B. LES BIBLIOTHÈQUES : ATOUT MAJEUR DE LA POLITIQUE PUBLIQUE EN FAVEUR DE LA LECTURE

1. La figure centrale de la Bibliothèque nationale de France
(1) Des missions plurielles

Au terme du décret du 3 janvier 1994 qui la régit, la Bibliothèque nationale de France (BnF), établissement public à caractère administratif, a pour missions de :

- collecter, cataloguer, conserver et enrichir le patrimoine national dont elle a la garde, qu'il soit imprimé, graphique, audiovisuel ou numérique.

La mission de collecte passe notamment par la mise en oeuvre du dépôt légal , qui concerne l'ensemble de la création, y compris le jeu vidéo. Récemment, plusieurs cartons de jeux ont ainsi été transmis à l'opérateur par le leader français du secteur, Ubisoft. La BnF réadapte ensuite les jeux déposés pour qu'ils soient utilisables sur les nouveaux supports.

Ces collections sont valorisées par un programme d'expositions régulières et enrichies grâce à une importante politique d'acquisitions patrimoniales . Pour y parvenir, la BnF lève des fonds grâce au mécénat . Après plusieurs manuscrits médiévaux pour 3,1 millions d'euros et des manuscrits de Berlioz pour 1,5 million d'euros en 2015, l'opérateur a acquis en 2016 le bréviaire de Saint Louis de Poissy, ainsi que le manuscrit de Nadja d'André Breton pour 2 millions d'euros ;

- permettre l'accès du plus grand nombre à ces collections , tout en veillant à leur conservation.

En 2015, la BnF a accueilli, dans ses salles de lecture, environ 813 000 visiteurs. En raison du développement des possibilités de recherche à distance, mais également de facteurs conjoncturels, notamment des récents attentats terroristes et la crue du mois de juin qui a obligé l'établissement à fermer pendant trois jours, la tendance à l'érosion de la fréquentation se poursuit en 2016 (- 1 %). Afin de tenter d'y remédier, l'établissement a rénové sa politique d'accueil via notamment une organisation des salles de lecture du Haut-de-Jardin plus conforme aux nouvelles habitudes de lecture et de travaux collectifs des étudiants, une extension du Wifi et un assouplissement des règles d'accréditation . En outre, la réouverture d'une partie du site Richelieu à la fin de l'année 2016 devrait conduire à renforcer l'affluence. De fait, parmi les indicateurs de performance attachés à l'objectif n° 1 « Favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture » figure le renforcement de la fréquentation des salles de lecture de la BnF avec un objectif de 970 000 visiteurs en 2017 . Les pratiques évoluent également : près de 60 000 personnes fréquentent ainsi chaque année la bibliothèque hors des salles de lecture, ce qui nécessite de réfléchir à de nouvelles formes d'accueil, en particulier pour les travaux collectifs

- enfin, préserver, gérer et mettre en valeur son patrimoine immobilier. Pour mémoire, outre le site François Mitterrand, la BnF dispose de plusieurs implantations à Paris (bibliothèque de l'Arsenal, bibliothèque-musée de l'opéra, quadrilatère Richelieu).

Dans le cadre de sa mission de conservation et avec le soutien financier du CNL, la numérisation du patrimoine libre de droit écrit en français ou en langue régionale et imprimé sur le territoire national a été confiée à l'opérateur , qui dispose d' une bibliothèque numérique, Gallica. Inaugurée en 1997 comme une simple bibliothèque numérique à vocation encyclopédique, Gallica a profondément évolué à compter de 2006, en contrepoint des projets de numérisation de Google . Le site, désormais généraliste, reçoit près de quinze millions de visiteurs chaque année (40 000 visites par jour pour quarante pages lues par personne en moyenne) et compte plus de 3,4 millions de documents. Une nouvelle version du site a récemment été développée pour les mobiles et les tablettes. Le site Gallica intra-muros , version disponible seulement dans les salles de lecture et de recherche de la BnF, rassemble, pour sa part, près de 3,8 millions de documents, dont 400 000 documents sous droit.

