TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 13 mars 2013, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi n° 365 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui constitue l'un des principaux engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale. Cette saisine porte sur le volet bancaire et le volet relatif à la protection des consommateurs de services bancaires.

La réforme a pour objectif de renforcer la sécurité du système bancaire et de le recentrer sur sa mission fondamentale, le financement de l'économie réelle, notamment des entreprises. Il faut, pour en appréhender les apports, revenir sur les causes de la crise financière de 2007-2008. Elle s'explique en grande partie par la propension des acteurs financiers à prendre des risques excessifs. Leur déresponsabilisation tient à une multitude de raisons : les modes de rémunération, la complexité des instruments financiers, l'opacité des circuits financiers qui fait obstacle à une perception exacte du risque, l'inadaptation des critères micro-prudentiels de régulation, l'absence d'analyse macro-prudentielle et, enfin, l'existence d'une garantie implicite des pouvoirs publics.

La réforme bancaire comporte une série de mesures, souvent techniques, peu spectaculaires, mais qui constituent un levier puissant pour infléchir les comportements des acteurs. Elles rendront les activités spéculatives beaucoup plus risquées et coûteuses pour les banques. Celles-ci sont placées devant leurs responsabilités ; on ne fait pas appel à leur sens éthique ou à leur autodiscipline, on crée des mécanismes concrets de surveillance et de sanction.

Sont désormais interdites les opérations de négoce à haute fréquence et les opérations sur instruments à terme dont le sous-jacent est une matière première agricole. Cela n'a certes jamais été le coeur de l'activité des banques françaises, mais c'est une mesure symbolique forte.

Le texte oblige en outre chacune des quatre grandes banques systémiques françaises à cantonner au sein d'une filiale ad hoc les opérations sur compte propre sans utilité avérée pour le financement de l'économie, ainsi que les opérations avec les organismes de placement collectif à effet de levier, les hedge funds . Cette filiale ad hoc sera clairement séparée du groupe bancaire sur le plan prudentiel et capitalistique. Il ne pourra lui accorder ni garantie, ni refinancement. Elle devra respecter individuellement les ratios de solvabilité et de liquidité. Cela exige une immobilisation importante de fonds propres et d'actifs liquides qui rendra très coûteuses les activités de compte propre « pur ».

En outre, les pouvoirs du régulateur seront considérablement renforcés. Les banques devront communiquer à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la description précise et le compte rendu motivé de leurs activités de marché. Le régulateur disposera ainsi d'une cartographie précise des « desks » et de leurs mandats. Il pourra mesurer quantitativement les risques pris, mais aussi vérifier que les opérations menées correspondent bien à des opérations utiles au financement de l'économie.

L'ACPR pourra également interdire les opérations susceptibles de porter atteinte à la stabilité financière ou au bon fonctionnement et à l'intégrité des marchés financiers. En cas de risque systémique, les banques pourront se voir interdire d'investir dans un produit ou de le commercialiser.

En ce qui concerne la résolution bancaire, les établissements devront préparer, sous le contrôle du régulateur, un testament bancaire définissant les modalités de liquidation des actifs et de mise à contribution des actionnaires et des créanciers en cas de défaillance.

Dans la procédure de résolution, l'ACPR disposera de pouvoirs extrêmement étendus : elle pourra changer les dirigeants, nommer un administrateur provisoire, transférer ou céder d'office de tout ou partie de l'établissement, confier les actifs toxiques à un « établissement-relais », impliquer les créanciers dans le sauvetage en annulant ou en convertissant leurs titres. Les pertes des banques seront donc désormais épongées en priorité par les banques elles-mêmes, en application du principe « qui faute, paie », diminuant ainsi l'attrait des opérations spéculatives.

Un fonds national de résolution est créé, qui sera financé par les établissements de crédit et doté à terme de 10 milliards d'euros. Il compensera les pertes résiduelles, après mise à contribution des actionnaires et des créanciers.

