TRAVAUX DE LA COMMISSION

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Audition de Mme Myriam El Khomri,
ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle
et du dialogue social

M. Alain Milon , président . - Je remercie Mme El Khomri d'avoir bien voulu venir nous présenter les grandes lignes du projet de budget de la mission « Travail et emploi » pour 2017, une mission dotée de plus de 15 milliards d'euros par ce PLF, auxquels s'ajoute 1,5 milliard du compte d'affectation spéciale « Apprentissage ».

Après votre exposé, notre rapporteur pour avis, Michel Forissier, et les autres membres de la commission, vous interrogeront sur ce budget mais aussi sur les autres questions d'actualité intéressant votre ministère, notamment la mise en oeuvre de la loi que nous avons discutée au mois de juin dernier.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Je vous remercie de me recevoir.

J'ai annoncé en septembre une baisse de 66 300 du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A. Ce chiffre mensuel doit être replacé dans une tendance et comparé avec l'évolution des autres catégories, comme l'a souligné avec raison votre commission d'enquête sur les chiffres du chômage. En l'espèce, je constate une baisse de 90 000 demandeurs d'emploi dans cette catégorie depuis le début de l'année.

Le budget de la mission « Travail et emploi » s'établit à 15,3 milliards d'euros, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2016. L'effort est inédit ; il accompagne une dynamique de reprise, en cohérence avec les réformes menées par le Gouvernement, dont la philosophie s'articule autour du triptyque réaffirmé en janvier par le Président de la République : modernisation, formation et cohésion.

La modernisation a été engagée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail, mais aussi par l'introduction de nouveaux droits pour les salariés. La formation, c'est le plan « 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi » : un cap quantitatif mais aussi qualitatif, mis en place en lien avec les entreprises, les régions et les partenaires sociaux. Reconnaissons-le, notre pays souffre d'un retard significatif en matière de formation des demandeurs d'emploi. Enfin, la cohésion est assurée grâce au soutien de ceux qui ont le plus besoin d'emploi, à travers les contrats aidés, la garantie jeunes et la prime à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises (PME).

Ce triptyque se retrouve dans le budget qui vous est soumis. D'abord, le développement de l'emploi dans les TPE et PME est soutenu par l'augmentation d'environ 1,85 milliard d'euros des crédits des dispositifs d'aide à l'embauche PME et d'aide à la première embauche dans les très petites entreprises (TPE). Le premier dispositif a fait l'objet de 825 000 demandes, dont 66 % concernent des CDI et près de 40 % des jeunes de moins de 26 ans. Ne nous le cachons pas, cette aide est peu utile lorsque les carnets de commandes sont vides ; mais quand ils se remplissent, elle devient un accélérateur de la décision d'embauche de la PME. Ce matin même, j'ai préparé, avec les responsables des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et les directeurs régionaux de Pôle Emploi, la mise en place d'un service gratuit d'information sur le droit du travail. Nous savons combien il est important, pour les employeurs, de pouvoir s'adresser directement aux Direccte et de disposer d'une information sécurisée pour prévenir les risques de contentieux.

La loi Travail a accéléré la modernisation de notre droit, à travers la modulation du temps de travail sur neuf semaines au lieu de quatre, et bien sûr les accords types de branche, sur lesquels les négociations ont été engagées dans certains secteurs.

Deuxième priorité, la formation professionnelle : c'est l'une des principales réponses aux défis d'un monde du travail de plus en plus polarisé entre les personnes qualifiées et celles surqualifiées. La formation réenclenche la mobilité sociale ; c'est une exigence morale, sociale et économique. Elle doit aussi aider à la construction des parcours professionnels, alors que la reconversion paraît trop souvent inaccessible aux demandeurs d'emploi. L'accompagnement est au coeur de nos enjeux, notamment à travers le conseil en évolution professionnelle (CEP) et le compte personnel de formation (CPF). La prise de conscience a été longue, mais le plan 500 000 formations marque un tournant. Enfin, je tiens à préciser que les demandeurs d'emploi en formation dans ce cadre ne disparaissent pas, comme on a pu le suggérer, des statistiques du chômage puisqu'ils passent en catégorie D. Une évaluation de ce plan est prévue avec les régions et les partenaires sociaux.

Dans le cadre de ce plan, nous proposons d'ajouter 196 millions d'euros en 2017 pour le financement des conventions de 2016 et cinq millions pour lancer le compte personnel d'activité (CPA) créé par la loi Travail. Certains décrets sont en préparation, d'autres ont déjà été pris, comme celui qui double le nombre d'heures de formation pour les salariés les moins qualifiés. La formation s'inscrit dans un parcours : le développement des préparations opérationnelles à l'emploi et des contrats de professionnalisation y pourvoit.

La troisième priorité est l'insertion des jeunes. La situation s'améliore : le nombre de jeunes inscrits en catégorie A à Pôle Emploi a baissé de 40 000 en un an, soit 7 %. Il y a moins de jeunes chômeurs qu'en 2012 ; mais, avec 747 millions d'euros alloués, soit 176 millions de plus qu'en 2016, la jeunesse reste une priorité. Ce budget doit notamment financer la généralisation de la garantie jeunes, qui sera un droit universel à partir du 1 er janvier 2017. J'ai pu me rendre compte, lors de ma visite en Guyane, que la mission locale de Maripasoula n'avait pas de représentant nommé. Le service public de l'emploi sera organisé afin que la totalité des missions locales proposent la garantie jeunes au 1 er janvier prochain. Je m'y engage.

Le déploiement des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide), que vous connaissez bien M. Forissier, se poursuit : deux nouveaux établissements seront créés dans le Sud-Ouest. Les moyens de fonctionnement des missions locales seront augmentés à hauteur de 15 millions d'euros. Nous avons demandé un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le modèle économique de ces missions. Dans les Epide, 88 % des bénéficiaires ont au mieux un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et 33 % d'entre eux sont issus d'un quartier relevant de la politique de la ville. La moitié des jeunes en ressortent avec un contrat de travail ou une entrée en formation qualifiante.

D'après les premiers résultats publiés en juillet, le taux d'emploi des bénéficiaires de la garantie jeunes, dont 87 % sont des « NEET » - ni en emploi, ni en études, ni en formation - est passé de 30 à 40 %. Cette hausse recouvre presque entièrement un accès à des CDI ou CDD de plus de six mois dans le secteur marchand. La garantie jeunes, je le rappelle, a été saluée par la Cour des comptes.

Cet effort s'inscrit dans un cadre plus large : revalorisation des bourses, soutien aux jeunes décrocheurs et aux entrepreneurs à travers le CPA, ou encore relance de l'apprentissage. Dans notre bataille pour l'emploi, je n'oublie pas le gain d'efficacité que représentent le numérique et les big data. Dans le cadre du plan « Numérique, emploi, travail », piloté à travers le plan d'investissement pour l'avenir, nous avons lancé, après un an de tests dans vingt-deux missions locales et un Epide, le dispositif Clic'n Job en partenariat avec Emmaüs Connect et WeTechCare, dont l'objectif est d'accompagner un million de jeunes. C'est un dispositif conçu par, pour et avec les jeunes. Je vous invite à diffuser cette information : ces plateformes numériques seront mises à disposition des jeunes dans les missions locales. Dans les prochaines semaines, je lancerai avec Paul Duan, fondateur de l'organisation non-gouvernementale (ONG) Bayes Impact, et en partenariat avec Pôle Emploi, une plateforme de facilitation de l'orientation et de l'accès à la formation et à l'emploi alimentée par dix ans de bases de données anonymisées et de parcours de demandeurs d'emploi.

Au-delà de ces trois priorités, ce budget honore également les engagements forts du Gouvernement, à commencer par la consolidation des budgets d'insertion par l'activité économique et les mesures en faveur des travailleurs handicapés : à 1,18 milliard d'euros, ils sont en progression de 7,8 millions et financent notamment 88 500 aides au poste.

