Le projet de loi de finances (PLF) 2020 prévoit de doubler les crédits consacrés au programme 350 afin d'atteindre 129,3 M€.

Si les deux programmes semblent clarifier les moyens et les priorités du ministère, votre rapporteur pour avis estime qu'il ne s'agit que d'une apparence. Les moyens humains du ministère (hors CTS qui font l'objet d'une mesure de périmètre) ne sont toujours pas retracés dans le programme 219 et aucun crédit n'est prévu dans le programme 350 pour concourir au financement du comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO) alors même qu'une contribution de l'État à hauteur de 20 M€ aurait dû être inscrite 3 ( * ) . Le projet de déménagement du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) bénéficie certes de 1,7 M€ en autorisations d'engagements mais sans aucun crédit de paiement 4 ( * ) . Enfin, la prise en charge des « restes à payer » du CNDS qui devrait s'étaler sur une dizaine d'années demeure incertaine sachant qu'elle a reposé cette année sur la réaffectation de crédits sous-consommés en gestion.

Au final, le sentiment qui domine est celui d'une certaine confusion tant sur les moyens réellement mobilisés pour la politique publique du sport que sur les missions qui incombent au ministère à l'issue des réorganisations encore en cours. La seule certitude tient, en fait, à la poursuite de la baisse des crédits consacrés au sport depuis 2017 si l'on fait abstraction des financements dédiés aux infrastructures olympiques, ceci alors même que le produit des taxes sur les jeux et les droits de retransmission continue à progresser au bénéfice principal du budget général, en contradiction avec leur objet même.

*

Le programme 163 « Jeunesse et vie associative », dont les crédits s'élèvent à 664,7 millions d'euros, appelle plusieurs remarques.

Tout d'abord, il comporte cette année une action supplémentaire pour le Service national universel (SNU). Si cette démarche du Gouvernement permet d'identifier, dans les documents budgétaires, les sommes consacrées à cette nouvelle politique, cette création n'empêchera pas un empiétement sur les crédits des autres actions du programme lors de l'exécution budgétaire. Votre commission procédera à un suivi attentif de la consommation des crédits du SNU.

Hors SNU, les crédits sont en hausse de 3,15 %, soit 19,38 millions d'euros. Mais certaines augmentations de crédits peuvent paradoxalement être synonymes de recul d'une politique ambitieuse en faveur de la jeunesse. Ainsi, les moyens alloués à la jeunesse et à l'éducation populaire sont gelés, puisque les crédits qui lui sont alloués ont été reconduits par rapport au budget 2019.

Mais surtout, votre rapporteur pour avis 5 ( * ) relève une forte inflexion de la hausse des crédits consacrés au service civique. Alors que les années précédentes, le budget connaissait une croissance à deux chiffres - + 24 % en 2018, + 12 % en 2019 - les crédits pour 2020, en hausse seulement de 2,2 %, marquent nettement le pas. Ce fait traduit pour votre rapporteur pour avis le choix du Gouvernement de faire monter en puissance le SNU, au détriment d'un service civique accessible au plus grand nombre. Or, le service civique, qui fêtera l'année prochaine ses dix ans, a fait ses preuves en matière d'insertion de la jeunesse.

Les regrets de votre rapporteur pour avis sont d'autant plus forts que le SNU est un dispositif encore en gestation. Bien qu'une première expérimentation ait eu lieu en 2019 avec 2 000 jeunes en séjour de cohésion, le SNU est loin d'être, à court terme, généralisable à toute une classe d'âge. De nombreuses questions demeurent sur son financement, ainsi que sur les modalités pratiques d'organisation et de fonctionnement.

Au final, votre rapporteur pour avis craint que les crédits consacrés au SNU ne soient pas suffisants pour lancer un dispositif d'envergure, utile aux jeunes et à la société, tandis que ceux pour le service civique ne soient plus suffisants pour maintenir sa dynamique de développement. Rien ne serait pire, en mettant l'accent sur un outil non finalisé au détriment d'un dispositif en plein essor et qui fonctionne, de casser ce dernier et de se retrouver sans politique efficace en faveur de la jeunesse.

PREMIÈRE PARTIE : SPORT
(RAPPORTEUR POUR AVIS : M. JEAN-JACQUES LOZACH)

I. UN BUDGET EN BAISSE À PÉRIMÈTRE CONSTANT

A. DES CRÉDITS EN BAISSE DEPUIS 2017

L'appréciation portée sur les crédits du sport dans le PLF 2020 dépend particulièrement du périmètre retenu pour les analyser. Le Gouvernement retient comme référence le périmètre le plus large qui intègre le programme 350 dédié au financement des équipements olympiques, ce qui lui permet de revendiquer une évolution globalement positive (710,42 M€ de moyens d'intervention soit + 9,8 %) marquée par un surcroît de crédits de 65 M€ en 2020.

Il met également en avant des avancées correspondant à des mesures nouvelles comme la hausse des primes de 10% pour les médaillés olympiques (en contrepartie de leur fiscalisation) et l'augmentation des crédits dédiés à l'accueil des grands événements sportifs à hauteur de 6,1 M€ en crédits de paiement. Il insiste également sur la hausse des crédits consacrés à la lutte contre le dopage (+7,5 %) ainsi que sur celle des crédits des grandes écoles nationales.

Les mesures nouvelles du budget 2020

- Labellisation de 100 maisons sport santé dès 2019 avec un objectif de 500 structures en 2022 ;

- Une augmentation de 7,5 % des moyens de lutte contre le dopage qui se traduit par une hausse significative de la dotation à l'Agence mondiale antidopage (AMA) ;

- Un soutien maintenu aux grands événements sportifs internationaux organisés en France (6,1 M€) ;

- Une augmentation de + 10 % des primes aux médaillés olympiques et paralympiques et à leur encadrement dans la perspective des jeux de Tokyo et Pékin ;

- La prise en charge de 500 parcours de formation initiale du brevet professionnel d'éducateur sportif dispensés au sein des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps) (3,2 M€ en 2020) ;

- Une augmentation de + 5 % des investissements dans les 3 écoles nationales et à l'Insep (travaux de maintien et de remise en état des infrastructures.

Source : ministère des sports

À côté de cette vision optimiste, il y a cependant une analyse plus réaliste qui revient à considérer que les crédits du sport ont baissé de 11 % entre 2017 et 2020 à périmètre constant , c'est-à-dire sans tenir compte du programme 350 dédié aux jeux Olympiques et Paralympiques ni du transfert des crédits relatifs aux CTS. Selon notre commission des finances, cette baisse des crédits devrait même se poursuivre en 2021 à hauteur de - 3 % et en 2022 à hauteur de - 4 %. Ces baisses de crédits devraient à nouveau concerner principalement le mouvement sportif 6 ( * ) et donc les subventions attribuées aux fédérations et aux clubs.

Cette évolution, si elle devait se confirmer d'ici 2022, constituerait davantage qu'un ajustement puisque cela reviendrait à une baisse de près de 20 % des crédits dédiés au sport au cours du quinquennat. Le risque de désengagement de l'État pointé par nos collègues Claude Kern et Christian Manable dans leur rapport d'information sur les politiques territoriales du sport 7 ( * ) deviendrait alors bien réel. Le « pacte de stabilité » évoqué par le ministère des sports serait pour le moins remis en cause. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les financements privés envisagés pour abonder les actions de l'Agence nationale du sport restent pour le moment assez théoriques.

Au final, les optimistes pourront estimer que la plus grande sélection des projets aidés par l'ANS devrait permettre un effet de levier renforcé, une plus grande efficacité de l'action publique et donc moins de pertes en ligne à travers le saupoudrage. Les pessimistes quant à eux ne pourront ignorer que derrière les arguments de rationalité financière se dessinent un retrait croissant de l'État et de nouvelles sollicitations à destination des collectivités territoriales.

Cette baisse continue des moyens incite les associations d'élus et le mouvement sportif à demander qu'une part plus significative du produit de la taxe sur les droits sportifs et du produit du prélèvement sur les paris sportifs serve à financer le sport. Compte tenu de la hausse de ces droits audiovisuels et du montant de ces paris, il faut rappeler que le plafonnement du reversement au monde du sport a pour effet de réduire la part relative du produit de ces prélèvements qui permet de financer le sport, ce qui est difficilement justifiable.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

B. UN BUDGET DE PLUS EN PLUS DIFFICILE À SUIVRE

Dans son avis sur le PLF 2019, votre rapporteur pour avis attirait votre attention sur la nécessité d'actualiser et de moderniser le modèle sportif français, en intégrant le phénomène de mondialisation, l'hyper-médiatisation et la diplomatie sportive. Il insistait également sur la nécessité pour les services du ministère de recentrer leur action sur les missions de stratégie, de régulation, de réglementation et de contrôle, notamment éthique. Ce travail de refondation n'est pas achevé aujourd'hui - c'est une litote - et on ne peut que s'en inquiéter pour l'avenir du sport français.

Le ministère des sports a perdu ses compétences en matière de sport pour tous et de haute performance au profit de l'ANS 8 ( * ) , il a été largement dessaisi de l'organisation des jeux Olympiques au profit de la Délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop). Son administration déconcentrée est appelée à rejoindre le giron des rectorats. Même son inspection générale a été rapprochée de celle du ministère de l'éducation nationale. Il n'est pas illégitime de s'interroger dès lors sur ce qu'il va rester du ministère des sports tant administrativement que politiquement.

Sur le plan administratif, il est devenu assez compliqué de mesurer les moyens exacts mobilisés pour la politique du sport. Les dépenses de personnel du ministère des sports (direction des sports, directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale) ne relèvent en effet pas du programme 219 (à l'exception des CTS à partir de cette année) mais du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Par ailleurs, les projets annuels de performance (PAP) ne présentent plus depuis l'année dernière la ventilation du programme de « soutien » au programme 219. Par recoupement, il est néanmoins possible d'établir que le ministère des sports dispose de 3 223 postes auxquels il convient d'ajouter les 800 personnels affectés dans les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps). Les 1 549 CTS sont à décompter de cet ensemble de 4 023 postes 9 ( * ) . Votre rapporteur pour avis ne peut cependant que déplorer l'absence de transparence sur les effectifs du ministère qui a pour conséquence de jeter le doute sur les moyens à disposition pour conduire la politique publique du sport. Cette interrogation est accentuée par la réorganisation en cours des services déconcentrés du ministère des sports. L'intégration des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) au sein des régions académiques et dans les directions des services départementaux de l'éducation nationale devrait, en effet, avoir pour conséquence d'affecter certains personnels à la mise en oeuvre du service national universel (SNU). Les missions relatives au sport seraient limitées au soutien au sport de haut niveau et à l'intervention dans les territoires les moins favorisés, la circulaire du 12 juin 2019 évoquant par ailleurs le fait que l'ANS pourrait s'appuyer au niveau territorial sur ces administrations déconcentrées en dépit de son statut de groupement d'intérêt public (GIP).

Sur le plan budgétaire, le manque de lisibilité est également accentué par la sous-utilisation des crédits. Ce ne sont pas moins de 64,4 M€ qui ont été dégagés à l'issue de l'exercice 2018 et qui ont permis de constituer une dotation en fonds propres pour le CNDS destinée à financer ses « restes à payer » à hauteur de 42,8 M€ en 2018, les 21,6 M€ restants étant conservés pour les années à venir. L'utilisation de ces crédits sous-consommés 10 ( * ) pour apurer la situation du CNDS limite fortement la portée de la loi de finances votée par le Parlement.

Sur le plan plus politique, on peut dès à présent s'interroger sur le poids réel du ministère dans la conduite de la politique du sport. Alors que le ministère des spots annonce depuis des mois le dépôt imminent d'un projet de loi « sport & société », ce texte ne semble pas avoir été programmé à l'ordre du jour de la session 2019-2020 du Sénat par le ministère en charge des relations avec le Parlement. A défaut de texte porté par le ministère des sports, les priorités de la politique du sport ont été présentées le 4 novembre 2019 par le Premier ministre dans le cadre d'un comité interministériel qui a rendu publiques 170 mesures sportives censées constituer l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques.

L'examen de ces mesures permet de constater qu'elles touchent à tous les aspects de la vie sociale et n'ont qu'un lointain rapport avec les jeux Olympiques et Paralympiques (« favoriser l'exercice physique chez les séniors » ; « développer le sport au sein des entreprises » ; « augmenter la pratique sportive des personnes en situation de handicap » ; « renforcer l'offre de formation aux métiers du sport »...). Sans mésestimer leur intérêt propre on peut donc s'interroger sur la pertinence de les promouvoir au titre du plan Héritage Paris 2024.

On peut aussi regretter qu'à travers les annonces de ce comité interministériel s'installe une forme de confusion entre ce qui relève de la politique du sport, y compris au niveau interministériel, et la préparation d'un grand événement sportif international qui n'a que peu à voir avec la « valorisation de la filière bois » (proposition 103) et la « valorisation du patrimoine gastronomique français » (proposition 120).

« Qui trop embrasse mal étreint » dit le dicton. À certains égards, le Gouvernement donne le sentiment d'organiser en 2024 davantage une « exposition universelle » visant à présenter des savoir-faire que des jeux Olympiques et Paralympiques permettant aux équipes nationales de produire des performances sportives. Le triste rang de la France aux championnats du monde d'athlétisme de Doha en septembre dernier (24 e derrière des pays comme la Norvège ou l'Estonie...) devrait pourtant nous inquiéter. Il est malheureusement sans doute déjà trop tard pour redresser la barre pour les jeux de Tokyo mais des inflexions sont encore possibles et souhaitables pour 2024.

C. UNE FORTE HAUSSE DU PROGRAMME 350 DÉDIÉ AU FINANCEMENT DES JEUX OLYMPIQUES DE 2024

Une avancée importante du PLF 2020 concerne les moyens dévolus au financement des infrastructures nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Le Premier ministre a posé le 4 novembre 2020 la première pierre du Village olympique et un comité interministériel organisé le même jour a également prévu des mesures utiles à l'image du programme prioritaire de recherche pour la haute performance sportive doté de 20 M€ (proposition 51). Ce lancement symbolique du chantier du Village olympique intervient surtout au moment où les moyens financiers mobilisés par l'État montent en puissance très fortement.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Concernant les équipements olympiques, le directeur général de la Solideo, Nicolas Ferrand, estime que : « les besoins exprimés ont été pris en compte » . L'année 2019 a été consacrée à la sécurisation des emprises foncières nécessaires (village olympique, village des médias, centre aquatique olympique, Aréna II...) et au phasage des travaux. Le directeur général de la Solideo considère ainsi que même en tenant compte des aléas imprévisibles, l'échéance de 2024 sera tenue. Le système est déjà sous tension avec 29 maîtres d'ouvrage et 40 « objets » à livrer.

Nicolas Ferrand indique que près de 82 % de l'enveloppe de 1,676 milliard d'euros (valeur 2016) a fait l'objet d'une contractualisation avec les maîtres d'ouvrages, ce qui a permis de déterminer les calendriers des chantiers. Certains choix restent néanmoins à faire concernant les entreprises qui auront la charge de construire le Centre aquatique olympique (CAO), l'Aréna II, les équipements nécessaires pour accueillir la voile à Marseille...

Le Gouvernement a souhaité que les villages des athlètes et des médias servent de vitrines de l'excellence sociale et environnementale française pour préparer la ville de 2040/2050. Il entend ainsi démontrer l'utilité de ces investissements aux yeux des Français. Ces chantiers mobilisent déjà 187,6 M€ (dont 58,3 M€ apportés par les collectivités territoriales) sur un coût total prévu de 932,8 M€.

Le Centre aquatique olympique comprendra des équipements modulables. Compte tenu des bassins d'entraînement, ce ne sont pas moins de 8 piscines qui constitueront l'héritage aquatique pour le département de la Seine-Saint-Denis. Le plan de financement s'établit à 90 M€.

Le Stade de France constitue probablement la principale déception concernant les équipements. Les deux concessionnaires, Bouygues et Vinci, avaient proposé d'anticiper la fin de la concession prévue en 2025 afin d'engager dès maintenant une rénovation totale de plusieurs centaines de millions d'euros dans le cadre d'un nouveau tour de table. Plusieurs arguments pouvaient plaider en faveur de ce choix. L'État souhaite se désengager de cet équipement construit pour la Coupe du monde de football de 1998 et seules les fédérations de football et de rugby ont intérêt à devenir propriétaires de l'enceinte avec le soutien d'un troisième partenaire technique chargé de la gestion et de la maintenance. Il n'existe pas de véritable alternative, contrairement à ce que laisse entendre un rapport commandé au cabinet Roland Berger.

Dans ces conditions, il aurait fait sens d'anticiper la fin de la concession pour profiter de l'effet « JO » afin de doter la France d'une enceinte aux standards internationaux d'aujourd'hui en termes de couverture de toit, de connexion aux médias numériques et d'hospitalités. Au lieu de cela, non seulement le projet de rénovation intégrale a été abandonné, mais même l'enveloppe de 70 M€ prévue dans le dossier de candidature pour opérer un « lifting » du stade a été divisée par deux 11 ( * ) . Il y a tout lieu de penser dans ces conditions que le stade olympique risque de devenir le parent pauvre de ces jeux, ce qui serait inédit.

Au final, il convient d'observer que les crédits du programme 350 doublent d'une année sur l'autre pour atteindre 129,3 millions d'euros en 2020.

Il n'est pas inutile de rappeler que les crédits apportés par l'État au financement des infrastructures olympiques ne constituent pas le seul financement public. Comme l'indique le tableau ci-après, les collectivités territoriales se sont également engagées à apporter 445,2 M€ ce qui représente un peu moins de la moitié de la contribution de l'État (932,9 M€).

Échéancier des contributions publiques à la Solideo entre 2018 et 2025

(en millions d'euros 2016)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

Région Île-de-France

16,9

16,9

16,9

16,9

16,9

16,9

16,9

16,9

135

Ville de Paris

15,6

10

16,571

18,6

18,6

18,6

18,6

18,6

135

Métropole du Grand Paris

2,5

2,5

2,5

2,5

2,5

2,2

2,1

16,8

Département des Hauts de Seine

0,5

0,75

0,75

1,3

1,15

0,55

5

Département de Seine-Saint-Denis

6,74

8,4

8,4

13,5

13,5

8,4

8,4

67,4

Département des Yvelines

1,5

0

0

0

0

0

0

0

1,5

Plaine Commune

2,1

4,4

4,9

4,9

4,9

4,9

4,9

4,9

35

Paris, Terres d'envol

2

3,6

5,4

4,4

4

0,2

0,4

20

Le Bourget

0,45

0,45

0,45

0,45

0,45

0,375

0,375

3

Dugny

0,42

0,42

0,42

0,51

0,48

0,375

0,375

3

CASQY

0

0,5

0,5

0,5

0

0

0

0

1,5

Marseille

0

3,3

3,3

3,3

3,3

3,3

2,75

2,75

22

Total pour les collectivités

36,1

47,7

58,3

62,1

66,3

65,7

54,7

54,27

445,2

État

48,96

63,4

120

200

200

190

70

40,5

932,9

Total pour les acteurs publics

85

111,1

178,3

262,1

266,3

255,7

124,7

94,7

1 378,1

Source : questionnaire budgétaire

II. LE PREMIER BUDGET DE L'AGENCE NATIONALE DU SPORT

A. UNE DOTATION À L'ANS EN-DEÇA DES ATTENTES DU MOUVEMENT SPORTIF ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le financement de l'Agence nationale du sport constitue un sujet d'attention et d'interrogation, ceci d'autant plus que l'année 2020 sera une année olympique marquée par les jeux de Tokyo du 24 juillet au 9 août 2020.

Lors de la constitution de l'ANS, le mouvement sportif estimait les moyens alloués par l'État nécessaires à son fonctionnement entre 350 et 400 millions d'euros. L'enveloppe qui lui sera finalement allouée atteindra péniblement les 284 millions d'euros sachant que l'Agence devra financer ses charges de fonctionnement sur son fonds de roulement (7 M€).

Cette somme de 284 millions d'euros correspond d'une part à une subvention de 137,6 millions d'euros en provenance du programme 219 et d'autre part à 146,4 millions d'euros issus du produit des taxes précédemment affectées au CNDS.

À noter également que l'ANS ne recevra en réalité que 278,2 M€ nets des frais d'assiette et de recouvrement des taxes affectées. Ces frais d'environ 4 % ont pour effet de ramener de 146,4 M€ à 140,6 M€ les recettes issues de ces taxes.

Répartition des ressources de l'Agence nationale du sport en 2020

(en millions d'euros)

Action 1 - Promotion du sport pour le plus grand nombre

45,7

Subvention ( destinée aux conventions avec les fédérations, aux plans sportifs territoriaux, aux emplois sportifs qualifiés... )

43,83

Subvention de fonctionnement

1,87

Action 2 - Développement du sport de haut niveau

91,87

Subvention ( destinée aux conventions avec les fédérations, aux bourses et aides personnalisées, aux équipements structurants nationaux... )

1,87

Subvention de fonctionnement

90

Total sur le programme 219

137,6

Recettes issues des taxes affectées

140,6

Ressources totales de l'Agence

278,2

Source : questionnaire budgétaire

Concernant l'utilisation des moyens, l'ANS devrait consacrer 90 M€ à la haute performance et au haut niveau et 194 M€ au développement des pratiques sportives pour tous.

Alors que le directeur général de l'Agence a estimé suffisants les moyens mis à sa disposition, l'ensemble des interlocuteurs auditionnés ont plutôt émis des doutes sur le niveau des moyens prévus en observant qu'il ne permettaient aucune marge de manoeuvre.

Lorsque l'on examine les moyens dévolus au sport depuis 2017, on constate une baisse de - 15 % qui s'explique par la réduction du montant des taxes affectées (- 50,7 %) compensée seulement partiellement par la hausse du programme 219.

Les crédits prévus par le PLF 2020 ne permettent pas de revenir sur cette baisse de moyens qui a particulièrement frappé les associations et les clubs sportifs.

Évolution des moyens dévolus au financement du sport entre 2017 et 2019

(en millions d'euros)

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

Variation LFI 2018/ LFI 2017

Variation LFI 2019/ LFI 2018

Variation LFI 2019/ LFI 2017

Crédits de paiement du programme 219

247,4

347,2

312,2

+ 40,3 %

- 10,1 %

+ 26,2 %

Recettes des taxes affectées ( montant brut )

297

133,4

146,4

- 55,1 %

+ 9,7 %

- 50,7 %

Recettes nettes des taxes affectées ( après frais d'assiette et de recouvrement )

285,2 (*)

128,1

140,6

- 55,1 %

+ 9,7 %

- 50,7 %

Montant total pour le financement du sport

532,6

475,3

452,8

- 10,7 %

- 4,7 %

- 15 %

Source : questionnaire budgétaire

(*) Le montant des recettes nettes des taxes affectées au CNDS pour 2017 prend en compte une augmentation de 27 millions d'euros réalisée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017 afin de financer ses restes à payer compte tenu de la diminution des ressources réalisée par la loi de finances pour 2018.

Lors de l'examen des crédits à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement 12 ( * ) de François Cormier-Bouligeon déposé en première partie ayant pour objet d'augmenter de 15 M€ le plafond de la taxe de 1,8 % sur les paris sportifs affectée à l'Agence nationale du sport. Alors que cet amendement avait reçu un accueil favorable sur l'ensemble des bancs de l'hémicycle, le Gouvernement a demandé une seconde délibération afin de revenir sur le vote de l'Assemblée nationale. Ces moyens supplémentaires auraient permis de compléter utilement le budget de l'ANS afin de lui permettre d'approcher le niveau des 300 M€, fourchette basse évoquée l'année dernière.

Pour mémoire, on peut rappeler que sur les 419,9 M€ issus des prélèvements effectués sur les jeux, les paris sportifs et les droits de retransmission audiovisuelle, seuls 140,6 M€ (hors frais d'assiette) bénéficieront à l'ANS, 273,5 M€ prenant le chemin du budget général.

Évolution du produit des taxes affectées aux politiques sportives
et de leur plafonnement depuis 2015

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

2020 (prévisions)

Recettes issues du prélèvement sur les jeux (hors paris sportifs) - taux de 1,8 %

Recettes avant plafonnement

207,0

212,8

212,8

229,9

232,2

234,5

Recettes versées au sport, après plafonnement

170,5

163,45

186

73,8

71,8

71,8

Recettes issues du prélèvement complémentaire sur les jeux (hors paris sportifs) - taux de 0,3 %

Recettes avant plafonnement

34,1

35,3

35,5

-

-

-

Recettes versées au sport, après plafonnement

24

27,6

25,5

-

-

-

Recettes issues du prélèvement sur les sommes misées aux paris sportifs (1,8 %)

Recettes avant plafonnement

61,0

84,35

90,25

92,0

101,2

111,3

Recettes versées au sport, après plafonnement

34,6

32,3

44,6

34,6

34,6

34,6

Recettes issues de la taxe sur les droits de retransmission télévisuelle des événements sportifs

Recettes avant plafonnement

41,3

47,2

47,2

52,6

53,8

74,1

Recettes versées au sport, après plafonnement

40,9

40,9

40,9

25

40

40

Montant total des recettes avant plafonnement

343,4

379,6

385,8

374,5

387,2

419,9

Montant du plafonnement (recettes brutes, avant frais d'assiette et de recouvrement)

270

264,2

297

133,4

146,4

146,4

Montant des recettes pour le CNDS puis l'ANS (recettes nettes, après frais d'assiette et de recouvrement)

259,2

253,7

285,1

128,1

140,6

140,6

Recettes reversées au budget général

73,4

115,4

88,8

241,1

240,8

273,5

Source : questionnaire budgétaire

L'Agence nationale du sport est encore dans une phase de montée en puissance. Elle bénéficie pour 2020 d'un plafond d'emplois de 42 ETPT 13 ( * ) et s'est mise en quête de nouveaux locaux. Elle vient de récupérer l'attribution des aides personnalisées aux athlètes et elle s'acquitte des engagements du CNDS dont certains devraient durer encore une dizaine d'années.

Le principal chantier de l'Agence concerne aujourd'hui les projets sportifs fédéraux (PSF) qui visent à déléguer aux fédérations le soin de distribuer les subventions aux clubs. À titre d'expérimentation, 28 fédérations et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ont inauguré cette nouvelle organisation en 2019. Le bilan de ces PSF est positif, les fédérations estimant qu'elles ont ainsi pu resserrer leurs liens avec les clubs. Le CNOSF estime que l'effet de levier est important puisqu'aux 50 M€ mobilisés par l'Agence s'ajoutent 200 M€ accordés par les collectivités territoriales, les fédérations pouvant également abonder les crédits de l'Agence. Les PSF seront généralisés en 2020 ce qui nécessite un effort de formation des fédérations qui trouvent encore la démarche complexe.

Concernant le financement des équipements sportifs, l'ANS a reçu près de 600 dossiers parmi lesquels 250 ont été retenus à l'issue d'une procédure privilégiant la recherche du consensus autour de deux critères, la plus-value sportive et la solidité financière.

L'ANS prévoit de déployer en 2020 son action territoriale. Le premier semestre permettra d'élaborer des diagnostics par territoire et par région. Ces diagnostics devront permettre aux conférences régionales du sport d'élaborer leur projet sportif territorial (PST) . Les conférences des financeurs du sport pourront ensuite être installées. Si la question du périmètre de ces conférences des financeurs est encore en débat, les dirigeants de l'ANS reconnaissent la pertinence d'établir des périmètres de référence au niveau départemental et métropolitain comme le proposent nos collègues Claude Kern et Christian Manable 14 ( * ) .

B. LE SORT TOUJOURS INCERTAIN DES CTS À QUELQUES MOIS DES JEUX DE TOKYO

La mission « flash » organisée par notre commission sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) a conclu 15 ( * ) à la nécessité de surseoir au transfert envisagé par le Gouvernement des CTS aux fédérations. Afin de prévenir toute tentative de passage en force, le Sénat a adopté en juin dernier un amendement déposé à l'initiative de notre collègue Michel Savin prévoyant d'exclure les CTS du transfert obligatoire prévu par l'alinéa 11 de l'article 28 du projet de loi pour la transformation de la fonction. Ce coup d'arrêt porté au projet de transfert des CTS faisait suite au lancement par la ministre des sports d'une mission de conciliation confiée à des tiers de confiance 16 ( * ) , l'ancien gymnaste Yann Cucherat et Alain Resplandy-Bernard, haut fonctionnaire.

Or, avant même que cette mission ne rende ses conclusions, l'intégration des dépenses de personnel relatives aux CTS au sein du programme 219 à hauteur de 120,8 M€ a été perçue comme la poursuite du projet de transfert, puisque le programme 219 constitue le support naturel destiné à accueillir les crédits destinés à des fédérations sportives.

Cette évolution budgétaire intervient alors même que la crise ouverte par l'annonce de l'extinction du corps et le transfert des cadres aux fédérations n'est pas terminée.

La rencontre organisée au Sénat en octobre 2019 avec les deux tiers de confiance a été l'occasion pour ces derniers de partager leur état des lieux en insistant notamment sur l'insuffisance de la fonction ressources humaines (RH) au sein du corps des CTS et sur une formation continue lacunaire.

Parmi les scénarios d'évolution envisagés par les tiers de confiance, deux semblent peu consensuels : le statu quo reviendrait pour le Gouvernement à abandonner son projet de faire évoluer le corps tandis que le maintien de l'extinction du corps risquerait de prolonger la crise. Une voie médiane pourrait consister selon les tiers de confiance à « resserrer » le corps des CTS autour des directeurs techniques nationaux et des entraîneurs nationaux et à le doter d'une véritable fonction RH. Cette piste de réflexion pourrait se révéler intéressante, notamment si une articulation intelligente était trouvée avec l'ANS, mais elle demeure une hypothèse lointaine compte tenu des obstacles à lever pour clarifier le projet (comment seraient gérés administrativement les membres ? quels seraient précisément les cadres concernés ? comment seraient-ils recrutés ? etc.).

Dans ce contexte incertain, votre rapporteur pour avis doute de l'intérêt qu'il y avait à intégrer dans le cadre du PLF 2020 les crédits propres aux CTS dans le programme 219 au risque de laisser penser que le scénario du transfert intégral du corps était acté.

En déstabilisant le corps des CTS à quelques mois des jeux de Tokyo, votre rapporteur pour avis estime par ailleurs que le Gouvernement a pris un risque considérable qui pourrait avoir des conséquences jusqu'en 2024. Alors que se profile une échéance majeure, de nombreux entraîneurs sont en effet sollicités par des pays étrangers et nos équipes olympiques apparaissent fragilisées.

On ne peut réformer sans égard pour les personnes et sans prendre le temps d'un débat approfondi, c'est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite que le travail des tiers de confiance soit l'occasion de mettre en oeuvre un changement de méthode dans la transformation du ministère des sports qui mérite mieux que des décisions abruptes dénuées de vision globale pour l'avenir de la politique du sport.

C. UNE FRAGILISATION PERSISTANTE DES ACTEURS DE TERRAIN

L'audition des responsables de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) a été l'occasion pour les élus en charge du sport dans les collectivités territoriales de rappeler la nécessité d'améliorer la qualité et le nombre des équipements de proximité qui ont souffert du désengagement du CNDS.

Comme l'année dernière, les représentants de l'Andes ont déploré la dégradation du parc d'équipements sportifs locaux. Sur les 200 000 équipements locaux que possèdent les collectivités territoriales, 20 % auraient plus de 50 ans. La situation des piscines est particulièrement préoccupante car on ne compte plus les fermetures de bassins pour cause de vétusté.

L'Andes rappelle que les moyens en faveur des équipements sportifs de proximité sont passés de 80 M€ à 40 M€ entre 2010 et 2019 et demande un accroissement de moyens financé par un déplafonnement des taxes affectées sur les droits audiovisuels et les paris sportifs.

Les élus locaux en charge du sport souhaitent également que la gouvernance territoriale du sport soit véritablement partenariale et ne se résume pas à une déconcentration.

Pour mémoire, on peut cependant rappeler que 194 M€ seront consacrés en 2020 au développement des pratiques dont 68,1 M€ bénéficieront aux clubs et aux associations. Si les emplois aidés ont été substantiellement réduits, il demeure une enveloppe de 48,25 M€ qui permettra de financer 5 070 emplois structurants dans près de 4 500 clubs tandis que 3 M€ seront consacrés à l'apprentissage. Le soutien aux équipements sportif territoriaux devrait par ailleurs s'élever à 45 M€.

Pour un Pass Sport sur le modèle du Pass Culture

Dans le cadre de la promotion du sport pour le plus grand nombre, votre rapporteur pour avis a proposé avec son collègue député Régis Juanico la création d'un Pass Sport conçu sur le modèle du Pass Culture actuellement expérimenté par le ministère de la culture.

