Avis n° 427 (2012-2013) de M. Yannick VAUGRENARD , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 13 mars 2013

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N° 427

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de séparation et de régulation des activités bancaires ,

Par M. Yannick VAUGRENARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

566 , 661 , 666 , 707 et T.A. 87

Sénat :

365 , 422 , 428 et 423 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, messieurs,

Déposé le 19 décembre 2012, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le mardi 19 février 2013, avant d'être transmis au Sénat.

Ce texte comporte deux parties principales :

- la première met en oeuvre l'un des principaux engagements pris par le président de la République pendant sa campagne. Son objectif est de renforcer la sécurité du système financier et de le recentrer sur sa mission fondamentale : financer l'économie réelle, et notamment les entreprises. De ce point de vue, ce volet du texte se trouve au coeur des préoccupations de votre commission et cela justifie qu'elle se saisisse pour avis des quatre titres qui le composent ;

- la seconde, qui figure au titre VI, traite d'un sujet, l'information et la protection du consommateur, qui relève traditionnellement du champ de compétence de votre commission. Cette dernière est donc, là encore, pleinement légitime pour s'y intéresser.

Votre commission pour avis estime que les dispositions contenues dans ce texte vont permettre d'assainir les pratiques en vigueur dans le monde de la finance, au moins à l'échelon national ; elles apportent également des réponses concrètes pour améliorer l'information et les droits des clients des banques - particuliers comme petites entreprises. Si les grands équilibres atteints par le texte lui paraissent satisfaisants, elle a cependant adopté plusieurs amendements à l'initiative de votre rapporteur pour avis. Deux d'entre eux concernent en particulier les règles relatives aux rémunérations et visent à améliorer encore la gouvernance des établissements de crédit et d'inciter ainsi à un code de bonne conduite. Un troisième vise à conforter l'acquis obtenu à l'Assemblée nationale relatif au plafonnement des commissions d'intervention.

I. UNE RÉFORME AMBITIEUSE DE L'ORGANISATION DU SECTEUR BANCAIRE

La crise financière de 2007-2008 s'explique en grande partie par la propension des acteurs financiers à prendre des risques excessifs. Une multitude de raisons a contribué à leur déresponsabilisation : les modes de rémunération en vigueur dans la finance, la complexité des instruments financiers utilisés, l'opacité des circuits financiers qui a fait obstacle à une perception exacte du niveau de risque, l'inadaptation des critères micro prudentiels de régulation, l'absence d'analyse macro prudentielle et, enfin, l'existence de ce qu'on appelle une garantie implicite des pouvoirs publics - autrement dit le fait que les actionnaires, les créanciers et les clients des grandes banques, persuadés que les États ne pouvaient pas les laisser faire faillite, ont pris des risques qu'ils n'auraient pas pris s'ils avaient dû en assumer eux-mêmes toutes les conséquences.

Depuis le déclenchement de la crise, d'importants chantiers de réforme visant à une réduction et une meilleure maîtrise des risques financiers ont été lancés tant au niveau national, européen qu'international. Si quelques résultats concrets ont déjà été obtenus, il paraît néanmoins nécessaire de franchir aujourd'hui une nouvelle étape dans la régulation de la finance (A). C'est l'objectif du présent projet de loi qui, dans un environnement juridique européen lui-même en évolution rapide, s'attaque à plusieurs des facteurs majeurs de risque financier. Même si elles sont souvent techniques, difficiles à appréhender pour un non spécialiste, toute une série de mesures concrètes permettent de créer un levier puissant pour infléchir l'orientation naturelle du comportement des acteurs bancaires (B).

A. LA NÉCESSITÉ DE FRANCHIR UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS LA RÉGULATION DE LA FINANCE

1. L'effort entamé dès les débuts de la crise a déjà produit des résultats concrets
a) Un renforcement de la rigueur du contrôle micro-prudentiel

Après le déclenchement de la crise financière de 2008, un travail de régulation de la finance mondiale a commencé sous l'impulsion du G20. Dans sa première phase, ce travail a porté principalement sur la question du contrôle micro-prudentiel des établissements financiers. Les régulateurs se sont en effet aperçus que les règles existantes présentaient deux défauts majeurs :

- le niveau minimum de détention de fonds propres imposés aux banques était trop faible pour absorber les pertes éventuelles . Le ratio de fonds propres prévu par les accords de Bâle II était en effet de seulement 4 % et le ratio des fonds propres les plus stables, le Core Tier 1, composé du capital apportés par les actionnaires et des bénéfices mis en réserve, de seulement 2 %. Encore ce ratio était-il calculé en prenant en compte un actif bancaire pondéré des risques, ce qui conduisait à alléger la contrainte de détention des fonds propres ;

- les régulateurs ignoraient le risque de liquidité . L'idée dominante était en effet qu'une banque solvable (la solvabilité étant supposée assurée par le respect des ratios de fonds propres) ne pouvait pas rencontrer de problème de liquidité. Le seul cas admis de défaillance possible lié à la liquidité était celui du bank run (défaut de liquidité causé par la panique des déposants qui retirent massivement leurs dépôts), mais il était pris en compte par la réglementation à travers la garantie publique explicite sur les dépôts. Hormis ce cas, la croyance était qu'une banque solvable pourrait toujours se refinancer sur les marchés.

La révision des accords de Bâle, conduisant aux accords de Bâle III, a posé les bases d'une amélioration des ratios de contrôle micro-prudentiel à travers les recommandations suivantes:

- en matière de solvabilité , le Core Tier 1 a été porté à 3,5 % en janvier 2013, au lieu de 2 % auparavant, et doit atteindre 7 % d'ici à 2019. Par ailleurs, un ratio de fonds propres pur a été introduit : il mesure le rapport entre les actifs non pondérés des risques de la banque et ses fonds propres. Les fonds propres ne doivent pas représenter moins de 3 % des actifs non pondérés ;

- le risque de liquidité a été reconnu , ce qui était nécessaire après l'assèchement généralisé du marché interbancaire qui s'est produit à la suite de la faillite de Lehman Brothers . Si les autorités publiques, à travers les banques centrales n'étaient pas intervenues massivement pour assurer la liquidité, le système financier mondial se serait effondré. Le Comité de Bâle a donc proposé deux ratios de liquidité, le Liquidity coverage ratio (LCR) et le Net stable funding ratio (NSFR), qui obligent les banques à maintenir un volume minimal d'actifs liquides dans leurs bilans.

Il reste cependant à savoir, maintenant, si tous les pays concernés mettront effectivement en oeuvre ces nouveaux ratios prudentiels. Les États-Unis ne semblent pas disposés à le faire. L'Union européenne a, quant à elle, entamé, le 20 juillet 2011, un processus législatif devant conduire à remplacer les actuelles directives sur les exigences de fonds propres (directives n° 2006/48 et 2006/49) par une directive et un règlement formant ensemble ce qu'on appelle la proposition CRD IV (CRD pour Capital Requirements Directive ), dont l'adoption est en cours de finalisation.

b) Une plus grande transparence des marchés de gré à gré

L'Union européenne s'est dotée d'un outil dans ce but : le règlement européen n° 648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux - qu'on désigne usuellement comme le règlement EMIR (pour règlement européen sur les infrastructures de marché).

Il permet de renforcer la transparence et la sécurité de la gestion des positions en produits dérivés négociés de gré à gré (dérivés dits OTC, Over The Counter ) et ce conformément à la résolution prise lors du sommet du G20 à Pittsburgh en septembre 2009. Les transactions sur dérivés se faisaient en effet jusqu'à présent dans la plus complète opacité, aucune autorité centrale n'étant informée des transactions effectuées et donc de la nature et de l'ampleur des risques pris. Cette opacité est notamment à l'origine de la méfiance généralisée des acteurs financiers et de la paralysie du marché interbancaire après la faillite de Lehman Brothers . Les établissements ne savaient en effet pas précisément quelle était l'exposition aux risques de leurs homologues. La réglementation européenne a donc imposé un mécanisme de contrepartie centrale à tout acheteur et tout vendeur de produits dérivés standardisés (une contrepartie centrale est une personne morale qui s'interpose entre les contreparties à des contrats négociés sur un ou plusieurs marchés financiers, en devenant l'acheteur vis-à-vis de tout vendeur et le vendeur vis-à-vis de tout acheteur). La mise en place de chambres de compensation offre de multiples avantages : elles permettent de s'assurer de la solvabilité de leurs adhérents ; elles améliorent la transparence des opérations et la connaissance des positions de chaque acteur en agrégeant l'ensemble des opérations pour déterminer la position nette de chaque établissement ; elles centralisent les risques, ce qui permet de mieux les contrôler ; enfin, elles procèdent à des appels de marge systématiques (obligation de verser un pourcentage de l'opération réévalué quotidiennement en fonction de l'évolution du prix des actifs).

Tout en saluant ces progrès, il faut être conscient toutefois qu'une grande partie des activités de financement dites de marché 1 ( * ) se localise dans des établissements qui, par leur définition juridique, ne relèvent pas des catégories d'établissements, tels que les banques ou les assurances, soumis à la supervision des régulateurs - régulateurs qui, d'un pays à l'autre, ont par ailleurs un champ de compétences plus ou moins large et des exigences plus ou moins fortes. La finance parallèle ou shadow banking , en étant financièrement très connectée à la finance régulée, concentre donc toujours des risques dont on a beaucoup de mal à évaluer l'ampleur.

2. Mais des avancées décisives restent encore à réaliser
a) Rendre effective la supervision macro-prudentielle

La dernière crise financière a démontré le bien fondé de ce que de nombreux économistes soulignaient depuis longtemps, à savoir qu' une analyse micro-prudentielle, qui se concentre exclusivement sur l'évaluation des risques financiers de chaque acteur indépendamment de ses connexions avec les autres acteurs, peut conduire à une appréhension erronée du risque . Les risques individuels sont en effet corrélés entre eux et une juxtaposition de situations individuelles satisfaisantes peut dissimuler une situation d'ensemble très instable. Par exemple, la bulle de crédit qui a alimenté la bulle immobilière en Espagne est restée ignorée des autorités de supervision. D'un point de vue micro-prudentiel, les banques ont en effet accordé des prêts immobiliers à des ménages ou à des promoteurs qui, individuellement, ne présentaient pas de risques excessifs ; les autorités de contrôle nationales ont vérifié que le bilan de chaque banque satisfaisait aux exigences prudentielles ; à un niveau supérieur, la Banque centrale européenne et la Commission européenne se sont félicitées pendant des années de la dynamique économique espagnole en observant que chaque paramètre de santé économique du pays était correct -notamment les paramètres relatifs aux finances publiques. Ce qui a manqué, c'est une analyse de la dynamique macro-économique d'ensemble et des déséquilibres qu'elle présentait.

La nécessité de mettre en place un suivi rigoureux de l'émergence des risques systémiques et de l'apparition de bulles sur le prix de certains actifs est une idée qui fait désormais consensus :

- au niveau international , le Financial Stability Board (FSB) ou Conseil de stabilité financière rassemble les banques centrales, les régulateurs des banques, des Bourses, des assurances, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque des règlements internationaux (BRI) et les ministères des Finances. Il constitue le lieu d'une coordination des grandes banques centrales en matière de politique macro prudentielle ;

- l'Union européenne s'est elle aussi dotée d'un outil de supervision macroprudentielle en adoptant le règlement n° 1092/2010 du 24 novembre 2010 relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l'Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique . Le Comité européen du risque systémique (CERS), présidé par le président de la Banque centrale européenne, a pour mission de définir et réunir les informations nécessaires à son action, identifier les risques systémiques et les classer selon leur degré de priorité, émettre des alertes et les rendre publiques si nécessaire et, enfin, préconiser les mesures à prendre réduire les risques 2 ( * ) ;

- dans le même esprit, déclinant cette approche au niveau national , la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 a créé le conseil de régulation financière et du risque systémique ( COREFRIS ). Composé de représentants de la Banque de France et des autorités de contrôle du secteur financier ainsi que de personnalités qualifiées, il a pour mission de renforcer la coopération et la coordination entre les autorités françaises, notamment dans les instances internationales et européennes (G20, FSB, Comité de Bâle, European Systemic Risk Board , etc.) et d'assurer un rôle d'alerte et de prévention sur les risques du secteur financier.

La composition, le champ des missions et l'étendu des pouvoirs du COREFRIS ne sont cependant pas encore à la hauteur des enjeux, ce qui suppose une réforme de cette institution - on y reviendra.

b) Mettre en place des outils efficaces de résolution des crises bancaires

Des mécanismes de résolution existent déjà dans plusieurs pays. C'est le cas aux États-Unis ou aux Pays-Bas - où elle vient d'ailleurs d'être utilisée, au mois de février 2013, pour nationaliser le bancassureur SNS Reaal 3 ( * ) . L'Union européenne travaille elle-aussi à la définition de tels mécanismes. La Commission européenne a annoncé en janvier 2013 qu'elle présenterait avant l'été une initiative législative visant à instituer un mécanisme de résolution unique des crises bancaires. Il existe certes des différences qui touchent au champ des établissements susceptibles d'être concernés par la résolution bancaire (par exemple, la loi américaine sur les résolutions n'a longtemps concerné que les banques commerciales), ainsi qu'aux mécanismes d'appel des contributeurs au financement du sauvetage (en particulier, la question de l'implication des détenteurs de la dette senior est un sujet qui fait débat). Cependant, dans tous les cas, les principes directeurs des mécanismes de résolution sont les mêmes. Il s'agit de :

- réduire le coût de résolution des crises bancaires . La mise en oeuvre d'un plan de sauvetage bancaire dans l'urgence présente en effet un coût élevé par rapport ce que permet une résolution anticipée et planifiée. La dynamique instable des marchés financiers a en effet pour conséquence que, lorsqu'un phénomène de panique s'installe, le volume des pertes croît de façon extrêmement rapide. Il est donc important de prendre des mesures de résolution avant que s'enclenche une situation de défiance généralisée et de liquidation générale et précipitée des positions détenues par les acteurs - qui conduit inévitablement à une cascade de défauts de paiement ;

- répartir de façon plus satisfaisante le partage du coût de la crise . Les difficultés des années passées ont en effet démontré que le coût des risques inconsidérés pris par les acteurs de la finance était transféré vers la collectivité en cas de crise généralisée. Il faut donc trouver les moyens d'impliquer en priorité les actionnaires et les créanciers, de faire absorber les pertes restantes par un fonds de mutualisation abondé par les acteurs financiers, pour que le contribuable n'intervienne, les cas échéant, qu'en troisième rideau.

