II. LE RENFORCEMENT DES EXIGENCES DE TRANSPARENCE ET DE SOBRIÉTÉ FINANCIÈRE DU GOUVERNEMENT

Dès son avis sur le projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur avait salué l'exigence de sobriété gouvernementale , décidée par le Président de la République et mise en oeuvre par le Premier ministre. Cette exigence s'est traduite de plusieurs manières : baisse de la rémunération des membres du Gouvernement, modération financière des cabinets ministériels et de leurs effectifs et renforcement de la déontologie gouvernementale (signature d'une charte de déontologie par les membres du Gouvernement 23 ( * ) , consolidation et codification des règles applicables aux membres du Gouvernement).

S'ajoute à cette exigence de sobriété, confirmée en 2014 et pour 2015, la pleine application des nouvelles obligations qui s'imposent aux membres du Gouvernement en vertu de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dans un contexte de recherche de renforcement parallèle de l'efficacité du travail gouvernemental.

A. LA PLEINE MISE EN oeUVRE DES NOUVELLES RÈGLES DE PRÉVENTION DES CONFLITS D'INTÉRÊTS ET DE TRANSPARENCE

Alors qu'avril 2013 avait vu la publication des déclarations de situation patrimoniale des membres du Gouvernement, avant même l'institution de l'obligation légale de publication par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), mise en place en décembre 2013, a reçu les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d'intérêts des membres du Gouvernement et des membres des cabinets ministériels , entre autres responsables publics assujettis à ces obligations déclaratives.

L'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 précitée prévoit une obligation de déport pour les membres du Gouvernement confrontés à une situation de conflit d'intérêts dans l'exercice de leurs fonctions. Rappelons que cet article définit le conflit d'intérêts comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ».

L'article 4 prévoit que chaque membre du Gouvernement transmet à la HATVP une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts dans les deux mois suivant l'entrée comme la sortie des fonctions, étant précisé que toute modification substantielle pendant l'exercice des fonctions doit être signalée. La déclaration d'intérêts doit aussi être adressée au Premier ministre. En l'absence de déclaration ou en cas de déclaration incomplète, la HATVP enjoint à l'intéressé de l'établir ou de la compléter. La déclaration de situation patrimoniale fait l'objet d'un contrôle par la HATVP, qui peut enjoindre à l'intéressé de lui communiquer tout document utile, avec l'appui de l'administration fiscale 24 ( * ) . En vertu de l'article 5, les déclarations sont ensuite rendues publiques. Elles sont publiées sur le site internet de la HATVP.

L'article 7 confie à la HATVP la mission de contrôler la variation de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement et de transmettre le dossier au parquet en cas de variation inexpliquée, laquelle donne également lieu à la publication d'un rapport spécial au Journal officiel .

En outre, selon l'article 10, lorsqu'elle constate qu'un membre du Gouvernement, à l'exception du Premier ministre, est en situation de conflit d'intérêts, la HATVP lui enjoint de faire cesser cette situation. La loi n'oblige pas l'intéressé à prendre en compte cette injonction d'une quelconque manière. La HATVP peut donc décider de rendre publique cette injonction après avoir recueilli les observations de l'intéressé. Cette procédure n'a pas trouvé à s'appliquer jusqu'à présent.

Enfin, l'article 26 de la loi du 11 octobre 2013 précitée sanctionne tout manquement des membres du Gouvernement à leurs obligations déclaratives (absence de déclaration et déclaration inexacte ou mensongère) de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, pouvant être assortis des éventuelles peines complémentaires d'interdiction des droits civiques et d'interdiction d'exercer une fonction publique. De plus, une peine d'un an de prison et 15 000 euros d'amende est prévue lorsqu'on ne défère pas aux injonctions ou aux demandes de communication adressées par la HATVP.

