Avis n° 144 (2016-2017) de M. Jean-Pierre LELEUX , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 24 novembre 2016

Disponible au format PDF (1,1 Moctet)


N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 1

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL

Par M. Jean-Pierre LELEUX,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2017 coïncide avec la mise en oeuvre de plusieurs nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) qui vont déterminer les moyens des sociétés de l'audiovisuel public pour les années à venir. Outre le COM de France Télévisions 2016-2020 et celui de France Médias Monde pour la même période, votre commission s'apprête à donner un avis sur le COM d'Arte France pour la période 2017-2021.

L'expérience montre que la proximité avec des échéances politiques majeures n'est pas favorable à l'annonce de réductions des moyens financiers pour des organismes publics. Nul ne sera donc surpris de constater que cet exercice de programmation stratégique et budgétaire s'accompagne d'une hausse des ressources pour les différentes entreprises de l'audiovisuel public alors même que le Gouvernement a renoncé à conduire la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), ce qui aurait pourtant eu pour mérite de sécuriser les ressources de l'audiovisuel public pour l'avenir.

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit ainsi une progression des crédits du compte de concours financiers de 1,6 % entre 2016 et 2017. Cette progression résulte, d'une part, de la hausse du produit de la CAP du fait de son indexation sur l'inflation (+ 1€) et de l'augmentation du nombre de redevables à hauteur de 38 millions d'euros et, d'autre part, de l'augmentation du plafond d'affectation de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à France Télévisions pour 25,5 millions d'euros, suite à l'adoption d'un amendement du Gouvernement lors de la discussion de l'article 17 du PLF 2017 lors de la première lecture à l'Assemblée nationale.

Cette hausse de plus de 63 millions d'euros des crédits du compte de concours financier permet une augmentation des dotations de chacun des organismes qui composent l'audiovisuel public, à l'exception de l'INA. France Télévisions bénéficie de la plus importante hausse avec 38,7 millions d'euros, soit 1,5 % de ses crédits, à comparer à la hausse de 4,4 millions d'euros (+ 0,2 %) intervenue l'année dernière.

LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AUDIOVISUEL DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

I. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AUDIOVISUEL DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. LES CRÉDITS PRÉVUS PAR LA MISSION « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

1. Un financement dorénavant indépendant du budget général de l'État

Depuis plusieurs années, le Gouvernement s'est employé à modifier le financement de l'audiovisuel public afin de supprimer sa dépendance aux subventions du budget de l'État au motif qu'une telle évolution permettait de renforcer son indépendance. Votre rapporteur pour avis n'est pas complètement convaincu qu'une telle évolution suffise à renforcer l'indépendance des médias concernés compte tenu des autres « leviers » dont dispose l'État pour se faire entendre, qu'il s'agisse du COM, qui fixe les moyens des entreprises sur plusieurs années, ou de la TOCE, qui demeure une ressource importante de France Télévisions. On ne peut toutefois négliger le fait que les crédits du budget général ont pour inconvénient de pouvoir faire l'objet de mises en réserve et de mesures de régulation tout au long de l'année qui constituent des menaces sinon sur l'indépendance tout du moins sur la pérennité des moyens et donc sur la capacité des entreprises à développer leur projet dans la durée.

Depuis l'année dernière, France Télévisions n'est donc plus financée par la mission « Médias, livre et industries culturelles » dans le cadre du programme 313 mais uniquement par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », créé par le VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, retrace en recettes :

- les encaissements de contribution à l'audiovisuel public et, depuis 2016, la part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France Télévisions, déduction faite des frais d'assiette, de recouvrement et de trésorerie ;

- et la prise en charge par le budget général de l'État des dégrèvements de contribution à l'audiovisuel public.

En dépenses, le compte retrace les dotations allouées aux organismes de l'audiovisuel public (France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel et la société TV5 Monde).

Celles-ci, conformément à la règle inscrite dans l'article instituant le compte de concours financiers, sont versées par douzième du montant inscrit en loi de finances initiale.

Source : Projet de loi de finances pour 2017 -
Projet annuels de performances « médias, livre et industries culturelles »

Si l'action n° 1 du programme 313 prévoyait encore, dans le PLF 2016 déposé à l'Assemblée nationale, d'accorder à France Télévisions 40,53 millions d'euros, le débat en première lecture a eu pour conséquence de supprimer complètement la dotation budgétaire pour la remplacer par un surcroît de produit de la TOCE pour un montant identique et un supplément de 25 millions d'euros pour répondre au besoin de financement de France Télévisions 1 ( * ) .

La mission « Médias, livre et industries culturelles » n'intervient plus, concernant l'audiovisuel que pour permettre le soutien à l'expression radiophonique locale.

Un soutien confirmé à l'expression radiophonique locale

Alors que dans le PLF 2016, l'action n° 10 du programme 313 portait les crédits en faveur du Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) à hauteur de 29 millions d'euros, ce programme est supprimé dans le PLF 2017. C'est maintenant le programme 180 désormais intitulé « Presse et médias » qui est appelé à porter ces crédits dont le montant est porté à 30,748 millions d'euros.

On peut rappeler que ces crédits sont particulièrement utiles pour soutenir le secteur radiophonique local associatif, garant de l'expression du pluralisme et de la communication de proximité. Cette aide publique est attribuée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité, lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. Chaque année, près de 700 radios associatives bénéficient de l'aide du FSER (665 en 2015) qui représente 40 % de leurs ressources.

Source : Projet de loi de finances pour 2017 -
Projet annuels de performances « médias, livre et industries culturelles »

2. Un financement modifié à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale

Le projet de loi de finances pour 2017 tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale prévoyait une hausse de deux euros du montant de la contribution à l'audiovisuel public soit un euro au titre de l'indexation sur l'inflation (la prévision retenue dans le PLF est de 0,8%) et un euro supplémentaire destiné à financer les différentes priorités du Gouvernement. Le produit de la contribution à l'audiovisuel publique (CAP) devait ainsi progresser de 63 millions d'euros TTC en 2017 par rapport à 2016 pour atteindre 3,790 milliards d'euros. Le PLF déposé à l'Assemblée nationale prévoyait également une affectation de 140,5 millions d'euros à France Télévisions au titre de la TOCE prévue à l'article 302 bis KH du code général des impôts.

La discussion du PLF en première lecture à l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier a donné lieu à une modification de ce financement consécutive à l'adoption d'un amendement déposé par Mme Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, tendant à limiter l'augmentation de la redevance à un euro . Afin ne pas remettre en cause la dotation de chacun des opérateurs de l'audiovisuel public telle qu'elle était envisagée par le compte de concours financiers, l'Assemblée nationale a été amenée à adopter un amendement du Gouvernement augmentant de 25,533 millions d'euros le plafond de la TOCE affectée à France Télévisions qui a été portée de 140,5 millions d'euros à 166,06 millions d'euros . Au terme du débat à l'Assemblée nationale il convient donc d'indiquer que le montant de la CAP sera donc en métropole de 138 € pour chaque foyer possédant un poste de télévision.

Votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de cette décision de l'Assemblée nationale qui constitue un pas dans la direction de la réaffectation de la totalité du produit de la TOCE au financement de l'audiovisuel public . Votre commission estime, en effet, qu'il n'est pas normal que la majeure partie du produit de cette taxe créée pour financer l'audiovisuel public serve en réalité aujourd'hui à financer le budget général.

B. UNE ABSENCE DE RÉFORME DE LA CAP QUI INQUIÈTE L'ENSEMBLE DES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. Une occasion définitivement manquée pour ce quinquennat

Votre rapporteur pour avis rappelle régulièrement que l'évolution des usages de la télévision, qui favorise le visionnage de contenus sur des tablettes et des smartphones , constitue une menace sérieuse pour le rendement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui repose exclusivement sur la possession d'un téléviseur.

Le taux de possession d'un téléviseur a commencé depuis trois ans à baisser d'un point par an. La poursuite de cette baisse du taux d'équipement constitue donc une menace certaine pour le financement des sociétés de l'audiovisuel public dans les années à venir. Seuls le dynamisme démographique et l'augmentation du nombre de foyers du fait des décohabitations permettent aujourd'hui de maintenir un rendement en augmentation.

La baisse de « l'effet assiette »

La hausse d'un euro supplémentaire prévue par le PLF initial déposé à l'Assemblée nationale avait moins pour objectif d'accroître les moyens de l'audiovisuel public que de maintenir un rendement équivalent entre 2016 et 2017.

On distingue, en effet, dans l'évolution du rendement de la CAP un « effet taux » induit par la hausse d'un euro supplémentaire qui rapporte « mécaniquement » 25 millions et un « effet assiette » qui est induit par la progression du nombre de foyers assujettis et d'autres effets comme les frais de gestion, la reprévision de sommes recouvrées au titre des exercices précédents et le montant de CAP perçue auprès des professionnels.

En 2016, l'« effet assiette » représentait +37 millions d'euros compte tenu d'une prévision de hausse de 1% du nombre de foyers assujettis (27,52 millions). En 2017, les services du ministère des finances ont été amenés à constater une forte baisse de l' « effet assiette » à 14 millions d'euros contre 37 millions en 2016 qui a été compensée par le projet d'augmenter de 2 euros le tarif de la CAP afin de maintenir à 64 millions d'euros en 2017 contre 62 millions en 2016 l'évolution prévisionnelle de l'encaissement net de la CAP.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution baissière des encaissements bruts. Tout d'abord, il convient de rappeler que l'évolution du nombre de foyers assujettis à la CAP qui était jusque-là envisagée à hauteur de 1 % a été ramenée à 0,7 % en reprévision 2016 et que ce taux qui a été reconduit en 2017. Ensuite, on constate un ralentissement de la hausse des encaissements bruts et nets de redevance entre 2016 et 2017 à +0,3 % alors que cette hausse était de +2 % pour les encaissements bruts et +2,2 % pour les encaissements nets entre 2015 et 2016. Ce ralentissement est à comparer à la hausse de +1,7 % des dotations aux entreprises de l'audiovisuel public. L'explication de ce décalage est à chercher dans l'accroissement important de la compensation pour dégrèvements versée par l'État qui augmente de 53,47 millions d'euros entre 2016 et 2017 grevant d'autant les encaissements nets de redevance 2 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis estime que la baisse de l'« effet assiette » sous l'action de la hausse des dégrèvements justifie d'autant plus le recours à la TOCE pour corriger les effets sur les ressources de l'audiovisuel public. Il considère, par ailleurs, que le fort ralentissement de la hausse du nombre de foyers assujettis rend d'autant plus urgente la réforme de l'assiette de la CAP qu'il appelle de ses voeux depuis plusieurs années.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Face au risque d'amoindrissement des ressources de l'audiovisuel public qu'occasionnerait une baisse du rendement de la CAP, une réforme de cette contribution est envisagée. Elle pourrait prendre la forme d'un élargissement de son assiette. L'intérêt de cette réforme est largement partagé puisque le Président de la République lui-même l'appelait de ses voeux lors d'un colloque organisé au CSA le 3 octobre 2014.

Depuis lors, le rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Jean-Marie Beffara, a plusieurs fois eu l'occasion de plaider en sa faveur, notamment dans un rapport rendu l'année dernière. Il se prononçait alors « en faveur d'une réforme qui s'inscrirait dans une approche neutre du point de vue des supports utilisés pour accéder au service public audiovisuel » 3 ( * ) qui serait inspirée du modèle britannique et se traduirait par un élargissement de l'assiette de la CAP aux tablettes et aux smartphones mais exclurait les postes de radio.

Votre rapporteur pour avis estime, pour sa part, que la réforme à mener doit concerner tous les programmes, y compris ceux de la radio publique et partir du principe que chacun a aujourd'hui accès, d'une manière ou d'une autre, aux programmes de l'audiovisuel public que ce soit à travers un récepteur de télévision traditionnel, un poste de radio, un ordinateur, une tablette ou un smartphone . En partant de ce principe, votre rapporteur pour avis a proposé de substituer à la redevance - qui repose sur la détention d'un matériel physique - une taxe applicable à tous les foyers comme cela se pratique maintenant en Allemagne et en Suisse.

2. Une réforme qui nécessitera du courage de la part du prochain Gouvernement

La réforme de la CAP n'aura malheureusement pas pu avoir lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017. Votre rapporteur pour avis comprend qu'une telle réforme était sans doute difficile à mener à quelques mois d'échéances politiques importantes.

Au moins peut-on se féliciter que la nécessité d'agir soit aujourd'hui une conviction largement partagée comme en témoigne les déclarations de la ministre de la culture et de la communication lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Elle a expliqué qu' « en ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement » .

Votre rapporteur pour avis estime que la réforme de la CAP devra être mise au premier rang des priorités du prochain quinquennat et plaide pour que l'élargissement de l'assiette à l'ensemble des foyers s'accompagne de l'affectation de la totalité du produit de la TOCE à l'audiovisuel public en contrepartie d'une baisse de la publicité.

Pour autant, votre rapporteur pour avis ne mésestime pas la difficulté que représentera une telle réforme pour le prochain Gouvernement . Non seulement elle aura pour conséquence de faire entrer davantage de foyers dans l'assiette ce qui n'est jamais populaire (la DGMIC évoque 800 000 foyers) mais le débat persistant dans notre pays sur la nécessité d'apporter plus de moyens à l'audiovisuel public complique le débat sur la réforme de la CAP, parfois perçu comme une volonté d'augmentation irrépressible des moyens dévolus à l'audiovisuel public.

Afin de dépasser ces difficultés, votre rapporteur pour avis rappelle qu'une telle réforme, pour avoir des chances de réussir, doit être faite en début de quinquennat, lorsque les échéances électorales sont lointaines et que la volonté d'agir connaît son acmé. Il propose également que cette réforme respecte un principe de neutralité, l'élargissement de l'assiette facteur de hausse du produit étant compensée par une baisse du tarif de 4 ou 5 euros qui profiterait à la grande majorité des foyers qui sont aujourd'hui assujettis. Un tel ajustement permettrait de moderniser la CAP pour l'avenir sans donner le sentiment qu'un surcroît de recettes viendrait réduire les attentes en termes de réformes à conduire dans chacune des entreprises de l'audiovisuel public.

L'AVENIR DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC MARQUÉ PAR LA RECHERCHE DE MUTUALISATIONS

II. L'AVENIR DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC MARQUÉ PAR LA RECHERCHE DE MUTUALISATIONS

A. LE RENFORCEMENT DES MUTUALISATIONS SE FAIT ATTENDRE

Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de regretter l'absence de coordination entre les différents COM des sociétés de l'audiovisuel public. Ce besoin de mutualisations a pourtant été mis en évidence par le rapport du groupe de travail sur l'avenir de France Télévisions coordonné par Marc Schwartz en février 2015. Celui-ci avait insisté sur la nécessité « de mieux coordonner les stratégies des groupes publics, notamment dans les domaines de l'information, du numérique, de la couverture des grands événements ou de la formation des personnels » . La mise en commun de moyens doit permettre à la fois de générer des économies et de dégager des marges de manoeuvre pour permettre d'améliorer l'offre de programmes sur l'ensemble des supports.

Suite au rapport Schwartz, un comité stratégique de l'audiovisuel public a été mis en place. Il s'est réuni le 21 octobre 2015 pour évoquer, en particulier, la nécessité de mieux coordonner les actions pour renforcer la cybersécurité suite à l'attaque qui a frappé TV5 Monde en avril 2015 et lancer un projet d'offre publique d'information en continu commun à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.

Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que le comité stratégique de l'audiovisuel public ne se soit pas réuni depuis l'automne 2015. Cette absence ne peut que confirmer le caractère non prioritaire des mutualisations dans l'audiovisuel public, ce qui est regrettable.

B. L'EXPÉRIENCE DE LA CHAÎNE FRANCEINFO CONSTITUE NÉANMOINS UN PRÉCÉDENT INTÉRESSANT

La présidente de France Télévisions a longtemps évoqué l'idée de lancer une nouvelle offre d'information, uniquement sur Internet, pour répondre au développement des nouveaux usages, notamment mobiles. Une nouvelle offre complète a été lancée le 1 er septembre 2016. Elle s'appuie sur la radio, une nouvelle application commune à Radio France et France Télévisions ainsi qu'une véritable chaîne de télévision dotée d'une fréquence hertzienne sur la TNT (canal 27) et diffusée par les principaux réseaux des opérateurs de télécommunication. À l'occasion de ce lancement, les habillages de la radio ont été revus et harmonisés de telle façon qu'une identité commune aux trois médias soit constituée.

Cette nouvelle offre d'information associe quatre sociétés de l'audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde ainsi que l'INA. Chacune de ces sociétés fournit des contenus qui peuvent être spécifiques (module, magazine, duplex...) qui, assemblés, permettent de constituer la grille de programme. Toutefois, c'est France Télévisions qui porte le projet et sa présidente qui en assume la responsabilité éditoriale, des conventions ayant été signées avec les autres sociétés pour définir les modalités de leur participation.

Cette organisation « souple » a permis de lancer le projet en un an, ce qui correspond à un délai relativement court pour une entreprise aussi complexe. Chacun des partenaires a proposé d'apporter son savoir-faire : l'INA en préparant des séquences extraites de ses archives, France Médias Monde en mettant à disposition son signal en français, la nuit, plusieurs magazines ainsi que des duplex sur les questions internationales tandis que Radio France a pris en charge, en particulier, l'interview du matin et les rappels de titres. L'absence de publicité - que votre rapporteur pour avis salue - et la multiplication des animations donnent à cette offre une « allure » particulière, plus proche d'un site comme YouTube que d'une chaîne de télévision, selon un dirigeant d'un groupe de télévision auditionné par votre rapporteur pour avis.

En revanche, la multiplication des formats donne également le sentiment que cette antenne manque d'unité et peine à conserver l'attention du téléspectateur en raison du style assez décousu qui résulte de la priorité donnée à des formats détachés de l'actualité « chaude ». Une modification de la grille est cependant prévue d'ici quelques semaines afin de renforcer sa cohérence et réduire cette difficulté.

En termes de moyens, la présidente de France Télévisions a expliqué à votre rapporteur pour avis qu'il n'existait pas à proprement parler de « rédaction » de la chaîne Franceinfo. Les effectifs dédiés devraient, à terme, être composés pour moitié de personnels redéployés et de recrutements. Compte tenu des délais très courts pour préparer le lancement de la chaîne, des CDD ont été conclus qui devraient être remplacés par des emplois permanents.

Après un effet « découverte » constaté lors du lancement, l'audience de la chaîne reste pour le moment assez faible. France Télévisions ne publie pas de chiffres au motif que le coût des études de Médiamétrie serait prohibitif compte tenu du budget de la chaîne (environ 1,5 million d'euros). Les résultats sont cependant plus satisfaisants sur Internet où l'application Franceinfo se classe maintenant en 4 e position derrière Le Figaro , Le Monde et L'internaute .

La direction de France Télévisions estime que la valorisation de l'application mobile en prolongement des différentes éditions d'information du groupe constitue une priorité. Elle se félicite en particulier que 60 % des 3,9 millions de vidéos vues l'aient été sur mobile et que l'audience du site soit 10 % supérieur à ce qu'étaient les audiences cumulées des sites de FranceTV Info et France Info.

Plan d'affaires prévisionnel de Franceinfo

(en milliers d'euros)

NB : Le coût net groupe inclut le coût net pour FTV des partenariats avec l'INA et FMM.

Source : France Télévisions

En termes de coût, le plan d'affaires prévoit qu'en 2017 le coût net pour le groupe France Télévisions sera de 15,8 millions d'euros. L'augmentation des redéploiements de personnels, à partir de 2018, devrait permettre d'abaisser le coût total. Votre rapporteur pour avis estime que le coût de cette nouvelle chaîne reste contenu grâce aux mutualisations. Il sera particulièrement attentif dans les mois qui viennent à l'évolution des contenus, qui, selon lui, doivent privilégier la rigueur, le sérieux et la neutralité.

