EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 novembre 2014, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports maritimes du projet de loi de finances pour 2015.

M. Hervé Maurey , président . - Nous commençons l'examen des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2015 par le rapport de Charles Revet sur les crédits des transports maritimes.

M. Charles Revet . - Il me revient de vous présenter cette année encore les crédits relatifs aux transports maritimes et je vous remercie, Monsieur le Président, mes chers collègues, pour cette marque de confiance. Vous savez certainement, et je ne cesse de le répéter malheureusement, que le transport maritime fait l'objet d'un traitement complètement paradoxal de la part de l'État.

En effet, si l'on étudie le rapport rédigé en juillet 2014 par le Commissariat général au développement durable, consacré aux comptes des transports en 2013, on constate deux choses.

La première, c'est que le secteur des transports, pris de manière globale (route, air, fer, mer, fluvial, passagers et marchandises), affiche un déficit de ses échanges extérieurs de 9,3 milliards d'euros, soit l'équivalent des deux-tiers du chiffre d'affaires de CMA-CGM : il contribue par conséquent à la perte de compétitivité de la France. Or dans ce paysage catastrophique, il n'y a qu'un bon élève : le transport maritime, avec un solde positif de 4 milliards d'euros et une performance qui croît de 6 % en moyenne annuelle depuis 2008. Le transport aérien est lui aussi en excédent commercial, mais avec un montant nettement plus bas, de l'ordre de 300 millions d'euros, alors que son chiffre d'affaires global est bien plus élevé, 19 milliards d'euros contre 14 milliards d'euros pour le transport maritime.

La seconde observation, concerne les dépenses d'investissement dans les infrastructures de transport : sur un montant global de 23,4 milliards d'euros en 2013, les crédits consacrés aux ports maritimes atteignent péniblement 450 millions d'euros en incluant les contrats de plan État-région (CPER), soit moins de 2 % du total. Et encore s'agit-il d'un effort particulier fourni dans le cadre du plan de relance portuaire pour la période 2009-2013.

L'investissement de l'État est donc en berne dans le secteur le plus soumis à la concurrence internationale, où l'exigence de compétitivité est la plus forte. Les effets de cette politique désastreuse sont immédiats : Marseille et Le Havre font partie des rares ports européens dont le trafic a régressé en Europe, à l'inverse de leurs concurrents : Rotterdam, Anvers, Hambourg, Brème, Algeciras, Valence ou Gênes. Le tonnage du seul port de Rotterdam représente presque le double de celui de nos sept grands ports maritimes réunis. Et le port d'Anvers, qui traite plus de conteneurs que l'ensemble des ports français, est devenu aux yeux de nombreux acteurs économiques le « premier port français » par le nombre de conteneurs à destination ou en provenance de l'Hexagone.

Quant à notre flotte de commerce, elle subit de plein fouet la concurrence internationale, avec une inquiétante accélération des dépavillonnements et faillites d'entreprises. Alors qu'elle se situait en quatrième ou cinquième position au niveau mondial dans les années 1980, elle est désormais reléguée à la trentième place. Les deux dernières années ont été particulièrement rudes, avec la sortie de 30 navires : 13 en 2012, 9 en 2013 et 8 au premier semestre 2014. Il n'y a qu'à regarder l'actualité pour se convaincre du naufrage qui nous guette. Après la liquidation d'entreprises historiques comme SeaFrance ou le pétrolier Maersk Tankers France, c'est désormais la SNCM qui dépose son bilan, au terme d'une longue agonie pendant laquelle se sont multipliés les effets d'annonce.

Et pourtant, mes chers collègues, nous savons que la France dispose d'atouts maritimes indiscutables. Il s'agit de la deuxième zone économique maritime mondiale, juste derrière les États-Unis, grâce aux territoires d'outre-mer. Notre pays occupe une place de carrefour au coeur de l'Europe de l'ouest, et il est le seul à être ouvert sur quatre façades maritimes, avec des ports placés à des endroits stratégiques sur chacune d'elle. A l'heure où 90 % du commerce mondial transite par la mer, notre pays devrait pouvoir redevenir la grande puissance maritime que nous étions encore il y a trente ou quarante ans.

C'est un fait aujourd'hui, que le transport maritime est devenu l'une des pierres angulaires du développement durable de nos sociétés, qu'il s'agisse des retombées économiques, du bassin d'emploi ou des préoccupations liées à la transition écologique. Sans une action réellement volontariste des pouvoirs publics, sans un soutien économique fort et durable de la filière maritime, sans amélioration de notre cadre juridique, sans volonté de faire évoluer les mentalités et pratiques héritées d'une époque révolue, nous ne parviendrons pas à valoriser nos atouts pourtant nombreux.