C'est une mesure punitive (« qui faute paye ») mais surtout préventive , puisqu'on peut espérer que les banques, sachant qu'elles essuieront prioritairement les pertes éventuelles, seront plus prudentes dans leur prise de risque. C'est donc une façon de lutter contre l'aléa moral à l'origine de la prise de risque excessive des acteurs financiers 4 ( * ) .

c) Rétablir une forme de séparation des activités bancaires
(1) Les arguments en faveur de la séparation

Historiquement, la notion de séparation des activités bancaires renvoie à la séparation entre les activités des banques de dépôt et celles des banques d'investissement. C'est ce type de séparation qui a été mis en place aux États-Unis, en 1933, avec le Glass-Steagall Act , et, en France en 1945, avec la loi de spécialisation bancaire. Sa justification renvoyait directement à l'analyse de la crise financière de 1929, qui a entraîné la Grande dépression des années 1930. L'effondrement de la Bourse de Wall Street a en effet directement impacté les établissements de crédit, car les achats de titres, dans la période haussière de la bourse, avaient été financés par des crédits bancaires gagés sur les portefeuilles d'actions. Quand les cours se sont effondrés, le remboursement des crédits est devenu impossible pour les emprunteurs et les banques n'ont pu faire jouer leurs garanties car celle-ci avaient perdu toute valeur. Des faillites bancaires en chaîne ont donc succédé au krach boursier et la paralysie du crédit a entraîné à son tour la récession économique, puisque ni les entreprises ni les ménages ne pouvaient plus contracter les emprunts indispensables à leur activité. La leçon qui a été tiré de ces événements est qu'il fallait protéger la sphère du crédit bancaire des fluctuations qui se produisent sur les marchés financiers.

La crise des marchés financiers de ces dernières années a conduit à réexaminer l'intérêt de la notion de séparation des activités bancaires dont l'abandon par tous les pays développés, dans les années 1980-1990 (1984 en France ; 1999 aux États-Unis), a conduit à l'apparition de banques universelles de taille parfois considérable 5 ( * ) . Le fond de l'argumentation en faveur du retour à une forme de séparation consiste à souligner les inconvénients que peut engendrer la présence au sein d'un même établissement d'activités de crédit et d'activité de trading . Deux arguments ressortent :

- l'argument de la diffusion des risques . Une interconnexion étroite entre la sphère de la monnaie et du crédit et les activités financières de marché expose des activités financières vitales pour les interdépendances économiques à l' instabilité intrinsèque de la finance de marché. Cette instabilité fondamentale tient au fait que le prix des actifs financiers est déterminé essentiellement par les anticipations (autrement dit les croyances) que forment les acteurs financiers quant à leur valeur à venir. Le prix d'un actif dépend en effet du flux de revenus futurs qu'on s'attend à lui voir produire ainsi que du prix anticipé de cession. La croyance partagée en l'appréciation future d'un actif (corollairement : en sa dépréciation) conduit donc à son appréciation (ou à sa dépréciation) effective par un phénomène de prophétie auto réalisatrice. Un simple changement dans l'état des croyances du marché se traduit ainsi par de fortes variations de prix, avec des processus de hausses de prix (et donc des gains) très marquées quand les acteurs sont confiants ou d'effondrements (et donc de pertes) quand la méfiance s'installe. La séparation des activités bancaire vise donc en premier lieu à éviter la propagation de l'instabilité . L'analyse historique montre en effet que les crises limitées aux marchés financiers affectent en définitive peu les activités réelles. Elles dégénèrent en crise économique seulement quand elles sont relayées par une crise bancaire 6 ( * ) . Mettre en place des pare-feux entre la finance de marché et la finance bancaire traditionnelle ne fera pas disparaître toute chance de crise de crédit, car certaines crises financières naissent directement sur le segment bancaire de l'activité bancaire traditionnelle, mais cela fait au moins disparaître un facteur de risque important ;

- l'argument de la garantie implicite 7 ( * ) . En raison de leur place centrale dans le financement de l'économie réelle et dans la mesure où leur faillite aurait des répercussions sociales considérables et difficilement acceptables, il est tacitement admis par tous que l'État ne laissera pas certaines banques faire faillite. Cette garantie constitue donc une forme d'assurance publique gratuite. Cette situation est préjudiciable pour plusieurs raisons. D'une part, elle constitue une distorsion de concurrence , les banques bénéficiant de la garantie gratuite de l'État se finançant moins cher sur le marché des liquidités. D'autre part, elle crée un aléa moral conduisant à développer des comportements à risque . Les banques et leurs créanciers sachant qu'elles n'auront pas à supporter intégralement les pertes en cas de défaillance prennent des risques plus élevés que ceux qu'ils prendraient s'ils devaient en assumer personnellement les conséquences. En outre, la garantie implicite se traduit par une mauvaise allocation de l'épargne et par un développement excessif de la finance de marché . Les banques, qui empruntent à un prix qui ne reflète pas leur degré véritable de risque, sont en effet conduites à surconsommer des liquidités et à produire en excès des financements de marchés. Enfin, en cas de crise effective, la garantie implicite est à l'origine d'une situation politiquement et moralement inacceptable caractérisée par une socialisation des pertes , puisque les banques sont renflouées avec l'argent du contribuable.

(2) De multiples modèles de séparation sont envisageables

Si la crise de 2008 a redonné une certaine actualité à la notion de séparation des activités bancaires, celle-ci n'est plus forcément envisagée sur le modèle du Glass-Steagall Act, mais le plus souvent sous une forme atténuée reposant sur la distinction entre la finance de marché utile au financement de l'économie et la finance spéculative . Deux raisons essentielles sont avancées pour justifier que les banques puissent continuer à être présentes à la fois sur les segments d'activités du crédit et du trading : d'une part, le modèle de la banque universelle est apparu comme plus robuste qu'un modèle d'établissement financier spécialisé ; d'autre part, compte tenu du rôle croissant de l'intermédiation financière de marché, il a paru souhaitable que les banques puissent offrir une gamme de financements complète aux acteurs économiques.

Cette évolution de la notion de séparation bancaire se retrouve dans la diversité des approches retenues par les autorités officielles :

- c'est au Royaume-Uni que l'on rencontre le projet de réforme le plus proche de la séparation stricte entre banque de dépôt et banque d'affaires. Nommée le 16 juin 2010 par le Chancelier de l'Échiquier, la commission présidée par Sir John Vickers , professeur d'économie et ancien président de l'Autorité de la concurrence britannique, a en effet rendu un rapport, le 12 septembre 2011, qui préconise un strict cantonnement ( ring-fencing ) de la partie banque de détail au sein des banques universelles. Ce cantonnement se ferait par la filialisation des activités de crédit traditionnelles, accompagnée d'une séparation prudentielle et comptable claire entre banques d'investissement et banques de dépôt et d'une interdiction à ces dernières d'exercer des activités de marché ou de spéculation pour compte propre. Bien entendu, la garantie publique ne s'appliquerait qu'aux activités de banque de dépôt. C'est une démarche cohérente qui a comme principale faiblesse son calendrier. Le rapport Vickers préconise en effet une entrée en vigueur de cette séparation des activités de banque de détail en 2019 ;

- aux États-Unis , la grande réforme financière adoptée dans le Dodd Franck Act du 21 juillet 2010 comporte des dispositions relatives à la séparation des activités bancaires : il s'agit de la « règle de Volcker », du nom de l'ancien directeur de la Réserve fédérale américaine. Cette règle pose en principe l'interdiction de la négociation pour compte propre par les établissements de dépôt qui bénéficient de la garantie publique, mais admet par exception que les activités de couverture, grâce auxquelles les banques se protègent des risques de marché, demeurent autorisées. Or la limite entre ces deux activités est pour le moins ténue et définir un critère de distinction opératoire a priori semble délicat ; la définition précise de la règle de Volker, dont l'entrée en vigueur est prévue pour 2014, bute donc pour l'instant sur la difficulté à tracer la frontière du spéculatif et du non spéculatif ;

- au mois de novembre 2011, la Commission européenne a mis en place un groupe d'experts 8 ( * ) qui lui a remis son rapport le 2 octobre 2012. Ce rapport, dit « rapport Liikanen 9 ( * ) » propose, pour ce qui concerne la question de la séparation 10 ( * ) , de cantonner dans une filiale ad-hoc les activités de marché à haut risque ( trading pour compte propre, tenue de marché, crédit aux hedge funds , véhicules d'investissement hors bilan, investissement dans le private equity ) lorsque ces activités dépassent un seuil relatif (15 % à 25 % de l'actif total de l'établissement) ou un seuil absolu (plus de 100 milliards d'euros d'actifs). On relève que, dans l'approche Liikanen, le champ des opérations de trading susceptibles de faire l'objet d'une filialisation est défini de façon assez large, puisque la filialisation obligatoire concernerait l'ensemble des activités de négociation pour compte propre sur valeurs mobilières et produits dérivés, y compris les activités de tenue de marché . Le choix de filialiser totalement les activités de tenue de marché, même si l'on sait qu'une partie d'entre elles obéit à une finalité non spéculative, répond au souci d'éviter les impasses de la règle de Volker, qui achoppe sur la difficulté à définir opérations de couverture spéculatives et non spéculatives ;

- enfin, en France , comme on le verra plus loin en détail, le projet de réforme s'inscrit dans une philosophie semblable à celle du rapport Liikanen, mais avec une filialisation obligatoire des activités de marché plus réduite, puisque les activités de tenue de marché échapperaient au cantonnement.

A priori, toutes choses égales par ailleurs, on peut penser que l'effet de pare-feu de la séparation des activités bancaires et l'effet de limitation de la garantie implicite sera d'autant plus fort qu'une fraction importante des activités de marché sera cantonnée dans des établissements prudentiellement et financièrement autonomes. Ceux qui plaident pour une séparation moins poussée soulignent cependant que la séparation n'est que l'un des outils possibles pour lutter contre les effets de diffusion du risque et les effets pervers de la garantie publique implicite. Le législateur peut jouer également sur deux autres leviers :

- renforcer la régulation et la supervision financière pour éviter la prise de risque excessive et accroitre la résilience des institutions (ratios prudentiels plus exigeants, autorité régulatrice renforcée) ;

- instaurer un régime de résolution des crises bancaires pour rendre crédible l'option de la disparition d'une banque défaillante.

Une action vigoureuse sur ces deux leviers permettrait ainsi de compenser une action plus douce sur le levier de la séparation des activités bancaires.

B. UNE RÉFORME QUI APPORTE DES RÉPONSES CONCRÈTES À PLUSIEURS QUESTIONS EN SUSPENS

Le projet de loi de séparation et de régulation bancaire se propose de répondre à plusieurs des enjeux qui viennent d'être rappelés. De façon synthétique, on peut dire qu'il met en place des règles qui vont rendre les activités spéculatives beaucoup plus compliquées, risquées et coûteuses à mettre en oeuvre pour les banques . Il met donc ces dernières devant leurs responsabilités, non pas à travers un appel à leur sens éthique ou à leur autodiscipline, mais au moyen de mécanismes concrets de surveillance et de sanctions (1). Ce dispositif a par ailleurs été amélioré lors de son examen par l'Assemblée nationale (2).

1. Un dispositif pragmatique et cohérent pour aider à remettre la finance au service de l'économie
a) Des règles de séparation des activités bancaires sont établies
(1) Des opérations désormais interdites

En premier lieu, la réforme, à travers le nouvel article L. 511-48 du code monétaire et financier, interdit les opérations de négoce à haute fréquence et les opérations sur instruments financiers à terme dont le sous-jacent est une matière première agricole . Cela n'a certes jamais été le coeur de l'activité des banques françaises, mais c'est malgré tout une mesure symbolique forte. La loi dit clairement que ces dérives spéculatives sont désormais bannies du territoire français.

(2) Un cantonnement des opérations de compte propre pur

Ce cantonnement constitue l'essentiel des dispositions du titre I er . Celui-ci oblige chacune des quatre grandes banques systémiques françaises 11 ( * ) à localiser au sein d'une filiale ad-hoc toute une gamme d'opérations de trading . Il s'agit, d'une part, des opérations sur compte propre qui n'ont pas une utilité avérée pour le financement de l'économie et, d'autre part, des opérations avec les organismes de placement collectif à effet de levier - autrement dit, les hedge funds .

Cette filiale ad-hoc sera une filiale clairement déconnectée du groupe bancaire sur le plan prudentiel, capitalistique et stratégique :

- le groupe bancaire ne pourra lui accorder ni garantie, ni refinancement. Elle devra donc respecter individuellement et strictement les ratios de solvabilité et de liquidité prévus par Bâle III. Cela implique une immobilisation importante de fonds propres et d'actifs liquides qui rendra très coûteuses les activités de compte propre « pur » ;

- les personnes qui assurent la détermination effective de l'orientation de l'activité de la filiale cantonnée ne pourront être les mêmes que celles qui assurent ces fonctions dans la société-mère ;

- symboliquement, les filiales devront utiliser des raisons sociales et des noms commerciaux distincts de ceux des établissements de crédit du groupe qui les contrôlent, de manière à n'entretenir aucune confusion dans l'esprit de leurs créanciers et cocontractants.

(3) Une séparation contrôlée par un régulateur aux pouvoirs étendus

Pour garantir le respect des règles de séparation, les pouvoirs du régulateur seront considérablement renforcés. Les banques devront communiquer à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la description précise et le compte-rendu motivé de leurs activités de marché. Le régulateur disposera ainsi d'une cartographie précise des « desks » et de leurs mandats. Il pourra mesurer quantitativement les risques pris, mais aussi vérifier que les opérations menées, par leur finalité, correspondent bien à des opérations utiles au financement de l'économie.

L'ACPR pourra enfin interdire les opérations susceptibles de porter atteinte à la stabilité financière ou au bon fonctionnement et à l'intégrité des marchés financiers. Même en l'absence de risque avéré pour leur propre solvabilité, les banques pourront se voir interdire d'investir dans un produit ou de le commercialiser dès lors que cela peut générer un risque systémique.

b) Un outil national de résolution des crises bancaires est créé

Le volet « séparation bancaire » du texte est le plus médiatique, mais la réforme bancaire comporte aussi des avancées importantes dans le domaine de la résolution bancaire. Elle obligera en effet les établissements à préparer, sous le contrôle du régulateur, ce qu'on appelle un testament bancaire. Il s'agit d'un plan qui prévoit comment les actifs seront liquidés et les actionnaires et les créanciers, mis à contribution, en cas de défaillance de la banque.