Ce Pass Sport viserait à lutter contre le décrochage sportif et la sédentarité des jeunes, et à démocratiser la pratique sportive. Il pourrait être destiné aux 14-20 ans, la tranche d'âge couvrant les trois principales périodes de décrochage de la pratique sportive observées chez les jeunes, en particulier les jeunes filles : la rentrée en classe de 4 ème (13-14 ans), le passage du collège au lycée (15-16 ans) et le passage dans l'enseignement supérieur (17-18 ans).

Ce Pass Sport consisterait en un crédit de 500 euros dédié à l'achat de licences, à l'achat de petit matériel (vêtements, chaussures...), à l'accès à des équipements sportifs (piscine, patinoire...) ainsi qu'à des animations sportives hors périodes scolaires. Sa mise en place pourrait être progressive, avec une phase d'expérimentation ouverte à 50 000 jeunes volontaires, pour un coût de 25 M€. Il pourrait ensuite être étendu à l'ensemble d'une classe d'âge, soit environ 800 000 jeunes par an.

Ce Pass Sport permettrait de concourir à l'objectif ministériel de 3 millions de pratiquants supplémentaires d'ici 2024.

III. UN SOUTIEN AU SPORT DE HAUT NIVEAU RÉORGANISÉ À QUELQUES MOIS DES JEUX DE TOKYO

Les moyens de l'action n° 2 « Développement du sport de haut niveau » augmenteront de 6,4 % en 2020 à périmètre constant pour atteindre 215,5 M€ en crédits de paiement et 218,5 M€ en autorisations d'engagement.

Ces moyens servent à soutenir la préparation aux compétitions de haut niveau et aux parcours de l'excellence sportive. Ils permettent également à l'État de contribuer à l'organisation de grands événements sportifs.

A. LE SOUTIEN À LA PRÉPARATION AUX COMPÉTITIONS DE HAUT NIVEAU

Les moyens alloués à l'action n° 2 visent à conforter la contribution de l'État à l'organisation et au financement du sport de haut niveau. La politique ministérielle de soutien au sport de haut niveau repose sur une ambition en matière de performances sportives dans les grandes compétitions internationales et sur l'exigence d'une intégrité morale et physique des athlètes.

Les interventions du ministère dans le cadre de l'action n° 2 concernent les parcours de l'excellence sportive à travers notamment les pôles « France » et « Espoirs » labellisés implantés dans le réseau des établissements nationaux (Insep, écoles) et dans les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps).

Le soutien financier aux fédérations sportives pour la préparation et la participation aux grandes compétitions sportives est maintenant opéré directement par l'Agence nationale du sport qui a prévu de consacrer 61,1 M€ pour soutenir les projets de performance des fédérations sportives et 12,9 M€ pour le soutien des athlètes de haut niveau. 9 M€ devraient être également dédiés aux équipements structurants nationaux accueillant des compétitions internationales et 6 M€ devraient bénéficier au soutien du haut niveau régional. Enfin, une enveloppe de 1,7 M€ est prévue pour créer le « Sport data hub », un système d'information national mutualisé permettant d'étayer les stratégies de l'ANS, des fédérations et de la cellule de performance (aide d'outils à la décision, estimation du potentiel de médailles...).

B. L'INSTITUT NATIONAL DU SPORT, DE L'EXPERTISE ET DE LA PERFORMANCE (INSEP)

Le budget de l'Insep porté par le programme 219 baisse de - 2,1 % en 2020 à 22,9 M€. Cette baisse trouve son origine dans le transfert de la mission d'optimisation de la performance de l'Insep vers l'ANS qui a concerné 8 ETP.

La direction générale de l'Insep a pu mener cette année son projet de remise à plat de la restauration afin de l'adapter aux besoins des sportifs. Cette évolution a nécessité une modification du contrat de partenariat public-privé (PPP), le surcoût de 1,6 M€ étant financé sur la trésorerie de l'Insep.

Le développement du réseau « Grand Insep » se poursuit avec 23 établissements labellisés. Le réseau vise à apporter une plus-value à travers l'expertise et la transversalité pour mieux accompagner les athlètes.

L'Insep souhaite également développer le mécénat afin de compléter ses équipements. Les besoins financiers sont estimés entre 8 et 10 M€ pour construire notamment un terrain multisports et une salle dotée de capteurs.

Au-delà de la question des moyens, votre rapporteur pour avis s'interroge sur la place de l'Insep dans le réseau de la haute performance sportive. La création de l'Agence nationale du sport a changé radicalement la donne et l'Insep est devenu un simple opérateur.

Comment dès lors articuler la stratégie qui relève du manageur de la haute performance avec sa mise en oeuvre par la direction de l'Insep ? Une réflexion sur cette gouvernance semble s'imposer afin d'établir une réelle cohérence dans le fonctionnement du réseau de la haute performance. À défaut, le risque existe que le management de l'Insep, dépossédé de sa fonction stratégique, devienne attentiste alors même que les piètres performances constatées dans certaines disciplines nécessitent d'impulser une nouvelle dynamique.

C. LES MOYENS DES CREPS GLOBALEMENT PRÉSERVÉS

Les Creps bénéficieront d'une part importante des crédits de l'action n° 2 qui s'élèvera à 56,6 M€. Ces crédits doivent permettre une revalorisation de la subvention destinée aux personnels afin en particulier de financer les mesures dites PPCR (« Parcours professionnels, carrières et rémunérations ») et d'assurer le glissement vieillesse technicité (GVT).

L'enveloppe prévue pour les Creps doit également permettre de financer à hauteur de 0,8 M€ la montée en puissance du plan Étudiants destiné à accueillir 500 bacheliers dans des formations d'éducateurs sportifs.

A contrario , une baisse de 1 M€ est également prévue concernant les dépenses de fonctionnement au titre de l'ajustement aux besoins.

L'enjeu pour les Creps en 2020 sera de nouer des liens avec l'Agence nationale du sport et d'interagir avec ses formations territoriales, conférences régionales du sport et conférences des financeurs. Un maillage territorial de la haute performance est nécessaire et des mesures d'adaptation de la gouvernance des Creps pourraient être nécessaires pour renforcer les liens entre les acteurs comme l'ont montré nos collègues Claude Kern et Christian Manable dans leur récent rapport d'information 17 ( * ) .

D. L'ORGANISATION DES GRANDS ÉVÉNEMENTS SPORTIFS

L'année 2019 aura été marquée par le succès de l'organisation de la coupe du monde de football féminine qui illustre une nouvelle fois le savoir-faire français en matière d'accueil de grands événements sportifs internationaux.

L'année 2020 connaîtra son lot d'épreuves internationales à l'image de la coupe du monde de ski qui aura lieu du 7 au 9 février 2020 sur la Verte des Houches. L'aménagement de la piste a nécessité des travaux pour un coût de 10 M€.

Parmi les autres compétitions qui bénéficieront d'un soutien public, on peut également citer les championnats d'Europe de gymnastique artistique féminine, le championnat d'Europe d'athlétisme, les championnats du monde de vol à voile...

Mais les regards se portent déjà sur l'organisation de la coupe du monde de rugby en 2023 en France. Notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a auditionné à ce sujet le directeur général du GIP, Claude Atcher, le 16 octobre dernier 18 ( * ) .

Le bilan de l'accueil de ces compétitions est assurément positif, car elles permettent d'irriguer économiquement des territoires et sont pourvoyeuses d'investissements, d'activités et d'emplois. Ces compétitions sportives constituent également des sources de revenus essentielles pour les nouvelles salles ou stades multi usages qui ont été construits dans plusieurs régions ces dernières années.

Certains grands équipements comme le Stade de France se retrouvent cependant rapidement obsolètes au regard des nouveaux standards, ce qui pose la question de leur rénovation et de leur valorisation lorsqu'ils appartiennent à la puissance publique.

L'économie de ces grands événements sportifs repose le plus souvent sur l'inflation des droits sportifs de retransmission audiovisuelle, ce qui pourrait être de nature à créer de sérieuses difficultés en cas de « dégonflement de bulle ». L'achat des droits de diffusion des matchs de Roland-Garros en soirée sur le nouveau court central couvert par le géant Amazon laisse néanmoins penser que la dynamique des droits n'a pas achevé son parcours.

En termes budgétaires, les subventions pour l'organisation de grands événements sportifs internationaux (GESI) disposeront en 2020 d'un montant de 10 M€ en autorisations d'engagement (identique à la loi de finances initiale (LFI) 2019) et de 6,16 M€ en crédits de paiement (+ 2,4 M€ par rapport à 2019).

IV. LA RECONDUCTION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PROTECTION DES SPORTIFS ET À LA PROMOTION DES MÉTIERS DU SPORT

A. LA PROTECTION DES SPORTIFS ET L'AFLD

Les crédits de l'action n° 3, consacrés à la prévention par le sport et à la protection des sportifs, s'établiront en 2020 à 20,61 M€ (14,95 M€ hors titre 2).

Ces crédits permettent d'initier des actions de prévention des accidents de sport, de promotion de la santé et de protection des sportifs. Dans ce cadre, le ministère conduit des initiatives visant à promouvoir l'exercice d'une activité sportive ayant des effets bénéfiques sur la santé. Il mène des politiques de prévention des accidents, par exemple en effectuant un suivi de la règlementation en relation avec les administrations et les fédérations concernées visant à sécuriser la pratique physique et sportive. Il assure également une prise en charge partielle du suivi médical des sportifs de haut niveau aux côtés des fédérations.

Dans ces conditions, l'action n° 3 prévoit de reconduire les actions nationales de prévention de la santé par le sport et le programme de recherche de portée nationale à hauteur de 0,38 M€ tandis que 1,46 M€ seront à nouveau consacrés aux actions déconcentrées de promotion des activités physiques et sportives (APS) et de suivi médical des sportifs. Une mesure nouvelle est également prévue à hauteur de 200 000 € pour poursuivre la mise en oeuvre de la stratégie nationale sport-santé pour 2019-2024.

Les actions de prévention et de lutte contre les incivilités et la violence dans le sport bénéficieront pour leur part de 0,74 M€, soit le même niveau qu'en 2018 et 2019.

Près de la moitié des crédits de l'action n° 3 sont par ailleurs consacrés à la lutte contre le dopage. L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) recevra en 2020 une subvention de 9,9 M€ contre 9,6 M€ en 2018 et 2019, 8,5 M€ en 2017 et 7,8 M€ en 2016.

La contribution annuelle de la France au fonctionnement de l'Agence mondiale antidopage (AMA) est revalorisée à 1,02 M€ en 2020 (+36,5 %) contre 0,75 M€ en 2019 pour être en phase avec la décision de l'agence d'augmenter son budget de 8% par an sur la période 2019-2022 afin de renforcer l'activité de l'AMA à la suite de la découverte d'un système de dopage institutionnalisé en Russie.

La situation de l'AFLD demeure particulièrement compliquée compte tenu de l'accroissement continu de ses missions sans véritables moyens supplémentaires. La direction de l'agence reconnaît que la hausse des moyens intervenue depuis 2017 a permis un premier rattrapage mais elle ne tient pas compte des nouvelles obligations imposées par l'AMA à l'issue de son audit de l'Agence.

La subvention de l'AFLD augmentera certes de 0,3 M€ en 2020 pour tenir compte du relèvement du plafond d'emplois de 70 à 74 ETP. Mais cette augmentation des effectifs ne correspond que partiellement à la hausse d'une charge de travail dorénavant internalisée. Jusqu'au 1 er mars 2019, environ 70 % des contrôles antidopage diligentés au nom de l'AFLD étaient en réalité organisés par des agents des services déconcentrés du ministère des sports (conseillers régionaux antidopage). Au terme d'une phase transitoire, conformément au code mondial antidopage et aux demandes de l'AMA, l'AFLD se prépare à assurer les contrôles jusqu'ici délégués au conseiller interrégional antidopage (Cirad) avec des ressources inférieures.

Hors abondement lié au transfert des 4 ETP, la subvention de l'AFLD pour 2020 est stable à 9,59 M€. Cette absence d'évolution contredit cependant la programmation pluriannuelle qui prévoyait une augmentation significative 19 ( * ) . Pour l'AFLD, ce revirement opéré par le ministère compromet à la fois les projets engagés par l'Agence et la satisfaction des obligations découlant du code mondial antidopage.

Votre rapporteur pour avis rappelle en effet que l'Agence est soumise à une hausse du coût des contrôles qui tient à plusieurs facteurs :

- l'accroissement de la proportion des contrôles individuels concernant les sportifs de haut niveau et les professionnels se traduit par une hausse des frais de vacation ;

- les exigences du haut niveau ont pour conséquence un plus grand nombre d'analyses « spécialisées » (EPO, hormone de croissance, peptides...) particulièrement coûteuses ;

- et le suivi de l'élite sportive française impose la réalisation de contrôles à l'étranger coûteux lors de stages et déplacements des sportifs relevant de la compétence de l'AFLD.

Face à ces dépenses supplémentaires, l'AFLD estime que la principale variable d'ajustement réside dans le nombre de prélèvements pouvant être réalisés . Ce nombre a déjà baissé de 22 % entre 2012 où 10 559 contrôles avaient été réalisés et 2018 où seulement 8 198 contrôles ont pu être conduits. L'AFLD estime que l'objectif de 8 000 contrôles en 2019 n'est pas acquis et envisage une baisse autour de 7 000 contrôles en 2020. Une telle évolution serait à rebours de la tendance observée en Grande-Bretagne et en Allemagne où le nombre des contrôles a fortement augmenté ces dernières années.

Outre la hausse du coût des contrôles, l'AFLD est confrontée à d'autres dépenses structurelles. Elle a ainsi été amenée à créer un département des enquêtes et du renseignement distinct de celui des contrôles après avoir créé en 2018 un département de la communication et de la prévention chargé de conduire des actions d'éducation et de prévention. Les moyens consacrés à ces deux départements chargés de répondre à des demandes de l'AMA sont considérés par l'Agence comme insuffisants.

Dans ce contexte, le dossier du déménagement du laboratoire de l'AFLD apparaît comme particulièrement délicat puisque les arbitrages budgétaires ne permettent pas actuellement de financer le projet de relocalisation du laboratoire 20 ( * ) . Le montant de la rénovation du bâtiment de l'université Paris Sud destiné à accueillir le laboratoire en 2023 a été estimé à 11,6 M€ sur 5 ans. L'AFLD s'est engagée à prendre en charge sur son fonds de roulement les paiements prévus pour 2019 (0,5 M€) correspondant aux études préliminaires à la réalisation des travaux. En revanche, les paiements pour les exercices suivants nécessitent un abondement de la subvention de l'agence. Or le PLF 2020 ne prévoit aucun crédit de paiement pour le financement de l'opération , seuls des autorisations d'engagement ont été inscrites dans le programme 350 à hauteur de 1,7 M€. Cette situation expose l'AFLD à une dépense non financée de 700 k€ qu'elle estime ne pas être en mesure de prendre en charge.

Tableau prévisionnel de financement du déménagement du laboratoire
sur le site d'Orsay 21 ( * )

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

Total

Autorisations d'engagement (AE)

1,2

1,0

9,4

-

-

11,6

Crédits de paiement (CP)

0,5

0,7

3,7

6,5

0,2

11,6

Source : Agence française de lutte contre le dopage

Une dernière difficulté concerne les locaux actuels occupés par le laboratoire de l'AFLD à Chatenay-Malabry que le conseil régional d'Île-de-France souhaiterait récupérer. Votre rapporteur pour avis a été étonné d'apprendre que la convention d'occupation dont bénéficiait l'Agence était devenue caduque à l'occasion du transfert de propriété du Creps opéré par l'État au bénéfice de la région en application de la loi NOTRe.

L'AFLD estime que le renouvellement de la convention d'occupation des locaux du Creps jusqu'à 2023 pourrait conduire au versement d'un loyer dont le montant est susceptible de s'élever à 200 k€. L'hypothèse d'un déménagement dans un site provisoire apparaît à exclure compte tenu de son coût et de la désorganisation qu'elle induirait sur le fonctionnement du laboratoire.

Au final, l'Agence estime son besoin de financement supplémentaire pour 2020 à 1,1 M€ par rapport à la subvention arrêtée par le ministère des sports (hors loyer éventuel pour l'occupation des locaux du laboratoire). Votre rapporteur pour avis constate que ce besoin de financement correspond précisément aux crédits supplémentaires qui avaient été accordés dans le cadre des arbitrages sur le PLF 2020 avant d'être conservés par le ministère des sports.

B. LA PROMOTION DES MÉTIERS SPORTIFS

L'action n° 4 consacrée à la « Promotion des métiers du sport » concourt à l'atteinte de la « promotion du sport pour le plus grand nombre » visée par l'action n° 1 en permettant la formation d'éducateurs pour encadrer la pratique sportive.

Les crédits de cette action qui étaient de 27,95 M€ en 2017, 28,14 M€ en 2018 et 30 M€ en 2019 devraient s'établir en 2020 à 24,6 M€ (hors CTS).

Une part prépondérante de ces crédits sera consacrée au financement des trois écoles nationales - l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) pour 7,31 millions d'euros, l'École nationale des sports de montagne (ENSM) pour 8,08 millions d'euros, l'École nationale de voile et des sports nautiques (ENVSN) pour 3,78 millions d'euros - et, à titre accessoire, l'Insep pour 0,25 million d'euros afin de financer ses actions dans le domaine de la formation professionnelle et la professionnalisation de l'encadrement sportif.

L'essentiel de ces crédits sert à financer la masse salariale à hauteur de 7,55 millions d'euros pour l'ENSM, 3,54 millions d'euros pour l'ENVSN et 7,14 millions d'euros pour l'IFCE. Cette subvention est à nouveau en baisse en raison du schéma d'emplois appliqué à ces écoles (ENVSN) et à une minoration de la subvention liée à la masse salariale de l'IFCE.

*

* *

En conclusion, votre rapporteur pour avis porte un regard plus nuancé sur ce projet de budget pour 2020 que sur celui de l'année dernière lorsque les interrogations sur l'avenir de la Solideo et de l'ANS l'avaient amené à recommander un avis défavorable à l'adoption des crédits.

Le PLF 2020 comporte en effet deux différences de taille par rapport au PLF 2019 concernant les crédits du sport :

- les moyens nécessaires au financement des infrastructures olympiques ont effectivement été dégagés et les délais devraient donc être respectés. Le temps des incertitudes est donc révolu et la montée en puissance des moyens a bien eu lieu comme celle des équipes dédiées à l'ANS ;

- en second lieu, grâce aux dispositions introduites dans la loi du 1 er août 2019 à l'initiative du Sénat, la mise en place de l'ANS va se poursuivre en 2020, en particulier au niveau territorial avec la mise en place de la nouvelle gouvernance . La transition entre le CNDS et les nouvelles méthodes de l'Agence va se poursuivre et la nouvelle gouvernance territoriale du sport du fait de son caractère « partenarial » devrait répondre aux attentes des collectivités territoriales et du mouvement sportif.

Ce qui pose problème n'est donc pas tant ce que comprend ce projet de budget que ce qu'il ne prévoit pas comme un effort d'investissement pour renouveler nos équipements sportifs territoriaux. Le mouvement sportif ainsi que de nombreux députés ont demandé lors du débat à l'Assemblée nationale qu'une part plus importante des prélèvements sur les droits audiovisuels et les paris sportifs soit attribuée au financement du sport. Nous aurons à notre tour ce débat en séance publique même si les règles en matière de recevabilité financière ne permettent pas de discuter au Sénat un amendement qui relèverait le plafond sur les taxes affectées.

Enfin, votre rapporteur pour avis souhaite alerter sur la situation de l'AFLD qui ne permet plus à la France de respecter ses obligations en matière de lutte contre le dopage. Sans prise de conscience ni moyen supplémentaire, c'est la promesse de « jeux propres » qui pourrait être menacée.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits du programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » .

SECONDE PARTIE : JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE
(RAPPORTEUR POUR AVIS :
M. JACQUES-BERNARD MAGNER)

Bien que le programme 163 soit intitulé « Jeunesse et vie associative », votre rapporteur pour avis souhaite souligner que ce programme, d'un montant de 663,7 millions d'euros, ne regroupe qu'une petite partie des crédits en faveur de la jeunesse et des associations.

La jeunesse - qui inclut la population française jusqu'à 30 ans - regroupe des publics divers : public scolaire, étudiants, jeunes en situation d'emploi, jeunes en échec scolaire et d'insertion ... Sans être exhaustif, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler les missions les plus importantes en matière de crédits consacrés à la jeunesse : mission « Enseignement scolaire », mission « Recherche et enseignement supérieur », mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ou encore la mission « Travail et emploi ». Lors de son audition devant votre commission le 13 novembre dernier, Gabriel Attal a ainsi indiqué que « les politiques en faveur de la jeunesse représentent un investissement de 95 milliards d'euros dans le budget global de l'État ».

De même, « l'effort de l'État en faveur des associations hors dépenses fiscales s'élève à plus de 7 milliards d'euros ». Quatre missions disposent ainsi de subventions publiques pour des associations supérieures à 500 millions d'euros : « Égalité des territoires et logement » - 1,6 milliard d'euros - ; « Justice » - 675 millions d'euros - ; « Solidarité, insertion et égalité des chances » - 621 millions d'euros - ; « Immigration, asile et intégration » - 522 millions d'euros. Quant à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », les subventions aux associations sont de 188 millions d'euros. Ces chiffres sont à comparer aux 45,4 millions d'euros inscrits à l'action 1 « Développement de la vie associative » du programme 163.

I. LE PROGRAMME 163 EN HAUSSE DE 8,4 % PRINCIPALEMENT EN RAISON DE LA POURSUITE DE L'EXPÉRIMENTATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL (SNU)

A. PRÉSENTATION DU PROGRAMME

La maquette du programme 163 a évolué. Elle comprend désormais une quatrième action consacrée au service civique universel.

• Développement de la vie associative (8,1 % du programme)

Cette action regroupe les outils d'aide à la formation et au soutien des associations. Tel est le cas du compte d'engagement citoyen (11,5 millions d'euros) ou le fonds de développement de la vie associative (FDVA) pour 33 millions d'euros. Ce dernier, destiné à accompagner le secteur associatif aux plans local et national comporte deux volets :

- la formation des bénévoles (8,1 millions d'euros) : 180 000 bénévoles ont pu bénéficier du financement de leurs projets de formation. Votre rapporteur pour avis souligne l'importance du financement de la formation des bénévoles. En effet, si le monde associatif représente 1,8 million de salariés, 85 % des associations n'ont pas de salarié, comme l'a rappelé à votre rapporteur pour avis Mme Chantal Bruneau, secrétaire générale du Haut Conseil de la vie associative 22 ( * ) ;

- le soutien aux associations (25 millions d'euros) : le FDVA a pris le relais de la réserve parlementaire désormais supprimée. En 2018, première année de mise en place de la responsabilité du FDVA pour attribuer des subventions aux associations à la place de la réserve parlementaire, 180 000 associations ont été aidées .

Est également inclus dans cette action, le soutien national aux associations agréées « jeunesse et éducation prioritaire », par le versement de subventions à hauteur de 7,23 millions d'euros.

• Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire (10,8 % du programme)

Cette action regroupe le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (44,68 millions d'euros), la politique en faveur des échanges internationaux des jeunes (16 millions d'euros), ainsi que les mesures d'information des jeunes sur l'ensemble des projets les concernant (formation, emploi, vie quotidienne, loisirs, santé, ...) à travers les centres régionaux de l'information jeunesse pour un montant de 6,3 millions d'euros.

• Développement du service civique (76,6 % du programme)

Cette action permet la prise en charge du coût pour l'État du service civique, notamment de l'indemnité versée aux jeunes en service civique, d'un montant net mensuel de 473,04 euros.

• Service national universel (4,5 % du programme)

Il s'agit d'une nouvelle action du programme 163 « Jeunesse et vie associative ». Comme l'a indiqué M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, lors de son audition devant la commission le 13 novembre dernier, cette nouvelle action traduit l'engagement pris l'année dernière d'une ligne budgétaire dédiée au Service national universel (SNU). Votre rapporteur pour avis rappelle toutefois qu'un gestionnaire de programme peut facilement transférer des sommes d'une action à l'autre de son programme, sans avoir à se justifier en cours d'année. Votre rapporteur pour avis veillera à ce que l'exécution de cette action , n'empiète pas sur les crédits initialement alloués à d'autres postes de dépenses du programme 163.

B. ANALYSE DE L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS

Le tableau ci-après analyse l'évolution des crédits budgétés dans la loi de finances pour 2019 et celle pour 2020. Votre rapporteur pour avis a neutralisé l'évolution du périmètre de ce programme afin de pouvoir comparer l'évolution des crédits pour les autres actions.

LFI 2019
(millions d'euros)

LFI 2020
(millions d'euros)

Évolution
(millions d'euros)

Évolution
(%)

Développement de la vie associative

45,52

53,94

+ 8,42

18,50 %

Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire

71,80

71,61

- 0,19

- 0,26 %

Développement du service civique

497,00

508,15

+ 11,15

2,24 %

Développement du service national universel

0

30,00

+ 30

Total

614,32

663,71

Total (hors SNU)

614,32

633,7

+ 19,38

3,15 %

Source : programmes annuels de performance LFI 2019 et LFI 2020

Hors service national universel, votre rapporteur pour avis note que les crédits sont en augmentation de 19,38 millions d'euros, soit de 3,15 %.

• Développement de la vie associative (43 % de l'augmentation des crédits)

La hausse de 8,42 % des crédits consacrés à cette action est principalement due à la montée en puissance attendue du compte d'engagement citoyen (CEC) prévu par l'article 29 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et complété notamment par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. 11,5 millions d'euros sont ainsi prévus à ce titre.

• Développement du service civique (59 % de l'augmentation des crédits)

Si les crédits dédiés au service civique sont en hausse de 11,15 millions d'euros, votre rapporteur pour avis note toutefois que l'augmentation continue ces dernières années des crédits du service civique marque nettement le pas cette année 23 ( * ) .

Évolution des crédits dédiés au service civique
sur les cinq dernières années

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

Crédits alloués
(millions d'euros)

301,63

390

447,64

497,00

508,15

Évolution par rapport à la LFI n-1 (millions d'euros)

+ 153,08

+ 88,37

+ 57,64

+ 49,36

+ 11,15

Évolution par rapport à la LFI n-1 (%)

103,05 %

29,30 %

14,78 %

11,03 %

+ 2,24 %

Objectif de jeunes en service civique

110 000

150 000

150 000

150 000

150 000

Sources : rapports annuels de performance 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020

Enfin, votre rapporteur pour avis salue le vote par l'Assemblée nationale de l'article 78 unvicies permettant l'affectation des comptes inactifs des associations au FDVA , qu'il appelle de ses voeux depuis plusieurs années.

L'affectation des comptes inactifs des associations au FDVA,

le système retenu par l'Assemblée nationale

L'article 78 unvicies adopté à l'Assemblée nationale prévoit la création d'une commission ad hoc , chargée de fixer chaque année la part des sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en application de la législation relative aux comptes inactifs et dont le titulaire est une association ou une fondation. En effet, en l'état actuel du droit, la CDC n'est pas en mesure de connaître l'origine exacte des comptes déposés, car en application du IV de l'article L. 312-19 du code monétaire et financier, il appartient à l'établissement bancaire dans lequel le compte inactif se trouve de conserver toutes les informations et documents relatifs au solde des comptes, ainsi qu'à l'identification du titulaire de ce compte.

Toutefois, la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale pourrait poser un problème de non-conformité à la Constitution, en raison du droit de propriété . En effet, jusqu'à l'expiration du délai de prescription légale qui varie selon les cas de 10 à 27 ans, la CDC détient les sommes issues des comptes inactifs « pour le compte des titulaires ou de leurs ayants droit ». La rédaction actuelle de l'article 78 unvicies fait intervenir la commission ad hoc avant le terme du délai de prescription légale.

Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, des discussions sont en cours entre la CDC, le ministère chargé de la vie associative et le ministère de l'économie et des finances afin de trouver une nouvelle rédaction du dispositif. Dans tous les cas, votre rapporteur pour avis souhaite que ce dispositif voie le jour, car il représente des perspectives intéressantes du financement des associations via le FDVA, dans un contexte budgétaire difficile.

II. PRÉSERVER UN SERVICE CIVIQUE DE QUALITÉ MALGRÉ LA MISE EN PLACE DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

A. ÉLÉMENTS DE BILAN DE LA PREMIÈRE COHORTE DE JEUNES EN SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

L'année 2019 a été celle du début de l'expérimentation du service national universel. En juin, 1 978 jeunes âgés de 16 ans ont participé à la phase 1 du SNU, au sein de 14 centres implantés dans 13 départements 24 ( * ) pilotes - un par région métropolitaine et un en Guyane.

L'organisation du service national universel

Le service national universel s'articule autour de trois phases :

- la phase 1 comprend quinze jours de cohésion en hébergement collectif, actuellement dans un département autre que le département d'origine du jeune ;

- la phase 2 consiste en une mission d'intérêt général obligatoire de quinze jours effectués près du domicile du jeune ;

- la phase 3 consiste en un engagement volontaire d'une durée d'au moins trois mois dans divers secteurs (défense et sécurité, accompagnement des personnes, préservation du patrimoine ou de l'environnement, tutorat). Il doit être effectué avant les 25 ans du jeune.

L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) a évalué cette première expérimentation. Votre rapporteur pour avis note que celle-ci est positive . Ainsi, 94 % des jeunes volontaires se déclarent satisfaits par leur expérience (49 % très satisfaits et 45 % plutôt satisfaits). Des améliorations sont toutefois possibles, comme l'organisation des journées : l'enchaînement des activités était parfois long avec des temps d'attente importants.

En outre, 78 % déclarent avoir rencontré parmi les autres volontaires des personnes de milieux sociaux différents , ce qui répond à l'objectif qui semblait majoritairement le plus important à ces jeunes. Le graphique ci-après indique ce que cette première cohorte de volontaires attendait du SNU. Sont ainsi en priorité cités : l'amélioration de la mixité sociale, promouvoir la société de l'engagement souhaitée par le Président de la République, apprendre les gestes de premiers secours ou encore découvrir le monde de la sécurité et de la défense.

Enfin, 84 % de ces jeunes estiment que la généralisation du SNU serait utile pour la société (51 % la jugent très utile et 33 % plutôt utile).

Lecture : 23 % des volontaires du SNU déclarent qu'améliorer la mixité sociale est l'objectif le plus important du SNU, 18 % qu'il s'agit du 2 ème objectif et 15 % le 3ème . - questionnaire fermé.

Source : Injep, Évaluation de la préfiguration du service national universel

Votre rapporteur pour avis note avec intérêt les résultats de cette étude, mais appelle, comme le reconnaît d'ailleurs l'Injep, à prendre ces résultats avec prudence « pour penser la généralisation du dispositif ». Il souhaite souligner les spécificités de cette première cohorte de jeunes qui justifie cette position :

- la préfiguration du SNU est basée sur le volontariat . D'ailleurs, 50 % des volontaires déclarent n'avoir été incités par personne en particulier. Tous ces jeunes étaient désireux de faire cette expérience et ont donc abordé celle-ci de manière positive. La donne risque d'être différente dans le cas d'un service obligatoire ;

- près d'un tiers des volontaires (31 %) déclare que l'un de ses parents travaille ou a travaillé dans l'armée , alors que les personnes travaillant pour l'armée représente 1,3 % de la population active. À cette proportion de jeunes, s'ajoutent les enfants de pompiers ou de policiers. Or, parmi les motivations ayant poussé certains jeunes à participer au SNU, se trouve la volonté de bénéficier d'un environnement militaire. D'ailleurs, 63 % de ces jeunes souhaitent faire leur mission d'intérêt général dans le domaine de la sécurité et de la défense.

Lors de son audition, M. Jean-Benoît Dujol, délégué interministériel à la jeunesse, a indiqué à votre rapporteur pour avis que cette préfiguration est un succès du point de vue technique et administratif . En effet, sa mise en place n'était pas évidente dans la mesure où l'administration partait « d'une feuille blanche ». Il a fallu trouver les locaux, communiquer autour de cette expérimentation afin de recruter les jeunes et certaines catégories - notamment pour respecter les critères fixés en termes de mixité sociale, géographique et de parité. M. Dujol a ainsi expliqué à votre rapporteur pour avis lors de son audition, avoir dû refuser certaines candidatures et au contraire faire des efforts importants de communication à destination des garçons, en raison de l'obligation de parité. Il a notamment conclu que la réussite de cette première expérimentation s'expliquait par deux facteurs :

- les jeunes en service civique avaient fait la démarche de s'inscrire car ils étaient intéressés par le SNU ;

- les départements les accueillant étaient également volontaires et motivés pour participer à cette expérimentation.