L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

III. L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

L'analyse de la répartition des crédits par opérateurs laisse apparaître que France Télévisions, Arte, Radio France et France Médias Monde sont les grands bénéficiaires en 2017 de l'augmentation des moyens de l'audiovisuel public. La hausse des moyens de TV5 Monde est plus mesurée tandis que l'INA conserve des moyens identiques pour la troisième année consécutive, conformément à son COM.

Évolution des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » depuis 2013

(AE = CP, en euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En termes relatifs, ce sont Arte-France et France Médias Monde, dont les COM ont été arrêtés en 2016, qui profitent le plus de cet accroissement des crédits.

Évolution des crédits accordés entre 2016 et 2017 1

Source : réponse au questionnaire budgétaire

1 Montants toutes taxes

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE HAUSSE CONTENUE DES MOYENS

1. Une feuille de route qui ne lève pas tous les doutes en 2017

L'accroissement des moyens de France Télévisions, qui devrait représenter + 38,7 millions d'euros de ressources publiques en 2017, est certes limitée si l'on considère qu'elle ne représente que 1,5 % des ressources publiques de l'entreprise. Elle tranche avec les baisses de dépenses qui caractérisent les chaînes privées français et les autres grands groupes publics européens.

a) Des réformes menées avec pusillanimité

La négociation du nouveau COM de France Télévisions s'est faite à cadre constant, qu'il s'agisse des structures - en l'absence de rapprochements des entreprises de l'audiovisuel public - ou des ressources - faute de réforme de la CAP - et sans véritable souci de privilégier la recherche d'économies. Cette prudence du Gouvernement ne pouvait qu'aboutir à une forme de reconduction des moyens et des objectifs. Faute de clarification du modèle économique et de l'identité même du groupe, l'entreprise est condamnée à essayer de faire mieux sans véritablement maîtriser son destin compte tenu des incertitudes qui demeurent .

La publicité n'a certes pas été rétablie en soirée depuis 2012 mais elle reste trop importante pour que les enjeux d'audience passent au second plan dans la programmation. Par ailleurs, l'interdiction de la publicité en soirée a toujours été conçue comme une étape provisoire avant sa suppression totale, la transformation de cette solution intérimaire en situation permanente ne peut être considérée comme satisfaisante.

L'absence de réforme de la CAP constitue par ailleurs « une falaise », selon l'expression employée par Mme Delphine Ernotte devant votre commission de la culture. Celle-ci pourrait vite devenir infranchissable et la signature d'un accord limité sur la production 4 ( * ) ne permet pas au groupe de changer radicalement de modèle concernant ses investissements dans la production audiovisuelle , même s'il s'agit déjà d'un progrès considérable.

La poursuite du projet Info 2015 constitue ensuite une bonne nouvelle, mais l'absence d'objectifs en termes de réduction d'effectifs montre que le groupe n'est toujours pas géré comme une entreprise « normale », les rapprochements de moyens ayant par nature vocation à dégager des économies dans l'économie « réelle ».

Votre rapporteur pour avis pourrait multiplier à l'envi les exemples qui démontrent que si les réformes engagées sont bien réelles - ce qu'il salue - elles gagneraient à être menées en « desserrant le frein à main » .

Faute de véritable soutien de la part du Gouvernement pour rendre le groupe plus compétitif, la direction de France Télévisions donne le sentiment de ne pas avancer dans la transparence pour se prémunir des résistances et éviter autant que possible un conflit social de grande ampleur à l'image de celui qu'a traversé Radio France en 2015. Bien entendu, cette prudence et ce souci de rechercher des évolutions mesurées sont aussi une façon d'avancer en s'inscrivant dans l'horizon du possible et du réalisable. Quoi qu'il en soit, les défis qui attendent le groupe public sont considérables sur le front de la concurrence des nouveaux acteurs, du développement des nouveaux usages et des menaces qui planent sur son modèle économique.

À défaut de garantir l'avenir, les actions menées en 2017 par la direction de France Télévisions auront au moins le mérite de mettre en évidence la voie à suivre, lorsque les autorités politiques seront décidées à accélérer le rythme et approfondir l'ampleur des changements devenus indispensables.

b) Plusieurs chantiers à mener à bien en 2017

Votre rapporteur pour avis estime que des inflexions au nouveau COM gagneraient à être portées sur certains chantiers prioritaires dès 2017, le cas échéant à travers l'adoption d'un avenant.

La réforme de France 3 constitue probablement la « grande oubliée » du nouveau COM . Des perspectives sont certes dessinées afin de développer la production à caractère régional et la direction de l'entreprise estime avoir trouvé un compromis permettant d'avancer vers une réorganisation territoriale. Les 24 éditions d'information locales seraient ainsi maintenues mais les nouvelles productions seraient réalisées dans le cadre des 13 nouvelles régions. Là encore, si l'on peut comprendre la prudence du management, on ne peut que regretter l'absence de cohérence dans la réforme et espérer une plus grande clarification dans l'organisation de la chaîne des régions à laquelle les élus demeurent profondément attachés.

Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de se réjouir de la perspective réaffirmée par la présidente de France Télévisons de faire aboutir le rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 à l'horizon 2018. Un tel rapprochement n'allait pas de soi tant les deux rédactions ont appris au cours du temps à entretenir une culture de concurrence et une prévention réciproque. Pour autant, ce chantier se poursuit avec le rapprochement des différents services qui composent les rédactions et la présidente de France Télévisions a estimé que « le point de bascule était atteint » malgré la persistance de mouvements sociaux dans les rédactions. Pour autant, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que ce projet de rapprochement n'ait eu ni pour objectif ni pour conséquence de permettre l'ajustement des moyens, alors même que le nombre des journalistes de l'entreprise peut être considéré comme particulièrement significatif au regard des standards européens des entreprises du service public.

Concernant l'évolution des effectifs, la présidente de France Télévisions a réaffirmé sa confiance dans la capacité de l'entreprise à maintenir le rythme des non-renouvellements des départs à la retraite (avec un objectif de 500 ETP en moins) au cours du prochain COM.

Interrogée sur les rémunérations multiples mises en évidence par un récent rapport de la Cour des comptes, Mme Delphine Ernotte a indiqué avoir engagé des échanges avec les animateurs concernés afin qu'ils ne bénéficient plus de rémunérations complémentaires à leur salaire payé par France Télévisions.

Votre rapporteur pour avis, lors de l'examen du COM par votre commission de la culture, s'était inquiété de l'avenir de la plateforme SVOD du groupe public. Les échanges menés depuis avec la direction de l'entreprise tendent à montrer que ses inquiétudes ont été comprises et entendues. Ce projet, qui reste très pertinent sur le fond, ne semble plus considéré, en effet, comme une évidence à mettre en oeuvre à tout prix. La présidente de France Télévisions évoque maintenant des conditions à respecter pour valider le projet, qui indiquent que la décision n'est pas prise (nécessité d'un partenaire doté d'un catalogue, viabilité sans recourir à la CAP, cohérence avec les programmes du groupe...). Votre rapporteur pour avis réaffirme son souhait que ce projet de plateforme SVOD fasse l'objet d'un débat devant les commissions compétentes du Parlement avant que la décision finale ne soit prise au cours de l'année 2017.

Enfin, dans un souci de transparence, France Télévisions va renforcer les modalités de validation des achats de programmes à des sociétés de production qui emploient des conseillers de programmes issus du groupe. Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer cette initiative qui vise à répondre aux abus qui existeraient dans ce domaine.

2. Un développement préservé des ressources propres
a) Une meilleure valorisation des droits attachés à la production audiovisuelle

La diversification des ressources de France Télévisions constitue un chantier prioritaire. Le groupe vise un surcroît de recettes de 15 millions d'euros à l'horizon 2020 résultant d'une meilleure valorisation des investissements dans la production audiovisuelle, d'une relance de la stratégie de distribution par les filiales commerciales du groupe (notamment France Télévisions Distribution) et du lancement d'une plateforme SVOD.

Si votre rapporteur pour avis reste prudent sur le projet de plateforme SVOD compte tenu des risques industriels dont il est porteur, il ne peut que se féliciter de l'accord professionnel conclu par France Télévisions le 10 décembre 2015 avec plusieurs organisations de producteurs audiovisuels (USPA, SPI, SPFA, SATEV). Cet accord faisait écho à la volonté, exprimée par votre rapporteur pour avis, à l'occasion du débat au Sénat sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, de modifier dans la loi le niveau de production dépendante 5 ( * ) et le critère de l'indépendance des producteurs.

Le décret n° 2016-752 du 6 juin 2016 a modifié le cahier des charges de France Télévisions afin de permettre l'application de l'accord du 10 décembre 2015. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Mme Delphine Ernotte a confirmé que l'accord était maintenant effectif et qu'il allait permettre à France Télévisions de mieux valoriser ses droits sur ses investissements dans la production audiovisuelle. Elle a également précisé qu'en 2017, MFP - la filiale de production interne - ne devrait pas être en mesure de porter sa part de production dépendante au-delà de 6 ou 7 %. Compte tenu du nouveau quota de production dépendante dont dispose France Télévisions, ce sont donc 18 % au moins des nouvelles productions financées par France Télévisions qui pourront bénéficier des droits élargis prévus dans le cadre de la « zone de souplesse ».

b) Une consolidation des recettes publicitaires grâce à la réforme des parrainages

La place de la publicité sur le service public continue à poser question. Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter que le principe de l'interdiction de la publicité après 20 heures n'ait pas été remis en cause au cours du quinquennat qui s'achève, malgré les demandes répétées des directions successives de France Télévisions.

Pourtant, la situation actuelle demeure indécise puisque cette interdiction en soirée n'a jamais constitué un objectif mais seulement une étape sur la voie d'une interdiction totale. Le maintien de cet entre-deux ne fait donc guère de sens puisque le groupe public se voit privé de publicité au moment où celle-ci est la plus rentable et doit se contenter d'en proposer en journée, notamment au moment où un public fragile comme celui des enfants regarde la télévision. Cette situation affaiblit grandement la capacité d'action de la régie de France Télévisions qui a perdu du terrain face aux autres régies et doit maintenant faire face à de nouveaux concurrents comme les chaînes du groupe Altice. Une remise à plat est donc nécessaire et votre rapporteur pour avis ne peut que rappeler son souhait de voir supprimée la publicité sur les antennes du service public afin de renforcer leur spécificité

Une telle évolution semble d'autant plus nécessaire qu'une certaine incertitude caractérise la publicité à la télévision compte tenu de la concurrence de plus en plus affirmée des grands acteurs de l'Internet.

Sur la période 2012-2016, les recettes publicitaires de France Télévisions ont déjà connu une baisse de 11,4 % ; elles sont passées de 372,2 millions d'euros à 329,7 millions d'euros . En 2017, les recettes devraient augmenter, à 334,7 millions d'euros (+1,5 %), mais cette évolution reste conditionnée à l'évolution des audiences qui ont connu quelques déconvenues à la rentrée de septembre 2016 l'après-midi. À cet égard, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que l'audience continue à représenter un facteur déterminant dans le choix des programmes du groupe public, en particulier l'après-midi. Il espère qu'à l'avenir, dans le cadre d'un nouveau modèle économique, il lui sera possible de privilégier davantage des objectifs plus qualitatifs comme la recherche de l'originalité, l'innovation ou la plus-value culturelle, conformément à un objectif de différenciation.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète, par ailleurs, de la pratique du parrainage qui a tendance à rétablir subrepticement la publicité sur le service public de 20 h 30 à 21 heures, en multipliant les programmes courts « emballés » de messages publicitaires. Cette évolution revient à retarder à 21 heures le début des programmes de soirée, ce qui, à terme, devrait se traduire par une forte incitation, pour les téléspectateurs, à privilégier une consommation délinéarisée et tend à limiter la « différence » du service public par rapport aux chaînes privées.

3. Une amélioration de la situation financière qui tient tant aux efforts de l'entreprise qu'aux choix de l'actionnaire

À défaut de mettre en oeuvre un nouveau modèle économique et financier, le Gouvernement et la direction de l'entreprise poursuivent le redressement comptable du groupe grâce à une augmentation des ressources publiques et la réduction des effectifs.

a) Les ressources publiques en 2016

Le budget pour 2016 de France Télévisions prévoyait des ressources publiques à hauteur de 2,509 milliards d'euros, un résultat d'exploitation de + 3,5 millions d'euros et un résultat net à l'équilibre (+ 0,3 million d'euros). C'est une évolution notable par rapport aux précédents exercices, marqués par un résultat net en déficit de 38,4 millions d'euros en 2014. France Télévisions avait terminé l'exercice 2015 avec un résultat net de - 0,2 million d'euros alors même que ses ressources étaient en retrait de 30 millions d'euros par rapport à l'avenant au COM 2013-2015, du fait, en particulier, d'une baisse de 25 millions d'euros des recettes publicitaires.

L'amélioration constatée en 2016 tient d'abord à la hausse de la subvention publique à hauteur de 28,8 millions d'euros , qui trouve son origine dans un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'occasion de la précédente loi de finances, accroissant de 25 millions d'euros la dotation globale en faveur de France Télévisions pour 2016. Cette hausse des ressources a eu pour contrepartie des efforts de la part de l'entreprise pour réduire ses charges d'un montant équivalent.

Votre rapporteur pour avis approuve le choix de présenter des comptes à l'équilibre depuis 2015. Il reconnaît que, le montant de la subvention en 2016 restant inférieur à ce qu'il était en 2012, cet objectif de saine gestion n'ait pas aisé à atteindre pour l'entreprise. Il constate néanmoins que l'effort de l'actionnaire a été indispensable pour rétablir l'équilibre des comptes, ce qui impose de s'interroger sur l'ampleur des réformes menées par l'entreprise compte tenu du potentiel d'économies qui existe.

Votre rapporteur pour avis considère que les efforts réalisés pour maîtriser la masse salariale - qui ont permis de faire baisser le nombre d'ETP de 10 490 en 2012 à 9 932 en 2015 - doivent être poursuivis comme le prévoit le COM 2016-2020. Les gains de productivité rendus possibles par l'utilisation du numérique, le développement de la polycompétence, comme la poursuite des mutualisations, doivent permettre d'avancer dans cette voie. La mise en place d'une rédaction unique, à partir de 2018, doit ainsi constituer une étape essentielle pour mieux adapter les moyens aux missions en s'inspirant des meilleures pratiques en vigueur dans les sociétés de l'audiovisuel public en Europe (BBC, RTBF...).

b) Les ressources publiques en 2017

La direction de France Télévisions s'est donnée pour objectif d'équilibrer ses comptes chaque année au cours de l'exécution du COM tout en poursuivant la transformation de l'entreprise. Le besoin de financement, estimé à 150 millions d'euros sur la période 2016-2020, serait ainsi pris en charge aux deux tiers par l'entreprise à travers ses efforts de productivité et pour un tiers par l'actionnaire à travers une hausse de la subvention.

Si les ressources publiques augmentent de 63 millions d'euros à l'horizon 2020, cette hausse devrait être de 37,9 millions d'euros en 2017 à 2 547,7 millions d'euros hors taxes.

Les autres ressources augmentent également. Les recettes publicitaires (334,7 millions d'euros en 2017) devraient bénéficier d'un nouveau régime du parrainage fin 2016 qui pourrait constituer un potentiel de 10 millions d'euros de recettes nouvelles à partir de 2017 tandis que les recettes publicitaires numériques devraient également augmenter dans les années à venir (+4 millions d'euros d'ici 2020).

4. Un nouveau COM 2016-2020 qui ne garantit pas complètement l'avenir de France Télévisions

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour la période 2016-2020 entrera en fait en application en 2017, c'est-à-dire avec un an de retard par rapport au début de la période qu'il est censé couvrir et à quelques mois d'échéances électorales importantes. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter ce calendrier qui affaiblit cet exercice de programmation stratégique.

Certaines des hypothèses sur lesquelles ce contrat est fondé - les recettes de CAP et celles de publicité en particulier - apparaissent fragiles, ainsi que l'a reconnu elle-même la présidente de France Télévisions lors de son audition devant votre commission de la culture, et les choix politiques de l'État posent question alors que c'est un nouveau Gouvernement qui, à partir du printemps 2017, aura à assumer la mise en oeuvre de ce COM. Nul ne doit, en réalité, douter que compte tenu des incertitudes qui entourent ce document de programmation, il est plus que probable qu'un avenant devrait être rapidement nécessaire pour, à la fois, confirmer les ressources du groupe public et préciser ses objectifs.

Votre rapporteur pour avis considère qu'il aurait donc été préférable d'adopter un document provisoire ou transitoire plutôt qu'un COM de cinq ans dont la pérennité est plus que fragile.

a) Les grandes lignes du cadrage financier du nouveau COM

Les grands équilibres financiers de ce COM sont les suivants :

- les ressources publiques de France Télévisions augmenteront de 63 millions d'euros entre 2016 et 2020 pour passer de 2 509,7 millions d'euros à 2 572,7 millions d'euros . Cette hausse, financée exclusivement par la CAP, représente une augmentation de + 2,51 % en cinq ans. À noter que, sur la période concernée, cela correspond à une augmentation cumulée des moyens de 215 millions d'euros ;

- contrairement au COM de Radio France présenté en déficit, le COM de France Télévisions prévoit un résultat net positif sur les cinq années : + 0,3 million d'euros en 2016, + 1,1 million d'euros en 2017, + 3,8 millions d'euros en 2018, + 1,3 million d'euros en 2019 et + 1,6 million d'euros en 2020 ;

- on n'assiste pas à une baisse de la masse salariale puisque celle-ci augmente de + 15 millions d'euros (de 895 millions d'euros en 2016 à 910 millions d'euros en 2020), mais au moins cette hausse est-elle limitée . La direction de France Télévisions souligne que l'évolution naturelle des augmentations de salaires (GVT) équivaudrait, sur la période du COM, à une hausse de la masse salariale de + 60 millions d'euros. La hausse de 15 millions d'euros constituerait donc - à l'entendre - un ralentissement de l'évolution naturelle dû au non remplacement de la moitié des 1 000 départs à la retraite attendus sur cette période. Interrogée par votre rapporteur pour avis, la présidente de France Télévisions s'est montrée confiante sur cet objectif en observant qu'il ne prenait pas en compte les démissions qui constituent un autre facteur de baisse des effectifs.

Les trois priorités du COM concernant les contenus sont clairement énoncées : des moyens supplémentaires pour la création (+20 millions d'euros) un renforcement de l'information avec la chaîne Franceinfo et le développement numérique (nouvelle plateforme replay et plateforme SVOD).

Progression des ressources publiques de France Télévisions COM 2016-2020

(en milliards d'euros HT)

2016

2017

2018

2019

2020

Total

0

38

55

59

63

215

Source : réponse au questionnaire budgétaire

b) Les orientations à saluer du nouveau COM

Plusieurs points positifs figurent dans ce document qui répondent aux préoccupations du Sénat telles qu'elles ont été formulées dans le rapport 6 ( * ) rédigé par votre rapporteur pour avis avec notre collègue André Gattolin sur un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public.

