III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

L'article unique de la proposition de résolution présentée par notre collègue Éric Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen tend à créer une commission d'enquête, composée de vingt et un membres, sur « le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre ».

Votre commission s'est d'abord interrogée sur la circonstance selon laquelle cette proposition de résolution pouvait avoir pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois, à savoir la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, qui a achevé ses travaux par l'adoption de son rapport le 17 juillet 2012, c'est-à-dire il y a moins de douze mois 4 ( * ) .

En outre, votre commission a examiné le champ d'investigation que propose la proposition de résolution pour la commission d'enquête, afin de vérifier s'il conduit à enquêter sur des faits déterminés ou bien sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.

L'exposé des motifs insiste particulièrement sur la responsabilité du secteur financier dans le déclenchement de la crise économique de 2008, en particulier sur « les produits de l'ingénierie financière, comme les produits dérivés, les opérations de titrisation, les outils de spéculation à terme ». Il ajoute que les banques, qui ont pour mission de « distribuer des financements à l'économie de manière équilibrée et pertinente », ont pourtant privilégié « les opérations spéculatives tous azimuts » au détriment de l'économie réelle. Il en déduit le fait que « la représentation nationale est en droit de demander quelques comptes au secteur financier ».

En outre, l'exposé des motifs relève que « l'État continuer de jouer un rôle déterminant dans le fonctionnement des marchés » et que diverses réformes ont été adoptées, avec « le renforcement, au moins théorique, des outils de lutte contre l'évasion fiscale » et « la négociation de nouveaux accords de coopération administrative avec des pays considérés comme des paradis fiscaux ». Il ajoute qu'il est nécessaire de « mesurer l'efficacité des outils » mis en place par le législateur « contre l'évasion et l'optimisation fiscales, quitte à en critiquer la mise en oeuvre ».

L'exposé des motifs conteste l'attitude de certains acteurs financiers, en particulier de certains établissements de crédit nommément cités, car ils apparaissent comme s'exonérant des efforts collectifs de résolution de la crise économique et de réduction des déficits publics, « en jouant judicieusement des failles de notre système fiscal, en s'accommodant des règles et des principes de la loi, en tirant parti des insuffisances ou des limites de la coopération internationale contre l'évasion fiscale au profit des particuliers mais aussi des établissements eux-mêmes ».

Ainsi, si la question de l'évasion des capitaux n'est pas absente de la l'objet de la présente proposition de résolution, il ne s'agit cependant pas de reconstituer la commission d'enquête constituée en 2012, à l'initiative du groupe communiste républicain et citoyen, sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, quand bien même l'exposé des motifs évoque l'idée de prolonger « les efforts déjà accomplis par le Sénat en la matière ». Le champ de la présente proposition est en effet différent, puisqu'il concerne le comportement et la responsabilité des acteurs financiers dans l'évasion des capitaux et ses conséquences fiscales et économiques au sens large, et par conséquent l'efficacité et les limites du contrôle législatif et administratif sur ces acteurs et leurs opérations.

Les investigations de la commission d'enquête devraient donc porter sur la gestion des services publics intervenant dans le domaine du contrôle des acteurs financiers et de la lutte contre l'évasion des capitaux , et non sur des faits déterminés. Seraient ainsi concernés les divers organes publics de supervision et de contrôle des acteurs financiers, qu'il s'agisse de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), de la Banque de France, des services fiscaux ou, le cas échéant, de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Peuvent également être concernés le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF) et le Comité consultatif du secteur financier (CCSF).

Ainsi, la proposition de résolution entre bien dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, au titre de la gestion des services publics, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires, et n'a pas pour objet de reconstituer une commission d'enquête dont les travaux ont été achevés depuis moins de douze mois.

Dès lors, votre commission estime que la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre est recevable .

Par conséquent, il n'existe aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage » .


* 4 Le dossier relatif à cette commission d'enquête est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/commission/enquete/evasionfiscale/index.html

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