Votre rapporteur pour avis ne peut que constater le rôle qu'a joué la motivation des acteurs concernés dans le succès de cette première expérimentation et souligne que cette donnée sera fragilisée lorsque le SNU deviendra obligatoire.

B. DE NOMBREUSES INTERROGATIONS SUR L'EXTENSION DE CETTE EXPÉRIMENTATION

Pour votre rapporteur pour avis, de nombreuses questions se posent sur l'extension de cette expérimentation. La première concerne les moyens . En effet, 30 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2020 pour accueillir selon les documents budgétaires 20 000 jeunes , soit la généralisation de la préfiguration du SNU à l'ensemble des départements, mais toujours sur la base du volontariat et dans un nombre limité de places . Or à plusieurs reprises, M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, a déclaré que ce nombre serait de 30 000. Face à cette différence de chiffrage, votre rapporteur pour avis l'a interrogé lors de son audition le 13 novembre dernier devant votre commission sur le nombre de jeunes en SNU l'année prochaine. En effet, le budget a été construit sur la base d'un coût par jeune de 1 500 euros. Dès lors, si 30 000 jeunes sont accueillis l'année prochaine, le coût passerait de 30 millions d'euros à 45 millions d'euros, soit une augmentation de 50 % du budget de cette action . Selon les propos du secrétaire d'État, le nombre de participants serait certainement compris entre 20 000 et 30 000 jeunes, « en fonction des résultats de la cartographie en cours des places d'accueil disponibles ». Votre rapporteur pour avis appelle à la vigilance sur l'exécution budgétaire de cette action , afin qu'elle ne se réalise pas au détriment d'autres actions de ce programme. Il demande en outre au Gouvernement une information complète et régulière sur le suivi de cette exécution .

Par ailleurs, l'extension du nombre de participants interroge sur la capacité d'accueillir ces jeunes et de les encadrer . Votre rapporteur pour avis se demande si la mise en place du SNU pour l'ensemble d'une classe d'âge - soit 750 000 à 800 000 jeunes -, ne nécessitera pas la construction de bâtiments dédiés à cette opération. Ainsi, en Guyane, votre rapporteur pour avis note que les jeunes ont dormi en partie à l'hôtel, en raison d'absence d'internats ou de centres de vacances disponibles. De manière générale, les jeunes ont été logés en internat, dans les locaux du CROUS (Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires) ou encore dans des bâtiments de l'IGESA (Institution de gestion sociale des armées). Lors de son audition, M. Dujol est revenu sur la question des locaux. Les premiers retours semblent indiquer que la solution du recours aux internats des lycées a un bilan mitigé . En effet, ce type d'hébergement, où sont présents d'autres élèves, atténue l'effet de corps et de cohésion qu'ont pu connaître d'autres groupes de jeunes. Votre rapporteur pour avis s'interroge également sur la pérennité du recours à ces places d'internat au moment où le ministère de l'éducation nationale évoque la nécessité d'une « reconquête du mois de juin » comme mois de cours pour les élèves de seconde.

Interrogé sur ce point logistique lors de son audition devant votre commission le 13 novembre dernier, M. Gabriel Attal a indiqué avoir demandé à chaque préfet de procéder au recensement des places disponibles en juin dans les internats de lycées et collèges, dans les centres de vacances ou encore les bâtiments de l'armée. Votre rapporteur pour avis souligne que cette capacité d'accueil, selon les propos mêmes du secrétaire d'État, est une condition sine qua non de l'extension du dispositif : « au regard des places disponibles, nous pourrons déterminer le nombre de volontaires que nous pourrons accueillir à cette période de l'année. Il faut une place pour chaque jeune retenu, afin de ne pas créer de déception » 25 ( * ) . Il semble ainsi à votre rapporteur pour avis que le Gouvernement peine déjà à trouver des places pour accueillir 20 000 à 30 000 jeunes , alors que ce nombre ne représente même pas 4 % d'une classe d'âge.

La solution des « petites vacances scolaires » pour effectuer cette première phase du SNU, notamment en utilisant les locaux de tels ou tels centres de vacances moins fréquentés en fonction des saisons, pose également des questions d'organisation pratique pour le jeune : déplacement lors de jours de grand départ en vacances, devoirs à rendre au retour de son stage de cohésion, ....

En outre, votre rapporteur pour avis souligne les besoins importants de recrutement pour encadrer ces jeunes et prendre en charge l'animation de ce séjour de cohésion. Dans le cadre de cette préfiguration, 450 personnes ont été formées, sur le camp de Coëtquidan à Saint-Cyr. Le profil de ces encadrants se décline comme suit :

- 33 % sont d'anciens militaires ;

- 33 % sont des personnels actuels ou des retraités de l'éducation nationale ;

- 33 % sont membres de l'éducation populaire (associations,...).

Le taux d'encadrement est particulièrement élevé : un adulte pour cinq jeunes . Ainsi, il faudrait en 2020 4 500 encadrants pour 20 000 jeunes - 6 000 pour 30 000 jeunes . Le défi pour le ministère est de réussir à fidéliser un vivier d'encadrement, mobilisable toute l'année. De l'aveu même du secrétaire d'État lors de son audition du 13 novembre dernier, « le vrai enjeu est moins l'hébergement que celui de l'encadrement. Il est nécessaire de prendre de l'avance pour recruter et former en nombre suffisant les encadrants pour maintenir le haut niveau d'exigence en matière de sécurité que nous avons fixé ».

C. LE SERVICE CIVIQUE : UN OUTIL AU SERVICE DE LA JEUNESSE QUI A FAIT SES PREUVES

Depuis sa création en 2010, le service civique a accueilli près de 350 000 jeunes volontaires. En 2019, ce sont ainsi 84 240 contrats qui ont été signés en cours d'année, et près de 143 240 jeunes étaient en mission de service civique à un moment de l'année - le « stock » pour reprendre la terminologie officielle 26 ( * ) . Ces chiffres sont en constante augmentation depuis la création de ce dispositif.

Source : Unis-Cité

Votre rapporteur pour avis note toutefois que cette hausse marque le pas ces dernières années. Ce fait ne semble cependant pas dû à l'atteinte du plafond du nombre de jeunes qui seraient chaque année intéressés par un service civique. En effet, comme le lui a rappelé Mme Marie Trellu-Kane, Présidente exécutive et co-fondatrice d'Unis-Cité 27 ( * ) , il y a actuellement une pénurie de missions : on compte en moyenne pour un service civique trois à quatre demandes .

Votre rapporteur pour avis constate que cette politique en faveur de la jeunesse est plébiscitée par ses bénéficiaires et donne des résultats très intéressants en matière d'insertion sociale et professionnelle . Ainsi, selon le rapport d'activité 2018 de l'agence du service civique, 86 % des volontaires sont satisfaits de leurs missions et 94 % recommanderaient le service civique à leur entourage . En outre, 93 % d'entre eux estiment que le service civique leur a permis d'améliorer des compétences et 63 % pensent qu'il a eu un impact sur leur employabilité. D'ailleurs, pour la plupart des volontaires, le service civique est avant tout un moyen d'acquérir une expérience professionnelle . Votre rapporteur pour avis est ainsi convaincu de l'utilité de cet outil pour les jeunes, notamment ceux en décrochage scolaire ou connaissant des difficultés d'insertion. Il souhaite d'ailleurs saluer le rôle de toutes les associations qui agissent au quotidien pour aller chercher ces jeunes.

À cet égard, votre rapporteur pour avis souligne que 66 % des jeunes ayant choisi de faire un service civique étaient soit demandeurs d'emploi, soit inactifs. 13 % des volontaires sont issus des quartiers prioritaires de la ville, 17 % des volontaires sont sortis du système scolaire sans diplôme. Lors de son audition, Mme Marie Trellu-Kane, présidente exécutive d'Unis-Cité, a notamment indiqué que 38 % des jeunes volontaires que suit cet organisme n'ont pas le bac. 82 % d'entre eux ont soit trouvé un emploi, soit une formation professionnelle à la sortie du service civique .

Enfin, selon une étude réalisée pour Unis-Cité 28 ( * ) , le coût pour l'État d'un jeune en service civique - 80 % de l'indemnité mensuelle versée aux jeunes, les cotisations sociales et une partie des frais de tutorat et de formation civique des jeunes - estimé à 6 756 euros, génère des bénéfices d'un montant de 13 003 euros. Ceux-ci se répartissent entre :

- la valeur de l'impact sociétal des missions réalisées par les jeunes (24 % des bénéfices) ;

- l'impact du service civique sur l'insertion professionnelle de jeunes (29 % des bénéfices) ;

- l'impact du service civique sur l'amélioration du pouvoir d'achat des jeunes pendant le service civique (47 % de bénéfices).

Ainsi, le retour sur investissement social global du service civique représente près de deux fois (1,92) l'investissement initial de l'État .

D. LA MISE EN PLACE DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL NE DOIT PAS SE FAIRE AU DÉTRIMENT DU SERVICE CIVIQUE

Malgré ces résultats très positifs, votre rapporteur pour avis regrette la très nette inflexion des crédits consacrés au service civique dans le projet de budget pour 2020.

Ainsi, alors que les années précédentes, il était habituel d'avoir un taux de progression à deux chiffres des crédits alloués , pour 2020, cette hausse n'est que de 2 % - contre + 12 % l'année précédente.

Le graphique ci-après retrace l'évolution des crédits alloués à l'agence du service civique et le taux de progression d'une année sur l'autre, ainsi que les crédits exécutés.

Évolution des crédits alloués (et taux de progression),
ainsi que des crédits exécutés par l'agence du service civique

Sources : documents budgétaires

Dans ces conditions de hausse insuffisante des crédits pour faire face au nombre de demandes, la tendance actuelle est à une volonté de réduire la durée des missions. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, l'agence du service civique demande de réduire la durée de la mission de neuf mois à huit voire sept mois. De l'aveu même de Mme Béatrice Angrand, présidente de l'agence du service civique, même si « toute mission reste une chance pour le jeune », un stage de sept mois pose plusieurs problèmes :

- alors qu'un stage de neuf mois permet de couvrir une année scolaire ou universitaire , un stage d'une durée inférieure pose la question de ce que le jeune va faire dans l'intervalle entre la fin de sa mission et la reprise de ses études ou de son projet professionnel ;

- former un jeune nécessite un certain temps, afin que ce dernier soit opérationnel. Ce délai est d'autant plus important pour des petites structures moins organisées ou peu habituées à accueillir des volontaires, ou pour des jeunes en difficulté d'insertion sociale. La durée de la mission doit être suffisamment importante pour permettre aux structures d'accueil de tirer profit de la présence de ce jeune en leur sein. Celles-ci risquent de refuser de proposer des missions courtes entraînant ainsi une diminution du nombre de missions proposées.

Dans ce contexte de diminution de la durée des missions, qui a nécessairement des conséquences négatives sur les bénéfices du service civique qu'en retirent le jeune et l'organisme d'accueil, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'articulation entre le service civique et le service national universel . La phase 3 de ce dernier prévoit en effet une mission d'une durée de trois à douze mois. Votre rapporteur pour avis se demande si cette articulation ne va pas conduire à une pression pour diminuer encore la durée des missions . En effet, lors de son audition devant votre commission, M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, a déclaré que le succès du service national universel se mesurera à l'aune du nombre de jeunes choisissant d'effectuer une mission volontaire d'engagement dans le cadre de la phase 3 du SNU. Par ailleurs, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler qu'en l'état actuel de la réglementation, une mission du service civique ne peut avoir une durée inférieure à six mois . Une modification de cette règle permettant des missions de très courte durée pourrait remettre en cause la nature même du service civique .

De plus, pour votre rapporteur pour avis, il est inconcevable de vouloir augmenter le nombre de jeunes en mission d'engagement, sans une hausse des crédits dédiés et du personnel affecté à l'accompagnement des structures et au contrôle des missions, indispensables pour s'assurer de la qualité des missions proposées :

- pas de substitution à l'emploi : à cet égard, votre rapporteur pour avis sera particulièrement vigilant sur le recours potentiel de jeunes en service civique pour soulager les directeurs d'école de certaines de leurs tâches ;

- obligation pour la structure accueillante d'assurer aux volontaires une formation civique et citoyenne ;

- chaque jeune doit disposer d'un tuteur formé ;

- accompagnement du jeune dans son « parcours d'avenir ».

Votre rapporteur pour avis note que l'agence du service civique ne dispose que de 54 ETP pour accompagner - et contrôler - 1 100 structures d'accueil. Dans son rapport de février 2008 relatif au service civique, la Cour des comptes pointait déjà la faiblesse du contrôle : l'agence du service civique « ne parvient pas à atteindre l'objectif de 20 % des organismes contrôlés chaque année qu'elle a elle-même fixé ». La Cour notait notamment l'existence de risques accrus en raison du changement d'échelle, avec des « possibilités de dévoiement réelles, en ce qui concerne la non-substitution aux emplois ou stages et la complémentarité des missions » 29 ( * ) . Ces remarques gardent toute leur acuité dans la perspective d'une augmentation potentiellement importante de jeunes en service civique dans le cadre de la phase 3 du SNU.

Afin de préserver une politique à destination de la jeunesse qui fonctionne, votre rapporteur pour avis souhaite la mise en place d'une parité budgétaire entre les moyens alloués au SNU et les moyens supplémentaires qui doivent être consacrés au service civique. À défaut, la dynamique que connaît le service civique depuis plusieurs années risque de se rompre. Or, votre rapporteur pour avis est convaincu qu'il sera très difficile - et coûteux - de la relancer, si cela devait arriver.

*

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits du programme « Jeunesse et de la vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » .

*

* *

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 27 NOVEMBRE 2019

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », présenté successivement par nos collègues rapporteurs pour avis Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis . - Le ministère des sports poursuivra en 2020 sa mue entamée en 2017 dans un contexte marqué par la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

L'année dernière, avec le PLF 2019, c'est l'intégration du CNDS dans la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) qui a été engagée. Je rappelle que ce changement majeur a été décidé sans débat préalable au Parlement mais à l'issue d'une simple concertation associant l'État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique.

Ce « contournement » initial du Parlement n'a pas été sans conséquences puisque les statuts de l'ANS - approuvés par un arrêté ministériel du 20 avril 2019 - ont immédiatement fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État de la part de l'Association professionnelle de l'inspection générale de la jeunesse et des sports (APIGJS) et du Syndicat national des inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports (SNIGJS). Il a fallu que le Gouvernement intègre in extremis dans le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé en juin dernier au Sénat une disposition de sécurisation juridique de l'Agence nationale du sport pour éviter tout risque de remise en cause. L'examen de ce texte a également été l'occasion pour le Sénat de préciser la gouvernance territoriale de l'ANS, ce qui était indispensable.

À l'issue de ces évolutions fondamentales, le budget du ministère des sports se compose donc de deux programmes. Le programme 219 « Sport » destiné à financer les actions du ministère et la part étatique du financement de l'Agence nationale du sport et le programme 350 consacré aux infrastructures des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

La hausse apparente du programme « sport » (+ 115 M€ si l'on s'en tient aux crédits votés par le Parlement pour 2019) n'est liée qu'au transfert de 120 M€ permettant de financer les rémunérations et cotisations sociales des CTS (ils étaient préalablement budgétés au programme 124).

Le programme 219 se voit doté - à périmètre constant - d'un montant identique de crédits à celui de l'année dernière, soit 312 M€ en crédits de paiement. Le programme connaît cependant une mesure de périmètre avec l'intégration des dépenses de personnel des conseillers techniques sportifs (CTS) pour un montant de 120,8 M€ ce qui porte les crédits du programme 219 à périmètre courant à 434,7 M€ en crédits de paiement.

Permettez-moi de m'arrêter un instant sur cette mesure car cette évolution constitue, en réalité, un préalable au transfert des CTS en dehors du ministère. On peut remarquer que d'une part, le Gouvernement a confié une mission à des tiers de confiance chargés de définir des scenarii d'évolution pour l'avenir des CTS mais que, d'autre part, sans attendre le résultat de cette mission, il se met en situation de mener à son terme le transfert de ce corps de fonctionnaires.

La rencontre organisée au Sénat le mois dernier avec les tiers de confiance, Yann Cucherat et Alain Resplandy-Bernard, a confirmé notre sentiment concernant l'insuffisance de la fonction RH au sein du corps des CTS et une formation continue lacunaire.

Parmi les pistes envisagées, entre le statu quo dont le Gouvernement ne veut pas et l'extinction du corps qui a suscité la crise que l'on sait, une voie médiane pourrait consister à « resserrer » le corps des CTS autour des DTN et des entraîneurs nationaux et à le doter d'une véritable fonction RH. Cette piste pourrait se révéler intéressante, notamment si une articulation intelligente était trouvée avec l'ANS, mais elle demeure une hypothèse lointaine compte tenu des obstacles à lever pour clarifier le projet. Était-il bien nécessaire dans ces conditions de prévoir dès maintenant d'intégrer les crédits propres aux CTS dans le programme 219 ?

En déstabilisant le corps des CTS à quelques mois des jeux de Tokyo, le Gouvernement a pris un risque considérable qui pourrait avoir des conséquences jusqu'en 2024. Aujourd'hui, de nombreux entraîneurs sont sollicités par des pays étrangers et nos équipes olympiques apparaissent très fragilisées alors que se profile une échéance majeure. On ne peut réformer en faisant l'économie d'un débat approfondi. Je souhaite que le travail des tiers de confiance soit l'occasion d'un changement de méthode.

L'année dernière j'attirais votre attention sur la nécessité d'actualiser, de moderniser le modèle sportif français, en intégrant le phénomène de mondialisation, l'hyper-médiatisation, la diplomatie sportive. J'insistais également sur la nécessité pour les services du ministère de recentrer leur action sur les missions de stratégie, de régulation, de réglementation et de contrôle, notamment éthique. Ce travail de refondation n'est pas achevé aujourd'hui - c'est une litote - et on ne peut que s'en inquiéter pour l'avenir du sport français.

Le ministère des sports a perdu ses compétences en matière de sport pour tous et de haute performance au profit de l'ANS, il a été largement dessaisi de l'organisation des jeux Olympiques au profit de la DIJOP. Son administration déconcentrée est appelée à rejoindre le giron des rectorats. Son inspection générale a fusionné avec celle de l'éducation nationale et de la recherche. Dans ces conditions, que va-t-il rester du ministère ?

On peut dès à présent s'interroger sur le poids réel du ministère dans la conduite de la politique sportive. On nous annonce depuis des mois le dépôt imminent d'un grand projet de loi « sport & société », or le calendrier de l'année 2020 semble déjà très chargé, en particulier au premier semestre.

Sans attendre ce « grand texte », le Premier ministre a réuni un comité interministériel le 4 novembre dernier qui a annoncé 170 mesures sportives dans le cadre des JO qui touchent à tous les aspects de la vie sociale, je vous en cite quelques-unes : favoriser l'exercice physique chez les séniors, développer le sport au sein des entreprises, augmenter la pratique sportive des personnes en situation de handicap, renforcer l'offre de formation aux métiers du sport... On peut soutenir l'ensemble de ces mesures tout en s'interrogeant sur la pertinence de les promouvoir au titre du plan Héritage Paris 2024. Je regrette que s'installe une forme de confusion entre ce qui relève de la politique du sport, y compris au niveau interministériel, et la préparation d'un grand événement sportif international qui n'a que peu à voir avec la « valorisation de la filière bois » (proposition 103) et la « valorisation du patrimoine gastronomique français » (proposition 120).

« Qui trop embrasse mal étreint » dit le dicton. À certains égards, le Gouvernement donne le sentiment d'organiser en 2024 davantage une exposition universelle que des jeux Olympiques ; le rang de la France aux championnats du monde d'athlétisme de Doha en septembre dernier (24 ème derrière des pays comme la Norvège ou l'Estonie...) devrait pourtant nous inquiéter. Il est sans doute déjà trop tard pour redresser la barre pour les jeux de Tokyo, mais des inflexions sont encore possibles et souhaitables pour 2024 ; j'y reviendrai en évoquant l'Insep.

Pour en rester aux jeux Olympiques et Paralympiques, si nos athlètes connaissent une préparation contrariée, ce n'est pas le cas des infrastructures nécessaires pour organiser l'événement. Le Premier ministre a posé au début du mois la première pierre du Village olympique et le comité interministériel que j'évoquais à l'instant a également prévu des mesures pertinentes à l'image du programme prioritaire de recherche pour la haute performance sportive doté de 20 M€ (proposition 51) et le « renforcement de la dimension éthique de l'organisation des GESI » (proposition 156).

Concernant les équipements olympiques, le directeur général de la Solideo, Nicolas Ferrand, estime que : « les besoins exprimés ont été pris en compte ». L'année 2019 a été consacrée à la sécurisation des emprises foncières nécessaires (village olympique, village des médias, centre aquatique olympique, Aréna II...) et au phasage des travaux. Le patron de la Solideo considère ainsi que, même en tenant compte des aléas imprévisibles, l'échéance de 2024 sera tenue. Le système est déjà sous tension avec 29 maîtres d'ouvrage et 40 « objets » à livrer. Nicolas Ferrand nous a indiqué que près de 82 % de l'enveloppe de 1,676 milliard d'euros (valeur 2016) avait fait l'objet d'une contractualisation avec les maître d'ouvrages, ce qui a permis de déterminer les calendriers des chantiers. Certains choix restent néanmoins à faire concernant les entreprises qui auront la charge de construire le Centre aquatique olympique (CAO), l'Aréna II, les équipements nécessaires pour accueillir la voile à Marseille...

Le Gouvernement a souhaité que les villages des athlètes et des médias servent de démonstrateurs de l'excellence sociale et environnementale française pour préparer la ville de 2040/2050. Il considère que c'est important pour démontrer l'utilité de ces investissements aux yeux des Français. Ces chantiers mobilisent déjà 187,6 M€ (dont 58,3 M€ apportés par les collectivités territoriales) sur un coût total prévu de 932,8 M€.

Un mot sur le Centre aquatique olympique qui comprendra des équipements modulables. Compte tenu des bassins d'entraînement, ce ne sont pas moins de 8 piscines qui constitueront l'héritage aquatique pour le département de la Seine-Saint-Denis. Le plan de financement s'établit à 90 M€.

Permettez-moi de m'arrêter un instant sur le Stade de France. C'est probablement la principale déception concernant les équipements. Les deux concessionnaires avaient proposé d'anticiper la fin de la concession prévue en 2025 et ils étaient prêts à engager une rénovation totale de plusieurs centaines de millions d'euros dans le cadre d'un nouveau tour de table. Plusieurs arguments pouvaient plaider en faveur de ce choix dès aujourd'hui. L'État souhaite se désengager et seules les fédérations de football et de rugby ont intérêt à devenir propriétaires de l'enceinte avec le soutien d'un troisième partenaire technique chargé de la gestion et de la maintenance. Il n'existe pas de véritable alternative, contrairement à ce que laisse entendre un rapport commandé au cabinet Roland Berger. Dans ces conditions, il aurait fait sens d'anticiper la fin de la concession pour profiter de l'effet « JO » afin de doter la France d'une enceinte aux standards internationaux d'aujourd'hui en termes de couverture de toit, de connexion aux médias numériques et d'hospitalités. Au lieu de cela, non seulement le projet de rénovation intégrale a été abandonné, mais même l'enveloppe de 70 M€ prévue dans le dossier de candidature pour opérer un « lifting » du stade a été divisée par deux. Il y a tout lieu de penser que le stade olympique sera le parent pauvre de ces jeux, ce qui serait inédit.

Pour en terminer avec les investissements dans les infrastructures, on peut observer que les crédits du programme 350 doublent d'une année sur l'autre pour atteindre 129,3 millions d'euros en 2020.

J'en viens maintenant au financement de l'Agence nationale du sport. Lors de sa constitution, le mouvement sportif estimait les moyens de l'État nécessaires à son fonctionnement entre 350 et 400 millions d'euros. L'enveloppe qui lui sera allouée atteindra péniblement les 284 millions d'euros sachant qu'elle devra, en outre, financer ses charges de fonctionnement sur son fonds de roulement (7 M€). Cette somme de 284 millions d'euros correspond d'une part à une subvention de 137,6 millions d'euros en provenance du programme 219 et d'autre part à 146,4 millions d'euros issus du produit des taxes précédemment affectées au CNDS.

Concernant l'utilisation des moyens, l'ANS devrait consacrer 90 M€ à la haute performance et au haut niveau et 194 M€ au développement des pratiques sportives pour tous.

L'Agence est encore dans une phase de montée en puissance. Elle bénéficie pour 2020 d'un plafond d'emplois de 42 ETP et s'est mise en quête de nouveaux locaux. Elle vient de récupérer l'attribution des aides personnalisées aux athlètes et elle s'acquitte des engagements du CNDS dont certains devraient durer encore une dizaine d'années.

Le principal chantier de l'Agence concerne aujourd'hui les projets sportifs fédéraux (PSF) qui visent à déléguer aux fédérations le soin de distribuer les subventions aux clubs. À titre d'expérimentation, 28 fédérations et le CNOSF ont inauguré cette nouvelle organisation en 2019. Le bilan de ces PSF est positif, les fédérations estimant qu'elles ont ainsi pu resserrer leurs liens avec les clubs. Le CNOSF estime que l'effet de levier est important puisqu'aux 50 M€ mobilisés par l'Agence, s'ajoutent 200 M€ accordés par les collectivités territoriales, les fédérations pouvant également abonder les crédits de l'Agence. Les PSF seront généralisés en 2020, ce qui nécessite un effort de formation des fédérations qui trouvent encore la démarche complexe.

Concernant le financement des équipements sportifs, l'ANS a reçu près de 600 dossiers dont 250 ont été retenus à l'issue d'une procédure privilégiant la recherche du consensus autour de deux critères, la plus-value sportive et la solidité financière.

L'ANS prévoit de déployer en 2020 son action territoriale. Le premier semestre permettra d'élaborer des diagnostics par territoires et par régions. Ces diagnostics devront permettre aux conférences régionales du sport d'élaborer leur projet sportif territorial (PST). Les conférences des financeurs du sport pourront ensuite être installées. Si la question du périmètre de ces conférences est encore en débat, les dirigeants de l'ANS reconnaissent la pertinence d'établir des périmètres de référence au niveau départemental et métropolitain, comme le proposent nos collègues Claude Kern et Christian Manable.

J'en viens maintenant au sport de haut niveau et à la lutte contre le dopage.

Le budget de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) porté par le programme 219 baisse de - 2,1 % en 2020 à 22,9 M€. Cette baisse trouve son origine dans le transfert de la mission d'optimisation de la performance de l'Insep vers l'ANS qui a concerné 8 ETP.

La direction générale de l'Insep a pu mener cette année son projet de remise à plat de la restauration afin de l'adapter aux besoins des sportifs. Cette évolution a nécessité une modification du contrat de PPP, le surcoût de 1,6 M€ ayant été financé sur la trésorerie de l'Insep.

Le développement du réseau « Grand Insep » se poursuit avec 23 établissements labellisés. Le réseau vise à apporter une plus-value à travers l'expertise et la transversalité pour mieux accompagner les athlètes.

L'Insep souhaite également développer le mécénat afin de compléter ses équipements. Les besoins financiers sont estimés entre 8 et 10 M€ pour construire notamment un terrain multisports et une salle dotée de capteurs.

Au-delà de la question des moyens, permettez-moi de m'interroger sur la place de l'Insep dans le réseau de la haute performance sportive. La création de l'Agence nationale du sport change radicalement la donne et l'Insep est devenu un simple opérateur. Comment, dès lors, articuler la stratégie qui relève du manager de la haute performance avec sa mise en oeuvre par la direction de l'Insep ? Une réflexion sur cette gouvernance semble s'imposer afin d'établir une réelle cohérence dans le fonctionnement du réseau de la haute performance.

Cette question de la cohérence concerne également les Creps. Leurs moyens s'établiront en hausse à 56,6 M€ pour permettre une revalorisation de la subvention destinée aux personnels et l'accueil de 500 bacheliers dans des formations d'éducateurs sportifs.

Concernant la lutte contre le dopage, la situation de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) demeure complexe. Sur le plan budgétaire, l'agence devrait connaître un léger mieux avec des moyens en hausse de + 7,5 %. Par ailleurs 1,7 M€ est inscrit sur le programme 350 pour financer le déménagement, mais curieusement aucun crédit de paiement n'est prévu en vis-à-vis de ces autorisations d'engagement. Un débat existe entre l'agence et le ministère sur une enveloppe de 0,7 M€ et c'est un enjeu du débat au Sénat de préciser les modalités d'attribution de ces moyens.

Le choix de Saclay pour accueillir le nouveau laboratoire s'est enfin imposé, mais le déménagement sur le nouveau site prendra du temps ; or, le conseil régional d'Île-de-France souhaite récupérer rapidement le site du laboratoire actuel à Chatenay-Malabry pour le rénover, ce qui pourrait obliger l'AFLD à trouver un site provisoire pour accueillir son laboratoire. Une telle issue constituerait une perte d'énergie considérable pour l'agence à un moment où celle-ci doit précisément revoir le modèle économique du laboratoire pour lui permettre de dégager des ressources. On ne peut que souhaiter qu'un compromis soit trouvé avec le conseil régional.

Que doit-on penser au final de ce projet de budget concernant les crédits du sport ? Plusieurs interprétations sont possibles. Le Gouvernement insiste sur une évolution globalement positive marquée par un surcroît de crédits de 65 M€ en 2020. Il met également en avant des avancées comme la hausse des primes de 10 % pour les médaillés olympiques (en contrepartie de leur fiscalisation) et l'augmentation des crédits dédiés à l'accueil des grands événements sportifs à hauteur de 6 M€ en crédits de paiement. Le Gouvernement insiste également sur la hausse des crédits de l'AFLD, ainsi que sur celle des crédits des 3 grandes écoles nationales.

À côté de cette vision optimiste, il y a cependant une vision plus réaliste qui observe que les crédits du sport auront baissé de 11 % entre 2017 et 2020 à périmètre constant, c'est-à-dire sans tenir compte du programme 350 dédié aux JO. Selon notre commission des finances, cette baisse devrait même se poursuivre en 2021 à hauteur de - 3 % et en 2022 à hauteur de - 4 %. Ces baisses de crédits devraient concerner principalement le mouvement sportif et donc les subventions attribuées aux fédérations et aux clubs. Cette évolution, si elle devait se confirmer, constituerait davantage qu'un ajustement puisque cela reviendrait à une baisse de près de 20 % des crédits dédiés au sport au cours du quinquennat. Le risque de désengagement de l'État est bien réel. Le « pacte de stabilité » évoqué par le ministère des sports serait pour le moins remis en cause. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les financements privés envisagés pour abonder les actions de l'Agence nationale du sport restent pour le moment assez théoriques. Au final, les optimistes considéreront que la plus grande sélection des projets aidés par l'ANS devrait permettre un effet de levier renforcé, une plus grande efficacité de l'action publique et donc moins de pertes en ligne à travers le saupoudrage. Les pessimistes quant à eux ne pourront ignorer que derrière les arguments de rationalité financière, se dessinent un retrait croissant de l'État et de nouvelles sollicitations à destination des collectivités territoriales.

Je ne peux que me joindre, dans ces conditions, aux demandes du mouvement sportif qu'une part plus significative de la taxe sur les droits de diffusion des événements sportifs et du prélèvement sur les paris sportifs permette de financer le sport. Compte tenu de la hausse de ces droits audiovisuels et du montant de ces paris, il faut rappeler que le plafonnement du reversement au monde du sport a pour effet de réduire la part relative du produit de ces prélèvements qui permet de financer le sport, ce qui est difficilement justifiable.

Ce budget 2020 ne fait progresser ni le sport-santé ni le sport-entreprise, ni le lien très perfectible entre sport scolaire et sport fédéral.

Je rappelle que l'étude de l'OMS sur l'activité physique des adolescents, rendue publique le 22 novembre dernier, conclut que 85 % des adolescents français ne bougent pas assez (ils ne font pas une heure d'activité physique par jour). Sur les 146 pays étudiés, la France est mal classée. D'où la demande que j'ai exprimée de créer, à titre expérimental, un Pass Sport.

En conclusion, madame la présidente, je porterai un regard plus nuancé sur ce projet de budget que l'année dernière lorsque les interrogations sur l'avenir de la Solideo et de l'ANS m'avaient conduit à recommander un avis défavorable à l'adoption des crédits.