Ces dispositions forment un dispositif pragmatique et novateur pour lutter contre les dérives spéculatives. Son efficacité dépendra de la diligence et de la compétence du régulateur et des services du Trésor. À cet égard, les banques étant influentes et les phénomènes de capture du régulateur n'existant pas seulement dans la littérature économique, j'aurais vu d'un bon oeil que le texte comporte quelques dispositions claires et fortes sur ce point, mais proposer un dispositif simple et efficace n'est pas facile.

Peut-être aussi aurait-on pu aller plus loin dans la filialisation des activités de compte propre en cantonnant également les opérations de tenue de marché, comme le préconise le rapport Liikanen remis l'an dernier à la Commission européenne. La loi cependant, aux termes d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, donne au ministre le pouvoir de le faire, plus tard, par un simple arrêté. La frontière réglementaire entre le spéculatif et le non-spéculatif n'est donc pas figée.

Au total, ce projet de loi assainit le monde de la finance, au moins à l'échelle nationale. Certains estimeront que les solutions sont trop timides ; qu'il aurait été plus simple d'interdire la spéculation ou de séparer franchement, comme autrefois, banque de dépôt et banque d'investissement. Certes. Mais si le financement de l'économie passe par le crédit bancaire, il repose aussi sur l'émission de titres financiers et sur les services financiers de couverture contre les risques de change, de taux d'intérêt, de cours, etc. Les activités de trading jouent ainsi un rôle croissant dans le financement des acteurs économiques. En outre, les banques ayant des activités diverses sont plus robustes, grâce à la diversification de leurs risques.

Ces deux éléments plaident pour le maintien d'un modèle de banque universelle, comme le recommande d'ailleurs le rapport Liikanen qui fixe le cadre général d'une future réforme européenne sur la séparation des activités bancaires. Sortir de ce cadre pourrait conduire la France à mettre en place une réforme incompatible avec la future architecture bancaire européenne.

Dès lors, la seule question porte sur le curseur : où placer la frontière entre les activités de trading utiles à l'économie et les activités de négociation spéculatives, qui doivent être interdites ou filialisées ? Les États-Unis ont tenté, à travers la règle de Volker, de poser une interdiction a priori de la négociation pour compte propre. Mais ils échouent à la mettre en pratique car les services financiers rendus à l'économie réelle impliquent presque toujours, par ricochet, des activités de trading pour compte propre.

Plutôt qu'une interdiction générale de la spéculation, il me paraît donc plus judicieux de « mettre des bâtons dans les roues » des spéculateurs : filialisation coûteuse, internalisation des pertes, contrôle drastique des opérations par une autorité prudentielle aux pouvoirs accrus, menace permanente d'une filialisation plus poussée en cas de dérapage. Grâce à ces mesures, la spéculation deviendra une activité moins fructueuse et les banques seront incitées à se consacrer à leur mission fondamentale, devenue plus intéressante que par le passé. La nouvelle règlementation entraînera une réallocation bienvenue des ressources bancaires.

J'en viens au second volet du projet de loi, qui contient 18 articles très divers, dont 10 ajoutés par l'Assemblée nationale. Les Français ont eu parfois le sentiment que l'on se préoccupait davantage, durant la crise financière de 2008, de la santé des banques que de celle de leurs clients. La défiance est durable et profonde vis-à-vis des établissements de crédit. Il est juste que les consommateurs perçoivent aujourd'hui les dividendes du soutien public aux banques, grâce à des mesures pour renforcer leur information et réduire leurs frais. Peu de dispositions spectaculaires, je l'ai dit, mais l'existant est amélioré.

Le droit au compte a été créé par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 ; la convention de compte, la médiation et la transparence des tarifs, en 2001. En 2010, une dénomination commune unique des principaux frais et services bancaires a été élaborée au sein du Comité consultatif des services financiers. Les banques doivent afficher leurs dix principaux tarifs. Enfin, toujours en 2010, la loi Lagarde a réformé le crédit à la consommation et les procédures du surendettement. Le texte améliore ces dispositifs, et les mesures nouvelles, par exemple pour accélérer les procédures, s'inscrivent dans la droite ligne des propositions de notre commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. Également, un article vise à rendre plus effectif le libre choix de l'assurance emprunteur en vue de la souscription d'un emprunt immobilier.