(1) La création d'une autorité de résolution

L'article 5 du projet de loi transforme l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) en Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et lui confie pour mission de veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures de prévention et de résolution bancaires qui seront précisées plus bas. L'ACPR comprend un collège de supervision, un collège de résolution et une commission des sanctions. Dans le collège de résolution siègent le gouverneur de la Banque de France (BdF), le directeur général du Trésor, le président de l'AMF, celui du Fonds de garantie des dépôts et de résolution et un sous-gouverneur de la BdF.

(2) L'anticipation des difficultés bancaires

L'ACPR supervisera l'élaboration des plans de résolution pour les établissements bancaires :

- chaque établissement bancaire devra concevoir un plan préventif de rétablissement en cas de difficultés financières. Il prévoira les différentes modalités possibles de son rétablissement, en excluant tout appel à un soutien financier de l'État ou du Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Ce plan sera transmis à l'ACPR, qui pourra exiger les compléments ou modifications qu'elle juge nécessaires ;

- chaque établissement bancaire devra se doter d' un plan préventif de résolution bancaire (« testament bancaire ») pour préparer l'intervention de l'ACPR en cas de risque de défaut. L'ACPR pourra là encore demander d'apporter les compléments ou modifications nécessaires. Elle pourra même, si elle estime qu'il existe des obstacles pouvant empêcher la mise en oeuvre de ses pouvoirs de résolution, exiger que l'établissement lui propose des mesures pour réduire ou supprimer ces obstacles. Le cas échéant, elle pourra lui imposer d'office les mesures pour les supprimer, mesures pouvant aller jusqu'à la modification de l'organisation et du champ d'activité de l'établissement (abandon ou filialisation de certaines activités).

(3) Des pouvoirs considérables pour faire face à une crise bancaire

Dans le cadre d'une procédure de résolution, l'ACPR disposera de pouvoirs extrêmement étendus comme changer les dirigeants en place, nommer un administrateur provisoire, procéder au transfert ou à la cession d'office de tout ou partie de l'établissement, confier les actifs toxiques à un « établissement-relais » en vue de leur cession ultérieure ou encore impliquer les créanciers dans le sauvetage en annulant ou en convertissant leurs titres. Grâce à ces puissants mécanismes de résolution, les pertes des banques seront désormais épongées en priorité par les banques elles-mêmes. C'est une mesure essentielle pour diminuer l'attrait des paris spéculatifs .

(4) Un fonds national de résolution

L'article 6 du projet de loi transforme le Fonds de garantie des dépôts en Fonds de garantie des dépôts et de résolution . À la demande de l'ACPR, ce fonds interviendra auprès d'un établissement soumis à une procédure de résolution. Il a vocation à intervenir en deuxième ligne, lorsque les actionnaires et les créanciers auront été mis à contribution. Il pourra alors financer de façon complémentaire le plan de résolution. Actuellement financé à hauteur de 2 milliards d'euros par les établissements financier, le fonds devra, d'ici à 2020, conformément à l'objectif européen, être doté d'environ 10 milliards d'euros, ce qui correspond à 1 % des dépôts.

2. Un dispositif amélioré par le travail de l'Assemblée nationale

Les principaux amendements adoptés par les députés concernent le titre I er relatif à la séparation. La commission des finances de l'Assemblée nationale a « durci » le texte au travers de trois modifications :

- un amendement proposé par le rapporteur de la commission des finances autorise le ministre de l'Économie à fixer un seuil, exprimé en proportion du produit net bancaire, au-delà duquel la tenue de marché pourrait être obligatoirement filialisée . C'est une disposition intéressante dans la mesure où elle ouvre la possibilité de durcir à l'avenir la séparation au moyen d'un simple arrêté après avis de l'autorité de résolution. Pour les banques, c'est une épée de Damoclès : elles savent qu'en cas d'abus, les pouvoirs publics pourraient se montrer plus rigoureux dans la séparation des activités ;

- un autre amendement du rapporteur de la commission des finances concerne la question des activités de tenue de marché . Il donne pour mission à l'autorité prudentielle (ACPR) de contrôler que ces activités obéissent bien à une finalité de financement de l'économie. C'est un progrès par rapport au texte initial qui se contentait de définir les activités de tenue de marché et d'indiquer leurs finalités (apporter de la liquidité aux marchés sur une base régulière et continue et accompagner l'exécution d'ordres d'achat ou de vente de clients). Avec cet amendement, le teneur de marché sera tenu de fournir régulièrement à l'ACPR les informations nécessaires pour vérifier que les activités classées en tenue de marché ne dissimulent pas des activités spéculatives (indicateurs précisant les conditions de présence régulière sur le marché, l'activité minimale sur le marché, les écarts de cotation proposés et les règles d'organisation internes incluant des limites de risques). L'établissement devra aussi pouvoir justifier d'un lien entre le besoin des clients et les opérations réalisées pour compte propre ;

- enfin, un amendement proposé par le groupe écologiste crée un article additionnel 4 bis dans le titre I er , qui oblige les banques et les compagnies financières à rendre publiques, en annexe de leurs comptes annuels, des informations sur leurs implantations et leurs activités dans chaque État (activités sur chaque territoire, produit net bancaire réalisé, effectifs employés). Cela permettra de mieux appréhender les stratégies d'implantation dans les paradis règlementaires mises en oeuvre par les banques et de révéler les stratégies sous-jacentes éventuelles d'optimisation fiscale et d'arbitrage règlementaire.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION POUR AVIS

1. Position générale
a) Un texte qui va dans la bonne direction

Le texte présenté assainit sensiblement le monde de la finance, au moins à l'échelle nationale.

Le texte fait clairement le choix du maintien du modèle français des banques universelles, choix qui repose sur une analyse et des constats étayés :

- d'abord, s'il passe par le crédit bancaire, le financement de l'économie repose aussi sur l'émission de titres financiers et des services financiers de couverture contre les risques de change, de taux d'intérêt, de cours, etc. Il ne fallait donc pas mettre en place une réforme qui aurait pu conduire les banques françaises à se détourner des activités de trading qui jouent un rôle croissant dans le financement des acteurs économiques ;

COMPOSANTES DE L'ENDETTEMENT FINANCIER DES ENTREPRISES

Source : Banque de France, données Fiben

A fin 2012, l'endettement de marché (obligations et titres de créances négociables) représente un volume de 456 milliards d'euros et connaît une croissance dynamique (+ 12,5 % en croissance annuelle sur 2012). Sa part dans l'endettement financier des entreprises est passée de 18,7 à 23 % (+ 23 % en trois ans). Une fraction de cet endettement de marché (5 % du total) contribue au financement de la trésorerie. Le poids relatif de l'endettement de marché dépend cependant très fortement de la taille des entreprises. Résiduel parmi les PME (inférieur à 2 % du total), ce type d'endettement représente respectivement 35 % et 12 % de l'endettement financier des grandes entreprises et des ETI. Le crédit octroyé par les institutions financières reste ainsi la principale source de financement des plus petites entreprises : les crédits de moyen ou long terme représentent 66 % de leur endettement financier et ceux de court terme, 9 %.

Cela montre que le maintien de positions fortes des banques françaises dans la finance de marché est un enjeu important principalement pour les grandes entreprises et, dans une moindre mesure, pour les ETI.

- par ailleurs, on sait que les banques ayant des activités diversifiées sont plus robustes que des banques mono-activité , car la diversification des activités entraine ipso facto une diversification des risques et donc une capacité accrue à absorber des pertes sur un segment précis si celui-ci est en crise. A cet égard, on peut rappeler que, si les grandes banques françaises universelles ont connu des difficultés importantes au plus fort de la crise financière et ont dû bénéficier d'une aide massive de l'État, ces aides ont été remboursées rapidement, avec un gain net pour l'État. Il n'y a donc pas eu de pertes sèches pour le contribuable. Les difficultés les plus sérieuses, qui pourraient se traduire par un bilan négatif pour les finances publiques, ont en fait concerné Dexia et, plus récemment, le Crédit immobilier de France, qui sont des établissements bancaires très fortement spécialisés sur un segment d'activité ;

- on peut mesurer, avec le recul, que le crédit bancaire a relativement mieux résisté en France depuis 2009 que dans les autres pays européens . D'après le rapport 2013 de la Cour des comptes, l'encours de crédit aux ménages, aux entreprises et aux collectivités territoriales a en effet augmenté de 1,8 % en 2009. C'est inférieur aux engagements de croissance du crédit souscrits par les banques en contrepartie du soutien financier de l'État, mais c'est nettement mieux néanmoins que ce qu'on observe dans les pays voisins. Cette année-là, les encours de crédit ont en effet baissé au Royaume-Uni (- 7,4 %), en Allemagne (- 1,8 %) et en Espagne (- 4,2 %). Par la suite, entre janvier 2010 et juin 2012, en France, l'encours des crédits au secteur privé non financier et aux administrations publiques locales a augmenté de 170 milliards d'euros pour atteindre 1 633,6 milliard, avec une croissance moyenne annuelle de près 5 % pour 2010 et 2011. Si le second semestre 2012 a été marqué par un fort ralentissement du crédit, c'est sans doute dû avant tout à une baisse de la demande de financement liée au ralentissement économique. En somme donc, s'il existe des points de fragilité dans le dispositif de crédit français (financement de la trésorerie des petites entreprises par exemple), cela appelle davantage des politiques ciblées de facilitation de l'accès aux financements, à travers des actions comme la création de la Banque publique d'investissement, qu'un bouleversement complet du paysage bancaire ;

- enfin, on peut relever que le modèle bancaire universaliste est aussi celui qui a été retenu par le rapport Liikanen , qui fixe le cadre général d'une future réforme européenne sur la séparation des activités bancaires. Sortir de ce cadre pourrait conduire la France à mettre en place une réforme incompatible avec la future architecture bancaire européenne.

Au total, le choix de s'appuyer sur le modèle existant de grandes banques universelles peut se justifier. À partir de là, la seule question pendante concerne le positionnement précis du curseur de la séparation des activités bancaires pour faire la distinction entre les activités de trading vraiment utiles à l'économie, qui ont vocation à demeurer dans le champ d'activité des banques, et les activités de négociation spéculatives, qui doivent être interdites ou filialisées. Cette question n'a cependant pas de réponse évidente, car la frontière entre activités spéculatives et non spéculatives est délicate -sinon impossible- à établir a priori. Les États-Unis ont tenté de le faire à travers la règle de Volker, qui pose en principe l'interdiction de la négociation pour compte propre. Mais ils échouent depuis deux ans à mettre en pratique cette réforme parce que, dans les faits, les services financiers rendus à l'économie réelle impliquent presque toujours, par ricochet, des activités de trading pour compte propre.

Plutôt que de poser une interdiction a priori et générale de la spéculation, il paraît donc plus judicieux, comme le propose le projet de loi, de mettre, en quelque sorte, « des bâtons dans les roues » de la spéculation . Le présent rapport a déjà indiqué quelles étaient ces entraves : filialisation couteuse de certaines activités ; internalisation des pertes éventuelles au sein des établissements bancaires grâce aux mécanismes de résolution ; contrôle drastique des opérations de trading par une autorité prudentielle aux pouvoirs considérablement accrus ; menace permanente d'une filialisation plus poussée en cas de dérapage, qui constitue une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de la tête des banques.

Grâce à tous ces nouveaux mécanismes de contrôle et de dissuasion, spéculer deviendra une activité beaucoup moins fructueuse. Inversement, gagner de l'argent en se consacrant à la mission fondamentale des banques deviendra une option plus intéressante que par le passé. La réforme dessine ainsi une modification durable du modèle économique des banques et c'est par ce biais qu'elle impactera positivement in fine le financement de l'économie, en redirigeant vers le financement de l'activité économique des ressources aujourd'hui stérilisée dans la spéculation. Ces effets devraient certes être peu visibles à court terme, mais la nouvelle règlementation induira une réallocation des ressources bancaires bénéfique sur le long terme.

b) Des points de vigilance
(1) Ne pas fermer la porte à une séparation plus rigoureuse

Peut-être aurait-on pu aller plus loin dans la filialisation des activités de compte propre. Le cantonnement prévu ne devrait concerner qu'un faible volume de l'activité bancaire (de l'ordre de 1 à 2 % du chiffre d'affaires, selon les estimations fournies par certains établissements). Le projet de loi retient en effet une définition des activités de compte utiles au financement de l'économie extrêmement large. La liste des activités de compte propre non soumises à la séparation comprend ainsi les opérations liées à la fourniture de services d'investissement à la clientèle, la compensation d'instruments financiers (autrement dit, l'activité des chambres dont il est question au chapitre 3 du Titre V du texte), la tenue de marché, la gestion « prudente » de la trésorerie et l'acquisition durable de titres financiers, par exemple pour entrer au capital d'une société financière ou non financière.

Le cantonnement des opérations de tenue de marché n'aurait pas paru scandaleux ni de nature à nuire à la situation compétitive des banques. C'est une mesure qui est d'ailleurs préconisée par le rapport Liikanen. Votre commission pour avis souligne cependant que la loi donne au ministre le pouvoir de le faire, plus tard, par un simple arrêté. Ce pouvoir nouveau résulte d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale. La frontière réglementaire entre le spéculatif n'est pas figée une fois pour toute, mais pourra être déplacée à l'avenir pour être rendue plus restrictive. L'avenir reste donc ouvert sur ce point.

(2) Assurer une supervision stricte

Une bonne partie de l'effectivité du dispositif dépendra de la diligence et de la compétence des régulateurs. Ces derniers, la crise de 2007-2008 l'illustre avec éclat, n'ont pas toujours su détecter et infléchir les comportements risqués. Par ailleurs, on sait que les banques sont un groupe d'intérêt influent et que les phénomènes de capture du régulateur n'existent pas que dans la littérature économique. Votre commission pour avis aurait donc vu d'un bon oeil que le texte comporte quelques dispositions claires et fortes dans ce domaine. Il faut convenir cependant qu'il n'est pas facile de proposer un dispositif plus efficace que ce qui est déjà prévu pour prévenir les phénomènes de conflits d'intérêts ou, plus simplement, pour lutter contre la proximité sociologique et culturelle qui existe entre le secteur bancaire et la haute administration et qui conduit peut-être parfois à des biais dans l'analyse des situations.