Un accent particulier est mis sur la reproduction des « trésors et chefs d'oeuvre » , avec notamment la numérisation progressive des réserves des départements spécialisés . D'autres fonds sont numérisés pour des raisons de conservation et de communication : reproduction de documents très fragiles (support sur plaque de verre par exemple) ou présentant des difficultés de manipulation (documents de très grand format, objets comme le fonds de marionnettes du département « arts du spectacle »). Des chantiers spécifiques sont enfin lancés en fonction des partenariats et accords passés par la BnF : la numérisation en 3D de globes du département « cartes et plans » dans le cadre d'un mécénat ou la reproduction d'imprimés chinois anciens conformément à l'accord de partenariat signé avec l'université de Shandong.

Si les projets de numérisation des oeuvres ont d'abord principalement porté sur le domaine public et les collections les plus contemporaines ou extraordinaires, la loi n° 2012-287 du 1 er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XX e siècle a ouvert les campagnes de numérisation à des oeuvres autrefois oubliées. Le législateur a instauré à cet effet un mécanisme de gestion collective pour les droits numériques attachés aux livres indisponibles du XX e siècle publiés en France et ne faisant plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur, soit environ 200 000 titres.

Le dispositif prévu consiste en un transfert de l'exercice des droits numériques à une société de perception et de répartition des droits, au terme d'un délai de six mois après l'inscription des livres dans une base de données publique réalisée par la BnF , et sauf opposition des titulaires de droits. Pendant ce délai, les auteurs et leurs ayants droit sont informés, afin de leur permettre d'exercer en toute connaissance de cause leur droit de sortie initial. Après l'entrée en gestion collective, les titulaires de droits conservent cependant la possibilité de se retirer, sans contrepartie, du dispositif dès lors que les droits d'exploitation numérique de l'oeuvre n'ont pas été cédés à un éditeur.

La BnF a publié, le 21 mars 2013, une première liste de près de 63 000 livres, essentiellement des ouvrages de littérature et de sciences humaines publiés après 1981, sur son Registre des livres indisponibles en réédition électronique (ReLire), dont les droits d'exploitation numérique sont entrés en gestion collective le 21 septembre 2013 à défaut d'opposition de leurs éditeurs, de leurs auteurs ou des ayants droit de ces derniers. A la même date, par arrêté de la ministre de la culture et de la communication, la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA) a été agréée en qualité de société de perception et de répartition pour la gestion collective du droit d'autoriser l'exploitation numérique des livres indisponibles.

Une nouvelle liste de 35 000 titres a été publiée en 2014 , essentiellement composée d'oeuvres publiées avant 1970 en littérature, histoire et sciences sociales et humaines. Puis, la campagne de numérisation proprement dite a débuté à l'été 2014 et la commercialisation des 15 000 premiers fichiers est intervenue à la fin de l'année 2015 .

Le dispositif, pour efficace soit-il en matière d'accès aux oeuvres, vient cependant de recevoir un coup d'arrêt brutal . En effet, si, par une décision du 28 février 2014, le Conseil constitutionnel avait estimé que la loi du 1 er mars 2012, poursuivant un but d'intérêt général, était conforme à la Constitution et ne violait pas les dispositions relatives au droit de propriété garanties par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, telle n'est pas la conclusion de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Pour mémoire, dans un arrêt du 6 mai 2015, le Conseil d'État a décidé de surseoir à statuer sur le recours pour excès de pouvoir intenté par certains titulaires de droits, afin de soumettre à la CJUE une question préjudicielle sur la compatibilité de la réglementation relative aux livres indisponibles avec la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 . Il s'agissait de déterminer si le dispositif de gestion collective des livres indisponibles constitue ou non une exception ou une limitation autorisée .

Les observations de l'avocat général de la CJUE, présentées le
7 juillet dernier, furent fort critiques quant au respect du droit de l'auteur, qui exige le consentement exprès et préalable avant toute reproduction et communication au public de ses oeuvres, par le système ReLire.