Mais la principale mesure en faveur des particuliers est le plafonnement des commissions d'intervention que prélèvent les banques lorsqu'une opération a entraîné une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier : présentation d'un ordre de paiement irrégulier, coordonnées bancaires inexactes ou encore - le plus souvent - absence ou insuffisance de provision.

Le coût de ce service, distinct du découvert lui-même, et l'importance de la part des commissions dans le produit net bancaire des établissements, sont révélateurs des déséquilibres profonds de l'économie de la banque de détail. Les tarifs globaux, emprunts immobiliers inclus, ne sont pas excessifs par rapport à la moyenne étrangère. Mais, si les emprunts immobiliers se révèlent particulièrement compétitifs grâce à des approches commerciales agressives destinées à séduire la clientèle solvable, les commissions d'intervention sont excessives et touchent les populations les plus fragiles financièrement. En cas d'incidents répétés, le montant peut atteindre plusieurs centaines d'euros par mois. Il existe presque dans tous les établissements un plafond journalier ou mensuel mais parfois très élevé : 160 euros en moyenne pondérée et jusqu'à 350 euros.

Les députés ont plafonné les commissions d'intervention, par opération et par mois, pour l'ensemble des clients des banques, et non seulement pour les personnes en situation de fragilité. Malgré les pressions du secteur bancaire, il me semble indispensable de préserver cet acquis. Les banques ont fait valoir que la mesure fragiliserait les banques de réseau au profit des banques en ligne. En fait, il n'y a pas de corrélation entre la taille du réseau bancaire et le montant des commissions pratiquées. La Banque Postale est dans la moyenne des frais bancaires, moins chère que la BNP... Les banques mettent aussi en avant les risques d'une automatisation du traitement des incidents bancaires : menaces pour l'emploi, rejets de paiement automatiques. Pourtant les interventions des banques sur les paiements par carte bancaire sans autorisation préalable sont déjà totalement automatisées et cela ne se passe pas si mal... Il est temps de limiter les abus de tarification, d'autant que ce sont les plus fragiles qui assurent ainsi une grosse part du produit net bancaire des établissements ! Je vous proposerai un amendement.

Je regrette que les avancées soient moins nettes pour les entreprises. Un soutien financier particulier est nécessaire en temps de crise, or il manque cruellement, alors qu'une part croissante des prêts aux entrepreneurs individuels et aux PME, notamment artisanales, est soumise à des garanties toujours plus nombreuses. Les montants prêtés sont plus faibles que ne souhaiteraient les demandeurs. Le texte est court sur ce point, mais la création de la Banque publique d'investissement et le crédit d'impôt compétitivité devraient améliorer la situation.

Des progrès sensibles sont réalisés sur la contractualisation des relations entre les banques et les plus petites entreprises : je songe à la convention de compte pour les personnes physiques agissant à titre professionnel, de même que pour les financements permanents. En outre, plusieurs amendements seront défendus sur cet aspect. J'ajoute que nous examinerons prochainement un projet de loi plus complet sur les questions de consommation.

Pour conclure, cette réforme bancaire s'inscrit dans un ensemble complexe d'initiatives, notamment européennes : transposition des accords de Bâle III, création d'un mécanisme de résolution bancaire européen et mise en place d'outils pour encadrer les rémunérations au sein de la finance. Les lignes bougent. À nous d'être à la fois audacieux et prudents.

Audacieux, parce que les initiatives prises par tel ou tel pays peuvent rapidement faire tâche d'huile : un amendement adopté à l'Assemblée nationale obligeant les banques à plus de transparence sur leurs filiales installées à l'étranger, notamment dans les paradis règlementaires, a été immédiatement repris au niveau européen. De la même manière, la spectaculaire initiative suisse concernant les rémunérations bancaires pourrait inciter les autorités européennes à relever le niveau d'exigence prévu. Donc l'audace peut être payante quand elle exerce un effet d'entraînement général. Mais elle peut également coûter cher : c'est le cas lorsqu'un pays se démarque trop et avance sans s'assurer que les autres le suivent. Gare, alors, aux arbitrages défavorable des opérateurs !