(3) Rechercher une articulation optimale avec les évolutions en cours en Europe

Le dernier point sur lequel votre commission pour avis appelle à une certaine vigilance concerne l'articulation de la réforme bancaire française avec le droit européen. L'Europe travaille à transposer les accords de Bâle III dans la directive CRD IV ; elle s'emploie à la création d'un mécanisme de résolution bancaire européen et à la mise en place d'outils pour encadrer les rémunérations au sein de la finance. Ce contexte évolutif oblige à trouver un équilibre délicat entre l'audace et la prudence :

- audace, parce que les initiatives prises par tel ou tel pays peuvent rapidement faire tâche d'huile. On a pu le vérifier récemment : l'amendement adopté à l'Assemblée nationale obligeant les banques à plus de transparence sur leurs filiales installées à l'étranger, notamment dans les paradis règlementaires, a été immédiatement repris au niveau européen pour être intégré dans le texte de la directive CRD IV. De la même manière, la spectaculaire initiative suisse concernant les rémunérations bancaires pourrait inciter le texte européen à se montrer plus ambitieux que prévu en la matière ;

- prudence, parce qu'une initiative isolée peut également se payer cher. Dans un monde où les capitaux sont parfaitement mobiles, les différences de règlementations ouvrent en effet la voie aux arbitrages règlementaires, c'est-à-dire aux stratégies des acteurs financiers pour contourner les règlementations les plus sévères. Outre que cela peut impacter négativement le secteur bancaire national, cela peut aussi, paradoxalement, conduire à une perte de contrôle sur le fonctionnement du système financier.

2. Les amendements à la réforme bancaire proposés par votre commission pour avis
a) Un encadrement renforcé des rémunérations dans le secteur bancaire

Un premier amendement part du constat que, si les dispositions du projet de loi relatives à la résolution bancaire apportent bien la garantie que les actionnaires et les créanciers des banques seront mis à contribution, la question de l'implication des principaux preneurs de risque, à savoir les mandataires sociaux et les traders, n'est, pour sa part, pas abordée clairement. Il est donc essentiel que les plans de résolution soient étoffés et comportent des éléments assurant que les mandataires sociaux et les salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque d'une banque sont personnellement impactés par une procédure de résolution. L'amendement adopté par votre commission pour avis prévoit donc que :

- les contrats qui déterminent les règles de rémunération des « preneurs de risque » doivent comporter des stipulations permettant de déterminer la part de leur rémunération à laquelle ils renoncent en cas de résolution bancaire ;

- ces stipulations sont constitutives du plan de résolution et sont donc soumises au contrôle de l'autorité de régulation, qui peut exiger leur modification si elle estime qu'elles ne garantissent pas une participation suffisante des preneurs de risques au coût de la résolution bancaire ;

- cet encadrement législatif des contrats fixant la rémunération des preneurs de risque s'applique à tous les contrats conclus après la publication de la loi. Les contrats en cours devront pour leur part être modifiés dans les trois ans suivants la publication de la loi.

Un deuxième amendement reprend une préconisation formulée par la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2013. Constatant que l'encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire est encore insuffisant, la Cour recommande d'inscrire dans la loi une disposition spécifique aux établissements de crédit sur le vote des actionnaires en assemblée générale relatif aux enveloppes de rémunération des professionnels et des mandataires sociaux. Cela introduit dans le secteur bancaire le principe du « say on pay ».

b) Une meilleure information du Parlement sur le travail du conseil de stabilité financière

Un troisième amendement de votre commission pour avis renforce le droit à l'information du Parlement pour ce qui touche aux activités du conseil de stabilité financière, en charge de la surveillance macro-prudentielle. Les membres de ce conseil sont en effet soumis à une obligation de secret professionnel qui peut être levée dans certaines circonstances limitativement énumérées par la loi. Cet amendement prévoit que, parmi ces circonstances, figure l'audition par les commissions permanentes du Sénat ou de l'Assemblée nationale réunies à huis clos.

II. UN MODÈLE PLUS FAVORABLE AUX USAGERS DES BANQUES, PARTICULIERS ET ENTREPRISES

La crise financière de 2008 a révélé l'ampleur de l'aléa moral dont bénéficie le système bancaire et qui peut conduire le contribuable à apporter en dernier ressort, via l'État, sa garantie à des prises de risque inconsidérées.

Les Français ont eu parfois le sentiment que l'on se préoccupait davantage, au cours des tentatives de résolution de la crise financière, de la santé des banques que de celle de leurs clients. Il s'en est suivi une défiance durable et profonde des consommateurs, particuliers et entreprises, vis-à-vis des établissements de crédit. Il est donc juste que les consommateurs perçoivent les dividendes du soutien public aux banques par des mesures concrètes, tangibles, susceptibles d'améliorer leur information et de réduire leurs frais, en particulier pour ce qui concerne les publics les plus fragiles.

Comme l'a souligné le ministre chargé de l'économie, M. Pierre Moscovici, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 30 janvier 2013, il convient désormais de répondre « à une attente forte de ceux qui ont eu le sentiment que l'État se préoccupait jusqu'alors davantage des banques que de leur propre sort ».

A. LA RECHERCHE D'UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE LES BANQUES ET LES CONSOMMATEURS EST UNE DÉMARCHE DÉJÀ ANCIENNE

La recherche d'un nouvel équilibre entre les banques et les consommateurs constitue une démarche déjà ancienne. Elle consiste à résoudre l'asymétrie d'information entre les banques et leurs clients, à améliorer l'accès aux moyens de paiement et au financement, à faire jouer autant que possible la concurrence pour gommer les rentes de situation et à restaurer les conditions d'une relation saine entre les établissements de crédit et les consommateurs.

Le présent projet de loi ne contient pas de dispositions spectaculaires, mais des avancées significatives pour améliorer l'existant. La France dispose d'ores et déjà d'un arsenal législatif significatif dans le domaine de la consommation bancaire.

Le « droit au compte bancaire », créé en 1984 12 ( * ) au profit des plus démunis, a été conforté par la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 13 ( * ) et complété par un « service bancaire de base ».

La loi portant mesures urgentes à caractère économique et financier, dite « MURCEF » 14 ( * ) , du 11 décembre 2001, vise notamment à renforcer la protection des clients par la contractualisation des services bancaires et de leur tarification, à travers une convention de compte.

La loi de sécurité financière du 1 er août 2003 15 ( * ) , entre autres dispositions, a encadré le démarchage bancaire et financier et introduit le statut de « conseiller en investissements financiers ».

Plus récemment, on relève une démarche entreprise dans le cadre du comité consultatif du secteur financier et une initiative législative.

Commandé par Mme Christine Lagarde, alors ministre chargée de l'Économie, le rapport de MM. Emmanuel Constans et Georges Pauget sur la tarification des services bancaires a débouché, en 2010, sur des engagements des établissements de crédit visant à une dénomination commune unique des principaux frais et services bancaires. Les banques affichent « leurs dix principaux tarifs » en tête de leurs plaquettes commerciales.

La loi dite Lagarde du 1 er juillet 2010 16 ( * ) a procédé quant à elle à une réforme du crédit à la consommation et des dispositifs de lutte contre le surendettement. Elle a aussi modifié le régime de l'assurance emprunteur liée à la souscription d'un emprunt immobilier en en permettant le libre choix au consommateur.

Encore faut-il que ces dispositions soient pleinement effectives. Entre la loi et la pratique au guichet, des écarts sont encore constatés. L'intention du législateur peut être contrariée par des conditions d'application des textes trop peu favorables aux consommateurs. Le présent projet de loi vise donc à ajuster certains pans essentiels de la protection du client bancaire, en particulier des personnes les plus fragiles.

B. LE PROJET DE LOI  DOIT MARQUER UNE NOUVELLE ÉTAPE POUR PROTÉGER LES PARTICULIERS

Le titre VI relatif à la protection des consommateurs comprend, dans les six chapitres qui le composent, pas moins de 18 articles. 10 articles ont été ajoutés au cours des débats à l'Assemblée nationale. Certains de ces articles visent à améliorer les conditions de mise en oeuvre des dispositions de la loi Lagarde du 1 er juillet 2010, en tirant un bilan des premiers mois de son application, qu'il s'agisse des procédures de surendettement (articles 22 et 22 bis ) ou de l'ouverture de la concurrence pour les assurances souscrites en cas de crédit immobilier (article 18).

La principale mesure, tangible pour les consommateurs comme pour l'économie de la banque de détail, figure à l'article 17 du présent projet de loi. Elle propose de plafonner les commissions d'intervention que les banques facturent en cas d'incident de fonctionnement du compte.

1. Ajuster la loi Lagarde en fonction de ses premières évaluations

Si le projet de loi ne modifie pas les dispositions relatives au crédit renouvelable telles qu'elles ont été introduites par la loi dite Lagarde du 1 er juillet 2010, les évolutions éventuelles étant renvoyées à un futur projet de loi relatif à la consommation, il intervient sur deux points : les procédures de surendettement et l'assurance emprunteur.

a) Les procédures de surendettement

L'article 22 modifie les procédures de surendettement introduites, dans le code de la consommation, par la loi du 1 er juillet 2010.

Prenant acte de l'échec fréquent des procédures de conciliation, et afin de raccourcir les délais de traitement du surendettement, l'article dispose que la commission de surendettement peut directement, sans attendre les résultats de la conciliation, suspendre l'exigibilité des créances et proposer les recommandations qu'elle peut aujourd'hui émettre seulement en cas d'échec de la phase de conciliation.

Ce « court-circuitage » de la phase de conciliation serait possible à deux conditions : que la situation du débiteur ne permette pas de prévoir le remboursement de l'ensemble des dettes et que la procédure de conciliation apparaisse vouée à l'échec (refus d'abandon de créances).

A l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le texte prévoit également une simplification de la procédure de sortie du surendettement, avec la suppression du réexamen systématique de la situation du débiteur.

L'article 22 bis , adopté à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, concerne également la procédure de surendettement. Il porte spécifiquement sur le logement afin d'éviter notamment autant que possible la saisie de la résidence principale.

b) L'assurance emprunteur

Le chapitre 2 du titre VI, qui contient un seul article (l'article 18), modifie les dispositions relatives à l'assurance emprunteur.

L'article doit rendre plus opérantes les dispositions de la loi du 1 er juillet 2010 permettant à l'emprunteur de choisir librement son assurance lorsqu'il souscrit un prêt immobilier. Il est en effet apparu que la concurrence sur ces assurances et les possibilités de choix du consommateur étaient encore limitées, premièrement, par la difficulté à comparer les offres, et, deuxièmement, par l'exigence de paiement de frais supplémentaires pour que la banque prêteuse accepte de prendre en considération une offre d'assurance tierce.

Dès lors, les dispositions proposées visent à améliorer l'information de l'emprunteur en ce qui concerne le coût de l'assurance (codification des présentations de coût de l'assurance, harmonisation des notices d'information).

Elles cherchent à éliminer les obstacles qui conduisent aujourd'hui l'emprunteur à ne pas se pencher davantage sur les offres d'assurances autres que celles de la banque prêteuse. En particulier, l'article L. 312-9 du code monétaire et financier prévoirait, dans la rédaction proposée par l'article, que le prêteur ne peut modifier son offre de prêt, ni exiger de frais supplémentaires, en cas de souscription d'un contrat d'assurance tierce.

Les amendements du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale visant à permettre une renégociation du contrat d'assurance en cours de prêt n'ont pas été suivis d'effet.

2. Améliorer l'accès des personnes les plus fragiles au service bancaire

Trois articles concernent plus spécifiquement les personnes les plus défavorisées.

- L'article 17 bis A détermine l'adoption par l'Association française des établissements de crédit d'une charte de l'inclusion bancaire applicable à tout établissement de crédit. Cette charte avait été annoncée par le Président de la République à la suite de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale du 10 et 11 décembre 2012.

- L'article 17 bis B prévoit, en parallèle, la création auprès de la Banque de France d'un Observatoire de l'inclusion bancaire chargé de collecter des informations sur l'accès aux services bancaires des personnes en situation de fragilité.

Cet observatoire devra composer avec les autres dispositifs de veille concernant les personnes en situation de fragilité. Il existe ainsi déjà, par exemple, un rapport annuel sur le surendettement des ménages. On relève également un observatoire du microcrédit. Un Observatoire de l'épargne règlementée, créé, lui, par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 17 ( * ) est « chargé de suivre la mise en oeuvre de la généralisation de la distribution du livret A, notamment son impact sur l'épargne des ménages, sur le financement du logement social et sur le développement de l'accessibilité bancaire » . En pratique, son rapport présente aussi les actions menées en faveur de l'accessibilité bancaire. L'ensemble des observatoires existants, comme celui nouvellement créé, dépendent des services de la banque de France.

- L'article 21 vise à faciliter la mise en oeuvre du droit au compte. Le rapport de Monsieur François Soulage, président du groupe de travail « Inclusion bancaire et lutte contre le surendettement », publié en novembre 2012, souligne certes que la France se situe au deuxième rang sur 27 après les Pays Bas en ce qui concerne le pourcentage « d'inclusion financière », mais avec des difficultés d'accès résiduelles au compte bancaire. Moins de 1 % de la population générale et environ 1 % des ménages en situation de pauvreté ne dispose pas de compte bancaire. Pour les bénéficiaires de minima sociaux, ce pourcentage s'établissait à 4 % en 2009. Les publics les plus fragiles ont donc encore des difficultés à faire valoir leurs droits et se heurtent à des obstacles dans l'accès au compte bancaire.

En conséquence, l'article L. 312-1 du code monétaire et financier relatif au droit au compte serait modifié sur deux points principaux. En cas de refus de compte, la remise d'une attestation par la banque serait systématique, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. La Banque de France pourrait être saisie, pour la désignation d'un établissement bancaire en charge de l'ouverture d'un compte, au titre du droit au compte, non seulement par le demandeur ou la banque, mais aussi par le département, la caisse d'allocations familiales et le centre communal ou intercommunal d'action sociale.

3. Dessiner un cadre plus favorable pour l'information du consommateur

Deux dispositions du projet de loi permettent d'améliorer encore l'information des clients particuliers des banques.

- L'article 21 bis A, ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit une information gratuite du client des banques du montant et de la dénomination des frais bancaires que l'établissement entend lui prélever au minimum quinze jours avant leur prélèvement.

- L'article 21 bis , introduit à l'initiative de notre collègue député Thomas Thévenoud, prévoit une dénomination commune des principaux frais et services bancaires. Cet article a été introduit contre l'avis du ministre qui a jugé le dispositif superfétatoire. 46 termes couvrant 95 % des opérations bancaires font déjà l'objet d'une définition harmonisée.

