EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 26 NOVEMBRE 2014

M. André Reichardt, rapporteur pour avis . - Je souhaite d'abord rendre hommage à notre collègue Antoine Lefèvre, qui a été le premier titulaire de cet avis budgétaire en 2011, puisque notre commission n'examinait pas ce programme auparavant. Il a particulièrement approfondi la question de l'exercice des missions de protection des consommateurs par les services déconcentrés et les motifs du faible succès du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Le programme n° 134 « Développement des entreprises » recouvre une partie des crédits de la direction générale des entreprises, ainsi que l'intégralité des crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et de l'Autorité de la concurrence. Il recouvre aussi une partie des crédits de la direction générale du Trésor, ainsi que les crédits de deux autorités de régulation sectorielles.

Dans ce programme, cinq actions intéressent plus particulièrement notre commission au titre de ses compétences en droit des affaires et droit de la consommation, ainsi que deux opérateurs associés à la mission, l'Institut national de la propriété industrielle et l'Agence pour la création d'entreprises.

Quelques mots d'abord sur l'évolution du programme et de ses crédits. Ce programme est l'un des trois programmes pérennes de la mission « Économie ».

Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits diminuent de 10 % environ, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, avec respectivement 867 et 874 millions d'euros. Cette diminution s'impute pour moitié sur les crédits de fonctionnement, pour moitié sur les crédits d'intervention, tandis que les dépenses de personnel ne devraient diminuer que de moins de 3 millions, sur un total de plus de 410 millions. Ces évolutions résultent à la fois de changements significatifs de périmètre et de réductions de certaines dépenses de fonctionnement et d'intervention, ce qui rend difficile l'appréciation de l'évolution des crédits.

Je relève deux changements de périmètre importants : le transfert vers le ministère des affaires étrangères d'une subvention de 30 millions d'euros à Atout France, en raison de la nouvelle compétence de ce ministère en matière de tourisme, qui s'intègre dans la diplomatie économique chère au ministre, ainsi que le transfert du fonds de soutien aux collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques, ce qui correspondait à une préconisation de notre collègue Antoine Lefèvre, car ceci n'avait rien à voir avec le développement des entreprises.

Il faut noter en particulier une réduction de 20 millions d'euros des crédits d'intervention sur les dispositifs d'aide aux entreprises en matière de commerce, ainsi qu'une diminution de 500 000 euros des crédits de l'Autorité de la concurrence, sur un total un peu supérieur à 20 millions. S'agissant des crédits de la DGCCRF, ils devraient connaître une progression de 2 % environ, pour atteindre un peu plus de 240 millions d'euros, constitués pour la grande majorité de dépenses de personnel. C'est une deuxième année de répit bienvenue pour une administration jusque-là fortement mise à contribution par l'effort budgétaire.

Pour conclure sur cette analyse des crédits, l'Assemblée nationale a majoré les crédits du programme de 8 millions d'euros, pour abonder le FISAC - on en a parlé en séance -, et en seconde délibération, le programme a connu un coup de rabot de 7,7 millions d'euros, comme beaucoup d'autres, pour « garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État ».

J'en viens à présent à mes observations sur l'activité et les perspectives des différentes administrations et organismes qui contribuent à la mise en oeuvre du programme.

La direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services a été réorganisée en octobre 2014, à périmètre constant, en direction générale des entreprises. C'est la principale direction d'administration centrale tournée vers les entreprises, qui pilote une partie des DIRECCTE au niveau régional. La contraction continue de ses crédits la conduit aujourd'hui à faire des choix structurels sur ses missions, par exemple la réforme du FISAC pour passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projet ou encore la réduction du soutien au fonctionnement des pôles de compétitivité, invitant les régions à les soutenir davantage.

La DGE contribue aussi à la politique de simplification de la vie des entreprises. Je veux citer un exemple précis : le portail internet « guichet entreprises ». Tout créateur peut réaliser en ligne l'ensemble des formalités de création de son entreprise, ainsi que les procédures supplémentaires spécifiques qui concernent 17 professions sur 105. L'ensemble de ces formalités supplémentaires doivent être prises en charge dans les prochains mois, de sorte que le guichet n'est pas aujourd'hui complètement fonctionnel. Seulement 7 600 entreprises ont été créées par ce moyen en 2013, après 11 500 en 2012.

Lors des dernières années, l'activité de la DGCCRF a été profondément affectée par deux facteurs : une forte mise à contribution budgétaire, avec une diminution de 10 % des effectifs en sept ans - on est un peu en dessous de 3 000 emplois aujourd'hui - et une réorganisation drastique des services déconcentrés qui a coupé l'administration centrale de ses agents dans ses anciens services départementaux, rattachés au préfet dans le cadre des directions départementales interministérielles, les DDPP et DDCSPP. Ce sujet reste très sensible pour les agents, c'est un traumatisme qui n'est pas encore digéré. Le résultat, c'est une baisse continue des statistiques d'activité, qui se poursuit en 2014 malgré la stabilisation des effectifs. On m'a dit, ce qui est un peu étonnant, que les agents souffraient d'un défaut d'encadrement qui pénalisait leur activité. Cette diminution, de notoriété publique, n'est pas satisfaisante.

