B. LE FINANCEMENT DES AUTRES ACTIONS DU PROGRAMME 150

1. Des établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif encore trop peu soutenus

Selon une étude du MESRI d'avril 2017 27 ( * ) , « depuis 2000, les inscriptions dans l'enseignement supérieur privé ont cru de 62 %, alors que les effectifs totaux progressaient de 18 % sur la même période ».

Évolution des inscriptions dans les établissements d'enseignement supérieur

(en milliers, base 100 en 2000)

Source : ministère de l'enseignement supérieur, « L'état de l'enseignement supérieur
et de la recherche en France » n° 10, avril 2017

La contribution du secteur privé à la mission d'enseignement supérieur est donc essentielle et doit être reconnue et valorisée.

58 établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG), établissements à but non lucratif et dont l'indépendance de gestion est garantie, bénéficient d'un label délivré par l'État 28 ( * ) . Certains EESPIG sont déjà présents sur la plateforme Parcoursup et tous le seront au plus tard en 2020. Ils conventionnent avec l'État et bénéficient en contrepartie de crédits budgétaires.

Votre commission n'avait eu de cesse, au cours du quinquennat précédent, de s'insurger contre la baisse continue de ces crédits. Elle se félicite qu'en ce début de ce quinquennat cette tendance s'inverse heureusement.

En témoigne l'évolution des crédits de l'action 04 du programme 150 qui progressent de 2,5 % dans le PLF 2019, soit une hausse de 3,8 % sur deux ans. Ils atteignent 81,9 millions d'euros en PLF 2019 29 ( * ) .

Évolution des dotations budgétaires à l'enseignement supérieur privé (2013-2019)

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les données budgétaires

Ces crédits sont versés à 62 associations ou fondations qui gèrent des établissements d'enseignement supérieur privé selon deux sous-enveloppes :

- 71,9 millions d'euros pour les 58 EESPIG qui accueillent près de 107 000 étudiants en formation, soit environ 4 % des effectifs de l'enseignement supérieur ;

- 10 millions d'euros pour quatre associations chargées de la formation des enseignants des EESPIG (et qui réunissent 4 532 étudiants).

Sur les dix dernières années, l'effort budgétaire consenti en faveur des EESPIG a augmenté de 8 % : il est passé de 59,4 millions d'euros en 2008 à 66,8 millions d'euros en 2018. Mais dans le même temps, les effectifs d'étudiants en formation initiale accueillis par ces établissements ont doublé, passant de 52 544 étudiants dans 55 établissements en 2008 à 106 963 étudiants dans 59 établissements en 2017-2018.

Il en a résulté une baisse drastique du soutien de l'État par étudiant, de 45 % entre 2008 et 2018, passant de 1 130 euros en moyenne par étudiant et par an en 2008 à seulement 625 euros en moyenne par étudiant en 2018 30 ( * ) . On est très loin des 11 500 euros de financement moyen d'un étudiant dans l'enseignement supérieur public.

Évolution du soutien de l'État aux EESPIG par an et par étudiant (2008-2019)

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les données de la FESIC

Il est indispensable que l'État marque plus fortement son engagement auprès de ces établissements et de leurs étudiants en rétablissant son soutien à hauteur de 1 000 euros par étudiant en moyenne . À cette fin, un plan de rattrapage sur trois ans permettrait d'augmenter les crédits de 14 millions d'euros par an, gagé sur une réduction équivalente des crédits prévus pour le fonds de mobilité qu'il estime sur-doté 31 ( * ) . C'est cet engagement que concrétise l'amendement adopté par votre commission de la culture .

2. Les crédits pour les bibliothèques et la diffusion des savoirs

Les crédits consacrés aux bibliothèques universitaires demeurent relativement étales . L'action 05 du programme 150 qui leur est consacrée passe de 447,6 millions d'euros à 449,5 millions d'euros. Ces crédits permettent de financer des projets intéressants comme le plan « Bibliothèques ouvertes + » (2 millions d'euros) ou le projet de « bibliothèque scientifique numérique » (doté d'1 million d'euros) qui doit permettre à l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche d'accéder sous forme numérique à une offre de ressources scientifiques éditées abondante, de qualité et répondant aux standards internationaux.

Les crédits de l'action 13 du programme 150 , destinés à la diffusion des savoirs et aux musées, augmentent fortement : + 7,2 % par rapport à 2018 et + 8,3 % depuis 2017 pour s'établir à près de 117 millions d'euros en crédits de paiement.

3. Dépenses immobilières : la poursuite annoncée des dévolutions du patrimoine universitaire

L'action 14 du programme 150 regroupe les moyens humains et financiers que le ministère consacre à la politique immobilière des établissements d'enseignement supérieur dont il a la tutelle. 1,25 milliard d'euros de crédits de paiement (+ 2,8 % par rapport à 2018) et 1,17 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (- 3,6 % par rapport à 2018) sont prévus dans le PLF 2019. S'y ajoute une enveloppe extrabudgétaire de 5 milliards d'euros destinée à l'Opération Campus.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les documents budgétaires

S'agissant des crédits dédiés à des constructions nouvelles ou des réhabilitations, l'essentiel (60 %) est constitué de crédits contractualisés dans les contrats de projets État-Région (CPER) 2007-2014 et dans les contrats de plan État-Région (CPER) 2015-2020.

