II. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : LE TEMPS DE LA RÉFORME

A. UN RÉSEAU EN CROISSANCE

1. L'enseignement français à l'étranger : un succès constant

Le réseau scolaire français à l'étranger compte, en septembre 2013, 488 établissements (481 établissements à la rentrée 2012) présents dans 131 pays, dont 36 % en Afrique. Il emploie environ 20 000 agents (expatriés, résidents et recrutés locaux) et scolarise près de 319 000 élèves, dont 62 % d'étrangers , ce qui en fait le premier réseau d'enseignement internationalisé au monde.

En 10 ans, le nombre d'élèves scolarisés à l'étranger dans le réseau français a progressé de 30 % et celui des établissements de 17 %. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport précité sur le réseau culturel de la France à l'étranger, « ces 481 établissements, souvent réputés, jouent un rôle essentiel dans certains pays (comme au Liban où ils scolarisent 50 000 élèves, dont 80 % de Libanais) ou dans certaines capitales (telles Londres, Rome ou Vienne) ».

Sur ce total, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) assure la gestion directe de 75 établissements et en conventionne 156, pour un total de 188 000 élèves, dont 49 % sont Français . À la demande de l'État, l'Agence a également signé des partenariats avec les autres établissements du réseau.

Placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, l'AEFE s'est vue dotée, par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, de trois missions , dont la mise en oeuvre effective est déclinée dans le plan stratégique 2010-2013 et le contrat d'objectifs et de moyens adopté le 25 novembre 2010 pour la période 2011-2013 :

- scolariser les enfants français dont les familles résident à l'étranger ;

- accueillir des élèves étrangers , dans un but de rayonnement culturel, économique et politique ;

- contribuer aux relations entre les systèmes éducatifs français et étrangers, par la promotion du système français et une ouverture à la culture du pays d'accueil.

Le réseau des établissements relevant de l'AEFE évolue en fonction de la situation politique et de la demande des pays d'accueil. Chaque année, de nouveaux établissements bénéficient ainsi d'une homologation, tandis que d'autres sont déconventionnés. À titre d'illustration, pour l'année scolaire 2013-2014, douze nouveaux établissements ont été ouverts en Albanie, au Cambodge, en Corée, en Côte d'Ivoire, en Égypte, aux États-Unis, au Liban, à Singapour, en Thaïlande et en Tunisie, tandis que cinq établissements ont perdu leur homologation en Allemagne, au Cameroun, à Djibouti et au Nigéria.

La suppression de l'homologation de l'établissement français de Djibouti, qui accueille 3 500 élèves, constitue l'aboutissement d'un processus de « nationalisation » de l'enseignement public du pays. Seul ancien État colonisé par la France à avoir conservé intégralement le modèle éducatif français, Djibouti, accompagné pendant sept ans dans cette démarche par le ministère de l'éducation nationale et l'Université de Bordeaux, dispose désormais de son propre système d'éducation publique.

La croissance régulière du réseau de l'enseignement français à l'étranger et les coûts de fonctionnement qu'elle entraîne ont conduit le ministre des affaires étrangères à confier à la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, Hélène Conway-Mouret, une mission sur l'avenir du réseau sous la forme d'une concertation nationale réunissant l'ensemble des acteurs, qui s'articule en deux volets :

- l'établissement d' un suivi des conclusions des États généraux de 2008 en tenant compte des évolutions intervenues depuis lors ;

- une réflexion prospective en vue d'élaborer des propositions en mesure de relever les défis multiples que le réseau rencontre à l'étranger.

Les conclusions de cette concertation nationale, au coeur de notre politique d'influence, ont été rendues publiques le 12 novembre. Elles permettent d'offrir enfin au réseau de l'enseignement français à l'étranger des perspectives de développement lisibles .

Plan d'actions en faveur de l'enseignement français à l'étranger

1-Un équilibre à préserver entre la mission de scolarisation des Français et celle de l'accueil des étrangers

Notre réseau scolaire extérieur accueille à la fois des enfants étrangers et des jeunes Français. Cela lui permet de remplir une double mission : d'une part offrir à nos compatriotes une continuité de scolarisation lorsqu'ils se trouvent hors de nos frontières, d'autre part diffuser la langue et la culture, de notre pays auprès des publics étrangers. Dans un contexte où nos communautés françaises expatriées continuent de croître et où de nouveaux publics apparaissent dans le monde émergent, nous souhaitons réaffirmer l'importance de ces deux missions et la nécessité de maintenir, entre celles-ci, un équilibre.

S'agissant de l'accueil des élèves étrangers, nous avons à :

- poursuivre l'enseignement des langues et des cultures des pays hôtes ;

- renforcer les partenariats et les passerelles avec les systèmes éducatifs locaux ;

- examiner la possibilité de faire des démarches auprès des pays dont les nationaux ne sont pas autorisés à s'inscrire dans nos écoles ;

- diversifier les publics, au besoin au moyen de dispositifs de bourses pour élèves méritants financées grâce au mécénat ou à des caisses parentales de solidarité.

Quant aux élèves français, nous devons veiller à ce que le coût de la scolarité ne constitue pas un obstacle à leur accès aux établissements. Les postes diplomatiques, à cet égard, doivent apporter la plus grande attention à la mise en oeuvre de la réforme de l'aide à la scolarité. Il importe également que nos jeunes compatriotes bénéficient pleinement, comme leurs camarades étrangers, des dispositions de la loi de refondation de l'École relatives à l'inclusion, en particulier concernant l'accompagnement des élèves en difficulté ou en situation de handicap, et l'information/orientation tout au long de la scolarité.