4. Préserver l'acquis de l'Assemblée nationale en ce qui concerne le plafonnement des commissions d'intervention

L'article 17 crée le principe d'un plafond des commissions d'intervention perçues par les banques lorsqu'elles traitent des incidents bancaires. Ces commissions sont prélevées par les banques lorsqu'une opération a entraîné une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier (présentation d'un ordre de paiement irrégulier, coordonnées bancaires inexactes, absence ou insuffisance de provision...).

La jurisprudence de la Cour de cassation a évolué dans le temps pour qualifier juridiquement ces commissions. Dans un premier arrêt du 5 février 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré en application de l'article L. 313-1 du code de la consommation que ces commissions devaient être incluses dans le calcul du taux effectif global (TEG) du découvert au motif que la rémunération de l'intervention de la banque « n'était pas indépendante de l'opération de crédit complémentaire résultant de l'enregistrement comptable d'une transaction excédant le découvert autorisé ».

A la suite des modifications de l'article L. 313-1 du code de la consommation par la loi Lagarde du 1 er juillet 2010, la Cour de cassation offre désormais une définition juridique des commissions d'intervention sensiblement différente. En distinguant juridiquement découvert et octroi de crédit, la Cour de cassation considère que les commissions d'intervention liées à un dépassement de découvert non permanent (plus de trois mois) rémunèrent un service facturé conformément aux conditions tarifaires. Elles ne sont donc pas liées à une opération de crédit et n'entrent pas dans le calcul du TEG.

Il s'agit donc d'un service, détachable du découvert lui-même.

Le coût que revêt ce service, et l'importance que les commissions revêtent au sein du produit net bancaire des établissements, est révélateur des déséquilibres profonds de l'économie de la banque de détail.

Le rapport de MM. Constans et Pauget de 2010 sur la tarification bancaire établit que le coût global des services bancaires, si l'on inclut l'activité de prêts, et surtout de prêts immobiliers, n'est pas excessif en France par rapport aux pays étrangers, malgré de fortes variations. Le produit net bancaire par habitant bancarisé serait ainsi plus faible en France qu'au Royaume-Uni (- 52 %), qu'en Italie (- 46 %) ou même qu'en Allemagne (- 6 %).

En revanche, le même rapport montre que la tarification de la banque au quotidien (gestion du compte, moyens de paiement, gestion des incidents), en raison notamment du développement des forfaits, est élevé en France. Un consommateur français ayant un profil européen moyen de consommation dépenserait chaque année un montant 14,5 % plus élevé que la moyenne des 6 principaux partenaires de la France, selon le rapport.

On constate donc, d'un côté, des approches commerciales agressives avec des emprunts immobiliers particulièrement compétitifs, destinés à gagner de la clientèle solvable, et, de l'autre, des frais sans rapport avec leur coût réel, principalement dans le cas des commissions d'intervention, qui touchent les populations les plus fragiles financièrement.

Selon l'Observatoire des tarifs bancaires, rattaché au comité consultatif des services financiers, le coût moyen (pondéré par les dépôts) des commissions d'intervention était de 8,24 euros en 2012, avec un maximum de plus de 16 euros. En cas d'incidents répétés, leur coût peut atteindre plusieurs centaines d'euros par mois. Si l'immense majorité des établissements bancaires pratiquent un plafond journalier ou mensuel, celui-ci peut-être particulièrement élevé. En moyenne pondérée, les plafonds mensuels constatés s'établissent à plus de 160 euros. Le maximum constaté pour ces plafonds mensuels est de 350 euros.

Dans le produit net bancaire, les commissions représenteraient - les estimations varient - entre plusieurs centaines de millions d'euros et 3 milliards d'euros.

A l'origine, le texte proposé par le Gouvernement prévoyait le principe d'un plafond des commissions d'intervention seulement pour les personnes en situation de fragilité. La définition de ce public est apparue particulièrement ardue.

Les députés ont souhaité aller plus loin en prévoyant le principe d'un plafond des commissions d'intervention, par opération et par mois, pour l'ensemble des clients des banques.

Il est indispensable, selon votre commission pour avis, de préserver, voire de consolider l'acquis obtenu à l'Assemblée nationale.

Certains acteurs ont fait valoir que la mesure fragiliserait les banques à réseau au profit des banques en ligne, et tout particulièrement les banques les plus denses. Une étude de janvier 2013 de l'Association nationale de défense des consommateurs et des usagers (CLCV) montre en effet des disparités de tarif selon les types de réseau. Dans le détail, il n'y a pas corrélation entre la taille du réseau bancaire et le montant des commissions pratiquées. La Banque Postale est dans la moyenne des frais bancaires, et moins chère par exemple que la BNP. Pour ce qui concerne les banques mutualistes et coopératives, s'il existe des tarifs élevés pratiqués par certaines caisses régionales, il existe également des exemples contraires, avec des tarifs bas pratiqués par d'autres caisses régionales du même réseau.

TARIF DES COMMISSIONS D'INTERVENTION SELON LE TYPE DE RÉSEAU (en euros)

Source : enquête annuelle sur les prix des services bancaires de la CCLV - janvier 2013

Pour contrer la mesure, le secteur bancaire met désormais en avant le risque d'une automatisation du traitement des incidents bancaires, avec les effets afférents pour l'emploi d'une part, pour les clients d'autre part, qui pourraient se voir opposer des rejets de paiement. Ce risque d'automatisation existe, mais une large partie des interventions des banques, en particulier sur les paiements par carte bancaire - qui représenteraient selon des associations de consommateurs, de l'ordre de 85 % du total des paiements par carte, est déjà automatisée.

En réalité, il s'agit de limiter des abus dans la tarification d'un service bancaire. Le législateur ne peut tolérer que les commissions d'intervention soient éloignées de manière abusive du coût réel du service, et que les plus fragiles assurent une fraction aussi importante du produit net bancaire.

5. Consentir des efforts de simplification et d'harmonisation du droit

- L'article 23 concerne les modalités d'utilisation du compte du défunt. Afin d'éviter les conséquences pénibles du blocage du compte en cas de décès, l'article permet le remboursement des obsèques à partir du compte du défunt au profit de la personne qui pourvoit aux funérailles. Cette faculté serait ouverte sous un plafond, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, et à concurrence du solde créditeur du compte. L'article prévoit aussi des dispositions permettant de faciliter la clôture du compte du défunt.

- L'article 24 procède à un aménagement rédactionnel à l'article L. 311-9 du code de la consommation relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

- Enfin, l'article 25 tire les conséquences d'une décision de la Cour de Justice de l'Union européenne du 1 er mars 2011 « Test-Achat » relative à la différenciation des taris d'assurance en fonction des sexes. La Cour de justice a estimé que de telles pratiques n'étaient pas conformes à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et au principe de non-discrimination entre hommes et femmes. L'article dispose donc que, pour les nouveaux contrats d'assurance conclus à partir du 21 décembre 2012, il n'est plus possible de déroger au principe d'égalité entre les hommes et les femmes en matière de souscription d'assurances.

C. LA PRISE EN COMPTE DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES ENTREPRISES AVEC LEURS BANQUES EST ENCORE PARTIELLE

Si le projet de loi contient des avancées substantielles en faveur des particuliers, les avancées sont moins nettes pour les entreprises. De leur côté pourtant, on relève un raidissement des banques, alors même qu'un soutien financier plus conséquent serait nécessaire en temps de crise. Les banques mettent en avant une progression du volume de crédits apportés aux entreprises en général, et aux PME en particulier. On constate cependant qu'une partie croissante des prêts aux entrepreneurs individuels et aux PME fait l'objet d'exigences croissantes de garanties de la part des établissements.

Selon une enquête d'opinion de décembre 2012 menée par l'IFOP auprès de dirigeants de PME, 43 % considéraient qu'ils étaient financés avec des frais élevés ou à des montants plus faibles que souhaités. 42 % soulignaient que leur banque exigeait des garanties supplémentaires, un pourcentage en hausse par rapport aux précédentes enquêtes.

On trouvera dans le projet de loi peu d'éléments pour répondre à ces inquiétudes. Le texte doit être resitué dans le contexte plus général de la politique du Gouvernement, avec la constitution de la Banque publique d'investissement et le crédit d'impôt compétitivité qui devraient avoir un effet fort sur le financement des PME.

1. Améliorer l'information sur le financement des PME

Deux articles visent à développer la visibilité des entreprises sur leurs financements.

- L'article 17 bis , adopté à l'initiative du député Guillaume Bachelay, dispose que les établissements de crédit fournissent leur notation aux entreprises qui sollicitent un prêt ou bénéficient d'un prêt. Cette disposition complète le droit existant, qui prévoit déjà que les banques informent leurs clients des paramètres et des motifs de leur notation, sans que la note elle-même leur soit transmise.

- L'article 17 ter , introduit à l'initiative du même auteur, détermine la collecte et la transmission d'informations statistiques à la Banque de France sur les encours d'assurance crédit et les garanties accordées aux PME.

2. Développer la contractualisation des relations entre les banques et les PME

Le projet de loi propose des progrès sensibles en ce qui concerne la contractualisation des relations entre les banques et les plus petites entreprises. Le principe d'une convention de compte pour les personnes physiques agissant à titre professionnel serait introduit, de même que pour les financements permanents. Si certains acteurs financiers craignent le manque de souplesse que pourraient engendrer ses conventions, on peut estimer au contraire qu'elles devraient protéger les entrepreneurs.

- L'article 17 quater , introduit par l'Assemblée nationale, prévoit une convention de compte de dépôt pour les entrepreneurs (les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels) comme cela existe déjà pour les particuliers.

- L'article 17 quinquies , introduit par l'Assemblée nationale, prévoit une convention pour les concours permanents consentis par les établissements de crédit aux entreprises. Il dispose que le concours ne peut être dénoncé par la banque que par écrit et avec un préavis.

D. LES AMENDEMENTS PROPOSÉS PAR VOTRE COMMISSION

Votre commission pour avis a adopté 10 amendements sur le volet du texte relatif à la consommation.

1. Un renforcement de la protection des clients des banques, en particulier des publics fragiles

- Un amendement à l'article 17 vise à conforter l'acquis de l'Assemblée nationale tendant à plafonner, par opération et par mois, pour l'ensemble des clients des établissements de crédit, les commissions d'intervention imposées en cas d'incident de paiement.

Premièrement, tout en laissant au pouvoir règlementaire le soin d'établir le niveau du plafond par mois et par opération, l'amendement vise à définir des lignes directrices, en prévoyant que ce plafond ne peut s'écarter de façon abusive des coûts réels supportés par les établissements de crédit. La disposition doit permettre d'éviter que le plafond soit fixé à un plafond trop élevé, sans intérêt réel pour le client des banques. On constate en effet, avec le précédent du plafond applicable aux frais de rejet des chèques, que les banques ont tendance ensuite à s'aligner sur le plafond.

Deuxièmement, l'amendement renforce le volet préventif du dispositif consistant à trouver des solutions adaptées de gestion de compte et d'instruments de paiement pour les personnes qui se trouvent en situation de fragilité financière, eu égard à leurs ressources, au nombre et à la fréquence des incidents de paiement. Il oblige les banques à proposer un entretien avec leurs clients en vue d'examiner leur situation. Cette disposition est cohérente avec la charte de l'inclusion bancaire dont le principe est défini à l'article 17 bis A du présent projet de loi

Troisièmement, l'amendement introduit un plafond pour les personnes en situation de fragilité financière eu égard à leurs ressources, au nombre et à la fréquence des incidents de paiement. Le plafond général risque, en effet, d'être trop élevé par rapport à leur situation. L'amendement propose que ce plafond soit défini à un montant adapté aux situations de fragilité financière, dans des conditions prévues par décret.

- Un amendement à l'article 17 quater apporte des précisions sur les informations que devrait contenir la convention de compte nouvelle créée pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels. Il propose ainsi une information systématique sur les modalités d'accès à la médiation, qu'il s'agisse de la médiation de crédit ou des médiateurs des banques.

- Un amendement vise à rétablir l'article 17 quinquies supprimé à l'initiative de la commission des finances, tout en renvoyant ses conditions d'application à un décret. Il est nécessaire que les entreprises puissent bénéficier, comme les particuliers, d'une évolution qui leur permet de contractualiser davantage leurs relations avec les banques, et en particulier leurs concours permanents.

- Un amendement à l'article 21 vise à faciliter l'exercice du droit au compte en permettant à une personne en difficulté bancaire de se faire représenter dans ses démarches par le département, la caisse d'allocations familiales ou le CCAS. Il est proposé d'étendre cette possibilité de représentation aux associations accompagnant les personnes en difficulté ou défendant les consommateurs qui sont parfois les premières à être directement en contact avec les plus défavorisés.

2. L'encouragement de la mobilité bancaire

- Un amendement portant article additionnel après l'article 21 tend à rendre effective la mobilité bancaire.

Depuis 2009, les banques françaises ont pris l'engagement de mettre en place un service d'aide à la mobilité bancaire. En France, alors qu'il comprend les mouvements d'une caisse régionale à une autre, sans changement réel de banque, le taux de mobilité est de 7,5 %, contre 9 % en moyenne dans l'Union européenne.

La faculté de faire jouer la concurrence par les tarifs bancaires se heurte encore aux difficultés pratiques de changement de banque. Comme le soulignent les associations de consommateur, le client qui change de banque doit prévenir l'ensemble des sociétés ou organismes qui interviennent sur son compte par le biais de virements ou prélèvements. Or, le passage d'un établissement à un autre peut déclencher une série d'incidents liés à la gestion des instruments de paiement (opposition à des prélèvements, rejet pour absence de provision, par exemple). Le passage d'un seul chèque au débit sur le compte clôturé peut ainsi entraîner le fichage et la mise en interdiction bancaire du client, l'exposant à de nombreux frais et préjudices.

L'amendement propose l'introduction d'un service payant offert par les banques permettant le transfert des opérations du compte ancien vers le nouveau compte. Selon des associations de consommateurs, un service comparable existerait déjà aux Pays-Bas, et serait en cours d'adoption au Royaume-Uni.

3. Une information préalable sur les frais bancaires et les paiements en espèces

- Un amendement à l'article 21 bis A tend à éviter que l'entrée en application dudit article ne soit par trop différée tout en laissant aux banques le temps d'adapter leurs systèmes d'application. L'article prévoit que le client est informé gratuitement par le biais de son relevé de compte mensuel, du montant et de la dénomination des frais bancaires qui vont lui être prélevés, au minimum quinze jours avant le prélèvement. L'entrée en vigueur de l'article ne pourrait intervenir après le 1 er janvier 2014.

