C. LES INTERROGATIONS CONCERNANT LA DISTRIBUTION POSTALE APRÈS 2015

1. La fin programmée de « l'accord Schwartz » en 2015

La Poste est, avec les messageries de presse, l'un des principaux acteurs de la diffusion de la presse française. En 2013, l'entreprise a acheminé et distribué 1,3 milliard d'exemplaires , dont 1,23 milliard dans le cadre de sa mission de service public, soit environ 30 % de la diffusion de la presse sur le territoire.

Le « postage » constitue donc le 2 e mode de diffusion de la presse après la vente au numéro.

Évolution du trafic presse transporté et distribué par La Poste par catégorie

Données prises en compte pour l'établissement des comptes réglementaires

( en millions d'exemplaires )

2005

2006

2007

2008

2008 au périmètre 2009

2009 (e)

2010 (e)

2011 (e)

2012 (e)

2013 (f)

Total presse éditeur

1 771

1 704

1 709

1 670

1 587

1 508

1 431

1 394

1 303

1 225

- dont presse urgente (a)

1 063

926

894

853

806

754

715

678

615

573

- dont presse non urgente (b)

647

657

649

631

596

537

496

496

450

418

- dont presse économique (c)

61

121

166

185

184

216

220

220

238

234

Presse administrative (d)

31

25

12

-

-

-

-

-

-

-

(a) presse « urgente » : distribuée le jour même de son dépôt ou le jour suivant

(b) presse « non urgente » : distribuée dans les quatre jours suivant le dépôt

(c) presse « économique » : distribuée dans les sept jours suivant le dépôt

(d) presse administrative : le régime a été supprimé par décret du 9 mai 2007

(e) périmètre d'analyse centré sur les seuls flux traités dans le cadre de la mission de service public de La Poste

(f) données en cours de validation par l'ARCEP

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Cette moyenne masque cependant des situations contrastées entre les différentes familles de presse. Si la presse quotidienne privilégie le portage à la diffusion postale dans les zones à forte densité de population, notamment pour des questions d'horaires de distribution, le postage reste toujours un vecteur de diffusion très largement utilisé par les magazines.

Le transport de la presse par La Poste s'exerce principalement dans le cadre d'une mission de service public dont le fondement est inscrit dans le code des postes et communications électroniques, qui a sur ce point codifié la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.

Il s'agit d'une activité en totale concurrence : n'importe quel autre opérateur peut l'exercer sans autorisation de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et dans des conditions commerciales et tarifaires qu'il fixe librement.

Les conditions d'accès à l'offre sont définies réglementairement. Les tarifs sont homologués par l'État à un niveau préférentiel, inférieur aux coûts, et sont appliqués uniformément sur l'ensemble du territoire.

Le transport et la distribution de la presse par La Poste représente 22 % du poids de la sacoche des facteurs et 9 % des volumes de courrier distribués mais seulement 5 % du chiffre d'affaires courrier de l'entreprise.

La couverture partielle des coûts par les tarifs génère un déficit qui n'est que partiellement compensé par la contribution annuelle de l'État. La Poste assume donc dans ses comptes la prise en charge du déficit résultant des conditions d'exercice de cette mission de service public.

L'accord signé le 23 juillet 2008 par L'État, La Poste et les organisations professionnelles de presse à l'issue de la mission d'évaluation et de proposition conduite par M. Marc Schwartz (« accord Schwartz ») a l'ambition de ramener ce déficit à un niveau supportable pour l'entreprise et d'apporter des solutions durables à la distribution par voie postale de la presse.

Établi pour une durée de 7 années (du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2015) , l'accord permet aux différents acteurs de disposer d'une visibilité à moyen terme sur l'évolution progressive des conditions du transport et de la distribution de la presse par La Poste.

Du fait de la modicité des tarifs postaux réglementés de presse par rapport aux coûts affectés à l'activité et du niveau de la participation financière de l'État, La Poste supporte dans ses comptes un déficit brut de près de 550 millions d'euros avant compensation publique, ramené à 330 millions d'euros après compensation publique selon les comptes de 2013.

Le déficit qui reste à la charge de La Poste constitue, de fait, une aide supplémentaire à la presse prise en charge par l'entreprise.

2. La baisse de la contribution de l'État au financement de l'accord Schwartz et les interrogations sur leur suite

L'accord du 23 juillet 2008 prévoit expressément une contribution financière de l'État, confirmée dans le contrat d'entreprise entre l'État et La Poste.