Tout d'abord les moyens nécessaires au financement des infrastructures olympiques ont effectivement été dégagés et les délais devraient être respectés. Ensuite, grâce au Sénat, la mise en place de l'ANS va se poursuivre en 2020, en particulier au niveau territorial. La transition avec le CNDS devrait être satisfaisante et la nouvelle gouvernance territoriale du sport, du fait de son caractère « partenarial », devrait répondre aux attentes des collectivités territoriales et du mouvement sportif.

Ce qui pose problème n'est donc pas tant ce que comprend ce projet de budget que ce qu'il ne prévoit pas comme un effort d'investissement pour renouveler nos équipements sportifs que j'appelais de mes voeux l'année dernière. Le mouvement sportif ainsi que de nombreux députés ont demandé à l'Assemblée nationale qu'une part plus importante des prélèvements sur les droits audiovisuels et les paris sportifs soit attribuée au financement du sport. Nous aurons à notre tour ce débat en séance publique. Dans cette attente, je vous propose de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits du sport dans cette mission.

M. Claude Kern . - Certes, on constate une nette hausse des crédits en 2020 à périmètre courant mais il y a un déséquilibre dans la répartition. Les crédits de l'ANS restent stables alors que ceux de la Solideo s'envolent. Le budget n'évolue guère à périmètre constant. Il baisse de 11 % depuis 2017, alors que le rendement des trois taxes affectées connaît une dynamique exceptionnelle. Il faut déplafonner ces taxes. Un amendement avait été adopté à l'Assemblée nationale dans ce sens. Mais il a été remis en cause par un deuxième vote, ce qui constitue une grave atteinte au débat parlementaire. Sans moyens supplémentaires, l'ANS est privée de tout levier pour exister. Le groupe Union centriste s'abstiendra sur ce budget.

Mme Céline Brulin . - Nous partageons les constats du rapporteur pour avis mais nous ne voterons pas ces crédits. Le budget ne répond pas à l'enjeu du vieillissement de nos équipements sportifs dans nos territoires. Nous déplorons l'impossibilité de proposer des amendements concernant la répartition du produit de la taxe sur les paris sportifs compte tenu d'un problème d'interprétation de la Constitution. Cela réduit notre crédibilité.

M. Michel Savin . - Nous partageons les craintes du rapporteur sur l'évolution défavorable de la pratique sportive des jeunes. Ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux et des attentes. Les crédits baissent de 11 % sur la période 2017-2020, à périmètre constant. Seul le budget des jeux Olympiques est en hausse pour permettre à la France de respecter ses engagements. Il est nécessaire d'investir massivement, notamment dans le sport-santé, le sport à l'école. Nous avons des inquiétudes concernant les moyens de l'ANS et nous regrettons une ambiguïté sur les chiffres concernant les moyens consacrés au financement des équipements sportifs. Notre groupe proposera un amendement sur le mécénat. Dans l'attente de réponse, nous nous abstiendrons.

Mme Mireille Jouve . - Nous avons de nombreuses inquiétudes sur l'ANS, le financement des équipements dans les territoires et la réalisation de l'objectif de 3 millions de pratiquants. Nous approuvons l'avis de sagesse proposé par le rapporteur pour avis.

M. Claude Malhuret . - Les crédits de la mission sont en hausse en 2020 mais seulement pour financer les jeux Olympiques et Paralympiques et des équipements concentrés sur Paris au détriment des territoires. Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.

M. Antoine Karam . - Depuis 40 ans, je constate que les élus ne sont jamais satisfaits. On peut organiser de grands événements sportifs, mais cela pose la question des retombées pour les jeunes sur les territoires concernés. Il y a de nombreuses communes en outre-mer qui ne possèdent même pas un terrain de basket. Or, on défend le sport pour lutter contre les fléaux sociaux.

Mme Annick Billon . - Je regrette que les crédits baissent et qu'il n'y a aucun moyen pour le sport-santé.

M. Jacques Grosperrin . - C'est un budget en trompe-l'oeil si l'on exclut l'enveloppe consacrée à la Solideo. Il y a de grandes inquiétudes sur l'avenir des fédérations. La fusion des inspections du ministère des sports et de l'éducation nationale et de la recherche crée aussi une inquiétude sur l'évolution du ministère.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis . - Je constate une quasi-unanimité pour l'abstention à l'exception de l'opposition des collègues communistes. Le sport reste le parent pauvre et les maisons sport santé constituent un projet fumeux. Sur les performances, on pourrait faire mieux. Il y a des tensions et l'Insep est en recherche d'un nouveau positionnement. Les relations de l'AFLD sont mauvaises avec le ministère et le nombre de contrôle baisse. La nouvelle gouvernance apparaît déstabilisante. Le pari consistant à mobiliser des crédits des collectivités territoriales et des entreprises pour financer les projets de l'ANS reste à confirmer. La polémique sur l'implication de certaines entreprises comme Total et Airbnb illustre la difficulté de les associer au projet Olympique. Concernant les inspections, la vingtaine d'inspecteurs de la jeunesse et des sports risque d'être noyée au sein des 290 inspecteurs généraux de l'éducation et de la recherche.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je donne maintenant la parole à notre collègue Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis du programme 163 « jeunesse et vie associative ».

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Madame la présidente, mes chers collègues, permettez-moi une première remarque sur ce programme 163 « jeunesse et vie associative » : la maquette du programme a évolué. Elle comprend une action supplémentaire pour le Service national universel (SNU). Le secrétaire d'État, M. Gabriel Attal, nous a expliqué que cette création répond à sa promesse d'avoir une ligne budgétaire dédiée au SNU. Si je note avec intérêt cette démarche, qui est censée nous permettre un suivi plus facile de l'exécution des crédits alloués au SNU, je souhaite exprimer deux points de vigilance.

Tout d'abord, les documents budgétaires indiquent que « des crédits supplémentaires, issus d'autres ministères parties prenantes au SNU, pourront venir compléter cette dotation », mais sans donner plus de précisions. Quels ministères seraient concernés ? Pour quels montants ? Le secrétaire d'État n'a pas répondu à ma question sur les autres sources de financement possibles.

Dans l'exécution budgétaire, un gestionnaire de programme peut facilement transférer des sommes d'une action à l'autre de son programme, sans avoir à se justifier en cours d'année. Les sommes dédiées au SNU sont certes identifiées, mais n'empêchent pas pour autant un siphonnage d'autres actions du programme. Nous devrons donc être particulièrement attentifs à l'exécution de cette action.

Hors SNU pour lequel 30 millions d'euros sont budgétés, le budget du programme 163 est en augmentation de plus de 3 %, soit un peu plus de 19 millions d'euros. Cette augmentation s'explique, d'une part, par une hausse de plus de 8,5 millions d'euros des crédits pour la montée en puissance du compte d'engagement citoyen - une mesure déjà ancienne -, et d'autre part, par une augmentation de 11,5 millions d'euros pour le service civique.

Malgré ces augmentations, il me semble nécessaire d'attirer votre attention sur un point. Les crédits pour le service civique, en hausse constante depuis de nombreuses années en raison de l'augmentation du nombre de jeunes en mission, marquent nettement le pas cette année. Alors que ces cinq dernières années, le taux de progression de cette action était à deux chiffres, elle est de 2,24 % pour l'année prochaine. Ma crainte que j'avais déjà exprimée l'année dernière, est que le service civique pâtisse de la mise en place du SNU. J'y reviendrai un peu plus tard dans cette présentation.

Dernier point de présentation générale : je souhaite vous indiquer que l'Assemblée nationale a adopté un article 78 univicies permettant l'affectation des comptes inactifs des associations au fonds de développement de la vie associative (FDVA). Je salue cette mesure, que nous appelions de nos voeux depuis plusieurs années. En effet, les 25 millions d'euros consacrés au FDVA ne compensent pas la fin des 50 millions d'euros de la réserve parlementaire versés aux associations. Toutefois, le dispositif voté par nos collègues députés pose problème. La commission des finances a proposé une modification. Mais, des négociations sont en cours entre la Caisse des dépôts et consignations - qui détient physiquement ces sommes -, le ministère de l'éducation et de la jeunesse - qui serait l'un des bénéficiaires de cette mesure -, ..... et Bercy, qui suit ce dossier de près, car il voit cette affectation au FDVA comme autant d'argent en moins au budget général de l'État.... Nous devrons veiller lors de l'examen de cette disposition demain matin en séance à empêcher toute marche arrière de la part du Gouvernement.

J'en viens maintenant à la partie thématique de cet avis budgétaire. Il me paraissait intéressant de dresser un bilan de la préfiguration du SNU, des questions que soulève ce dispositif et de son articulation avec le service civique.

En juin, s'est déroulée la première phase du SNU, pour 1 978 jeunes volontaires dans quatorze centres implantés dans treize départements. L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) a procédé à une évaluation de cette première expérimentation. Celle-ci est positive : 94 % des jeunes sont satisfaits ou très satisfaits. 84 % estiment que la généralisation du SNU serait utile à la société.

Ce premier retour est très intéressant, mais j'estime qu'il est nécessaire de prendre ces résultats avec un certain recul. Il s'agissait uniquement de volontaires. Tous ces jeunes étaient désireux de faire cette expérience et ont donc abordé celle-ci de manière positive. La donne risque d'être différente dans le cas d'un service obligatoire. En outre, près d'un tiers des volontaires (31 %) déclare que l'un de ses parents travaille ou a travaillé dans l'armée, alors que les personnes travaillant pour l'armée représentent 1,3 % de la population active. Or, parmi les motivations ayant poussé certains jeunes à participer au SNU, se trouve la volonté de bénéficier d'un environnement militaire. D'ailleurs 63 % de ces jeunes souhaitent faire leur mission d'intérêt général de quinze jours - la phase 2 du SNU - dans le domaine de la sécurité et de la défense.

Pour moi, de nombreuses questions restent en suspens dès 2020 avec une extension du dispositif de treize à l'ensemble des départements concernés, et plus encore lorsque le SNU concernera toute une classe d'âge. La première d'entre elles porte sur le coût de ce dispositif. 30 millions d'euros ont été budgétés en 2020, calculés sur une estimation de 20 000 participants. Or, le secrétaire d'État évoque 30 000 jeunes. À 1 500 euros le coût par jeune, le budget bondit de 30 millions d'euros à 45 millions d'euros soit une augmentation de 50 %, sans précision toutefois sur l'origine de ces 15 millions d'euros supplémentaires. Se pose également la question de la capacité d'accueil de ces jeunes. Le secrétaire d'État l'a indiqué : il a demandé à chaque préfet de répertorier les places disponibles en juin. D'ailleurs, c'est en fonction du nombre de places d'accueil disponibles, que sera fixé le nombre de jeunes accueillis l'année prochaine. Le Gouvernement semble déjà avoir des difficultés pour loger 20 000 à 30 000 jeunes. Or, une classe d'âge représente 750 000 à 800 000 jeunes. Faudra-t-il construire des infrastructures dédiées ? Comment les financer ? Une autre question relative à l'organisation pratique doit être évoquée : ce stage de cohésion a eu lieu en juin. Le ministère de l'éducation nationale nous parle régulièrement de sa volonté de « reconquérir le mois de juin » comme mois scolaire. Quant à l'organisation du stage de cohésion de quinze jours pendant les petites vacances scolaires, cela pose d'autres problèmes potentiels.

Autre interrogation : l'encadrement de ces jeunes. Le ministre nous a indiqué que ce taux était très élevé : un adulte pour cinq jeunes. Actuellement, un tiers des encadrants sont d'anciens militaires, un tiers des membres de l'éducation nationale et un tiers des membres de l'éducation populaire. Tous les intervenants ont bénéficié d'une formation. Ils étaient 450 encadrants en 2019, pour quatorze centres. Il en faudrait 4 500 pour 2020 pour 20 000 jeunes. Le défi pour le ministère est de réussir à fidéliser un vivier d'encadrement, mobilisable toute l'année. De l'aveu même du Secrétaire d'État, « le vrai enjeu est moins l'hébergement que celui de l'encadrement. Il est nécessaire de prendre de l'avance pour recruter et former en nombre suffisant les encadrants pour maintenir le haut niveau d'exigence en matière de sécurité que nous avons fixé » . Enfin, je m'interroge sur la phase 3 du SNU - la phase d'engagement volontaire - qui peut notamment se faire en service civique.

Le service civique est aujourd'hui une réussite. En 2019, un peu plus de 143 000 jeunes étaient en service civique à un moment de l'année - en stock pour reprendre la terminologie officielle -, et un peu plus de 84 000 conventions de service civique ont été signées dans l'année.

Je suis également convaincu de l'utilité de cet outil pour aller chercher les jeunes, notamment ceux en décrochage scolaire et connaissant des problèmes d'insertion. Je souhaite à cet égard saluer le rôle de toutes les associations qui agissent au quotidien, pour aller chercher ces jeunes. Les chiffres sont là : 13 % des volontaires sont issus des quartiers prioritaires de la ville, 17 % des volontaires sont sortis du système scolaire sans diplôme, les deux tiers étaient inactifs ou demandeurs d'emplois à l'entrée en service civique. Selon une étude réalisée à la demande d'Unis-Cité, le retour sur investissement social global du service civique représente près de deux fois l'investissement initial de l'État. À Unis-Cité, 38 % des jeunes recrutés n'ont pas le bac. 82 % à la sortie du service civique ont soit trouvé un emploi, soit une formation professionnelle.

Or, je déplore la nette inflexion du budget consacré au service civique. Le nombre de jeunes accueillis stagne. De plus, la tentation est grande, pour l'agence du service civique, d'inciter les organismes d'accueil à raccourcir la durée des missions proposées de neuf mois à huit voire sept mois - pour pouvoir accueillir à coût constant plus de jeunes. Mais cette gestion comptable méconnait les besoins des organismes d'accueil et des jeunes. Former un jeune nécessite un certain temps. Il faut permettre aux organismes d'accueil d'avoir, si vous me permettez cette expression, un certain retour sur investissement et pouvoir disposer d'un jeune opérationnel pendant un certain temps. Lors de son audition, la présidente d'Unis-cités m'a indiqué qu'un certain nombre d'organismes d'accueil refusait de répondre favorablement à cette recommandation de l'agence du service civique de missions d'une durée inférieure à huit mois.

Cette politique comptable risque ainsi de faire diminuer le nombre de missions disponibles, alors même qu'actuellement il n'y a pas assez de places pour toutes les demandes : une mission pour trois à quatre demandes. Ces difficultés existent avant même l'arrivée potentiellement massive de jeunes en phase 3 du SNU. Je réaffirme ma position à ce sujet : un principe de parité entre les sommes allouées au service civique et au SNU doit être mis en place. Et, si le SNU doit coûter à terme 1,5 milliard d'euros, la même somme devra alors être consacrée au service civique.

Enfin, je m'interroge sur le type de missions qui pourrait être proposé en phase 3 du SNU. Le délai minimal est de trois mois. On pourrait ainsi avoir des missions de trois, quatre ou cinq mois. Quelle utilité pour le jeune et l'organisme d'accueil ? En effet, en dessous de huit mois, l'intérêt de telles missions est faible.

Mes chers collègues, comme vous le voyez, mes interrogations sont nombreuses. Aussi, je vous propose d'émettre un avis de sagesse sur le programme 163.

Mme Sylvie Robert . - Mon groupe ne s'est pas exprimé sur le rapport de M. Lozach. Mais bien évidemment, nous partageons ses conclusions.

Je reste un peu sur ma faim quant à l'orientation de ce budget et de la politique du Gouvernement pour la jeunesse. Le Gouvernement capte ce qui a été une politique d'engagement des jeunes créée pour faciliter leur insertion, au bénéfice d'un « outil » - le SNU - qui n'a pas de fondement similaire. En termes budgétaires, on sent que les crédits de ce programme vont être captés par le SNU, au détriment du service civique. Je le regrette. Si vous me permettez ce parallèle, j'ai l'impression d'être dans une situation semblable à celle du Pass Culture et des crédits en faveur de l'enseignement artistique et culturel.

De nombreuses questions demeurent concernant les associations, à la suite du rapport de notre rapporteur sur la réduction du nombre d'emplois aidés et les alternatives possibles pour le secteur associatif. Nous connaissons tous le rôle que jouent les associations dans notre société. Or, elles voient aujourd'hui leur financement fragilisé. Là où on attendrait un engagement de l'ensemble du Gouvernement sur la question des jeunes, ce dernier nous répond simplement qu'une information sera délivrée via un « jaune budgétaire », mais sans nous en dire plus sur les financements. Nous partageons les préoccupations du rapporteur pour avis et les grandes réserves émises sur ce budget. Les promesses d'un pays se trouvent souvent dans sa jeunesse et son engagement. Or, le SNU semble devenir l'alpha et l'oméga de l'engagement de la jeunesse. Nous le regrettons.

Mme Colette Mélot . - Je souhaite revenir sur la dotation du FDVA, à hauteur de 25 millions d'euros en 2020. Il semblerait qu'elle soit encore une fois insuffisante au regard des besoins de financement du tissu associatif. On connait l'importance des associations pour lutter contre la précarité, l'isolement et pour restaurer le lien social.

Nous sommes favorables au déploiement du SNU. Toutefois, celui-ci ne doit pas avoir lieu au détriment du service civique. Du fait de ces observations, notre groupe s'abstiendra sur le vote des crédits de cette mission.

Mme Annick Billon . - Je suis sceptique vis-à-vis de ce budget. Il semblerait qu'il y ait un basculement des crédits dédiés au service civique vers le SNU. Notre crainte est forte, et nous nous interrogeons également sur le modèle de fonctionnement du SNU. On constate aujourd'hui une crise de l'engagement pour le bénévolat. Je regrette que nous n'ayons pas véritablement un état des lieux des répercussions pour les associations de la fin de la réserve parlementaire, ainsi que des emplois aidés. Il serait intéressant de disposer d'un comparatif de la situation de l'engagement en France avant et après ces réformes. Vous comprendrez notre avis très réservé.

Mme Sonia de la Provôté . - Je regrette l'absence totale de transparence et d'information sur l'usage des fonds en provenance du FDVA. Lorsque l'on étudie les bilans a posteriori , il est encore plus difficile de comprendre qui a bénéficié de financements ainsi que la stratégie globale d'affectation des subventions, tant sur le plan de la politique associative que sur le plan du développement territorial. La réserve parlementaire avait au moins le mérite d'avoir cette vision et cette transparence.

Par ailleurs, nous devons analyser l'évolution des fonds à destination de l'éducation populaire. Elle a été un grand pourvoyeur de l'accès à la culture, au sport, de l'accès à la citoyenneté sur tous les territoires. Ce réseau autrefois puissant au niveau national est fragilisé. S'il venait à disparaître, je ne sais pas par quoi il serait remplacé. Or, il me semble que cette question n'a pas encore été posée.

Mme Françoise Laborde . - Je regrette que le Gouvernement s'en tienne à la communication. J'ai noté que des budgets trans-ministériels sont prévus pour le SNU. Mais chaque ministère essaye de défendre son budget, en cherchant à allouer le moins possible de crédits à cette nouvelle politique. Je reste très sceptique vis-à-vis de ce dispositif. Je note également le taux d'encadrement très élevé d'un adulte pour cinq jeunes.

Mon groupe politique soutient l'avis de sagesse suggéré par les rapporteurs de cette mission. Le débat se prolongera dans l'hémicycle.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Beaucoup d'interventions font écho aux inquiétudes que j'ai exprimées, notamment par rapport au service civique. En ce qui concerne le FDVA qui, selon moi, devrait normalement être l'essentiel de la préoccupation du ministère de la jeunesse et de la vie associative, 9 500 associations ont été aidées en 2018, avec une subvention moyenne de 2 900 euros, soit 41 % de celles qui ont demandé des subventions. Cela signifie que moins de la moitié d'entre elles ont reçu une réponse favorable. Dans mon département, la préfète me transmet la liste des associations qui ont bénéficié d'une subvention avec les sommes allouées. Mais elle ne me sollicite pas autrement. En outre, je ne connais pas les critères d'attribution. J'imagine qu'il en est de même pour vous. Si vous n'avez pas d'informations, je vous recommande d'en faire la demande auprès des préfets de vos départements. Selon le directeur général de la jeunesse et de la vie associative, des critères précis d'allocation existent portant par exemple sur l'effort de formation, ou encore l'effort de développement de certaines activités.

Je suis très sensible à l'éducation populaire. Elle repose sur le bénévolat. C'est d'ailleurs l'origine de notre inquiétude. En effet, il y a peu de bénévoles - tant dans les territoires ruraux qu'urbains - souhaitant s'engager auprès des autres ou organiser des activités pour les autres. Le budget de la vie associative devrait se concentrer sur les associations et l'engagement citoyen.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, Nous sommes arrivés au terme de l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et nous devons maintenant émettre un avis à son sujet. Je vous rappelle que nos deux rapporteurs vous proposent de donner un avis de sagesse sur cette mission. Je note que le groupe CRCE souhaite donner un avis défavorable aux crédits de cette mission.

La commission émet un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

par M. Jean-Jacques LOZACH,
rapporteur pour avis des crédits consacrés au sport

Mardi 15 octobre 2019

- Institut national des sports, de l'expertise et de la performance (Insep) : MM. Ghani YALOUZ , directeur général, et Babak AMIR-THAMASSEB , chargé de mission auprès du directeur général.

- Association nationale des élus en charge du sport (Andes) : M. Cyril CLOUP , directeur général.

Mercredi 16 octobre 2019

- Consortium du Stade de France : Mme Alexandra BOUTELIER , directrice générale déléguée, et M. Henry DE LA MONNERAYE , directeur général délégué.

- Agence nationale du sport (ANS) : MM. Frédéric SANAUR , directeur général, et Jérôme RODRIGUEZ , directeur financier et chef du département comptable.

Mardi 22 octobre 2019

MM. Jean CASTEX , délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques, Nicolas FERRAND , directeur de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), Philippe LONNÉ , secrétaire général (Solideo), Benoît PIGUET , directeur des relations institutionnelles (Solideo).

- Ministère des sports : MM. Karim HÉRIDA , directeur de cabinet de Mme Roxana Maracineanu, et Jean-Philippe REY , conseiller budgétaire et économie du sport.

Mercredi 23 octobre 2019

- Comité national olympique et sportif français (CNOSF) : M. Denis MASSEGLIA , président, Mme Julie LAVET , directrice des relations institutionnelles.

Mercredi 13 novembre 2019

- Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) : Mme Dominique LAURENT , présidente, M. Mathieu TEORAN , secrétaire général, Mme Marilyn HESRY , secrétaire générale adjointe.

Auditions de M. Jacques-Bernard MAGNER,
rapporteur pour avis des crédits consacrés à la jeunesse
et à la vie associative

Mardi 15 octobre 2019

- Ministère de l'éducation nationale - Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva) : M. Jean-Benoît DUJOL , directeur.

Mardi 22 octobre 2019

- Haut conseil à la vie associative (HCVA) : Mme Chantal BRUNEAU , secrétaire générale.

Mardi 5 novembre 2019

- Unis-Cité : Mme Marie TRELLU-KANE , présidente fondatrice.

- Agence du service civique : Mme Béatrice ANGRAND , présidente.

ANNEXES

Audition de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

MARDI 26 NOVEMBRE 2019

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, nous auditionnons cet après-midi la ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu, sur les crédits prévus par les programmes 219 « Sport » et 350 « jeux Olympiques et Paralympiques 2024».

Cette audition est importante. Elle intervient à un moment particulier puisque la loi de finances pour 2020 constituera le premier exercice budgétaire complet de la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) dont les modalités d'organisation territoriale ont été définies cet été dans un projet de loi qui a été largement enrichi par le travail parlementaire. Le Sénat a joué un rôle particulier.

Je me permets, madame la ministre, de vous remettre un exemplaire du rapport d'information de nos collègues Claude Kern et Christian Manable, qui ont émis de nombreuses recommandations concernant la mise en oeuvre de la gouvernance territoriale de la nouvelle agence. Je vais maintenant vous laisser la parole pour un propos introductif. Après quoi, notre rapporteur pour avis, Jean-Jacques Lozach, vous posera une première série de questions.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports . - Avant de commencer, je souhaite revenir sur le drame qui a touché treize de nos soldats au Mali. Je présente mes sincères condoléances à l'un de vos collègues, Jean-Marie Bockel, que je connais personnellement et qui a été le maire de ma ville. Nous partageons tous sa douleur de père.

« Le sport est un bon médecin, mais il est surtout un excellent professeur », c'est avec ces mots que le Premier ministre a choisi de parler de la place du sport dans notre société. Le sport est un bien commun. Il rime avec épanouissement personnel et plaisir. C'est aussi un élément clef du lien social.

Depuis 2017, le Président de la République et le Gouvernement confirment leur engagement derrière le sport français et la mobilisation de l'État pour Paris 2024. Dans un contexte budgétaire où il convient de redonner du pouvoir d'achat aux Français, nous poursuivons notre effort en faveur du sport. Le budget exécuté en 2018 a permis de constater une dépense publique inédite en faveur du sport depuis dix ans. Le budget 2019 a vu l'augmentation de nos crédits d'intervention et le budget 2020 sera le budget le plus important du ministère depuis 2006.

En 2020, l'augmentation de 9,8 % des crédits représente un budget de 710 millions d'euros. Il s'agit d'un acte fort. Plus de 297 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances (PLF) au titre des actions portées par l'administration centrale du ministère. Un peu plus de 129 millions seront dirigés vers les équipements en lien avec les jeux Olympiques et Paralympiques. Enfin, 284 millions seront versés à l'agence nationale du sport, soit un montant équivalent à celui de 2019. Le budget que je vous présente aujourd'hui maintient aussi les augmentations budgétaires que vous avez votées l'année dernière, notamment un plan de 15 millions d'euros dédié à la lutte contre les noyades.

Avec ce budget, nous avons les moyens de réaliser nos ambitions pour le sport français. Par exemple, dans le contexte de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo, nous prévoyons une hausse de 10 % des primes aux médaillés ainsi qu'à leurs accompagnants, plutôt qu'un système d'exonération fiscale. Le Sénat a fait preuve de sagesse en ne votant pas ce week-end l'amendement qui lui était proposé pour le remettre en place. Les sportifs doivent payer des impôts et leur staff bénéficiera également de la prime, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Nous continuerons aussi de soutenir l'accueil sur le territoire de grands événements sportifs avec un budget de plus de 6 millions d'euros.

Pour les Jeux de 2024, nous devons, dès à présent, imaginer l'après. Le financement des équipements de proximité de la pratique sportive via l'agence a permis de soutenir 250 équipements et 15 000 associations en 2019. La stabilisation de la contribution de l'État à l'agence permettra de maintenir ces équilibres. Dans le budget 2020, 90 millions d'euros seront consacrés au développement de la haute performance au sein de l'agence afin de déployer une nouvelle vision du soutien à nos athlètes et à leurs accompagnants. Ce seront de nouvelles aides, plus justes et mieux ciblées sur les acteurs de la performance.

On peut noter une hausse de 7,5 % du budget dédié à la lutte contre le dopage. En deux ans, l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) aura connu une augmentation de sa subvention de 18 % sans compter la subvention accordée au titre du déménagement vers Orsay en 2022. La question du dopage est un sujet sensible et central comme vous avez pu le constater. La santé de nos athlètes constitue un sujet important pour moi et je serai intraitable. La Fédération française d'athlétisme est donc en train de concevoir un nouveau modèle d'organisation et de surveillance. C'est le travail que je mène avec Dominique Laurent et l'AFLD. Sur ce sujet, je suis en discussion, depuis plusieurs mois, avec Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, au sujet de l'avenir du laboratoire de l'AFLD qui se trouve actuellement dans les locaux du centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) de Châtenay-Malabry. Il était important que le laboratoire puisse rester dans ce lieu jusqu'au déménagement afin que son homologation ne soit pas remise en cause. Orsay a été désigné par les experts et les inspecteurs généraux comme la meilleure option pour accueillir ce laboratoire. Mon travail a consisté à convaincre de la pertinence de l'analyse du ministère et de l'AFLD. Les travaux qui auront lieu sur le site du Creps de Châtenay-Malabry lui permettront de devenir un centre de préparation aux Jeux. Ils vont pouvoir se poursuivre sans perturber l'activité du laboratoire. Aujourd'hui, j'ai saisi les services de l'État pour évaluer les conditions juridiques et financières du maintien du laboratoire sur le site. Je vous tiendrai informés.

Les politiques du sport en France ne s'arrêtent pas aux portes de mon ministère. Nous avons réuni, le 4 novembre dernier, autour du Premier ministre, un comité interministériel consacré à l'héritage des jeux Olympiques dans notre pays. Nous avons bâti, avec les autres ministères, un programme qui regroupe 170 mesures pour développer la place du sport dans l'ensemble des politiques publiques.

Ma volonté est que le sport puisse intervenir en lien avec d'autres politiques publiques, en particulier en faveur de la santé. Il facilite, par exemple, la récupération après les traitements médicaux lourds. J'ai milité auprès du Premier ministre et du Gouvernement pour que la lutte contre la sédentarité devienne une thématique nationale, comme le sont l'égalité entre les femmes et les hommes ou les violences faites aux femmes. Nous voulons développer le sport sur ordonnance ou la labellisation sport-santé.

Un autre axe de nos travaux concerne les acteurs sociaux sportifs, le développement du sport féminin, la lutte contre l'homophobie dans le sport et les discriminations.

Je me félicite que le Sénat ait repris, lors du débat sur le PLFSS, la mesure 21 sur la promotion du sport en entreprise, annoncée par le Comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques le 4 novembre dernier, même si cet aspect a été éludé dans certaines communications... C'est dommage. Plus nous jouerons collectif, plus nous servirons le sport français. J'ai demandé à mes équipes de travailler dans la plus parfaite collaboration avec chacun d'entre vous.

Je prendrai trois exemples concrets de mesures nouvelles prises cette année et qui ne dépendent pas directement du ministère des sports : la mise en place d'un programme de recherche appliquée dédié à la haute performance, doté de 20 millions d'euros, avec Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; l'inscription d'un volet sport dans les contrats de ville avec Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement ; un plan d'investissements au sein du programme d'investissements d'avenir de 55 millions d'euros pour l'écologie et les innovations dans le sport. Ces mesures nourrissent le sport français et son écosystème. Nous allons pouvoir bâtir un héritage solide et concret de Paris 2024. Cela ne concerne pas uniquement le ministère des sports ; le comité national olympique et sportif Français (CNOSF), avec son programme « héritage », et le comité d'organisation des jeux olympiques (COJO) sont aussi parties prenantes. Il s'agira aussi d'équipements sportifs nouveaux ou dont la rénovation sera lancée.

En 2020, pour conclure, nous devrons répondre à de nombreux défis. Je pense notamment à la déclinaison territoriale de l'ANS que vous avez évoquée et qu'il faudra articuler avec la nouvelle organisation territoriale de nos services appelés à rejoindre l'éducation nationale. Nous avons réussi à bâtir une agence d'État en offrant notamment une place inédite aux collectivités territoriales. Je pense que cet aspect sera cher à la Haute assemblée. Dans les semaines à venir, nous devrons assurer son développement dans nos régions et je sais pouvoir compter sur votre expérience et votre exigence.

Pour conclure, j'évoquerai la future loi sur le sport qui accompagnera la transformation de notre modèle sportif. Elle devrait voir le jour à la fin du premier semestre 2020. Il s'agit de développer la pratique sportive, de simplifier le rapport des associations sportives avec les pouvoirs publics, de rendre la France plus attractive et dynamique dans le secteur de l'économie du sport, et d'accroître l'éthique et la régulation du sport. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans les semaines à venir et je suis à votre disposition pour vous écouter.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du programme « Sport » . - Effectivement ce budget est en hausse aussi bien en ce qui concerne le sport, avec le programme 219, qu'en ce qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques, avec le programme 350. Mais cette augmentation est aussi trompeuse. Le changement de périmètre ministériel rend difficiles les analyses comparatives d'une année à l'autre. L'augmentation significative du programme « Sport » est consécutive à un changement du périmètre et au transfert de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cela représente la bagatelle de 121 millions d'euros et augmente donc significativement le budget du programme.

On peut se demander si l'ANS va disposer de tous les moyens humains et financiers nécessaires pour faire face à ses missions. Dans sa plaquette, l'ANS évoque un budget de 291 millions d'euros en 2019 et de 284 millions pour 2020. Il est donc en légère baisse. Nous sommes cependant tout à fait conscients qu'un ensemble de ministères travaille à l'écosystème du sport.