La réforme proposée s'inscrit dans cette double exigence et atteint un équilibre satisfaisant. Je vous invite à donner un avis favorable à son adoption.

M. Roland Courteau . - Ce texte est bienvenu pour lutter contre les dérives spéculatives. Trop de banques dans le passé se sont écartées, au nom du laissez-faire, de leurs missions au service de l'économie. Finalement, ce sont les contribuables qui ont été sollicités. Qui a fauté doit payer. Or c'est l'inverse qui s'est produit. Oui, mettons des bâtons dans les roues des spéculateurs, ainsi nous dégagerons des moyens de financement de l'économie. Quelles mesures sont prévues contre les paradis fiscaux ? Les frais financiers manquent de transparence, les hausses sont souvent abusives. Qu'en est-il ? Des mesures sont prévues ici pour la protection des consommateurs, mais les entreprises sont un peu oubliées.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous glorifions notre modèle de banque universelle mais ne nous aveuglons pas : celles-ci peuvent accumuler les risques au lieu de les répartir. Tout est question de dosage entre crédits alloués à l'économie et fonds consacrés à des opérations de trading . Ainsi le Crédit mutuel, banque universelle, consacre-t-il 84 % de ses actifs à des titres et des prêts ; Martin Maurel, 91 % ; mais la BNP-Paribas seulement 56 %, le reste étant investi en instruments financiers. En Allemagne les banques sont plus petites et plus impliquées dans le financement de l'économie. N'exploitons pas le modèle allemand seulement lorsqu'il s'agit de justifier les baisses de salaires ! En outre 54 % des cadres de banque souhaiteraient une séparation des activités car ils considèrent que ce modèle est fragile. Je déposerai un amendement pour élargir le champ de la filialisation. Je n'en salue pas moins ce texte qui marque une avancée.

En ce qui concerne la gouvernance, pourquoi ne pas rendre obligatoire la représentation des salariés dans les conseils d'administration des banques ? Evitons la consanguinité des décideurs. Je ferai aussi des propositions pour améliorer la gouvernance coopérative afin d'éviter que des sociétaires ne se sentent dépossédés de certaines décisions prises par la holding.

Je déposerai un autre amendement afin que le fonds de garantie des dépôts comprenne, en son conseil, un seul et non plus deux représentants de la Banque de France et, en revanche, réserve un siège à un juge la Cour de cassation spécialisé en matière financière. Je déposerai d'autres amendements sur la gouvernance.

Le crédit emprunteur représente un chiffre d'affaires de six milliards d'euros et une marge... de trois milliards ! Ce sont ceux qui achètent des logements qui le financent. Je suggère de faciliter le choix de l'assureur et de faciliter les changements d'assurance en cours de prêts. Ne soyons pas les pigeons du système !

Un autre amendement a trait au surendettement, il tend à ce que la dette logement soit prioritaire par rapport à la dette bancaire. Je souhaite également autoriser les organismes HLM à ouvrir des livrets A dans plusieurs établissements. Ils peuvent actuellement en ouvrir un seul, dont le montant n'est pas plafonné. Il semble préférable de les autoriser à ouvrir plusieurs livrets dans plusieurs banques partenaires.

Enfin, il est important de promouvoir un dispositif de placement bancaire territorialisé, permettant un meilleur retour de l'épargne sur le territoire d'origine. Certains, comme M. Alphandéry, ont déjà avancé des propositions.

M. Daniel Raoul , président . - La territorialisation est un thème que nous avons déjà évoqué.

M. Pierre Hérisson . - J'ai été rapporteur du texte sur la Banque postale. Je me suis frotté à la Fédération française des banques, je n'en ai pas conservé le meilleur souvenir.

M. Daniel Raoul , président . - Elle non plus !

M. Pierre Hérisson . - Que n'ai-je pas entendu ! La création d'une banque postale n'avait d'autre objectif que de financer la distribution du courrier sur le plateau de Millevaches, par exemple...