Par ailleurs, l'article 11 impose les mêmes obligations déclaratives aux membres des cabinets ministériels 25 ( * ) , assorties des mêmes prérogatives pour la HATVP et des mêmes sanctions. Toutefois, si la loi prévoit la publication de ces déclarations d'intérêts, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013, sous forme d'une réserve d'interprétation, qu'une telle obligation constituait une atteinte disproportionnée à la vie privée pour des personnes non élues 26 ( * ) , interdisant toute publication. Toute divulgation de la déclaration de situation patrimoniale est punie de 45 000 euros d'amende. Le pouvoir d'injonction de la HATVP s'applique également aux membres des cabinets ministériels si elle constate une situation de conflit d'intérêts.

S'agissant des conflits d'intérêts des membres du Gouvernement, le décret n° 2014-34 du 16 janvier 2014 relatif à la prévention des conflits d'intérêts dans l'exercice des fonctions ministérielles a complété le décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres, pour prévoir qu' un membre du Gouvernement qui s'estime en situation de conflit d'intérêts doit informer le Premier ministre, ses attributions étant modifiées par décret pour en tenir compte . En cas de conflit d'intérêts pour le Premier ministre, les attributions susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts sont exercées par le premier des ministres dans l'ordre de composition du Gouvernement.

Décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres, modifié par le décret n° 2014-34 du 16 janvier 2014 relatif à la prévention des conflits d'intérêts dans l'exercice des fonctions ministérielles (extraits)

Article 2

Lorsqu'il estime se trouver en situation de conflit d'intérêts pour l'exercice de certains de ses pouvoirs, le Premier ministre délègue ceux-ci, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 21 de la Constitution, au ministre premièrement nommé dans le décret relatif à la composition du Gouvernement.

Article 2-1

Le ministre qui estime se trouver en situation de conflit d'intérêts en informe par écrit le Premier ministre en précisant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses attributions. Un décret détermine, en conséquence, les attributions que le Premier ministre exerce à la place du ministre intéressé.

Ce dernier s'abstient de donner des instructions aux administrations placées sous son autorité ou dont il dispose, lesquelles reçoivent leurs instructions directement du Premier ministre.

Article 2-2

Le membre du Gouvernement placé auprès d'un ministre qui estime se trouver en situation de conflit d'intérêts en informe par écrit le Premier ministre et le ministre auprès duquel il est placé en précisant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses attributions. Un décret détermine, en conséquence, les attributions exercées directement par le ministre auprès duquel il est placé, à la place du membre du Gouvernement intéressé. Ce dernier s'abstient de donner des instructions aux services dont il dispose.

Ces nouvelles dispositions ont trouvé à s'appliquer pour la première fois avec le décret n° 2014-865 du 1 er août 2014, selon lequel :

« La secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche ne connaît pas des actes de toute nature intéressant la direction de la recherche technologique du Commissariat à l'énergie atomique. »

La compétence ainsi retirée à la secrétaire d'État sur la direction de la recherche technologique du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a dès lors été exercée par son ministre de tutelle, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


* 23 La signature de la charte de déontologie reste une obligation.

* 24 En outre, l'article 9 prévoit que chaque membre du Gouvernement fait l'objet d'une vérification de sa situation fiscale au titre de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune.

* 25 Il en est de même pour les collaborateurs du Président de la République, ainsi que pour de nombreux autres responsables publics.

* 26 « Considérant que, pour des personnes exerçant des responsabilités de nature administrative et n'étant pas élues par les citoyens, l'objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci est directement assuré par le contrôle des déclarations d'intérêts par la Haute autorité et par l'autorité administrative compétente ; qu'en revanche, la publicité de ces déclarations d'intérêts, qui sont relatives à des personnes qui n'exercent pas de fonctions électives ou ministérielles mais des responsabilités de nature administrative, est sans lien direct avec l'objectif poursuivi et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de ces personnes ; que, par suite, les dispositions du paragraphe I de l'article 12 ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de permettre que soient rendues publiques les déclarations d'intérêts déposées par les personnes mentionnées aux 4° à 7° du paragraphe I de l'article 11 et au paragraphe III de ce même article ; que, sous cette réserve, les dispositions du paragraphe I de l'article 12 sont conformes à la Constitution ; » (cons. 22).

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