Elles ont été confirmées par l' arrêt du 16 novembre 2016 , dans lequel la CJUE remet en cause le mécanisme français permettant la diffusion numérique des livres indisponibles dans le commerce, sur autorisation de la société de gestion collective SOFIA. Elle y estime que les articles 2 et 3 de la directive du 22 mai 2001 « s'opposent à ce qu'une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, confie à une société agréée de perception et de répartition de droits d'auteurs l'exercice du droit d'autoriser la reproduction et la communication au public, sous une forme numérique, de livres dits indisponibles, à savoir des livres publiés en France avant le 1 er janvier 2001 et ne faisant plus l'objet ni d'une diffusion commerciale ni d'une publication sous une forme imprimée ou numérique, tout en permettant aux auteurs ou ayants droit de ces livres de s'opposer ou de mettre fin à cet exercice dans les conditions que cette réglementation définit ».

L'arrêt considère que, le dispositif français n'entrant pas dans le cadre des exceptions et limitations au monopole de l'auteur prévues par la directive, il lui revenait de déterminer si une société de gestion collective pouvait autoriser la reproduction numérique d'un livre indisponible, à condition que l'auteur ne s'y soit pas opposé dans un délai de six mois à compter de l'inscription de l'ouvrage dans ReLire. La Cour a estimé que le consentement de l'auteur à l'utilisation de son oeuvre peut être exprimé de manière implicite, sous réserve que l'auteur soit informé de sa future utilisation , en vue de l'interdire s'il le souhaite. Or, dans le mécanisme prévu par la loi du 1 er mars 2012, la Cour considère qu'il n'est pas exclu que les auteurs concernés n'aient pas reçu d'information sur cette future utilisation et n'aient pas été en mesure de prendre position. En effet, la réglementation française ne garantit pas l'information effective et individualisée des auteurs.

Par ailleurs, il ne peut être raisonnablement présumé que les auteurs de livres « oubliés » soient favorables à leur résurrection en vue d'une exploitation commerciale sous forme numérique. « Dans ces conditions, une simple absence d'opposition de leur part ne peut pas être regardée comme l'expression de leur consentement implicite à cette utilisation » , déclare la Cour.

La CJUE s'est également prononcée contre la possibilité de mettre fin à l'exploitation commerciale de leurs oeuvres sous forme numérique, soit d'un commun accord avec les éditeurs, soit seuls à condition qu'ils rapportent la preuve qu'ils sont bien les titulaires des droits. Elle considère que « lorsque l'auteur d'une oeuvre décide, dans le cadre de la mise en oeuvre d'une réglementation telle que celle en cause au principal, de mettre fin pour l'avenir à l'exploitation de cette oeuvre sous une forme numérique, ce droit doit pouvoir être exercé sans devoir dépendre, dans certains cas, de la volonté concordante de personnes autres que celles que cet auteur a préalablement autorisées à procéder à une telle exploitation numérique, et donc de l'accord de l'éditeur ne détenant, par ailleurs, que les droits d'exploitation de ladite oeuvre sous une forme imprimée. ». Par ailleurs, elle rappelle qu'il doit être possible de mettre fin à l'exploitation de son oeuvre, sans avoir à se soumettre à une formalité préalable.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis juge indispensable que la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001 rende possible le maintien du programme ReLire en faveur des livres indisponibles.

La BnF est dotée, dans le projet de loi de finances, d' une subvention pour charges de service public de 210,1 millions d'euros en 2017 , soit une légère augmentation de 1,6 %. Cette somme correspond à 92,4 % des recettes de l'établissement, le reste provenant de la billetterie, des activités commerciales et du mécénat.

Cet ajustement à la hausse doit permettre d' absorber les tensions sur la masse salariale , liées à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, à l'application de l'accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations des fonctionnaires et aux mesures de sécurité mise en place en 2016 à la suite des attentats. L'établissement a d'ailleurs largement participé à l'effort de maîtrise des dépenses publiques en limitant ses coûts de fonctionnement , en particulier ses charges de personnel, qui représentent 73,3 % des dépenses de l'opérateur. En 2017, il ne lui est donc par demandé de nouvelle diminution de son plafond d'emploi, qui demeure à 2 249 ETPT.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Laurence Engel, présidente de l'établissement public, a fait part de son soulagement à la perspective : après une diminution de près de 10 % des effectifs de l'opérateur depuis sept ans, la réorganisation du travail nécessaire au développement de nouvelles missions, notamment le dépôt légal numérique, créait de problématiques tensions sociales, conduisant à une grève massive au printemps dernier. La stabilisation des effectifs va ainsi permettre de lancer les chantiers souhaités par la nouvelle gouvernance en matière de respect de l'environnement, d'adéquation des emplois et des compétences et d'organisation fonctionnelle, qui seront inscrits au contrat de performance de l'opérateur pour la période 2017-2020, en cours de finalisation.