Par rapport au dispositif qui a prévalu au cours de la période 2004-2008, l'accord tripartite de juillet 2008 programme une diminution graduelle de la contribution publique à partir de 2012.

En 2014, la contribution prévue dans l'accord 2009-2015 a été réduite de 50 millions euros afin de tenir compte - partiellement - du bénéfice pour La Poste du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

Par ailleurs, le manque à gagner que représente pour La Poste le report d'application des hausses tarifaires, décidé en 2009 à l'issue des états généraux de la presse écrite (« moratoire tarifaire »), a été intégralement compensé jusqu'en 2013.

En 2013, le Gouvernement a décidé d'une sortie du moratoire étalée sur deux ans (2014 et 2015) et n'a pas reconduit, sur cette période, le dispositif existant de compensation du manque à gagner pour La Poste.

Toutefois, un dispositif additionnel spécifique dédié aux titres d'information politique et générale (notamment les titres quotidiens à faibles ressources publicitaires ou de petites annonces) a été décidé, à l'issue des arbitrages rendus par le Président de la République sur la sortie du moratoire tarifaire. Ce dispositif consiste à plafonner l'impact pour les éditeurs des évolutions tarifaires liées à la sortie de moratoire sur deux ans. À ce titre, le Gouvernement s'est engagé à une prise en charge partielle en 2014, qui doit donner lieu au versement d'une compensation de l'ordre de 1,6 million d'euros. Les modalités pour 2015 restent à définir.

Dans ces conditions, le coût pour La Poste de la sortie du moratoire devrait être, en 2014, de 14,1 millions d'euros (15,7 millions d'euros -1,6 million d'euros).

Même si l'aide au transport postal est désormais entièrement intégrée au programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Économie » et n'est plus prise en compte dans la mission « Médias, livre et industries culturelles », votre rapporteur a souhaité auditionner les responsables de La Poste pour connaître leur sentiment sur la sortie de l'accord Schwartz.

Contribution de l'État au transport de la presse par La Poste

( en millions d'euros )

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Contribution à la mission de SP

Contribution prévue par l'accord Schwartz

242,00

242,00

242,00

232,00

217,00

200,00

180,00

Montants inscrits en loi de finances

242,00

242,00

242,00

232,00

217,00

150,50

130,00

Contribution versée par l'État à La Poste

229,55

242,00

241,45

231,57

217,00

ND en attente de versement

ND

Compensation du coût du moratoire

Coût brut pour La Poste du moratoire tarifaire

23,74

24,54

27,38

29,18

30,55

15,70

5

Montant inscrit en loi de finances

24,50

28,00

26,50

27,60

32,40

0,00

ND

Compensation versée par l'État à La Poste

23,74

24,54

27,38

29,18

30,55

ND en attente de versement (a)

ND

Total contribution versée par l'État

253,29

266,54

268,83

260,75

247,55

ND

ND

(a) Le Gouvernement s'est engagé à ce que le manque à gagner pour La Poste du dispositif additionnel spécifique dédié aux titres IPG et QFRP donne lieu à une compensation partielle par l'État, de sorte qu'il ne coûte pas plus de 1 million d'euros à La Poste. En application de cet engagement, La Poste a demandé le versement d'une compensation de 1,6 million d'euros.

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

Il ressort de cet échange que La Poste considère que cette reprise de 50 millions d'euros ne reconnaît pas la spécificité de sa pyramide des salaires et ne tient pas compte non plus du déficit endémique de la mission courrier . Malgré tout, La Poste n'entend pas se désintéresser de la presse et serait prête à contribuer au développement du portage à certaines conditions, comme l'arrêt de l'écrémage pour la distribution des magazines.

La Poste considère notamment qu'il pourrait exister des marges de manoeuvre si les différentes entreprises de messagerie acceptaient de mieux coordonner leurs moyens. Elle constate qu'un retard a été pris pour définir la suite des accords Schwartz et estime que la réponse doit être de nature industrielle.

Au final, votre rapporteur pour avis exprime sa préoccupation concernant le devenir du contrat tripartite État-Presse-Poste qui arrive à échéance en 2015 sans que l'on sache quel dispositif prendra sa suite . Il rappelle que l'implication de La Poste est indispensable à la distribution de la presse et que celle-ci est structurellement déficitaire pour l'opérateur public.

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