C'est à l'aune de cette situation préoccupante que je vous propose d'examiner succinctement les crédits consacrés au transport maritime dans le projet de loi de finances pour 2015, qui relèvent de deux programmes de la mission « Écologie ».

Les crédits pour 2015 du volet « sécurité et affaires maritimes » du programme 205 sont globalement stables avec 143,66 millions d'euros en autorisations d'engagement et 143,22 millions d'euros en crédits de paiement. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, cela correspond à une stabilisation en autorisations d'engagement et une légère réduction de 1 % en crédits de paiement. Cette stabilisation relative préfigure cependant une diminution progressive de 4 % dans le triennal 2015-2017, avec une réduction de l'effort en faveur des gens de mer et de l'enseignement maritime (-10 %) et des mesures de soutien au pavillon français (-3,8 %).

On peut certes objecter que cette contraction progressive des crédits dans le triennal 2015-2017 correspond à deux phénomènes bien identifiés : d'une part, la fin de l'opération de construction des nouveaux locaux de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) au Havre, d'autre part, des conséquences du pacte de compétitivité qui entraîne une baisse des cotisations familiales et une diminution du montant des compensations versées aux armateurs par l'État à due concurrence.

Je vous rappelle en effet, que près de la moitié des crédits du volet « sécurité et affaires maritimes » du programme 205 compensent les exonérations de charges patronales pour l'emploi de marins français sur les navires inscrits au registre international français, afin de soutenir la compétitivité de notre flotte ; 20 % des crédits sont affectés aux moyens techniques de la sécurité maritime, 20 % à la formation et au soutien à l'emploi, et les 10 % restants alimentent des mesures techniques de soutien au programme.

Dans ce contexte, on peut tout de même regretter, en dépit des explications, la baisse programmée du montant global des crédits, qui auraient pu être redéployés pour soutenir la compétitivité de notre flotte plutôt que d'être supprimés.

J'en viens maintenant aux crédits du programme 203 relatif aux « infrastructures et services de transport ». De façon schématique, il s'agit, pour une grosse moitié des crédits, de financer l'entretien des grands ports maritimes, à hauteur de 49 millions d'euros en 2015. L'autre moitié sert au développement des infrastructures grâce à des fonds de concours de l'AFITF, à hauteur de 61 millions d'euros en crédits de paiement. Mais ne nous trompons pas sur l'ampleur de ce montant, qui correspond en réalité au paiement d'une tranche du plan de relance portuaire décidé en 2008 dans le cadre de la réforme des grands ports maritimes, soit 174 millions d'euros sur cinq ans, en plus de la participation de l'État aux CPER.

Le point important est que les autorisations d'engagement, qui iront financer les nouveaux investissements, ne s'élèvent qu'à 36 millions d'euros, soit une relative stabilisation après des années de réduction des crédits d'investissements (-20 % en 2014, -39 % en 2013).

Quels commentaires m'inspirent ces crédits ? La réponse est simple : il s'agit, une fois encore, d'un budget de gestion. Il n'y a aucune vision stratégique à long terme. On se contente de sauvegarder, tant bien que mal dans le contexte actuel, l'essentiel des missions régaliennes, rien de plus. Pour cette raison, je vous proposerai, mes chers collègues, et croyez bien que c'est par dépit, un avis négatif à ces crédits décevants. Une stratégie budgétaire qui vise la seule préservation de l'existant et s'interdit toute innovation n'est pas digne des ambitions affichées.

Nous ne pouvons en effet prétendre que les efforts déployés ces dernières années ont été suffisants. Les années 2008 à 2013 ont été un temps de réforme pour les grands ports français de métropole et d'outre-mer : il s'agissait de leur donner davantage d'autonomie en les transformant en établissements publics, d'adapter leur gouvernance et de les rendre aptes à répondre aux défis du transport maritime international. Malheureusement, cette dynamique ne s'est pas traduite dans les chiffres, en raison de la crise économique. On observe cependant depuis deux ans des signes positifs en termes de productivité et de trafic, et au premier semestre 2014, la croissance du trafic maritime français est globalement comparable à celle de l'ensemble des principaux ports étrangers, à l'exclusion de la situation dramatique du trafic pétrolier.