Je compte parmi les victimes des prêts toxiques ou « structurés », vendus par Dexia. Est-il judicieux de continuer à autoriser une « gestion active » de leur dette par les collectivités territoriales ? Le président de la Banque postale indique qu'il ne leur proposera que des prêts à quinze ans à taux fixes. Ce texte, comme le projet de loi sur la protection des consommateurs, est l'occasion de faire passer des messages. Les collectivités sont des consommateurs aussi ! La vérité des produits financiers mirobolants se situe souvent dans les astérisques et les renvois de bas de page qui aboutissent, en définitive, à transférer les risques sur les clients...

Assistant à des assemblées générales de caisses locales de banques, j'ai découvert le vocabulaire que les sociétaires emploient pour décrire leurs dirigeants, qualifiés de voleurs, d'escrocs, d'incompétents. Or ces dirigeants sont issus des caisses locales. Ils ont gravi tous les échelons et n'avaient pas forcément toutes les compétences pour décider au plus haut. Ils se sont fait avoir ! Simplifions, clarifions les dispositifs.

En Haute-Savoie la situation est digne d'un sketch de Fernand Raynaud : la Banque postale compte plus de titulaires de livrets A dans les communes frontalières qu'ailleurs : 30 000 Suisses travaillant en France viennent placer leur argent en France ! C'est le monde à l'envers ! Et sur le livret A, signe que ce produit est intéressant...

En conclusion je suis favorable au cloisonnement des activités bancaires, les consommateurs et les collectivités doivent être protégés. Du reste, pour revenir à Dexia, je suis persuadé que les vendeurs qui faisaient signer des contrats financiers complexes aux maires ne les comprenaient pas mieux !

M. Daniel Raoul , président . - Je connaissais le trafic de chocolat aux frontières, non celui de livrets A !

M. Gérard César . - Ma question concerne l'agrément des administrateurs dans les banques mutualistes ou coopératives. L'agrément à l'échelle d'une caisse locale ne me paraît pas justifié, mais il est indispensable pour le directeur régional.

M. Claude Dilain . - Une publicité pour une banque prétend que les investissements ont lieu là où l'épargne est collectée. Il est difficile actuellement de le vérifier. Mais dans les régions rurales ou les banlieues, je crois qu'il en va autrement : l'épargne est importante, les crédits octroyés peu nombreux. La transparence s'impose.

M. Claude Bérit-Débat . - Je félicite le rapporteur pour son travail. Je rejoins la position de Claude Dilain sur la territorialité des investissements. Sans doute ne faut-il pas instaurer un lien mécanique, mais les habitants de ces territoires n'ont guère accès au crédit. Comment faire ?

De même, diminuons le coût du crédit emprunteur. Les sommes en jeu sont colossales. Je suis d'accord avec ma collègue Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Sur l'agrément, je propose de conditionner la désignation des administrateurs des caisses régionales à la preuve de leur compétence - ou à un engagement de suivre une formation, afin que l'État ne vole pas le choix aux sociétaires sous couvert de la procédure d'agrément.

M. Daniel Raoul , président . - Certes mais les difficultés du Crédit agricole n'étaient pas dues à un manque de compétences...

Mme Bernadette Bourzai . - J'assiste régulièrement à l'assemblée générale de la caisse du Crédit agricole de mon canton. J'ai les chiffres ! En 2011, dans le canton, 110 millions d'euros ont été collectés mais seulement 5 millions prêtés, répartis à parts égales entre collectivités, ménages et entreprises. Je suis favorable à l'instauration d'un seuil minimal de retour dans le territoire, sous forme de prêts. Les banques refusent souvent des crédits aux entreprises, à moins que celles-ci ne bénéficient déjà d'aides de la région. En somme c'est ceinture, bretelle et parapluie... Il ne s'agit pas d'égoïsme mais nous devons pouvoir financer notre économie en difficulté fondée sur la forêt et l'élevage.

M. Daniel Raoul , président . - Le principe est juste mais son application est complexe. Il conviendrait de vérifier si ce « profil » représente une anomalie au plan national. Sans doute les caractéristiques de ce département, marqué par une population vieillissante, expliquent-elles l'excédent d'épargne.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Les profits réalisés grâce à l'emploi des 110 millions d'euros pourraient financer un fonds de garantie.