Évolution du volet « enseignement supérieur » dans les CPER depuis 2000

(en milliards d'euros contractualisés)

Source : avis n° 144 sur le projet de loi de finances pour 2017, par Jacques Grosperrin, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Quelques opérations sont prévues hors CPER comme la réhabilitation du Muséum national d'histoire naturelle, la décontamination de l'ancien laboratoire de Marie Curie à Arcueil, la réalisation du campus hospitalo-universitaire Nord du Grand Paris, la rénovation des locaux de l'Institut français d'archéologie orientale au Caire ou encore des opérations de déménagement à Saclay.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les documents budgétaires

En matière de travaux de mise en sécurité (52,7 millions d'euros en autorisations de paiement et 57,45 millions d'euros en crédits de paiement), la notion de sécurité est élargie en 2019 à celle de sûreté pour prévoir la sécurisation de locaux dans le cadre du plan Vigipirate (pose de clôture, mise en place de systèmes de contrôle d'accès, vidéosurveillance, installation d'alarmes anti-intrusion, etc.).

C'est également dans le cadre de cette enveloppe que sont prévus les 21,93 millions d'euros que l'État verse chaque année aux trois universités qui s'étaient portées candidates à la dévolution de leur patrimoine immobilier lors de la première vague en 2011 : Clermont-I (qui reçoit 6,13 millions d'euros de dotation récurrente chaque année), Toulouse-I (5 millions d'euros) et Poitiers (10,8 millions d'euros).

Un bilan très largement positif de cette première expérimentation (qui a notamment permis aux universités de renforcer leur position en tant qu'acteur local auprès des collectivités partenaires) a conduit à lancer une deuxième vague de dévolution fin 2016, permettant de retenir quatre universités (Aix-Marseille, Bordeaux, Caen et Toulouse) 32 ( * ) mais sans dotation récurrente contrairement aux universités de la première vague. À cet égard, la pérennité de cette subvention accordée aux universités de la seule première vague interroge toutefois votre rapporteur pour avis.

Devant votre commission de la culture, la ministre a annoncé le lancement en 2019 d' « une vague continue de dévolution » 33 ( * ) pour permettre à chaque établissement de saisir les opportunités liées à la valorisation de son patrimoine, d'ici la fin 2022.

Les dégradations intervenues suite au mouvement étudiant
contre la loi ORE 34 ( * )

« Le mouvement étudiant contre la loi ORE a touché plusieurs établissements au printemps 2018, entraînant des dégradations matérielles significatives. Dans son communiqué de presse du 18 juin 2018, madame la ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation s'est engagée à financer l'intégralité des dégradations subies par les universités et à compenser les dépenses rendues nécessaires pour l'organisation des examens. Au total, 18 établissements sont concernés pour un montant estimé de 15,7 millions d'euros . Afin que le MESRI 35 ( * ) puisse identifier les coûts occasionnés, un chiffrage détaillé des dégâts et des préjudices subis a été demandé aux établissements concernés fin mai 2018. Courant juin, les établissements ont transmis à la DGESIP 36 ( * ) le récapitulatif des dépenses liées au mouvement social. Certains établissements ont fait constater par un huissier l'état dégradé des locaux.

Cinq établissements ont déclaré le sinistre auprès de leurs assurances mais le montant des indemnisations n'est pas encore connu à ce jour. Les travaux engagés pour la remise en état des locaux sont les dépenses pour : location de salles pour délocalisation des examens, prestations de sécurité, nettoyage, remise en état des bâtiments et salles, remplacement des équipements volés, sécurisation du campus. Les travaux ont commencé début juillet (Paris VIII, le 4 juillet) afin de pouvoir accueillir les étudiants dès septembre dans des locaux non dégradés. »

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

4. L'instauration d'un dialogue de gestion annuel

Votre rapporteur pour avis trouve particulièrement intéressante la démarche dans laquelle le ministère s'engage actuellement en matière de rénovation du pilotage des établissements d'enseignement supérieur.

Dans un rapport de juin 2015 37 ( * ) commandé par la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes préconisait de renouveler les méthodes de pilotage stratégique du système universitaire et d'allocations des moyens « en accordant une place prépondérante au processus de contractualisation associé à un véritable dialogue de gestion entre le ministère et les établissements ». La Cour regrettait que « contrairement aux opérateurs de l'État de droit commun, les universités ne bénéficient pas d'un processus annuel de dialogue de gestion avec l'administration centrale qui exerce leur tutelle ».