Depuis 2013, les ports français sont engagés dans une nouvelle étape, celle de la reconquête de parts de marché. À ce titre, le Gouvernement a présenté une feuille de route visant à transformer les ports français en véritables « architectes » de solutions logistiques maritimes et terrestres sur un hinterland de portée européenne. Je ne peux que souscrire aux ambitions portées par cette stratégie nationale de relance portuaire, encore faut-il qu'elle soit effectivement suivie d'effets.

Pour l'heure, l'administration se contente de mettre en avant les vertus de la simplification administrative, d'un renforcement de la coopération portuaire et de la coordination avec les objectifs de développement du fret ferroviaire. L'une des mesures phares annoncées dans le cadre du « choc de simplification » est la mise en place d'un guichet unique à partir du mois de juin 2015, visant à faciliter les démarches administratives des entreprises de transport et de services maritimes, et à fluidifier les entrées et sorties des navires de commerce. L'administration précise également que l'élaboration des projets stratégiques des ports pour la période 2014-2019 est très avancée, ce qui est un comble puisque l'on est presque en 2015 !

Je salue certes les efforts bienvenus visant à simplifier la gestion administrative des ports, à renforcer le dialogue et la concertation, et à clarifier la répartition des compétences. Il s'agit d'ailleurs d'une partie des recommandations formulées par notre collègue Odette Herviaux, dans son rapport de juin 2014 sur la décentralisation portuaire. Mais le Gouvernement se contente de suivre les propositions les plus immédiates et faciles à mettre en oeuvre. Il ne s'agit d'ailleurs que de palliatifs car sans investissements massifs dans nos infrastructures portuaires, la France ne peut espérer rattraper ses concurrents européens !

Il ne suffit pas de proclamer que le désenclavement des ports et la modernisation de leurs outils sont une préoccupation forte de l'État : il faut que cela soit suivi d'effets concrets. Chez nos concurrents, l'heure est aux investissements à grande échelle et à l'aménagement du territoire au service d'une économie maritime forte. Les plus grands ports européens sont aussi ceux qui investissent le plus : Rotterdam mobilise trois milliards d'euros pour le projet Maasvlakte 2, Hambourg un milliard d'euros d'ici 2016. En comparaison, les ports du Havre et de Marseille, pourtant mieux placés géographiquement, peinent à réaliser des investissements beaucoup plus réduits.

Personnellement, je rêve toujours de l'électrification de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors, qui ouvrirait Le Havre et Rouen au le centre de l'Europe, et de la réalisation d'une liaison fluviale directe à travers une chatière pour le port du Havre, qui permettrait d'en améliorer considérablement la desserte pour un montant peu élevé au regard des enjeux. J'observe qu'il y a en ce moment un début de déblocage administratif sur ces dossiers, mais on est encore loin de leur réalisation.

Or la desserte de ce grand port maritime est capitale pour assurer sa compétitivité. La liaison fluviale directe nécessite un investissement minime au regard des enjeux, de l'ordre de 100 millions d'euros aujourd'hui. Je rappelle, qu'au départ, le montant s'élevait plutôt à 50 millions d'euros, mais à force d'atermoiements, les coûts augmentent ! La desserte ferroviaire du Havre n'est guère plus efficace, notamment en raison de récurrents problèmes d'aiguillage. Il serait sans doute judicieux de sanctuariser une voie ferrée sur le réseau existant, ce qui améliorerait à la fois la situation des voyageurs et la desserte de Port 2000.

J'ajoute également qu'un protocole est actuellement en cours de rédaction au niveau de la sous-direction des ports, afin d'améliorer les performances du Havre en termes de transport multimodal. Il serait souhaitable que l'administration s'intéresse à l'alignement des contrats de Terminal Handling Charges sur ceux des autres États membres de l'Union : actuellement, le paiement d'un forfait est nécessaire pour déplacer la marchandise du bord du bateau jusqu'au châssis routier ou au wagon ; or pour le transport fluvial, ce forfait ne prend pas en compte la dernière manutention du quai fluvial au bateau, ce qui introduit une distorsion de prix par rapport à nos concurrents européens d'Anvers et de Rotterdam, qui descendront eux aussi par le futur canal Seine-Nord ! Je veillerai personnellement à ce que l'administration demeure attentive à préserver un environnement concurrentiel équitable sur ce point.