J'ai plusieurs questions. Le rapport des tiers de confiance sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) n'a pas encore été rendu public mais plusieurs scénarios sont envisagés. Envisageriez-vous de maintenir tout ou partie des CTS ou de les transférer vers les fédérations ? Confirmez-vous la réduction de 42 équivalents temps plein (ETP) au sein de ces CTS ? Cela concernerait malheureusement les fédérations non sportives, celles qui ont le plus besoin de CTS.

Lors de nos auditions, nous n'avons pas relevé de relations très fraternelles entre les acteurs du sport de haut niveau, qu'il s'agisse de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), le pôle haut niveau de l'agence nationale, les directeurs techniques nationaux (DTN) ou les fédérations sportives. Il y a quelques jours, vous avez organisé un séminaire olympique sur la haute performance. Quel est votre sentiment à quelques mois de jeux Olympiques de 2020 ?

Vous nous avez rassurés sur la lutte antidopage. Sur une période récente nous sommes toutefois passés de 10 000 à 8 000 contrôles. De plus, désormais, ces contrôles ciblent les sportifs de haut niveau et excluent les sportifs amateurs. Cela nous inquiète. Le modèle économique de l'AFLD est également un sujet sur lequel nous souhaiterions revenir.

Enfin, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les maisons sport-santé ? J'ai vu qu'un appel à projets avait été lancé par le ministère des solidarités et de la santé mais cela reste flou.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. - Nous avons fait l'effort de présenter un budget à périmètre constant dans un souci de transparence. Sans cela, la hausse réelle serait de 36 %. Cette hausse de 10 % correspond à ce qui va être mis en place pour les jeux Olympiques. Nous assumons cette augmentation car il s'agit de construire des équipements qui bénéficieront à la France et à ses territoires après les Jeux.

La diminution de 42 ETP est comparable à celle que nous observons dans les autres ministères et administrations. Jusqu'à présent le corps des CTS était préservé de cette diminution des effectifs des fonctionnaires de l'État qui est de 2,6 %. Pour ces 42 ETP, nous avons choisi de privilégier les départs à la retraite. Cela impacte le corps des CTS dont l'âge moyen est de 55 ans. Il est donc urgent de réfléchir à une transformation car, dans de nombreuses fédérations, les CTS payés par l'État représentent la seule main d'oeuvre. Ce corps regroupe différents métiers et nous devons discuter de l'avenir de chacun d'entre eux avec les fédérations. Aujourd'hui, ces discussions sont conduites par des tiers de confiance et un rapport nous sera remis début décembre. Mon travail cette année a été de faire mieux comprendre, y compris au Premier ministre et au Gouvernement, l'importance de cette transformation.

Concernant le haut niveau, le partage de responsabilités est déstabilisant. C'est notre travail aujourd'hui de faire travailler tout le monde ensemble. La semaine dernière, nous avons ainsi réuni les cadres et les entraîneurs.

Une première labellisation verra le jour à la fin de cette année pour les maisons sport-santé. Des initiatives ont déjà été sélectionnées. J'en ai déjà visité quelques-unes et je continue ce tour de France. Vendredi, je me rendrai à Biarritz où le sport sur ordonnance existe déjà depuis des années. L'objectif est d'atteindre 500 maisons sports-santé en 2022 puis 1 000 en 2024.

Désormais, le laboratoire français pourra aller contrôler les sportifs français à l'étranger. L'affaire Clémence Calvin nous montre que ce sujet soulève de nombreuses questions. Les sportifs ne s'attendaient pas à être contrôlés lorsqu'ils étaient en stage à l'étranger et cela leur permettait d'échapper à notre vigilance. Nous devons donc informer les entraîneurs et les sportifs et soutenir l'AFLD, financée à 99 % par l'État, dans ses missions. Les contrôles à l'étranger représentent un coût supplémentaire et le transfert des contrôles va s'opérer vers le haut niveau. C'est un choix assumé. Pour le sport amateur, nous apporterons notre soutien à la prévention du dopage. Nous espérons que les efforts conjoints du ministère et de l'AFLD serviront aussi à informer le grand public. L'AFLD a bénéficié d'un accompagnement de la part du ministère. Concernant l'évolution de son modèle économique, celui-ci repose sur une diversification des ressources.

M. Michel Savin . - Le Sénat est à vos côtés, madame la ministre. Le Sénat soutient le sport.

Concernant le budget, l'augmentation affichée est liée au souhait de la France d'honorer son engagement par rapport aux jeux Olympiques. Toutefois, depuis 2017, la baisse du budget représente 11 % de crédits.

Vous annoncez une stabilité du budget de l'ANS mais ses crédits passent de 291 millions en 2019 à 284 millions en 2020. Il s'agit donc bien d'une baisse de 7 millions. J'entends qu'elle sera compensée par la trésorerie mais je ne suis pas certain que « taper dans la trésorerie » soit une bonne solution.

Pouvez-nous confirmer que les frais de fonctionnement de l'agence sont bien prévus et à quelle hauteur ?

Ce week-end le Sénat a voté un amendement concernant la taxe Buffet afin d'augmenter le budget de l'ANS. Le mouvement sportif, professionnel comme amateur, attend un signe de votre part. Quelle est votre position sur cet amendement ?

Votre dossier de presse indique 45 millions d'euros en faveur des équipements sportifs territoriaux, mais, à la page suivante, il est dit que 15 millions seront consacrés au plan « aisance aquatique » : ces deux enveloppes sont-elles bien cumulatives, ou bien les 15 millions seront-ils imputés sur la première enveloppe de 45 millions ?

Nous aurons des discussions en séance sur le sport en entreprise : comme l'an passé, nous déposerons un amendement sur les critères permettant à l'Urssaf de considérer la mise en disposition de personnels et d'équipements sportifs comme des avantages en nature. Soutiendrez-vous notre proposition ?

Nous voulons aussi soutenir les sportifs de haut niveau grâce au mécénat d'entreprise. Vous avez signé hier 100 pactes de performance avec le groupe BPCE, qui réunit la Banque populaire, les Caisses d'épargne et Natixis. Notre amendement, qui sera vraisemblablement cosigné par l'ensemble des groupes, vise à légaliser une pratique courante par laquelle des entreprises se lient aux sportifs. Quelle sera là encore votre position ?

M. Claude Kern . - Je ne reviendrai pas sur le budget de l'ANS qui, en réalité, est en baisse. Je regrette la mascarade intervenue à l'Assemblée nationale avec l'adoption, puis le rejet, à la suite d'une deuxième délibération demandée par M. Darmanin, d'un amendement qui déplafonnait la taxe affectée sur les paris sportifs. Outre la grave atteinte qu'elle constitue pour la démocratie, cette décision prive l'ANS de moyens supplémentaires pour intervenir correctement dans les territoires. Cela est d'autant plus incompréhensible que les activités taxées sont en pleine expansion.

Pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont vous envisagez la mise en oeuvre de la convention entre l'État et l'ANS, prévue par le code du sport, qui prévoit une trajectoire pluriannuelle ascendante des crédits en ligne avec les besoins identifiés par le mouvement sportif ?

L'ANS, qui a la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), est quasi exclusivement financée par l'État. Pourriez-vous nous éclairer sur les négociations à venir avec les autres parties prenantes du GIP pour élargir son financement ?

La Cour des comptes a pointé les défaillances de l'éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire, dans le contexte notamment de lutte contre la sédentarité et de promotion des modes de vie plus actifs. Les heures de cours baissent, la discipline est malmenée dans les programmes scolaires. Envisagez-vous un plan de développement pluriannuel des programmes d'EPS. Confirmez-vous l'ouverture de 1 500 postes aux concours de professeurs d'EPS dès cette année ? C'est une urgence ! Je me réjouis enfin de l'augmentation des primes pour les athlètes médaillés aux jeux Olympiques de 2020. Toutefois, ne serait-il pas possible, pour plus de simplicité, de prévoir leur déductibilité de l'assiette de l'impôt sur le revenu ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Les primes seront soumises à l'impôt à la source. J'ai expliqué pourquoi nous avions préféré augmenter les primes plutôt que de les rendre déductibles de l'impôt sur le revenu.

Le sport à l'école est une priorité du Gouvernement. Je vous invite à interroger M. Blanquer sur la création de 1 500 postes de professeurs d'EPS dans l'éducation nationale. J'ai fait une offre de services à M. Blanquer. Il n'existe pas de cours d'EPS dans le premier degré, mais nous avons des associations sportives qui s'investissent dans les territoires : quatorze fédérations ont déjà signé une convention avec l'éducation nationale pour intervenir dans certaines écoles primaires. J'aimerais que l'on généralise ce type de collaboration entre le monde associatif et l'école. J'ai plaidé pour un temps scolaire partagé où les associations sportives pourraient intervenir sur des sujets identifiés à l'avance en commun avec les équipes éducatives : on pourrait imaginer une semaine dédiée à l'aisance aquatique, une semaine pour apprendre à rouler à vélo, une semaine d'initiation au sport collectif, etc. Les associations pourraient accueillir les enfants, avec un emploi du temps défini dans le cadre d'un projet pédagogique coconstruit avec les professeurs des écoles. Avec le dédoublement des classes, une partie de la classe pourrait suivre une activité sportive une semaine, encadrée par les éducateurs sportifs, tandis que l'autre partie de la classe continuerait à suivre les cours. Avec des effectifs réduits, l'enseignement est plus efficace. Dans le cadre de la réforme des services déconcentrés, les agents du ministère des sports seront rapprochés des recteurs et des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen). Cela permettra de proposer une nouvelle ingénierie territoriale, de nouveaux projets éducatifs territoriaux, inscrits sur le temps scolaire. L'intervention des associations sportives est reconnue. Le ministère des sports finance déjà 6 000 postes d'éducateurs.

L'ANS a été créée sous la forme d'un GIP pour lui permettre de bénéficier de fonds venant de sources diverses. La stabilisation du budget de l'agence constitue un signe fort, la contribution nette de l'État est identique, au centime près, à celle de l'an passé. Elle s'élève à 284 millions, auxquels s'ajoutent 7 millions issus du fonds de roulement de l'agence - l'année dernière les 7 millions provenaient du fonds de roulement du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

En ce qui concerne le suivi pluriannuel du budget des sports, l'Assemblée nationale a voté la création d'un jaune budgétaire sur le sport, qui permettra de mettre en évidence l'ensemble des actions des différents ministères en faveur du sport et de ses acteurs.

Sur le sport en entreprise, nous publierons avec Agnès Buzyn une circulaire sur l'exonération de charges sociales pour les mesures de soutien au sport par les employeurs. Votre amendement sera donc satisfait.

M. Michel Savin . - Une circulaire n'a pas la même portée qu'une loi ! Une loi rassurerait davantage les entreprises.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Certes, mais cela relève du pouvoir réglementaire. Une circulaire suffit à instaurer une exonération de charges sociales. Les entreprises concernées ne seront pas redressées par l'Urssaf.

Votre autre amendement vise à uniformiser les dispositifs de soutien par les entreprises aux sportifs de haut niveau en privilégiant le mécénat. Nous avons plutôt voulu préserver la diversité des formes de soutien. Certains sportifs préfèrent un partenariat avec une entreprise, d'autres préfèrent le recours au mécénat, la différence tenant à la possibilité, ou non, d'utiliser l'image du sportif et de nouer d'autres formes de collaboration. D'autres types de contrats, comme les contrats d'insertion professionnelle, peuvent aussi intéresser des sportifs qui souhaitent garder un lien avec l'entreprise et préparer leur reconversion. C'est pourquoi nous souhaitons conserver la diversité des formes de soutien et mettre l'accent sur la publicité autour de ces dispositifs. Le guichet unique du sport que nous voulons mettre en place, et qui serait installé dans les Creps, pourrait servir de centre d'information et d'orientation, en éclairant les jeunes qui hésitent encore entre carrière sportive ou poursuite des études. On espère ainsi multiplier les vocations. Ce guichet unique pourrait aussi renseigner les familles sur les études ouvertes aux sportifs de haut niveau, les possibilités de financement d'une carrière sportive grâce à l'aide des entreprises, les possibilités de reconversion, etc.

Je vous confirme que l'enveloppe de 15 millions d'euros pour le plan d'aisance aquatique s'ajoutera à l'enveloppe de 45 millions destinée à financer les équipements sportifs territoriaux. L'enveloppe sera destinée exclusivement aux piscines, sachant que certaines d'entre elles ont aussi pu postuler à des projets financés par l'enveloppe de 45 millions s'il s'agit d'équipements structurants.

Mme Mireille Jouve . - Ma question ne sera pas originale et portera sur les crédits de l'ANS. Après deux années de baisse, le budget des sports restera à un niveau modeste, en dépit des jeux d'écriture et des mouvements de crédits destinés à assurer le respect de nos engagements financiers en vue des Jeux de 2024. Pourtant les taxes affectées au sport font preuve d'un rare dynamisme : le produit de la taxe Buffet augmentera de 25 millions d'ici à 2021 ; le produit de la taxe sur les paris sportifs a augmenté de 80 % depuis 2015. Ces sources de financement issues du sport professionnel devraient bénéficier plus largement au sport amateur et non abonder le budget général de l'État. Peut-on envisager une hausse des fonds alloués à l'ANS proportionnelle à la hausse du rendement des taxes affectées au sport ? Cela permettrait de soutenir la pratique du sport dans nos territoires.

Ma deuxième question concerne la réorganisation des services de l'État et le rattachement auprès du ministère de l'éducation nationale des personnels des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des directions départementales de la cohésion sociale. Ne redoutez-vous pas, madame la ministre, de voir les missions de ces personnels diluées au sein de ce ministère pour servir à concrétiser le projet présidentiel de service national universel ? Cette réforme n'affaiblira-t-elle pas votre ministère ? Elle nourrit les craintes de tous ceux qui entrevoient sa disparition prochaine.

Mme Céline Brulin . - Mes propos ne seront pas non plus originaux et rejoindront beaucoup de ceux qui ont déjà été tenus. Cela devrait alerter le Gouvernement... Comme le mouvement sportif, nous sommes nombreux à être choqués par ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Le mouvement sportif est composé de bénévoles qui se démènent avec des bouts de ficelle tous les matins. La mesure qui était proposée ne semblait pas indécente au regard de l'argent brassé par le sport. Nous persévérerons pour faire adopter cette mesure. Les inégalités sont de plus en plus insupportables aux yeux de nos concitoyens.

L'ANS reste sous-financée. Je crains que les collectivités territoriales qui continuent à s'engager dans le sport en dépit de leurs propres difficultés budgétaires, ne soient encore davantage mises à contribution, dans un contexte de nouvelle organisation du sport dans les territoires et de vieillissement des équipements.

Enfin, je voudrais vous alerter sur les difficultés récurrentes de financement des sportifs de haut niveau. Les jeunes athlètes peinent à progresser dans leur discipline faute de moyens. Ils sont souvent aidés par leurs fédérations mais celles-ci ont moins de moyens à cause des dépenses engagées pour les jeux Olympiques. C'est paradoxal.

M. Jacques Grosperrin . - Tout a été très bien dit par mes collègues. Vous avez dit que ce le budget du sport n'avait jamais été aussi élevé, mais si l'on retire le transfert de la masse salariale des CTS et le programme relatif aux jeux Olympiques, les crédits sont beaucoup moins conséquents ! Mais je tiens à saluer votre combat contre Bercy et aurai donc tendance à voir plutôt le verre à moitié plein que le verre à moitié vide. 2020 sera l'année de vos premiers Jeux en tant que ministre. J'espère que la France occupera une belle place.

Les fédérations sportives sont inquiètes, car elles sont mal en point financièrement, à l'exception de la Fédération française de tennis ou de la Fédération française de football qui ont une situation budgétaire excellente grâce aux droits de télévision. Ne serait-il pas possible de déplafonner les taxes affectées ? Les crédits des fonds territoriaux de l'ANS dédiés aux activités sportives dans les territoires ont baissé de 27 % depuis 2018. Nous serons très attentifs à la future loi sur le sport en 2020. La France mérite une grande loi.

M. Laurent Lafon . - La pratique du e-sport, ou sport électronique, se développe, notamment chez les jeunes. Les enjeux financiers sous-jacents sont importants, car beaucoup d'éditeurs de jeux sont des entreprises françaises, tandis que les paris sportifs augmentent. La future loi sur le sport comportera-t-elle des mesures visant le e-sport ? Le modèle classique d'accompagnement des activités physiques peut-il être adapté, y compris à travers des parcours sport-études, à cette nouvelle discipline ?

M. Jean-Marie Mizzon . - On mesure la qualité d'un budget non seulement au montant des crédits mais aussi à la qualité des politiques qu'il finance. Vous avez évoqué le dopage. Or j'ai le sentiment que toutes les disciplines ne sont pas contrôlées de la même manière et que les sports collectifs sont moins visés que les sports individuels. Qu'en pensez-vous ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La France est candidate à l'organisation des Gymnasiades ou jeux Olympiques du sport scolaire de 2022. La région Normandie est volontaire pour les accueillir. Le 30 novembre, on saura qui de la Russie, de la Serbie, de l'Azerbaïdjan ou de la France organisera ces jeux. Ce projet semble formidable, permettant de mobiliser les jeunes deux ans avant les jeux Olympiques. La région Normandie est très motivée. Reste la question du budget. Il semble que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse s'interroge sur la volonté des collectivités territoriales intéressées de participer financièrement à l'organisation de ces Gymnasiades. Leurs engagements ne seraient pas jugés assez précis et, dès lors, le Gouvernement ne soutiendrait pas le projet avec beaucoup d'ardeur. Qu'en est-il ? Comment avez-vous défendu ce projet ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Comme pour la candidature de Paris pour les jeux Olympiques, nous avons cherché à organiser le plus possible d'événements pour faire la preuve de nos capacités d'organisation et susciter l'engouement auprès du public. Nous voulions aussi profiter de la dynamique créée par l'attribution des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024, car organiser des événements sportifs c'est aussi investir dans le sport et l'avenir du sport. L'organisation des Gymnasiades permet d'intéresser des jeunes qui ne sont pas nécessairement engagés dans une aventure sportive de haut niveau mais qui pratiquent un sport de manière régulière, dans un cadre scolaire ou associatif. Cela permet de faire vivre l'esprit olympique : la compétition dans le respect de l'autre, le partage, et non la performance à tout prix. Telles sont les valeurs que nous voulons faire partager sur tout le territoire. Organiser les Gymnasiades serait une grande chance, à cet égard, pour la France. Effectivement, la question des coûts devra être abordée, car il n'est pas question que l'État assume seul le coût d'un tel événement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La région Normandie a clairement exprimé sa volonté de participer au financement de cette manifestation.

Mme Roxana Maracineanu, ministre . - Les Jeux à Paris créent un appel d'air pour tous les sports. Toutes les fédérations viennent vers nous pour organiser des tournois de qualification olympique, des championnats d'Europe, des championnats du monde, etc. Nous avons un budget de 6 millions d'euros pour soutenir les événements sportifs, ce qui n'est pas considérable si l'on considère l'importance des fees , ces sommes exigées par les fédérations internationales en contrepartie de l'organisation de compétitions, qui atteignent parfois des montants extraordinaires - 700 000 euros, par exemple, pour organiser le championnat d'Europe de volley-ball - tandis que les fédérations conservent encore le pouvoir de céder les droits de la compétition à des sponsors de leur choix. Ces pratiques sont discutables. Peut-être que la présidence du Conseil européen par la France, en 2022, sera-t-elle l'occasion de lancer un dialogue constructif avec les fédérations européennes et internationales sur ces clauses parfois exorbitantes. Nous allons aussi réactiver le Comité français du sport à l'international, qui réunira les fédérations et les territoires pour définir la stratégie de la France en matière d'organisation de compétitions internationales.

Le e-sport se développe. Des événements ont été organisés à Paris. Cette discipline a repris le mot « sport » sans discussion préalable avec le ministère. Ses responsables ont rencontré les membres de mon cabinet. Ils ont fait valoir leur volonté de structurer une filière, à l'image des filières d'accès à la haute performance dans le sport. Je suis consciente que contribuer au développement de cette discipline revient à promouvoir le fait de passer du temps devant un écran à jouer, même si cela mobilise d'autres compétences qui peuvent s'avérer très utiles pour une insertion dans la vie active ensuite, notamment en informatique. Il faut que nous leur apportions - ce qu'ils recherchent d'ailleurs - le moyen de pratiquer davantage d'activités physiques, une aide pour décrocher des écrans, y compris pour préparer les compétitions. Notre expertise peut être à cet égard intéressante ; en retour, nous souhaiterions un engagement de leur part sur la thématique de la lutte contre la sédentarité et un effort de communication autour de l'aspect inclusif de la discipline vis-à-vis des personnes handicapées.

Monsieur Savin, les taxes ne représentent qu'une petite partie du budget des sports : le produit de la taxe Buffet augmente de 30 millions alors que la hausse de notre budget est de 65 millions, grâce au concours du budget général de l'État. Les taxes ne suffiraient pas à couvrir le budget, elles n'en représentent que 20 %. Si on modifiait le système des taxes, les équilibres avec le budget général évolueraient. Quant à votre amendement, il ne garantit nullement que les contributeurs visés soutiendront directement et spontanément le sport amateur.

Je comprends votre réaction après le vote de l'Assemblée nationale. Nous voulions simplement dire que nous avons les moyens de nos ambitions. Le budget est défini en fonction des besoins. L'ANS est née en avril. Elle doit aujourd'hui se structurer. L'année qui vient sera consacrée à la discussion des projets de territoires et des projets fédéraux. Inutile donc d'octroyer des fonds qui ne seront pas dépensés avant la fin de l'année. En réalité, il ne faut pas minimiser l'enjeu. La création de l'ANS bouleverse totalement le paysage. Les fédérations devront en effet revoir leurs politiques et leurs déclinaisons territoriales. Les régions devront coordonner leur budget « sport » avec celui de l'État et celui des fédérations. C'est une année complexe, de structuration du modèle, qui s'ouvre. Donner plus de moyens que ce qui était nécessaire dans ce contexte aurait constitué, à mon sens, un geste irresponsable. Je me suis d'ailleurs positionnée contre un amendement venant de notre majorité à l'Assemblée nationale.

- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Je suis totalement opposée à l'idée selon laquelle il faudrait utiliser absolument un budget d'ici la fin de l'année pour justifier sa reconduction l'année suivante.

Je suis favorable au contraire à un budget qui corresponde à des projets définis en toute responsabilité par des fédérations et des collectivités avec lesquelles nous avons travaillé. Une fois les projets établis, nous savons accorder les moyens nécessaires pour que les actions se réalisent.

Le service national universel est, quant à lui, une belle opportunité, y compris pour nos agents qui pourront proposer leurs compétences en ingénierie territoriale dans le cadre de ce projet. Le ministère des sports a la chance de disposer d'agents de catégorie A compétents pour monter des projets en ingénierie territoriale. Cette expertise sera valorisée encore davantage pour organiser le SNU. Celui-ci constitue aussi une initiative intéressante pour nos jeunes. Réunir des jeunes d'une même catégorie d'âge, autour du sport spécifiquement, est bénéfique - je ne parlerai pas de tous les autres bienfaits que nous pouvons trouver dans le SNU. Ce sera l'occasion de parler à ces jeunes des enjeux de santé, de la reprise d'une activité physique à un âge où nous savons qu'ils décrochent la plupart du temps, et de l'importance de pratiquer le sport en général.

L'importance du sport et des activités collectives a été bien mise en avant lors de la première expérimentation du SNU par les jeunes eux-mêmes qui y ont participé, et le sera de nouveau cette année. Les activités sportives proposées leur permettent en effet de se retrouver. Pour tout vous dire, dans la première élaboration de l'expérimentation nous n'avons pas été aussi associés que je l'aurais voulu. Je pense en effet que nous avons beaucoup à apporter avec le sport. Ce point est d'ailleurs ressorti d'un sondage mené auprès des jeunes. Nous pourrons désormais y consacrer toutes nos forces.

Les agents des ministères s'inquiètent de la mobilisation attendue autour du SNU. Ils se demandent comment ils pourront assumer leurs autres tâches si tous leurs efforts se trouvent ainsi accaparés. Mais je pense que le SNU constitue précisément une formidable occasion pour faire le reste : parler du sport « bon pour la santé des jeunes », donner aux jeunes les premières armes pour s'insérer, notamment dans les métiers du sport - sur lesquels ils veulent souvent se positionner mais au sujet desquels ils manquent souvent d'information -, ou encore s'adresser à une catégorie d'âge où l'on passe souvent les premiers diplômes comme le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ou le brevet de secourisme, qui sont souvent de premières étapes vers des diplômes fédéraux, pour évoquer les métiers correspondants.

Le SNU est également l'occasion d'envisager l'entrée dans ces métiers comme un complément à la vie active des jeunes concernés. Ils pourraient aussi avoir des diplômes sportifs complémentaires susceptibles de les aider à financer leurs études voire de les conduire vers une reconversion professionnelle à une période de leur vie où ils pourraient avoir envie de retourner vers le sport.

M. Jacques Grosperrin, président . - Merci, madame la ministre.

Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale
et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État
auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2019

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- Présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente,
puis de M. Jacques Grosperrin, vice-président -

Mme Catherine Dumas, présidente . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, en vue de l'examen des crédits consacrés à l'enseignement scolaire ainsi qu'à la jeunesse et à la vie associative du projet de loi de finances pour 2020, messieurs Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et Gabriel Attal, son secrétaire d'État. Je vous propose, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'État, de présenter sans plus attendre les grandes lignes de votre budget à l'occasion d'un propos liminaire d'une vingtaine de minutes. Je céderai ensuite la parole à nos rapporteurs pour avis, à savoir Jacques Grosperrin et Antoine Karam pour les crédits de l'enseignement scolaire et agricole et Jacques-Bernard Magner pour les crédits de la jeunesse. Je la donnerai enfin à l'ensemble des membres de la commission qui souhaiteraient vous interroger.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le budget de la mission « enseignement scolaire » traduit la priorité accordée à l'éducation par le Président de la République et par le Gouvernement. Il s'agit d'un budget de confirmation de nos engagements. Il prolonge la loi pour une école de la confiance qui a été votée cet été. L'idée est de se donner les moyens de faire de l'école un levier de réussite pour tous les élèves. Cette ambition implique, en premier lieu, de hisser le niveau général du pays, mais également de favoriser la justice sociale par le biais de l'éducation. Ce double objectif reste notre ligne permanente de conduite. La réussite des élèves passe par une action vigoureuse mise en place dès le plus jeune âge, par leur accompagnement constant et en offrant à chacun la possibilité progressive de personnaliser son orientation afin qu'il puisse réussir pleinement sa vie, tant professionnelle que personnelle. C'est la raison pour laquelle vous avez voté le principe de l'instruction obligatoire à partir de trois ans. De plus, nous avons décidé de mettre autant l'accent sur l'étape de l'école maternelle que sur le CP et le CE1 avec une série de mesures sur lesquelles je reviendrai au cours de cette audition.

Le budget de la mission « enseignement scolaire » pour l'année 2020 s'établit à 52,1 milliards d'euros hors cotisations et pensions de l'État. Cela représente une augmentation de près de 2 %, soit plus d'un milliard d'euros supplémentaires. Par ailleurs, les emplois de mon ministère sont sanctuarisés en 2020. Il y aura donc autant d'arrivées que de départs. Il s'agit d'un gage de continuité et de confiance dans la politique que nous menons au bénéfice des élèves. Ce milliard d'euros supplémentaire dégagé au titre de l'enseignement scolaire signifie que nous entendons poursuivre une transformation profonde de ce secteur. Je rappelle que cette augmentation est deux fois supérieure à l'inflation. Elle nous donne, de fait, les moyens de nos ambitions. La première d'entre elles est l'égalité des chances. Nous souhaitons ainsi donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Elle répond également au défi de la transmission, notamment celle des savoirs fondamentaux. Nous voulons également répondre au défi environnemental sur lequel j'ai déjà beaucoup insisté au moment de la rentrée scolaire. Nous avons désormais des éco-délégués présents dans les classes. L'éducation nationale joue, à cet égard, tout son rôle. Nous souhaitons enfin répondre au défi de la confiance, celui de la confiance en l'avenir. J'évoque souvent la notion d'école de la confiance. En effet, derrière les enjeux budgétaires existent des enjeux de nature qualitative qui visent à donner confiance à chacun des acteurs impliqués dans l'école (élèves, enseignants, familles). Nous envisageons ainsi l'école comme un vecteur de confiance pour l'ensemble de la société.

Ce budget dévolu à l'éducation est le premier de la Nation. À ce titre, il nous oblige collectivement.

Il réaffirme une priorité : celle donnée à l'école primaire. Elle se traduit, au premier chef, par la maîtrise des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui). Cet objectif est la clé de toute égalité sociale. Nous nous sommes donnés les moyens de créer de nouveaux postes dans le premier degré : 440 postes supplémentaires dans l'école primaire alors même que nous sommes dans un contexte de baisse démographique. Nous comptons, en effet, 50 000 élèves de moins à la rentrée de 2020. Je vous rappelle que la France a sous-investi dans son système primaire au cours des précédentes décennies. Nous investissons ainsi moins que la moyenne des pays de l'OCDE dans l'école primaire alors que nous investissons davantage que cette moyenne dans l'enseignement secondaire. C'est à mon avis un choix - ou un non-choix - absurde. Nous nous devons, à cet égard, de rééquilibrer cette tendance non pas au détriment du second degré, mais bel et bien au service de l'école primaire. Plus nous agirons en faveur de l'école primaire, plus l'école secondaire en bénéficiera. Si tous les élèves arrivent au collège en maîtrisant les savoirs fondamentaux, c'est l'ensemble du système scolaire qui s'en trouvera renforcé.

Nous souhaitons, à cet effet, diminuer le nombre d'élèves par classe. Nous savons que cette décision est particulièrement pertinente dans le cas de l'école primaire. Nous souhaitons, par ailleurs, consolider la situation de l'école rurale. Il s'agit, je le sais, d'un sujet auquel le Sénat est particulièrement sensible. Je le suis tout autant. J'ai maintes fois déclaré que nous étions en phase sur ce sujet. Nous souhaitons, vous comme moi, une école rurale dynamique, qui donne l'exemple et se situe à l'avant-garde de l'école primaire. Cette priorité se traduit de manière quantitative avec des moyens significatifs pour l'école rurale, mais aussi avec des mesures destinées à favoriser son degré d'attractivité - par des regroupements pédagogiques intercommunaux, par exemple. L'école rurale doit ainsi se situer à la pointe de l'enseignement et susciter le désir de s'installer en milieu rural.

Ce budget poursuit, en outre, des mesures de justice sociale qui sont parmi les plus importantes de ce gouvernement, notamment via la réduction du nombre d'élèves dans les classes où se jouent les bases de l'apprentissage. Nous consolidons, à cet effet, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et en REP +. 300 000 élèves sont concernés aujourd'hui par cette mesure. Il s'agit de 20 % d'une classe d'âge qui bénéficiera de conditions privilégiées d'apprentissage. Nous étendons ce dédoublement des classes en grande section de maternelle, conformément aux engagements pris par le Président de la République en avril 2019, à l'issue du grand débat. Ces mesures concerneront, à terme, 150 000 élèves. Nous allons, en parallèle, limiter sur l'ensemble du territoire à 24 le nombre d'élèves par classe pour les classes de grande section, de CP et de CE1. Cette mesure s'appliquera dès la rentrée de 2020.

Nous accueillerons 26 000 élèves supplémentaires, du fait de l'abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans, en application des dispositions de la loi pour une école de la confiance. J'ai souvent plaisir à répéter que vous, mesdames et messieurs les Sénateurs, avez voté à l'unanimité l'article 2 de cette loi. Lors de mes visites à l'étranger, je rappelle ainsi à mes interlocuteurs qu'il s'agit d'un sujet de consensus national.

Ce budget vise, de façon générale, à accompagner l'ensemble des élèves vers la réussite. Nous souhaitons, en effet, que la force du premier degré puisse se répercuter dans le second degré. Le volume d'enseignement dans le second degré public sera maintenu en 2020 grâce à une augmentation du volume des heures supplémentaires. La baisse du nombre de postes dans le second degré - en nombre équivalent à la hausse du nombre de postes dans le premier degré - sera compensée par le recours à ces heures supplémentaires. Il s'agit, pour les enseignants volontaires, d'une mesure de pouvoir d'achat.