Votre rapporteur pour avis estime en particulier qu'au moins cinq caractéristiques du nouveau COM méritent d'être saluées :

- premièrement, l'audiovisuel public souffre à la fois d'une tutelle pesante et d'injonctions contradictoires qui rendent difficile la définition d'une stratégie. Comme le recommandait le rapport Schwartz, le COM a donc été revu dans sa forme et le nombre d'indicateurs réduit pour en faire un document synthétique de pilotage stratégique davantage qu'un outil de suivi de l'application du cahier des charges. Votre rapporteur pour avis approuve cette orientation et estime qu'elle doit encore être approfondie ;

- deuxièmement, si ce COM ne prévoit malheureusement pas de regrouper les moyens de l'audiovisuel public au-delà de l'expérience de la chaîne Franceinfo qui associe les équipes de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA, cette nouvelle chaîne d'information est la preuve qu'un tel regroupement de moyens est possible et permet de développer des projets nouveaux qui permettent de mobiliser les équipes sur une nouvelle ambition ;

- troisièmement, l'objectif de hausse des recettes commerciales (de 11,3 millions d'euros en 2015 à 32,1 millions d'euros en 2020) par une meilleure valorisation des droits attachés aux programmes audiovisuels destinés à l'exportation répond au souci exprimé par votre rapporteur pour avis lorsqu'il a défendu une réforme de la réglementation de la production audiovisuelle dont est notamment issu l'accord du 10 décembre 2015 entre France Télévisions et les producteurs indépendants ;

- quatrièmement, le plan d'affaires de France Télévisions prévoit une baisse des recettes publicitaires de 329,7 millions d'euros en 2016 à 324,7 millions d'euros en 2020 qui s'explique par la prise en compte de la suppression de la publicité autour des émissions jeunesse (- 20 millions d'euros) non compensée entièrement par la réforme des parrainages qui devrait permettre un supplément de recettes. La suppression de la publicité est défendue par de nombreux sénateurs et une proposition de loi supprimant la publicité autour des émissions jeunesse, adoptée en première lecture le 21 octobre 2015 par le Sénat et le 14 janvier 2016 par l'Assemblée nationale, doit être à nouveau examinée le 7 décembre prochain par le Sénat. Son adoption conforme par notre assemblée en deuxième lecture rendrait effective cette interdiction à partir de 2018 et constituerait une première étape vers le changement de modèle économique de France Télévisions ;

- cinquième point, les crédits en faveur de la création audiovisuelle augmentent de 20 M€ par an à 420 M€, ce qui permet de retrouver le niveau de 2012 . Ces moyens supplémentaires s'accompagnent d'un effort demandé aux producteurs pour réduire le coût des productions. L'objectif est de pouvoir financer davantage de projets et de mettre l'accent sur l'innovation. France Télévisions prévoit d'ouvrir de nouvelles cases horaires à la création audiovisuelle originale hors prime time (en seconde partie de soirée et le dimanche vers 19 heures). C'est une évolution que nous ne pouvons qu'approuver, de même que la diversification des genres et des écritures.

c) Cinq craintes qui ne permettent pas de donner un avis favorable au COM 2016-2020

Si le nouveau COM comprend des avancées importantes, plusieurs craintes ont amené votre rapporteur pour avis à recommander à votre commission de donner un avis défavorable à ce document, ce qu'elle a fait le 17 octobre 2016 .

Au moins cinq caractéristiques du nouveau COM ne lui permettent pas d'assurer pleinement l'avenir de France Télévisions :

- l'absence de réforme de la CAP crée une incertitude sur le financement des moyens nouveaux alloués à France Télévisions au cours de l'exécution du COM. En cas de baisse du rendement de la CAP suite à l'évolution des usages, il deviendra nécessaire d'augmenter à due concurrence le tarif de la CAP, de prévoir des crédits budgétaires supplémentaires ou d'engager une baisse des dépenses. La présidente de France Télévisions, Mme Delphine Ernotte, a elle-même reconnu, lors de son audition devant votre commission, que le rendement de la CAP risquait de baisser et qu'une réforme de la CAP était nécessaire. Votre rapporteur pour avis s'interroge, dans ces conditions, sur la solidité des hypothèses financières et, par voie de conséquence, sur la sincérité de ce document ;

- la stabilisation du niveau des recettes publicitaires repose sur l'hypothèse que les « GAFA » n'augmenteront pas leur chiffre d'affaires publicitaire au détriment des médias audiovisuels. Une telle hypothèse apparaît hautement improbable à votre rapporteur pour avis , compte tenu des évolutions déjà en cours. Les chaînes privées connaissent aujourd'hui une baisse significative de leurs revenus publicitaires et votre rapporteur pour avis considère que le service public n'est pas à l'abri de cette évolution, d'autant plus que la régie publicitaire de France Télévisions connaît des difficultés spécifiques liées à son impossibilité de proposer des messages publicitaires en soirée ;

- le troisième regret concerne les nécessaires mutualisations et rapprochements. La concomitance du renouvellement de plusieurs COM - France Télévisions, France Médias Monde et Arte - constituait une opportunité extraordinaire pour engager véritablement une convergence des moyens et une coordination des stratégies . La réalisation d'un « COM commun » avait également été évoquée par certains députés l'année dernière. Dans un contexte marqué par la nécessité de maîtriser les moyens de l'audiovisuel public il existe un impératif catégorique à identifier les sources d'économies le COM ne fait aucune allusion à la nécessité d'évaluer précisément le montant des économies qui pourraient être réalisées grâce à l'approfondissement des mutualisations ;

- le quatrième sujet d'inquiétude concerne le projet de plateforme SVOD . Alors que TF1 et M6 ont renoncé à lancer une plateforme commune à leurs deux groupes faute de modèle économique en l'état de la réglementation, on ne peut qu'être prudent sur la possibilité pour France Télévisions de se lancer « en solo » dans cette aventure alors même que le marché est déjà saturé par Netflix, Canalplay et SFR et que de nouveaux entrants devraient arriver sous peu comme Amazon et HBO. Il ne faut pas oublier le coût d'un échec dans ce domaine qui peut être élevé comme en attestent les mésaventures de Canal+ en Allemagne avec sa plateforme SVOD « Watchever », lancée en 2013, qui en deux ans a accumulé 135 millions d'euros de pertes...

Votre rapporteur pour avis a donc demandé à France Télévisions de ne pas considérer comme acquis le lancement de cette plateforme SVOD tant qu'un plan d'affaires rigoureux n'aura pas été élaboré et a souhaité qu'un débat au Parlement dans les commissions compétentes précède toute décision sur la mise en oeuvre de ce projet ;

- le cinquième point d'inquiétude soulevé par votre rapporteur pour avis concerne l'évolution de la gouvernance et du climat social dans l'entreprise. Si l'objectif consistant à développer la polycompétence doit effectivement être poursuivi, les difficultés rencontrées dans l'application du projet Info 2015 de rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 - attendu maintenant pour 2018 - mettent en évidence les difficultés à mener des réformes dans l'entreprise.

Votre rapporteur pour avis considère, au final, qu'un projet ambitieux pour le service public constitue une condition nécessaire pour faire accepter les efforts demandés aux personnels qui ne doivent pas se voir proposer pour perspectives qu'une réduction des moyens et des ambitions. Dans cet esprit, le projet de chaîne d'information en continu a démontré l'intérêt de nouveaux projets fondés sur la mutualisation des compétences de l'audiovisuel public.

B. ARTE-FRANCE : LA RÉUSSITE ÉCLATANTE D'UNE CHAÎNE AUX MOYENS LIMITÉS

1. Le bilan très satisfaisant du précédent COM

Auditionnée par votre commission de la culture le 30 novembre 2016 afin de présenter le nouveau COM de la chaîne franco-allemande pour la période 2017-2021, la présidente d'Arte-France, Véronique Cayla, a eu raison de souligner le bilan très positif du précédent COM, salué par l'ensemble des membres de la commission.

Pour mémoire, le précédent COM fixait plusieurs missions à la direction de la chaîne :

- renforcer ses liens avec ses publics et élargir son audience ;

- s'affirmer comme un média global de référence pour la culture et la création européenne auprès d'un large public ;

- faire évoluer l'offre de services grâce aux nouveaux médias et continuer à améliorer et moderniser sa gestion.

Les résultats obtenus sont, en effet, au-delà de toutes les espérances puisque l'audience a augmenté de + 50 % en France en 5 ans (2,2 % de parts d'audience contre 1,5 %) et de + 30 % en Allemagne.

Les fondements de cette relance sont à rechercher dans les programmes. La tranche info de 19h45 a trouvé un ton et un style de grande qualité. Les reportages sont également appréciés de même que les soirées consacrées à la fiction et au cinéma d'auteurs.

Sur Internet, Arte a multiplié les initiatives en lançant des plateformes comme Arte Concert, Arte Creative, Arte info...

La stratégie européenne se poursuit. Après avoir ajouté l'anglais et l'espagnol dans ses langues de diffusion, Arte prévoit de diffuser prochainement des programmes en polonais.

2. Une priorité donnée à la production d'inédits en 2017 en cohérence avec le nouveau COM

Alors que le précédent COM prévoyait de mettre l'accent sur une relance éditoriale et le développement numérique, le projet de COM 2017-2021 d'Arte, qui sera examiné par votre commission le 7 décembre 2016, a pour principale ambition l'augmentation des programmes inédits. L'objectif est, en particulier, de pouvoir réduire les rediffusions en journée avec un objectif de + 15 % d'inédits d'ici 2021.

Le nouveau COM prévoit également d'accentuer le caractère européen des programmes et d'améliorer leur déploiement en Europe grâce au numérique dans le cadre d'une gestion toujours maîtrisée.

Les neuf objectifs du nouveau COM 2017-2021

1) Le 1 er objectif vise à augmenter les engagements dans la création de près de 10 % en 2017 , ce qui, sur l'ensemble de la période, signifie un passage de 77 millions d'euros en 2016 à 90 millions d'euros à la fin de la période du COM ;

2) Le 2 e objectif illustre l'axe stratégique du COM 2017-2021 : augmenter l'offre de programmes inédits , c'est-à-dire l'apport de programmes inédits d'ARTE France à la chaîne ARTE, qui va croître de 15 % à l'horizon 2021 et de 7 % dès 2017 ;

3) Le 3 e objectif vise à disséminer le plus largement possible les programmes sur tous les supports et les territoires afin de multiplier par deux le nombre de vidéos vues ;

4) Le 4 e objectif consiste à proposer au public un minimum de 85 % d'oeuvres européennes dans les oeuvres diffusées ;

5) Le 5 e objectif prévoit qu'Arte s'engage à affecter au minimum 3,5 % de ses ressources à la co-production d'oeuvres cinématographiques ;

6) Le 6 e objectif concerne la part d'audience en France : la chaîne devra veiller à conserver un niveau égal ou supérieur à 2,2 % de part de marché en France ;

7) Le 7 e objectif est de faire croître les recettes commerciales de 10 % dans la période du COM ;

8) Le 8 e indicateur vise à conserver des charges de structure inférieures à 2,4 % des ressources ;

9) Le 9 e indicateur ambitionne de conserver des charges de personnel inférieures à 7,7 % des ressources.

Ces deux derniers objectifs soulignent la structure originale d'ARTE France, dont l'essentiel du budget est consacré à la coproduction et à l'achat de programmes.

Source : ARTE France

La présidente d'Arte est convaincue que la consultation en mode délinéarisé des programmes va devenir le mode de diffusion dominant. La chaîne va donc multiplier les modes de diffusion sur Internet et sur les réseaux sociaux. Le régime spécifique dont bénéficie Arte dans ses relations avec les producteurs constitue à cet égard un avantage important puisque la chaîne est une des rares à disposer de droits qui lui permettent de proposer des films de cinéma en replay sur Arte+7.

Dès 2017, la priorité sera donnée aux programmes grâce aux 10 millions d'euros supplémentaires de crédits. Ces nouveaux crédits s'inscrivent dans l'enveloppe de 280 millions d'euros TTC (274,3 millions d'euros HT) inscrits au programme 842. L'entreprise devrait également bénéficier du report à nouveau prévisionnel disponible à l'issue de l'exercice 2016 à hauteur de 3 millions d'euros pour augmenter ses investissements dans les programmes.

À noter, enfin, qu'Arte devrait bénéficier d'une baisse sensible de ses frais de diffusion (à hauteur de - 5,8 millions d'euros) du fait de l'arrêt de la diffusion sur la TNT et sur le satellite en SD et des nouvelles modalités de répartition des charges sur les multiplex HD.

Les principales caractéristiques du plan d'affaires d'Arte France

- Le plan d'affaires traduit un soutien fort des pouvoirs publics. En 2017 la redevance attribuée à Arte s'accroît de 10 millions d'euros (+3,8 %) et de +2,7 % en moyenne sur la durée du COM 2017-2021 ;

- Les recettes commerciales, qui vont croître de 10 % sur la période du COM, sont essentiellement constituées du produit net de la commercialisation des programmes et de la distribution internationale, notamment de documentaires ;

- En ce qui concerne les charges, la priorité est donnée aux investissements dans les programmes et la création. La totalité des ressources supplémentaires octroyées à la chaîne en 2017 sera allouée aux programmes, somme à laquelle s'ajouteront 3 millions d'euros restant dans le fond de roulement. Au total le budget de programme sera augmenté de + 13 millions en 2017 et de + 25 millions à l'horizon 2021 .

- Une légère croissance de la masse salariale est prévue pour accompagner la modernisation de l'entreprise, la masse salariale restant toujours maîtrisée.

- Les frais de structure font l'objet d'économies, grâce à une politique d'appel d'offres systématique et très efficace. Il était prévu que ces frais atteignent 9 M€ dans le COM précédent en 2016, alors qu'ils sont aujourd'hui inférieurs à 8 M€ et sont prévus à 8,4 M€ en 2021.

- Le budget d'ARTE France sert aussi à financer ARTE G.E.I.E à Strasbourg. L'apport d'ARTE France, comme celui de la partie allemande, doit progresser de 2 % par an en moyenne, sur l'ensemble de la période.

Source : ARTE France

C. RADIO FRANCE : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE QUI SE FAIT TOUJOURS ATTENDRE

La situation de Radio France demeure la plus délicate de l'ensemble de l'audiovisuel public. Les fragilités apparues depuis 2015 et illustrées par le premier déficit de l'histoire de l'institution ne sont pas résorbées aujourd'hui, bien au contraire. L'absence de véritable feuille de route donnée à l'entreprise dans le nouveau COM comme la dégradation du climat social consécutive à la grève qui a touché le groupe du 11 février au 12 mars 2015 expliquent sans doute les difficultés rencontrées par Radio France pour aller véritablement de l'avant.

Les réformes ont depuis la grève été reportées ou édulcorées. Les nombreuses recommandations du rapport de la Cour des comptes en particulier ont - pour un temps au moins - été laissées de côté 7 ( * ) . Et des inquiétudes sont apparues tant en ce qui concerne l'avenir de la CAP du fait de l'absence de réforme de son assiette que de la place de plus en plus importante prise par la publicité sur les sites Internet du groupe.

Face à ce climat de défiance persistant en interne, la direction de Radio France a repris son bâton de pèlerin afin de convaincre que la situation s'améliore même si les défis demeurent nombreux.

1. Des résultats d'audience particulièrement satisfaisants qui constituent une marque de reconnaissance pour l'entreprise

Si France Télévisions n'a pas réussi sa rentrée à l'automne 2016, ce n'est pas le cas de Radio France qui a pu se féliciter dernièrement des bons résultats d'audience obtenus au cours des derniers mois. Radio France réalise en effet sa meilleure part d'audience jamais obtenue avec 25 % et gagne 787 000 auditeurs en un an.

Dans le détail, France Inter est écoutée quotidiennement par plus de six millions d'auditeurs (6 039 000 auditeurs, + 596 000 en un an), soit 11,3 % d'audience cumulée (+ 1,1 point en un an). Franceinfo fait sa meilleure rentrée depuis trois ans et réunit chaque jour 4 251 000 auditeurs, France Bleu, avec 7 % d'audience cumulée, rassemble pour sa part 3 729 000 auditeurs (+ 0,7 point en une vague, soit 329 000 nouveaux auditeurs). La nouvelle grille, renforcée par de nouveaux programmes locaux, permet à France Bleu de réaffirmer son rôle majeur de média de proximité. France Culture confirme un très bon résultat d'audience (2,1 % d'A.C - 1,116 million d'auditeurs) tandis que France Musique affiche une progression de 0,2 point par rapport à l'année dernière et séduit 100 000 nouveaux auditeurs.

Ces bons résultats d'audience doivent être salués et viennent rappeler les grandes compétences des personnels de Radio France à un moment où l'entreprise traverse une période difficile de son histoire. La légitimité de la radio publique est confortée par ces bons résultats et il n'est pas superflu de le rappeler à un moment où les interrogations demeurent sur l'avenir de l'entreprise. Ce n'est évidemment pas l'existence d'une société nationale puissante de radio qui est en cause mais la politique qui permettra d'assurer son développement dans les meilleures conditions compte tenu de la réalité de la situation budgétaire de notre pays.

Votre rapporteur pour avis observe à cet égard avec satisfaction que les performances de l'antenne de Franceinfo n'ont pas été pénalisées par le lancement de la nouvelle offre commune d'information du service public. Bien au contraire, même la tranche du matin, qui comprend des programmes communs avec la chaîne de télévision, progresse, ce qui illustre bien l'effet d'entraînement de l'offre globale et éloigne toute idée de « cannibalisation » entre les différents supports. L'objectif de développement des mutualisations trouve donc dans ces résultats également matière à être confirmé.

Pour la direction de Radio France, ces bons résultats trouvent leur origine dans les changements de grille engagés depuis 2014 qui commencent à porter leurs fruits.

2. Une situation financière qui demeure très fragile

Si les chiffres d'audience viennent mettre du baume au coeur de l'ensemble des personnels de Radio France, ils ne suffiront malheureusement pas à résoudre les difficultés de l'entreprise en l'absence de réformes importantes dans les mois et les années à venir.

La direction de l'entreprise rappelle que la trajectoire est orientée à la baisse depuis 2012 avec une inflexion particulière en 2014/2015. Par ailleurs, les moyens nouveaux accordés en 2017 ne concernent que l'investissement - c'est-à-dire en fait le chantier - et non le fonctionnement. Le surcoût généré par le chantier pèse donc sur le fonctionnement de l'entreprise. La réhabilitation de la Maison de la Radio est elle-même à l'origine de nouveaux coûts pour l'entreprise, notamment en raison des frais de location occasionnés par les déménagements et les travaux.

La dotation totale de ressources publiques sera de 612,3 millions d'euros HT (soit 625,1 millions d'euros TTC), en augmentation de 5,5 millions d'euros. 577,7 millions d'euros seront consacrés au fonctionnement et 34,6 millions d'euros à l'investissement.

Cette hausse de 5,5 millions d'euros se répartit entre 5 millions d'euros de CAP pour financer les travaux de la Maison de la radio et 0,5 million de dotation complémentaire hors COM pour compenser la perte de recettes publicitaires liées au nouveau site de Franceinfo dépourvu de publicité. On peut rappeler que le Gouvernement s'est engagé à apporter 80 millions d'euros à Radio France sur la période du COM (55 millions d'euros de dotation en capital et 25 millions d'euros de CAP).

Au final, le déficit de 2016 estimé à - 16,5 millions d'euros devrait finalement atteindre - 13,5 millions d'euros. Un déficit de - 6,5 millions est prévu en 2017 .

Un déficit moindre que prévu en 2016

Votre rapporteur pour avis s'est trop inquiété de l'aggravation de la situation financière de Radio France dont témoignaient ses déficits pour ne pas se réjouir de l'amélioration constatée en 2016 qui a vu passer le déficit de -16,5 millions d'euros en prévisionnel à -13,4 millions d'euros.

Cette amélioration tient à un ensemble de facteurs qui ne sont pas tous récurrents comme l'amélioration des ressources propres autres que publicitaires (ex : billetterie) ou le report de l'application de l'accord collectif (ce report et les autres dispositions concernant les personnels permanents et occasionnels permettent un gain comptable de 3 millions d'euros). L'économie sur les charges d'intérêt s'explique également par la non-mise en place de l'emprunt au cours de cette année.

À noter que des éléments sont également venus dégrader ce résultat comme la baisse des recettes publicitaires sur les annonceurs traditionnels compensée avec retard compte tenu des délais nécessaires pour modifier le cahier des charges. La masse salariale a également été impactée par la hausse des effectifs occasionnels et l'impact de l'ancienneté des journalistes. Enfin, le coût relatif à la participation de Radio France à la nouvelle chaîne d'information a augmenté de 0,5 million d'euros à 0,738 million d'euros.