Ces éléments sont indispensables pour attirer les clients vers Le Havre ou Rouen, car ils bénéficient actuellement d'une bien meilleure qualité de service dans les ports voisins de la mer du Nord. Sans compter que les importateurs français préfèrent souvent transiter par Anvers pour bénéficier du mécanisme d'autoliquidation de la TVA, qui leur offre un avantage en termes de trésorerie, alors qu'en France, elle doit d'abord être acquittée auprès de l'administration douanière avant d'être déduite. Le Gouvernement prévoit certes, enfin, de mettre en oeuvre ce mécanisme au 1er janvier 2015, mais dans le cadre très restreint de la procédure de domiciliation unique : celle-ci permet à la douane de s'assurer de l'honorabilité de l'entreprise, afin de réduire le risque de fraude au carrousel, mais ne concerne au final que 300 entreprises, ce qui limite la portée du dispositif. Je souhaite que le ministre s'engage formellement en séance publique, à faire figurer cette disposition dans le collectif budgétaire de fin d'année, comme cela m'a été annoncé par l'administration. Vous pouvez compter sur moi pour l'interpeller sur ce point.

Quoiqu'il en soit, le fait même que des ports étrangers, notamment ceux de la mer du Nord, soient en capacité de concurrencer nos ports sur leur propre hinterland en dit long sur le chemin qui reste à parcourir. La stratégie portuaire française doit ainsi avoir pour ambition de concurrencer Rotterdam ou Anvers sur leur propre hinterland, en élargissant notre horizon à la Suisse, l'Allemagne, l'Europe du Sud ou l'Europe centrale. Cette vision nécessite une dynamique d'investissement, en infrastructures portuaires et ferroviaires, qui n'est toujours pas à la hauteur, bien que l'on observe une légère prise de conscience en 2014. J'attends donc avec impatience la signature des contrats de plan État-région pour 2015-2020, afin de voir si les moyens déployés sont à la hauteur des enjeux affichés dans la stratégie du Gouvernement.

En ce qui concerne notre flotte de commerce, j'ai bien peur qu'il ne soit malheureusement déjà bien tard ! À l'exception de quelques activités de niche, comme la croisière, la pose de câbles sous-marins, la prospection sismique et pétrolière, et du transport de gaz naturel liquide, le pavillon français est littéralement en danger de mort. Celui-ci n'enregistre que des sorties, mais aucune entrée. Les armateurs ne viennent plus s'immatriculer chez nous. C'est toute une filière qui se déconstruit peu-à-peu. Le financement n'est plus là, même la BPI refuse d'apporter son soutien. Les chantiers disparaissent, et avec eux, le savoir-faire en matière de construction de navires.

Un seuil psychologique a été atteint : désormais, notre flotte compte 181 navires, alors que pendant longtemps il était considéré comme impensable de descendre en-dessous de 200. Je vous rappelle même qu'il y a dix ans, on s'alarmait à l'approche des 230 navires ! L'administration se veut rassurante, en affirmant que la flotte devrait se stabiliser autour de ce niveau en 2015-2016 : il n'en reste pas moins que les paliers atteints ont toujours été suivis de nouvelles baisses, jamais d'une hausse, ce qui ne présage rien de bon pour l'avenir.

Pourtant, grâce à une flotte particulièrement jeune et moderne et un emploi très qualifié, le pavillon français est aujourd'hui considéré comme l'un des plus sûrs et des plus respectueux de l'environnement, comme le montrent les différents classements européens et internationaux.

Dans ce contexte inquiétant, je me félicite qu'il y ait cette année deux avancées que je réclame de longue date. La première est l'adoption de la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires, que nous avons examinée au printemps dernier, sur le rapport de notre collègue Odette Herviaux. Cette loi a été adoptée dans un climat de remarquable consensus, en réponse à la recrudescence des actes de piraterie maritime, notamment dans le Golfe de Guinée. L'administration m'a confirmé que les décrets d'application sont sur le point d'être publiés, et que des entreprises travaillent actuellement à obtenir les agréments et certifications nécessaires pour être opérationnelles le plus rapidement possible.

L'autre avancée concerne la loi du 31 décembre 1992 qui impose que les navires français transportent au moins 5 % du pétrole brut que nous raffinons, afin de sécuriser nos approvisionnements énergétiques. Malheureusement, nos raffineries ferment les unes après les autres et nous importons de plus en plus de pétrole raffiné, ce qui vide le dispositif de son contenu. En quinze ans, le nombre de navires entrant dans le champ d'application de la loi est ainsi passé de seize à sept. Pour cette raison, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, nos collègues députés ont adopté un amendement visant à étendre l'obligation de pavillon à l'ensemble des produits pétroliers importés. Nous aurons à examiner prochainement ce dispositif, et je vous informe d'ores et déjà que je soutiens fermement cette mesure. Elle devrait permettre de maintenir une flotte française d'une vingtaine de navires pétroliers et de conserver un vivier de personnel qualifié, ce qui est essentiel pour un métier fortement spécialisé nécessitant dix années de formation.