(2) Des projets immobiliers aussi interminables que coûteux

L'immense site François Mitterrand nécessite régulièrement des travaux de modernisation et de mise aux normes . L'année 2017 n'y fera pas exception et verra le lancement du projet de renouvellement du système de sécurité incendie pour un coût total de 22,5 millions d'euros, dont 2 millions d'euros mobilisés en 2017. Un million d'euros sera par ailleurs consacré, en 2017 comme l'année suivante, à la mise aux normes des ascenseurs des quatre tours du bâtiment. Débutera également le chantier de renouvellement du système de transport automatique de document : une enveloppe de 450 000 euros y est destinée en 2017 sur un montant total de 4,75 millions d'euros. Une réflexion est également en cours sur les solutions à apporter à la saturation, à l'horizon 2023, des espaces de stockage des réserves , ainsi que l'indiquait Laurence Engel, présidente de la BnF, lors de son audition.

Toutefois, l'essentiel des crédits de travaux est consacré à la rénovation du site historique du quadrilatère Richelieu , où la BnF est installée depuis le XVIII e siècle . Il s'agit assurer la sécurité des personnes et la sûreté des collections patrimoniales, en vue de l'installation sur le site des bibliothèques de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et de l'École nationale des Chartes dans les locaux laissés vacants par le déménagement des imprimés et des périodiques sur le site de Tolbiac en 1998, et, à terme, de constituer un pôle de ressources en histoire de l'art , grâce à la rénovation des salles de lecture, à l'augmentation du nombre de places et à la création de nouvelles aires d'accueil pour le public. La BnF devrait également utiliser le site rénové pour y déployer une partie de ses collections spécialisées (arts du spectacle, manuscrits, monnaies, médailles et antiques, musique) afin de libérer des espaces de réserve sur le site François Mitterrand.

Ce chantier, entamé en 2011 et qui devait s'achever en 2020, représente pour l'État une charge globale d'environ 232,5 millions d'euros, régulièrement réévaluée par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), mandaté pour la conduite de l'opération 2 ( * ) . Des surcoûts à hauteur de 6,7 millions d'euros ont en effet été constatés à la suite de la découverte d'amiante et de plomb dans le bâtiment. Ces aléas ont retardé les travaux de plus de deux ans , de même que plusieurs contentieux, en 2014, avec des entreprises du chantier et les atermoiements du ministère de la culture et de la communication sur le sort à réserver à l'escalier d'honneur , qui date de 1917 et est inscrit à l'inventaire supplémentaire. Il sera finalement détruit en 2017, afin de faciliter, par son remplacement par un ouvrage plus modeste, la circulation du public entre les différentes parties du quadrilatère.

L'enveloppe des travaux est imputée à 80 % au ministère de la culture et de la communication , les 20 % restants étant à la charge du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche au titre de la tutelle qu'il exerce sur l'école nationale des Chartes et de celle qu'il partage avec le ministère de la culture et de la communication sur l'INHA.

Au total, la participation du ministère de la culture s'élèvera à 189,7 millions d'euros , sauf nouveau dérapage budgétaire, financée pour 155,2 millions d'euros sur le programme 334 « Livre et industries culturelles » et pour 34,5 millions d'euros sur le programme 175 « Patrimoines ». Pour l'année 2017, les dépenses d'investissement s'élèveront à 8,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 6 millions d'euros en crédits de paiement.

La BnF est elle-même largement mise à contribution pour le financement du projet . Reviennent ainsi à sa charge les coûts de déménagement des personnels et des collections . L'établissement public a, en outre, sur la période 2001-2012, complété de 12 millions d'euros le financement des travaux de la première phase, grâce à des gains issus de contentieux gagnés, et a ainsi financé plusieurs rénovations de salles et de mobiliers.

