EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016

_______

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication examine les rapports pour avis sur les programmes « Presse », « Livre et industries culturelles », « audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » et « audiovisuel extérieur » de la Mission « Médias, Livre et industries culturelles ».

............................................................................................................................................................

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - Les années passent, le constat demeure : le marché de la presse papier, victime d'un vieillissement de son lectorat et de la fuite de ses recettes publicitaires, s'érode inexorablement. En 2015, pour la huitième année consécutive, il affiche une perte de 3 % en valeur, pour établir son chiffre d'affaires à 7,5 milliards d'euros.

Il serait pourtant inutilement pessimiste de limiter notre analyse à une oraison funèbre car les éditeurs, soutenu par l'État, ont su réagir et moderniser leur offre, malgré une rentabilité encore vacillante. La mutation digitale de la presse représente son avenir, même si elle ne compense pas encore les pertes de revenus traditionnels compte tenu d'un prix d'abonnement inférieur à celui proposé pour les versions imprimées et de recettes publicitaires limitées bien qu'en croissance continue.

Le présent projet de budget s'attache, sur le programme 180 « presse et médias », doté de 294,3 millions d'euros dont 127,8 millions d'euros d'aides à la presse, à accompagner la presse dans sa mue, en consacrant davantage de moyens au soutien aux projets de modernisation tout en renforçant les aides aux titres les plus fragiles et les plus malmenés par une révolution numérique qu'ils ont peine à accompagner.

Dans un contexte de concentration des entreprises de presse, de paupérisation des rédactions où pigistes et stagiaires remplacent trop souvent les journalistes salariés comme c'est le cas, à titre d'illustration, de la rédaction de L'Obs, d'une crise de confiance à l'égard des médias et de concurrence des réseaux sociaux qui ne manque pas d'inquiéter, la presse représente un enjeu de société et de démocratie, qui dépasse le cadre d'un projet de loi de finances et nous oblige à la réflexion tout autant qu'à la responsabilisation.

D'un point de vue budgétaire, le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), une première fois réformé en 2014, poursuit, avec le décret du 26 août 2016, son adaptation aux besoins des éditeurs : son champ d'application est étendu à davantage de titres et, surtout, le taux de subvention des projets est relevé à 40 % voire à 70 % pour les entreprises émergentes qui souhaitent innover. 27,4 millions d'euros y seront consacrés en 2017. Parallèlement, est créé, en application du même décret, un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, doté de 5 millions d'euros en 2017 pour subventionner des programmes d'incubation et des bourses pour les médias émergents.

Ces initiatives doivent évidemment être saluées, même si, en termes d'aides à la presse, un déséquilibre considérable demeure entre les montants dont bénéficie la presse imprimée et les aides destinées à la presse en ligne. À titre d'illustration, sur 108 millions d'euros d'aides directes distribués en 2015, 93 % ont été attribués au support papier. En 2017, avec le renforcement des aides à la modernisation, cette proportion tombera à 75 %, signe d'une lente mais nécessaire adaptation de notre arsenal budgétaire en faveur de la presse aux défis de demain.

S'agissant du soutien au pluralisme, qui, vous le savez mes chers collègues, me tient particulièrement à coeur, le présent projet de budget opère également un effort louable avec l'élargissement à l'ensemble des périodicités de l'aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale en application du décret du 26 août 2016 précité. 1,47 million d'euros y sont inscrits pour 2017, qui s'ajoutent, au bénéfice du pluralisme, au 1,4 million d'euros de l'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et, surtout, aux 13,2 millions d'euros de l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires déjà ambitieusement réformée l'an passé. Certes, les crédits consacrés à ces dispositifs semblent modestes en comparaison d'autres aides à la presse, mais ils n'en demeurent pas moins indispensables à la survie des titres concernés.

L'originalité du présent projet de loi de finances, pour ce qui concerne les aides à la presse inscrites au programme 180, s'arrête ici. Pour le reste, les enveloppes de l'an passé sont reconduites pour 2017, notamment pour ce qui concerne l'aide au portage (36 millions d'euros), dont la réforme ne cesse d'être annoncée sans jamais intervenir, et son appendice l'exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et les porteurs de presse (16,9 millions d'euros). Il en va de même de l'aide à la distribution de la presse (18,8 millions d'euros au bénéfice de Presstalis) et de l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (1,6 million d'euros correspondant à l'accompagnement par l'État des plans sociaux intervenus par le passé dans les imprimeries). En revanche, l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse est portée à 6 millions d'euros, soit une augmentation de 2,3 millions d'euros. Sachant que le revenu moyen d'un marchand de journaux s'établit à 11 000 euros bruts par an et que le réseau enregistre la fermeture d'environ 1 000 points de vente par an, c'est peu de dire que le coup de pouce est utile.