Source : Radio France

3. Des réformes à poursuivre pour permettre le redressement

Un peu plus d'un an après la grève du printemps 2015, Radio France doit à la fois mettre en oeuvre les objectifs de son COM et avancer sur les réformes déjà identifiées comme prioritaires.

Les objectifs du COM prévoient de :

- poursuivre le travail de dynamisation des antennes et de participation à la nouvelle offre Franceinfo, affirmer le positionnement de la Maison de la Radio comme lieu ouvert au public et à la création musicale et culturelle et accélérer le développement numérique ;

- poursuivre le renforcement du contrôle interne de l'entreprise à travers le renouvellement du dialogue social, le travail sur les organisations, la refonte des systèmes d'information de gestion ;

- maîtriser la trajectoire financière, notamment en matière de masse salariale et mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour permettre le retour à l'équilibre progressif des comptes de l'entreprise à l'horizon 2018.

Votre commission avait décidé en 2015 de donner un avis défavorable à l'adoption de ce COM au motif qu'il n'était pas sain pour l'entreprise de connaître une situation de déficit pendant plusieurs années et que la maîtrise de la masse salariale était insuffisante . Elle avait également regretté l'absence de rapprochement des différentes rédactions de France Inter, France Info et France culture et le report de la réforme des formations musicales en dépit des recommandations du rapport de M. Stefan Gehmacher.

Même si les attentes de votre rapporteur pour avis ne se retrouvent pas dans le COM de Radio France, il n'en demeure pas moins que ce document comprend des orientations a minima qui vont dans le bon sens et qui doivent être mises en oeuvre.

C'est le cas du contrôle interne qui doit continuer à être renforcé et du dialogue social qui demeure une priorité.

La baisse du déficit d'exploitation devrait donc se poursuivre en 2017 grâce notamment :

- au développement des recettes commerciales de l'entreprise à travers, en particulier, le nouveau régime publicitaire mis en oeuvre en avril 2016 qui permet de diversifier les annonceurs et de stabiliser les recettes publicitaires. Les autres ressources propres (éditions, concerts, locations d'espaces etc...) devraient par ailleurs bénéficier des actions de marketing mises en oeuvres depuis 2015 ;

- à l'arrêt, le 31 décembre 2016, de la diffusion en ondes courtes qui permet des économies sur les frais de diffusion ;

- à des économies supplémentaires sur les achats et les consommations ;

- à un effort de maîtrise de la masse salariale (modération salariale, travail sur les effectifs, réduction de la précarité...).

Votre rapporteur pour avis estime que la maîtrise des charges doit passer par un effort volontariste de réduction de la masse salariale , ce que ne prévoit pas véritablement le COM. À cet égard, il observe une évolution favorable - même si elle reste modeste - puisque les charges de personnel sont en baisse de 9 millions d'euros sur l'année 2015 (- 2,3%) et sont estimées en 2016 à 395,2 millions d'euros soit 2 millions d'euros de moins par rapport au niveau prévu dans le COM. Le niveau des effectifs devrait quant à lui s'établir à 4 201 ETP sur l'année 2016 soit un niveau légèrement inférieur à la prévision du COM (4207 ETP). Les arbitrages en cours pour 2017 devraient être conformes aux prévisions du COM.

Il ressort, par ailleurs, de l'audition de la direction générale de Radio France par votre rapporteur pour avis que, si la réforme des formations musicales reste à conduire, un accord est en voie de conclusion pour permettre une meilleure articulation entre les deux orchestres qui verraient leurs périmètres redéfinis.

Pour mémoire, le coût des formations musicales s'élevait en 2016 à 43,3 millions d'euros (contre 42,1 millions d'euros en 2015). Les dépenses de personnel restent stables depuis plusieurs années à un niveau élevé de 31,2 millions d'euros tandis que les dépenses de fonctionnement connaissent une hausse sensible depuis trois ans pour atteindre 12 millions d'euros en 2016. A défaut de supprimer ou fusionner les orchestres, la recherche de mutualisations doit permettre de mieux maîtriser l'évolution des coûts dans l'attente d'une réforme de plus grande ampleur.

Au final, la situation financière de l'entreprise reste assez tendue, ce qui ne la met pas dans les meilleures dispositions pour poursuivre ses missions, notamment en matière de développement de la filière production, de couverture des festivals sur le territoire et d'éducation aux médias. Le développement numérique pour toucher des publics plus jeunes, qui est une autre des priorités de l'entreprise, a également un coût.

Outre ses propres difficultés, la direction de Radio France a exprimé sa plus vive inquiétude sur l'absence de réforme de la CAP. Elle craint que la baisse inéluctable du rendement de la CAP puisse, le moment venu, se traduire par une rupture dans les moyens alloués à l'entreprise, qui se traduirait inévitablement par une modification du périmètre des activités.

4. Des interrogations qui subsistent sur la fin du chantier de la Maison de la Radio

Le financement des travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio a été organisé dans le cadre de plusieurs COM. Compte tenu des travaux restant à réaliser, le COM 2015-2019 prévoit :

- une dotation en capital de 55 millions d'euros versée en deux fois (27,5 millions d'euros en 2016 et 27,5 millions d'euros en 2017) ;

- le maintien de la subvention d'investissements courants de 24,6 millions d'euros par an sur la période du COM et le versement d'une subvention d'investissement complémentaire de 25 millions d'euros répartie sur les exercices 2016, 2017 et 2018. Au total, la subvention issue de la CAP pour l'investissement représenterait 24,6 millions d'euros en 2015, 29,6 millions d'euros en 2016, 34,6 millions d'euros en 2017 et 2018, et 24,6 millions d'euros en 2019 ;

- la possibilité pour l'entreprise de recourir à un emprunt dans la limite de 70 millions d'euros.

Concernant l'avenir de Radio France, l'actionnaire sera confronté à un choix difficile dans les mois à venir concernant la fin du chantier. La réfection des studios moyens de la maison de la Radio dont le coût est estimé à 67,5 millions d'euros n'a pas été budgétée. Or il apparaît difficilement imaginable de ne pas finir complètement ces travaux. Y revenir ne ferait en effet qu'augmenter les coûts puisqu'il faudrait à nouveau mettre le bâtiment en « mode chantier ». Si l'entreprise annonce être prête à prendre 35 % du coût de ce dernier chantier à sa charge, il reviendra néanmoins à l'actionnaire de trouver les 43 millions d'euros restants.

D. L'INA : UNE INSTITUTION QUI REPART DE L'AVANT

1. Une situation apaisée et des projets mobilisateurs

L'INA est aujourd'hui sortie de la crise qui l'a frappée en 2015 avec la nomination de son nouveau président, Laurent Vallet, qui s'est efforcé recentrer la « mémoire de l'audiovisuel » sur son coeur de métier et de rassembler les personnels autour d'un nouveau projet et au sein du campus de l'INA à Brie-sur-Marne afin également de mettre un terme aux errements en matière immobilière.

L'année 2017 constituera la troisième année de la mise en oeuvre du COM 2015-2019 auquel votre commission avait donné un avis favorable

En 2017, l'INA bénéficiera de 89 millions d'euros HT, soit 90,87 millions d'euros TTC au titre du programme 845. L'institut continuera sa mission de conservation des archives audiovisuelles lancée en 1999. Le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) est prévu pour s'achever en 2020. Il doit aussi faire évoluer son offre dans le nouveau contexte marqué par l'explosion des usages numériques.

Le président de l'INA souhaite que son établissement puisse relancer ses ressources propres - en baisse en 2016 - afin de justifier son statut d'EPIC.

Les efforts de gestion seront poursuivis concernant en particulier les achats et les emprises immobilières. La résiliation du bail de l'immeuble de la rue de Patay doit permettre une économie de 500 000 euros en 2016 et 2,3 millions sur la durée du bail.

À noter également que la masse salariale devrait être légèrement inférieure à l'objectif du COM en 2017 de 67 millions d'euros (contre 67,5 millions d'euros).

2. L'INA propose de faire de la formation un nouvel horizon des mutualisations

La participation de l'INA à la chaîne Franceinfo, à travers les différents modules quotidiens fournis destinés à éclairer l'actualité et grâce au fonds documentaire dont elle dispose, a été particulièrement remarquée. Cette implication des équipes de l'INA est d'autant plus remarquable qu'elle s'est faite à effectifs constants.

La coopération avec France Télévisions pourrait à l'avenir s'appuyer également sur l'expérience de l'INA en matière de plateforme SVOD. Le service « INA Premium » lancé en septembre 2015 comprend aujourd'hui 8 000 abonnés qui s'acquittent de 2,99 euros par mois. Le président de l'INA a déjà fait part de sa disponibilité pour partager avec le groupe de télévision public le savoir-faire et la plateforme technique utilisés par l'institut. Une intégration du service « INA Premium » dans la future plateforme SVOD de France Télévisions n'est pas non plus écartée. Elle permettrait d'apporter des contenus de haute valeur ajoutée dont l'INA possède les droits.

Au-delà de ces coopérations en cours sur Franceinfo et peut-être à venir sur la plateforme SVOD, d'autres chantiers pourraient être ouverts concernant notamment les formations à l'audiovisuel qui constituent une compétence importante de l'INA sur laquelle interviennent également France Télévisions et Radio France. Le président de l'INA, Laurent Vallet, propose de faire de la formation la seconde brique des mutualisations engagées par les sociétés de l'audiovisuel public. Votre rapporteur pour avis ne peut qu'encourager ces initiatives qui rendent très concrètes les actions communes pour le rapprochement à l'avenir des quatre sociétés de l'audiovisuel public.

*

* *

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel et avances à l'audiovisuel public dans la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

*

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016

___________

La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017 .

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Nous examinons aujourd'hui les crédits de l'audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2017 prévus par les programmes 841, 842, 843 et 845 pour les quatre sociétés de l'audiovisuel public que sont France Télévisions, Arte-France, Radio France et l'INA.

Ces crédits correspondent à la troisième année d'application du contrat d'objectif et de moyens (COM) de Radio France pour la période 2015-2019 et à la deuxième année d'application du COM de France Télévisions pour la période 2016-2020. Je vous rappelle que notre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de ces deux contrats d'objectifs et de moyens.

Vous ne serez donc pas surpris que mon regard reste assez critique sur la situation de l'audiovisuel public qui ne répond pas pleinement à nos attentes, mais je vais aussi faire mon possible pour mettre en valeur les aspects positifs de ce budget, qui ne sont pas négligeables, et qui souvent auraient mérité d'être approfondis.

Au chapitre des déceptions, je me dois de mentionner l'absence de réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). La ministre de la culture et de la communication nous a annoncé que ses services travaillaient sur cette réforme mais elle ne nous a donné ni calendrier ni précisions sur ses contours.

Le débat à l'Assemblée nationale a été très intéressant puisque nos collègues députés ont refusé d'augmenter la CAP au-delà de l'indexation sur l'inflation pour un euro. Le second euro de hausse a été remplacé par un prélèvement sur les recettes de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) sans en augmenter le taux. Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer cette initiative de la majorité de l'Assemblée nationale qui s'inscrit dans le prolongement des recommandations du rapport d'information que nous avons publié l'année dernière avec notre collègue André Gattolin. Nous avions reçu à cette occasion votre soutien, madame la présidente, pour affirmer que le produit de la TOCE avait vocation à bénéficier entièrement au financement de l'audiovisuel public comme c'était sa raison d'être initiale en 2009.

Le taux d'équipement des ménages en téléviseurs a commencé sa baisse inéluctable avec moins un point par an depuis trois ans, ce qui crée une inégalité de plus en plus forte entre les foyers qui possèdent un récepteur et doivent s'acquitter de la CAP et ceux qui écoutent la radio publique, consultent les applications mobiles comme celle de Franceinfo et regardent les programmes de France Télévisions sur leur ordinateur sans s'acquitter de la redevance. Comme l'ont reconnu les services du ministère de la culture et de la communication, il était difficile d'envisager de soumettre à cette taxe 800 000 ménages à quelques mois d'échéances démocratiques importantes. Je souhaite que cette réforme soit inscrite à l'agenda de 2018 quelle que soit l'issue de ces échéances.

La place de la publicité sur le service public continue à poser question. Le COM de France Télévisions a prévu le maintien d'un niveau élevé de recettes publicitaires et on constate que la course à l'audience continue à être un facteur déterminant dans le choix des programmes du groupe public, en particulier l'après-midi. L'échec des émissions nouvelles lancées en septembre 2016 est d'abord un échec par rapport à un objectif d'audience et donc de publicité. Ces nouvelles émissions n'ont donc pas pour objectif de surprendre par leur originalité, leur caractère innovant ou leur plus-value culturelle. Une nouvelle fois, je ne peux que constater l'absence de différence significative ou suffisante avec certaines chaînes privées. Je m'inquiète par ailleurs de la réforme du parrainage qui a tendance, dans les faits, à rétablir la publicité sur le service public de 20 h 30 à 21 heures en multipliant les programmes courts qui sont « emballés » de messages publicitaires. Là encore ce n'est pas le chemin que nous préconisons pour redonner sa spécificité au service public.

Nous aurons prochainement l'occasion de nous prononcer en 2 e lecture sur la proposition de loi de notre collègue André Gattolin visant à interdire la publicité dans les émissions consacrées à la jeunesse du service public. Ce sera pour nous le moment d'envoyer un signal clair concernant notre conception de l'audiovisuel et de la protection de l'enfance.

Concernant le groupe de télévision public, je rappellerai tout d'abord les cinq points qui me semblaient positifs dans le nouveau COM et dont on trouve la concrétisation dans ce budget pour 2017.

Le premier point positif est que les objectifs assignés à la direction de France Télévisions ont été clarifiés.

Le deuxième est que le lancement de la chaîne d'information en continu a démontré que le regroupement des moyens de l'audiovisuel public permettait de conduire des projets nouveaux avec un coût maîtrisé.

Le troisième point positif est l'objectif de hausse des recettes commerciales. Il est, en particulier, la conséquence d'une meilleure valorisation des droits attachés à la production. L'accord du 10 décembre 2015 est entré en vigueur et si Multimédia France production (MFP) devrait limiter en 2017 sa part de production dépendante à 6 ou 7 %, ce sont donc 18 % au moins des nouvelles productions financées par France Télévisions qui pourront bénéficier des droits élargis prévus dans le cadre de la zone de souplesse.

Le quatrième point de satisfaction concerne la baisse prévue des recettes publicitaires autour des émissions jeunesse à partir de 2018.

Le cinquième point de satisfaction concerne la hausse des dépenses en faveur de la création audiovisuelle de 20 millions d'euros.

Ces points positifs, je souhaitais les évoquer à nouveau pour bien montrer combien il est nécessaire d'avoir une approche globale de la situation. Il n'en demeure pas moins que le rythme des réformes n'est pas encore suffisant à mon sens et que les efforts ne doivent pas être relâchés mais accélérés. La hausse des moyens de France Télévisions, qui devrait représenter une augmentation de 38 millions d'euros de ressources publiques pour atteindre 2,547 milliards d'euros, illustre parfaitement l'insuffisance des réformes menées, qui auraient dû permettre une stabilité si ce n'est une baisse des ressources publiques.

C'est vrai notamment de la réforme de France 3 qui reste à faire, en particulier, sur les éditions locales. L'adaptation au nouveau cadre régional ne sera que partiel et on peine à comprendre pourquoi les effectifs de France 3 demeurent aussi importants. Cette chaîne compte 3 500 personnes soit autant que TF1 et M6 réunis !

Concernant la fusion des rédactions qui sera effective en 2018, je ne peux que regretter le manque de précisions sur l'évolution des effectifs qu'elle devrait permettre de conduire. La présidente de France Télévisions m'a indiqué que le projet Info 2015 n'avait pas été conçu par son prédécesseur avec l'objectif de réduire les effectifs. C'est pourtant la base lorsque l'on fait une fusion que d'essayer de faire mieux avec moins de moyens, ces derniers étant le fruit des impôts payés par les Français, je le rappelle.

La présidente de France Télévisions m'a réaffirmé sa confiance dans le fait que l'entreprise serait en mesure de tenir le rythme des non-renouvellements des départs à la retraite avec un objectif de 500 équivalents temps plein (ETP) en moins. Concernant les rémunérations multiples mises en évidence par un récent rapport de la Cour des comptes, la présidente de France Télévisions m'a indiqué qu'elle avait engagé des échanges avec les animateurs concernés afin qu'ils ne bénéficient plus de rémunérations complémentaires à leur salaire payé par France Télévisions. C'est une bonne chose. Certains animateurs étaient, en effet, payés deux fois. Une première fois en tant que salarié de France Télévisions et une seconde par les sociétés de production auxquelles France Télévisions fait appel.

Mes inquiétudes concernant l'avenir de la plateforme SVOD du groupe public ont été, je le crois, entendues. Ce projet qui reste très pertinent sur le fond n'est plus considéré comme une évidence à mettre en oeuvre à tout prix. La présidente de France Télévisions évoque maintenant des conditions à respecter pour valider le projet qui montrent que la décision n'est pas prise. Ces conditions sont, notamment, la nécessité d'un partenaire doté d'un catalogue, la viabilité sans recourir à la CAP, ou la cohérence avec les programmes du groupe. Je réaffirme mon souhait que ce projet, qui présente un véritable risque industriel, fasse l'objet d'un débat devant les commissions compétentes avant que la décision finale ne soit prise.

Un mot enfin sur la transparence, France Télévisions va renforcer les modalités de validation des achats de programmes à des sociétés de production qui emploient des conseillers de programmes issus du groupe. C'est une bonne initiative car il semble y avoir quelques abus dans ce domaine.

Je terminerai sur une remarque d'ordre général concernant les programmes de France Télévisions et plus particulièrement l'information. Le groupe public a une mission d'exemplarité et de sérieux. Il est bien de vouloir renouveler les genres et d'innover mais il ne faut pas que cela soit au détriment de la rigueur. Je pense en particulier à la façon dont sont conduits les débats politiques sur France 2 et au ton parfois léger de certains modules de Franceinfo. J'ai soutenu le lancement de la chaîne d'information du service public alors que nombre des membres de mon groupe considéraient que cette dépense n'était pas nécessaire. Mais je dois avouer que cette chaîne doit encore faire ses preuves.

J'en viens maintenant à Radio France qui bénéficiera de 625,11 millions d'euros au titre du programme 843. Les derniers chiffres d'audience ne sont pas mauvais pour les antennes du groupe. Selon la direction de l'entreprise, ce sont les changements de grille engagés depuis 2014 qui commencent à porter leurs fruits.

Concernant les moyens, la direction de l'entreprise rappelle que la trajectoire est orientée à la baisse depuis 2012 avec une inflexion particulière en 2014/2015. Par ailleurs, les moyens nouveaux ne concernent que l'investissement, c'est-à-dire le chantier et non le fonctionnement. Le surcoût généré par le chantier pèse donc sur le fonctionnement de l'entreprise. La réhabilitation de la maison de la Radio est elle-même à l'origine de nouveaux coûts pour l'entreprise, notamment en raison des frais de location occasionnés par les déménagements et les travaux.

La dotation totale de ressources publiques sera de 612,3 millions d'euros hors taxe, soit 625,1 millions d'euros toute taxe comprise, en augmentation de 5,5 millions d'euros. 577,7 millions d'euros seront consacrés au fonctionnement et 34,6 millions d'euros à l'investissement.

Cette hausse de 5,5 millions d'euros se répartit entre 5 millions d'euros de CAP pour financer les travaux de la Maison de la radio et un demi-million de dotation complémentaire hors COM pour compenser la perte de recettes publicitaires liées au nouveau site de Franceinfo dépourvu de publicité. Je rappelle que le Gouvernement s'est engagé à apporter 80 millions d'euros à Radio France sur la période du COM (55 millions d'euros de dotation en capital et 25 millions d'euros de CAP).