Une enveloppe de 80 millions d'euros est prévue pour l'amélioration de la rémunération des apprentis, conformément aux engagements pris au mois d'avril. L'apprentissage est une priorité pour Clotilde Valter, secrétaire d'Etat, comme pour moi-même. On constate une reprise dans ce domaine, avec 4 % d'entrées supplémentaires pour la campagne 2015-2016. Les apprentis bénéficient de nouveaux droits : la carte étudiant, l'accès au Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), l'aide à la recherche du premier emploi, la prime d'activité, la prise en compte des heures d'apprentissage dans le calcul des droits à la retraite, l'ouverture des titres professionnels du ministère - déjà mise en oeuvre dans certaines régions et qui permettra des entrées en apprentissage tout au long de l'année - et enfin l'aide TPE jeune apprenti, qui a concerné 76 000 recrutements depuis juin 2015.

Nous travaillons également avec le ministère de l'Education nationale pour améliorer l'orientation professionnelle des élèves, qui sera facilitée par l'obligation pour toute structure de formation d'indiquer les taux d'accès à l'emploi pour chaque filière.

Par ailleurs, mon ministère et celui de la fonction publique montrent l'exemple en recrutant 10 000 apprentis.

Cet ensemble de mesures est de nature à lever les freins au développement de l'apprentissage. Un décret sur les apprentis marins, qui règlera la question du cycle de travail de nuit, sera publié au 1 er janvier.

Au total, l'effort financier de l'État sur l'apprentissage aura été porté de 2,75 à 2,84 milliards d'euros entre 2013 et 2017 soit une progression de 3,3 %. Certes, en 2015, le nombre de contrats d'apprentissage signés n'était pas revenu à son niveau de 2012 - 280 000 contre 307 000. Mais un cadre de confiance a été établi ; il appartient à l'ensemble des partenaires de se mobiliser. Si les TPE jouent le jeu, l'effort des grands groupes n'est pas à la hauteur.

La mission « Travail et emploi » apportera également un soutien de 15 millions d'euros à l'initiative des territoires « Zéro chômeur de longue durée » lancée par ATD Quart Monde, qui sera déployée à titre expérimental dans dix territoires. Le service public de l'emploi est conforté avec 1,5 milliard d'euros accordé à Pôle Emploi - un total stable. Le financement des maisons de l'emploi est maintenu à 21 millions d'euros, tandis que 110 millions sont prévus pour l'établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) qui remplacera l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) au 1 er janvier 2017. Enfin, les financements des contrats aidés sont sanctuarisés à hauteur de 2,4 milliards d'euros, comme en 2015, pour un total de 280 000 nouveaux contrats signés en 2016.

Voilà les éléments de ce budget de combat en faveur de l'emploi.

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - Merci de votre exposé et de votre sincérité dont je ne doute pas. Mais les comptes sont têtus...

Je n'ai pas retrouvé, dans les crédits du projet de loi de finances 2017, le financement de l'opération « 500 000 formations supplémentaires » pour les personnes en recherche d'emploi. Pouvez-vous m'éclairer ?

Je suis tout à fait favorable à la formation continue des demandeurs d'emploi, mais il convient que, puisque des deniers publics sont engagés, elle fasse l'objet d'une évaluation par un organisme indépendant.

D'après le Panorama de la société de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour 2016, publié au mois d'octobre, le pourcentage des 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation est passé en France de 14 % en 2008 à 16,6 % en 2015 ; pour l'Allemagne, qui partait du même niveau en 2008, ce taux est descendu à 9,2 %. On compte 1,8 million de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif. Enfin, d'après ce rapport, le coût de cette inactivité est estimé à 1 % du produit intérieur brut français.

Ce constat s'explique en grande partie par l'échec de l'école républicaine, qui produit en son sein diverses inégalités sociales qui se cumulent, comme l'a montré un rapport récent du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco). Il est urgent de mettre en place un plan national de refonte de l'école, plutôt que d'en corriger les échecs en aval : c'est la mère de toutes les batailles.

J'ai l'impression d'être le seul à m'inquiéter que les partenaires sociaux n'aient pas réussi à négocier la nouvelle convention chômage. Or, selon les dernières projections, la dette de l'Unédic va passer de 25,5 milliards d'euros en 2015 à plus de 41 milliards en 2019! Certes, les taux d'intérêt sont faibles mais le moindre relèvement pourrait avoir des conséquences dramatiques. Faute d'accord, le Gouvernement est-il prêt à reprendre la main ? Le silence autour de cette question doit cesser.

L'échec du contrat de génération est désormais consommé : comme en 2016 et en 2015, 15 000 aides financières sont prévues pour 2017, loin des 500 000 annoncées pour la durée du quinquennat... J'avais tiré la sonnette d'alarme l'année dernière et la Cour des comptes a emboîté le pas en février. Quelles sont les raisons de cet échec, que je regrette comme l'ensemble de mes collègues ?

Où en est la revalorisation de la grille de rémunération des apprentis annoncée par le Gouvernement en avril ?

À notre grand regret, aucune des propositions de notre assemblée sur le contrat d'apprentissage n'a été retenue. Je comprends vos motivations idéologiques, mais si vous nous aviez écoutés, vous annonceriez aujourd'hui un rebond des embauches d'apprentis de 10 ou 15 %, au lieu de 4 %...

Mme Myriam El Khomri, ministre . - Le coût total du plan « 500 000 formations » pour l'État est de 1,3 milliard d'euros, dont 990 millions pour les formations régionalisées et 178 millions pour la commande nationale de formation. S'y ajoutent 130 millions au titre de l'effort exceptionnel du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), principalement sous forme d'abondement au CPF des demandeurs d'emploi. En 2016, 607 millions d'euros ont été dégagés par le budget de l'Etat pour le financement des formations régionalisées et nationales. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2017, l'effort est de 546 millions, dont 78 millions pour le marché national et 468 pour les formations régionalisées, financés par 196 millions d'euros de crédits de l'État et un fonds de concours de 350 millions.

L'alimentation de ce fonds de concours pose la question du rôle des organismes paritaires des collecteurs agréés (Opca). Il est légitime que l'État envisage d'orienter les excédents éventuels issus des fonds de la formation professionnelle vers les demandeurs d'emploi. Plutôt que de prendre de force l'argent des Opca - ce qui a été fait pendant deux ans avant 2012 - nous avons commandé une mission à l'Igas et à l'Inspection générale des finances, dont nous attendons les conclusions dans les prochaines semaines. Cette démarche a été présentée aux partenaires sociaux qui ont reconnu la nécessité de s'assurer que les fonds de la formation professionnelle étaient réellement utilisés à cette fin. Le fonds de concours à la formation des demandeurs d'emploi, je le rappelle, sera abondé par les Opca sur la base d'une participation volontaire. Le rapport de la mission nous donnera les moyens de mettre en oeuvre avec les partenaires sociaux les hypothèses retenues et de réorganiser l'articulation des fonds, avec un chiffrage affiné et précisé. Le calendrier de ces opérations sera précisé dans les prochaines semaines.

En parallèle, un travail d'évaluation de la formation professionnelle a été confié à la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), dont l'indépendance ne saurait être mise en doute, sur la base d'un cahier des charges concerté et présenté au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop). L'évaluation nous renseignera sur la pertinence des diagnostics territoriaux : la formation répond-elle aux besoins identifiés dans les bassins d'emploi ? Un exemple : dans les chantiers navals de Saint-Nazaire, on recourt massivement aux travailleurs détachés faute de trouver du personnel qualifié sur place... 800 000 euros ont été débloqués en partenariat avec la région, dans le cadre du plan « 500 000 formations », pour délivrer des formations appropriées aux demandeurs d'emploi du bassin. Le rapport de la Dares évaluera également les tensions sur l'offre, la gouvernance du plan, la satisfaction des demandeurs d'emploi, mais surtout - c'est l'essentiel - le retour à l'emploi effectif. D'après une première enquête, 89 % des demandeurs d'emploi qui avaient terminé leur formation en juillet et août se déclaraient satisfaits.