Les kiosquiers bénéficieront également d'une augmentation de 0,7 point de leur commission, troisième étape de la revalorisation de leur rémunération décidée par le Conseil supérieur des messageries de presse le 1 er juillet 2014. Je m'en réjouis, comme je me réjouis qu'enfin, après des années d'efforts et au prix d'une casse sociale considérable, la société Presstalis affiche des résultats moins inquiétants avec un résultat d'exploitation à 2,1 millions d'euros en 2015, qui pourrait atteindre 5,1 millions d'euros cette année, nonobstant des capitaux propres lourdement négatifs. Le soutien de l'État et des éditeurs, les économies drastiques opérées par la direction et les sacrifices des salariés, dont le nombre a été divisé par deux en dix ans, ont payé.

Mon optimisme est nettement plus mesuré quant à l'avenir des Messageries lyonnaises de presse, victimes d'un changement brutal de gouvernance le 21 juin dernier et depuis soumises à la pression commerciale d'éditeurs souhaitant rejoindre Presstalis. Les engagements pris par la précédente direction en matière de mutualisation logistique avec Presstalis sont même remis en cause, au point que des voix s'élèvent pour que, dans ce contexte, la question de la fusion des deux messageries soit à nouveau examinée. Pour ma part, j'y suis plutôt favorable, dès lors que les inévitables conséquences sociales sont raisonnablement compensées et accompagnées. En tout état de cause, les négociations relatives aux barèmes, en cours dans chacune des messageries et avec les autorités de régulation, devront être l'occasion, pour chacun, de se responsabiliser et de donner aux messageries les moyens de fonctionner convenablement.

J'aborderai enfin l'épineux dossier de l'Agence France-Presse, doté, au titre du programme 180, de 132,5 millions d'euros, soit 5 millions supplémentaires, correspondant à 110,8 millions d'euros de compensation pour charges de service public et à 21,7 millions d'euros d'abonnements destinés aux administrations.

Je suis particulièrement inquiet à la lecture des chiffres qui m'ont été transmis - le résultat net, négatif pour la troisième année consécutive, s'établit à - 4,9 millions d'euros en 2015, le chiffre d'affaires commercial se rétracte et la dette consolidée atteint 71,5 millions d'euros -, comme de la teneur des auditions menées sur ce dossier, où transpiraient les tensions sociales et les inquiétudes pour l'avenir de l'Agence. En effet, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, à l'heure où un risque supérieur à 10 millions d'euros plane sur l'AFP au titre de la régularisation juridico-fiscale de ses personnels à l'étranger et où, dès 2018, des échéances de prêts pèseront un peu plus sur les comptes de l'Agence, comment croire qu'une spécialisation en « sport », domaine peu rentable pour n'importe quel média, puisse « sauver » l'Agence » ? J'en doute moi-même beaucoup et j'appelle de mes voeux un sursaut de réalisme de la part de la direction et un soutien renforcé de l'État.

Les difficultés rencontrées par la presse en matière de pluralisme, d'indépendance et de liberté, méritent plus qu'un effort budgétaire, certes louable, mais une ambitieuse réforme des aides allouées au secteur. Compte tenu de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

............................................................................................................................................................

M. David Assouline - Je suis profondément attristé que nous n'ayons pas l'occasion de discuter de ces questions d'importance majeure en séance publique cette année. En dépit de nos divergences politiques, nous partageons tous, au sein de cette commission, un fort intérêt pour la culture et les sujets culturels. Le débat budgétaire en séance est généralement l'occasion d'expliquer les enjeux culturels à nos collègues des autres commissions. Il est regrettable que nous nous privions de cette opportunité, sans compter les risques que l'adoption d'une question préalable fait peser sur l'image du Sénat, dans un contexte de montée des discours populistes sur l'inutilité du rôle du Parlement, du Sénat en particulier.

Dans ces conditions, j'espère que l'Assemblée nationale votera l'augmentation de la redevance pour l'audiovisuel public, conformément au souhait de la ministre de la culture et de la communication, sur laquelle nous n'aurons pas la possibilité de nous prononcer, alors que je veux croire que nous aurions pu voter de concert. Elle permettra de sanctuariser une part des crédits dédiés à l'audiovisuel dans un contexte budgétaire menaçant avec la suppression de la publicité pendant les émissions télévisées destinées à la jeunesse et les incertitudes sur les projets à venir.