Au collège, le budget consacré au dispositif « devoirs faits » monte en puissance progressivement depuis 2017. Nous le consolidons encore. Il fait l'objet d'une enveloppe globale de 247 millions d'euros dans le budget pour 2020. 80 millions d'euros seront pris en charge par l'agence du service civique afin d'indemniser les volontaires du service civique intervenant dans ce cadre. Nous avons également étendu ce dispositif à l'école primaire pour les élèves d'outre-mer. Ce budget renforce donc le soutien aux élèves les plus fragiles socialement. Nous avons aussi augmenté, à hauteur de 5 %, les crédits alloués aux bourses de collèges et de lycées. Cela se traduit par une hausse de 777 millions d'euros en 2020 (231 millions d'euros pour le collège, 411 millions d'euros pour le lycée et enfin 136 millions d'euros alloués à l'aide complémentaire spécifique). Par ailleurs, afin de favoriser la scolarité en internat, le montant de la prime d'internat évoluera en 2020 en fonction de l'échelon de bourse. Le cumul de cette prime et du sixième échelon de bourse sera proche du coût de l'internat. Cette revalorisation représente 7,6 % du financement de la prime d'internat.

Ce budget s'attaque également aux fragilités liées aux situations de handicap. Cette rentrée s'avère, à cet égard, particulièrement décisive. Des moyens supplémentaires ont été dédiés pour favoriser une école véritablement inclusive. Nous avions déjà pris des mesures fortes à la rentrée 2019. Nous allons intensifier nos efforts à la rentrée 2020. Le nombre d'élèves bénéficiant de ces mesures a augmenté de près de 50 % depuis la rentrée 2012-2013. Le ministère consacrera, dès 2020, plus de 3 milliards d'euros par an à l'accompagnement de ces élèves en situation de handicap. Il s'agit d'une hausse de 44 % depuis 2017. Du chemin reste certes à parcourir, mais ce rythme de progression est continu. De tous les budgets qui se trouvent sous la responsabilité de mon ministère, c'est celui qui fait l'objet de la plus forte hausse budgétaire - et ceci de très loin. Cette priorité se traduit notamment par le déploiement de plus de 3 000 pôles inclusifs d'accompagnement spécialisé (PIAL). Ils permettent la coordination des moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et des établissements. La loi pour une école de la confiance crée également un service de gestion dédié aux accompagnants, visant à renforcer leurs compétences professionnelles. Ce budget 2020 réaffirme enfin la détermination sans faille de mon ministère sur la question fondamentale du handicap. Nous souhaitons, dans cette optique, que les personnels soient formés et « déprécarisés », notamment par l'achèvement de la transformation d'ici à juin 2020 des 29 000 contrats aidés en activité (les contrats des auxiliaires de vie scolaire - AVS) en agents recrutés sous contrats AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap). Ce sont actuellement 16 571 agents qui ont été recrutés sous contrat AVS. En outre, nous allons généraliser le recrutement des AESH sur la base d'un contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois - avant signature d'un CDI pour ceux qui le souhaitent. Le recrutement de 4 000 AESH supplémentaires à la rentrée 2020 est prévu. Enfin, le programme de création des classes ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) se poursuivra en 2020.

La rentrée 2020 sera celle de l'aboutissement de la refonte du baccalauréat ainsi que des programmes du lycée. Je vous rappelle que les bacheliers généraux et technologiques de la rentrée 2020-2021 devront passer ce nouveau baccalauréat. Il s'agit de mieux accompagner nos élèves dans la conception de leur projet d'orientation. Cette réforme leur laisse, à cet effet, plus de choix, de liberté et de responsabilité.

Notre budget vise enfin à renforcer l'attractivité du métier de professeur ainsi que des personnels concourant aux missions d'éducation. Je souhaite particulièrement insister sur l'enjeu de ressources humaines des rentrées 2019 et 2020. Dans la société du XXI e siècle naissent de nouvelles opportunités ainsi que des missions inédites qui touchent l'ensemble de nos personnels. Nous devons, dès lors, réinventer la notion de « professeur du XXI e siècle ». Cette réinvention passe par une gestion efficace des carrières ainsi que par la reconnaissance de l'investissement et du niveau de formation de nos personnels. Comme je l'ai précisé en introduction, le schéma d'emploi de mon ministère a été sanctuarisé. La stabilisation des emplois administratifs doit également être soulignée. Elle vise à accompagner au plus près la mise en oeuvre d'une politique plus qualitative de gestion des ressources humaines, et ce dans un souci de plus grande proximité. Je tiens à préciser, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que l'enjeu de ce budget n'est pas de créer ou de supprimer des postes, mais de faire évoluer qualitativement notre système. Notre ministère a besoin de moderniser son administration.

La hausse d'un milliard d'euros de ce budget est surtout consacrée aux crédits de masse salariale. Ils font l'objet d'une augmentation nette de 823 millions d'euros. 80 % de cette hausse bénéficient directement aux personnels du ministère de l'éducation nationale ainsi qu'à la revalorisation de leurs carrières. 2020 verra une amélioration du pouvoir d'achat de ces personnels. Il s'agit, également comme vous le savez, d'un sujet de dialogue social. Cette hausse de 823 millions d'euros provient pour moitié du déroulé normal de progression des carrières et de l'ancienneté (le glissement vieillesse technicité - GVT). Il se situe à hauteur de 300 millions d'euros. Cela se traduit, concrètement, par des hausses de rémunérations pour les personnels concernés - pour un coût budgétaire de 11 millions d'euros en année pleine. Il existe, en outre, des dispositifs spécifiques, à l'instar de l'augmentation du volume d'heures supplémentaires. Les autres 400 millions d'euros de cette hausse budgétaire se déclineront entre des mesures catégorielles pérennes (300 millions d'euros au titre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunération - PPCR) et la poursuite du soutien aux jeunes professeurs avec une revalorisation des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Nous aurons également dynamisé les parcours de carrières pour 900 000 agents entre 2017 et 2022. 60 000 euros seront alloués à la troisième revalorisation des enseignants de REP +. Entre 2018 et 2020, 137 millions d'euros au total auront été alloués à la reconnaissance de l'engagement de ces professeurs oeuvrant en REP +. Cette troisième et dernière revalorisation, actée en 2020, se traduit par une augmentation de 1 000 euros pour ces personnels. Travailler en REP + devient, à cet égard, très intéressant financièrement. Enfin, une enveloppe indemnitaire de 30 millions d'euros accompagnera les mesures de ressources humaines de l'agenda social, par exemple en améliorant le taux d'accès à la hors classe pour les professeurs des écoles.

Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs les grandes lignes de ce budget. Il concrétise notre engagement pour une école de la confiance pour laquelle nous souhaitons une hausse du niveau de chaque élève et de la justice sociale par le biais de l'éducation. Je vous remercie de votre écoute.

Mme Catherine Dumas, présidente . - Merci, monsieur le ministre. Monsieur Attal, vous avez la parole.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Madame la Présidente, Messieurs les Rapporteurs, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vais vous présenter rapidement les crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » qui traduit l'ambition que nous portons, avec Jean-Michel Blanquer, pour la jeunesse. Nous souhaitons, à cet effet, rendre à la jeunesse la maîtrise de son destin. C'est à travers elle que nous oeuvrons à la construction de notre destin national. Notre responsabilité consiste à la fois à répondre aux besoins actuels des jeunes, à leur ouvrir le champ des possibles et à les aider à inventer leur avenir avec confiance et optimisme. Nous suivons, dans ce but, une ligne directrice, celle de la société de la confiance, de l'engagement et de l'entraide que le Président de la République a appelée de ses voeux dans sa conférence de presse tenue à l'issue du grand débat national. La politique du gouvernement à l'égard de la jeunesse est pleinement animée par cet esprit d'engagement. C'est le sens du dispositif désormais ancré et que nous continuons naturellement à soutenir, à savoir le service civique. C'est également le sens du service national universel (SNU).

Les associations jouent dans notre société un rôle essentiel. Je souhaite insister sur le fait qu'un tel engagement en faveur de la jeunesse et de la vie associative n'existe qu'en vertu d'une collaboration interministérielle. Les crédits du programme 163 que je vais vous présenter ne résument évidemment pas l'ensemble des crédits engagés en vue d'atteindre ces objectifs. Les politiques en faveur de la jeunesse représentent un investissement de 95 milliards d'euros dans le budget global de l'État. L'effort de l'État en faveur des associations s'élève - hors dépenses fiscales - pour sa part, à plus de 7 milliards d'euros. Ces politiques revêtent, en outre, une dimension partenariale. Elles s'élaborent en lien avec l'ensemble des échelons des collectivités locales, mais également en étroite collaboration avec les associations et les fondations. Ce programme pour la jeunesse et la vie associative ne représente donc qu'une fraction de l'effort de la Nation dans ce domaine. Il permet toutefois à l'État de jouer un rôle primordial d'impulsion, d'innovation, de professionnalisation, de coordination interministérielle, d'expertise et de régulation.

Le programme 163 porte quatre séries de mesures qui méritent d'être mises en avant dans le cadre de cet exposé liminaire. La première porte sur l'accès à la formation. Il s'agit, en effet, d'une condition sine qua non de l'autonomie de la jeunesse. Nous devons penser aux milliers de jeunes en butte à des situations de précarité. Si des solutions leur sont destinées, ils n'en bénéficient pas toujours, faute d'en avoir connaissance. La nouvelle « boussole des jeunes » représente une réponse, parmi d'autres, à cette carence. Nous allons, de fait, accélérer son déploiement.

La seconde série de mesures porte sur la mobilité internationale. Il s'agit d'un levier significatif de l'intégration sociale et professionnelle ainsi que de l'émancipation de ces jeunes. Nous devons également faire un effort de communication afin de renforcer la lisibilité ainsi que l'accessibilité des offres existantes en la matière, et de plus en plus soutenues à l'échelle européenne notamment. Je pense naturellement à Erasmus +, mais aussi à l'office franco-québécois pour la jeunesse (OFQG) et à l'office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ).

Le troisième axe de notre action concerne l'accueil de loisirs collectifs de mineurs et l'accueil de loisirs. Il permet, en effet, une ouverture culturelle et sportive et favorise l'inclusion sociale. 108 millions d'euros sont investis annuellement pour soutenir les collectivités dans la mise en oeuvre du « plan mercredis ». Nous accompagnons, par ailleurs, les mutations rencontrées par le secteur des colonies de vacances. Le ministère consacre une attention particulière à enrayer le déclin de ce mode de vacances et à accompagner l'évolution de ces accueils. La campagne annuelle de valorisation des colonies de vacances est un bon exemple de notre effort pour promouvoir cette modalité de départ en vacances qui représente, pour nombre de jeunes, une première expérience de mobilité, de découverte d'un nouveau territoire et de rencontres avec des jeunes en dehors du cercle familial ou scolaire.

Je souhaiterais enfin, dans cette optique d'émancipation de la jeunesse, évoquer les enjeux du service civique et du service national universel (SNU). Le service civique suscite un véritable engouement chez les jeunes. Il est un formidable vecteur d'engagement volontaire et d'intégration. Nous atteindrons en 2020 150 000 jeunes en service civique. Cet effectif revêt une dimension symbolique et répond aux attentes d'un grand nombre d'acteurs, notamment d'associations qui ont porté le développement de ce système. Son budget est en augmentation de 13 millions d'euros. Il s'élève, au total, à 508 millions d'euros. Cette nouvelle augmentation traduit notre conviction que ce dispositif est essentiel. Le service civique est, en effet, une véritable école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, de la découverte et de l'estime de soi. C'est une école de la vie. Nous sommes conscients que cette augmentation ne peut s'effectuer à tout-va. L'objectif que nous nous étions fixés de 150 000 jeunes en service civique sera atteint. Nous souhaitons toutefois que cette croissance ne se traduise pas uniquement par une course quantitative effrénée. Elle doit, au contraire, être calibrée pour permettre aux agents de faire progresser les capacités d'évaluation et de contrôle de l'agence. C'est la condition pour que les valeurs fondamentales du service civique que sont l'accessibilité, la mixité sociale et la non-substitution à l'emploi restent à la hauteur des principes fondateurs de ce programme. La réaffirmation de ces conditions est d'autant plus essentielle avec la généralisation à venir du service national universel. En effet, de plus en plus de jeunes s'engageront. C'est l'un des grands objectifs du SNU. La réussite de ce projet se mesurera d'ailleurs à l'aune de l'augmentation du nombre de jeunes qui, après un SNU, s'engageront en tant que bénévoles, réservistes de la garde nationale ou en tant que volontaires en service civique.

Le SNU est un projet de société qui concernera, à terme, tous les jeunes âgés de 16 ans. Il a pour finalité d'affirmer les valeurs de la République afin de renforcer la cohésion sociale et nationale, de susciter une culture de l'engagement et de permettre à toute une génération de prendre conscience des grands enjeux sociaux et sociétaux de notre pays. Après une préfiguration en 2019, l'année 2020 verra la poursuite du déploiement du SNU, toujours sur la base du volontariat, dans chaque département métropolitain et ultra-marin. Dans ce but, 30 millions d'euros ont été inscrits dans le cadre du programme 163. Cette somme permettra d'accueillir plusieurs milliers de jeunes volontaires pour un séjour de cohésion et leur donnera l'opportunité d'effectuer une mission d'intérêt général. Le SNU constitue, de fait, un moment charnière dans la vie de ces jeunes. Il est un temps de mobilité, un temps de rencontres. Les premiers retours de la préfiguration de 2019 attestent d'ailleurs de l'engouement des jeunes qui y ont déjà pris part. Cette expérience permet, en outre, de faire tomber représentations et barrières et de libérer la parole des jeunes. L'évaluation effectuée par l'Injep (institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire) par des statisticiens et sociologues indépendants sur la première cohorte de jeunes confirme que les objectifs fixés au SNU ont été pleinement atteints. Ces jeunes ont vécu le SNU comme une expérience de cohésion sociale et territoriale, comme un moment de découverte de la notion d'engagement et comme l'opportunité de s'approprier le sens des valeurs et symboles de la République. Bien évidemment, des améliorations sont nécessaires. Nous y reviendrons sans doute dans vos questions.

Le second volet du programme 163 s'adresse aux associations qui, je le rappelle, représentent un vecteur essentiel de l'épanouissement de notre jeunesse, avec 21 millions d'adhérents, 13 millions de bénévoles mais aussi 1,8 million de salariés. Ce secteur représente à la fois un ferment de cohésion sociale, mais également un acteur économique majeur pour notre pays. Les associations se situent, en effet, au coeur de la société de la confiance, d'engagement et d'entraide souhaitée par le Président de la République. Nous avons voulu insuffler un nouvel élan à la politique de soutien à la vie associative avec un rapport renouvelé aux associations. Pour cela, nous nous attaquons aux racines des difficultés rencontrées au quotidien par certaines d'entre elles. Nous souhaitons créer les conditions d'un appui structurel renforcé de ces associations, notamment en matière d'emplois et de financement.

Nous portons, à cet effet, cinq priorités d'actions :

- organiser l'emploi au sein des associations afin qu'elles ne soient plus sujettes aux fluctuations propres à leur modèle économique. C'est la raison pour laquelle nous déployons depuis juin 2019 les groupements d'employeurs associatifs par l'octroi de postes « Fonjep » (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation prioritaire) et que nous augmentons le budget du FONJEP de 3,5 millions d'euros en 2020 ;

- reconnaître et favoriser le bénévolat en mettant en oeuvre le compte d'engagement citoyen (CEC). Un budget de 11,5 millions d'euros est dédié à cette mesure. Nous pérennisons en outre le FDVA 1 (fonds pour le développement de la vie associative) dédié à la formation des bénévoles. Les actions traduisent notre volonté de valorisation du milieu associatif comme lieu d'engagement social et professionnel ;

- favoriser la vie des associations, notamment les plus petites. Cela passe par la généralisation progressive de l'outil « compte associations » à tous les périmètres ministériels afin de favoriser leurs démarches de demandes d'agréments et de subventions ;

- accompagner les associations au sein des territoires afin de participer à la structuration de leurs modèles de gouvernance, économiques et de favoriser leur développement. Cet accompagnement fera l'objet d'un travail de mesure en 2020 ;

- permettre enfin aux associations de lever des fonds nouveaux en développant une culture de la philanthropie, mais aussi en améliorant les dispositifs déjà existants. Outre les mesures sectorielles, je souhaite rappeler les 25 millions d'euros en faveur du FDVA. Nous travaillons également à de nouvelles mesures pour faciliter des financements inédits, à l'instar de l'ouverture du FDVA à des fonds privés dès l'année 2020. Par ce biais, nous espérons développer le mécénat collectif dans les territoires, mais également récupérer les fonds inactifs des associations afin de les reverser au fonds de développement de la vie associative. Nous avions récemment évoqué ce sujet dans l'hémicycle à l'occasion de l'examen de la proposition de loi en faveur de l'engagement associatif.

Tels sont, de manière préliminaire à nos échanges, les éléments structurants relatifs à ce programme. Il ne s'agit pas naturellement du budget le plus substantiel de l'État en volume, mais il bénéficie d'une forte puissance de synergie interministérielle. Il se traduit, de surcroît, par une collaboration significative avec le secteur associatif et les collectivités territoriales. Il contribue surtout à donner corps au souhait exprimé par le Président de la République de favoriser une véritable politique de l'engagement et de l'émancipation. Je vous remercie pour votre attention.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire . - Monsieur le ministre Blanquer, j'ai bien entendu qu'il s'agissait d'un budget de confirmation. En outre, j'apprécie la priorité donnée à l'école primaire. Chacun ici a compris que cette politique est essentielle afin que l'élève ne cumule par les difficultés à son entrée au collège. Enfin, en ce qui concerne la création et la suppression de postes, il me semble important de l'adapter à la réalité du terrain et de sortir d'une vision uniquement comptable qui a pollué les débats sur l'éducation nationale depuis de trop longues années.

Ma première question concerne les annonces du Président de la République concernant à la fois le plafonnement du nombre d'élèves par classe à 24 en grande section, CP et CE1 d'ici 2022, et l'extension du dédoublement des classes aux grandes sections pour les classes de REP et REP +. Combien de classes supplémentaires cela représente-t-il ? Quel schéma d'emploi prévoit le ministère pour faire face à cette augmentation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Comme vous le savez, le mouvement de dédoublement des classes a été initié à la rentrée 2017. Cela représentait le dédoublement de 700 classes de CE1 en REP + et de 3 200 classes en REP en 2019. Ces chiffres donnent un point de repère pour le dédoublement à venir pour les classes de grande section de maternelle. À cette occasion, 2 300 postes d'enseignants supplémentaires ont été créés par mon ministère à la rentrée 2019. Il s'agissait, à mon sens, d'une mesure de justice sociale. Il est, en outre, prévu que le doublement des classes en grande section de maternelle en éducation prioritaire soit peu ou prou équivalent au déploiement opéré en CP. Nous devrons toutefois nous adapter au réel et ce processus pourra connaître, au fur et à mesure de son déploiement, un certain nombre d'ajustements, avant de parvenir, à terme, à l'objectif que nous nous sommes fixés. J'ajoute que de manière anticipée, nous avons procédé au dédoublement de 70 classes de grande section de maternelle en REP +, notamment dans l'académie de Créteil.

Il est par ailleurs prévu que le nombre d'élèves soit plafonné à 24 dans l'ensemble des classes de grande section, de CP et de CE1, y compris hors éducation prioritaire. Nous allons commencer avec les classes de grande section de maternelle. Au total, 26 000 classes seront concernées par cette mesure (21 000 dans le public et 5 000 dans le privé). Cette mesure de grande ampleur devrait, au final, bénéficier à quelque 740 000 élèves. Elle nécessitera la création de 3 200 ETP sur trois ans. 1 187 ETP seront mobilisés dès la rentrée scolaire 2020 pour couvrir les classes de grande section du public, auxquels s'ajouteront 736 ETP en 2021 et 2022 - soit un total de 1 741 postes pour le CP et CE1. Cette réforme sera appliquée avec le plus grand soin, mais également avec souplesse. Son coût a été évalué à 12 millions d'euros pour l'année 2020, à 35 millions d'euros pour 2021 et à 30 millions d'euros pour 2022. Au total, cette mesure coûtera 78 millions d'euros sur trois ans puis se maintiendra à ce niveau pour les années suivantes.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire . - Je souhaite à présent vous interroger sur le décret du 6 septembre 2019 qui prévoit une incitation financière pour les enseignants qui se formeraient pendant les vacances. Le montant de cette indemnité est de 120 euros par jour dans la limite de 5 jours par an. Combien coûterait cette mesure ? Selon le ministère, combien d'enseignants auront recours à cette possibilité ? Peut-être disposez-vous déjà de chiffres sur le recours à cette possibilité lors des vacances de la Toussaint ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je tiens, de manière liminaire, à rappeler l'importance fondamentale de cette mesure, qui n'a pas été facile à prendre. Elle s'inscrit pleinement dans notre volonté d'améliorer la formation continue destinée aux personnels enseignants. D'ailleurs, nous venons de publier, à l'occasion de la rentrée 2019 un schéma de formation continue, fruit du dialogue social. Il garantit à tous les professeurs une formation continue dans un délai de trois ans. Aucun professeur ne pourra s'en soustraire. Cette mesure répond à une double ambition, à savoir contribuer à l'épanouissement des enseignants qui en bénéficieront mais également répondre aux besoins, en matière de formation, des personnels de l'éducation nationale. Il s'agit pour nous d'une priorité de nature pédagogique. Par exemple, à la suite du rapport Villani-Torossian, nous avons mis en place un plan volontariste pour l'enseignement des mathématiques dans le cadre de la formation continue. Cette mesure concernera avant tout le premier degré. Elle rejoint, de ce fait, nos priorités dégagées pour ce niveau spécifique et l'acquisition des savoirs fondamentaux. Cette offre de formation continue sera renforcée de manière à la fois quantitative et qualitative. Ce système gagnant-gagnant vise notamment une diminution de l'absentéisme pour cause de formation - l'un des principaux problèmes de notre institution - et la hausse du niveau d'exigence pour la formation. En outre, cette formation hors du temps scolaire permettra une hausse du pouvoir d'achat des enseignants. 30 millions d'euros seront alloués en 2020 au financement du déploiement de ce dispositif. Il est pour l'heure prématuré de dresser un premier bilan des formations réalisées lors des vacances de la Toussaint. Mais, je ne manquerai pas de vous transmettre cette information dès que nous en disposerons.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire . - Enfin, ma dernière question porte sur les compensations financières aux collectivités territoriales, pour ces dédoublements ou ce plafonnement. Cela peut entraîner la nécessité de construire de nouveaux locaux dans des zones parfois tendues. Pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités concrètes de demandes et de versements de ces compensations financières, ainsi que sur les délais ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je tiens, pour commencer, à saluer la bonne volonté des collectivités territoriales concernant cette mesure de dédoublement des classes. Cette mesure a ainsi fait l'objet d'un véritable consensus dans les communes de France. Je tiens à les en remercier. Cet état d'esprit très positif tranche avec les débats quelque peu tendus et le scepticisme qui a prévalu au lancement de cette mesure en juin 2017. Les communes ont suivi, car elles étaient convaincues de l'intérêt d'une telle mesure pour les enfants. Elles l'ont fait avec l'aide de l'État - et parfois cette aide n'a pas couvert la totalité des investissements réalisés, mais qui étaient de toute façon nécessaires. Cette mesure, et la planification du dédoublement des classes lancent, il me semble, une réflexion intéressante sur le bâti scolaire. Les maires avec lesquels j'ai pu m'entretenir à ce propos ont également fait état de leur satisfaction d'avoir investi dans ce domaine. Des bénéfices ont également été constatés pour les administrés. Un certain nombre d'investissements réalisés à cette occasion ont également permis une rénovation de certains bâtiments scolaires. Dès la rentrée 2018, les investissements en matière de rénovation du bâti scolaire ont été ajoutés à la liste des opérations prioritaires éligibles aux dotations à disposition des préfets : la dotation pour la politique de la ville, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation pour l'équipement des territoires ruraux (DETR). En 2018, la DSIL a permis de soutenir 1 126 projets portant sur les infrastructures scolaires pour plus de 150 millions d'euros, dont 83 millions d'euros pour des opérations de création, de transformation ou de rénovation du bâti scolaire. Si ces dépenses participent aux dépenses publiques d'éducation, elles ne sont pas incluses dans le budget de l'éducation nationale. J'ajoute que l'extension progressive de cette mesure aux classes de grande section de maternelle de REP fera, par la suite, l'objet d'un accompagnement de notre part. Enfin, en ce qui concerne le plafonnement à 24 élèves, cette mesure sera appliquée avec souplesse. Elle ne devrait pas conduire à des bouleversements importants sur les investissements des collectivités territoriales, dans un contexte de baisse démographique des élèves.

Mme Catherine Dumas, présidente . - Je passe à présent la parole à M. Jacques-Bernard Magner qui souhaite notamment vous interroger sur les crédits dévolus à la jeunesse.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les chiffres concernant la prochaine cohorte de jeunes qui feront le SNU ? J'ai entendu de votre part les chiffres de 20 000 et de 30 000 jeunes. Cette différence n'est pas mince. En effet, si j'ai bien compris, pour chiffrer les 30 millions d'euros dévolus à cette action, vous vous êtes basé sur les 1 500 euros que coûtent actuellement les jeunes volontaires en SNU. Si on multiplie ce chiffre par 20 000, on arrive à 30 millions. Mais, si ce chiffre est multiplié par 30 000, cela fait 45 millions d'euros. Avez-vous trouvé d'autres sources de financement ? Ou bien y a-t-il une baisse du coût par jeune ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Une ligne budgétaire dédiée de 30 millions d'euros est prévue dans ce budget. Cela répond d'ailleurs à de nombreuses interpellations faites l'année dernière d'un budget dédié au SNU. J'avais pris l'engagement de le faire, ce qui se traduit dans le projet de loi de finances pour 2020 par cette action du programme 163.

Nous sommes en train d'évaluer nos capacités d'accueil pour les volontaires du SNU. Nous avons demandé aux préfets dans tous les départements de cartographier celles disponibles en juin prochain. Au regard des places disponibles, nous pourrons déterminer le nombre de volontaires que nous pourrons accueillir à cette période de l'année. Il faut une place pour chaque jeune retenu, afin de ne pas créer de déception. Le budget prévoit ainsi 30 millions d'euros en indiquant dans la lettre plafond 20 000 jeunes. Cela pourra être dans les faits un peu plus ou un peu moins en fonction des résultats de la cartographie en cours. Ce sera certainement entre 20 000 et 30 000 jeunes.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Je vous remercie pour ces informations. Il y aura donc entre 20 000 et 30 000 jeunes en 2020. L'objectif à moyen terme est d'atteindre les 750 000 jeunes, soit une classe d'âge. Comment comptez-vous procéder, en matière d'encadrement, d'animation ou d'hébergement pour faire face à la prise en charge d'une classe d'âge ? La période de quinze jours sera fortement consommatrice de locaux et d'animation.

En outre, vous avez indiqué souhaiter un prolongement du SNU dans le service civique. À terme, le service civique sera-t-il capable de répondre à autant de demandes ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Nous devons effectivement dans le cadre du SNU anticiper l'accueil à terme de 800 000 jeunes. Le rapport du général Ménaouine remis il y a un peu plus d'un an maintenant dressait un certain nombre de perspectives. Il existe sur nos territoires des capacités d'hébergement pour un nombre important de jeunes : les internats des lycées et parfois des collèges, les structures de tourisme social - j'ai d'ailleurs rencontré un certain nombre d'entre elles. Je pense notamment à des périodes de vacances durant lesquelles telle ou telle structure ferait l'objet d'une fréquentation moindre. L'armée dispose encore d'un certain nombre de bâtiments pouvant accueillir ces jeunes. D'ailleurs, il me semble que dans votre département, Monsieur le rapporteur, la première cohorte de jeunes volontaires a été accueillie dans des bâtiments militaires.

Le vrai enjeu est moins l'hébergement que celui de l'encadrement. Il est nécessaire de prendre de l'avance pour recruter et former en nombre suffisant les encadrants pour maintenir le haut niveau d'exigence en matière de sécurité que nous avons fixé.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Je souhaite à présent vous interroger sur le service civique, l'autre action importante du programme 163. Vous l'avez rappelé, 500 millions d'euros sont budgétés en 2020. Je m'inquiète du niveau de ce montant. Comme j'avais pu l'exprimer les années précédentes, au moment où la création du SNU était envisagée, il est essentiel de continuer à accorder une attention toute particulière au service civique. Vos propos se veulent rassurant en nous indiquant qu'il va perdurer sous d'autres formes.

Or, je crains que pour des raisons budgétaires, certaines missions ne soient réduites de huit mois à sept mois. C'est une façon de faire des économies sans réduire sur le nombre de services proposés. Mais, pour en avoir longtemps parlé avec Unis-Cité, il serait dommage de trop diminuer la durée de ces missions. Je souhaite que ce dispositif, qui a prouvé depuis dix ans ses qualités ne soit pas sacrifié pour des raisons budgétaires. On aurait voulu voir 300 000 jeunes en service civique. Cela ne semble plus être d'actualité. Toutefois, si le SNU coûtait à terme 1,5 milliard d'euros, il serait souhaitable que l'État consacre un budget équivalent - de 1,5 milliard d'euros - au service civique.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - J'ai évidemment entendu de nombreuses craintes, notamment portés par les acteurs du service civique, d'une mise en place du service national universel sur les moyens dédiés au service civique. Nous voyons dans ce budget que ce n'est pas le cas. Sinon, nous aurions retiré 30 millions au service civique pour les dédier au service national universel. Au contraire, le budget du service civique augmente.

En ce qui concerne la durée des missions, il faut une approche très fine et pragmatique. Il peut y avoir des missions qui, en raison de leur nature, peuvent être plus courtes que les autres. Au contraire, pour certains publics, la durée de mission doit être un peu plus longue. Vous citiez Unis-Cité qui est un acteur fondamental du service civique. Il a présidé à sa création. Il s'est donné pour mission d'aller chercher les jeunes les plus éloignés de l'engagement et de l'insertion. Nous savons que ces jeunes ont besoin de missions plus longues que les autres. Il faut donc une approche fine et au cas par cas. Il n'est pas question de demander de manière brutale à tous les acteurs de réduire la durée des missions.

Enfin, en ce qui concerne l'augmentation du nombre de jeunes en service civique, il est important de permettre aux plus de jeunes possibles de bénéficier de cette expérience. Mais pour que cela reste une vraie expérience et que cela leur donne envie de poursuivre leur engagement sous d'autres formes, il faut que le rôle qui leur est confié soit une vraie mission d'intérêt général. Cela nécessite d'avoir un contrôle sur la qualité des missions et sur la non-substitution à l'emploi. Ces exigences président à toute augmentation à venir.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis du programme 143 « enseignement agricole » . - Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à vouloir briser les murs entre l'enseignement agricole et l'enseignement dit général. Le débat initié il y a quelques semaines par le groupe CRCE a été une façon de montrer que nous sommes tous conscients de la nécessité de revaloriser l'enseignement agricole.

Longtemps en recul, les effectifs de l'enseignement agricole sont aujourd'hui repartis à la hausse, comme nous l'a indiqué Didier Guillaume il y a quelques jours. Lors du dernier salon de l'agriculture, vous avez lancé avec le ministre de l'agriculture la campagne « L'aventure du vivant » chargé de promouvoir l'enseignement et les métiers agricoles. Je suis convaincu que l'enseignement agricole a beaucoup à gagner dans la synergie entre l'éducation nationale et le ministère de l'agriculture. Cette campagne marque-t-elle la volonté d'une coopération accrue en matière d'orientation des élèves. Y-a-t-il d'autres initiatives en gestation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je tiens, pour commencer, à préciser que je partage l'ensemble des constats de votre intervention. Je suis ainsi personnellement convaincu du bien-fondé de la synergie entre ces deux ministères. En aucun cas l'éducation nationale doit vivre l'existence des lycées agricoles comme une concurrence - et vice-versa. Nous travaillons la main dans la main afin d'offrir une diversité de choix aux élèves.

C'est le sens de la convention que nous avons signée le 20 février 2018 avec le ministère de l'agriculture afin de renforcer notre collaboration. Nous souhaitons améliorer la connaissance de l'offre de formation existant dans l'enseignement agricole. À l'occasion du salon international de l'agriculture de 2019, nous avons lancé la campagne « l'enseignement agricole, l'aventure du vivant », afin de montrer notre ambition commune. Cela s'est traduit par des opérations concrètes d'information. J'ai adressé avec mon collègue Didier Guillaume un courrier le 10 avril 2019 à tous les principaux de collège, tous les proviseurs de lycée, afin de leur faire part de cette approche. Une circulaire conjointe de la direction générale de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la direction générale de l'éducation et de la recherche du ministère de l'agriculture en date du 12 avril 2019 a été adressée aux recteurs d'académie et aux directeurs académiques de l'éducation nationale, mais aussi au directeurs régionaux de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt. Nous avons fortement renforcé les mesures d'orientation des élèves vers l'enseignement agricole. Nous avons également mis en place un téléservice destiné aux familles pour la formulation des voeux au lycée à l'issue du collège. Nous pouvons faire le parallèle avec le travail réalisé en matière d'apprentissage et de voie professionnelle. Il n'y a plus de hiérarchie entre toutes ses possibilités. Ce qui compte est la satisfaction - le plus possible - du premier voeu de l'élève et l'accompagnement de l'élève et des familles en orientation.

