C. LE PROGRAMME 149 : UNE NOUVELLE AMBITION POUR LA FORÊT.

1. La mobilisation du potentiel forestier français : un levier de croissance et d'emploi.
a) La mise en évidence ancienne d'un potentiel forestier inexploité.

Avec 16 millions d'hectares, la forêt couvre près de 30 % du territoire hexagonal. Les trois quarts des forêts appartiennent à des propriétaires privés. Environ 1,6 millions d'hectares relèvent de forêts domaniales gérées par l'Office national des forêts (ONF) et 2,9 millions d'hectares de forêts sont la propriété des collectivités territoriales.

Comme le rappelait le rapport sur la valorisation de la forêt française, établi par Marie de l'Estoile en octobre 2012 au nom du Conseil économique, social et environnemental, entre 50 et 60 millions de mètres cube de bois sont extraits chaque année des forêts métropolitaines, dont un quart environ au titre de l'autoconsommation.

La filière bois revêt une importance économique parfois méconnue mais qui n'est est pas moins réelle, avec entre 400 et 450 000 emplois environ.

La France est un pays de bois et de forêts, et enregistre pourtant un déficit de sa balance commerciale en produits forestiers de l'ordre de 6 milliards d'euros par an. Nous exportons du bois rond et importons du bois transformé.

Malgré la montée de la demande en bois-énergie ou en bois de construction, l'exploitation de la forêt ne répond pas aux besoins croissants.

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010 contenait un volet forestier destiné à renforcer la mobilisation du bois, mais elle ne semble pas avoir produit d'effets significatifs.

b) La relance d'une ambition forestière française.

Lancée à la suite de la conférence environnementale de septembre 2012, une mission interministérielle conjointe du ministère de l'Écologie du développement durable et de l'énergie, du ministère de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du ministère du redressement productif a donné lieu à la production d'un rapport préconisant la mise en place d'un plan national de la forêt et du bois destiné à mobiliser plus la ressource et à relancer l'investissement pour l'exploitation de la forêt 6 ( * ) .

Parallèlement, une mission avait été confiée par le Gouvernement au député Jean-Yves Caullet en décembre 2012 pour préparer le volet forestier du projet de loi d'avenir de l'agriculture, en étudiant le rôle de la forêt dans la séquestration du carbone et l'adaptation au changement climatique, la structuration de la filière bois, la question de la mobilisation du bois et enfin, les mécanismes fiscaux existants dans le secteur forestier.

Le rapport Caullet, remis le 1 er juillet 2013 au Premier ministre, conclut lui aussi à la nécessité de relancer l'investissement en forêt mais aussi au niveau du secteur de la transformation .

S'appuyant sur la démarche lancée en septembre 2012 de rencontres régionales pour l'avenir de l'agroalimentaire et du bois, le Gouvernement a présenté, lors du Conseil supérieur de la forêt des produits forestiers et de la transformation du bois du 18 octobre 2013 un plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois destiné à accroitre les performances de la filière et gagner en compétitivité.

Enfin, le projet de loi d'avenir de l'agriculture déposé à l'Assemblée nationale le 13 novembre 2013 et qui doit être examiné prochainement au Parlement contient un volet forestier faisant du plan national de la forêt et du bois (PNFB) la pierre angulaire de la politique forestière, qui doit ensuite être déclinée en région. Le projet de loi crée également un nouvel instrument financier : le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). Il favorise également la gestion collective des forêts privées avec la création du groupement d'intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF).

L'objectif de la nouvelle politique forestière est de faire de la forêt un nouveau levier de croissance. Lors des auditions menées par vos rapporteurs pour avis, les représentants des entreprises de la filière bois ont estimé qu'il existe un potentiel de 25 000 créations d'emplois d'ici à 2020.

Cette ambition nouvelle pour la forêt pourra s'inscrire au demeurant dans le cadre plus large d'une nouvelle stratégie forestière européenne, proposée par la Commission européenne le 20 septembre dernier 7 ( * ) .

LES MESURES DU PLAN NATIONAL D'ACTION POUR
L'AVENIR DES INDUSTRIES DE TRANSFORMATION DU BOIS

Le plan national comporte quatre axes stratégiques avec 15 mesures :

Premier axe stratégique : l'affirmation d'une nouvelle dynamique de filière.

1. Créer un comité stratégique de filière bois (CSF) et élaborer un contrat de filière ;

2. Inviter les Régions à décliner le plan national d'action ;

3. Mobiliser les syndicats professionnels et les associations interprofessionnelles ;

Deuxième axe stratégique : la mobilisation de financements publics et privés pour développer une offre compétitive.

