III. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA VOLONTÉ DU PATIENT

L'objectif d'une meilleure prise en compte de la volonté du patient est au coeur des réflexions menées ces dernières années sur le système de santé et, en particulier, sur la fin de vie.

Comme l'a souligné le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans son avis n° 121 7 ( * ) , « l'expérience du mourir » s'est profondément modifiée. « Si la mort s'est institutionnalisée, si son accompagnement s'est professionnalisé, le rapport moderne à la mort s'est privatisé, individualisé. Il oscille entre une mise à distance de la mort et une aspiration à la contrôler, à faire de la mort une question de choix individuel . »

Ce mouvement d'autonomisation du patient s'est traduit dans la loi par la possibilité pour le malade d'exprimer sa volonté dans un certain nombre de cas : droit de consentir à tout acte médical et à tout traitement 8 ( * ) , droit de décider de limiter ou d'arrêter tout traitement qu'elle jugerait inutile ou déraisonnable et de s'engager ainsi volontairement dans un processus de fin de vie 9 ( * ) , mais également par la mise en place d'outils permettant de recueillir la volonté du patient hors d'état de l'exprimer.

Ainsi, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a permis au patient de désigner une personne de confiance, qui est consultée sur la décision à prendre au cas où la personne serait hors d'état d'exprimer sa volonté 10 ( * ) .

La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a ensuite prévu la possibilité pour toute personne majeure d'exprimer de manière anticipée ses souhaits relatifs à la fin de vie, et notamment les conditions de la limitation ou de l'arrêt des traitements, pour le cas où elle serait un jour hors d'état de manifester sa volonté 11 ( * ) .

Ces directives anticipées, contrairement à ce que pourrait laisser supposer leur nom, n'ont aucun effet contraignant pour le médecin, qui a seulement l'obligation d'en tenir compte dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement qu'il prend concernant le patient.

A. UN RENFORCEMENT PAR LA PROPOSITION DE LOI DE L'EFFICACITÉ DES MODES DE PREUVE DE LA VOLONTÉ DU PATIENT

Comme le soulignait M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État dans son intervention au colloque organisé par le Sénat sur la fin de vie le 19 février 2015, « le bilan des directives anticipées apparait mitigé : alors qu'elles sécurisent les choix opérés en fin de vie dans le respect des volontés individuelles, les patients ne se sont pas approprié cet outil qui reste, par ailleurs, mal connu des professionnels de santé ».

De fait, selon les travaux de l'Institut national des études démographiques (INED), seules 2,5 % des personnes décédées avaient rédigé des directives anticipées. Lorsque les directives anticipées existent, les médecins déclarent qu'elles ont été « un élément important » pour 72 % des décisions médicales en fin de vie 12 ( * ) .

Le constat est le même pour le dispositif permettant de désigner une personne de confiance. Il demeure largement méconnu et inégalement appliqué dans les établissements de santé notamment.

Il est difficile de déterminer les raisons de ce peu d'engouement pour ces dispositifs.

Selon le docteur Régis Aubry, président de l'observatoire de la fin de vie, entendu par votre rapporteur, la question de la mort est taboue dans la culture française, ce qui expliquerait une certaine réticence des personnes à se pencher sur des dispositions traitant de leur fin de vie.

Nombreuses sont les personnes entendues par votre rapporteur qui estiment que cette situation résulte principalement d'une réelle méconnaissance de la loi et d'un défaut d'appropriation des directives anticipées par les patients mais également par les professionnels de santé.

Dès lors, votre commission estime qu'il aurait peut-être été pertinent de commencer par rendre les dispositions prévues par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie pleinement applicables, et d'en tirer un véritable bilan, avant d'envisager de les réformer en profondeur.

Tel n'a pas été le parti retenu par les auteurs de la proposition de loi, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti. Au-delà des mesures visant à améliorer le recours aux directives anticipées comme la mise à disposition d'un modèle de rédaction, ou leur enregistrement dans un fichier national 13 ( * ) , le texte propose une véritable réforme de leur statut juridique.

Les auteurs du texte ont ainsi choisi de renforcer substantiellement les directives anticipées, en supprimant toute limite de validité (aujourd'hui fixée à trois ans) et en prévoyant qu'elles s'imposeraient désormais aux médecins.

Pour éviter la multiplication de témoignages différents et la naissance d'éventuels conflits d'interprétation de la volonté du malade inconscient, le texte établit une hiérarchie entre les différents éléments de preuve en présence. Les directives anticipées seraient le mode privilégié de preuve de l'expression de la volonté du patient. Elles l'emporteraient sur tout autre témoignage. À défaut de directives anticipées, c'est le témoignage de la personne de confiance, si elle a été désignée, qui ferait foi. En dernier lieu, seraient pris en compte les éléments recueillis par la famille ou les proches.


* 7 Avis du CCNE n° 121, Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir , 1 er juillet 2013, p. 10.

* 8 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 9 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 10 Article L. 1111-6 du code de la santé publique.

* 11 Article L. 1111-11 du code de la santé publique.

* 12 « Les décisions médicales en fin de vie », Population et Société , INED, n° 494, novembre 2012, p. 4.

* 13 Le texte initial prévoyait l'inscription des directives anticipées sur la carte vitale. En première lecture à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, cette inscription a été remplacée par un enregistrement dans un fichier national.

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