Finalement, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, la première phase épique de travaux du quadrilatère Richelieu s'est achevée le 25 mai 2016 . Les services de la BnF et les écoles supérieures destinataires des locaux se sont installées à l'été. D'ici la fin de l'année 2016, la salle de lecture Labrouste sera rouverte au public.

Dans la perspective du lancement des travaux de la phase 2 en 2017 , des bungalows provisoires ont été installés dans la Cour d'Honneur et les bâtiments concernés fermés au public le 30 septembre dernier après transfert des collections. Celle des monnaies et médailles sera pour partie abritée par la Banque de France, en application du partenariat conclu à cet effet pour une durée de quatre ans par la BnF.

Une somme équivalente de 12 millions d'euros devra à nouveau être trouvée pour la seconde phase, notamment pour le financement de la rénovation de la façade (4,8 millions d'euros) et des parties classées (salle ovale, salon Louis XV, galerie Mazarine) , ainsi que la réfection des pavés de la cour . Il est envisagé, à cet effet, de faire appel au mécénat et d'y affecter une partie du produit de la cession prochaine d'un bâtiment. D'ores et déjà, 300 000 euros ont été engagés par la fondation d'entreprise Total pour la réfection de la galerie Mazarine, classée monument historique. Une souscription pour les décors de la salle ovale sera prochainement lancée ; la BnF en espère 500 000 euros, sur un coût total estimé à 3,4 millions d'euros. En outre, il semblerait que la direction générale du patrimoine du ministère de la culture prenne finalement à sa charge, pour un montant d'environ 7 millions d'euros, la réfection des toitures et des façades.

2. Le renouveau attendu de la bibliothèque publique d'information

La bibliothèque publique d'information (Bpi), établissement public à caractère administratif placé sur la tutelle du ministère de la culture et de la communication, est associée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et participe à ses activités. Conformément au décret constitutif de 1976, l'établissement est une bibliothèque encyclopédique et multimédia accessible gratuitement et sans formalité, qui met à la disposition du public des ressources documentaires françaises et étrangères de toute nature.

Compte tenu de sa large amplitude d'ouverture , notamment le soir et en fin de semaine, la Bpi accueille depuis sa création une grande mixité de publics. En 2015, outre 63 % d'étudiants et 5 % de lycéens, elle comptait parmi ses publics des usagers rencontrant des difficultés sociales , pour certains récemment arrivés en France, à la recherche de services pouvant contribuer à leur insertion sociale et/ou à leur intégration (ateliers de conversation en français et en langues étrangères, ateliers d'apprentissage du numérique ou d'accompagnement professionnel).

Pour répondre à cette demande particulière, la Bpi organise chaque semaine des accueils spécifiques dans le cadre de partenariats avec des associations du champ social , ainsi que des permanences pour le public des jeunes migrants avec l'association France Terre d'Asile. Depuis 2015, l'établissement a renforcé son action en matière de cohésion sociale en intégrant le réseau des partenaires de la Cité des métiers (lieu ressource de la Cité des sciences et de l'industrie) pour la mise en oeuvre d'ateliers portant sur la recherche d'emploi, l'orientation professionnelle et la création d'entreprise.

En tant que bibliothèque nationale, la Bpi assure également une mission de coopération entre les bibliothèques , en développant des actions collaboratives et de mutualisation des bonnes pratiques, notamment dans les domaines du cinéma documentaire, de l'accès aux personnes handicapées, de la formation professionnelle et des ressources numériques. À ce titre, l'établissement soutient l'association « réseau Carel », qui regroupe des collectivités territoriales pour l'accès aux ressources numériques en bibliothèques, afin d'obtenir des éditeurs des tarifs adaptés aux réseaux de lecture publique.

Depuis 2005, la Bpi est en outre en charge de la gestion et de la diffusion du catalogue national des films documentaires pour les bibliothèques publiques créé dans les années 1980. Dans ce cadre, l'opérateur a lancé, à l'automne 2016, la création d'une plateforme de vidéo à la demande donnant accès aux documentaires sous forme numérique. Les bibliothèques abonnées à ce service peuvent en proposer la consultation sur place, la projection publique ou le prêt numérique à domicile.