4. Créer un fonds stratégique de la forêt et du bois ;

5. Mobiliser la large gamme de financements et de services de BPI France, notamment ceux dédis à la filière bois, et le CICE ;

6. Mettre en place de la seconde génération du Fonds Bois (BPI) et soutenir les initiatives privées de financement ;

7. Adapter la fiscalité de la propriété à la gestion durable de la foret : d'une fiscalité de détention à une fiscalité de gestion ;

8. Inviter les Régions qui le souhaitent à s'associer aux efforts financiers nouveaux ;

Troisième axe stratégique : la mobilisation de leviers immédiats et structurants dans une logique cohérente de développement de filière intégrée et de soutien aux entreprises :

9. Etablir des feuilles de route pour mettre les financements, les formations et la R&D au service de la compétitivité des entreprises ;

10. Appuyer la structuration des écosystèmes locaux performants (« clusters ») ;

11. Soutenir l'innovation et la R&D ;

12. Développer le bois dans la construction en caractérisant et qualifiant les performances techniques des bois français notamment feuillus, et en développant les marques de qualité volontaires ;

13. Accompagner les entreprises dans leurs projets de développement ;

14. Afficher une préférence des pouvoirs publics pour le bois dans leurs interventions économiques ;

15. Développer un plan export.

Quatrième axe stratégique : s'engager rapidement, dans le cadre du CSF Bois du Conseil national de l'Industrie à des changements structurels dans la filière qui permettraient le développement d'une offre plus compétitive. Les mesures prévues dans le cadre de cet axe consistent à sécuriser les approvisionnements par la contractualisation, à faciliter l'accès aux données cadastrales, ou encore à valoriser l'image du bois.

2. La mobilisation de nouveaux moyens budgétaires.

Le programme 149 « Forêt » enregistre dans le projet de loi de finances pour 2014 une hausse de 10,3 % en AE et de 7,3 % en CP, première traduction de cette priorité accordée à la forêt. Il s'établit à 321 millions d'euros en AE et 338 millions d'euros en CP.

a) Le soutien à l'Office national des forêts confirmé.

Etablissement public historique du secteur forestier, chargé d'assurer la gestion des forêts publiques, qu'elles appartiennent à l'État ou aux collectivités territoriales soumises au régime forestier et investi de missions d'intérêt général comme la restauration des terrains de montagne, la défense des forêts contre les incendies ou la fixation des dunes domaniales, l'Office national des forêts (ONF) emploie environ 9 500 personnes.

Or, l'équilibre économique de l'Office est fragile car il dépend des prix du bois. Si l'exercice 2011 a permis, après deux années de déficits, d'enregistrer un résultat positif de 1,1 millions d'euros, les prix du bois se sont à nouveau dégradés en 2012 et l'équilibre n'a été atteint que grâce à une subvention exceptionnelle de l'État de 45 millions d'euros.

Voté à l'équilibre à 830,9 millions d'euros en charges et en produits, le budget 2013 de l'ONF ne pouvait être bouclé qu'en pérennisant la subvention d'équilibre accordée par l'État, conformément à l'engagement pris dans le contrat d'objectifs et de performances (COP) 2012-2016.

Une nouvelle rallonge budgétaire de 30 millions d'euros est prévue au budget 2014 :

- Le versement compensateur passe ainsi à 140,4 millions d'euros en 2014, contre 120,4 millions d'euros en 2013 ;

- La contribution complémentaire est fixée à 53,8 millions d'euros, contre 43,87 millions d'euros en 2013 ;

- La rémunération des missions d'intérêt général , qui avait été augmentée de 2 millions d'euros en 2013, connaît une nouvelle augmentation de 1,1 million d'euros pour s'établir à 22,3 millions d'euros en 2014, correspondant à l'engagement de l'État d'une prise en charge du coût complet des services rendus par l'office.

Au total, le programme 149 attribue un peu plus de 216 millions d'euros à l'ONF, soit plus d'un quart du budget de l'établissement et près des deux tiers des crédits du programme.

Trois autres programmes du budget de l'État contribuent au budget de l'ONF à hauteur de 7,5 millions d'euros. Notons enfin qu'à côté de ces versements, l'ONF continue à bénéficier du produit des frais de garderie et de la contribution exceptionnelle de 2 euros par hectare payée par les communes forestières. Ces recettes provenant des collectivités territoriales représentent environ 30 millions d`euros.

L'État soutient donc fortement l'ONF, qui en 2014, conformément au COP 2012-2016, voit son plafond d'emplois baisser de 268 équivalents temps plein (ETP) pour s'établir à 9 309 ETP à structure constante. Notons que près de la moitié de la baisse (113 ETP) correspond à une correction technique, les emplois aidés étant auparavant décomptés sous le plafond et passant en 2014 en hors plafond.

b) La réduction des crédits post-tempête.