Le nombre de jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme et qui sont sans emploi et sans formation est passé de 150 000 à 110 000, ce qui reste bien sûr trop élevé. Grâce à l'ouverture des titres du ministère chargé de l'emploi et de l'apprentissage, qui lève un vieux tabou en France, un jeune souhaitant devenir maçon pourra opter pour un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en deux ans ou un titre professionnel de maçon préparé en 900 heures de formation. En Île-de-France, 900 places seront ouvertes pour obtenir un titre professionnel, dont le contenu est défini par les acteurs de la branche. L'objectif est de raccourcir le temps de formation mais en renforçant l'apprentissage au sein de l'entreprise. Nous envisageons l'ouverture de 85 des 220 titres de mon ministère à l'apprentissage, après validation par le ministère de l'Education nationale. Autre avantage : les jeunes pourront accéder à ces formations tout au long de l'année ; ainsi ils ne se trouveront plus sans solution jusqu'à l'année suivante en cas de rupture de leur contrat d'apprentissage, comme cela se produit souvent dans l'hôtellerie et la restauration.

La Cour des comptes demande une rationalisation des dispositifs destinés aux jeunes : c'est justement l'objectif du parcours d'accès autonomie et emploi prévu par la loi Travail. Autre forme d'accompagnement, l'abondement du compte personnel d'activité (CPA) pour tout jeune sorti du système scolaire, qui lui donnera accès aux premières formations. Enfin, la garantie jeunes est l'accompagnement le plus intensif.

Dans la perspective de la refonte de l'école que vous appelez de vos voeux, monsieur Forissier, la question de la mixité scolaire est aussi un enjeu déterminant. Elle appelle des expérimentations au niveau du collège, en prenant exemple sur celles qui ont été conduites dans d'autres pays avec de bons résultats.

Constatant l'échec des négociations sur la nouvelle convention Unédic, l'État a pris ses responsabilités en prorogeant la convention de 2014 pour assurer la continuité de l'indemnisation des demandeurs d'emploi. J'ai immédiatement appelé à une reprise des négociations - voeu renouvelé par le Président au mois d'octobre. Je reste confiante : les partenaires sociaux ont toujours rempli leur rôle ces trente dernières années. Plusieurs rapports ont permis un diagnostic de la situation financière de l'assurance chômage mettant en évidence le fractionnement de plus en plus fréquent des contrats. Il y avait un projet d'accord sur la table des négociations le 30 mai mais, compte tenu du contexte lié à l'examen de la loi Travail, celui-ci n'a pu aboutir.

Comment atteindre notre objectif annoncé d'1,6 milliard d'euros d'économies sur l'Unédic ? L'objectif prioritaire est l'accélération du retour à l'emploi : c'est ainsi que nous ferons des économies, pas en réduisant les indemnisations. Aidons plutôt les demandeurs d'emploi à mettre à profit le temps d'indemnisation pour saisir les opportunités, ce qui passe notamment par la formation professionnelle. Une solution consisterait à permettre aux bénéficiaires de capitaliser leur indemnisation en fonds propres dans la perspective de créer une entreprise.

Le déficit de l'Unédic est aggravé par les contrats courts, qui coûtent 6,2 milliards d'euros et engendrent de la précarité pour les demandeurs d'emploi. 82 % des embauches en CDD sont des réembauches ; 50 % de ces CDD sont des contrats de moins d'une semaine, 60 % de moins de quinze jours et 70 % de moins d'un mois. Si bien que la France occupe la deuxième place en Europe pour l'utilisation des contrats de travail de moins d'un mois. Après l'indemnisation des intermittents du spectacle, pour laquelle nous avons trouvé un accord, le prochain enjeu d'importance est la révision des conditions d'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers, qui coûtent 600 millions par an à l'Unédic, dont 400 millions concernent le travail en Suisse, d'où des échanges bilatéraux entre gouvernements et avec la Commission européenne.

Je rappelle que ne sont comptabilisées dans le budget de l'Etat au titre du contrat de génération que les aides dans les entreprises de moins de 250 salariés. L'autre volet du dispositif est conventionnel. En septembre 2016, 6,1 millions de salariés sont couverts par des accords d'entreprise ou de groupe, pour 15 000 entreprises, et 9,3 millions par des accords de branche. Or, le débat s'arrête souvent au nombre d'aides attribuées, qui ne reflète pas la réalité. La difficulté est que nous n'avons pas assez d'observatoires de branche pour évaluer ces accords, ce qui plaide pour la restructuration des branches professionnelles. Il est vrai que ce dispositif n'a pas été aussi mobilisé qu'attendu ; mais 70 000  jeunes en ont tout de même bénéficié pour un recrutement en CDI et autant de seniors se sont maintenus dans l'emploi.

Sur la rémunération des apprentis, les échanges menés avec les organisations représentant la jeunesse ont fait ressortir que les tranches d'âge actuelles ne sont plus adaptées mais il n'y a pas de convergence sur les paramètres à prendre en compte (niveau de formation, âge, etc.) ; ensuite, tous partagent le souci de ne pas casser la dynamique de reprise de l'apprentissage. Il convient enfin de conduire la réflexion dans un cadre plus large. Un angle d'approche est le coût pour les employeurs ; il existe à leur intention des incitations financières mais seulement dans certaines régions. J'ai l'intention de confier une mission à des parlementaires en vue d'un dispositif qui serait mis en place par les partenaires sociaux. L'aide au pouvoir d'achat de 80 millions d'euros inscrite au projet de loi de finances, qui représenterait 250 à 350 euros pour les apprentis de moins de 21 ans, fera l'objet d'un décret soumis au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) en vue d'une publication à la fin de l'année.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur spécial . - Nul besoin d'insister sur les difficultés croissantes des jeunes pour accéder à l'emploi, détaillées dans le rapport de la Cour des comptes. Vous tentez d'y répondre mais la dizaine de milliards d'euros dépensés - dont la moitié pour l'apprentissage - produisent des résultats décevants.

Présidant une mission locale, je puis témoigner que les dispositifs sont trop nombreux : une vingtaine pour les jeunes, dont une dizaine encore actifs. La Cour des comptes le confirme. J'espère que la mission de l'Igas produira des résultats compréhensibles... Le modèle économique des missions locales ne sera viable que si elles sont tournées vers l'emploi.

Dans notre mission locale, qui dessert 3 000 jeunes, cinq des 44 salariés sont exclusivement dédiés à l'administration des dispositifs ! Un dossier de garantie jeunes nécessite 29 pièces administratives. Il nous est demandé de scanner tous les classeurs des deux cents jeunes bénéficiaires - deux cents pages chacun... Qui va lire tout cela ? C'est ubuesque. Avant de demander à l'Igas si le modèle économique fonctionne, simplifions le travail. Je suis prêt à vous conseiller à titre gratuit !

Mme Anne Émery-Dumas . - Le budget que vous présentez témoigne d'une mobilisation générale : 15 milliards d'euros, soit 1,8 milliard d'euros d'augmentation. Le budget de l'emploi bénéficie ainsi de plus de la moitié de la hausse des dépenses de l'État.

La baisse de la subvention d'équilibre au Fonds de solidarité peut sembler inquiétante à première vue. Pouvez-vous apporter des précisions ? Remet-elle en cause les ressources globales du fonds ?

Parmi les préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur les chiffres du chômage figurent la mensualisation des données de l'Insee et leur présentation commune avec les chiffres de Pôle Emploi, ainsi que la tenue annuelle d'Assises nationales de l'emploi. Quelle est la position du Gouvernement sur ces propositions ?