M. Daniel Raoul , président . - L'intéressement serait une solution en effet.

Mme Bernadette Bourzai . - Selon le Crédit agricole, seules deux caisses régionales sont dans cette situation. Les autres sont plus dépensières.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Le texte ne vise pas seulement les paradis fiscaux, il les englobe, en prévoyant que les banques devront donner des informations complètes - chiffre d'affaires, nombre de salariés - sur leurs filiales à l'étranger, quel que soit le pays. Il sera aisé de déterminer si ces filiales ont une vocation spéculative. Un chiffre d'affaires de 5 milliards d'euros et trois salariés...

M. Daniel Raoul , président . - ...signifient une filiale « boîte aux lettres » !

M. Roland Courteau . - La nature des opérations réalisées sera-t-elle indiquée ?

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis. - Non, mais les informations exigées suffiront à mettre en lumière les distorsions. L'exigence de transparence est forte. La Commission européenne a d'ailleurs repris cette idée.

Forte concurrence sur les crédits immobiliers à destination de la clientèle solvable, frais bancaires élevés pour tous : ce sont les plus pauvres qui subventionnent les autres ! On marche sur la tête ! Un rééquilibrage s'impose.

Que les entreprises soient insuffisamment prises en compte ici est indéniable. A l'occasion du projet de loi relatif à la consommation que nous examinerons d'ici cet été, j'espère que nous pourrons revenir sur les relations entre les banques et une partie du monde économique.

Le président de la République avait annoncé une séparation des activités bancaires, non un démantèlement des banques. Sans être l'avocat de la banque universelle, j'ai constaté que l'ensemble des acteurs défendaient ce modèle, ce qui ne signifie pas bien entendu que les dépôts des particuliers ne doivent pas être protégés.

La loi y concourt largement, la création de filiales ad hoc séparant clairement les activités spéculatives de celles qui sont au service de l'activité économique. Reste à placer le curseur au bon niveau, ce qui est très difficile. Quoi qu'il en soit, la possibilité reconnue au ministre de l'économie de transférer ou céder, par décret, les activités considérées comme spéculatives va dans le bon sens...

Celles-ci représenteraient entre 1 % et 3 % de l'ensemble des activités bancaires - contre environ, selon le président du Crédit agricole, 20 à 25 % en 2007-2008. Autrement dit, depuis la crise financière le système bancaire et financier traditionnel s'est autodiscipliné. L'intervention du ministre est une véritable épée de Damoclès, mais reste à savoir quelle sera la composition de l'ACPR. Le ministre a évoqué lui-même le risque de consanguinité que je dénonce dans mon rapport - consanguinité entre les responsables des banques et des organismes de contrôle. Le gouverneur de la Banque de France, le directeur du Trésor ou d'autres responsables publics extrêmement compétents poursuivront peut-être leur carrière dans une banque privée. Comment critiquer son futur employeur... Il me semble indispensable que des représentants du monde universitaire, spécialistes de macro-économie - et non seulement de finances - siègent dans ces instances. C'est un sujet sur lequel il nous faudra revenir.

Pour un emprunt immobilier de 150 000 euros sur 20 ans à 3 %, l'assurance-crédit est de l'ordre de 15 000 euros. Une véritable concurrence peut permettre une économie de l'ordre de 1 500 euros : cela n'est pas négligeable.

Le traitement bancaire territorialisé est un sujet difficile. L'information existe et doit être donnée aux élus qui le demandent ; nous pourrions déposer des amendements au cours de la navette parlementaire afin de rendre cette information plus systématique. Cela dit, à nous de savoir ce que nous en ferons une fois qu'elle nous aura été délivrée.

M. Daniel Raoul , président . - Le scoring évoqué par Marie-Noëlle Lienemann est un moyen d'améliorer l'accès aux prêts pour les entreprises locales.

M. Gérard César . - Cela peut aussi être dangereux. Il faut une péréquation à l'échelle de tout le territoire.

M. Daniel Raoul , président . - Sans une péréquation départementale ou régionale, le mécanisme peut effectivement être malsain.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - La moitié ou le tiers des profits réalisés pourraient alimenter un fonds de garantie afin d'absorber les risques dans des conditions un peu plus souples.