Cependant, ces deux bonnes nouvelles ne doivent pas nous conduire à relâcher les efforts en faveur de la compétitivité-coût et de la simplification administrative. Le coût du pavillon français reste beaucoup trop élevé, supérieur de 20 à 40 % à celui d'autres pavillons européens, comme le souligne le récent rapport du député Arnaud Leroy. Les exonérations de charges sont insuffisantes par rapport à l'agressivité de nos concurrents britanniques ou danois, qui ont mis en place des exonérations totales. L'organisation du temps de travail et des congés ne nous avantage pas non plus, puisqu'il faut en France trois équipages pour faire tourner un navire, contre deux au Danemark. Quant au crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), on est dans un véritable déni de réalité, puisqu'il ne s'applique pas aux entreprises maritimes !

Le rapport Leroy propose plusieurs pistes intéressantes comme l'exonération totale de charges patronales pour les entreprises soumises à une concurrence internationale effective dans l'exécution de leurs missions, ou encore l'extension du CICE aux armements maritimes du premier registre, qui sont les plus représentatifs en termes d'emplois. Je crois d'ailleurs savoir que notre collègue Odette Herviaux a déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 sur ce sujet, et je m'associe à cette démarche. Ces mesures ont un coût finalement raisonnable au regard des enjeux : 17 millions d'euros pour la première et 10 millions d'euros pour la seconde.

Je suis également favorable à une exonération de la plus-value de cession d'un navire lorsqu'elle est réinvestie dans l'achat d'un nouveau navire : un dispositif similaire existe depuis 2002, mais il est devenu obsolète en raison de l'évolution des modes de financement des navires. Or il s'agit là d'une mesure de bon sens : Bercy travaille actuellement à la sécurisation juridique du dispositif, mais je n'exclus pas de déposer un amendement d'appel en séance publique, afin de m'assurer que le Gouvernement compte bien le mettre en oeuvre dans les plus brefs délais.

Enfin, il faut absolument mobiliser la banque publique d'investissement (BPI) qui est actuellement trop frileuse et exige des garanties rédhibitoires, sans doute par méconnaissance du secteur maritime. La plupart des armateurs n'ont plus accès à aucun financement bancaire depuis 2008. Pourquoi ne pas désigner, par exemple, un médiateur pour favoriser les contacts entre la BPI et les entreprises maritimes, en vue d'élaborer un schéma de financement des navires de commerce ?

Pour l'heure, vous l'avez compris, je vous invite à donner un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Vous m'accorderez que ce n'est pas une position nouvelle de ma part. Je dénonce depuis longtemps la situation du transport maritime et de la filière maritime en général. Je rappelle que nous avons la deuxième zone maritime derrière les États-Unis et que nous importons 85 % de nos besoins en poissons et crustacés, il y a quand même un problème !

M. Alain Fouché . - Quel est le chiffre d'affaires global de l'activité loisir, en incluant construction de bateaux, voyages organisés, accueil des touristes en France ?

M. Charles Revet . - Je ne dispose pas d'un chiffre consolidé, mais ce marché est en forte augmentation. Il n'y a qu'à remarquer le nombre croissant de navires de croisière qui accostent à Marseille ou au Havre, en réponse à une demande forte des touristes français. Ce secteur est clairement en croissance, mais il ne suffit pas à rentabiliser nos grands ports maritimes !

Il faut également s'attaquer aux problèmes de gouvernance. Tous les autres grands ports de mer du Nord sont des ports régionaux. Seule l'Espagne possède encore des ports d'État, mais elle a délégué leur gestion et se contente d'éviter une concurrence exacerbée entre ses propres ports. En France, toutes les décisions doivent remonter à l'échelon national, ce qui veut dire qu'aucune décision n'est prise.

Quant à notre énorme retard dans le domaine de l'acheminement ferroviaire ou fluvial, je vous rappelle que le transport routier est encore utilisé aujourd'hui dans 75 % des cas. Le rail est à moins de 15 % et le fluvial s'améliore un peu, mais n'atteint que 13 % !

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « transports maritimes » du projet de loi de finances pour 2015.

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