Enfin, vous avez donné des assurances quant à la généralisation en 2017 de la garantie jeunes, dont les expérimentations menées depuis deux ans ont démontré l'efficacité. Dans mon département, nous n'avons que des retours positifs.

La proposition de loi prévoyant l'expérimentation du dispositif « Zéro chômeur de longue durée » a été votée à l'unanimité par le Sénat, à l'issue d'un débat lors duquel vous vous étiez engagée à amorcer la pompe pour que l'initiative démarre dans de bonnes conditions. Un besoin de financement de 20 millions d'euros pour 2 000 équivalents temps plein avait alors été identifié pour 2017. Or, dans votre exposé, vous mentionnez le chiffre de 15 millions. Comptez-vous mobiliser d'autres partenaires ? L'appel à projets étant clos depuis le 8 octobre, avez-vous fixé la date de mise en oeuvre de l'expérimentation sur les territoires qui seront retenus ? Ce projet a créé dans les territoires une vraie attente que nous ne saurions décevoir.

M. Dominique Watrin . - Vous avez relevé la baisse du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A mais dans le même temps le nombre de contrats aidés a augmenté. Votre exposé ne fait pas toute la lumière sur la généralisation de la précarité. Dans certaines usines, le recours à l'intérim, qui ne se limite pas, loin s'en faut, au remplacement de salariés absents ou à l'augmentation de la production, constitue désormais un véritable modèle économique. Je songe notamment à la zone Capécure de Boulogne-sur-Mer avec ses industries de la pêche, ou encore aux équipementiers automobiles qui emploient jusqu'à 50 % d'intérimaires.

Les causes de cette explosion sont connues : le recours à l'intérim n'est pas beaucoup plus cher comparé aux autres contrats de travail, les salariés concernés sont plus flexibles et ont l'illusion de toucher davantage, une fraction de congés payés étant intégrée à leur rémunération. Mais, soumis à l'incertitude du lendemain, ils ne peuvent pas construire l'avenir et prennent rarement des congés, avec des répercussions sur leur santé. Les contentieux se multiplient. Le Gouvernement envisage-t-il d'encadrer davantage ces pratiques, de renforcer les contrôles, voire d'engager un plan de résorption de la précarité ?

M. Jean-Marie Morisset . - Les territoires concernés par l'expérimentation « Zéro chômeur de longue durée » n'ont toujours pas été déterminés. Dans les Deux-Sèvres, certains acteurs économiques s'inquiètent... Il est vrai que si l'opération ne commence qu'en juin, les 15 millions annoncés suffiront ! Est-ce à dire que l'arrêté prévu à l'article 3 de la loi du 1 er mars 2016 pour fixer les critères à respecter est bloqué, ou que vous n'avez pas trouvé d'accord avec les collectivités sur le décret prévu à l'article 7 pour fixer les modalités de fonctionnement de gestion du fonds ? Avez-vous fixé des conditions au fonds d'expérimentation contre le chômage de longue durée et aux collectivités territoriales pour verser ces 15 millions ?

Enfin, votre ministère a-t-il été associé à la mise en place du plan d'action en faveur du travail social, annoncé par Mme Ségolène Neuville ?

Mme Patricia Schillinger . - Merci pour votre état des lieux : l'apprentissage et le chômage sont toujours des sujets d'actualité. Je me réjouis de vos propos sur les collectivités territoriales et l'emploi : j'avais justement réalisé un rapport sur ce thème en 2012 au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Mon bassin de vie est à proximité de la Suisse. Les chômeurs ayant travaillé dans ce pays ont des conditions de vie très différentes de celles et leurs concitoyens. A quelles conditions peuvent-ils suivre une formation pour retrouver un emploi en France ? Les salaires ne sont pas au même niveau... Ayons des partenariats avec la Suisse : pourquoi ces chômeurs ne se formeraient-ils pas plutôt là-bas ? La perte d'emploi est un changement total de vie lorsqu'on a été transfrontalier.

Je suis très sensible à l'apprentissage : mon fils a été apprenti - c'est rare chez les parlementaires. Je souhaiterais que nous travaillions avec l'Education nationale. À 16 ans, l'apprenti est considéré comme un adulte alors qu'il relève encore de l'Education nationale. Qu'il n'ait que cinq semaines de congés payés m'a froissée. Dans de nombreux autres pays, les apprentis en ont davantage pour s'adapter à l'apprentissage et se former. Chaque pays a son propre contrat d'apprentissage. Développons la mobilité transfrontalière des jeunes apprentis - voyager est une expérience importante pour un jeune - en tenant compte des bassins de vie et de l'économie ; on ne peut pas généraliser à toute la France.

M. Daniel Chasseing . - Selon vous, plus de 80 % des créations d'emploi en France sont en CDD. Oui, des TPE et des PME embauchent car elles s'attendaient à ce que votre projet de loi encadre le coût des licenciements sans cause réelle et sérieuse des salariés en CDI. Or, cette disposition a été retirée. De nombreuses petites entreprises ne peuvent recruter en CDI car elles ont besoin de personnel pendant seulement trois ou cinq ans. Votre idée initiale aurait incité de nombreuses entreprises à recruter en CDI.

J'ai développé dans ma communauté de communes un projet « territoire zéro chômeur de longue durée », que j'ai présenté au ministère. Comment évolue le dispositif ?

Mme Myriam El Khomri, ministre . - Il n'y a aucun blocage sur l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » mais une très forte attente dans les territoires travaillant depuis plusieurs années sur ce sujet. Il n'y aura pas de place pour tout le monde : l'expérimentation, sur dix territoires pour 2 000 salariés environ, durera, selon la loi - votée à l'unanimité - cinq ans. L'expérimentation est lancée : le conseil d'administration de l'association gestionnaire du fonds s'est réuni à plusieurs reprises ; le conseil scientifique d'évaluation de l'expérimentation s'est réuni pour la première fois le 14 octobre. Les territoires pouvaient candidater jusqu'au 28 octobre ; les candidatures sont donc closes, plus de 50 territoires se sont montrés intéressés. La liste des territoires retenus sera proposée par le fonds, votée en conseil d'administration le 21 novembre, avant que je signe l'arrêté.

Je pense que les cinq territoires où les projets sont extrêmement avancés seront prioritaires et probablement retenus par le fonds. L'État sera le principal contributeur financier pour amorcer le dispositif : dès cette année, 100 000 euros sont dédiés au fonctionnement de l'association gestionnaire du fonds, un projet de convention avec le fonds a été présenté le 24 octobre dernier, tandis que le projet de loi de finances prévoit un budget de 15 millions d'euros. Il n'y aura pas de retard de l'Etat, conformément à nos engagements et à nos objectifs. Nous attendons un soutien financier de la part des conseils départementaux : l'association gestionnaire regardera ce critère lors de l'examen des candidatures.

Sur les 10 milliards d'euros relevés par la Cour des comptes, 57% relèvent de l'apprentissage : évitons toute confusion. Concentrons-nous plutôt sur les 3,465 milliards consacrés strictement à l'accompagnement des jeunes par le service public de l'emploi et aux contrats aidés. Le rapport de la Cour des comptes de 2011 a une vision budgétaire, sans analyse qualitative des dispositifs 2010-2015, notamment des emplois d'avenir. C'est pourquoi j'ai accéléré la sortie du rapport de la Dares sur les emplois d'avenir. Monsieur Vanlerenberghe, vous présidez une mission locale, vous savez pertinemment que les emplois d'avenir favorisent l'emploi des jeunes.