M. Claude Bérit-Débat . - Lors de l'octroi d'un crédit, attention tout de même à la qualité des dossiers !

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - La Banque de France peut nous communiquer des informations sur les dépôts et sur les crédits au niveau d'un département, d'une région ou d'une agglomération.

M. Daniel Raoul , président . - Elle le fait déjà.

Mme Renée Nicoux . - Il nous faudrait aussi connaître le nombre de dossiers refusés.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Je propose de réfléchir à un amendement d'appel en ce sens en deuxième lecture.

Le projet de loi encadre les conditions d'emprunt aux collectivités territoriales et de leurs groupements, ce qui laisse espérer que les graves problèmes rencontrés avec Dexia ne se reproduiront pas. Outre les contrôles très importants destinés à prévenir la résolution bancaire, deux alinéas de l'article 11 encadrent strictement les emprunts en devise et prévoient, en cas d'emprunts à taux variables, une limitation des indices et écarts d'indices autorisés pour les clauses d'indexation. On se rappelle les fameuses indexations sur le franc suisse... Désormais les collectivités et leurs groupements ne pourront plus souscrire des contrats financiers qu'à des fins de couverture de risques.

Le régime d'agrément déjà en vigueur dans les banques mutualistes, telles que les Banques populaires et les Caisses d'épargne, a été étendu à Groupama. La réforme de ce mécanisme me semble davantage relever de la loi sur l'économie sociale et solidaire mais nous allons nous renseigner pour voir ce qu'il est possible de faire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Division additionnelle après l'article 4 ter

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Reprenant une recommandation de la Cour de comptes, l'amendement n° Afféco-1 prévoit que l'assemblée générale des actionnaires se prononce annuellement sur l'enveloppe des rémunérations de toutes natures des mandataires sociaux et des salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société. Cela concerne 1 % des salariés : grands dirigeants, traders et responsables de salles de marché.

M. Daniel Raoul , président . - Il ne s'agit que d'une enveloppe globale et non de chaque rémunération en particulier ? Ne doit-on pas communiquer les dix plus gros salaires dans le rapport annuel de la société ?

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - C'est autre chose : non pas une information sur les rémunérations versées mais une autorisation, a priori .

L'amendement n°Afféco-1 est adopté.

Article 7

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Les principaux responsables des risques pris par une banque doivent être mis à contribution en cas de défaut de celle-ci. L'amendement n° Afféco-2 prévoit ainsi que leurs contrats de travail indiquent à quelle part de rémunération ils renoncent en cas de résolution bancaire.

L'amendement n° Afféco-2 est adopté.

M. Daniel Raoul, président . - Je comprends votre souci de responsabiliser les traders .

Article 11

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-3 délie du secret professionnel les membres du conseil de stabilité financière lorsqu'ils sont auditionnés par les commissions compétentes de l'Assemblée et du Sénat et non seulement par des commissions d'enquête.

L'amendement n° Afféco-3 est adopté.

Article 17

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-4 conforte l'acquis de l'Assemblée nationale tendant à plafonner, par opération et par mois, les commissions d'intervention imposées en cas d'incident de paiement. Il propose que le plafond par mois et par opération fixé par le pouvoir réglementaire ne puisse s'écarter de façon abusive des coûts réels supportés par les établissements. En outre, il propose que des actions spécifiques soient entreprises en direction des personnes qui se trouvent en situation de fragilité financière eu égard à leurs ressources ou au nombre et à la fréquence de leurs incidents de paiement.

M. Daniel Raoul, président . - Vous demandez une information ou une concertation particulière pour ces personnes ?

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Elles bénéficieront aussi d'un plafond spécifique.

M. Gérard César . - Qui va en contrôler l'application ?

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - Il y a les autorités prudentielles et surtout, les plafonds sont fixés par décret. Encore faut-il que celui-ci soit respecté.

L'amendement n° Afféco-4 est adopté.

Article 17 quater

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-5 prévoit qu'une information systématique sur les modalités d'accès à la médiation soit donnée dans les nouvelles conventions de comptes ouverts par des personnes physiques agissant pour des besoins professionnels.

L'amendement n° Afféco-5 est adopté.