En dehors de ces deux missions principales, l'enseignement français à l'étranger peut apporter son appui à la coopération avec les systèmes scolaires étrangers. Cette mission sera encouragée dans les pays à fort réseau où existe une demande d'expertise des autorités locales. L'appui des professeurs devrait porter sur le développement de l'enseignement bilingue francophone ainsi que sur la formation des maîtres qui enseignent notre langue. Les proviseurs et directeurs d'école, les inspecteurs de zone, pourront apporter leur expertise en matière de gouvernance des établissements, d'encadrement, voire d'inspection.

2- Un développement équilibré et encadré du réseau, dans la discipline budgétaire

Face à la demande croissante d'éducation à la française dans le monde, notre choix est de maintenir nos ambitions et de continuer à développer notre offre d'enseignement, en particulier vers les zones de croissance de nos communautés et vers les territoires jugés prioritaires pour notre diplomatie. Mais l'obligation de ne pas créer de charges supplémentaires pour le budget de l'État nous impose un développement encadré et équilibré du réseau scolaire extérieur.

Ce développement raisonné reposera sur le partenariat avec des établissements homologués autofinancés.

Nous devons néanmoins être en mesure de répondre directement à certaines nouvelles demandes de scolarisation avec notre opérateur public, par le biais des établissements conventionnés ou en gestion directe. Cela implique d'effectuer, à enveloppe globale constante, des redéploiements géographiques de nos moyens.

3-Un pilotage politique renforcé

Une concertation interministérielle régulière sur l'enseignement français à l'étranger sera instituée chaque année sous la présidence du ministère des Affaires étrangères.

Les ambassades concernées seront invitées à présenter une stratégie locale de développement de notre offre éducative, basée sur l'analyse de la demande, un examen de la concurrence et une évaluation des moyens mobilisables. Les premiers documents de stratégie sont attendus avant l'été 2014.

Le pilotage politique renforcé du dispositif d'enseignement français à l'étranger doit également permettre de mieux articuler la politique scolaire extérieure avec les autres composantes de notre diplomatie d'influence, en premier lieu avec notre politique de coopération éducative et linguistique. Mais l'articulation doit également être améliorée avec notre politique d'attractivité universitaire. Il convient de favoriser l'orientation des élèves des établissements français à l'étranger vers l'enseignement supérieur dans notre pays.

4- Consolider l'excellence pédagogique,

Notre réseau doit pleinement tirer parti de la loi de refondation de l'école, qui renforce l'enseignement précoce des langues étrangères, introduit un nouvel enseignement moral et civique, place le numérique au coeur des apprentissages, développe la formation artistique et culturelle. Il doit aussi appliquer, dans le respect des législations et des habitudes locales, la réforme des rythmes scolaires

Le développement de l'enseignement bilingue, en particulier à travers les « sections Internationales », constituera une priorité, sans que soit négligé l'impératif de la maîtrise du français.

L'AEFE pourra également examiner la possibilité, dans certains pays, d'ouvrir des classes technologiques dans des spécialités ne nécessitant pas d'infrastructures particulières.

5- Élargir l'accès aux offres éducatives complémentaires de l'enseignement homologué

Il n'apparaît pas envisageable de répondre avec le seul enseignement homologué à l'ensemble de la demande d'éducation en français qui nous est adressée. Une partie de cette demande doit être orientée vers d'autres offres éducatives.

Le développement du labelFrancÉducation, qui permet d'identifier et de mettre en réseau les établissements étrangers proposant des classes bilingues francophones de haut niveau, constitue une priorité.

Dans le même esprit, un encouragement sera donné au développement à l'étranger de l'offre du CNED. La règle d'une distance de 50 km d'un établissement homologué pour bénéficier des services du CNED sera levée.

Enfin, le dispositif FLAM (Français Langue Maternelle), qui apporte un soutien aux initiatives extra-scolaires visant à conserver la pratique de notre langue chez les enfants français scolarisés à l'étranger dans une autre langue que la nôtre, sera renforcé.

Source : Ministère des affaires étrangères

2. Des partenaires indispensables

Le principal partenaire de l'AEFE pour l'enseignement français à l'étranger, la Mission laïque française (MLF), association à but non lucratif créée en 1902 et reconnue d'utilité publique dès 1907, intervient pour le compte des entreprises françaises et de l'État dans certaines opérations de développement. Son fonctionnement est assuré par ses ressources propres. Elle bénéficie toutefois du soutien des ministères concernés par la diffusion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. À cet effet, elle est liée par convention avec les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, ainsi qu'avec l'AEFE.

Implantés dans 46 pays, les 107 établissements, auxquels s'ajoutent dix établissements faisant l'objet d'une action de coopération éducative, scolarisent près de 50 000 élèves, dont 77 % d'étrangers . Son réseau se compose d'établissements en gestion directe, d'établissements partenaires pour lesquels la MLF est prestataire de service pour la gestion administrative, d'écoles d'entreprises françaises ou étrangères et d'établissements faisant l'objet d'une action de coopération éducative de l'État (en Angola et Afghanistan notamment).

Autres partenaires du réseau français, une trentaine d'établissements d'enseignement locaux bénéficient du labelFrancÉducation , créé en janvier 2012 et attribué à des établissements d'enseignement scolaire étrangers qui offrent une formation d'excellence en français dans le cadre de leurs programmes nationaux. L'objectif est de labelliser cinquante établissements d'ici à 2015, notamment dans les pays d'Europe centrale et orientale où l'enseignement bilingue est actif, ainsi que dans les pays du Maghreb. Les États-Unis, La Chine, où de nombreux élèves ne sont pas scolarisés dans des établissements français, et l'Inde pourraient également constituer des zones de prédilection pour ce nouveau label.

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