Ces missions se poursuivront dans le cadre du contrat de performance pour la période 2016-2018 récemment conclu entre la Bpi et son ministère de tutelle.

Malgré les efforts réalisés pour adapter au mieux l'offre de services proposée aux besoins des usagers, la fréquentation de la bibliothèque poursuit son érosion , avec environ 1,35 million de visiteurs en 2015 et 1,2 million en 2016, en raison de la fermeture partielle de l'établissement pendant les travaux de sécurité incendie du Centre Pompidou, mais aussi de la moindre attractivité du centre de Paris après les attentats de novembre et des mesures de protection afférentes (accès modifié et contrôle de sécurité renforcé dans le cadre de l'état d'urgence). La saturation de la bibliothèque demeure cependant fréquente , notamment les week-ends et durant les périodes de préparation des examens, avec une durée moyenne de visite (3 heures 34) qui continue de s'allonger. Aux termes du « bleu » budgétaire pour 2017, la fréquentation de la Bpi devrait atteindre 1,5 million de visiteurs.

Le réaménagement de la bibliothèque constitue désormais une priorité. En septembre 2015, le président du Centre Pompidou a annoncé que l'entrée de la bibliothèque se ferait par la place Georges Pompidou (dite Piazza), avec une file d'attente distincte de celle du musée, au lieu de l'accès actuel par l'arrière du bâtiment utilisé depuis 2001. Cette modification, qui renoue avec l'esprit architectural originel du bâtiment, permet d'envisager une visibilité et une attractivité renforcée de la Bpi, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite.

La rénovation des espaces intérieurs permettra d'améliorer l'accès aux outils numériques, de proposer davantage d'ateliers aux usagers, de développer l'action culturelle de la bibliothèque, avec notamment l'organisation de trois expositions par an dans un espace dédié, mais également de faciliter l'organisation d'accueils de groupes dans le cadre d'actions d'éducation artistique et culturelle.

En 2016, le projet a connu des avancées significatives concernant le cadrage et la planification des opérations : la maîtrise d'ouvrage a été déléguée par convention à OPPIC en juillet et, à la fin de l'année, sera lancé l'appel d'offres pour le choix du maître d'oeuvre. Les travaux débuteront en 2018 pour une livraison prévue en 2020 , ce qui explique qu'aucune enveloppe n'y soit encore dédiée par le présent projet de budget.

Le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2017 au titre de la subvention pour charges de service public est de 6,9 millions d'euros (fonctionnement) . Ce montant a été ajusté à la hausse (+ 0,6 %) pour permettre à l'établissement d'absorber l'augmentation tendancielle des charges de fonctionnement et le relèvement du point d'indice de la fonction publique pour les 63 ETPT (stables en 2017) que compte l'établissement.

Hors projet de rénovation des espaces intérieurs, les crédits inscrits au titre de la dotation en fonds propres (investissement) progressent de 1,7 million d'euros en autorisations d'engagement et 390 000 euros en crédits de paiement. Cet ajustement est destiné à financer le renouvellement des revêtements du sol et à la réalisation de travaux sur la structure du bâtiment (la coursive), dans le cadre du projet de modification de l'accès du public à la bibliothèque.

3. Les bibliothèques : fer de lance du soutien public à la lecture dans les territoires

Le soutien public aux 7 112 bibliothèques municipales, intercommunales et départementales, qui accueillent chaque année plus de 10 millions de lecteurs , relève de trois dispositifs complémentaires :

- le concours particulier des bibliothèques de la dotation générale de décentralisation

Depuis sa création en 1986, cette enveloppe a contribué au financement de 2,8 millions de mètres carré de bibliothèque sur l'ensemble du territoire national. En 2016, les projets ainsi subventionnés concernent des établissements à Brest, Caen, Carpentras et Cambrai, ainsi que les bibliothèques numériques de référence de Lyon, Rennes Métropole, du Grand Troyes et du département du Pas-de-Calais. L'extension des horaires d'ouverture des établissements volontaires , en application du rapport de la sénatrice Sylvie Robert 3 ( * ) , bénéficie également de ces crédits depuis la circulaire interministérielle du 15 juin 2016. La dotation s'élèvera à 80 millions d'euros en 2017, soit un montant équivalent à celui de 2016, alors que Sylvie Robert estimait que la mise en oeuvre de cette réforme exigeait un rehaussement des crédits à 85 millions d'euros ;