Les chantiers de l'entreprise restent nombreux et difficiles un an après la grève de 2015. Un important travail doit être poursuivi pour renforcer le contrôle interne et renouveler le dialogue social. La masse salariale doit être véritablement maîtrisée, ce que ne prévoit pas complètement le COM. Enfin, des réformes comme celle des formations musicales restent à conduire. À ce sujet, il semble qu'un accord soit à portée de main pour permettre une meilleure articulation entre les deux orchestres qui verraient leurs périmètres redéfinis.

J'ai déjà eu l'occasion de regretter le fait que l'entreprise publique connaisse des déficits. Compte tenu de l'absence de véritables recettes dépendantes de son activité puisque l'évolution du cahier des charges sur la publicité de Radio France a plutôt permis de consolider les recettes, un déficit pour une telle entreprise ne peut que signifier des problèmes de gestion.

Je note néanmoins que le déficit de 2016 qui était prévu à 16,5 millions d'euros devrait finalement atteindre 13,5 millions d'euros. Un déficit de 6,5 millions est prévu en 2017.

J'observe également les difficultés que connaît Radio France pour faire baisser ses effectifs qui devraient atteindre 4 201 ETP fin 2016, en retrait de seulement six ETP.

Face à cette rigidité du côté des effectifs, les efforts portent sur les achats.

Cette situation assez tendue sur le plan financier ne met pas l'entreprise dans les meilleures dispositions pour poursuivre ses missions, on pense au développement de la filière production, à la couverture des festivals sur le territoire et à l'éducation aux médias. Le développement numérique pour toucher des publics plus jeunes a également un coût.

La direction de Radio France a exprimé sa plus vive inquiétude sur l'absence de réforme de la CAP, craignant, le moment venu, une rupture dans les moyens alloués à l'entreprise, qui se traduirait inévitablement par une modification du périmètre des activités.

Concernant les grands sujets d'avenir, il est clair que le prochain gouvernement sera confronté à un choix difficile concernant la fin du chantier. La réfection des studios moyens de la maison de la Radio dont le coût est estimé à 67,5 millions d'euros n'a pas été budgétée. Or, il apparaît difficilement imaginable de ne pas finir complètement ces travaux. Y revenir ne ferait qu'augmenter les coûts, puisqu'il faudrait à nouveau mettre le bâtiment en mode chantier. L'entreprise serait sans doute prête à prendre 35 % du coût de ce dernier chantier à sa charge mais cela laisse encore 43 millions d'euros à trouver.

Radio France propose de poursuivre les mutualisations entre les entreprises publiques sur les thèmes de la jeunesse et de la culture. Par ailleurs, la direction ne ferme pas la porte à une proposition de rapprochement entre France 3 et France Bleu, sur la base d'un vrai projet éditorial restant à définir.

J'en viens maintenant à Arte qui bénéficiera de 280 millions d'euros inscrits au programme 842. Le précédent COM prévoyait de mettre l'accent sur une relance éditoriale et le développement numérique. Les résultats obtenus sont au-delà de toutes les espérances puisque l'audience a augmenté de 50 % en France en 5 ans passant de 1,5 % à 2,2 % et de 30 % en Allemagne. Les fondements de cette relance sont à rechercher dans les programmes. La tranche info de 19h45 a trouvé un ton et un style de grande qualité. Les reportages sont également appréciés, de même que les soirées consacrées à la fiction et au cinéma d'auteur. Sur Internet, Arte a multiplié les initiatives en lançant des plateformes comme Arte Concert, Arte Créative ou Arte info. La stratégie européenne se poursuit. Après avoir ajouté l'anglais et l'espagnol dans ses langues de diffusion, Arte prévoit de diffuser prochainement des programmes en polonais.

Nous examinerons prochainement le projet de COM 2017-2021 d'Arte. Sans entrer dans le détail, je crois pouvoir dire que son ambition vise l'augmentation des programmes inédits afin de pouvoir réduire les rediffusions en journée avec un objectif de d'augmentation de 15 % d'inédits d'ici 2021. La présidente d'Arte est convaincue que le délinéarisé va devenir le mode de diffusion dominant. La chaîne va donc multiplier les modes de diffusion sur Internet et sur les réseaux sociaux. Dès 2017, la priorité sera donnée aux programmes grâce aux 10 millions d'euros supplémentaires de crédits.

Je terminerai en évoquant brièvement la situation de l'INA qui bénéficiera de 89 millions d'euros hors taxe, soit 90,87 millions d'euros toute taxe comprise au titre du programme 845.

L'année 2017 constituera la troisième année de la mise en oeuvre du COM 2015-2019 auquel nous avions donné un avis favorable. L'INA continuera sa mission de conservation des archives audiovisuelles lancée en 1999. Le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) est prévu pour s'achever en 2020. Il doit aussi faire évoluer son offre dans le nouveau contexte marqué par l'explosion des usages numériques.

Le président de l'INA souhaite que son établissement puisse relancer ses ressources propres, en baisse en 2016, afin de justifier son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial.

Les efforts de gestion seront poursuivis concernant en particulier les achats et les emprises immobilières. La résiliation du bail de l'immeuble de la rue de Patay doit permettre une économie de 500 000 euros en 2016 et 2,3 millions sur la durée du bail.

L'INA a pu rappeler son savoir-faire remarquable à l'occasion de sa participation à la chaîne Franceinfo à laquelle elle fournit des modules historiques extraits de ses archives.

Cet esprit de coopération pourrait permettre des initiatives conjointes dans le domaine de la formation où les moyens sont encore très dispersés. Laurent Vallet propose de faire de la formation la seconde brique des mutualisations engagées par les sociétés de l'audiovisuel public. Votre rapporteur pour avis ne peut qu'encourager ces initiatives qui amènent de l'eau au moulin du projet de regrouper les quatre sociétés de l'audiovisuel public dans une structure commune.

À noter également que la masse salariale devrait être légèrement inférieure à l'objectif du COM en 2017 à 67 millions d'euros, contre 67,5 millions d'euros.

Un mot enfin sur le service SVOD « INA Premium » lancé en septembre 2015, qui comprend aujourd'hui 8 000 abonnés pour un coût de 2,99 euros par mois. Avec un prix attractif et des contenus de haute valeur ajoutée dont l'INA possède les droits, le nombre d'abonnés reste très modeste, ce qui démontre la difficulté à lancer une plateforme SVOD, surtout pour ceux qui n'ont pas de catalogue.

Au terme de cette présentation, on constate un vrai dynamisme de notre audiovisuel public et des initiatives, qui contrastent avec les incertitudes qui planent sur son financement et les difficultés à mener des réformes pour réduire les coûts comme le permet la révolution numérique. Il manque toujours, à mon sens, une véritable volonté politique pour avancer dans cette direction.

C'est pourquoi, sans mésestimer les efforts réalisés par les différents acteurs, je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel pour 2017.

..............................................................................................

M. David Assouline . - Je suis profondément attristé que nous n'ayons pas l'occasion de discuter de ces questions d'importance majeure en séance publique cette année. En dépit de nos divergences politiques, nous partageons tous, au sein de cette commission, un fort intérêt pour la culture et les sujets culturels. Le débat budgétaire en séance est généralement l'occasion d'expliquer les enjeux culturels à nos collègues des autres commissions. Il est regrettable que nous nous privions de cette opportunité, sans compter les risques que l'adoption d'une question préalable fait peser sur l'image du Sénat, dans un contexte de montée des discours populistes sur l'inutilité du rôle du Parlement, du Sénat en particulier.

Dans ces conditions, j'espère que l'Assemblée nationale votera l'augmentation de la redevance pour l'audiovisuel public, conformément au souhait de la ministre de la culture et de la communication, sur laquelle nous n'aurons pas la possibilité de nous prononcer, alors que je veux croire que nous aurions pu voter de concert. Elle permettra de sanctuariser une part des crédits dédiés à l'audiovisuel dans un contexte budgétaire menaçant avec la suppression de la publicité pendant les émissions télévisées destinées à la jeunesse et les incertitudes sur les projets à venir.

M. Louis Duvernois . - Je tenais à saluer la précision et la densité des rapports qui nous ont été présentés. En tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de France Médias Monde, j'ai été particulièrement sensible au rapport à la fois complet et fidèle à la réalité que Claudine Lepage nous a fait de l'audiovisuel extérieur. Je suis cependant surpris que n'ait pas été mentionnée la question de la diffusion de France 24 et de RFI sur le territoire national, pourtant évoquée par la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, lors de son audition devant notre commission la semaine dernière. France Médias Monde a d'ores et déjà décidé de cette orientation, mais il me paraîtrait nécessaire que nous l'appuyons dans cette démarche, d'autant que des difficultés techniques apparaissent dans l'attribution des fréquences pour la diffusion sur le territoire.

Mme Corinne Bouchoux . - Saluons le travail des rapporteurs, même s'il est effectué davantage pour la gloire dans le contexte particulier des conditions de discussion du projet de loi de finances cette année.

Ce travail a notamment permis de nous éclairer sur plusieurs problématiques.

Sur le budget de l'audiovisuel public, j'ai été sensible aux propos de Jean-Pierre Leleux concernant le nouveau regard à porter sur les ressources au travers de la question de la publicité.

Sur la presse, je me réjouis d'entendre que des évolutions dans la restructuration des prestataires paraissent possibles et que la fusion entre les deux messageries de presse ne constitue plus un tabou, dès lors que les obstacles sociaux auront été levés.

Sur l'audiovisuel extérieur, je remercie Claudine Lepage pour son éclairage concernant le travail fait par Mme Saragosse et M. Bigot respectivement en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde.

Pour compléter le rapport de Colette Mélot, je souhaitais rappeler que c'est à l'occasion d'une audition d'une mission d'information de notre commission que nous avions repéré, dès 2015, que les sommes dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne pouvaient leur être versées par la Hadopi en l'absence de texte réglementaire se référant à la compensation des opérations qu'ils mènent pour l'institution. Je me réjouis que le Conseil d'État ait mis un terme au contentieux entre les FAI et la Hadopi à ce sujet. Pour autant, se pose toujours la question du modèle économique de la Hadopi.

Si notre vote avait pu véritablement être pris en compte, le groupe écologiste se serait prononcé en faveur des crédits de la mission, tant nous nous félicitons du soutien aux livres, à l'audiovisuel extérieur, à l'audiovisuel, à la presse et aux kiosquiers que permettent les crédits.

M. Jean-Léonce Dupont . - Le travail fourni pas nos rapporteurs n'est pas inutile car il nous a apporté un précieux éclairage sur les évolutions et les enjeux des secteurs. Pour apprécier particulièrement cette chaîne, je me félicite ainsi d'apprendre le développement des programmes inédits sur Arte. Néanmoins, comme notre vote porte sur l'ensemble de la mission et non sur chacun des programmes, le groupe UDI-UC votera contre les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je souscris aux propos de Jean-Léonce Dupont. Si je me félicite plutôt des évolutions concernant France Médias Monde et Arte, je suis plus réservé concernant la situation de France Télévisions : c'est pourquoi je n'ai d'autre choix que de m'abstenir sur les crédits de cette mission, car mes avis diffèrent selon les programmes.

Par ailleurs, il est faux de dire que nous n'aurons pas de débat budgétaire cette année en séance : plusieurs heures de débat sont prévues, au cours desquelles nous pourrons nous exprimer et porter les couleurs de la culture dans l'hémicycle.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - Je n'ai effectivement pas abordé dans ma présentation les questions liées à France 24 et RFI car je les évoquerai dans quelques instants en vous présentant le projet de COM de France Médias Monde.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » . - Quelques mots pour saluer, une nouvelle fois, les efforts réalisés par les professionnels du livre et de l'édition au cours des dernières années. Je souhaite rappeler que je n'ai pas exprimé une position négative concernant les crédits du programme « livre et industries culturelles ». Quant au débat budgétaire, je partage les propos de Jean-Pierre Leleux : du temps a été ménagé pour nous permettre de nous exprimer en séance publique. Bien sûr, nous ne pourrons pas autant présenter en séance le fruit de notre travail que d'autres années, mais travailler pour la gloire peut aussi apporter quelques satisfactions !

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - Pour revenir à la question de la distribution mentionnée par Corinne Bouchoux, j'ai évidemment parlé de la possible fusion entre les Messageries lyonnaises de presse et Presstalis. Mais cette fusion n'est pas la seule option. J'évoque un certain nombre de pistes de mutualisation des moyens dans mon rapport écrit, que vous pouvez consulter.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nos travaux sont loin d'être inutiles car il en restera des traces, avec le compte rendu de notre réunion de ce matin et la publication prochaine des rapports pour avis. Concernant l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public, je dois dire que je n'y suis pas favorable tant qu'une réforme structurelle de la redevance n'aura pas été opérée au préalable et que le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) n'aura pas été entièrement réaffecté au financement de l'audiovisuel public.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

ARTE France

Mme Véronique Cayla, présidente du directoire

Mme Anne Durupty, directrice générale et vice-présidente d'ARTE GEIE

M. Olivier Guillemot, directeur de la gestion et de la coordination d'ARTE France

Mme Elsa Comby, responsable des affaires publiques

Institut national de l'audiovisuel (INA)

M. Laurent Vallet, président-directeur général, et M. Jean-Marc Boero, secrétaire général

Ministère de la culture et de la communication

MM. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles , et Guillaume Vidal, chef du bureau du secteur de l'audiovisuel public

Radio France

Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale

Mme Sibyle Veil , directrice déléguée en charge des opérations et des finances

M. Olivier Zegna-Rata , directeur des relations institutionnelles et internationales

et Mme Marie Lhermelin , chargée des relations institutionnelles

France Télévisions

Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale

M. Francis Donnat, secrétaire général

M. Christian Vion, directeur général délégué à la gestion et aux moyens de France Télévisions

et Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics

ANNEXE

Audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, je suis très heureuse de vous accueillir pour la première fois pour la traditionnelle audition budgétaire, un moment privilégié d'échanges autour des grandes orientations des différentes politiques publiques. Nous avons tous apprécié, tous groupes confondus, l'excellent travail de coopération réalisé, grâce à votre écoute, lors de l'examen du volumineux projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, aboutissant à une loi satisfaisante capitalisant sur les avancées de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Nous examinerons successivement les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Je suis également heureuse de me retrouver devant votre commission, avec laquelle j'ai plaisir à travailler.

En cette semaine particulière d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je tiens à souligner que nous avons fait le choix de porter haut le budget de la culture, pour lui donner des moyens importants, à l'instar des autres grandes priorités du Gouvernement : la jeunesse, l'éducation, l'emploi et les domaines régaliens.

Les Français ont montré qu'ils ne voulaient pas renoncer à la culture : cet été, ils ont été plus nombreux que d'habitude dans les festivals sur vos territoires et ont montré ce besoin de se retrouver autour des propositions d'artistes. Les journées européennes du patrimoine ont également remporté un grand succès.

Ce projet de loi de finances renforce la place de la culture et la rend toujours plus accessible. Ainsi, nous élargissons les horaires des bibliothèques, chère Sylvie Robert. Le Président de la République a pour objectif qu'un enfant scolarisé sur deux puisse avoir accès à un enseignement artistique et culturel à l'école. C'est le sens de notre priorité donnée à l'éducation artistique et culturelle, de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de celle visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, ainsi que des valeurs que nous défendons dans les actions du ministère avec les professionnels de la culture. Dans le cadre légal du dialogue avec les partenaires sociaux, nous avons conclu le 28 avril un accord historique sur le régime des intermittents du spectacle, entré en vigueur par décret le 1 er août dernier. Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le FONPEPS, sera doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. C'est le sens aussi des accords sur la production audiovisuelle, appelés de vos voeux, des accords sur la diversité cinématographique signés à Cannes et des accords sur le renforcement du soutien à la création indépendante ou sur les aides à la musique.

Ce budget est en hausse de 5,5 %, soit l'une des plus fortes hausses que le ministère ait connue et cette augmentation concerne toutes ses composantes. Ainsi, le budget de la culture dépasse le seuil symbolique de 1 % pour atteindre 1,1 % du budget de l'État, et ce, sans aucun artifice. Nous avons respecté le périmètre défini depuis plus de trente ans, c'est-à-dire la mission « Culture », les programmes 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 334 « Livre et industries culturelles » et la dotation générale de décentralisation, la DGD, pour les bibliothèques - bien qu'elle soit portée par le ministère de l'intérieur.

Nous défendons quelques orientations claires : s'adresser aux jeunes générations, investir dans les territoires et soutenir la presse et les médias. En sus du budget, lors du comité interministériel du tourisme, le Premier ministre a annoncé lundi dernier que 5 millions d'euros supplémentaires provenant du Fonds interministériel de prévention de la délinquance financeront des investissements de sécurité des grands opérateurs culturels. Ils s'ajoutent aux 9 millions d'euros prévus dans le PLF pour la sécurité des opérateurs et aux 73 emplois supplémentaires prévus dans trois établissements publics. Le Fonds d'urgence au spectacle vivant, créé à la suite des attentats du Bataclan et abondé en juin 2016 pour renforcer la sécurité des grands festivals d'été, se verra également doté de 4 millions d'euros supplémentaires. Bonne nouvelle pour le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui gère ce fonds, nous allons intervenir pour que le plafond de recettes de la taxe parafiscale ne soit pas bloquant, afin qu'il ne perde pas le surplus de recettes cette année.

Je suis fière de ce budget, qui traduit notre ambition pour la culture. La mission « Culture » sera dotée de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 6,2 %. Sa principale priorité est la jeunesse. Entre 2012 et 2017, l'effort financier pour l'éducation artistique et culturelle a été multiplié par deux, grâce à un budget en 2017 en hausse de 12 %, pour atteindre 64 millions d'euros et financer de nombreuses opérations. Une initiative nouvelle, « Création en cours », se développe dans certains départements, avec le ministère de l'éducation nationale, pour que des résidences de jeunes artistes diplômés des écoles d'art se tiennent dans des classes de CM1, CM2 ou sixième, notamment dans les zones les moins favorisées en termes d'offre culturelle.

Le réseau d'enseignement supérieur Culture, d'une centaine d'écoles, forme 10 000 étudiants par an, avec un taux d'insertion de 80 %. Ses moyens seront renforcés à hauteur de 6 %, avec 276 millions d'euros en crédits de paiement. S'inspirant de financements par le mécénat ou de fondations, un appel à projets a été lancé pour inciter à la diversité de recrutement au sein de ces écoles, comme l'École de la Comédie de Saint-Étienne, le théâtre national de Strasbourg, le Conservatoire national supérieur ou l'École nationale des beaux-arts...

Deuxième priorité : ce budget élargit les horizons de la création dans les territoires, au plus près du public. Le budget de la création augmente de 4 % ; 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant, en sus du soutien renforcé déjà accordé en 2016 aux compagnies, aux labels et aux résidences d'artistes, et donc à l'indépendance, aux ateliers de fabrique artistique, sur l'ensemble du territoire et notamment en milieu rural. Nous lançons des projets innovants comme « Micro Folies » porté par l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette et déployé à la fin de cette année, le développement de l'établissement public de coopération culturelle de Clichy-Montfermeil ou les conventions signées entre les quartiers prioritaires d'Île-de-France et certains établissements publics, grâce à des crédits de la politique de la ville en Île-de-France. C'est un exemple réussi à généraliser. Les moyens des arts visuels sont accrus de 9 % en crédits de paiement, pour atteindre 77 millions d'euros, et de 33 % en autorisations d'engagement, à 90 millions d'euros, afin de soutenir la photographie - trop peu soutenue actuellement - grâce à la commande publique.

Troisième priorité : remettre la culture au coeur de notre quotidien. Des partenariats sont signés avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de développement culturel, s'ajoutant à une soixantaine de pactes initiés en 2015 avec des villes et des intercommunalités. Dix nouveaux pactes seront signés en 2016. Les crédits déconcentrés, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), progresseront de 7 %, avec particulièrement 1,5 million d'euros dédiés à l'action culturelle en milieu rural.

Nous participons à la rénovation d'équipements importants, comme la Comédie de Saint-Étienne, le centre de création contemporaine Olivier-Debré à Tours, la Maison de la culture à Bourges - longtemps attendue -, le théâtre des Amandiers à Nanterre ou l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles. Je citerai aussi le chantier de la Cité du théâtre dans les ateliers Berthier à Paris.