Selon le rapport de la Cour des comptes de 2011, il faut renforcer le ciblage, la durée des contrats et la formation. Répond-on à cette demande ? Fin juin 2016, 79,6 % des jeunes recrutés en emplois d'avenir n'avaient pas le bac, et 34 % résidaient dans un quartier relevant de la politique de la ville ou dans une zone de revitalisation rurale ; 80 % des bénéficiaires de la garantie jeunes ont un niveau inférieur au bac ; 88 % des jeunes des Epide ont au plus un CAP, 33 % proviennent de quartiers populaires. Cibler ceux qui en ont le plus besoin est déterminant. Quel est leur taux d'emploi ou d'insertion ? Pour la garantie jeunes, il atteint 30 à 40 %. Nous le savons grâce au suivi de cohortes : une cohorte a bénéficié du dispositif, l'autre non. On devrait réaliser de telles évaluations pour la prévention contre la petite délinquance, la lutte contre la récidive ou le travail d'intérêt général. J'avais lancé une telle évaluation à la mairie de Paris.

Ces jeunes doivent accéder à une qualification. Trois quarts des emplois jeunes ont bénéficié durant leur première année d'une formation de 26 jours en moyenne. La moitié d'entre eux ont suivi une formation certifiante, déterminante pour le retour à l'emploi. Chaque mois, lors de visioconférences, je demande aux préfets que davantage de jeunes bénéficient de formation, ou qu'ils se rendent davantage, trois mois avant la sortie du dispositif, devant un conseiller de mission locale. L'évaluation est-elle trop lourde, sert-elle à quelque chose ? Oui, il faut simplifier, et nous allons le faire, comme le propose le rapport du comité scientifique chargé de l'évaluation de la garantie jeunes. Mais comment puis-je disposer d'éléments - autres que budgétaires - si je ne peux savoir ce qui favorise le retour à l'emploi ? Les missions locales doivent faire du reporting. Ainsi, constant que le taux d'insertion des contrats de professionnalisation était important, j'ai réorienté, avec les partenaires sociaux, le plan « 500 000 formations » vers ce dispositif.

L'Igas réfléchit sur le modèle économique des missions locales, et notamment sur les raisons pour lesquelles certaines sont en grande souffrance financière. Est-ce à cause des emplois d'avenir ? Le rapport du comité d'évaluation sur la garantie jeunes, qui sera présenté le 15 novembre, mettra l'accent sur la nécessité de simplifier ce dispositif, malgré la lourde procédure d'obtention de crédits européens. J'ai écrit en ce sens à Marianne Thyssen, commissaire européen, et nous travaillons à des améliorations avec le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique.

La réduction de la subvention de l'État au fonds de solidarité ne remet pas en cause son équilibre financier, ni les prestations de solidarité pour les demandeurs d'emploi. Le projet de loi de finances prévoit de leur affecter l'intégralité du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité, contre 85 % actuellement, soit 325 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires propres et dynamiques, ce qui réduit mécaniquement le montant de la subvention d'équilibre de l'Etat, sachant que les dépenses du fonds croissent de 57 millions d'euros.

Je vous remercie pour le travail de votre commission d'enquête. La publication mensuelle des chiffres du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) - seuls chiffres autorisant des comparaisons internationales - est déjà réalisée par Eurostat. Mais leurs chiffres ont une fiabilité incertaine, car ils mélangent des enquêtes trimestrielles - exemple de l'enquête Emploi de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et des données administratives de pays où les définitions diffèrent. Vouloir associer de tels chiffres peut prêter à confusion. L'enquête Insee coûte 20 millions d'euros. La rendre mensuelle coûterait 40 millions d'euros en plus. Qui financerait ? Seuls deux pays européens ont des données mensuelles. Je préfère observer les tendances - la Dares suggère trois mois. Je suis en revanche favorable à votre proposition d'organiser annuellement des Assises de l'emploi : elles sont nécessaires.

L'apprentissage concilie les impératifs liés à la formation avec les règles du temps de travail des jeunes en entreprise, ce qui complexifie la réglementation des congés payés. Fluidifions les choses. L'ouverture des titres professionnels du ministère laissera de la souplesse aux jeunes. Depuis un an, 50 jeunes apprentis expérimentent la mobilité franco-allemande, au sein des mêmes entreprises côté allemand et côté français - malgré des cycles de formation et des rémunérations différents. Cela redonne ainsi corps à l'Europe sociale et à l'identité européenne. Erasmus a une très forte identité : construisons un Erasmus des apprentis beaucoup plus important qu'aujourd'hui !

Avant des accords transfrontaliers, obtenons d'abord des accords de réciprocité. Revoyons la directive de 1996 sur les travailleurs détachés : il n'est pas normal qu'un résident français soit embauché au Luxembourg puis détaché en France ! Arrêtons ces détournements. Nous travaillons avec l'Unédic pour renégocier des accords bilatéraux.

Je partage votre interrogation sur la précarité de l'intérim. Les contrats extrêmement courts coûtent 6,2 milliards d'euros à l'Unédic. Cela concerne l'inspection du travail. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a permis de développer le CDI intérimaire - mais insuffisamment - car le CDI constitue le Graal pour obtenir un logement ou des prêts. Il ne faut pas taxer mais développer un système de bonus-malus : le cumul contrats courts - chômage est devenu le modèle économique de certaines branches professionnelles, même si elles doivent payer des indemnités de précarité. J'ajoute que le CDD d'usage connaît de nombreux dysfonctionnements.

S'agissant des chiffres du chômage, il n'y a pas de manipulation des statistiques. Je recevais 200 courriers par mois de demandeurs d'emploi désespérés que leur formation ne soit pas financée par Pôle Emploi : le plan « 500 000 » formations répond à cet enjeu. Certes, pour 11 % des bénéficiaires de ces formations, il y a un problème d'adéquation - une photographe peut se voir proposer un emploi de laveur de vitres...On ne peut pas toujours tomber juste, mais Pôle Emploi, Cap emploi et les missions locales veulent bien faire.

S'y retrouve-t-on en création nette d'emplois ? Telle est ma seule préoccupation. Après plusieurs années de destruction d'emplois, nous sommes à cinq trimestres consécutifs de création nette d'emplois : plus 185 000 emplois. Chance pour notre pays mais défi économique, nous avons 700 000 départs à la retraite contre 850 000 entrants sur le marché du travail, contre 700 000 départs et 400 000 entrées en Allemagne, avant l'accueil des migrants. Le défi d'entrée dans l'emploi des jeunes est quotidien. Même si le nombre de NEET a diminué de 150 000 à 110 000, ce chiffre demeure trop élevé. Les créations sont majoritairement portées par le secteur tertiaire hors intérim mais la création d'emploi stagne depuis deux trimestres dans l'intérim. Lorsque l'intérim repart, l'emploi repart ensuite.

Selon votre commission d'enquête, 500 000 personnes de catégorie C travaillent à temps plein mais recherchent un emploi : cette catégorie n'a donc pas beaucoup de sens. Aujourd'hui, des emplois de qualité sont créés grâce à nos dispositifs, avec 60 % d'aide pour les CDI dans le cadre de l'aide à l'embauche dans les PME. Améliorons la qualité de l'emploi et développons l'emploi durable.

Certes, le licenciement économique est une mesure anxiogène, mais les petites entreprises ont davantage recours à la rupture conventionnelle ou à des contrats très courts. Mon rôle est aussi de protéger les salariés - ce que ne fait pas la rupture conventionnelle. Le licenciement économique, grâce au contrat de sécurisation professionnelle et au maintien de 92 % du salaire la première année, selon la taille de l'entreprise, protège mieux le salarié. Les petites entreprises utilisent rarement le licenciement économique alors qu'elles en ont le droit. Regardons la réalité en face. Ce qui protège le mieux, c'est de conserver un emploi mais aussi la qualité de l'emploi et du recrutement, d'où la pertinence de la réflexion sur les bonus-malus sur les contrats courts - y compris parmi les organisations patronales.