- le développement des contrats territoire-lecture

Instaurés en 2010, les contrats territoire-lecture visent à renforcer l'action des bibliothèques et à favoriser la lecture chez les publics dits éloignés (illettrés, habitants des zones rurales, personnes handicapées, détenus), comme chez les plus jeunes . Fort d'une dotation supplémentaire d'un million d'euros en 2016, soit 2,2 millions d'euros, le dispositif concerne désormais 132 contrats. Pour en poursuivre le développement, un nouvel abondement de 500 000 euros est prévu en 2017 ;

- la mise à disposition de conservateurs d'État en bibliothèques classées

Le dispositif, réglementé par le code du patrimoine, s'explique par la présence d'importants fonds d'État dans les 54 établissements concernés. Depuis 2010, un conventionnement avec les collectivités bénéficiaires , permet de définir les modalités et les objectifs de la mise à disposition gratuite d'une centaine de postes, pour un coût d'environ 9 millions d'euros par an pour l'État. Après une évaluation des conventions couvrant la période 2013-2015, de nouveaux contrats ont été conclus en 2016 pour trois ans.

De manière plus indirecte, le droit de prêt en bibliothèque (9,3 millions d'euros en 2017) , instauré par la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre de prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, consiste à ce que l'État verse une rémunération aux auteurs et aux éditeurs en contrepartie du prêt de leurs ouvrages en bibliothèque , calculée sur la base d'un forfait par lecteur inscrit. Les bibliothèques complètent le dispositif par un versement de 6 % sur les livres qu'elles achètent. Les sommes ainsi récoltées contribuent également au financement d'un régime de retraite complémentaire au profit des écrivains, des illustrateurs et des traducteurs.

Par ailleurs, 100 000 euros de crédits centraux seront destinés en 2017 à aider les bibliothèques pour des acquisitions d'intérêt national , dans les régions dépourvues de Fonds régionaux d'acquisition des bibliothèques (FRAB). Ces derniers seront, pour leur part, dotés, via les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), de 200 000 euros.

En 2017, le soutien public aux bibliothèques visera à renforcer leur rôle dans la cité et à mieux répondre aux nouvelles attentes des usagers , qui seront prochainement analysées dans le cadre d'une enquête décennale sur la fréquentation des bibliothèques.

Un effort particulier sera notamment porté sur le développement des ressources numériques , avec une nouvelle évaluation du projet « Prêt numérique en bibliothèque », qui mobilise les principaux éditeurs et distributeurs français de livres numériques, ainsi qu'une vingtaine de grands établissements. En outre, les collectivités continueront à être accompagnées dans leurs projets d'extension d'horaires d'ouverture , pour plus d'une vingtaine d'établissements volontaires. Enfin, les actions en faveur des publics éloignés du livre et de la lecture se verront renforcées au travers de nouveaux contrats territoire-lecture, de l'opération « Premières Pages », qui concerne désormais 200 000 enfants dans trente départements, de la troisième édition « Partir en livre », grande manifestation littéraire pour la jeunesse. En outre, suivant les propositions de Sylvie Robert, une « Nuit de la lecture » sera organisée au mois de janvier 2017 par le ministère de la culture et de la communication en partenariat avec le réseau des bibliothèques.

Votre rapporteur pour avis estime que ces perspectives vont dans le bon sens. Elle souhaite toutefois que ne soit pas relégué l'objectif de création de nouveaux établissements sur le territoire national, dès lors que plus du quart de la population française n'a toujours pas accès à une bibliothèque dans sa commune de résidence, ni même, pour 11 % de nos concitoyens, à un lieu de lecture.


* 2 Le montant des travaux était estimé à 211 millions d'euros en 2011.

* 3 « L'adaptation et l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques » - Rapport à la ministre de la culture et de la communication - Août 2015.

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