II. LE SOUTIEN ET L'ACCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISES FRAGILISÉES PAR LA BAISSE DRASTIQUE DU FINANCEMENT DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE

A. LA LOI « PACTE » : UNE RÉORGANISATION MASSIVE DU RÉSEAU ET UN ABANDON DE MISSIONS UTILES AUX ENTREPRISES

1. Un ensemble de missions de proximité au service des entreprises

Les missions des CCI sont définies à l'article L. 710-1 du code de commerce : « le réseau et, en son sein, chaque établissement contribuent au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations en remplissant, dans des conditions fixées par décret, toute mission de service public et toute mission d'intérêt général directement utiles à l'accomplissement de ses missions ».

Missions des CCI aux termes de l'article L. 710-1 du code de commerce

Les établissements du réseau des CCI ont, chacun, en leur qualité de corps intermédiaire de l'État, une fonction de représentation des intérêts de l'industrie , du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères.

Plus précisément, ils ont en charge :

1) les missions d'intérêt général qui leur sont confiées par les lois et les règlements ;

2) les missions d'appui, d'accompagnement , de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d'entreprises et des entreprises, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de droit de la concurrence ;

3) une mission d'appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production, en partenariat avec l'Agence française pour le développement international des entreprises ;

4) une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d'enseignement qu'ils créent, gèrent ou financent ;

5) une mission de création et de gestion d'équipements , en particulier portuaires et aéroportuaires ;

6) les missions de nature concurrentielle qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui s'avèrent directement utiles pour l'accomplissement de ses autres missions ;

7) toute mission d'expertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de l'industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l'aménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il ou elle pourrait prendre l'initiative.

En dehors des actions relevant du point 6) ci-dessus, l'ensemble de ces missions est donc d'intérêt général.

L'étendue des missions qui incombent aux CCI est donc large et vise à apporter un accompagnement de proximité aux entreprises. En particulier, les « missions d'intérêts général qui leur sont confiées par les lois et les règlements » recouvrent un ensemble d'actions obligatoires , dites de service public , qui sont en principe gratuites car financées par la taxe pour frais de chambres consulaires ( cf. infra ). Il s'agit principalement de la gestion du Centre de formalités des entreprises, du guichet unique, de l'enregistrement des contrats d'apprentissage, de la certification des documents à l'exportation, de la délivrance des cartes de courtiers en vins, d'agents immobiliers, de commerçant ambulant, de l'offre de la formation « 5 jours pour entreprendre ».

Les CCI : premier soutien des entreprises impactées par les violences commises en marge du mouvement des gilets jaunes

Le rapport sénatorial de Mme Renaud-Garabedian relatif aux conséquences économiques des violences commises durant ce mouvement 6 ( * ) a mis en lumière le rôle indispensable des chambres consulaires en matière de soutien et d'accompagnement des entreprises.

Celles implantées dans les centres-villes ont en effet été doublement touchées : directement, en raison des dégradations commises , et indirectement en raison de l'importante perte de chiffre d'affaires (30 % en moyenne) subie chaque samedi et plus généralement durant les six premiers mois du mouvement.

Le rapport témoigne ainsi qu' « à l'initiative des chambres consulaires, des « task force » ou des « brigades » ont été constituées dès le début du mouvement afin d'aller au contact des commerçants, sur le terrain [...] ». L'action des chambres a permis, entre autres, de mesurer l'ampleur des pertes, de transmettre ces informations aux acteurs intéressés, d'informer les entreprises sur les mesures nationales de soutien existantes, de les aider à constituer les dossiers nécessaires, de collecter des informations sur les obstacles recentrés et de faire remonter ces difficultés.

Le Gouvernement s'est donc fortement appuyé sur les ressources du réseau consulaire afin de faire connaître les mesures édictées au niveau national.

Le rapporteur a pu constater à de multiples reprises combien la constitution d'un réseau de professionnels bénévoles possédant de multiples compétences et désireux de les mettre à disposition des acteurs économiques qui font vivre les territoires est une opportunité unique, saluée et appréciée par l'ensemble des parties prenantes locales .

2. La loi « Pacte » : des évolutions utiles du réseau, un objectif de moyen terme toujours flou

L'objectif affiché de la réforme du réseau des CCI est de rationaliser les outils publics d'intervention économique (CCI, services déconcentrés de l'État, régions, etc .), considérés par le Gouvernement comme trop coûteux et, dans une certaine mesure, inefficaces . Au vu des mesures de la loi « Pacte », les acteurs du réseau des CCI s'inquiètent en revanche que les chambres soient progressivement transformées en opérateurs.

a) La loi « Pacte » met en place une réforme importante de l'organisation et des missions du réseau
(1) Un changement du modèle économique, de nouvelles missions

Selon les réponses apportées par le Gouvernement aux questions du rapporteur, « l'objectif des nouvelles dispositions est de permettre aux CCI de développer leurs activités dans le champ concurrentiel et de disposer de nouvelles opportunités pour assurer des services facturés ».