Dans une réponse à une question de votre rapporteur pour avis sur les mesures prévues pour accompagner et renforcer l'autonomie des établissements, le ministère répond que la rénovation du pilotage des établissements « répond fondamentalement à l'objectif stratégique de dynamiser les modalités d'allocation des moyens » et de « montrer que le traitement réservé à ces derniers est différencié à raison de leurs performances et de leur engagement dans la réussite des politiques publiques (...) ».

C'est ainsi qu'une expérimentation d'un dialogue de gestion annuel est actuellement conduite avec neuf établissements volontaires 38 ( * ) , avant une généralisation dès 2019 .

5. De nouveaux regroupements plus souples

L'article 52 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant d'expérimenter de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche pendant une période d'expérimentation de dix ans .

Un avant-projet d'ordonnance est actuellement soumis à la concertation. Il sera ensuite examiné par le Conseil d'État, puis le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), avant d'être adopté en Conseil des ministres. Son entrée en vigueur est prévue pour janvier 2019 et un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Les principales dispositions de l'actuel avant-projet d'ordonnance

À ce stade, l'avant-projet d'ordonnance prévoit qu'un établissement « expérimental » pourra être créé par décret. Les établissements qui le composent pourront conserver leur personnalité morale et devenir ainsi des « composantes » du nouvel établissement. Cet établissement expérimental pourra déroger à certaines dispositions actuelles du code de l'éducation et notamment aux règles relatives à la limitation des prestations de service, à la limite d'âge de 68 ans des chefs d'établissement (celui-ci n'aura pas non plus de nombre limité de mandats et ne sera pas forcément élu), aux règles de fonctionnement des écoles et instituts internes aux universités, etc. Les modalités de composition du conseil d'administration sont peu précises et laissent donc beaucoup de liberté aux promoteurs.

En outre, les établissements expérimentaux pourront obtenir le statut de « grand établissement » . Ce statut peut être intéressant pour certains établissements car les règles d'organisation qui le régissent dérogent aux règles prévues pour les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) dans le code de l'éducation et sont fixées par décret en Conseil d'État.

Aujourd'hui, plusieurs établissements ont ce statut : le Collège de France, le CNAM, l'École des hautes études en sciences sociales, l'École pratique des hautes études, l'Institut d'études politiques de Paris, l'observatoire de Paris, le Palais de la découverte, l'École centrale, l'Institut national des langues et civilisations orientales, l'École nationale supérieure d'Arts et métiers, l'Université Paris-Dauphine, l'Institut polytechnique de Grenoble et l'Université de Lorraine, mais la loi ESR de 2013 avait limité l'accès à ce statut à « des établissements de fondation ancienne et présentant des spécificités liées à leur histoire », ou bien « à des établissements dont l'offre de formation ne comporte pas la délivrance de diplômes pour les trois cycles de l'enseignement supérieur ».

L'avant-projet d'ordonnance prévoit également un nouveau type de regroupement, le « rapprochement » , par simple « convention de coordination territoriale » établie entre ses membres, sans qu'aucun chef de file ne soit désigné.

Il prévoit enfin que les communautés d'universités et établissements (COMUE) pourront expérimenter de nouveaux modes d'organisation et de fonctionnement en dérogeant aux règles actuelles en matière de définition de la COMUE, rôle et composition du conseil d'administration, présidence composition du conseil académique, conseil des membres.

Le Sénat avait été favorable à l'adoption de ces dispositions lors de l'examen du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Véritable marque de confiance à leur égard, les expérimentations contribuent en effet à l'autonomie des universités mais aussi à la structuration du paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'on peut également espérer qu'elles contribueront à faire émerger des grands champions français à l'échelle internationale.

Il faudra toutefois veiller à ce que le cadre général conserve une certaine lisibilité et que les promoteurs soient bien accompagnés par le ministère à chaque stade de l'expérimentation .


* 27 « L'état de l'enseignement supérieur et de la recherche en France », n° 10, avril 2017.

* 28 En vertu de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR.

* 29 En outre, ces établissements bénéficieront d'environ 3 millions d'euros au titre de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) pour laquelle ils percevront 20 euros par étudiant.

* 30 Il s'agit là de chiffres moyens qui masquent de fortes disparités entre établissements et formations.

* 31 Cf. infra .

* 32 Signature d'un protocole d'accord le 24 mars 2017.

* 33 Audition du 6 novembre 2018 (en annexe).

* 34 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

* 35 Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

* 36 Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle.

* 37 « L'autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre », communication à la commission des finances du Sénat, juin 2015.

* 38 Aix-Marseille Université, COMUE Côte d'Azur (université de Nice et observatoire de la Côte d'Azur), Université de la Rochelle, Université de Reims, Université de Strasbourg, COMUE Paris Sciences et Lettres (ENSC Paris, ENS ULM, ESPCI, Université Paris Dauphine, Observatoire de Paris), IEP de Paris, Sorbonne Université et Université de Bordeaux.

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