L'encadrement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a fait l'objet d'un compromis avec les organisations syndicales dites réformistes. Le barème est indicatif, il est actuellement en cours de concertation, pour une meilleure égalité entre salariés et pour plus de visibilité. Un salarié avec un meilleur salaire reçoit plus de dommages et intérêts en raison de son niveau de rémunération mais il n'est pas normal qu'il touche plus de mois de salaires qu'un autre moins bien payé. La loi Travail repose sur un compromis et un équilibre entre des droits nouveaux et la sécurisation des employeurs.

M. Alain Milon , président . - Je vous remercie.

Examen en commission

EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 23 novembre 2016, sous la présidence de M  Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M  Michel Forissier sur la mission « travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Alain Milon, président. - Nous examinons le rapport pour avis de M. Michel Forissier concernant sur la mission « travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale relatif au financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage.

M. Michel Forissier, rapporteur pour avis. - Je ne reviendrai pas cette année sur le débat relatif à l'évaluation des chiffres du chômage car la commission d'enquête sénatoriale, présidée par notre collègue Anne Emery-Dumas, a analysé avec pertinence les enjeux et les limites des chiffres mensuels fournis par Pôle emploi et a fait des propositions intéressantes au Gouvernement.

Selon les dernières perspectives financières de l'Unédic de septembre dernier, le taux de chômage en France métropolitaine au sens du Bureau international du travail (BIT) devrait passer de 9,4 % en 2016 à 9,5 % l'an prochain et se maintenir à ce niveau en 2018. Il y a donc bien eu une baisse du taux de chômage en France métropolitaine au sens du BIT depuis 2012, où il s'établissait à 10,1 %. Autre motif de satisfaction pour le Gouvernement : la croissance économique, même faible et inférieure à la croissance potentielle, est plus riche en emplois que par le passé car l'emploi salarié marchand est en hausse constante au cours des six derniers trimestres pour atteindre 210 000 postes créés. Je rappelle que les économistes estiment que le chômage commence à baisser à partir de 140 000 créations de postes par an.

Mais la situation s'assombrit comme l'a rappelé la semaine dernière l'Insee car le taux de chômage en moyenne sur le troisième trimestre est passé à 9,7 %. Surtout, la situation de notre pays n'est pas satisfaisante quand on la compare à celle de nos voisins européens. De plus, il est difficile de distinguer ce qui relève de la conjoncture internationale et ce qui est imputable aux décisions du Gouvernement. Par ailleurs, toutes ces décisions, notamment celles relatives aux contrats aidés, ont un coût pour les finances publiques à court et moyen terme. J'ajoute que l'an prochain le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A devrait augmenter de 79 000 personnes, tandis que le nombre de demandeurs d'emploi en catégories A, B et C et des personnes dispensées de recherche d'emploi atteindra 5,5 millions de personnes, contre 4,7 millions en 2012.

Le maintien du chômage à un niveau élevé et l'échec des négociations entre partenaires sociaux pour conclure une nouvelle convention d'assurance chômage en mai dernier rendent très inquiétantes les perspectives financières de l'Unédic. Alors que sa dette s'élève à 25,7 milliards d'euros en 2015, elle devrait atteindre 41,4 milliards en 2019 à réglementation inchangée, soit environ 13 mois de recettes. Si la dette avait été cantonnée à 5 milliards pendant la crise économique de 1993 et avait avoisiné 14 milliards en 2006, elle ne cesse depuis 2009 de se creuser, les partenaires sociaux souhaitant faire jouer un rôle contra cyclique à l'assurance chômage. Mais aujourd'hui cette stratégie n'est plus tenable car même si notre pays retrouvait une croissance forte, il faudrait pratiquement une dizaine d'années d'excédents conjoncturels pour résorber la dette, ce qui ne paraît pas envisageable. Laisser filer la dette, c'est interdire toute marge de manoeuvre à l'assurance chômage, c'est confier le fardeau de son remboursement aux générations à venir et s'exposer à des frais importants le jour où les taux d'intérêt remonteront. Je ne cesse d'alerter depuis deux ans sur les dangers de l'évolution de la dette de l'assurance chômage, mais j'ai l'impression que nos collègues parlementaires, les partenaires sociaux et le Gouvernement minorent gravement ce risque.

Venons-en à la présentation de la mission « travail et emploi ».

Les autorisations d'engagement (AE) connaîtront une très forte poussée (+ 4,9 milliards), pour atteindre 16,5 milliards l'an prochain, tandis que les crédits de paiement (CP) s'élèveront à 15,5 milliards, en hausse de 3,8 milliards.

Mais cette explosion des AE s'explique par deux raisons principales qui modifient la maquette budgétaire : les nouvelles aides à l'embauche dans les PME, créées en janvier dernier (3,6 milliards) et la décision du Gouvernement de rembourser pour la première fois l'an prochain à la sécurité sociale les exonérations de cotisations sociales pour les personnes fragiles qui emploient directement ou non des aides à domicile (1,6 milliard), soit un total de 5,2 milliards. J'ajoute que ces deux dispositifs représentent respectivement 1,9 milliard et 1,6 milliard en CP, soit 3,5 milliards, ce qui relativise la hausse faciale des crédits de la mission.

Je centrerai mon analyse sur les cinq sujets suivants : les opérateurs de la politique de l'emploi, le fonds de solidarité, les contrats aidés, les aides à l'embauche et la garantie jeunes.

En premier lieu, les crédits de Pôle emploi et des autres acteurs du service de l'emploi sont stabilisés.

La dotation à Pôle emploi est maintenue au même niveau que cette année, soit 1,5 milliard d'euros, ce qui lui permettra notamment de développer sa stratégie numérique.

Les missions locales seront dotées de 205 millions, en hausse de 14 millions, afin de mettre en oeuvre la garantie jeunes, sans compter les contributions des collectivités territoriales.

Le budget prévoit également une dotation de 54,5 millions pour financer les Établissements d'insertion dans l'emploi (Epide), soit 3,7 millions de plus qu'en 2016, à laquelle s'ajoute une dotation de 3 millions pour créer deux centres à Nîmes et Toulouse.

Les écoles de la deuxième chance recevront 24 millions tandis que les crédits pour les maisons de l'emploi sont maintenus à 21 millions.

Enfin, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui deviendra prochainement un établissement public industriel et commercial (Epic) en vertu d'une ordonnance publiée le 10 novembre dernier, bénéficiera de 110 millions, soit 14 millions de plus que cette année. Cette hausse de la dotation de l'État ne saurait toutefois masquer la nécessité absolue pour le futur Epic de trouver un modèle économique viable afin de stopper les pertes financières accumulées ces dernières années, dans le respect des règles européennes de concurrence.

En deuxième lieu, le fonds de solidarité, qui finance les allocations de solidarité versées aux demandeurs d'emploi qui ne peuvent plus bénéficier du régime d'assurance chômage, voit ses recettes globalement maintenues à 2,8 milliards.

Son financement est en outre simplifié grâce à l'affectation de l'intégralité du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % perçue sur le traitement des fonctionnaires. Comme les années précédentes, 95 % des dépenses du fonds seront consacrées à l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Le financement de la rémunération de fin de formation (R2F), qui permet aux demandeurs d'emploi de terminer une formation même s'ils sont en fin de droit, fera à nouveau l'objet l'an prochain d'âpres négociations entre l'État et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

En troisième lieu, les contrats aidés, malgré un léger reflux, se maintiendront à un niveau élevé l'an prochain.

Une dotation d'environ 1,2 milliard en AE et 1,5 milliard en CP est prévue pour financer l'entrée de 200 000 personnes en contrats aidés dans la sphère non marchande (CAE) et 45 000 dans la sphère marchande (CIE). Pour mémoire, le PLF pour 2016 prévoyait une enveloppe de 1,4 milliard en AE et 1,3 milliard en CP pour financer la conclusion de 260 000 nouveaux contrats.