Nous investirons dans le numérique grâce au programme d'investissements d'avenir de troisième génération lancé par le Président de la République.

Nous voulons protéger et valoriser un patrimoine exceptionnel, vivant et plébiscité, par une augmentation de 4 % du budget dédié : 318 millions d'euros pour les monuments historiques, 360 millions d'euros pour les musées, 29 millions d'euros pour les archives et 32 millions d'euros pour l'architecture. Les crédits transférés aux collectivités territoriales augmenteront de 1 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement, avec un geste fort sur le programme 175, dont les autorisations d'engagement augmentent de 6 %. Je rectifie une erreur de saisie sur l'action 4 du programme 175 : les transferts aux collectivités ont progressé entre 2016 et 2017. Les moyens du CMN, le Centre des monuments nationaux, en fonctionnement et en investissement, augmenteront de 8 % entre 2016 et 2017. Au total, les crédits du programme 175 augmentent de 4 %.

Les musées ont connu des difficultés en raison de la baisse de fréquentation touristique consécutive aux attentats. Sur les trois premiers trimestres de 2016, les trente plus grands opérateurs ont connu une chute de fréquentation de 16 %, avec un fort impact sur les recettes mais aussi sur leurs dépenses en raison des dépenses de sécurité supplémentaires; d'où les mesures décidées lors du comité interministériel du tourisme, ainsi que dans le PLF pour 2017. Les crédits de paiement pour les musées de France augmentent de 6 %, les engagements de 8 % et les crédits pour les acquisitions de 12 %. Nous respecterons tous les schémas directeurs des musées et lancerons le nouveau schéma directeur du Centre Pompidou, avec une augmentation de sa dotation en fonds propres de 5 millions d'euros en crédits de paiement et de 18 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Une réflexion « musée du XXI e siècle » est en cours sur la place du musée, ses rapports avec le public, afin de construire un musée citoyen et participatif. Les conclusions devraient être connues avant la fin de l'année.

Les musées et monuments historiques sont partenaires du projet « les portes du temps » pour accueillir enfants et jeunes durant les vacances, que nous cherchons à dynamiser.

Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) augmente de 5 %, pour atteindre 707 millions d'euros en 2017, afin de financer les réformes comme les aides à l'export et les aides aux cinémathèques sur l'ensemble du territoire. Nous apporterons également des aides pour le documentaire et la réforme des cinémas d'art et d'essai. Ce budget donne donc toute sa place à la culture dans les priorités du Gouvernement.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour le programme 175 « Patrimoines » . - Je me félicite de l'augmentation des crédits pour les monuments historiques, mais quelles mesures concrètes l'État prendra-t-il pour garantir leur bonne exécution ? Plusieurs rapports ont relevé une sous-consommation de ces crédits ces dernières années : les collectivités et les entreprises en ont un besoin impérieux, car près d'un millier d'emplois ont été perdus par les entreprises du Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques. Avec la réforme territoriale et le regroupement des DRAC au sein des nouvelles régions, nous craignons de nouveaux ralentissements pour la consommation des crédits.

Vous avez annoncé que le pourcentage des crédits reversés par l'État sur les successions en déshérence à la Fondation du patrimoine passerait de 50 % à 75 %. Le décret sera-t-il publié avant la fin de l'année ?

Comment expliquer que la subvention du CMN s'établisse à 17 millions d'euros en 2017, alors que l'État s'était engagé sur une subvention de 30 millions d'euros lors du transfert de la maîtrise d'ouvrage et que les réserves constituées par le CMN dans un fonds de roulement sont désormais quasiment épuisées ? Le CMN gère de très grands monuments et est essentiel pour les entreprises spécialisées et le tourisme.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. David Assouline, je présenterai ses questions sur le cinéma et sur la création.

L'an passé, le Gouvernement a renforcé ambitieusement le crédit d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel avec des résultats remarquables. Toutefois, au-delà des aides fiscales, le financement du cinéma est largement porté par les chaînes de télévision et notamment par Canal+. Les difficultés financières annoncées par le groupe conduisent la chaîne à renégocier ses engagements et à demander des assouplissements en matière de chronologie des médias. Qu'en pensez-vous ? Jusqu'où faut-il aller pour sauver Canal+ ?

Le 14 septembre dernier, la Commission européenne a dévoilé son projet de révision de la directive du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur. Si certaines propositions vont dans le bon sens, notamment au bénéfice des éditeurs de presse, d'autres mesures inquiètent, en particulier en matière de territorialité des droits. Que pensez-vous du projet présenté ? Comment la France va-t-elle se mobiliser pour faire valoir ses positions ?

Comment expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits alloués au spectacle vivant et ceux alloués aux arts plastiques, alors qu'il y a un réel besoin de structuration du secteur et que les établissements d'arts plastiques font face à des charges de structure croissantes ?

Pourquoi ne pas envisager la mise en place d'aides ciblées en direction des jeunes photojournalistes, dans le cadre d'une refonte des aides à la presse, pour faciliter le renouvellement de la profession ?

Vous nous avez indiqué revenir sur le plafonnement de la taxe au sujet duquel deux amendements ont été rejetés, à l'Assemblée nationale, pour financer les aides distribuées par le CNV, instrument vertueux indispensable pour la diversité artistique et la création. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. Jean-Claude Luche, je présenterai ses questions sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.

Comment expliquer qu'aucun mécanisme de compensation ne soit prévu pour l'exonération des étudiants boursiers dans les écoles d'art territoriales, alors qu'il s'agit d'une politique sociale définie par l'État ? Quelles sont les mesures prévues pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales de celui des enseignants des écoles nationales, que le projet annuel de performances définit comme une priorité, mais pour lequel aucune enveloppe spécifique n'est prévue ?

Pour les conservatoires, comment garantir que le nombre de places offertes aux prochains concours d'assistant territorial d'enseignement artistique et de professeur d'enseignement artistique de la fonction publique territoriale compense l'absence d'organisation de ces concours sur une base régulière, comme c'était le cas auparavant ?

Certains critiquent le manque de transparence dans l'attribution des crédits entre les différents conservatoires par les DRAC et l'application apparemment inégale des nouveaux critères d'intervention de l'État par les DRAC. Des mesures comme la rédaction d'un vade-mecum sont-elles envisagées pour garantir aux conservatoires une certaine prévisibilité dans l'allocation des crédits ? J'ajoute que la somme consacrée aux conservatoires n'est pas revenue à son niveau initial...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le rythme de consommation et la capacité de consommation et d'engagement des crédits de la DRAC en faveur des monuments historiques (MH) ont été moins dynamiques au début de l'exercice 2016 qu'auparavant, en raison de la mise en place de la réforme territoriale, non encore achevée. Plus de 60 % des crédits MH des DRAC sont destinés à des monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'État et qui nécessitent donc des plans de financement mobilisant de nombreux acteurs. Nous avons rattrapé ce lent début d'année. Au 7 novembre, 80 % des crédits destinés aux monuments historiques avaient été consommés, sachant que les deux derniers mois de l'année consomment généralement 25 % des crédits annuels. Nous suivons donc un bon rythme et essayons d'éviter l'annulation de crédits en cours de gestion.

Le produit de la quote-part que reverse l'État à la Fondation du patrimoine sur les successions en déshérence était en baisse par rapport aux années précédentes, ce qui était préoccupant pour la Fondation du patrimoine, qui réalise un travail indispensable. Nous nous sommes engagés à augmenter la quote-part que reverse l'État à la Fondation à 75 %. Le décret a été publié le 5 novembre, exprès pour vous !

M. Philippe Nachbar . - Merci de votre délicate attention !

M. Jean-Louis Carrère . - Bravo, monsieur Nachbar !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - L'effort budgétaire de l'État pour le CMN est très important en 2017, sa contribution augmentant de 8 %, passant de 25,4 millions à 27,4 millions d'euros, dans le cadre du plan pluriannuel entre le ministère et le CMN, mis à jour avec la direction générale du patrimoine, pour plus de visibilité et de priorité des travaux réalisés. C'était particulièrement important alors que la restauration de l'hôtel de la Marine va commencer et que le CMN a assuré la réouverture de la villa Cavrois de Mallet-Stevens à Croix. L'évolution du périmètre du CMN a pour corollaire une augmentation des dépenses de fonctionnement et un résultat d'exploitation négatif. Cependant, le fonds de roulement, qui s'élevait à 64 millions d'euros fin 2015, devrait compter 38 millions d'euros fin 2016 pour assurer une stabilité de l'établissement.

Nous menons des discussions soutenues avec Canal+ sur i-Télé et sur sa contribution à l'industrie cinématographique. Une convention, suivie par, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a été signée pour cinq ans avec le monde du cinéma et prévoit un double mode de calcul, assis sur le chiffre d'affaires et le nombre d'abonnés. Canal+ souhaite faire évoluer ses offres commerciales et donc le calcul de l'investissement dans le cinéma. Les professionnels du cinéma et le ministère de la culture regardent cela avec attention et ne négocieront un changement de cette convention qu'en cas d'assurance du financement de Canal+ en contrepartie de la licence cryptée qui lui est attribuée.

Nous avons travaillé durant deux ans sur la territorialité du droit d'auteur dans le cadre de la réforme du droit communautaire pour répondre à la Commission européenne, qui souhaitait instaurer un marché unique numérique avec de nombreux projets de textes comme un règlement sur la portabilité, un règlement réformant la directive sur le câble et le satellite, un projet de réforme de la directive relative aux services de médias audiovisuels, un autre réformant la directive sur le droit d'auteur et deux textes sur les exceptions handicap au droit d'auteur, issus du traité de Marrakech. En 2014, des projets inquiétants de la Commission remettaient en cause la territorialité des droits d'exploitation ; pour préfinancer une oeuvre, les producteurs pré-vendent des droits d'exploitation sur chacun des territoires, constituant le préfinancement, qui garantit la diversité : on peut ainsi financer des oeuvres non seulement par les parts de marché, mais aussi sur une part de risque distribuée selon les territoires. Nous avons défendu nos positions durant deux ans et sommes rassurés par les textes de la Commission de ces derniers mois. Ceux-ci font droit à nos propositions de respect du droit d'auteur, de reconnaissance de la diversité culturelle, de territorialité des droits, de respect de l'oeuvre par la portabilité des abonnements dans une formulation mieux sécurisée, de responsabilité de nouveaux diffuseurs sur Internet - par une meilleure prise en compte des plateformes dans la diffusion des oeuvres, d'intégration de ces plateformes dans le champ de la régulation audiovisuelle, de création d'un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse, afin de rééquilibrer les relations avec les géants d'Internet.

Nous avons fait remonter au vice-président de la Commission, M. Ansip, nos mécontentements sur l'extension du principe du pays d'origine à certains services numériques dans le cadre de la réforme de la directive « câble et satellite ». La majorité des États membres sont opposés à cette extension, porte d'entrée pour remettre en cause la territorialité des droits. Pour gagner en influence, j'ai préparé la position française pour le prochain Conseil des ministres de l'Union européenne de novembre avec l'Allemagne et l'Italie.

Près de 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant et 61 millions d'euros aux arts visuels au sein du programme 131, mais la dotation destinée aux arts visuels augmente de 9 %, soit deux fois plus que celle pour le spectacle vivant. Au total, les crédits pour les arts visuels ont augmenté de 12 % depuis 2012. En 2017, un investissement de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement est prévu en faveur du Centre national des arts plastiques (CNAP) afin de relocaliser ses réserves, actuellement situées à La Défense, en raison de la fin de leur bail emphytéotique en 2018, et pour remédier à une localisation peu optimale, tant pour le financement que pour la conservation des oeuvres. Nous attendons l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur les différents lieux identifiés.

Nous consolidons les institutions de référence comme les Fonds régionaux d'art contemporain, qui viennent récemment d'ouvrir leurs portes pour leur anniversaire, les centres d'art ou le musée du Jeu de Paume, qui réalise un travail remarquable dans le domaine de la photographie, et nous avons lancé une commande publique sur la photographie. Des efforts sont réalisés sur les écoles supérieures d'art et concernent donc les arts plastiques. Au total, les crédits pour les arts visuels s'élèvent à 150 millions d'euros.

La taxe affectée au CNV est plafonnée par une mesure transverse concernant de nombreux opérateurs. Mais les dépenses du CNV sont intrinsèquement liées à ses recettes et liées au marché sur lequel opère le CNV. Il y aurait une contradiction à faire jouer le plafond et que les sommes écrêtées reviennent au budget de l'État, alors que les dépenses sont générées par ces recettes. Nous avons débattu avec Bercy, qui maintient sa doctrine de plafonnement des recettes, tandis que nous défendons la réalité économique et sectorielle. Le compromis trouvé pour remonter le plafond sera présenté en projet de loi de finances rectificative pour que l'établissement public conserve l'intégralité de l'augmentation de la taxe.

Mme Maryvonne Blondin . - Automatiquement ? Ce serait vertueux...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Vous avez raison. Soyez-y attentifs !

Mme Sylvie Robert . - C'était très important !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le ministère de la culture finance 40 millions d'euros de bourses pour les étudiants en école d'art en 2017, en hausse par rapport à 2016, et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) finance des bourses sur critères sociaux dans tous les établissements. Dans certaines écoles, des dispositifs spécifiques favoriseront la diversité dans les promotions. Le Gouvernement veut créer un statut spécifique des professeurs d'écoles d'art territoriales pour reconnaître leurs missions d'enseignement supérieur et de recherche, équivalentes aux missions des professeurs des écoles nationales, et réévaluer la grille indiciaire et les conditions d'accès à ce nouveau cadre. Nous n'avons pas encore chiffré ces mesures, qui prendraient effet fin 2017. Un projet de décret sur la recherche est en cours, associant les représentants des écoles territoriales supérieures d'art et des écoles nationales.

L'État augmente le financement des conservatoires - sans revenir à leur niveau initial - de 3,5 millions d'euros, pour atteindre 17 millions d'euros. Toutes les dispositions ont été prises pour que les quatre critères d'intervention de l'État dans le financement des conservatoires soient élaborés avec les collectivités territoriales et précisés par une circulaire du 10 mai 2016 : mise en oeuvre d'une tarification sociale, renouvellement des pratiques pédagogiques, accompagnement de la diversification de l'offre artistique, encouragement des réseaux et des partenariats. Ce texte a aussi ouvert le droit, pour des conservatoires souvent implantés en zone rurale, de bénéficier d'une aide de l'État qui n'existait pas en 2012.

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la mission « Culture » . - Malheureusement, nous ne débattrons pas en séance publique des missions budgétaires, même si Vincent Eblé et moi-même présenterons notre rapport spécial sur la mission « Culture ». Vous vous en doutez, mes questions sont d'ordre financier. Quelles sont vos prévisions sur la part croissante des dépenses de personnel du ministère de la culture à la suite du plan Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) au sein de la hausse affichée du budget de la culture ? Avez-vous des détails sur le véhicule de financement du programme de travaux du Grand Paris ? Si la subvention exceptionnelle ne dépend pas du ministère de la culture, qui la portera ? Je n'ai rien vu dans le programme d'investissements d'avenir (PIA)...

Avec Colette Mélot, je suis, au sein de la commission des affaires européennes, les sujets du numérique et de la culture. Un projet de directive européenne prévoyant la neutralité fiscale de la TVA pour la presse et le livre sur tous les supports, numériques ou matériels, devrait être déposé à la fin du mois. Qu'en pensez-vous, sachant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France sur sa loi portant à 7 % la TVA sur le livre numérique ?

Mme Françoise Férat . - Sans être obnubilée par l'archéologie préventive, je m'interroge sur la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), en 2017. En 2015, 1 692 diagnostics ont été réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), soit 81 % d'entre eux, contre 19 % par les collectivités territoriales. Or la ventilation de la RAP ne correspond pas à cette répartition. Pour quelles raisons l'INRAP devrait, comme en 2016, percevoir 73 millions d'euros, contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales ?

Mme Sylvie Robert . - Le groupe socialiste et républicain est satisfait de l'augmentation du budget de la culture, qui atteint le seuil symbolique de 1,1 % du budget de l'État, jamais atteint jusqu'alors, grâce à une augmentation de 5,5 %. Dans le contexte particulier de commémoration des attentats du 13 novembre, certains d'entre nous se sont réveillés groggy ce matin après les résultats de l'élection présidentielle américaine ; l'éducation et la culture sont des enjeux extrêmement importants pour l'émancipation individuelle et collective et pour le jugement critique et la liberté de choix. Dans notre société de tensions, de divisions, où la tentation du repli est forte, la reconnaissance et l'altérité sont très importantes. La culture y participe. Nous sommes satisfaits que l'investissement artistique et culturel soit une priorité. Nous sommes heureux d'examiner ce budget, même si nous ne pourrons pas le voter et en sommes frustrés.

Vos priorités sur la jeunesse, la création, l'équité territoriale et l'emploi sont essentielles.

Dans la ventilation budgétaire sur le terrain, assurons un égal accès à l'art et à la culture. Prévoir qu'un enfant sur deux puisse bénéficier d'un enseignement artistique et culturel est ambitieux. Nous avons lu la charte pour l'éducation artistique et culturelle signée à Avignon et suivons les travaux du Haut Conseil. Comment avez-vous négocié avec l'éducation nationale pour que cet enseignement soit pris sur du temps scolaire ?

Nous sommes satisfaits de l'augmentation de 7 % des crédits déconcentrés en DRAC. La directive nationale d'orientation comprendra des priorités : zones rurales, quartiers populaires ou prioritaires... Cette équité territoriale sera-t-elle spécifiée dans cette directive, eu égard aux différences de périmètre des grandes régions ? Le différentiel d'investissement entre Paris et le reste de la région d'Ile-de-France est-il un peu atténué ?

En application de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nous attendons pour janvier des rapports sur les arts visuels, le spectacle vivant, le permis de faire, sur l'architecture ou le 1 % travaux publics, essentiels pour mesurer les différentes incidences budgétaires. L'article 1 er assure la liberté de création et l'article 5 évoque les labels. Envisagez-vous de développer ces labels et d'étendre les esthétiques - comme les marionnettes - et de consolider ce qui existe, notamment en revalorisant le plafond des SMAC, les scènes de musiques actuelles ? Depuis plusieurs années, les musiques actuelles ont été le parent pauvre du secteur culturel.

Mme Marie-Christine Blandin . - Les écologistes se réjouissent que le Gouvernement, à la suite de la loi, montre que la culture n'est pas une variable d'ajustement, même en période de tension budgétaire. Nous sommes aussi attentifs à l'emploi et à toutes les actions de consolidation du régime des intermittents, qui est fondamental.

Nos groupes ont des préoccupations communes, comme l'importance des musiques actuelles, pratiquées par un quart des Français - on est loin d'un quart du budget de la création ! Plus de 12 % des Français pratiquent collectivement un instrument ; c'est le lieu du lien et des rencontres de culture, ce qui nous manque en ce moment dans le monde. En moyenne, 102 000 euros sont consacrés à une SMAC, contre sept fois plus - 750 000 euros - pour une scène nationale. En dépit de la jeunesse du label SMAC, il ne faut pas s'arrêter à cette maigre part. Il est nécessaire de gonfler leurs subventions.

Vos annonces au sujet du CNV nous réjouissent. Je sais que vous avez fort à faire avec Bercy. Sachez que, pour notre part, nous avons fort à faire, à la fin du débat budgétaire, avec les représentants de la commission des finances, qui adorent le plafonnement... Moi qui suis contre ces plafonnements et qui préfère les mécanismes coopératifs, je me réjouis de votre astuce : respecter la règle, mais monter le plafond chaque fois que de besoin.