- Un amendement portant article additionnel après l'article 24 vise le paiement en espèces auprès des administrations publiques dès lors qu'il agit tout spécialement des personnes en difficulté. Le code monétaire et financier prévoit le paiement en espèces pour les créances exigibles par les collectivités publiques. Pour les personnes en difficulté, qui ne disposent que d'un livret A, ou d'un compte dont les moyens de paiement sont restreints, ce paiement en espèces est une nécessité pour des dépenses aussi courantes que la cantine ou la crèche. Il est proposé de rappeler aux débiteurs cette faculté de paiement par une obligation d'information des collectivités publiques.

4. Le bénéfice des prêts participatifs pour les entreprises agricoles

- Un amendement portant article additionnel après l'article 24 tend à rendre les entreprises agricoles éligibles aux prêts participatifs.

Les prêts participatifs, dont le régime est précisé aux articles L. 313-14 à L. 313-20 du code monétaire et financier ont été introduits par la loi du 13 juillet 1978. Ils sont destinés au financement à long terme des entreprises et tout particulièrement des PME.

Le prêt participatif peut s'analyser comme un moyen de financement intermédiaire entre le prêt à long terme et la prise de participation. Il s'agit en effet de prêts qui sont assimilés à des fonds propres du point de vue de la situation financière de l'entreprise tout en continuant à être traités comme une dette au plan comptable et fiscal. Ils donnent lieu à un taux d'intérêt qui peut être majoré par une clause de participation aux bénéfices de l'entreprise. En cas de défaillance de celle-ci, ils ne sont remboursés qu'après désintéressement de tous les créanciers privilégiés.

Le bénéfice de ce régime est actuellement limité par l'article L. 313-13 du code monétaire et financier aux entreprises artisanales, industrielles ou commerciales, ce qui exclut de fait les entreprises agricoles. Il est proposé de faire profiter de ce régime les entreprises agricoles.

5. Une information renforcée des commerçants sur les commissions interbancaires de paiement

- Un amendement portant article additionnel après l'article 24 vise à introduire davantage de transparence dans les frais des commerçants liés aux paiements par carte bancaire.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, le Parlement avait adopté le principe, d'une part, du plafonnement des commissions interbancaires de paiement, qui constituent de l'ordre de 60 % des frais imposés aux commerçants pour l'usage d'un terminal « carte bleue », et, d'autre part, une information systématique, sous la forme d'un récapitulatif annuel détaillé, sur les frais facturés par les prestataires de paiement. L'article avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il constituait un cavalier budgétaire.

Depuis, l'Autorité de la concurrence s'est saisie du dossier des commissions interbancaires de paiement. Dans sa décision du 7 juillet 2011, elle a obtenu notamment des banques une baisse de la commission interbancaire de paiement de 0,47 % à 0,30 % en moyenne, soit une baisse de 36 %. Le produit annuel issu de la commission, de près de 1,5 milliard d'euros en 2011, est réduit d'environ 500 millions d'euros. Cette baisse devrait avoir un impact favorable pour les commerçants.

Avant que le Parlement ne soit amené à intervenir de nouveau, le cas échéant, sur la question du plafonnement de ces commissions, il est d'abord préférable de consacrer par la loi le principe d'une information systématique, sous la forme d'un récapitulatif annuel détaillé, sur les frais facturés par les prestataires de paiement. Ceci fait partie également des engagements souscrits par les banques vis-à-vis de l'Autorité de la concurrence. En fonction de l'évolution des commissions, il sera toujours temps ensuite d'intervenir par la loi pour définir un éventuel plafond, en fonction du bilan qui sera dressé de la mise en oeuvre de sa décision de 2011 par l'Autorité de la concurrence.

6. Une compensation de droit des dettes fiscales des entreprises

- Un dernier amendement portant article additionnel après l'article 24 vise à développer la compensation des dettes fiscales des entreprises par les créances qu'elles détiennent par ailleurs sur les collectivités publiques. Cette compensation est déjà prévue par le livre des procédures fiscales mais elle n'est exercée qu'à la discrétion du comptable public. L'amendement propose de prévoir que la compensation est de droit lorsqu'elle est demandée par le redevable.

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Réunie le mercredi 12 mai 2013, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption d texte du projet de loi sous réserve des amendements qu'elle vous propose.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 13 mars 2013, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi n° 365 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui constitue l'un des principaux engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale. Cette saisine porte sur le volet bancaire et le volet relatif à la protection des consommateurs de services bancaires.

La réforme a pour objectif de renforcer la sécurité du système bancaire et de le recentrer sur sa mission fondamentale, le financement de l'économie réelle, notamment des entreprises. Il faut, pour en appréhender les apports, revenir sur les causes de la crise financière de 2007-2008. Elle s'explique en grande partie par la propension des acteurs financiers à prendre des risques excessifs. Leur déresponsabilisation tient à une multitude de raisons : les modes de rémunération, la complexité des instruments financiers, l'opacité des circuits financiers qui fait obstacle à une perception exacte du risque, l'inadaptation des critères micro-prudentiels de régulation, l'absence d'analyse macro-prudentielle et, enfin, l'existence d'une garantie implicite des pouvoirs publics.

La réforme bancaire comporte une série de mesures, souvent techniques, peu spectaculaires, mais qui constituent un levier puissant pour infléchir les comportements des acteurs. Elles rendront les activités spéculatives beaucoup plus risquées et coûteuses pour les banques. Celles-ci sont placées devant leurs responsabilités ; on ne fait pas appel à leur sens éthique ou à leur autodiscipline, on crée des mécanismes concrets de surveillance et de sanction.

Sont désormais interdites les opérations de négoce à haute fréquence et les opérations sur instruments à terme dont le sous-jacent est une matière première agricole. Cela n'a certes jamais été le coeur de l'activité des banques françaises, mais c'est une mesure symbolique forte.

Le texte oblige en outre chacune des quatre grandes banques systémiques françaises à cantonner au sein d'une filiale ad hoc les opérations sur compte propre sans utilité avérée pour le financement de l'économie, ainsi que les opérations avec les organismes de placement collectif à effet de levier, les hedge funds . Cette filiale ad hoc sera clairement séparée du groupe bancaire sur le plan prudentiel et capitalistique. Il ne pourra lui accorder ni garantie, ni refinancement. Elle devra respecter individuellement les ratios de solvabilité et de liquidité. Cela exige une immobilisation importante de fonds propres et d'actifs liquides qui rendra très coûteuses les activités de compte propre « pur ».

En outre, les pouvoirs du régulateur seront considérablement renforcés. Les banques devront communiquer à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la description précise et le compte rendu motivé de leurs activités de marché. Le régulateur disposera ainsi d'une cartographie précise des « desks » et de leurs mandats. Il pourra mesurer quantitativement les risques pris, mais aussi vérifier que les opérations menées correspondent bien à des opérations utiles au financement de l'économie.

L'ACPR pourra également interdire les opérations susceptibles de porter atteinte à la stabilité financière ou au bon fonctionnement et à l'intégrité des marchés financiers. En cas de risque systémique, les banques pourront se voir interdire d'investir dans un produit ou de le commercialiser.

En ce qui concerne la résolution bancaire, les établissements devront préparer, sous le contrôle du régulateur, un testament bancaire définissant les modalités de liquidation des actifs et de mise à contribution des actionnaires et des créanciers en cas de défaillance.

Dans la procédure de résolution, l'ACPR disposera de pouvoirs extrêmement étendus : elle pourra changer les dirigeants, nommer un administrateur provisoire, transférer ou céder d'office de tout ou partie de l'établissement, confier les actifs toxiques à un « établissement-relais », impliquer les créanciers dans le sauvetage en annulant ou en convertissant leurs titres. Les pertes des banques seront donc désormais épongées en priorité par les banques elles-mêmes, en application du principe « qui faute, paie », diminuant ainsi l'attrait des opérations spéculatives.

Un fonds national de résolution est créé, qui sera financé par les établissements de crédit et doté à terme de 10 milliards d'euros. Il compensera les pertes résiduelles, après mise à contribution des actionnaires et des créanciers.

Ces dispositions forment un dispositif pragmatique et novateur pour lutter contre les dérives spéculatives. Son efficacité dépendra de la diligence et de la compétence du régulateur et des services du Trésor. À cet égard, les banques étant influentes et les phénomènes de capture du régulateur n'existant pas seulement dans la littérature économique, j'aurais vu d'un bon oeil que le texte comporte quelques dispositions claires et fortes sur ce point, mais proposer un dispositif simple et efficace n'est pas facile.

Peut-être aussi aurait-on pu aller plus loin dans la filialisation des activités de compte propre en cantonnant également les opérations de tenue de marché, comme le préconise le rapport Liikanen remis l'an dernier à la Commission européenne. La loi cependant, aux termes d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, donne au ministre le pouvoir de le faire, plus tard, par un simple arrêté. La frontière réglementaire entre le spéculatif et le non-spéculatif n'est donc pas figée.

Au total, ce projet de loi assainit le monde de la finance, au moins à l'échelle nationale. Certains estimeront que les solutions sont trop timides ; qu'il aurait été plus simple d'interdire la spéculation ou de séparer franchement, comme autrefois, banque de dépôt et banque d'investissement. Certes. Mais si le financement de l'économie passe par le crédit bancaire, il repose aussi sur l'émission de titres financiers et sur les services financiers de couverture contre les risques de change, de taux d'intérêt, de cours, etc. Les activités de trading jouent ainsi un rôle croissant dans le financement des acteurs économiques. En outre, les banques ayant des activités diverses sont plus robustes, grâce à la diversification de leurs risques.

Ces deux éléments plaident pour le maintien d'un modèle de banque universelle, comme le recommande d'ailleurs le rapport Liikanen qui fixe le cadre général d'une future réforme européenne sur la séparation des activités bancaires. Sortir de ce cadre pourrait conduire la France à mettre en place une réforme incompatible avec la future architecture bancaire européenne.

Dès lors, la seule question porte sur le curseur : où placer la frontière entre les activités de trading utiles à l'économie et les activités de négociation spéculatives, qui doivent être interdites ou filialisées ? Les États-Unis ont tenté, à travers la règle de Volker, de poser une interdiction a priori de la négociation pour compte propre. Mais ils échouent à la mettre en pratique car les services financiers rendus à l'économie réelle impliquent presque toujours, par ricochet, des activités de trading pour compte propre.

Plutôt qu'une interdiction générale de la spéculation, il me paraît donc plus judicieux de « mettre des bâtons dans les roues » des spéculateurs : filialisation coûteuse, internalisation des pertes, contrôle drastique des opérations par une autorité prudentielle aux pouvoirs accrus, menace permanente d'une filialisation plus poussée en cas de dérapage. Grâce à ces mesures, la spéculation deviendra une activité moins fructueuse et les banques seront incitées à se consacrer à leur mission fondamentale, devenue plus intéressante que par le passé. La nouvelle règlementation entraînera une réallocation bienvenue des ressources bancaires.

J'en viens au second volet du projet de loi, qui contient 18 articles très divers, dont 10 ajoutés par l'Assemblée nationale. Les Français ont eu parfois le sentiment que l'on se préoccupait davantage, durant la crise financière de 2008, de la santé des banques que de celle de leurs clients. La défiance est durable et profonde vis-à-vis des établissements de crédit. Il est juste que les consommateurs perçoivent aujourd'hui les dividendes du soutien public aux banques, grâce à des mesures pour renforcer leur information et réduire leurs frais. Peu de dispositions spectaculaires, je l'ai dit, mais l'existant est amélioré.

Le droit au compte a été créé par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 ; la convention de compte, la médiation et la transparence des tarifs, en 2001. En 2010, une dénomination commune unique des principaux frais et services bancaires a été élaborée au sein du Comité consultatif des services financiers. Les banques doivent afficher leurs dix principaux tarifs. Enfin, toujours en 2010, la loi Lagarde a réformé le crédit à la consommation et les procédures du surendettement. Le texte améliore ces dispositifs, et les mesures nouvelles, par exemple pour accélérer les procédures, s'inscrivent dans la droite ligne des propositions de notre commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. Également, un article vise à rendre plus effectif le libre choix de l'assurance emprunteur en vue de la souscription d'un emprunt immobilier.

Mais la principale mesure en faveur des particuliers est le plafonnement des commissions d'intervention que prélèvent les banques lorsqu'une opération a entraîné une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier : présentation d'un ordre de paiement irrégulier, coordonnées bancaires inexactes ou encore - le plus souvent - absence ou insuffisance de provision.

Le coût de ce service, distinct du découvert lui-même, et l'importance de la part des commissions dans le produit net bancaire des établissements, sont révélateurs des déséquilibres profonds de l'économie de la banque de détail. Les tarifs globaux, emprunts immobiliers inclus, ne sont pas excessifs par rapport à la moyenne étrangère. Mais, si les emprunts immobiliers se révèlent particulièrement compétitifs grâce à des approches commerciales agressives destinées à séduire la clientèle solvable, les commissions d'intervention sont excessives et touchent les populations les plus fragiles financièrement. En cas d'incidents répétés, le montant peut atteindre plusieurs centaines d'euros par mois. Il existe presque dans tous les établissements un plafond journalier ou mensuel mais parfois très élevé : 160 euros en moyenne pondérée et jusqu'à 350 euros.

Les députés ont plafonné les commissions d'intervention, par opération et par mois, pour l'ensemble des clients des banques, et non seulement pour les personnes en situation de fragilité. Malgré les pressions du secteur bancaire, il me semble indispensable de préserver cet acquis. Les banques ont fait valoir que la mesure fragiliserait les banques de réseau au profit des banques en ligne. En fait, il n'y a pas de corrélation entre la taille du réseau bancaire et le montant des commissions pratiquées. La Banque Postale est dans la moyenne des frais bancaires, moins chère que la BNP... Les banques mettent aussi en avant les risques d'une automatisation du traitement des incidents bancaires : menaces pour l'emploi, rejets de paiement automatiques. Pourtant les interventions des banques sur les paiements par carte bancaire sans autorisation préalable sont déjà totalement automatisées et cela ne se passe pas si mal... Il est temps de limiter les abus de tarification, d'autant que ce sont les plus fragiles qui assurent ainsi une grosse part du produit net bancaire des établissements ! Je vous proposerai un amendement.