Je n'ignore pas que les CAE s'adressent à des personnes plus éloignées de l'emploi que celles qui concluent des CIE. Je ne souhaite pas la suppression pure et simple des CAE mais j'estime que les études successives de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) depuis deux ans sur le taux d'insertion professionnelle des bénéficiaires de contrats aidés devraient conduire le Gouvernement à donner la priorité à l'apprentissage et à privilégier les CIE par rapport aux CAE. Je ne partage donc pas la stratégie du Gouvernement.

Le PLF prévoit également une enveloppe de 600 millions en AE et 933 millions en CP pour financer les contrats d'emploi d'avenir conclus avant 2017 et ceux qui seront conclus l'an prochain, estimés à 35 000. Si j'observe avec satisfaction que les actions de formation, qui figurent obligatoirement dans un contrat d'un jeune embauché en emploi d'avenir, sont réalisées dans 75 % des cas pendant la première année, des doutes demeurent sur leur qualité et sur le taux d'insertion professionnelle des bénéficiaires.

Je souhaiterais maintenant me pencher sur la question des aides aux entreprises en faveur de l'embauche de salariés.

Un point tout d'abord sur le contrat de génération, qui ouvre droit à une aide de 4 000 euros par an pendant trois ans pour les binômes formés entre un jeune embauché et un salarié senior maintenu en emploi dans les entreprises de moins de 300 salariés. Je constate avec regret que le PLF pour 2017 acte l'échec du contrat de génération avec seulement 15 000 aides financières prévues en 2017, soit le même niveau qu'en 2016 et 2015, bien loin des 500 000 annoncées sur le quinquennat lors de la création du dispositif. J'avais déjà tiré la sonnette d'alarme il y a deux ans, avant que la Cour des comptes n'emboite le pas en février dernier dans son rapport annuel. Certes, le contrat de génération ne se limite pas à cette aide financière et comprend un volet relatif à la négociation collective. Mais les accords collectifs et les plans d'action dits « intergénérationnels » conclus depuis 2013 ne couvrent qu'un tiers des salariés et se limitent souvent à reprendre la réglementation en vigueur, faute de mobilisation des partenaires sociaux. En définitive, le contrat de génération, loin d'être l'arme tant attendue pour lutter massivement contre le chômage, a surtout servi de variable d'ajustement budgétaire depuis 2013.

Je déplore également les hésitations du Gouvernement en matière d'aides à l'embauche depuis deux ans. Après la création en juillet 2015 de l'aide TPE pour l'embauche d'un premier salarié, le Président de la République a annoncé le 18 janvier dernier la création d'une aide pour toutes les PME qui embauchent des personnes en CDI ou en CDD de plus de 6 mois et dont la rémunération est égale ou inférieure à 1,3 Smic. Cette aide, d'un montant de 500 euros par trimestre et par salarié et limitée à deux ans, amplifie la philosophie de l'aide TPE première embauche qui prendra fin le 31 décembre prochain. La nouvelle aide ne devait initialement s'appliquer qu'aux embauches réalisées en 2016. Le Président de la République a toutefois annoncé le 14 juillet qu'elle serait prolongée en 2017, même si pour l'heure aucun décret n'a été pris en ce sens. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a souhaité que les conditions d'attribution de la nouvelle aide soient le plus proche possible de celles retenues pour l'aide TPE première embauche, mais certains critères ont été ajoutés comme le ciblage des rémunérations inférieures à 1,3 Smic.

Je ne méconnais pas l'utilité de cette nouvelle aide, car elle est assimilable à un allègement total des cotisations patronales pour un salarié rémunéré au Smic, dont l'efficacité est soulignée par un grand nombre d'études depuis plusieurs années.

Mais la politique gouvernementale faite d'hésitations et de tâtonnements n'est pas de nature à rassurer les employeurs, qui attendent deux choses : une croissance élevée et la stabilité de l'environnement juridique. J'ajoute que l'aide à l'embauche dans les PME pèsera 1,9 milliard d'euros en CP mais 3,6 milliards en AE. C'est pourquoi je souhaite qu'une évaluation de ce dispositif soit menée à mi-parcours par un organisme indépendant afin de savoir si les effets d'aubaine seront contrebalancés par les effets bénéfiques en termes de baisse du coût horaire du travail. Je crois comprendre que le Gouvernement accueille favorablement cette proposition.

En dernier lieu, j'évoquerai les enjeux de la garantie jeunes.

Le PLF prévoit une enveloppe de 498 millions en AE et 420 millions en CP pour ce dispositif essentiel aux yeux du Gouvernement, contre respectivement 282 et 255 millions dans le PLF pour 2016.

Le fonds social européen (FSE) et l'Initiative pour l'emploi des jeunes (EIJ) cofinanceront en 2017 la garantie jeunes à hauteur de 55 millions en AE et CP, contre 17 millions dans le PLF pour 2016. Seules les régions dans lesquelles le chômage des jeunes dépasse 25 % bénéficieront de ces fonds européens. Il convient toutefois de rappeler que le financement communautaire est conditionné entre autres par une sortie positive des jeunes du dispositif.

La garantie jeunes a fait l'objet d'une expérimentation depuis 2013, qui concerne actuellement 91 départements, 358 missions locales et plus de 57 000 jeunes.

La ministre du travail, lors de son audition le 8 novembre dernier devant notre commission, s'est engagée à ce que toutes les missions locales, soit 447 entités, puissent offrir à compter du 1er janvier prochain ce dispositif, qui devrait concerner 150 000 jeunes sur l'ensemble du territoire.

Pour ma part, j'estime que si la garantie jeunes présente pour l'instant de bonnes performances, sa généralisation est prématurée tant que l'enquête nationale lancée par la Dares en mai 2015 n'est pas achevée.

Comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport de septembre dernier sur l'accès des jeunes à l'emploi, il s'agit d'un outil digne d'intérêt mais qui risque de concurrencer dans certains cas d'autres dispositifs originaux comme les écoles de la deuxième chance.

Surtout, la garantie jeunes ne pourra pas à elle seule pallier les carences de l'école républicaine qui non seulement ne lutte pas contre les inégalités sociales et familiales mais les renforcent à chaque étape de la scolarité, comme l'a souligné le dernier rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco).

Le défi est majeur pour notre pays car selon les données du Gouvernement, plus d'un million de jeunes âgés de 18 à 25 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, ce que les anglo-saxons appellent Neet. Pire, le dernier panorama de la société en 2016 que l'OCDE consacre à la France, publié en octobre dernier, a montré que le pourcentage de jeunes âgés de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études ni en formation, est passé de 14 % en 2008 à 16,6 % en 2015. L'Allemagne, qui partait du même niveau que notre pays en 2005, a vu son taux baisser à 9 % en 2015. En conséquence, notre pays compte 1,8 million de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif, soit 270 000 de plus qu'en 2008. L'OCDE estime que le coût de l'inactivité des jeunes ou de leur chômage est égal à 1 % du PIB en France.

J'ignore quel sera l'impact de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République mais il est clair que les dispositifs d'accompagnement intensif des jeunes très éloignés du marché de l'emploi seront toujours un pis-aller tant que l'on n'aura pas réformé en amont et en profondeur notre système scolaire.

Pour conclure sur la mission « travail et emploi », je précise que ses crédits n'ont été modifiés qu'à la marge à l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption de quatre amendements. Ceux-ci avaient pour objet de créer 500 aides au poste dans les entreprises adaptées pour un coût de 7,5 millions d'euros, d'augmenter de 2 millions d'euros les crédits de l'aide au conseil et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), de financer des projets dans le domaine de l'emploi dans le cadre des contrats à impact social (CIS) à hauteur de 1,5 million d'euros et enfin de créer 50 postes de référents justice dans les missions locales pour un peu plus d'un million d'euros.

Je souhaiterais maintenant évoquer la question de l'apprentissage à travers la présentation des évolutions du compte d'affectation spéciale (CAS) destiné à assurer sa modernisation et son développement, ainsi que la mise en oeuvre du plan « 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi ».