À la rentrée dernière, 137 629 élèves étaient inscrits dans un établissement agricole du second degré. En cette rentrée 2019, ils sont 138 363 élèves. Pour la première fois depuis de très nombreuses années, les effectifs ne sont pas en baisse, mais en hausse, notamment grâce au travail d'information réalisé dans les collèges. Cela représente une augmentation de 0,5 %, ce qui est significatif. Nous souhaitons faire toujours plus en 2020. C'est une bonne utilisation des deniers publics : en effet, alors que certains lycées de l'enseignement national sont complets, il y a des places vacantes dans les lycées de l'enseignement agricole. Les capacités d'accueil de notre pays sont ainsi mieux utilisées.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis du programme 143 « enseignement agricole » . - Permettez-moi de poser deux autres questions qui vont au-delà de l'enseignement agricole.

Ma question porte sur le primaire. Vous avez réaffirmé qu'il s'agit d'une priorité de ce budget. En 2019, les évaluations ont fait apparaître des résultats encourageants, signes que les efforts engagés via le dédoublement des classes et les nouvelles pratiques pédagogiques commencent à porter leurs fruits.

Néanmoins, beaucoup reste à faire pour les maternelles dans certains territoires comme en Seine-Saint-Denis, ou en Guyane. D'ailleurs, un reportage au journal de 20 heures de France 2 hier soir sur la rentrée scolaire en maternelle à Cayenne a montré que 30 % des enfants n'ont pas été scolarisés à cette rentrée. Le chantier est vaste qu'il s'agisse de l'instruction dès trois ans ou du dédoublement des classes. Je plaide - je l'ai d'ailleurs dit en séance - pour une montée en puissance par étape à Mayotte et en Guyane de ces dispositifs. Pouvez-vous nous assurer de l'attention particulière de votre ministère pour l'enseignement et l'évolution du bâti scolaire dans ces territoires où la jeunesse constitue la plus grande richesse ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Avec l'instruction obligatoire à trois ans, nous avons indiqué un chemin quantitatif et qualitatif pour l'école maternelle. Nous amenons à l'école maternelle plus de 20 000 enfants qui n'y allaient pas. Cette question a une particulière acuité pour la Guyane et Mayotte, où nous constations déjà l'absence d'une scolarisation pleine et entière de tous les élèves de plus de six ans. En nous fixant ce nouvel objectif d'une instruction obligatoire dès trois ans, nous prévoyons nécessairement son accomplissement progressif. Vous l'aviez d'ailleurs souligné, monsieur le sénateur, lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance. On peut encore constater des insuffisances en Guyane. Toutefois, des progrès ont été faits par rapport aux rentrées précédentes. C'est à l'échelle de ce quinquennat que l'on doit réussir la pleine et entière scolarisation de tous les enfants à l'école maternelle en Guyane comme à Mayotte. Cela passe par un soutien de l'État à la construction d'écoles primaires et maternelles. Nous aidons les collectivités, notamment en Seine-Saint-Denis, en Guyane et à Mayotte, afin qu'elles puissent faire face à l'enjeu de classes dédoublées et à la création de nouvelles écoles maternelles. En Seine-Saint-Denis, le Premier ministre a annoncé un plan d'action et de transformation qui se traduit par un plan d'investissement de 20 millions d'euros supplémentaires destiné à l'immobilier scolaire. Celui-ci s'ajoute aux dotations actuelles de soutien à l'investissement local et dotations à la politique de la ville.

Pour la Guyane et Mayotte, nous avons signé en 2019 des contrats quadriennaux, qui permettent un soutien aux collectivités locales pour l'investissement dans le bâti scolaire. Les constructions scolaires relèvent de la compétence des collectivités. Nous avons adopté, s'agissant de la Guyane, certains assouplissements à travers l'amendement « Karam », pour plus d'efficacité. Dans le cadre du plan d'urgence, repris dans l'accord de Guyane du 21 avril 2017, 250 millions d'euros sur cinq ans sont prévus pour les collèges et les lycées et 150 millions sur dix ans pour les écoles primaires. Ces crédits sont portés sur le programme 123 « conditions de vie outre-mer » dans la mission « outre-mer ». Ces moyens ne se voient pas nécessairement dans le budget « éducation nationale » qui vous est présenté.

Pour Mayotte, où le Président de la République s'est rendu il y a peu, les constructions scolaires seront dans une situation d'exception au droit commun. Il s'agira d'une compétence de l'État, avec des défis démographiques très importants. La mission interministérielle, qui a travaillé sur place en 2018 et a permis d'arriver à un consensus sur l'évaluation des besoins, a montré la nécessité de construire onze collèges, cinq lycées, de réhabiliter six établissements scolaires et d'en rénover dix autres. Sur la période 2019-2022, cela représente 334 millions d'euros, prévus dans le contrat de convergence, soit un montant annuel de 83,5 millions d'euros. Pour le premier degré, le contrat de convergence de Mayotte pour la période 2019-2022 prévoit des mesures spécifiques pour un montant de 120 millions d'euros, portés par le ministère de l'outre-mer. Le bâti scolaire va connaître une montée en puissance en Guyane, à Mayotte et en Seine-Saint-Denis. Nous allons ouvrir à Mayotte 800 nouvelles classes entre 2019 et 2022 dans le premier degré. Cela permettra de supprimer une bonne partie des rotations scolaires qui existent aujourd'hui - système imaginé pour faire face à la démographie scolaire à Mayotte.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis du programme 143 « enseignement agricole » . - Monsieur Attal, vous vous êtes rendu en Guyane, où vous avez côtoyé les jeunes en SNU. Vous avez annoncé 30 millions d'euros inscrits au budget 2020. L'expérience étant plus parlante que les chiffres, pouvez-vous nous dire quelques mots sur les jeunes que vous avez rencontrés ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - J'ai vécu une expérience très forte en participant au service national universel en Guyane. J'ai ainsi partagé le quotidien de ces jeunes pendant quelques jours - dans les mêmes conditions qu'eux. Pour les jeunes de l'hexagone qui ont réalisé leur service national en Guyane, le SNU a été une expérience très forte. Ils ont découvert ce territoire magnifique qui représente 97 % de la biodiversité européenne, qui a des atouts formidables et des enjeux très forts. Ils en sont revenus transformés.

Pour beaucoup des jeunes Guyanais qui ont fait leur service national en hexagone, il s'agissait de leur première découverte de la métropole. Elle s'est faite dans la pluralité et la diversité des territoires. Les jeunes ont en effet été répartis dans treize départements. J'ai vu une très belle cohésion entre tous ces jeunes venant de territoires et d'origines sociales différents. J'espère que les sénateurs parmi vous qui ont accueilli dans leur département le service national - M. Magner, M. Lozach, M. Karam ou Mme Duranton - ont pu le percevoir. L'objectif est que l'on puisse étendre cette belle cohésion à tous les jeunes.

- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -

M. Jacques Grosperrin, président . - Je passe désormais la parole à un représentant par groupe, puis aux sénateurs qui souhaiteraient s'exprimer.

M. Max Brisson . - Monsieur le ministre, vous avez posé comme priorité la revalorisation des carrières des professeurs. Nous devons reconnaître que vous avez fait des efforts importants en faveur du salaire des enseignants. Je pense aux mesures liées au GVT - cela représente une hausse brute annuelle de 530 euros -, au PPCR - 350 euros annuels supplémentaires par agent -, ainsi qu'à la revalorisation des grilles indiciaires. Ainsi, en moyenne, le gain est de 924 euros bruts annuels sur la période 2017-2021.

Nous sommes également d'accord pour dire que cette approche financière ne règle pas à elle seule la question de l'attractivité du métier d'enseignant. Quelles mesures comptez-vous mettre en place en matière, par exemple, de gestion des carrières, de mobilité ou pour faciliter l'entrée des jeunes professeurs dans le métier ?

Je souhaite également vous interroger sur les conséquences de la loi pour une école de la confiance. Dans le prolongement des questions de notre collègue Antoine Karam, quel premier bilan tirez-vous de la scolarisation obligatoire des enfants à partir de trois ans - mesure votée à l'unanimité au Sénat - au-delà des territoires mentionnées par notre collègue ?

Quel impact a la loi pour une école de la confiance sur la formation initiale des professeurs ? Vous y avez répondu, mais uniquement sous l'angle du premier degré. Or, dans le second degré également, on constatait un réel déficit de formation. Quel effort particulier est inscrit dans le schéma directeur de formation continue que vous avez évoqué pour les professeurs du second degré ? Quel calendrier est prévu pour la transformation des écoles supérieures de professorat et d'éducation (ÉSPÉ) en instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ), ainsi que pour la mise en place du référentiel unique de formation ?

Pouvez-vous préciser le calendrier de la réforme de la carte de la scolarisation en éducation prioritaire ? Vous avez indiqué que le rapport de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux - qui auront certainement des questions à vous poser - était un rapport inspirant. Quelles préconisations comptez-vous reprendre ?

Enfin, ma dernière question concerne les langues régionales. Vous connaissez mon attachement à ce sujet - ainsi qu'à la réforme du baccalauréat que vous menez. J'estime celle-ci juste et courageuse. Toutefois, on note une réelle inquiétude des conséquences de la réforme du bac dans les territoires où sont enseignées les langues régionales, et de manière plus générale sur les options. Quelles mesures allez-vous prendre pour lutter contre les risques qui pèsent aujourd'hui sur les langues régionales, en raison des effets induis de la réforme du baccalauréat ?

Mme Mireille Jouve . - Monsieur le ministre, j'ai déjà eu l'occasion de vous interroger plusieurs fois dans l'hémicycle sur les conséquences financières pour les communes de l'abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans. Puisque nous traitons du premier projet de loi de finances suivant la mise en oeuvre de cette mesure, il m'est difficile de ne pas vous solliciter à nouveau. Ainsi, pour la ville de Paris, le surcoût pour la mise en place de la parité enseignement public/enseignement privé représente 12 millions d'euros, il est évalué à 1,4 million d'euros à Brest, à plus de 2 millions d'euros à Toulouse, et à environ 3 millions d'euros à Lyon. Dans ces communes et dans toutes les autres concernées par cette réforme, la facture est d'autant plus lourde que le coût de l'encadrement d'un enfant de maternelle est nettement supérieur à celui, par exemple, d'un élève d'école élémentaire. La dépense supplémentaire pour les communes pour trois niveaux de maternelle est bien souvent presque équivalente à celle déjà engagée pour cinq niveaux de classes élémentaires. Comment l'État va-t-il prendre en compte cette dimension comptable de la réforme ?

J'aimerais, par ailleurs, vous interroger sur le conseil d'évaluation de l'école. Le décret relatif à son organisation et à son fonctionnement est paru le 18 octobre dernier. Le Cnesco (conseil national d'évaluation du système scolaire) qui évaluait les politiques éducatives depuis 2013 ne devrait pas disparaître, ces missions étant transférées à une chaire universitaire au sein du CNAM (conservatoire national des arts et métiers). Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur les moyens dévolus au nouveau conseil d'évaluation de l'école et à l'ancien Cnesco ? Ce dernier disposait de neuf postes à temps plein pour conduire ses travaux.

M. Laurent Lafon . - Je reviens rapidement sur le rapport que j'ai rédigé avec Jean-Yves Roux. Mon collègue vous interrogera certainement sur l'école rurale. Mon intervention concerne l'école prioritaire. Il apparait clairement qu'il faut sanctuariser les territoires situés en REP +, car la situation sociale le justifie pleinement. En revanche, la carte des REP pourrait être assouplie pour prendre en compte les établissements « orphelins », dont les caractéristiques des familles et enfants répondent à ceux de l'éducation prioritaire, mais qui pour des raisons que l'on connait ne sont pas inclus dans celle-ci. Je n'ai pas vu de telles mesures dans le projet de loi de finances pour 2020. De telles avancées sont-elles possibles dès la rentrée 2020 ?

Par ailleurs, quel bilan tirez-vous à ce jour de votre plan destiné à lutter contre les violences scolaires, mesure à laquelle vous êtes particulièrement attaché ? Combien d'élèves sont concernés par les dispositifs relais mis en place ?

Je partage les objectifs de la réforme du bac. Mais elle engendre un certain nombre de conséquences, notamment sur le fonctionnement des conseils d'école qui ne semblent plus adaptés à la nouvelle organisation du lycée. Quelles évolutions envisagez-vous à cet égard ? Auront-elles des conséquences en termes de masse salariale ?

Enfin, je souhaiterais aborder la question sensible de la baisse des fonds sociaux. Vous justifiez celle-ci par leur non-consommation. Quelle en est l'explication ? Il me semble que les fonds sociaux répondent à des besoins des familles. Le problème n'est-il pas celui d'une répartition de ces fonds entre établissements ? Cette étude préalable a-t-elle été faite avant la décision budgétaire ?

Mme Colette Mélot . - Je souhaiterais, pour commencer, remercier M. Blanquer pour les annonces faites et les avancées permises par ce nouveau budget, à l'instar du dédoublement des classes, le plafonnement à 24 élèves dans toute la France, l'école inclusive, ainsi que pour votre volonté de réinventer le professeur du XXI e siècle, ou encore la refonte du baccalauréat.

Ma question porte sur les heures de cours non remplacées dans de nombreuses académies, dont la mienne en Seine-et-Marne. Le nombre d'heures non remplacées dans les établissements scolaires est important et il va sans dire que cette situation pénalise les élèves. Or, en dépit des nombreux dispositifs mis en place sur le terrain, cette situation demeure très problématique et aucune amélioration ne semble être constatée. Trouver un professeur remplaçant est une procédure qui peut être longue et vaine. À cela s'ajoute des difficultés liées à l'éloignement et aux transports - notamment en Ile-de-France. Elles sont d'autant plus ardues dans le cas de professeurs dont le profil est spécifique. Ce système de remplacement génère des inégalités. Comment entendez-vous l'améliorer ?

Je remercie M. Attal pour les réponses apportées aux questions que je souhaitais lui poser.

Mme Céline Brulin . - Monsieur le ministre, vous avez souhaité, lors de votre intervention, que ce budget ne soit pas uniquement lu à l'aune du nombre de postes de professeurs créés ou supprimés. Je ne peux m'empêcher, malgré tout, de m'attarder sur les effectifs de professeurs envisagés par ce nouveau budget. Votre politique d'ailleurs m'y invite. En créant les dédoublements de classes, vous avez annoncé la création de postes et de classes supplémentaires, car la diminution du nombre d'élèves par classe a du sens pour la réussite scolaire des élèves. Nous vous rejoignons sur ce point. Comment comptez-vous, avec seulement 440 postes créés dans le primaire, poursuivre le processus de dédoublement des classes - les premiers dédoublements ont suscité des compensations et un certain nombre de territoires non situés en REP ou REP + ont vu leur effectifs augmenter -, accueillir les 26 000 nouveaux élèves liés à la scolarisation dès l'âge de trois ans ou encore limiter, à terme, le nombre d'élèves en grande section, en CP et CE1 à 24 par classe ? Il me semble, de manière générale, que l'accent mis par votre ministère sur le niveau primaire se fait au détriment à l'enseignement secondaire qui doit faire face à d'importantes réformes. L'ensemble de ces éléments se conjuguent de manière délétère.

J'aimerais, par ailleurs, que vous nous éclairiez sur les moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour remédier à la crise qui affecte aujourd'hui les directeurs d'école. Le Sénat s'était d'ailleurs engagé à s'emparer de ce sujet. L'une des solutions est, selon moi, une décharge pour ces directeurs qui ont un rôle pédagogique et moteur au sein de l'équipe qui l'entoure. Vous avez évoqué, il me semble, la piste du service civique. Cela me paraîtrait, en l'espèce, en contradiction avec les propos de M. Attal de développement pour le jeune d'un engagement et de non-substitution à un emploi.

Je regrette, par ailleurs, la communication insuffisante de votre gouvernement autour de l'utilisation des fonds sociaux. Pour le service national universel, vous avez fait appel à des youtubers pour assurer cette communication. Je vous ai interpellé M. Attal au moyen d'une question écrite sur les moyens envisagés pour cette promotion. Vous ne m'avez d'ailleurs jamais répondu sur le coût de cette opération. Pourquoi ne pas passer par ces vecteurs qui semblent tout à fait appropriés pour toucher la jeunesse pour promouvoir les fonds sociaux ?

J'aimerais, en outre, vous interpeller sur la situation dramatique rencontrée par les AESH en Seine-Maritime. Certes, il y a eu des problèmes techniques. Mais sur le terrain, ces femmes - car il s'agit souvent de femmes - n'ont ni contrat, ni salaire, et ne savent même pas si elles effectuent leurs missions dans les bons établissements. Je rappelle que certaines communes et centres communaux d'action sociale ont dû puiser dans leurs fonds pour leur assurer le minimum vital. Toutefois, en raison de confusion entre avances et acomptes, certaines de ces personnes qui touchent déjà un salaire très bas, doivent rembourser une partie des sommes perçues. Une solution doit très rapidement être trouvée.

Concernant le financement de la vie associative, je souhaite, comme beaucoup, que l'on puisse avancer sur le fléchage des comptes inactifs des associations. Il permettrait de donner un peu d'oxygène aux associations, dans un contexte ardu. Rappelons-le : le nombre d'emplois salariés au sein des associations diminue, ce qui est extrêmement inquiétant à nos yeux en termes économiques mais aussi de cohésion sociale.

Enfin, j'aimerais porter votre attention sur les inégalités d'attribution du Fonds de développement pour la vie associative (FDVA) entre les zones urbaines et rurales. Certes, des raisons objectives peuvent expliquer ces déséquilibres, mais il importe, à mon sens, de ne pas les creuser.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Permettez-moi d'intervenir cette fois-ci au nom du groupe socialiste et républicain.

Notre groupe a bien noté que ce budget est en forte hausse. Un certain nombre de nos préoccupations ont été prises en compte, mais d'autres demeurent, comme l'a rappelé notre collègue Céline Brulin.

La situation des AESH me semble extrêmement préoccupante. Il a ainsi été demandé à certains parents de ne pas scolariser leur enfant, en raison notamment du nombre insuffisant d'AESH. Ces situations sont inacceptables. Heureusement, les exemples qui m'ont été rapportés ne concernent pas l'école publique, sinon j'aurai très fortement réagi. Il y a encore quelques années, on avait des enfants dits « difficiles » ou qui auraient eu besoin d'un accompagnement, mais ne pouvaient pas en bénéficier - sans que cela ne déclenche de réactions particulières. Les choses ont évolué. On parle beaucoup de l'école inclusive aujourd'hui. Il n'est donc plus acceptable que ces enfants ne puissent pas bénéficier de l'accompagnement qui leur est nécessaire. C'est l'un des sujets importants de la rentrée 2019. Il faut en tirer les leçons pour que les mêmes difficultés ne se reproduisent pas à la rentrée 2020.

Votre déclaration concernant le service civique et le recours à ces jeunes pour soulager les directeurs d'école, monsieur le ministre, ne m'avait pas échappé. J'écouterai ainsi avec attention votre réponse.

Nous partageons la volonté d'améliorer les conditions d'enseignement via le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1. Toutefois nous regrettons, que celui-ci s'effectue au détriment du second degré. Le recours aux heures supplémentaires ne me semble pas constituer une réponse satisfaisante à ces manquements. Si certains professeurs se réjouissent de pouvoir faire des heures supplémentaires, d'autres ne souhaitent pas recourir à cette option, mais se retrouvent contraints à devoir en faire.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je note avec satisfaction le vote à l'Assemblée nationale du fléchage des comptes inactifs des associations vers le FDVA.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je souhaiterais souligner à nouveau les mesures prises par le gouvernement afin de valoriser les carrières des personnels de l'éducation nationale, notamment en matière de gestion de carrières et de mobilité professionnelle. J'ai clairement placé cette rentrée sous le signe de la modernisation de notre gestion des ressources humaines et du dialogue social. L'éducation nationale doit évoluer au service de ses personnels et in fine au service des élèves.

L'un des acquis majeurs de cette rentrée - résultat du dialogue social de ces deux dernières années - est la mise en place d'une gestion des ressources humaines de proximité pour un quart des professeurs. Cette réforme a vocation à se déployer dans les prochaines années. Nous devons nous efforcer, en effet, d'offrir à chaque personnel l'opportunité d'effectuer un entretien de carrière aussi souvent qu'il le souhaite à moins de vingt minutes de son lieu de travail. J'ai été constaté sur le terrain les premiers effets de cette réforme. Elle entraîne un changement radical pour les personnes concernées. Certes, tous les professeurs ne demandent pas ce type d'entretien, mais pour ceux qui en éprouvent le besoin, le changement est important. L'anonymat des personnels dans l'institution tant décriée prend fin.

Ainsi, lorsque je parle d'école de la confiance, je pense également à cette humanisation de la gestion des ressources humaines, souhaitée par la majorité des personnels concernés. Nous devons, dans un même état d'esprit, faire évoluer nos pratiques d'encadrement afin d'offrir à ceux qui le souhaitent l'opportunité de prendre des responsabilités dans l'éducation nationale, d'une deuxième carrière dans le service public, au moment même où nous constatons que de plus en plus de personnes font le choix d'une deuxième carrière dans l'éducation nationale après une première vie professionnelle dans un autre secteur public ou dans le secteur privé. Nous encourageons ces volontés, car elles permettent l'épanouissement des personnes concernées.

Cette rentrée est également celle des personnels en pré-recrutement, c'est-à-dire en deuxième année d'enseignement supérieur. Il s'agit d'une année d'amorce : un peu moins de 1 500 jeunes sont concernés. Ils bénéficient aujourd'hui d'un salaire de 700 euros auxquels s'ajoute leur bourse d'études. Ils effectuent, en retour, dix heures au sein des établissements et contribuent, par exemple, au programme « Devoirs faits ». J'en ai rencontré plusieurs sur le terrain et je suis frappé par l'enthousiasme qu'ils manifestent. L'un de nos grands enjeux est l'attractivité du métier de professeur. Nous le partageons d'ailleurs avec tous les grands pays du monde. Je crois que nous disposons des outils pour rebondir sur ce sujet. Cela passe également par notre réflexion collective sur le « Professeur du XXI e siècle ». En 2019 et 2020, à la lumière de plusieurs rapports sénatoriaux, nous aurons la possibilité d'animer avec les organisations syndicales et d'autres acteurs une réflexion sur ce sujet.

Un dialogue social est en cours en matière de gestion de carrières des professeurs. Il doit nous amener à plusieurs progrès prochainement.

Concernant la scolarisation des enfants à trois ans, il me semble prématuré d'effectuer un premier bilan de cette mesure. Nous attendons 20 000 élèves en plus, tandis qu'en même temps, le nombre d'élèves à l'école primaire est en baisse de 50 000 élèves. Nous sommes conscients des difficultés rencontrées en Guyane et à Mayotte. Il était prévu que nous ne réaliserions pas cette mesure dans son intégralité dès la première année. Mais, nous allons le faire progressivement. Sur le plan quantitatif, nous vous transmettrons les chiffres dès leur stabilisation. Sur le plan qualitatif, cette mesure représente une nouvelle politique de l'école maternelle. Nous y tenons beaucoup. En cette semaine riche pour moi en rencontres internationales (Forum pour la Paix, Conférence générale de l'Unesco où j'étais juste avant cette audition) et européennes, je peux vous dire que notre réforme intéresse beaucoup. Notre pays est devenu celui qui positionne l'instruction obligatoire le plus tôt dans la vie, au moment où tous les pays prennent conscience qu'il faut une politique de la petite enfance et de l'enseignement préélémentaire. C'est elle, en effet, qui est à la racine de la lutte contre les inégalités et pour l'épanouissement des enfants. Un vaste mouvement a été enclenché, tant sur un plan quantitatif que qualitatif.

Nous allons vers la baisse du taux d'encadrement à l'école maternelle. Dans le domaine qualitatif, nous intervenons sur la formation spécifique initiale et continue pour les acteurs de l'école maternelle, notamment les personnels non enseignants comme les ATSEM, mais aussi les AESH. Nous avons évoqué ces sujets lors des Assises de l'école maternelle que présidait Boris Cyrulnik, dont nous avons publié les actes. Un travail sur l'école maternelle a également été réalisé par l'inspection générale. L'instruction obligatoire à trois ans marque une nouvelle étape pour l'école maternelle.

À la suite de la promulgation de la loi pour une école de la confiance, plusieurs mesures relatives à la formation initiale et à la formation continue ont été prises. Cette rentrée représente le début d'un processus. Je pense à la nomination des directeurs des INSPÉ. Ce travail se fait souvent conjointement entre les présidents d'université et les recteurs. Notre objectif est d'améliorer, sur un plan qualitatif, le vivier des personnes susceptibles d'exercer cette mission. Nous sommes en train de finaliser les référentiels de formation. 55 % des enseignements prodigués aux futurs professeurs des écoles porteront sur les savoirs fondamentaux, comme je m'y étais engagé lors des débats sur ce projet de loi. Un tiers des intervenants sont des personnels encore devant élèves et bénéficient d'une décharge en tant qu'enseignant formateur pour venir enseigner dans les INSPÉ. Le concours se tiendra à la fin du Master 2. Les textes sont publiés les uns après les autres, dans le cadre d'un dialogue social approfondi, pour concerner les concours de l'année 2020-2021.

Concernant la carte de l'éducation prioritaire, le rapport Azéma-Mathiot rendu la semaine dernière - et complémentaire au rapport Roux-Lafon - dresse, à mon sens, une vision complète des enjeux. Nous sommes actuellement en période de concertation syndicale. La représentation nationale a évidemment son mot à dire, afin de déterminer les propositions que nous souhaitons reprendre. La nouvelle carte doit être définie pour la rentrée 2021. Toutefois des premières mesures seront effectives dès la rentrée 2020. La réforme de l'éducation prioritaire se fera donc sur deux rentrées - la dimension géographique ayant vocation à intervenir en 2021. Sur ce sujet également nous avons des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Aujourd'hui, beaucoup d'élèves devraient relever de l'éducation prioritaire, mais ne relèvent pas de sa géographie. Notre objectif est de les atteindre par un ensemble de dispositifs plus fins que le système actuel. Nous ne devons toutefois pas être obnubilés par l'éventuelle déconcentration des REP, tandis que les REP + resteraient nationaux - même s'il s'agit d'une des propositions phare du rapport. Cette mesure aurait le mérite d'apporter plus de souplesse, lorsque le territoire évolue dans un sens ou dans un autre. Mais d'autres mesures sont prévues dans ce rapport. Parallèlement, l'éducation prioritaire est en constante évolution. La poursuite du dédoublement des classes en est l'illustration. L'un des principaux problèmes de l'éducation prioritaire jusqu'à présent était une focalisation trop faible sur l'école primaire. Avec le dédoublement des classes, les problèmes de l'école primaire sont pris à bras le corps. L'éducation prioritaire devra également s'attaquer à la question des écoles dites orphelines.

Dans un même registre, les cités éducatives, mises en place en partenariat avec Julien Denormandie, ministre de la Ville, bénéficient désormais de moyens financiers significatifs. Cela ne se traduit pas forcément dans le budget de l'éducation nationale. Notre action doit, en effet, porter sur les sujets extrascolaires de la réussite scolaire. Si des mesures budgétaires sont prévues, le versant qualitatif est important. Nous en attendons une coordination des différents acteurs. J'ai d'ailleurs reçu le rapport Azéma-Mathiot en présence de Gabriel Attal, mais aussi du ministre de la ville. A également été associé Adrien Taquet au titre de la protection de l'enfance. Nous voulons ainsi mettre en synergie le ministère de l'éducation et de la jeunesse, le ministère des affaires sociales et le ministère de la ville pour gagner en efficacité. Davantage de pouvoir devra être donné aux directeurs d'établissement, pour pouvoir agir de manière directe, rapide et efficace sur ces sujets sociaux.

Cette approche concertée et pragmatique prévaut également en matière de fonds sociaux. L'année 2020 ne verra pas, de manière effective, de baisse de dépenses des fonds sociaux par rapport à 2019. Certes, cette mesure apparait en baisse dans le budget. Mais il s'agit d'une volonté de sincérité des dépenses. En 2018 étaient inscrits au projet de loi de finances 60 millions d'euros, mais seuls 39 millions d'euros ont été consommés. Cette année nous allons consommer autour de 40 millions d'euros - et c'est le montant que nous avons inscrit dans le budget. La consommation de ces fonds était de 24 millions d'euros en 2012, 22 millions d'euros en 2013, 23 millions d'euros en 2014, 26 millions d'euros en 2015, 29 millions d'euros en 2016, 36 millions d'euros en 2017 - en comparaison des 60 millions d'euros programmés - et 39 millions d'euros en 2018. La consommation de ces fonds est donc en hausse, et elle se poursuivra pour la rentrée de 2020. Dans ces conditions, il me semble donc difficile d'évoquer une régression des fonds sociaux. Mais nous voulons mettre fin au différentiel entre ce qui est inscrit dans le budget et ce qui est réellement consommé. En outre, les fonds sociaux ne représentent pas l'alpha et l'oméga de la dépense sociale de l'éducation nationale. Ce budget prévoit une augmentation conséquente des bourses, qui s'ajoute aux sommes consacrées aux fonds sociaux. Je suis particulièrement attentif à ce sujet. Nous devons être ambitieux et efficaces en matière de dépenses sociales en faveur de la réussite éducative. Il est donc nécessaire d'avoir une vision complète de ce sujet. Cette réflexion se prolongera lors de nos échanges sur l'éducation prioritaire. À mon avis, il est possible de moderniser et de rendre ce système plus efficace.

J'entends parfaitement les inquiétudes exprimées sur les risques qui pèsent sur les langues régionales. Celles-ci m'étonnent, car la loi pour une école de la confiance est facteur de progrès sur ce sujet. Pour autant, par une certaine façon d'en parler, on a pu laisser entendre que cette loi et la réforme de baccalauréat pourraient porter préjudice à l'enseignement des langues régionales. Des avancées sont ainsi décrites comme des régressions. La réforme du baccalauréat n'a pas vocation à entraîner une régression des langues régionales. Certes, on peut trouver localement telle ou telle exception. Les langues régionales sont concernées par les réformes générales du baccalauréat. La première des opportunités est la possibilité d'avoir un enseignement de spécialité en langue régionale - quatre heures en première, six heures en terminale. Cela n'existait pas auparavant, et est vecteur d'innovation pédagogique très intéressante. Par exemple pour les langues romanes, il est possible d'avoir un élément de spécialité qui articule le Latin, l'Occitan, le Corse et d'autres langues. Des initiatives locales intéressantes peuvent être prises. De manière générale, de nombreux reproches sur une réforme du bac qui se ferait au détriment des options sont faits. Nous avons en effet pris des mesures pour que les options n'aboutissent pas à donner des points permettant d'obtenir une moyenne au baccalauréat supérieure à 20/20. Nous avons souhaité un retour à la vérité sur la motivation des élèves et la notation. Les langues régionales ne sont pas spécifiquement concernées. En outre, nous menons une politique d'encouragement des langues régionales.

Je souhaiterais également revenir sur les conséquences financières de la scolarisation obligatoire à trois ans pour les communes. Nous avons longuement abordé ce sujet lors des débats. Il est trop tôt, là encore, pour dresser un premier bilan des dépenses de fonctionnement. Il est prévu de faire un point ex post du surcoût généré par la mesure pour les collectivités en 2019-2020, comparé à 2018-2019, puis de rembourser ce surcoût. N'oublions pas que la baisse de la démographie est un élément important, même avec l'instruction obligatoire dès trois ans. Cela aura des effets sur les frais de fonctionnement. On estime à environ 50 000 à 60 000 le nombre d'élèves en moins en raison de l'évolution démographique des effectifs, et 20 000 élèves en plus en raison de la scolarisation obligatoire des trois ans. Au final on estime la diminution du nombre d'élèves à 30 000 ou 40 000. Nous n'avons pas lieu de nous réjouir de ce phénomène. La question du nécessaire rebond démographique doit sérieusement être examinée. Nous estimons à 100 millions d'euros le coût théorique de fonctionnement pour les écoles privées et publiques. Dans les débats, on entend souvent dire que cette mesure favorise les écoles privées. Ce n'est pas particulièrement le cas, car cette augmentation concerne également les forfaits que les communes ont à payer pour les écoles maternelles publiques. Je rappelle les principes : les dépenses compensées concerneront les classes maternelles et l'augmentation globale des dépenses de fonctionnement des écoles. Le constat ex post permettra le remboursement des frais engagés.