Je regrette que les avancées soient moins nettes pour les entreprises. Un soutien financier particulier est nécessaire en temps de crise, or il manque cruellement, alors qu'une part croissante des prêts aux entrepreneurs individuels et aux PME, notamment artisanales, est soumise à des garanties toujours plus nombreuses. Les montants prêtés sont plus faibles que ne souhaiteraient les demandeurs. Le texte est court sur ce point, mais la création de la Banque publique d'investissement et le crédit d'impôt compétitivité devraient améliorer la situation.

Des progrès sensibles sont réalisés sur la contractualisation des relations entre les banques et les plus petites entreprises : je songe à la convention de compte pour les personnes physiques agissant à titre professionnel, de même que pour les financements permanents. En outre, plusieurs amendements seront défendus sur cet aspect. J'ajoute que nous examinerons prochainement un projet de loi plus complet sur les questions de consommation.

Pour conclure, cette réforme bancaire s'inscrit dans un ensemble complexe d'initiatives, notamment européennes : transposition des accords de Bâle III, création d'un mécanisme de résolution bancaire européen et mise en place d'outils pour encadrer les rémunérations au sein de la finance. Les lignes bougent. À nous d'être à la fois audacieux et prudents.

Audacieux, parce que les initiatives prises par tel ou tel pays peuvent rapidement faire tâche d'huile : un amendement adopté à l'Assemblée nationale obligeant les banques à plus de transparence sur leurs filiales installées à l'étranger, notamment dans les paradis règlementaires, a été immédiatement repris au niveau européen. De la même manière, la spectaculaire initiative suisse concernant les rémunérations bancaires pourrait inciter les autorités européennes à relever le niveau d'exigence prévu. Donc l'audace peut être payante quand elle exerce un effet d'entraînement général. Mais elle peut également coûter cher : c'est le cas lorsqu'un pays se démarque trop et avance sans s'assurer que les autres le suivent. Gare, alors, aux arbitrages défavorable des opérateurs !

La réforme proposée s'inscrit dans cette double exigence et atteint un équilibre satisfaisant. Je vous invite à donner un avis favorable à son adoption.

M. Roland Courteau . - Ce texte est bienvenu pour lutter contre les dérives spéculatives. Trop de banques dans le passé se sont écartées, au nom du laissez-faire, de leurs missions au service de l'économie. Finalement, ce sont les contribuables qui ont été sollicités. Qui a fauté doit payer. Or c'est l'inverse qui s'est produit. Oui, mettons des bâtons dans les roues des spéculateurs, ainsi nous dégagerons des moyens de financement de l'économie. Quelles mesures sont prévues contre les paradis fiscaux ? Les frais financiers manquent de transparence, les hausses sont souvent abusives. Qu'en est-il ? Des mesures sont prévues ici pour la protection des consommateurs, mais les entreprises sont un peu oubliées.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous glorifions notre modèle de banque universelle mais ne nous aveuglons pas : celles-ci peuvent accumuler les risques au lieu de les répartir. Tout est question de dosage entre crédits alloués à l'économie et fonds consacrés à des opérations de trading . Ainsi le Crédit mutuel, banque universelle, consacre-t-il 84 % de ses actifs à des titres et des prêts ; Martin Maurel, 91 % ; mais la BNP-Paribas seulement 56 %, le reste étant investi en instruments financiers. En Allemagne les banques sont plus petites et plus impliquées dans le financement de l'économie. N'exploitons pas le modèle allemand seulement lorsqu'il s'agit de justifier les baisses de salaires ! En outre 54 % des cadres de banque souhaiteraient une séparation des activités car ils considèrent que ce modèle est fragile. Je déposerai un amendement pour élargir le champ de la filialisation. Je n'en salue pas moins ce texte qui marque une avancée.

En ce qui concerne la gouvernance, pourquoi ne pas rendre obligatoire la représentation des salariés dans les conseils d'administration des banques ? Evitons la consanguinité des décideurs. Je ferai aussi des propositions pour améliorer la gouvernance coopérative afin d'éviter que des sociétaires ne se sentent dépossédés de certaines décisions prises par la holding.

Je déposerai un autre amendement afin que le fonds de garantie des dépôts comprenne, en son conseil, un seul et non plus deux représentants de la Banque de France et, en revanche, réserve un siège à un juge la Cour de cassation spécialisé en matière financière. Je déposerai d'autres amendements sur la gouvernance.

Le crédit emprunteur représente un chiffre d'affaires de six milliards d'euros et une marge... de trois milliards ! Ce sont ceux qui achètent des logements qui le financent. Je suggère de faciliter le choix de l'assureur et de faciliter les changements d'assurance en cours de prêts. Ne soyons pas les pigeons du système !

Un autre amendement a trait au surendettement, il tend à ce que la dette logement soit prioritaire par rapport à la dette bancaire. Je souhaite également autoriser les organismes HLM à ouvrir des livrets A dans plusieurs établissements. Ils peuvent actuellement en ouvrir un seul, dont le montant n'est pas plafonné. Il semble préférable de les autoriser à ouvrir plusieurs livrets dans plusieurs banques partenaires.

Enfin, il est important de promouvoir un dispositif de placement bancaire territorialisé, permettant un meilleur retour de l'épargne sur le territoire d'origine. Certains, comme M. Alphandéry, ont déjà avancé des propositions.

M. Daniel Raoul , président . - La territorialisation est un thème que nous avons déjà évoqué.

M. Pierre Hérisson . - J'ai été rapporteur du texte sur la Banque postale. Je me suis frotté à la Fédération française des banques, je n'en ai pas conservé le meilleur souvenir.

M. Daniel Raoul , président . - Elle non plus !

M. Pierre Hérisson . - Que n'ai-je pas entendu ! La création d'une banque postale n'avait d'autre objectif que de financer la distribution du courrier sur le plateau de Millevaches, par exemple...

Je compte parmi les victimes des prêts toxiques ou « structurés », vendus par Dexia. Est-il judicieux de continuer à autoriser une « gestion active » de leur dette par les collectivités territoriales ? Le président de la Banque postale indique qu'il ne leur proposera que des prêts à quinze ans à taux fixes. Ce texte, comme le projet de loi sur la protection des consommateurs, est l'occasion de faire passer des messages. Les collectivités sont des consommateurs aussi ! La vérité des produits financiers mirobolants se situe souvent dans les astérisques et les renvois de bas de page qui aboutissent, en définitive, à transférer les risques sur les clients...

Assistant à des assemblées générales de caisses locales de banques, j'ai découvert le vocabulaire que les sociétaires emploient pour décrire leurs dirigeants, qualifiés de voleurs, d'escrocs, d'incompétents. Or ces dirigeants sont issus des caisses locales. Ils ont gravi tous les échelons et n'avaient pas forcément toutes les compétences pour décider au plus haut. Ils se sont fait avoir ! Simplifions, clarifions les dispositifs.

En Haute-Savoie la situation est digne d'un sketch de Fernand Raynaud : la Banque postale compte plus de titulaires de livrets A dans les communes frontalières qu'ailleurs : 30 000 Suisses travaillant en France viennent placer leur argent en France ! C'est le monde à l'envers ! Et sur le livret A, signe que ce produit est intéressant...

En conclusion je suis favorable au cloisonnement des activités bancaires, les consommateurs et les collectivités doivent être protégés. Du reste, pour revenir à Dexia, je suis persuadé que les vendeurs qui faisaient signer des contrats financiers complexes aux maires ne les comprenaient pas mieux !

M. Daniel Raoul , président . - Je connaissais le trafic de chocolat aux frontières, non celui de livrets A !

M. Gérard César . - Ma question concerne l'agrément des administrateurs dans les banques mutualistes ou coopératives. L'agrément à l'échelle d'une caisse locale ne me paraît pas justifié, mais il est indispensable pour le directeur régional.

M. Claude Dilain . - Une publicité pour une banque prétend que les investissements ont lieu là où l'épargne est collectée. Il est difficile actuellement de le vérifier. Mais dans les régions rurales ou les banlieues, je crois qu'il en va autrement : l'épargne est importante, les crédits octroyés peu nombreux. La transparence s'impose.

M. Claude Bérit-Débat . - Je félicite le rapporteur pour son travail. Je rejoins la position de Claude Dilain sur la territorialité des investissements. Sans doute ne faut-il pas instaurer un lien mécanique, mais les habitants de ces territoires n'ont guère accès au crédit. Comment faire ?

De même, diminuons le coût du crédit emprunteur. Les sommes en jeu sont colossales. Je suis d'accord avec ma collègue Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Sur l'agrément, je propose de conditionner la désignation des administrateurs des caisses régionales à la preuve de leur compétence - ou à un engagement de suivre une formation, afin que l'État ne vole pas le choix aux sociétaires sous couvert de la procédure d'agrément.

M. Daniel Raoul , président . - Certes mais les difficultés du Crédit agricole n'étaient pas dues à un manque de compétences...

Mme Bernadette Bourzai . - J'assiste régulièrement à l'assemblée générale de la caisse du Crédit agricole de mon canton. J'ai les chiffres ! En 2011, dans le canton, 110 millions d'euros ont été collectés mais seulement 5 millions prêtés, répartis à parts égales entre collectivités, ménages et entreprises. Je suis favorable à l'instauration d'un seuil minimal de retour dans le territoire, sous forme de prêts. Les banques refusent souvent des crédits aux entreprises, à moins que celles-ci ne bénéficient déjà d'aides de la région. En somme c'est ceinture, bretelle et parapluie... Il ne s'agit pas d'égoïsme mais nous devons pouvoir financer notre économie en difficulté fondée sur la forêt et l'élevage.

M. Daniel Raoul , président . - Le principe est juste mais son application est complexe. Il conviendrait de vérifier si ce « profil » représente une anomalie au plan national. Sans doute les caractéristiques de ce département, marqué par une population vieillissante, expliquent-elles l'excédent d'épargne.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Les profits réalisés grâce à l'emploi des 110 millions d'euros pourraient financer un fonds de garantie.

M. Daniel Raoul , président . - L'intéressement serait une solution en effet.

Mme Bernadette Bourzai . - Selon le Crédit agricole, seules deux caisses régionales sont dans cette situation. Les autres sont plus dépensières.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Le texte ne vise pas seulement les paradis fiscaux, il les englobe, en prévoyant que les banques devront donner des informations complètes - chiffre d'affaires, nombre de salariés - sur leurs filiales à l'étranger, quel que soit le pays. Il sera aisé de déterminer si ces filiales ont une vocation spéculative. Un chiffre d'affaires de 5 milliards d'euros et trois salariés...

M. Daniel Raoul , président . - ...signifient une filiale « boîte aux lettres » !

M. Roland Courteau . - La nature des opérations réalisées sera-t-elle indiquée ?

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis. - Non, mais les informations exigées suffiront à mettre en lumière les distorsions. L'exigence de transparence est forte. La Commission européenne a d'ailleurs repris cette idée.

Forte concurrence sur les crédits immobiliers à destination de la clientèle solvable, frais bancaires élevés pour tous : ce sont les plus pauvres qui subventionnent les autres ! On marche sur la tête ! Un rééquilibrage s'impose.

Que les entreprises soient insuffisamment prises en compte ici est indéniable. A l'occasion du projet de loi relatif à la consommation que nous examinerons d'ici cet été, j'espère que nous pourrons revenir sur les relations entre les banques et une partie du monde économique.

Le président de la République avait annoncé une séparation des activités bancaires, non un démantèlement des banques. Sans être l'avocat de la banque universelle, j'ai constaté que l'ensemble des acteurs défendaient ce modèle, ce qui ne signifie pas bien entendu que les dépôts des particuliers ne doivent pas être protégés.

La loi y concourt largement, la création de filiales ad hoc séparant clairement les activités spéculatives de celles qui sont au service de l'activité économique. Reste à placer le curseur au bon niveau, ce qui est très difficile. Quoi qu'il en soit, la possibilité reconnue au ministre de l'économie de transférer ou céder, par décret, les activités considérées comme spéculatives va dans le bon sens...

Celles-ci représenteraient entre 1 % et 3 % de l'ensemble des activités bancaires - contre environ, selon le président du Crédit agricole, 20 à 25 % en 2007-2008. Autrement dit, depuis la crise financière le système bancaire et financier traditionnel s'est autodiscipliné. L'intervention du ministre est une véritable épée de Damoclès, mais reste à savoir quelle sera la composition de l'ACPR. Le ministre a évoqué lui-même le risque de consanguinité que je dénonce dans mon rapport - consanguinité entre les responsables des banques et des organismes de contrôle. Le gouverneur de la Banque de France, le directeur du Trésor ou d'autres responsables publics extrêmement compétents poursuivront peut-être leur carrière dans une banque privée. Comment critiquer son futur employeur... Il me semble indispensable que des représentants du monde universitaire, spécialistes de macro-économie - et non seulement de finances - siègent dans ces instances. C'est un sujet sur lequel il nous faudra revenir.

Pour un emprunt immobilier de 150 000 euros sur 20 ans à 3 %, l'assurance-crédit est de l'ordre de 15 000 euros. Une véritable concurrence peut permettre une économie de l'ordre de 1 500 euros : cela n'est pas négligeable.

Le traitement bancaire territorialisé est un sujet difficile. L'information existe et doit être donnée aux élus qui le demandent ; nous pourrions déposer des amendements au cours de la navette parlementaire afin de rendre cette information plus systématique. Cela dit, à nous de savoir ce que nous en ferons une fois qu'elle nous aura été délivrée.

M. Daniel Raoul , président . - Le scoring évoqué par Marie-Noëlle Lienemann est un moyen d'améliorer l'accès aux prêts pour les entreprises locales.

M. Gérard César . - Cela peut aussi être dangereux. Il faut une péréquation à l'échelle de tout le territoire.

M. Daniel Raoul , président . - Sans une péréquation départementale ou régionale, le mécanisme peut effectivement être malsain.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - La moitié ou le tiers des profits réalisés pourraient alimenter un fonds de garantie afin d'absorber les risques dans des conditions un peu plus souples.

M. Claude Bérit-Débat . - Lors de l'octroi d'un crédit, attention tout de même à la qualité des dossiers !

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - La Banque de France peut nous communiquer des informations sur les dépôts et sur les crédits au niveau d'un département, d'une région ou d'une agglomération.

M. Daniel Raoul , président . - Elle le fait déjà.

Mme Renée Nicoux . - Il nous faudrait aussi connaître le nombre de dossiers refusés.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Je propose de réfléchir à un amendement d'appel en ce sens en deuxième lecture.