Je voulais vous signaler une anomalie que le Sénat aurait pu corriger si nous avions pu débattre de la première partie du projet de loi de finances. Aujourd'hui, la billetterie est en ligne et se trouve dans les mains de trois grands groupes - Live Nation, Vivendi et Vente-privée.com -, qui prennent 15 % du montant du billet des spectacles. Le comble, c'est qu'ils ne sont pas frappés par la TVA. La vente de billets doit être une des seules activités associées à la culture à n'être pas assujettie à la TVA. Celui qui fait le spectacle paie la TVA, pendant que les trois majors rackettent la culture et ne paient même pas d'impôt ! Je souhaitais vous signaler cette niche de recettes potentielle.

À propos des arts plastiques, notre collègue David Assouline a signalé que 90 % des crédits bénéficiaient au spectacle vivant. On peut aider les arts plastiques autrement que par le budget.

Il nous faudra quand même revenir sur la TVA applicable aux droits d'auteur, à 10 %, alors que tous les autres taux de TVA ont baissé.

Il faudra payer les artistes qui répondent aux appels d'offres, qui leur consacrent du temps de créativité, même si leur candidature n'est pas retenue.

Nous vous demandons, madame la ministre, un effort significatif sur le régime social de base et sur le régime complémentaire des artistes. Or le paritarisme est en panne depuis 2014, et le régime complémentaire est absolument intenable si des gens devaient payer ce pour quoi on les appelle.

Je vous remercie d'avoir mentionné les actions très positives menées en faveur des photographes. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'amendement qui a été adopté, pour notre plus grand bonheur, à l'article 30 de la loi sur la liberté de la création, afin de donner un coût d'arrêt à l'impunité des spoliations réalisées via les moteurs de recherche ?

Enfin, nous avons inscrit dans la loi le principe d'une responsabilité partagée. Nous avons entendu comment vous souteniez les collectivités qui s'engagent, mais vous ne devez pas devenir le supplétif de celles qui se désengagent. Quand les territoires se dispensent de soutenir la culture, les artistes en appellent à l'État. C'est une catastrophe !

Mme Françoise Laborde . - Je suis moi aussi ravie que le budget alloué à la culture corresponde à plus de 1 % du budget global de l'État - proportion établie selon un mode de calcul identique depuis trente ans. C'est important de le relever.

Je m'associe aux questions de Sylvie Robert sur la jeunesse, l'éducation et la culture. Peut-être arriverons-nous un jour à vous auditionner en même temps que Mme la ministre de l'éducation nationale... Depuis la refondation de l'école, un certain nombre d'actions culturelles très importantes tournées vers les élèves se trouvent reléguées à la marge, sur du temps périscolaire.

Pour terminer, j'aimerais avoir quelques précisions sur la Cité du théâtre, qui touche aussi à la question des relations entre Paris et ce qu'on appelle - ou non - la province.

Mme Christine Prunaud . - Madame la ministre, je vous remercie, au nom de mon groupe, de votre intervention, très claire et très sereine.

Nous sommes plutôt satisfaits de constater une légère hausse du budget de la culture, même si, bien évidemment, nous demandons toujours plus. Disons que vous avez presque rattrapé le retard pris entre 2012 et 2015...

Je m'intéresse tout particulièrement à la jeunesse. À ce sujet, vous avez parlé de l'installation en résidence dans les établissements scolaires de jeunes artistes, diplômés d'écoles d'art. L'idée, dont j'entends parler pour la première fois aujourd'hui, est intéressante. J'aimerais avoir un peu plus de précisions sur ce projet : établissements concernés, financement, ligne budgétaire...

Par ailleurs, l'année dernière, nous avions interrogé votre prédécesseur à propos du concours que pourraient passer certains professeurs des conservatoires de musique pour intégrer la fonction publique territoriale. Nous n'avons pas obtenu de réponse.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je vais moi aussi commencer par me réjouir de l'augmentation significative - environ 4 % - des crédits alloués au patrimoine. C'est une excellente chose.

En tant qu'élue d'un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local. C'est un enjeu économique fort pour nos communes dans les territoires ruraux. Je tiens à saluer l'effort de l'État en ce sens, avec une augmentation sensible des crédits destinés aux opérations en région en faveur de la protection et de la restauration des monuments historiques. Ainsi, 60 % des crédits destinés au patrimoine monumental seront destinés aux opérations en région. Les DRAC bénéficieront quant à elles de 50 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 %, même si leur situation est parfois compliquée.

On note aussi, peut-être à la suite de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « LCAP », du 7 juillet dernier une hausse de 30 % des crédits d'études destinées à soutenir les collectivités territoriales dans la création des sites patrimoniaux remarquables.

L'adoption de la loi LCAP a permis des avancées majeures en termes de clarification des rôles des différents acteurs de ce secteur, notamment l'INRAP, et du renforcement du contrôle scientifique de l'État. Nous avons tous dit que c'était une excellente chose.

En outre, rappelons que, dans le cadre du précédent exercice budgétaire, la budgétisation de la RAP, à hauteur de 118 millions d'euros, a permis une réelle et importante sécurisation du financement de l'archéologie préventive, en permettant à l'INRAP de bénéficier de ressources stables. Nous saluons le maintien, cette année, des fonds affectés à cette budgétisation, avec 119 millions d'euros pour 2017. L'action patrimoine archéologique s'élève ainsi à 133,9 millions d'euros en crédits de paiement.

J'insiste sur le fait que la sécurisation des outils de financement profite non seulement à l'INRAP, mais aussi aux collectivités territoriales et aux aménageurs, via le FNAP, le Fonds national pour l'archéologie préventive.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris lors de la loi LCAP, cette budgétisation permettra de financer toutes les missions de l'INRAP liées à l'archéologie préventive ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » . - On ne peut que saluer l'effort que représente le budget pour 2017 de la culture, qui permet aux différents postes de retrouver un niveau correct. Il était temps, le quinquennat n'ayant pas été, sur ce plan, à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre.

Je veux évoquer la filière musicale. Ces dernières années, ce secteur a connu des chauds et froids, entre espoirs et déceptions, notamment autour du Centre national de la musique, projet qui a été abandonné au profit d'un concept de « maison commune », qui, au fond, n'a pas encore pu être bien structuré.

Comme vous le savez, les attentes sont fortes sur ce plan. Il existe même une forme de jalousie - le terme me dérange un peu - à l'égard de la filière du cinéma, compte tenu des efforts consentis en faveur de celle-ci. La musique et la chanson françaises sont des outils de promotion de notre pays à l'étranger qui méritent véritablement d'être soutenus, car elles portent en elles bien d'autres effets - culturels, voire économiques. J'ai relevé que les crédits du bureau export de la musique française ont été légèrement augmentés, mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec l'effort supplémentaire pour le cinéma.

Vous avez évoqué le plafond glissant - susceptible d'augmenter avec les recettes prévisionnelles - du CNV. Aujourd'hui, le plafond s'élève à 30 millions d'euros. Les perspectives de recettes pour cette année sont déjà bien supérieures, puisque l'on attend presque 32 millions d'euros. Pensez-vous, comme nous le souhaitons, que l'on va laisser au CNV ses propres recettes, dans une logique d'autoalimentation du secteur, que la commission de la culture a toujours soutenue ? Il faut dire que nous n'aimons pas trop les plafonnements au profit de Bercy...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - M. Gattolin a évoqué les crédits de personnel au sein du budget. Sur la période 2012-2017, 18,5 millions d'euros auront été mobilisés pour le pouvoir d'achat des agents du ministère de la culture, dont 10 millions d'euros pour rattraper le retard de celui-ci, par rapport à d'autres départements ministériels, en matière indemnitaire - le décalage est réellement handicapant en matière de recrutements -, et 8 millions d'euros pour financer les effets indiciaires, liés à l'amélioration de la structuration des corps et de la carrière des personnels. Quatre priorités ont été assignées à la politique générale du personnel : travailler sur le statut d'enseignant-chercheur dans les écoles nationales supérieures d'architecture, dans le cadre d'un plan pluriannuel ; poursuivre le rattrapage catégoriel et statutaire indemnitaire des agents du ministère ; poursuivre la mise en oeuvre de la loi Sauvadet ; contribuer à la politique de recrutement par voie d'apprentissage - c'est important -, en se fixant des objectifs ambitieux.

Comme vous l'aurez constaté, il n'y aura aucune suppression nette d'emploi en 2017 au ministère de la culture, en rupture avec les années antérieures.

Vous avez également évoqué le Grand Palais, cet équipement exceptionnel dont nous avons la chance d'avoir hérité à la suite des expositions universelles du début du XX e siècle et que le monde entier nous envie. Tout récemment encore, à l'occasion de la FIAC, cet équipement, situé en plein centre de Paris et comparable à aucun autre, a suscité l'admiration. Cependant, on ne peut pas aujourd'hui en tirer le plein bénéfice. Certains espaces sont fermés, certaines mesures de sécurité ne sont pas prises, ce qui oblige l'établissement à fonctionner dans des conditions assez chaotiques. La dirigeante de l'établissement doit engager sa propre responsabilité lorsqu'elle ouvre certaines salles.

Nous voulons définir un projet ambitieux pour le Grand Palais, qui nous permettra de bénéficier pleinement de cette merveille et du Palais de la découverte, en créant, notamment, de nouvelles circulations. Ce projet a un coût élevé, estimé à 466 millions d'euros, dont 436 millions d'euros actualisés et 30 millions d'euros de frais financiers. Il est prévu qu'il soit financé par le ministère de la culture, à hauteur de 112 millions d'euros, par la RMN-GP, par emprunt, à hauteur de 150 millions d'euros et par une dotation exceptionnelle, via le PIA, à hauteur de 200 millions d'euros.

S'agissant de la RAP et de l'archéologie préventive, qui ont été évoquées par Mmes Férat et Monier, la réforme qui a mis fin à l'affectation de la taxe visait à résoudre des dysfonctionnements que vous aviez souvent relevés et auxquels les multiples réformes de la RAP menées depuis 2001 n'avaient pas permis de répondre.

Dans le PLF pour 2017, le principe demeure celui de la budgétisation, 119 millions d'euros sont inscrits sur le programme « Patrimoines », tandis que les recettes de la RAP sont versées au budget général. Les diagnostics de l'INRAP bénéficieront de 72 millions d'euros et les dotations en fonds propres de l'Institut s'élèveront à 1,6 million d'euros. La dotation de l'INRAP sera complétée par la mise en place d'une subvention pour charges de service public, à hauteur - inchangée - de 7,5 millions d'euros.

La loi de finances initiale pour 2016 a entériné un changement des modalités de financement public, avec cette budgétisation et la répartition suivante : sur 119 millions d'euros, 72 millions d'euros sont affectés aux diagnostics, 35,4 millions au FNAP, 10 millions d'euros au financement des diagnostics des collectivités territoriales et 1,6 million d'euros aux dotations en fonds propres de l'INRAP.

Le montant ventilé pour les diagnostics des collectivités territoriales est issu d'échanges avec l'ANACT, l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale. Il a reçu l'avis favorable du Conseil national d'évaluation des normes le 8 septembre dernier et du Comité des finances locales le 27 septembre dernier. Il a été doublé par rapport à l'année précédente.

J'en viens à l'éducation artistique et culturelle, qui fait partie de nos grandes priorités. Je rappelle que la charte pour l'éducation artistique et culturelle, ou charte EAC, a été élaborée par le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle. Un plan d'action a été signé par Najat Vallaud-Belkacem et par moi-même cet été à Avignon. Les projets EAC sont définis selon trois principes : la rencontre avec l'artiste, la connaissance des arts et la pratique artistique. Pour la première fois, on reconnaît la doctrine de l'éducation par l'art.

S'agissant des coopérations avec le ministère de l'éducation nationale, sachez que la députée Sandrine Doucet a été chargée d'une mission visant à repérer l'ensemble des bonnes pratiques en la matière. Son rapport doit nous être remis d'ici aux prochaines semaines.

L'opération « Création en cours », commune au ministère de la culture et au ministère de l'éducation nationale, vise à installer de jeunes artistes auprès d'enfants scolarisés en CM1, en CM2 ou en sixième, dans des territoires où l'offre d'éducation artistique et culturelle est insuffisante. Nous avons lancé un appel à candidatures pour une centaine d'écoles et de collèges - une sera retenue dans chaque département -, en impliquant une centaine d'écoles supérieures qui interviennent sur la formation artistique et qui dépendent du ministère de la culture : la Fémis, les écoles d'art, les écoles d'architecture, les écoles nationales supérieures de théâtre, de marionnettes, de photos, les conservatoires. Les résidences dureront vingt jours au minimum et permettront un véritable dialogue entre les jeunes artistes, les élèves, les familles, les enseignants et l'ensemble de la communauté scolaire, au plus près de la création. Cette opération, financée sur les crédits du ministère de la culture, à hauteur de 1,75 million d'euros, débutera en janvier 2017. Pour l'année scolaire 2017-2018, 2 millions d'euros seront mobilisés.

Le statut des professeurs dans les conservatoires est un sujet de préoccupation ancien. L'organisation des concours ne relève pas du ministère de la culture, ni même de l'État. Elle est la prérogative du Centre national de la fonction publique territoriale. La révision des critères de classement des conservatoires et, dans le même temps, des schémas nationaux d'orientation pédagogique qui sont prévus par la loi LCAP devraient nous permettre de mieux cerner le niveau de qualification attendu pour ces professeurs et encourager l'ouverture de concours.

Pour ce qui concerne l'aménagement du territoire et le déploiement de ces moyens nouveaux, l'augmentation des moyens des DRAC est supérieure au taux directeur des moyens du ministère. Même si la directive nationale d'orientation 2016-2017 avait été établie avant que je ne prenne mes fonctions, des orientations très claires sont fixées aux DRAC, par écrit et par oral, leur demandant, pour chaque opération nouvelle et pour chaque euro nouveau déconcentré, de concentrer leur action là où l'offre est insuffisante, à savoir généralement dans les territoires ruraux et périurbains et les quartiers prioritaires. Nous le faisons systématiquement, pour toutes les opérations que nous lançons.

Les scènes de musiques actuelles sont essentielles à l'émergence des jeunes artistes, à la diffusion et à la création. Aujourd'hui, le réseau compte 97 structures. Il a bénéficié de 2 millions d'euros de mesures nouvelles pour achever le plan de développement lancé en 2011. L'effort total de l'État s'élève à près de 12 millions d'euros, dont 4 millions issus de la période 2011-2016. En 2017, ce plan sera parachevé avec quelques moyens complémentaires alloués, notamment, aux SMAC situés en milieu rural, en particulier en Haute-Saône et en Picardie.

La billetterie, activité de plus en plus concentrée sur deux ou trois grands groupes, et sur la participation des recettes qui en sont issues aux mécanismes généraux de péréquation ou de solidarité du secteur, constitue une vraie préoccupation. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer avec certains organismes de solidarité sectorielle, comme l'ASTP, l'Association pour le soutien du théâtre privé, ou le CNV. J'ai demandé à la direction générale des médias et des industries culturelles et à la direction générale de la création artistique d'y travailler. Il ne faudrait pas, en effet, qu'émerge un point de fuite, dommageable stratégiquement à la fois pour ces organismes de solidarité sectorielle et pour les sujets relatifs à la TVA. Nous y serons très attentifs. Il faudra peut-être s'inspirer de notre expérience dans le domaine du cinéma, pour lequel nous avions pris des mesures spécifiques avec Bercy.

Madame Robert, nous allons proposer la mise en place d'un label national pour la marionnette en 2017 et une augmentation des moyens consacrés à cette discipline.

Le projet de la Cité du théâtre a été présenté récemment au Président de la République. Ce projet doit prendre place aux ateliers Berthier, dans le nord-ouest de Paris, dans le quartier en complète rénovation des Batignolles, véritable « champ de grues ». Les ateliers Berthier sont des ateliers historiques, ceux de l'Opéra national de Paris, servant à la fabrication des décors et d'une partie des costumes. Une salle du théâtre de l'Odéon y est installée depuis déjà un certain temps.

L'idée est de consolider l'implantation, sur place, de l'Odéon, pour l'heure assez inconfortablement installé, d'y faire venir la Comédie-Française, qui, depuis plus de cinquante ans, réclame une salle plus moderne pour faire entrer dans son répertoire des esthétiques contemporaines, ce qu'elle fait déjà dans ses emprises actuelles, mais de façon moins adaptée, et de pouvoir loger, parce que le projet porte aussi sur la transmission, le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, qui pourrait ainsi quitter les locaux de formation quasi insalubres qu'il occupe actuellement - il garderait, en revanche, son petit théâtre. Ce bel ensemble réunirait donc l'Odéon, la Comédie-Française, le Conservatoire, de nouvelles esthétiques et une mission de transmission tournée vers la jeunesse, le tout dans un quartier en pleine mutation.

Cela implique aussi d'investir pour l'Opéra national, dans une partie de l'Opéra Bastille qui n'était pas complètement achevée, pour permettre que ce qui se faisait à Berthier se fasse aussi à Bastille, tout en offrant à l'Opéra national de nouvelles possibilités pour présenter de petites formes dans une salle adaptée et un espace dédié pour l'éducation artistique et culturelle.

Je terminerai en évoquant le bureau export de la musique française. Nous attachons une grande importance au rayonnement que peut apporter la musique, à travers l'export. Vous avez peut-être vu, récemment, Christine and the Queens à la une d'un grand magazine américain. Certains de nos artistes connaissent véritablement de très grands succès à l'étranger, raison pour laquelle nous avons très sensiblement renforcé notre effort en faveur du bureau export. Les crédits budgétaires ont déjà été augmentés de 500 000 euros en 2016. Nous amplifions cet effort en 2017, avec 125 000 euros supplémentaires, portant la subvention à 1,3 million d'euros. Si cet effort se poursuit en 2018, ce que j'espère, les moyens alloués à cette politique de rayonnement culturel majeure auront donc doublé en trois ans.

La comparaison avec le cinéma est parfois faussée, notamment parce que la politique du cinéma est financée par des taxes parafiscales. Les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. Ces taxes sont bien moins importantes dans la musique. Cela dit, le secteur est conscient des efforts budgétaires réalisés, qu'il veut d'ailleurs lui-même contribuer à consolider, en apportant une contribution professionnelle supplémentaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La semaine prochaine, nous rencontrerons Mme Jacqueline Eidelman, chargée d'une mission sur les musées du XXI e siècle. Nous pourrons évoquer avec elle un certain nombre de sujets.

Nous passons à l'examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », il vous est proposé de la doter de 573 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 571 millions d'euros en crédits de paiement, hors compte de concours financier pour l'audiovisuel public, qui, lui, bénéficiera de 3,93 milliards d'euros. Ce montant est resté inchangé à l'issue de la discussion de la première partie du PLF à l'Assemblée nationale, mais la répartition entre la contribution à l'audiovisuel public et la taxe sur les opérateurs de communications électroniques a été modifiée par rapport à la proposition du Gouvernement.

S'agissant de l'audiovisuel public, plusieurs réformes ont été faites durant ce mandat en faveur d'une plus grande indépendance du secteur : la réforme des modes de nomination des patrons des chaînes en 2013, la réforme du financement de l'audiovisuel public uniquement par impôts d'État et par une taxe en partie affectée, et non plus par crédits budgétaires de l'État.

Le projet de budget pour 2017 prévoit des moyens importants pour l'audiovisuel public, dont nous croyons qu'il a un rôle majeur à jouer en matière d'information, de création et, plus généralement, de cohésion sociale pour surmonter la crise que traverse aujourd'hui notre société.

Les 63 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'audiovisuel public par rapport à l'année précédente permettront le respect des contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel et de Radio France, le financement des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions, Arte et France Médias Monde et du projet de plan stratégique de TV5 Monde. Ils permettront également de financer un plan d'investissement sans précédent dans la création audiovisuelle par France Télévisions et Arte, à hauteur de 30 millions d'euros, et le lancement, prévu dans l'année, de France 24 en espagnol par France Médias Monde, ainsi que celui, déjà effectué, d'une nouvelle offre d'information en continu pour un coût additionnel, en sus des moyens mis en commun, de l'ordre de 14 millions à 15 millions d'euros. Ces crédits financeront enfin la poursuite des travaux de la maison de la radio, afin que ces investissements ne pèsent ni sur le budget de fonctionnement de Radio France ni sur l'offre publique radiophonique.