Dans ce contexte, il a y eu une nécessité de réagir au scandale de la viande de cheval, qui a été une fraude économique et non un problème sanitaire. On pourrait dire que, grâce à ce scandale, la DGCCRF a pu interrompre la baisse de ses effectifs : 15 postes créés en 2014 sur cette priorité et un effectif stable prévu pour 2015. La situation reste fragile, d'autant que la DGCCRF doit aussi contrôler les nouvelles dispositions issues de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation.

Le président de l'Autorité de la concurrence m'a fait part de sa grande préoccupation quant à l'érosion régulière de ses crédits et de ses effectifs, alors que les missions de l'Autorité s'accroissent et génèrent des ressources importantes pour le budget de l'État, avec 350 millions d'euros d'amende en moyenne par an, à rapporter à son budget de 20 millions.

M. Pierre-Yves Collombat . - C'est un bon retour sur investissement !

M. André Reichardt, rapporteur pour avis . - Il faut aussi savoir que l'extension de ses prérogatives outre-mer en 2012 s'est faite sans effectifs supplémentaires. Victime de son succès, l'Autorité est de plus en plus souvent sollicitée par le Gouvernement pour son expertise, comme sur les concessions autoroutières.

Les nouvelles missions annoncées pour l'Autorité dans le cadre du projet de loi relatif à la croissance vont accentuer cette fragilité budgétaire, alors qu'elles sont assez éloignées de son coeur de métier. Songeons qu'on pourrait lui confier le contrôle de l'installation et l'indemnisation des notaires... Il y a un vrai risque d'effet de ciseau ne lui permettant plus d'accomplir correctement des missions croissantes avec des moyens décroissants, au détriment de sa mission première de contrôle de la concurrence.

L'Institut national de la propriété industrielle est un établissement public de 750 personnes, qui vit de ses ressources propres que sont les redevances payées au titre de l'enregistrement des brevets, des marques, des dessins et modèles. La protection de l'innovation est un élément essentiel de la compétitivité des entreprises.

L'INPI devra bientôt gérer deux innovations récentes : l'enregistrement d'indications géographiques non alimentaires, pour protéger les savoir-faire industriels et artisanaux locaux, car les entreprises artisanales méritent d'être protégées, et le droit d'opposition sur les demandes de protection de marques dans le domaine des indications géographiques agricoles. Cela concerne les collectivités territoriales, lorsqu'une entreprise veut s'emparer de leur nom.

M. Pierre-Yves Collombat . - Laguiole...

M. André Reichardt, rapporteur pour avis . - La dématérialisation de l'ensemble des procédures auprès de l'INPI doit être achevée en mars 2015, ce qui devrait permettre de réorienter une partie des emplois vers des missions d'amélioration du service aux entreprises, notamment plus de visites d'entreprise, comme le prévoit le contrat d'objectif avec l'État.

L'Agence pour la création d'entreprises a pour mission de promouvoir l'esprit d'entreprise et de diffuser de l'information sur la création d'entreprise, par l'intermédiaire notamment d'un site internet, qui atteint 10 millions de visiteurs cumulés par an. L'APCE a perdu en 2014 son statut d'opérateur de l'État, en raison de la décision prise de supprimer progressivement la subvention qui lui est attribuée, à la suite d'un rapport de la Cour des comptes en 2013 qui était assez vitriolesque... Une réorganisation a donc été engagée, avec un nouveau président et un plan de départ de près du quart des salariés.

La question de la pérennité de la structure s'est posée. À présent, il faut diversifier les ressources et rechercher d'autres partenaires : là encore, nous retrouvons les régions ! Le président de l'APCE n'a pas pu venir en audition car il faisait le tour des régions... L'État reste néanmoins au conseil d'administration, et les autres partenaires - réseaux consulaires, Caisse des dépôts, ordre des experts-comptables et conseil national des barreaux - souhaitent la pérennité de cette structure. Je trouve que beaucoup de personnes s'occupent de la création d'entreprises, l'APCE n'en est qu'une parmi d'autres, mais son expertise semble reconnue. Il faut toutefois qu'elle trouve un nouveau modèle économique.

Sous réserve de ces observations, qui appellent de notre part une certaine vigilance sur les points dont je vous ai parlé, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises ». Je rappelle que la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie », au sein de laquelle se trouve ce programme.

M. Philippe Bas, président . - La qualité de votre rapport montre que le manque de temps ne vous a pas empêché de procéder à un examen approfondi, rien ne vous a échappé. Nous suivons l'avis de notre rapporteur.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme ».

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