Les enjeux relatifs au conseil d'évaluation de l'école ont été à maintes reprises évoqués à l'occasion du vote de la loi pour une école de la confiance. Les annonces que j'ai faites se sont réalisées. La chaire au CNAM a, comme prévu, été créée. Je recevais la nouvelle titulaire de la chaire, qui est l'ancienne responsable du Cnesco. Nous faisions un premier point sur le potentiel considérable de cette nouvelle organisation. La chaire crée un potentiel de développement plus important que le Cnesco n'en disposait dans son ancienne configuration, notamment en termes de déploiement international. Elle peut également signer des accords avec plusieurs institutions pour de nouvelles recherches. Nous avons transféré des moyens du Cnesco. Je tiens à rappeler qu'y travaillaient des fonctionnaires de l'éducation nationale mais aussi des contractuels sous contrat de recherche. Cette chaire crée de nouvelles synergies, avec France Education international (anciennement centre international d'éducation pédagogique) par exemple. En cette semaine internationale, j'évoquais avec mes homologues africains les enjeux de la modernisation du système scolaire. La chaire Cnesco est concernée par cette thématique. Je pense également à l'institut des hautes études pour l'éducation et la formation (IHEEF) de Poitiers, ou encore aux structures du ministère. Cela crée des opportunités de développement du Cnesco, qui est d'ailleurs plus indépendant que précédemment. En effet, une chaire universitaire par définition bénéficie d'une indépendance importante. Que ce soit sous l'angle du développement ou de l'autonomie, le Cnesco s'est renforcé.

Pour le conseil de l'évaluation de l'école, les réformes se déroulent conformément à ce qui était dit lors des débats parlementaires : de nouveaux textes ont été publiés nous permettant d'être opérationnels en 2020. Les moyens correspondent à ceux que nous avions pour le Cnesco auparavant. S'y ajoutent les moyens « en nature », à savoir notre capacité à la faveur de la réforme de l'inspection générale - qui est devenue une réalité à cette rentrée par la fusion de quatre inspections générales (sport, éducation, recherche et jeunesse) en une seule - de faire bénéficier le conseil d'évaluation de l'école de l'appui de ce nouvel organisme.

Il me semble prématuré de tirer un premier bilan de notre plan sur la violence scolaire. Je l'ai en effet annoncé à la rentrée dernière. Nous avons mis en place le caractère systématique du signalement. Les dispositifs relais ont vocation à fonctionner pleinement tout au long de cette année scolaire. L'« interministérialité » a de même été renforcée comme peuvent l'attester les événements récents de violence scolaire ou extrascolaire qui se sont déroulés aux Lilas ou dans l'académie de Montpellier. Il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de violences depuis le début de l'année. En revanche, on constate un pic dans la gravité des actes commis dans l'avant-dernière semaine avant les vacances de la Toussaint. Plusieurs faits divers dramatiques ont eu lieu. La plupart se sont déroulés en dehors de l'enceinte scolaire. Je tiens à préciser que la mort d'un jeune homme aux Lilas - dont je reçois la famille prochainement - a eu lieu en dehors de l'enceinte scolaire, avec pour arrière-plan des luttes entre bandes. Notre collaboration avec la police et la justice a été, à cette occasion, effective et réactive. Il en est de même dans l'académie de Montpellier où une plainte a été déposée immédiatement et les personnes responsables arrêtées. Depuis le retour des vacances de la Toussaint, il n'y a pas eu de violences scolaires particulières. C'est une stratégie de longue haleine, dont les grands principes sont en train de se mettre en place : un refus du laxisme, des mesures éducatives et la notion de coresponsabilité entre la famille et l'école. Les inspecteurs d'académie signent d'ailleurs des protocoles avec les familles afin qu'il y ait un engagement de leur part de retour pour les élèves « dans le droit chemin ». On compte chaque année 1 500 élèves poly-exclus dans le système scolaire.

La réforme du baccalauréat implique naturellement de repenser les conseils d'école dans un nouveau contexte. Ce sujet est d'actualité, car nous sommes en train de les préparer. Cette réforme a des effets profonds directs et indirects. L'un de ceux-ci est l'évolution du conseil de classe. Cette évolution me paraît souhaitable et n'est pas une surprise. Elle permet de repenser le conseil de classe dans ce nouveau contexte et d'accentuer l'autonomie des établissements dans la manière de les concevoir. Un des schémas souhaitables, à mon avis, et de continuer à avoir un conseil de classe, mais portant sur le bloc horaire qui concerne la majorité des élèves. En effet, dans la plupart des classes de première, nous conservons un groupe classe, au sens classique du terme, pour un peu plus de la moitié des heures. Toutefois, une organisation de ces conseils autour des spécialités est également possible. Cette évolution est très intéressante, car elle permet un travail d'équipe plus fort entre les différents enseignants de spécialité d'un même établissement. Il permet d'avoir un suivi d'une cohorte d'élèves concernés par cette spécialité. Bref, elle peut instaurer une politique d'établissement et une personnalisation beaucoup plus forte du parcours de l'élève. Il est clair que ces évolutions font bouger les lignes. J'en profite pour remercier les professeurs ainsi que les chefs d'établissement pour leur investissement sur cette question.

Comme il est de rigueur dans le débat public, on évoque beaucoup les problèmes. Mais je vois également des enseignants et des élèves de première qui se réjouissent de ce nouveau fonctionnement et de programmes portant parfois sur des enseignements entièrement nouveaux. Cette réforme permet également la revalorisation de certains enseignements. Je pense aux langues, avec une possibilité d'approfondissement qui n'existait pas auparavant.

Le non-remplacement des enseignants est l'une des plus anciennes problématiques de l'éducation nationale. Comme je l'évoquais précédemment, l'institution se créée parfois elle-même ses problèmes. Nous agissons en interne pour faire face à cet absentéisme. Il s'agit d'ailleurs d'un des chantiers majeurs 2019-2020 pour le nouveau directeur des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale.

Un certain nombre de progrès restent à effectuer en matière de santé et de prévention. La situation est d'autant plus complexe que l'éducation nationale, à l'image de l'ensemble de la société, doit faire face à une pénurie de médecins. Nous envisageons, par exemple, une collaboration plus étroite avec la médecine civile et les mutuelles.

J'ai entendu vos craintes sur l'insuffisance de postes créés pour faire faire aux mesures annoncées. Je rappelle que 440 postes d'enseignants vont être créés dans le primaire. Il faut également tenir compte des effets démographiques. J'ajoute qu'à la rentrée 2020, seule une partie de ces mesures sera appliquée, les autres se mettront en place de manière progressive. Nous nous sommes donnés la fin du quinquennat, soit les rentrées 2020, 2021 et 2022 pour réaliser pleinement le dédoublement des classes de grande section en REP et REP +, ainsi que la limitation à 24 élèves des classes de grande section, CP et CE1 sur l'ensemble du territoire. Le double effet de création de postes et de diminution de la démographie scolaire va nous permettre de disposer des 1 400 postes nécessaires pour atteindre l'objectif à la rentrée 2020 d'un dédoublement des classes de grande section de maternelle en éducation prioritaire et le début du plafonnement des effectifs en grande section sur l'ensemble du territoire.

La question du rôle du directeur d'école est très fortement ancrée dans l'actualité. Ce matin sur ce sujet s'est tenu le deuxième comité technique ministériel de l'éducation nationale (CTMEN), en présence des organisations syndicales. Je vous invite à lire le communiqué de presse diffusé à l'issue de cette réunion. J'ai notamment annoncé trois mesures immédiates :

- un moratoire sur les enquêtes entre maintenant et le 31 décembre afin de permettre un premier allégement administratif ;

- la création de groupes départementaux de consultation et de suivi : dans chaque département va être créé un groupe de travail que l'on peut comparer aux groupes « Blanchet » pour le second degré qui réunira les organisations syndicales ainsi qu'un échantillon de directeurs d'école pour faire le point sur ce sujet localement ;

- le lancement d'une enquête conçue avec les organisations syndicales qui va nous permettre en novembre 2019 de recueillir les avis et ressentis de l'ensemble des directeurs d'école. Un nouveau CTMEN se tiendra le 17 décembre au cours duquel seront proposées plusieurs mesures pour 2020 en faveur des directeurs d'école.

En outre, le dialogue social va se poursuivre, mais on peut d'ores et déjà dégager trois grandes tendances : un allègement des tâches administratives, une aide aux directeurs d'école et éventuellement une évolution de l'organisation.

En ce qui concerne l'aide aux directeurs d'école, plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le rôle qui pourrait être confié aux jeunes en service civique. Bien entendu, le secrétaire d'État est associé à cette réflexion et nous respectons les règles dévolues aux missions du service civique. Il ne s'agit pas de leur donner des responsabilités administratives. Mais, les premiers retours de terrain nous permettent de constater que ce qui est le plus demandé par les directeurs d'école - bien évidemment ce constat est à prendre avec prudence dans l'attente des conclusions de la consultation - est une aide à la médiation. Je pense notamment à ce directeur d'école que j'ai rencontré et qui m'expliquait qu'il passait la moitié de son temps à ouvrir la porte aux parents qui sonnaient ou à discuter avec des acteurs divers. Une partie de ces tâches peut être exécutée par quelqu'un d'autre et un certain nombre d'entre elles correspondent à une mission de service civique. J'ai conscience que cette proposition fait débat. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas annoncé ce matin de nouveaux services civiques dans l'éducation nationale. Toutefois, cette idée reste d'actualité. En fonction du résultat de la concertation en cours, elle pourrait faire l'objet d'une annonce le 17 décembre. J'y suis favorable car c'est une expérience très intéressante pour les jeunes concernés. Les missions confiées peuvent être élargies à l'aide aux devoirs par exemple et permettre aux jeunes de disposer d'une vision complète du travail en équipe au sein d'un établissement scolaire.

Je souhaite voir émerger une vision renouvelée de l'institution « école primaire » et du rôle du directeur. Cela renvoie à la difficile question du statut du directeur d'école. Nous allons essayer de faire émerger un consensus sur ce point. Une logique « boîte à outils » doit, selon moi, prévaloir afin de s'ajuster au plus près aux réalités du terrain. Nous attendons les résultats de la consultation. J'en appelle à la responsabilité de chacun : nous devons être créatifs, analyser les exemples étrangers, ...

Enfin, je déplore les dysfonctionnements regrettables qui ont affecté les personnels AESH, notamment en Seine-Maritime. Je tiens toutefois à préciser que les retards de paiement pour le mois de septembre dernier ont été rattrapés. Le problème est souvent venu de l'absence de dossiers de recrutement complets en septembre, en raison de la date d'embauche. Des avances ont été versées, mais toutes n'ont pas été faites dans le temps ou les montants étaient insuffisants, créant des situations sociales difficiles. Selon les éléments en ma possession, ce dysfonctionnement est désormais dépassé, mais nous pourrons en discuter à la fin de cette audition. Nous entrons désormais dans un cycle de fonctionnement ordinaire. Les difficultés rencontrées ne doivent pas non plus masquer les progrès substantiels en faveur des AESH. Nous leur proposons des contrats de trois ans - meilleurs que les contrats aidés qui existaient il y a encore deux ans. Certes, des insuffisances demeurent, mais nous mettons en oeuvre des moyens importants : 4 500 AESH de plus pour cette rentrée, et 4 000 AESH de plus à la rentrée 2020. À titre de comparaison, à cette période de l'année en 2018, 8 % des élèves étaient en attente d'une solution d'accompagnement, souvent en raison de difficultés de recrutement. Ce pourcentage est actuellement de 4 %. Même si je considère qu'il reste bien sûr trop élevé et nous travaillons pour qu'il continue à diminuer.

Mme Laure Darcos . - Monsieur le ministre, vous avez évoqué les « cités éducatives » pour lesquelles un budget de 100 millions d'euros sur trois ans est prévu. Pensez-vous élargir le nombre de labels « cités éducatives » - attribués pour l'instant à 80 territoires ? Une deuxième vague de labellisations est-elle envisagée ? Dans le département de l'Essonne, trois territoires - qui en avaient besoin - ont été labellisés : Grigny, Évry, et Corbeil-Essonnes. Mais ces territoires bénéficient déjà des dispositifs REP. En revanche, un projet associant les villes de Sainte-Geneviève-des-Bois et Saint-Michel-sur-Orge n'a pas été retenu. Il pourrait être intéressant de différencier les REP/REP + et ce projet de « cités éducatives » qui font travailler ensemble l'ensemble des acteurs de la politique de la ville.

Mme Maryvonne Blondin . - Vous avez présenté le schéma directeur de formation. Les formations ne peuvent être que protéiformes : les enseignants sont confrontés à des élèves en situation de handicap - et je regrette que nous n'ayons pas voté à l'occasion des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance la formation commune enseignants/AESH - aux violences scolaires, aux élèves allophones,... Or ce budget est en baisse de 3,5 %.

Aucun poste de médecin de prévention n'est budgété. Le ratio est aujourd'hui d'un médecin de prévention pour 16 000 enseignants. Il n'y a pas non plus de postes de médecins scolaires, d'infirmiers, d'assistantes sociales, ou encore de conseillers principaux d'éducation de budgéter. Ces carences sont, vous le savez, génératrices de souffrance et de mal-être au travail.

Enfin, je m'associe à la question de ma collègue sur les fonds sociaux. Cette réduction des crédits alloués est-elle compatible avec la stratégie de lutte contre la pauvreté engagée par le gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Monier . - Je souhaiterais revenir sur la situation très préoccupante qui affecte les AESH. Nombre d'entre eux doivent, en effet, intervenir au sein de plusieurs établissements et prendre en charge plusieurs enfants. Quand bénéficieront-ils d'un véritable statut de la fonction publique? Vous évoquez l'école inclusive. Mais sans eux, elle est inexistante. Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire en sorte que les 60 millions d'euros de fonds sociaux non utilisés le soient à l'avenir ? Ces fonds sont essentiels. Ils permettent l'accès à la cantine, l'achat de fournitures, la participation aux sorties scolaires, ... Soit les parents ne sont pas informés de leurs existences - et il faut alors renforcer la communication -, soit ils n'osent pas demander à bénéficier de ce droit.

Vous évoquez la compensation de la suppression de postes par des heures supplémentaires, comme s'il s'agissait d'une évidence. Je souhaite rappeler que de nombreux professeurs ne souhaitent pas recourir aux heures supplémentaires.

Des élus locaux et l'association des maires ruraux de France m'ont indiqué que le dédoublement des classes s'est parfois opéré au détriment des écoles rurales. Ce choix n'est pas compréhensible pour les territoires ruraux voire hyper-ruraux. Enfin, je tiens à rappeler qu'il y a eu 359 fermetures de classes à la rentrée 2019 : 112 ont été fermées à la demande de l'administration et 247 à la demande des élus.

M. Olivier Paccaud . - Vous instaurez, par vos mesures, une forme de discrimination positive pour certains territoires. Celle-ci possède des vertus mais également des effets pervers. Dans mon département, certaines écoles primaires ont encore des classes chargées. Je pense à cette classe de CM1/CM2 de 30 élèves à Noitel près de Clermont. Or, les enseignants n'y bénéficient d'aucune prime. Certains enseignants nous disent que certes leurs collègues enseignent dans des territoires difficiles en REP +, mais devant une classe de douze élèves permettant de mieux les prendre en charge. En outre, ceux-ci bénéficient d'une prime. Aujourd'hui, les postes en REP + sont devenus attractifs. Un sentiment d'iniquité se développe chez ces enseignants travaillant dans des zones pas beaucoup plus favorisées, mais situées hors REP +. Vous le savez, il existe des zones « frontières » qui font qu'une école est intégrée dans un dispositif REP +, alors que l'école d'à côté, accueillant des élèves avec les mêmes caractéristiques socio-économiques et de difficultés scolaires, n'en bénéficie pas. Un malaise est en train d'émerger face à ce constat.

Mme Sonia de la Provôté . - Vous n'avez pas évoqué, lors de cette audition, la question de l'enseignement artistique et culturel (EAC). L'année dernière, vous aviez fait un focus sur le plan « chorale », ainsi que le plan « orchestre à l'école ». Une étude récente a constaté que ces plans ne s'appliquent pas dans toutes les écoles. Seuls 75 % des élèves ont bénéficié d'au moins une action ou un projet. Ce sont plutôt dans les petites structures - collèges et lycées - et territoires ruraux que l'objectif d'enseignement artistique et culturel est le mieux atteint. En outre, la présence d'un coordinateur « EAC » améliore la mise en oeuvre de ces programmes. Or, il s'agit souvent du directeur d'école. En raison de l'importance de cet enseignement dans l'épanouissement de l'enfant, à mon avis, il serait plus opportun que les directeurs d'école puissent exercer ces missions au lieu d'autres tâches administratives. Un effort budgétaire supplémentaire est-il envisagé en la matière ? En effet, tout ne peut pas reposer sur le budget du ministère de la culture.

Par ailleurs, pouvez-vous nous faire un point sur la scolarisation des enfants sourds ? La surdité est un handicap particulier demandant un accompagnement spécifique.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - La question de l'élargissement du label des cités éducatives rejoint de manière plus large les thématiques relatives aux effets de bord que l'on trouve également pour les territoires labellisés REP +. La réforme de l'éducation prioritaire doit permettre de mettre fin à une approche binaire. Elle doit être plus graduelle et adaptée. Cela vaut également pour les cités éducatives. Une deuxième vague de labels pour les cités éducatives est effectivement programmée. J'insiste également sur le fait qu'il est possible pour les maires de mettre en place certaines actions sans obligatoirement bénéficier de ce label. J'étais récemment à Clichy-sous-Bois pour y annoncer la création d'une cité éducative. Le maire d'une commune voisine m'a interpellé car il n'avait pas pu bénéficier de ce label mais cherchait à mobiliser d'autres moyens pour s'inspirer de la logique des cités éducatives et de la coordination des acteurs qu'elle sous-tend. Il me semble très important que des villes intéressées par le label « cités éducatives » s'inscrivent dès à présent dans la philosophie de ce programme. L'éducation nationale, ou d'autres administrations pourront les aider, le cas échéant, pour mobiliser des moyens existants à d'autres titres.

La question de la formation continue est un enjeu majeur pour notre pays. Elle doit naturellement être dynamisée sur le plan qualitatif, par le biais notamment du schéma de formation continue qui fixe désormais un cadre. Il nous incombe, de même, de moderniser certaines de nos institutions. Je cite, à titre d'exemple, le projet Canopée dont la vocation première est de créer des contenus pédagogiques pour les enseignants. Il a désormais un rôle de formation à l'ère du numérique. D'ailleurs, en matière de formation via le numérique, des outils existent déjà. Je pense à M@gister, le portail de formation continue en ligne. Certes, il peut être amélioré, mais nous faisons des progrès constants. Nous allons déployer notre idée de « Poitiers capitale de l'éducation ». Nous souhaitons en effet moderniser nos opérateurs : le CNED (centre national d'enseignement à distance), Canopée, l'IHEEF, afin de disposer d'une matrice numérique de la formation continue, de l'enseignement à distance ou encore de la formation des cadres de l'éducation nationale.

Comme pour les fonds sociaux, le budget dévolu à la formation souffre d'un effet optique négatif. L'enveloppe allouée est en réalité en hausse de 7 % cette année par rapport à la dernière exécution connue. En 2018, 782 millions d'euros ont été exécutés au titre de la formation des enseignants du premier degré, dont 13 millions hors masse salariale. Sur ce point également, nous sommes dans une perspective de sincérité budgétaire. C'est la raison pour laquelle, si optiquement les crédits sont en baisse, en exécution ils sont en hausse, car nous visons en 2020 leur utilisation intégrale à l'euro près.

La carence en médecins de prévention est un sujet de ressources humaines avant d'être un sujet budgétaire. Cela n'aurait pas de sens d'ouvrir des postes qui ne seraient pas pourvus. Je ne nie pas que leur manque constitue pour nous une préoccupation réelle. Nous tablons sur une étroite collaboration avec le ministère de la santé et une plus grande anticipation de ces enjeux à l'avenir.

Vous avez utilisé le terme de « bilan mitigé » concernant la situation des AESH. Permettez-moi de ne pas la reprendre à mon compte. Certes des problèmes existent. Les mécontentements épars - que par ailleurs j'entends et comprends - ne doivent pas masquer les progrès considérables effectués à l'occasion de cette rentrée. Leur situation est sans commune mesure avec le passé. Le mot « mitigé » est très sévère. On est passé d'une situation avec uniquement des contrats aidés à des recrutements en contrats AESH de trois ans. Nous leur offrons de véritables possibilités de carrières - je n'irai toutefois pas jusqu'à parler d'une fonction publique, même si j'évoque souvent un service public de l'école inclusive. Je salue le travail considérable mené par nos administrations, pour mettre en place cette logique de carrière. Cette rentrée marque, à l'égard des AESH, un véritable changement de paradigme. Sur le terrain, ils constatent des différences. Ils bénéficient également d'une plus grande considération, et sont désormais intégrés dans l'équipe administrative. Les détails comptent : ils disposent désormais d'une adresse institutionnelle. Des milliers de rendez-vous avec les familles ont eu lieu à la rentrée. Je suis conscient des difficultés qui persistent, notamment en matière de recrutement. Je ne doute pas que la rentrée 2020 représentera encore un progrès important. Nous avons tenu la semaine dernière avec la secrétaire d'État chargée du handicap, Sophie Cluzel, et les associations un comité de suivi. Si les associations ont fait remonter un certain nombre de problèmes, la tonalité générale était celle de progrès incontestables.

Concernant les fonds sociaux, je m'engage devant vous à effectuer un panorama de l'action sociale de l'éducation nationale. Des progrès ont été mis en place cette année et des moyens supplémentaires ont été alloués notamment grâce à l'action du ministère des affaires sociales. Je pense aux cantines à un euro ou aux petits-déjeuners gratuits. D'ailleurs ces actions intègrent des thématiques allant au-delà de l'action sociale : la coéducation avec les familles, la formation au goût, ... L'ensemble de ces effets d'entraînement doit être pris en compte. L'action sociale au service des élèves s'améliore en 2020.

Notre réflexion sur les heures supplémentaires tient naturellement compte des profils et souhaits divers du corps enseignant. En 2018-2019, le système s'est bien régulé. Il est toutefois indéniable que cette option constitue, pour les professeurs qui le souhaitent, un véritable gain en pouvoir d'achat.

Je n'accepte pas l'argument selon lequel le dédoublement des classes s'opérerait au détriment des classes rurales. Nous créons des postes en contexte de baisse démographique. Cela nous permet de réaliser le dédoublement et de sauvegarder les écoles en milieu rural. Nous ne gagnons rien à corroborer l'idée inexacte selon laquelle la politique des villes se ferait contre la politique des campagnes. Ce n'est pas ce qui se passe. Les écoles rurales sont favorisées en termes d'encadrement par rapport aux écoles urbaines. Il y a en moyenne 14 élèves par classe en Lozère de la petite section au CM2. Ce chiffre est de 15 en Vendée, 16 dans le Cantal. Un effort budgétaire permanent est fait en faveur de l'école rurale ; et je m'en félicite. Ne délivrons pas un message inverse qui oppose les territoires et créer une image fausse de la situation. Je vous rappelle, à cet égard, la décision prise par le Président de la République de ne supprimer aucune école sans l'aval du maire de la commune. Certes, elle débouche sur des réalités imparfaites à la rentrée 2019. Mais, cela est inévitable, car une série de processus était déjà engagée au moment de cette annonce. Mais vous avez également indiqué que 247 fermetures étaient demandées par les maires. Les autres étaient demandées par l'institution, mais acceptées par les maires. La pleine application de cette mesure se verra lors de la préparation de la rentrée 2020. L'enjeu, en la matière, me semble davantage être celui du rebond démographique des communes rurales. J'ai demandé à tous les recteurs et directeurs académiques des services de l'éducation nationale d'être dans cette logique de reconquête rurale. Les contrats ruralité que nous avons pilotés avec le sénateur Duran répondent à ce besoin. Aussi, il est important d'avoir un discours optimiste sur ces sujets, car il faut insuffler un état d'esprit de renaissance de ces territoires. C'est la raison pour laquelle je souhaite que mes services déconcentrés soient en appui aux maires, tout en étant conscients des tensions démographiques qui peuvent exister. De très beaux projets voient le jour. Il peut s'agir de regroupements pédagogiques intercommunaux. Dans d'autres cas, cela oblige à fermer une école, mais pour moderniser l'instruction. J'ai en tête une école que j'ai inaugurée il y a deux semaines dans le Cher. La nouvelle logique scolaire crée de l'attractivité et de l'optimisme.

Je souhaite revenir sur les effets qualifiés de « pervers » de notre politique d'éducation prioritaire. Le principal écueil, en l'espèce, est celui des effets de seuil. M. Paccaud, je vois dans vos regrets un hommage caché à notre politique. En effet, vous indiquez que de l'attractivité a été générée en REP +. Nos premières mesures ont permis de lancer un processus vertueux. Il y a encore quelques années, les mesures en faveur des personnels en REP + étaient jugées superficielles et insuffisantes pour pallier les inconvénients d'une affectation dans ces territoires. Aujourd'hui, la situation a changé : les primes sont significatives - et cela concerne 50 000 personnes, et les logiques pédagogiques ont également évolué. Bien évidemment, cela ne doit pas se faire au détriment d'autres territoires. Qu'il y ait dans certains cas un ou deux élèves en plus, cela peut arriver. Mais le système n'a pas été conçu pour qu'il y ait plus d'élèves dans les écoles hors éducation prioritaire. Il n'y a pas de système de vases communicants. Notre politique budgétaire a permis de l'éviter. Nous devons cependant atténuer les effets de seuils.

Enfin, vous avez mentionné, à raison, les enjeux de l'enseignement artistique et culturel. Je vous en remercie. Il ne se réduit naturellement pas à sa stricte dimension budgétaire. Il se développe domaine par domaine. Avec Françoise Nyssen, puis Franck Riester, nous avons défini des domaines prioritaires : la musique, la lecture, le théâtre ou les ciné-clubs. Le plan « chorale » est désormais une réalité complète. Une dynamique musicale a ainsi été instaurée avec la présence systématique d'un plan départemental en la matière, d'une chorale au collège. L'étude à laquelle vous avez fait référence révèle certes les insuffisances que vous avez soulignées. Mais elle est en elle-même un progrès puisqu'il s'agit de la première étude du genre. Elle nous a permis de constater que les trois quarts des écoles ont un dispositif d'enseignement artistique et culturel. Elle va nous permettre de progresser. Je travaille sur ce sujet avec Franck Riester, ainsi qu'avec les collectivités locales. À Guingamp nous avons consacré le projet d'un institut de formation pour l'éducation artistique et culturelle. De nombreuses formations en ligne vont être prochainement proposées sur ce thème. Des priorités ont été définies par domaine. En matière de lecture, le recteur de Bretagne a instauré le quart d'heure de lecture, qui commence à se généraliser en France, à la même heure, le même jour, dans tous les établissements de Bretagne. Cela fait partie des progrès du quotidien, peu repris dans le débat public, mais qui changent le rapport aux livres et ce qui s'en suit.

Enfin, j'ai bien noté vos propos sur la scolarisation des enfants sourds. Ils sont 7 738 en cette rentrée. Il est exact que la scolarisation des enfants sourds présente une spécificité qualitative. J'ai été alerté par le monde associatif sur un certain nombre de modernisation nécessaire. Nous ne baissons aucunement la garde. La scolarisation des enfants sourds bénéficie des progrès budgétaires réalisés en matière d'école inclusive.


* 1 Voir à ce sujet le rapport de notre collègue Claude Kern : https://www.senat.fr/rap/l18-597/l18-597.html

* 2 Cette enveloppe représente un peu moins de la moitié du budget pluriannuel total de la Solideo qui s'élève à 3 milliards d'euros, le solde devant être apporté par les acteurs privés, notamment les promoteurs immobiliers du village olympique et paralympique et du village des médias.

* 3 Les crédits de l'action n° 2 du programme 350 seront nuls en 2020 comme en 2019.

* 4 Le choix de faire figurer ces AE dans l'action n° 4 programme 350 « héritage des JOP » pose par ailleurs question, la dimension olympique de cet équipement n'étant pas prédominante puisqu'il est appelé à servir pour la coupe du Monde de rugby 2023 et à remplacer un équipement indispensable en dehors même de l'organisation des JOP.

* 5 M. Jacques-Bernard Magner.

* 6 Les financements apportés aux associations et aux clubs sportifs ainsi qu'aux emplois CNDS sont passés de 136,2 M€ en 2017 à 112,2 M€ en 2018 avant de remonter à 119,4 M€ en 2019.

* 7 https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-102-notice.html

* 8 Le choix du GIP pour créer l'Agence nationale du sport continue à poser question compte tenu du caractère transitoire attaché le plus souvent à ce statut et compte tenu des missions et de l'origine des moyens dévolus à l'Agence qui auraient pu justifier la création d'un établissement public.

* 9 En termes financiers, on peut estimer les coûts de personnel à 352,4 M€ dont 120,8 M€ pour les CTS.

* 10 Ils sont issus d'une part des crédits prévus pour couvrir la compensation à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) des exonérations sociales dont bénéficiaient les juges et arbitres sportifs et d'autre part des crédits prévus pour les grands événements sportifs internationaux (GESI).

* 11 Une enveloppe de 50 M€ est envisagée qui concernerait à la fois le Stade de France et ses abords. Au sens strict les moyens dévolus à l'enceinte seraient donc compris entre 30 et 35 M€.

* 12 http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2272A/AN/2965

* 13 L'ETPT, pour l'équivalent temps plein travaillé, est l'unité de compte dans laquelle sont exprimés à la fois les plafonds d'emplois et les consommations de ces plafonds.

* 14 https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-102-notice.html

* 15 https://www.senat.fr/rap/r18-585/r18-585-syn.pdf

* 16 http://www.sports.gouv.fr/presse/article/La-Ministre-des-sports-annonce-l-ouverture-d-une-grande-concertation

* 17 https://www.senat.fr/rap/r19-102/r19-102.html

* 18 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191014/cult.html#toc2

* 19 Le rapport sur les autorités administratives et publiques indépendantes annexé au PLF 2020 prévoit ainsi (page 10) une hausse de 1,432 M€ de la subvention de l'État à 11,022 M€. Un écart de plus de 1,1 M€ peut donc être constaté entre les arbitrages budgétaires mentionnés dans le « jaune » et les moyens faisant l'objet du débat au Parlement.

* 20 Ceci en contradiction avec le dossier de presse du ministère des sports qui indique que « l'État contribuera en quasi-totalité au financement du déménagement du laboratoire de l'AFLD dans ses nouveaux locaux ».

* 21 Tableau établi par la mission « flash » conduite par l'inspection générale de la jeunesse et des sports et le contrôle général économique et financier du ministère de l'économie et des finances.

* 22 Audition du 22 octobre 2019.

* 23 Cf II. C et D.

* 24 Les Ardennes, le Cher, la Creuse, l'Eure, la Guyane, la Haute-Saône, les Hautes-Pyrénées, la Loire-Atlantique, le Morbihan, le Nord, Le Puy-de-Dôme, le Val d'Oise, le Vaucluse. Deux centres existaient dans le Nord à Tourcoing et Morbecque.

* 25 Audition plénière du 13 novembre 2019.

* 26 Ainsi, un jeune finissant son service civique en janvier 2019 sera comptabilisé dans le stock de l'année 2018 et de de l'année 2019.

* 27 Fondée en 1996, Unis-Cité est une association pionnière qui propose des missions de service civique à des jeunes (numérique, mobilités, environnement, solidarité, citoyenneté,...), notamment en partenariat avec d'autres associations, fondations, entreprises privées, collectivités locales.... En outre, elle accompagne le déploiement du service civique à travers « l'intermédiation » (portage de jeunes pour autrui en binôme avec double tutorat). Avec 8 739 jeunes accueillis en 2018, dont 1 272 en intermédiation, Unis-Cité est la première association accueillant des jeunes en service civique selon le rapport annuel de l'agence du service civique.

* 28 L'impact économique du service civique, étude de GoodWill-management, février 2019.

* 29 Le service civique : une montée en charge réussie, un dispositif mal financé aux effets mal connus. Cour des comptes, rapport public, février 2018.

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