M. Louis Duvernois . - Je tenais à saluer la précision et la densité des rapports qui nous ont été présentés. En tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de France Médias Monde, j'ai été particulièrement sensible au rapport à la fois complet et fidèle à la réalité que Claudine Lepage nous a fait de l'audiovisuel extérieur. Je suis cependant surpris que n'ait pas été mentionnée la question de la diffusion de France 24 et de RFI sur le territoire national, pourtant évoquée par la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, lors de son audition devant notre commission la semaine dernière. France Médias Monde a d'ores et déjà décidé de cette orientation, mais il me paraîtrait nécessaire que nous l'appuyons dans cette démarche, d'autant que des difficultés techniques apparaissent dans l'attribution des fréquences pour la diffusion sur le territoire.

Mme Corinne Bouchoux . - Saluons le travail des rapporteurs, même s'il est effectué davantage pour la gloire dans le contexte particulier des conditions de discussion du projet de loi de finances cette année.

Ce travail a notamment permis de nous éclairer sur plusieurs problématiques.

Sur le budget de l'audiovisuel public, j'ai été sensible aux propos de Jean-Pierre Leleux concernant le nouveau regard à porter sur les ressources au travers de la question de la publicité.

Sur la presse, je me réjouis d'entendre que des évolutions dans la restructuration des prestataires paraissent possibles et que la fusion entre les deux messageries de presse ne constitue plus un tabou, dès lors que les obstacles sociaux auront été levés.

Sur l'audiovisuel extérieur, je remercie Claudine Lepage pour son éclairage concernant le travail fait par Mme Saragosse et M. Bigot respectivement en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde.

Pour compléter le rapport de Colette Mélot, je souhaitais rappeler que c'est à l'occasion d'une audition d'une mission d'information de notre commission que nous avions repéré, dès 2015, que les sommes dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne pouvaient leur être versées par la Hadopi en l'absence de texte réglementaire se référant à la compensation des opérations qu'ils mènent pour l'institution. Je me réjouis que le Conseil d'État ait mis un terme au contentieux entre les FAI et la Hadopi à ce sujet. Pour autant, se pose toujours la question du modèle économique de la Hadopi.

Si notre vote avait pu véritablement être pris en compte, le groupe écologiste se serait prononcé en faveur des crédits de la mission, tant nous nous félicitons du soutien aux livres, à l'audiovisuel extérieur, à l'audiovisuel, à la presse et aux kiosquiers que permettent les crédits.

M. Jean-Léonce Dupont . - Le travail fourni pas nos rapporteurs n'est pas inutile car il nous a apporté un précieux éclairage sur les évolutions et les enjeux des secteurs. Pour apprécier particulièrement cette chaîne, je me félicite ainsi d'apprendre le développement des programmes inédits sur Arte. Néanmoins, comme notre vote porte sur l'ensemble de la mission et non sur chacun des programmes, le groupe UDI-UC votera contre les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je souscris aux propos de Jean-Léonce Dupont. Si je me félicite plutôt des évolutions concernant France Médias Monde et Arte, je suis plus réservé concernant la situation de France Télévisions : c'est pourquoi je n'ai d'autre choix que de m'abstenir sur les crédits de cette mission, car mes avis diffèrent selon les programmes.

Par ailleurs, il est faux de dire que nous n'aurons pas de débat budgétaire cette année en séance : plusieurs heures de débat sont prévues, au cours desquelles nous pourrons nous exprimer et porter les couleurs de la culture dans l'hémicycle.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - Je n'ai effectivement pas abordé dans ma présentation les questions liées à France 24 et RFI car je les évoquerai dans quelques instants en vous présentant le projet de COM de France Médias Monde.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » . - Quelques mots pour saluer, une nouvelle fois, les efforts réalisés par les professionnels du livre et de l'édition au cours des dernières années. Je souhaite rappeler que je n'ai pas exprimé une position négative concernant les crédits du programme « livre et industries culturelles ». Quant au débat budgétaire, je partage les propos de Jean-Pierre Leleux : du temps a été ménagé pour nous permettre de nous exprimer en séance publique. Bien sûr, nous ne pourrons pas autant présenter en séance le fruit de notre travail que d'autres années, mais travailler pour la gloire peut aussi apporter quelques satisfactions !

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - Pour revenir à la question de la distribution mentionnée par Corinne Bouchoux, j'ai évidemment parlé de la possible fusion entre les Messageries lyonnaises de presse et Presstalis. Mais cette fusion n'est pas la seule option. J'évoque un certain nombre de pistes de mutualisation des moyens dans mon rapport écrit, que vous pouvez consulter.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nos travaux sont loin d'être inutiles car il en restera des traces, avec le compte rendu de notre réunion de ce matin et la publication prochaine des rapports pour avis. Concernant l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public, je dois dire que je n'y suis pas favorable tant qu'une réforme structurelle de la redevance n'aura pas été opérée au préalable et que le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) n'aura pas été entièrement réaffecté au financement de l'audiovisuel public.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page