Les recettes du CAS atteindront 1,57 milliard d'euros en AE et CP l'an prochain, soit une augmentation de 82,4 millions par rapport au PLF pour 2016.

Après deux années de forte baisse, 270 000 nouveaux contrats d'apprentissage ont été conclus en 2015 (soit une progression de 2,3 % par rapport à 2014 selon la Dares) et les chiffres pour la rentrée de 2016 semblent aller dans le bon sens. Mais je rappelle qu'en 2012, 300 000 nouveaux contrats avaient été signés et que le Gouvernement prévoit seulement un stock de 425 000 contrats d'apprentissage l'an prochain, dont 25 000 dans la sphère publique, bien loin de l'objectif fixé pendant le quinquennat de 500 000 contrats en 2017.

Force est de constater que le Gouvernement n'est pas resté inactif en matière d'apprentissage. Après avoir mis à mal les primes régionales, il a corrigé le tir en créant en juin 2015 une aide en faveur des TPE qui embauchent des jeunes apprentis - même si je ne pense pas que les primes soient le critère fondamental pour embaucher un apprenti, comme le démontre l'exemple allemand -. Le Gouvernement a également dédié une enveloppe de 80 millions dans le PLF pour donner un coup de pouce au pouvoir d'achat des apprentis et souhaite actualiser la grille de leurs rémunérations. Il a par ailleurs généralisé l'ouverture des titres professionnels à l'apprentissage, qui rencontre l'assentiment des personnes que j'ai auditionnées.

Mais ces différentes mesures, parfois annoncées dans la précipitation et sans vision d'ensemble, ne répondent pas aux deux difficultés fondamentales auxquelles est confronté l'apprentissage : l'absence de pilotage au niveau national et la faible place laissée par l'Éducation nationale aux partenaires sociaux pour élaborer les référentiels de formation.

C'est pourquoi j'avais proposé, lors de l'examen de la loi dite « travail », avec notre collègue Elisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises, et avec votre soutien, une réforme globale de l'apprentissage, qui a malheureusement été rejetée en bloc par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

Je persiste pourtant à penser que nos propositions étaient de nature à redonner un nouveau souffle à l'apprentissage dont tout le monde s'accorde à reconnaître les mérites mais qui devrait davantage répondre aux attentes des entreprises pour lutter contre le chômage des jeunes.

Je regrette par ailleurs que le Gouvernement n'ait pas donné suite à ma demande formulée l'an passé et qui visait à présenter, dans un jaune budgétaire, l'effort de la nation en matière d'apprentissage car il est actuellement très difficile de connaître les efforts réels de chaque acteur institutionnel.

Quelques mots enfin sur le « plan 500 000 formations supplémentaires » de l'État, dont la légitimité même est questionnée par certaines personnes auditionnées dans la mesure où la formation professionnelle est une compétence transférée aux régions. Ce plan ne sera, selon moi, un succès que si les formations retenues correspondent bien aux besoins des entreprises identifiées par bassin d'emploi et par filière, si les prescripteurs de Pôle emploi cernent correctement les attentes des demandeurs d'emploi, si une évaluation des formations suivies est réalisée par un organisme indépendant et si, bien évidemment, son financement est garanti. Sur ce dernier point, la ministre du travail nous a assuré lors de son audition que les organismes paritaires des collecteurs agréés (Opca) financeront « volontairement » (sic) le fonds de concours de 350 millions d'euros mentionné dans le PLF pour 2017. Des négociations entre les Opca et le ministère pour déterminer le montant de leurs contributions seront organisées dans les semaines à venir sur la base des conclusions d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances.

En définitive, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage car les points de divergence l'emportent sur les sujets de satisfaction.

M. Dominique Watrin . - Le rapporteur pour avis soulève plusieurs sujets de fond, comme la réforme du système scolaire et l'apprentissage, que nous n'aurons pas le temps de traiter aujourd'hui en commission, et sur lesquels nos analyses divergent. La finalité éducative de l'apprentissage doit être réaffirmée. Nous avons par ailleurs des propositions différentes de celles du rapporteur pour lutter contre le chômage.

La hausse des crédits de la mission « travail et emploi » est bienvenue car elle permettra de financer des aides à l'emploi, notamment pour les TPE.

Je déplore la poursuite de la baisse des effectifs du ministère et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte). Le programme 155 prévoit en effet une baisse de 178 postes en 2017, qui s'ajoute à celle de 192 postes cette année, ce qui empêchera les agents d'exercer pleinement leurs missions.

S'agissant de Pôle emploi, j'ai bien noté que la subvention de l'Etat sera maintenue au même niveau que cette année. Mais la CGT du Morbihan nous a indiqué que 30 à 46 % des offres d'emploi mises en ligne par Pôle emploi dans ce département étaient non conformes : il pouvait s'agir de doublons, d'incohérences, voire d'offres mensongères. Cela montre les limites de la stratégie numérique de Pôle emploi car il n'y a plus d'agents pour contrôler le contenu des offres d'emploi avant leur publication. Nous pourrions d'ailleurs interroger M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, sur ce sujet lorsqu'il sera auditionné par notre commission.

M. Jean-Marie Morisset. - La hausse des crédits de 6 % des missions locales ne sera pas suffisante. Déjà confrontées à des difficultés de fonctionnement quotidien, elles devront en plus mettre en oeuvre la garantie jeunes qui sera généralisée l'an prochain sur l'ensemble du territoire. J'ajoute que M. Alain Rousset, président du conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine, soutient moins les missions locales que Mme Ségolène Royal, ancienne présidente du conseil régional de Poitou-Charentes. C'est pourquoi je souhaiterais qu'une réflexion soit menée sur les missions locales dont l'utilité est incontestable mais dont le financement n'est pas assuré.

M. Daniel Chasseing. - Je suivrai l'avis de notre rapporteur qui est un homme pragmatique. Je partage en effet ses inquiétudes sur la dette de l'Unédic. En outre, il faut effectivement que les formations financées dans le cadre du « plan 500 000 formations supplémentaires » correspondent aux besoins des bassins d'emploi.

Notre pays compte bien moins d'apprentis que l'Allemagne en raison du poids des normes et du manque de stabilité du cadre juridique. Le Gouvernement a cassé les aides, puis s'est ravisé, d'où un regain timide du nombre de contrats d'apprentissage depuis deux ans.

Cinq cents emplois pour les entreprises adaptées pour l'ensemble du territoire, c'est bien trop peu !

Il faudrait enfin un meilleur contrôle des actions de formation dont bénéficient les jeunes embauchés en emploi d'avenir.

M. Michel Forissier, rapporteur pour avis. - La hausse de 4,9 milliards des autorisations d'engagement pour la mission doit être relativisée car elle comprend 2 milliards de compensation de l'État à la sécurité sociale qui porte sur différents dispositifs d'exonérations de cotisations sociales ciblées, dont le plus important est celui relatif à l'emploi d'aide à domicile (1,6 milliard).

C'est exact, la masse salariale du ministère se contracte effectivement car le plafond d'emplois de la mission pour 2017 est fixé à 9 523 équivalents temps plein annuels travaillés (ETPT), en baisse de 178 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2016, afin de contribuer aux créations d'emplois dans les secteurs jugés prioritaires par le Gouvernement comme l'éducation, la sécurité et la justice.

Il nous faut réfléchir au modèle économique des maisons de l'emploi et des missions locales car les performances de ces structures varient considérablement d'un territoire à l'autre et leur financement par les collectivités territoriales est source de tension.

Le PLF pour 2017 prévoit une enveloppe de 593 millions pour les aides au poste dans les ateliers et chantiers d'insertion. En outre, une dotation de 319 millions d'euros permettra de financer 22 500 aides au poste dans les entreprises adaptées qui emploient des personnes handicapées auxquelles s'ajoutent 500 nouvelles aides grâce à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif au financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage du projet de loi de finances pour 2017.

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