Les autres crédits d'intervention en faveur de la forêt, publique ou privée, sont en réduction :

- la ligne budgétaire consacrée à la restauration des terrains de montagne dans les massifs du domaine de l'État est baissée de 8,2 millions d'euros en 2013 à 7,5 millions d'euros en 2014 ;

- la ligne servant à attribuer des subventions aux collectivités territoriales pour la construction d'infrastructures de défense des forêts contre l'incendie (DFCI) ou pour financer des études et travaux en forêt communale est maintenue à environ 15 millions d'euros en 2014, dont 13,5 millions d'euros au titre de la DFCI ;

- les crédits destinés à financer le Centre national de la propriété forestière (CNPF) sont en légère baisse, à 16 millions d'euros, tandis que la subvention à l'Institut technologique Forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA) est maintenue à 7,5 millions d'euros ;

- enfin, les aides destinées aux propriétaires forestiers touchés par la tempête Klaus de 2009 pour nettoyer et reconstituer leurs parcelles représentent dans le budget 2014 un peu moins de 45 millions d'euros en CP, dont 1 million d'euros correspond aux charges de bonification des prêts d'urgence suite à la tempête, contre 53 millions d'euros en 2013. La charge de la tempête Klaus s'allège donc désormais pour le budget de l'État. Vos rapporteurs pour avis notent au passage que l'accès désormais ouvert aux cofinancements communautaires a permis de revaloriser les enveloppes destinées à la reconstitution des forêts landaises principalement touchées, sans nécessiter davantage de moyens sur le programme 149.

Au total, les réductions de crédits enregistrés ne traduisent pas un désengagement de l'État mais un simple réajustement budgétaire.

c) Un instrument nouveau : le fonds stratégique de la forêt et du bois.

La principale innovation du budget 2014 en matière de forêt est la création d'une action n° 13 au sein du programme 149, intitulée « Fonds stratégique de la forêt et du bois ».

Près de quinze ans après la suppression du Fonds forestier national, qui a disparu au 1 er janvier 2000, la création du FSFB répond au besoin de la filière de disposer d'un instrument financier dédié au soutien aux investissements, en amont comme en aval, ainsi qu'aux actions d'animation, d'étude, de recherche et d'innovation.

Le FSFB sera créé par la loi d'avenir de l'agriculture, mais le projet de loi de finances prévoit déjà les moyens qui lui seront attribués.

La dotation de l'État s'élève à 25,5 millions d'euros en CP et 14,4 millions d'euros en AE. Il s'agit pour l'essentiel de transferts des crédits préalablement inscrits au sein de l'action n° 12 concernant les investissements forestiers (11,3 millions d'euros de CP en 2013) ou encore la modernisation des scieries (5,2 millions d'euros de CP en 2013).

Hors FSFB, l'action n° 13 prévoit aussi 3,9 millions d'euros pour les actions d'animation, d'études, de recherche et d'innovation, soit une somme comparable à celle de 2013.

Outre les crédits budgétaires inscrits en loi de finances, le FSFB doit également être alimenté par :

- une indemnité de défrichement 8 ( * ) , qui sera rattachée par voie de fonds de concours, et rapporterait 18 millions d'euros par an.

- l' attribution de 3,7 millions d'euros provenant de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur le foncier non bâti (TATFNB) pesant sur les terrains classés au cadastre en nature de bois, part attribuée aujourd'hui par l'article L. 321-13 du code forestier aux chambres d'agriculture pour financer les actions des plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF) mis en place par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010.

Le montage proposé appelle quelques commentaires de la part de vos rapporteurs pour avis :

Tout d'abord, la dotation du FSFB doit être complétée par d'autres recettes. Les professionnels estiment les besoins de soutien à l'investissement dans la filière à environ 150 millions d'euros par an en rythme de croisière, bien au-dessus des 47 millions d'euros que représentent la dotation de l'État, la taxe de défrichement et l'affectation de la TATFNB. Plusieurs pistes sont à explorer . L'allocation d'une fraction des crédits carbone à la forêt avait été écartée lors de la discussion du précédent projet de loi de finances. Les cours du carbone étant faibles, le rendement de la taxe carbone devrait être inférieur aux estimations. Il n'y aura donc pas de surplus à distribuer. Une autre piste consisterait à affecter au FSFB une partie des recettes de la contribution climat énergie (CCE), une partie de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ou encore une partie de la taxe sur l'eau, compte tenu des services environnementaux rendus par la forêt au titre de la séquestration du carbone ou de la filtration de l'eau. Le choix d'un mécanisme de taxe affectée devrait aboutir à la création d'un compte d'affectation spéciale.

La seconde remarque de vos rapporteurs pour avis concerne la pérennité des PPRDF . En attribuant les moyens qui les financent au FSFB, les PPRDF ne pourront plus fonctionner. Or, il s'agirait là d'un véritable gâchis, les PPRDF conclus pour cinq ans ayant mobilisé les acteurs de la forêt en région et ayant permis de mobiliser des cofinancements importants, européens et en provenance des collectivités territoriales. Il conviendrait donc qu'en reprenant leurs financements, le FSFB en assure aussi la prise en charge, les PPRDF restant gérés par les chambres d'agriculture.


* 6 Rapport Attali, avril 2013 : « Vers une filière intégrée de la forêt et du bois ».

* 7 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts et le secteur forestier - (COM(2013) 659 final).

* 8 Une indemnité de défrichement est déjà créée par l'article L. 341-6 du code forestier.

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