Article 17 quinquies

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-6 prévoit que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, consenti à une entreprise fasse l'objet d'une convention. Il s'agit de rétablir ce dispositif, utiles aux PME, qui avait été adopté par l'Assemblée nationale puis remis en cause par notre commission des Finances.

L'amendement n° Afféco-6 est adopté.

Article 21

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-7 vous est proposé afin de faciliter l'exercice du droit au compte. Il prévoit qu'une personne en difficulté bancaire puisse se faire représenter aussi par des associations agréées accompagnant les personnes en difficulté ou défendant les consommateurs dans leurs démarches auprès de la banque de France.

M. Gérard César . - Si elles sont en difficulté, elles n'obtiendront pas de prêt !?

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Il ne s'agit ici que du droit à disposer d'un compte pour bénéficier d'une carte de retrait ou pouvoir recevoir des virements.

M. Ladislas Poniatowski . - Il faut faire très attention, cette possibilité ne doit pas être ouverte à toutes les associations. Votre intention est bonne mais la rédaction que vous proposez est permissive.

M. Daniel Raoul , président . - Monsieur le rapporteur, il faudrait effectivement préciser quelles sont les associations concernées.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement pourrait confier à un décret le soin de définir les associations habilitées ?

L'amendement n° Afféco-7 est adopté sous réserve de rectification.

Article additionnel après l'article 21

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-8 vise à favoriser la mobilité bancaire qui n'est que de 7,5 %, contre 9 % en moyenne dans l'Union européenne. A cette fin, il prévoit que l'établissement d'origine propose un service de transfert vers le nouveau compte valable 12 mois pour l'ensemble des opérations, au crédit ou au débit.

M. Daniel Raoul , président . - Le réflexe de rétention des banques n'est pas sans nous rappeler celui des opérateurs de téléphonie mobile.

L'amendement n° Afféco-8 est adopté.

Article 21 bis A

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Afin d'éviter que les nouvelles modalités d'information des usagers des banques ne soient retardées par l'attente d'un décret, l'amendement n° Afféco-9 prévoit qu'elles devront être mises en oeuvre avant le 1 er janvier 2014 inclus.

L'amendement n° Afféco-9 est adopté.

Article additionnel après l'article 24

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Compte tenu des difficultés rencontrées par certaines personnes, souvent les plus vulnérables, pour payer en espèces des services tels que la cantine ou la crèche, l'amendement n° Afféco-10 impose à l'État et aux autres personnes publiques d'informer leurs débiteurs des modalités de réception de ce type de paiement. Ils sont de toute façon autorisés par la loi, bien que celle-ci puisse poser des problèmes à certaines administrations.

M. Gérard César . - Il suffit de créer une régie de recettes !

L'amendement n° Afféco-10 est adopté ainsi que l'amendement n° Afféco-11, rédactionnel.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - Mon amendement n° Afféco-12 se propose d'étendre aux commerçants la possibilité de disposer d'un récapitulatif annuel de frais facturés, en particulier pour les services de paiement.

L'amendement n° Afféco-12 est adopté.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'objet de l'amendement n° Afféco-13 est de permettre une meilleure compensation entre dettes fiscales et créances sur les collectivités publiques. La possibilité de compensation serait acquise de droit lorsque le redevable le demande et non plus soumises à l'appréciation du comptable public. La mise en oeuvre sera sans doute techniquement difficile mais il est important de poser ce principe, notamment au profit des PME, TPE et des artisans.

M. Daniel Raoul , président . - Dois-je comprendre que cela vaut aussi pour les fonds européens ? Je connais une technopole pour laquelle les paiements ont deux ans de retard ; c'est nous qui faisons la banque...

Mme Renée Nicoux . - Le Trésor public devraient payer des intérêts de retards !

M. Claude Dilain . - Il faut faire attention car en pareils cas, on peut être accusé d'exercice illégal du métier de banquier...

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Ces retards peuvent être imputables à l'Europe ou à l'État France.

M. Daniel Raoul , président . - Oui, c'est très souvent l'État France.

L'amendement n° Afféco-13 est adopté.

La commission adopte le rapport pour avis et les amendements proposés.

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