L'évolution du nombre de foyers redevables de la CAP, la contribution à l'audiovisuel public, permet une évolution spontanée de 13 millions d'euros, et l'indexation de la contribution sur l'inflation s'élève à 25 millions d'euros, soit une hausse globale de 38 millions d'euros. Le Gouvernement a considéré que c'était le meilleur moyen d'assurer un financement pérenne et indépendant des besoins de ces organismes en 2017. La proposition initiale, qui consistait à relever la CAP de 1 euro en sus de l'actualisation sur l'inflation, n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

S'agissant des crédits budgétaires de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je citerai d'abord notre action en faveur du livre, qui s'appuiera en 2017 sur un budget de 260 millions d'euros en crédits de paiement. Beaucoup a été fait dans le domaine du livre depuis 2012. Je pense au plan d'aide aux librairies indépendantes, à l'opération destinée à la lecture pour la jeunesse - initiée l'an dernier, celle-ci a profité cette année à 500 000 enfants -, aux contrats territoires-lecture, qui seront près de 150 en 2017, soit 25 supplémentaires. Nous allons aussi aider pour la première fois les bibliothèques à élargir leurs horaires d'ouverture et donner des moyens supplémentaires à la Bibliothèque nationale de France, qui voit ses emplois stabilisés et sa dotation augmentée.

Dans le secteur du jeu vidéo, nous dépensons chaque année plus de 34 millions d'euros. Certains veulent aller plus loin. Il est vrai que cette industrie, qui a une dimension culturelle créative importante, est source de fortes synergies avec d'autres secteurs de la création audiovisuelle.

Dans le secteur de la musique, je rappellerai la création d'un fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique doté de 2 millions d'euros, la mise en place de l'Observatoire de l'économie de la musique pour 0,3 million d'euros et le renforcement du bureau export de la musique.

Pour les médias, deux fonds ont été créés en 2016 : le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, pour 4 millions d'euros, et le Fonds aux médias d'information sociale de proximité, pour 1,6 million d'euros. Les autres aides qui bénéficient d'une hausse dans ce budget sont l'aide au pluralisme de la presse locale et le Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Vous citez une mesure importante concernant les diffuseurs et les marchands de journaux. Une mesure importante proposée pour 2017 et très attendue par la profession est l'exonération systématique de contribution économique territoriale pour tous les marchands de journaux indépendants, les kiosquiers. Un amendement gouvernemental sera déposé en ce sens au PLF 2017 dans le cadre des articles non rattachés.

Je sais que vous êtes aussi très attentifs aux radios associatives. Nous allons revaloriser leur budget de façon très significative, puisque le budget du Fonds de soutien à l'expression radiophonique sera augmenté de 6 %. Cela répond à une demande très ancienne, au sujet de laquelle vous m'avez beaucoup sollicitée.

Je voudrais également attirer votre attention sur l'AFP, qui est notre championne mondiale en matière d'agence d'information. L'État continue de la soutenir activement, avec plus de 10 millions d'euros supplémentaires entre 2016 et 2017.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Madame la ministre, je crains de ne pas partager votre optimisme sur le financement de l'audiovisuel public, particulièrement pour France Télévisions.

Lors de son audition sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens, la présidente de France Télévisions a reconnu que l'État allait se retrouver « face à une falaise » concernant le rendement de la CAP du fait de l'absence de réforme. Quelle est, dans ces conditions, la confiance que l'on peut accorder à un contrat d'objectifs et de moyens sur cinq ans, si les ressources de l'audiovisuel public ne sont pas garanties ? Pourquoi avoir encore une fois renoncé à réformer la CAP ?

La Cour des comptes a mis en évidence des excès dans les rémunérations de certains personnels de France Télévisions, qui cumulent à la fois des salaires élevés et des rémunérations complémentaires avec des contrats d'usage. Comment réagissez-vous à ces révélations ? Quelle réponse envisagez-vous d'y apporter ?

Un an après la grande grève, la situation de Radio France semble fragile, avec des réformes repoussées, comme celle des orchestres ou des rédactions, et des déficits persistants. Quelle est exactement la situation financière de Radio France aujourd'hui ? Les foyers de dépenses sont-ils aujourd'hui maîtrisés ou bien craignez-vous une dégradation des comptes dans les mois qui viennent ?

Ma dernière question concerne la radio numérique terrestre. Le CSA a engagé un nouveau programme de déploiement sur les régions de Lille, Lyon et Strasbourg, permettant un franchissement du seuil des 20 % de couverture de la population française. Il semble que le Gouvernement n'ait pas encore fait connaître sa position quant à la présence des radios du service public sur ces trois zones. Qu'en est-il exactement ?

Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le budget de France Médias Monde est en augmentation cette année, et l'on ne peut que s'en réjouir. Le COM prévoit le maintien, voire une légère augmentation annuelle des moyens jusqu'en 2020, mais nous verrons comment cela se passe.

J'ai auditionné hier une partie des syndicats de France Médias Monde. Permettez-moi de me faire le relais de certaines de leurs préoccupations. Ils s'interrogent sur le projet stratégique à long terme. En effet, la télévision est budgétivore, et les besoins de France 24 sont réels. Mais, parallèlement, le budget de RFI stagne dans le meilleur des cas, ce qui suscite l'inquiétude des salariés sur leur avenir et sur celui de leur radio. Pouvez-vous préciser les priorités de l'État pour le groupe audiovisuel extérieur ?

TV5 Monde panse encore ses plaies suite à l'attaque informatique de 2015. Est-ce que les leçons ont été tirées pour l'ensemble de l'audiovisuel public ? Pensez-vous que TV5 Monde va pouvoir reprendre sa marche en avant dans un contexte très concurrentiel ?

France 24 est partenaire de la nouvelle chaîne d'information, Franceinfo. Quel jugement portez-vous sur ce partenariat et sur les débuts de la chaîne ? Quels sont les apports de France Médias Monde à ce projet ? L'équilibre entre les différents médias ne devra-t-il pas être revu à terme ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Madame ministre, je vous remercie pour la progression et la stabilisation de certaines lignes budgétaires. Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points.

Lors des auditions que j'ai menées, j'ai pu constater la baisse des taxes que perçoit le Centre national du livre. Selon les conclusions de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles sur les causes de l'érosion du rendement des taxes qui lui sont affectées, il apparaît que, pour ce qui concerne la taxe sur les appareils de reprographie, la poursuite de cette attrition serait inexorable, les photocopieurs étant replacés par des sociétés de services.

Or il y a de nombreuses répercussions sur les actions qui sont menées par le CNL, notamment le soutien à la librairie, la politique territoriale, les salons, les festivals, et certains projets peuvent être remis en question. Dès lors, quelles sont les pistes envisagées pour lui donner les moyens de mener à bien ses missions à l'avenir ? D'autres sources de financement seront-elles mobilisées ?

Comme l'an passé, le présent projet de loi de finances dote la HADOPI de moyens suffisants à la mise en oeuvre de ses missions. Ce budget stabilisé permet d'en assurer le fonctionnement mais pas au-delà. Or le piratage continue de priver les auteurs de la rémunération qui leur est due. Par ailleurs, il est possible que les modalités de piratage évoluent à moyen terme et que certaines missions deviennent obsolètes. Est-il envisagé de maintenir la HADOPI à ce niveau d'action ou, au contraire, d'en élargir le champ de compétence à de nouveaux modes de piratage afin de la rendre plus efficace ?

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits « Presse » . - À l'occasion des auditions préparatoires au présent projet de loi de finances, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leurs craintes s'agissant de la poursuite de la mutualisation des moyens entre messageries de presse, à la suite du changement de gouvernance opéré au sein des Messageries lyonnaises de presse. Si cet obstacle venait à se confirmer, des mesures seront-elles prises pour obliger les messageries à tenir leurs engagements ? La fusion des deux entités pourrait-elle alors être envisagée ?

Malgré une augmentation de 5 millions d'euros de sa dotation en 2017, l'Agence France-Presse demeure dans une situation financière inquiétante, marquée par la faiblesse de ses résultats commerciaux et par un niveau d'endettement élevé. Comment l'État pourrait-il envisager de sortir l'Agence de ce mauvais pas sans contrevenir à la réglementation européenne ?

M. Michel Savin. - Je souhaite obtenir une précision et une confirmation : de quel montant sera l'effort consenti en faveur des SMAC, et cet effort sera-t-il bien ciblé sur le monde rural ?

Mme Marie-Christine Blandin. - Nous nous félicitons de la remontée des crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Par ailleurs, nous voulons insister sur l'éducation aux médias, vers laquelle il est important de flécher des crédits.

S'agissant enfin du Grand Palais, notre commission restera vigilante pour que la culture scientifique ne soit pas rognée par les prestations internes à cette entité.

Mme Maryvonne Blondin. - L'Observatoire de l'économie de la musique doit être mis en place au début de l'année prochaine. Quels seront ses moyens, notamment en matière de personnel ?

J'aimerais aussi savoir s'il y a une différence entre les pactes culturels et les contrats de développement culturel. Les régions peuvent-elles être associées aux seconds ? Comme elles ont maintenant la main sur les fonds européens, elles pourraient peut-être aider les autres collectivités territoriales à élaborer des projets artistiques favorisant la vie culturelle dans les zones un peu abandonnées sur ce plan.

Mme Vivette Lopez. - Madame la ministre, vous avez annoncé votre intention d'aider à l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques. Quelle forme prendra cette aide ? Des plages d'ouverture plus larges supposent une augmentation du temps de travail des bibliothécaires ou des embauches. Aiderez-vous les communes à financer les heures supplémentaires ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - En ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement.

S'agissant de Radio France, la dernière prévision de résultat net transmise par la société pour 2016 est légèrement meilleure que prévu : 13 millions d'euros de déficit, soit 3 millions d'euros de moins qu'envisagé. On est donc sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes, prévu pour 2018 par le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019. L'effort est partagé entre l'État et Radio France. De son côté, le Gouvernement a tenu et tiendra ses engagements : une dotation exceptionnelle de 80 millions d'euros sera allouée à la société entre 2016 et 2018, et la nouvelle offre d'information à laquelle contribue Radio France sera accompagnée à hauteur de 500 000 euros. Du sien, Radio France doit mener un certain nombre de réformes ; nous y serons attentifs, car elles sont nécessaires pour aller au bout du chemin.

Plusieurs rapports ont souligné le coût élevé de la généralisation de la radio numérique terrestre, notamment pour les éditeurs. S'agissant du service public, le contrat d'objectifs et de moyens signé en mars dernier prévoit la possible diffusion en RNT des services musicaux de France Musique, Mouv' et FIP dans les zones où ils ne sont pas disponibles en FM. Une demande de réservation de fréquences pourrait donc être envisagée dans le cadre des appels lancés par le CSA à Strasbourg, Lille et Lyon, si un déficit était avéré dans ces zones-là.

Les priorités de France Médias Monde sont clairement fixées dans le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 : lancement de l'offre de France 24 en espagnol, présence de cette chaîne dans l'ensemble de ses zones de diffusion avec le passage en TNT en Afrique et la migration en HD en Asie, en Amérique et en Europe, effort de communication pour accroître la notoriété des marques du groupe, enrichissement des offres numériques et renforcement de la sécurité des emprises et du système d'information.

Grâce à l'accord conclu en 2015, qui a conduit à une hausse des salaires des personnels et à une adaptation de leur temps de travail à celui des personnels de France 24, la situation de RFI me paraît maintenant stabilisée.

À la suite de la cyberattaque subie par TV5 Monde le 8 avril 2015, le premier acte de cybersabotage de cette ampleur commis sur le sol français, le Gouvernement a réuni l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et de la presse pour partager avec eux ses informations. Un comité stratégique de l'audiovisuel public s'est réuni le 21 octobre dernier pour, notamment, réfléchir à des projets de cybersécurité. Compte tenu des coûts additionnels de 4,4 millions d'euros supportés par TV5 Monde, auxquels s'ajoutent des pertes de recettes sur le numérique, nous et d'autres gouvernements bailleurs de fonds avons débloqué des financements exceptionnels à hauteur de 2 millions d'euros. Par ailleurs, la France a augmenté sa dotation pérenne à TV5 Monde de 0,7 million d'euros en 2016.

Les signes d'érosion des taxes affectées au Conseil national du livre sont, en effet, une vraie préoccupation. Une mission a été confiée, en 2015, à l'Inspection générale des affaires culturelles pour en comprendre l'origine. La loi de finances rectificative pour 2015 a étendu le champ d'application de la taxe sur l'édition des ouvrages numériques, mais cette mesure n'a pas suffi à compenser l'érosion constatée. Je vais confier à deux experts de l'Inspection générale des affaires culturelles et du Conseil d'État un travail d'examen plus structurel sur l'assiette pertinente pour retrouver un niveau de recettes suffisant.

Les moyens supplémentaires alloués à la HADOPI dans le projet de loi de finances pour 2017 visent principalement à répondre aux demandes d'indemnisation des fournisseurs d'accès à Internet et non à revenir sur le débat relatif à ses missions. Parallèlement à l'action de la HADOPI, nous avons pris des mesures énergiques contre ceux qui tirent un profit commercial du piratage, en suivant l'approche dite follow the money - si vous m'autorisez cet anglicisme.

Au sein des Messageries lyonnaises de presse, un changement de gouvernance est en effet intervenu avant l'été. Une nouvelle équipe se met en place. L'État est vigilant sur ces évolutions et le commissaire du Gouvernement auprès du CSMP, le Conseil supérieur des messageries de presse, rappelle, lorsque cela est nécessaire, la nécessité de préserver les équilibres de la loi Bichet.

Il est dans l'intérêt des Messageries lyonnaises de presse et de Presstalis de mener à terme les réformes structurelles qu'elles ont entreprises, sous l'égide du CSMP et dans un dialogue constructif avec l'État. Les deux messageries ont, je crois, conscience de partager un intérêt commun, ce qui a déjà permis de réaliser des réformes importantes : le nouveau schéma directeur de niveau 2 et le décroisement des flux logistiques.

En ce qui concerne les conséquences de la réforme des annonces judiciaires et légales de 2015 sur certaines publications à faible diffusion, je confirme que le titre La Semaine ne peut plus bénéficier de la publication des annonces judiciaires et légales ; ce changement s'impose à nous, et c'est plutôt la circulaire qui n'était pas adaptée. Nous n'avons pas été saisis d'autres cas où la question se poserait. Je vous promets de vous faire parvenir dans la semaine la réponse écrite que je vous dois.

Quant à l'Observatoire de l'économie de la musique, le décret précisant ses missions, sa gouvernance et son fonctionnement fait actuellement l'objet d'une consultation publique, qui s'achèvera le 10 novembre. Il sera publié d'ici à la fin de l'année, pour que l'observatoire puisse être effectif au 1 er janvier 2017. Cette instance sera abritée par le CNV mais aura une gouvernance propre. L'engagement de l'État aux côtés des professionnels participant à l'observatoire se traduit dans le projet de loi de finances pour 2017 par l'attribution au CNV de 300 000 euros supplémentaires, destinés à financer les études de la future instance. Le transfert de moyens humains et financiers hébergés à la Cité de la musique-Philharmonie de Paris est également prévu.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Qu'en est-il des SMAC ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - L'effort, de 500 000 euros, bénéficiera prioritairement, mais pas exclusivement, au monde rural.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Compte tenu de la gravité du phénomène de radicalisation, nous devrions sérieusement réfléchir à étendre la zone de diffusion de la chaîne Monte Carlo Doualiya, qui porte un autre regard sur le monde en langue arabe.

Mme Sylvie Robert. - Nous sommes préoccupés par la situation d'i-Télé, d'autant plus qu'elle se prolonge. Il faut mesurer l'inquiétude psychologique et morale, voire la détresse, des journalistes. Ceux-ci ont été reçus par la ministre du travail. Où en êtes-vous vous-même, madame la ministre, et y a-t-il une issue à cette situation triste et extrêmement préoccupante ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sylvie Robert exprime une préoccupation partagée par nombre d'entre nous. Après avoir reçu les représentants des journalistes et m'être entretenue avec la direction de la chaîne, j'ai appelé le CSA à assumer toute sa responsabilité, ce qu'il a fait en lançant ses mises en demeure. Les difficultés sont liées aussi à une inquiétude sur l'avenir éditorial d'i-Télé : restera-t-elle une chaîne d'information avec un degré d'exigence et de qualité élevé ? Quelle est votre position sur la situation, madame la ministre, et quels ont été les résultats de l'entretien des représentants des journalistes avec Mme El Khomri ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - Nous sommes nous aussi très préoccupés par la situation. La grève dure depuis trop longtemps : nous risquons de battre mardi prochain le record de la plus longue grève dans l'audiovisuel depuis la fin de l'ORTF !

Les questions soulevées par ce conflit ont été abordées de façon plus générale au moment de l'examen de la proposition de loi de Patrick Bloche visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Les équipes d'i-Télé s'inquiètent à juste titre pour leur indépendance et pour l'éthique de l'information, qui doit être protégée vis-à-vis des intérêts des actionnaires comme de ceux des annonceurs. Cette question intéresse le législateur comme le Gouvernement. Quant au CSA, il a joué son rôle de façon claire pour faire respecter la convention en vertu de laquelle i-Télé a obtenu une fréquence.

Des problèmes de droit du travail se posent également. C'est pourquoi Myriam El Khomri a ouvert sa porte aux équipes d'i-Télé, mais aussi à la direction, qui n'a pas encore répondu.

Pour sa part, le ministère de la culture a donné du temps au dialogue. Nous avons reçu les équipes et la direction, laquelle a pris devant moi des engagements destinés à assurer l'indépendance des rédactions, mais qui n'ont pas abouti. Parier sur l'épuisement des journalistes, qui commence à être réel, n'est ni digne ni responsable de la part d'un groupe comme Canal+.

Nous restons très vigilants et nous attendons de la direction, dans les jours qui viennent, des gestes en faveur de l'indépendance des rédactions.


* 1 Voir à ce sujet l'avis n° 168 - Tome IV - Fascicule 1 (2015-2016) de votre rapporteur pour avis.

* 2 Cette hausse des dégrèvements s'explique en particulier par les dispositions prévues par l'article 75 de la LFI pour 2016 qui permet aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l'exonération de taxe d'habitation prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de 60 ans, veufs ou veuves, ou titulaires de l'AAH, de conserver pendant deux ans le bénéfice de cette exonération à laquelle est associée le dégrèvement de CAP.

* 3 « Un modèle économique de l'audiovisuel public adapté au 21 è siècle », rapport d'information n° 3098 de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Éric Woerth, président, et M. Jean-Marie Beffara, rapporteur, p. 57 et suivantes.

* 4 On peut observer que le groupe TF1 a obtenu davantage de latitude que France Télévisions pour recourir à la production dépendante et à une zone de souplesse qui apporte plus de droits dans le cadre des contrats signés avec les producteurs indépendants.

* 5 Votre rapporteur pour avis a renoncé à redéposer ses amendements sur la production dépendante en 2 e lecture du projet de loi LCAP après l'adoption d'un nouvel accord professionnel entre le groupe TF1 et les représentants des organisations de producteurs. Il souhaite maintenant que des accords soient rapidement trouvés par les groupes M6 et Canal+ et que les dispositions réglementaires permettant l'application de ces accords soient publiées avant la fin de l'année 2016 comme prévu par les services du ministère de la culture et de la communication.

* 6 Rapport d'information de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, n° 709 (2014-2015) - 29 septembre 2015 - https://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-709-notice.html.

* 7 Dans son rapport, la Cour des comptes regrettait en particulier que : « à l'évidence, ni l'entreprise ni ses tutelles n'ont fait jusqu'à présent des COM un véritable levier de changement ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page