Pour ce faire, la loi Pacte prévoit que le personnel des CCI sera désormais constitué d'agents de droit privé 7 ( * ) . Une convention collective est ainsi en cours de négociation entre le président de CCI France et les organisations syndicales représentatives.

En outre, les articles L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail ont été modifiés afin que les CCI employeurs puissent adhérer au régime général d'assurance chômage pour l'ensemble de leur personnel. En raison du coût que l'adhésion est susceptible de représenter pour l'Unedic, un décret est en cours de préparation visant à instaurer une sur-cotisation temporaire pour la période 2019-2023. Le rapporteur considère toutefois complexe, voire prématuré, de prévoir aujourd'hui un tel dispositif dans la mesure où la diminution des effectifs ( cf. infra ) des CCI est inachevée .

(2) Un renforcement de la tête de réseau, CCI France

CCI France se voit affecter la taxe pour frais de chambre (TFC) et confier la responsabilité de la répartir entre les CCI de région , à partir des critères et objectifs définis dans les conventions d'objectifs et de moyens signées entre l'État, la CCIR et CCI France. La représentation nationale, européenne et internationale des intérêts des CCI relève désormais de son ressort. Plus généralement, CCI France est en charge de la définition et de la mise en oeuvre de la politique générale du réseau en matière de gestion des personnels, de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), de négociation et conclusion des conventions collectives et accords nationaux ainsi que de la mise en oeuvre des audits de CCI .

(3) Un développement des coopérations entre CCI, CMA, régions et métropoles

Après chaque renouvellement général, les CCIR et CMA de région seront amenées à établir un plan des actions ayant vocation à être mutualisées . Les CCIR et les CCI de métropoles ont désormais la possibilité d'agir comme agences de développement économique . En outre, le conventionnement entre les CCIR et les régions pour la mise en oeuvre du schéma régional de développement économique, d'innovation, et d'internationalisation (SRDEII) est devenu obligatoire . Les CCIR seront en charge de répartir la TFC entre les CCI départementales.

(4) Un pilotage du réseau par l'État

Les missions prioritaires du réseau financées par la TFC sont désormais inscrites dans un contrat d'objectif et de performance (COP) conclu entre l'État et CCI France, et dont les objectifs doivent être déclinés dans les conventions d'objectifs et de moyens (COM) conclues entre le préfet de région, la CCIR et CCI France.

Le Contrat d'objectif et de performance conclu entre l'État et CCI France
le 15 avril 2019

Ce contrat, mentionné désormais à l'article L. 712-2 du code de commerce, fixe les missions prioritaires qui doivent être financées par la TFC. Le Gouvernement précise par ailleurs qu' « il leur laisse toutefois une grande souplesse sur un certain nombre de missions [...] pour tenir compte de la diversité des territoires, des besoins des entreprises qui y sont implantées et des offres des autres acteurs publics et privés 8 ( * ) ». Le rapporteur en revanche estime que cela s'apparente à un voeu pieu : dès lors que le financement des CCI diminue drastiquement, la supposée souplesse accordée au réseau se transforme en réalité en rigidité contrainte , puisque les missions bénéficiant précisément de cette souplesse annoncée seront en réalité celles permettant une bouffée d'air frais en matière financière.

Le COP se décline en cinq chapitres (contexte/évolutions, mission financées par la TFC, indicateurs de performance et d'activité, suivi et bilan des indicateurs, clause de revoyure).

b) Les intentions du Gouvernement sur l'avenir du réseau à moyen-terme restent floues

Le rapporteur partage le constat établi par l'ensemble des acteurs du réseau consulaire auditionnés selon lequel les intentions réelles du Gouvernement vis-à-vis du réseau manquent de transparence .

La redéfinition de la tutelle de l'État, l'encouragement fait aux CCIR et CCI métropolitaines d'agir comme agences de développement économique, le conventionnement désormais obligatoire entre les CCIR et les régions pour la mise en oeuvre du SRDEII, la baisse du financement, l'inclusion d'agents des CCI dans la Team France Export pourraient laisser présager une ambition de transformer à moyen terme le réseau en consulaire en opérateurs de l'État .

Transformer les CCI en opérateurs reviendrait, pour le Gouvernement, à prendre le contrôle d'un système conçu par les professionnels, pour les professionnels , reconnu pour son autonomie et son efficacité.


* 6 Rapport d'information n° 605 fait au nom de la commission des affaires économiques par Mme Evelyne Renaud-Garabedian : « Violences en marge des gilets jaunes : des commerçants en danger, un soutien minimal de l'État », 26 juin 2019.

* 7 Le nombre de CDI de droit privé signés par la CCI Paris-Ile-de-France est ainsi passé de 0 à 21 entre mai et octobre 2010 et le nombre de CDD de droit privé de 0 à 40 entre ces deux dates.

* 8 Réponses aux questionnaires.

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