Le projet de loi encadre les conditions d'emprunt aux collectivités territoriales et de leurs groupements, ce qui laisse espérer que les graves problèmes rencontrés avec Dexia ne se reproduiront pas. Outre les contrôles très importants destinés à prévenir la résolution bancaire, deux alinéas de l'article 11 encadrent strictement les emprunts en devise et prévoient, en cas d'emprunts à taux variables, une limitation des indices et écarts d'indices autorisés pour les clauses d'indexation. On se rappelle les fameuses indexations sur le franc suisse... Désormais les collectivités et leurs groupements ne pourront plus souscrire des contrats financiers qu'à des fins de couverture de risques.

Le régime d'agrément déjà en vigueur dans les banques mutualistes, telles que les Banques populaires et les Caisses d'épargne, a été étendu à Groupama. La réforme de ce mécanisme me semble davantage relever de la loi sur l'économie sociale et solidaire mais nous allons nous renseigner pour voir ce qu'il est possible de faire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Division additionnelle après l'article 4 ter

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Reprenant une recommandation de la Cour de comptes, l'amendement n° Afféco-1 prévoit que l'assemblée générale des actionnaires se prononce annuellement sur l'enveloppe des rémunérations de toutes natures des mandataires sociaux et des salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société. Cela concerne 1 % des salariés : grands dirigeants, traders et responsables de salles de marché.

M. Daniel Raoul , président . - Il ne s'agit que d'une enveloppe globale et non de chaque rémunération en particulier ? Ne doit-on pas communiquer les dix plus gros salaires dans le rapport annuel de la société ?

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - C'est autre chose : non pas une information sur les rémunérations versées mais une autorisation, a priori .

L'amendement n°Afféco-1 est adopté.

Article 7

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Les principaux responsables des risques pris par une banque doivent être mis à contribution en cas de défaut de celle-ci. L'amendement n° Afféco-2 prévoit ainsi que leurs contrats de travail indiquent à quelle part de rémunération ils renoncent en cas de résolution bancaire.

L'amendement n° Afféco-2 est adopté.

M. Daniel Raoul, président . - Je comprends votre souci de responsabiliser les traders .

Article 11

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-3 délie du secret professionnel les membres du conseil de stabilité financière lorsqu'ils sont auditionnés par les commissions compétentes de l'Assemblée et du Sénat et non seulement par des commissions d'enquête.

L'amendement n° Afféco-3 est adopté.

Article 17

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-4 conforte l'acquis de l'Assemblée nationale tendant à plafonner, par opération et par mois, les commissions d'intervention imposées en cas d'incident de paiement. Il propose que le plafond par mois et par opération fixé par le pouvoir réglementaire ne puisse s'écarter de façon abusive des coûts réels supportés par les établissements. En outre, il propose que des actions spécifiques soient entreprises en direction des personnes qui se trouvent en situation de fragilité financière eu égard à leurs ressources ou au nombre et à la fréquence de leurs incidents de paiement.

M. Daniel Raoul, président . - Vous demandez une information ou une concertation particulière pour ces personnes ?

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Elles bénéficieront aussi d'un plafond spécifique.

M. Gérard César . - Qui va en contrôler l'application ?

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - Il y a les autorités prudentielles et surtout, les plafonds sont fixés par décret. Encore faut-il que celui-ci soit respecté.

L'amendement n° Afféco-4 est adopté.

Article 17 quater

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-5 prévoit qu'une information systématique sur les modalités d'accès à la médiation soit donnée dans les nouvelles conventions de comptes ouverts par des personnes physiques agissant pour des besoins professionnels.

L'amendement n° Afféco-5 est adopté.

Article 17 quinquies

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-6 prévoit que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, consenti à une entreprise fasse l'objet d'une convention. Il s'agit de rétablir ce dispositif, utiles aux PME, qui avait été adopté par l'Assemblée nationale puis remis en cause par notre commission des Finances.

L'amendement n° Afféco-6 est adopté.

Article 21

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-7 vous est proposé afin de faciliter l'exercice du droit au compte. Il prévoit qu'une personne en difficulté bancaire puisse se faire représenter aussi par des associations agréées accompagnant les personnes en difficulté ou défendant les consommateurs dans leurs démarches auprès de la banque de France.

M. Gérard César . - Si elles sont en difficulté, elles n'obtiendront pas de prêt !?

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Il ne s'agit ici que du droit à disposer d'un compte pour bénéficier d'une carte de retrait ou pouvoir recevoir des virements.

M. Ladislas Poniatowski . - Il faut faire très attention, cette possibilité ne doit pas être ouverte à toutes les associations. Votre intention est bonne mais la rédaction que vous proposez est permissive.

M. Daniel Raoul , président . - Monsieur le rapporteur, il faudrait effectivement préciser quelles sont les associations concernées.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement pourrait confier à un décret le soin de définir les associations habilitées ?

L'amendement n° Afféco-7 est adopté sous réserve de rectification.

Article additionnel après l'article 21

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'amendement n° Afféco-8 vise à favoriser la mobilité bancaire qui n'est que de 7,5 %, contre 9 % en moyenne dans l'Union européenne. A cette fin, il prévoit que l'établissement d'origine propose un service de transfert vers le nouveau compte valable 12 mois pour l'ensemble des opérations, au crédit ou au débit.

M. Daniel Raoul , président . - Le réflexe de rétention des banques n'est pas sans nous rappeler celui des opérateurs de téléphonie mobile.

L'amendement n° Afféco-8 est adopté.

Article 21 bis A

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Afin d'éviter que les nouvelles modalités d'information des usagers des banques ne soient retardées par l'attente d'un décret, l'amendement n° Afféco-9 prévoit qu'elles devront être mises en oeuvre avant le 1 er janvier 2014 inclus.

L'amendement n° Afféco-9 est adopté.

Article additionnel après l'article 24

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - Compte tenu des difficultés rencontrées par certaines personnes, souvent les plus vulnérables, pour payer en espèces des services tels que la cantine ou la crèche, l'amendement n° Afféco-10 impose à l'État et aux autres personnes publiques d'informer leurs débiteurs des modalités de réception de ce type de paiement. Ils sont de toute façon autorisés par la loi, bien que celle-ci puisse poser des problèmes à certaines administrations.

M. Gérard César . - Il suffit de créer une régie de recettes !

L'amendement n° Afféco-10 est adopté ainsi que l'amendement n° Afféco-11, rédactionnel.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis . - Mon amendement n° Afféco-12 se propose d'étendre aux commerçants la possibilité de disposer d'un récapitulatif annuel de frais facturés, en particulier pour les services de paiement.

L'amendement n° Afféco-12 est adopté.

M. Yannick Vaugrenard , rapporteur pour avis . - L'objet de l'amendement n° Afféco-13 est de permettre une meilleure compensation entre dettes fiscales et créances sur les collectivités publiques. La possibilité de compensation serait acquise de droit lorsque le redevable le demande et non plus soumises à l'appréciation du comptable public. La mise en oeuvre sera sans doute techniquement difficile mais il est important de poser ce principe, notamment au profit des PME, TPE et des artisans.

M. Daniel Raoul , président . - Dois-je comprendre que cela vaut aussi pour les fonds européens ? Je connais une technopole pour laquelle les paiements ont deux ans de retard ; c'est nous qui faisons la banque...

Mme Renée Nicoux . - Le Trésor public devraient payer des intérêts de retards !

M. Claude Dilain . - Il faut faire attention car en pareils cas, on peut être accusé d'exercice illégal du métier de banquier...

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Ces retards peuvent être imputables à l'Europe ou à l'État France.

M. Daniel Raoul , président . - Oui, c'est très souvent l'État France.

L'amendement n° Afféco-13 est adopté.

La commission adopte le rapport pour avis et les amendements proposés.

ANNEXE I - AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Tous les amendements étaient présentés par M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

Article additionnel après l'article 4 nonies

Amendement n° 2

I. Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre V du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L'assemblée générale ordinaire des actionnaires se prononce annuellement sur l'enveloppe des rémunérations de toutes natures des mandataires sociaux et des salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre 1er ter

Encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire

Article 7

Amendement n° 1

I. - Après l'alinéa 14

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 613-31-12-1. - Dans les sociétés mentionnées à l'article L. 612-2, les engagements qui déterminent la rémunération des mandataires sociaux et des salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de leur société précisent les conditions dans lesquelles ces personnes renoncent à tout ou partie de leur rémunération variable, notamment différée, en cas de mise en oeuvre du plan préventif de rétablissement mentionné à l'article L. 613-31-11 ou du plan préventif de résolution mentionné à l'article L. 613-31-12. Parmi les éléments de rémunération visés au présent alinéa figurent les indemnités ou avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de fonctions de ces personnes.

« Les stipulations prévues au premier alinéa, qui définissent les conditions du renoncement à une part de la rémunération, sont communiquées à l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Celle-ci s'assure qu'elles sont de nature à garantir une participation financière effective des personnes concernées en cas de mise en oeuvre du plan préventif de rétablissement ou du plan préventif de résolution.

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 613-31-12-1 du code monétaire et financier est applicable aux contrats conclus à partir de la publication de la présente loi. Les contrats conclus avant cette date doivent être modifiés dans un délai de trois ans après la publication de la même loi pour tenir compte de l'obligation prévue par le même article L. 613-31-12-1.

Article 11

Amendement n° 3

Alinéa 42

Après le mot :

audition

insérer les mots :

par la commission permanente compétente de l'Assemblée nationale ou du Sénat réunie à huis clos ou

Article 17

Amendement n° 4

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le plafond par opération ne peut s'écarter de façon abusive des coûts réels supportés par les établissements de crédit.

II. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les établissements de crédit proposent à celles de ces personnes qui se trouvent en situation de fragilité financière, eu égard notamment à leurs ressources, au nombre et à la fréquence des incidents de paiement, un entretien pour examiner leur situation. Ils mettent à leur disposition une offre qui comprend des moyens de paiement et des services appropriés et de nature à limiter les frais. Ils appliquent aux commissions visées au premier alinéa un plafond spécifique par mois et par opération adapté aux situations de fragilité financière.

Article 17 quater

Amendement n° 5

Alinéa 3

Après le mot :

comporter

insérer les mots :

, notamment les modalités d'accès à la médiation,

Article 17 quinquies (supprimé)

Amendement n° 6

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise fait l'objet d'une convention. Ce concours ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. »

II. - Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret.

Article 21

Amendement n° 7

I. - Alinéa 6

Remplacer les mots :

ou le centre communal ou intercommunal d'action sociale dont cette personne dépend

par les mots :

, le centre communal ou intercommunal d'action sociale dont cette personne dépend ou un organisme sans but lucratif, dont l'objet social est d'accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les consommateurs,

II. - Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les conditions auxquelles doivent répondre les associations visées à l'alinéa précédent sont fixées par décret.

Article additionnel après l'article 21

Amendement n° 8

Après l'article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« VI. - En cas de changement d'établissement bancaire pour la gestion d'un compte de dépôt, l'établissement gérant initialement le compte propose un service de transfert vers le nouveau compte de l'ensemble des opérations au crédit ou au débit qui se présenteraient sur le compte clôturé vers le nouveau compte. Ce service est effectif pour une durée de 12 mois.

« Les opérations ayant fait l'objet d'un transfert sont signalées comme telles sur le relevé mensuel du nouveau compte du client. »

II. - Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret.

Article 21 bis A

Amendement n° 9

I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le I entre en application dès la publication du décret prévu au II bis de l'article L. 314-7 du code monétaire et financier et au plus tard le 1er janvier 2014.

II. - En conséquence, alinéa 1

Faire précéder cet alinéa de la mention :

I. -

Article additionnel après l'article 24

Amendement n° 10

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 313-13 du code monétaire et financier, après le mot : « entreprises », il est inséré le mot « agricoles, ».

Article additionnel après l'article 24

Amendement n° 11

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 112-11 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours du mois de janvier de chaque année, est porté à la connaissance du bénéficiaire du paiement un document distinct récapitulant le total des sommes perçues par le prestataire de paiement au cours de l'année civile précédente au titre des frais facturés fixés contractuellement. Ce récapitulatif distingue, pour chaque catégorie de produits ou services, le sous-total des frais perçus et le nombre de produits ou services correspondants. »

II. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 2014.

Article additionnel après l'article 24

Amendement n° 12

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'État et les autres personnes publiques informent leurs débiteurs des modalités de paiement en espèces. »

Article additionnel après l'article 24

Amendement n° 13

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu'elle est demandée par le redevable, la compensation est de droit. »

ANNEXE II - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 26 février 2013

- BNP : MM. Nicolas Pillet , responsable de gestion financière et Jean-Jacques Santini , directeur des affaires institutionnelles.

Mercredi 27 février 2013

- Fédération bancaire française (FBF) : Mme Oriane Obolensky , directrice générale, MM. Pierre Bocquet , directeur du département banque de détail, Jean-Paul Caudal , directeur du département supervision bancaire et comptable et Mme Séverine de Compreignac , directrice des relations institutionnelles ;

- Banque de France : MM. Jean-Luc Vatin , directeur de la surveillance des relations entre les particuliers et la sphère financière et Édouard Fernandez-Bollo , secrétaire général adjoint de l'autorité de contrôle prudentiel et Mme Véronique Bensaid , conseillère parlementaire ;

- Boursorama : M. Patrick Sommelet , directeur général adjoint ;

- Mme Laurence Scialom , professeur à l'université de Paris ouest Nanterre La Défense.

Jeudi 28 février 2013

- Cabinet du ministre de l'économie et des finances : MM. Yann Pouezat , chef du bureau Bancfin1, Jean-François Juéry , adjoint au chef de bureau Bancfin1, Alexis Zajdenweber , conseiller chargé du secteur financier, Cédric O , conseiller parlementaire, Mmes Magali Cesana , chef du bureau Banfin4 et Anne Blondy-Touret, chef du bureau Assur1, MM. Jean Boissinot , chef du pôle d'analyse économique du secteur financier et Pierre Chabrol , adjoint au chef de bureau Finent1 ;

- CLCV : Mme Sandrine Perrois, juriste ;

- UFC QUE CHOISIR : M.  Maxime Chipoy , responsable des études et Mme Laetitia Jayet , chargée de mission.

ANNEXE III - LE RAPPORT LIIKANEN ET LES EFFETS DU GIGANTISME BANCAIRE

Le rapport Liikanen apporte de nombreux éléments sur l'organisation du secteur bancaire en Europe et en particulier sur les avantages ou inconvénients du gigantisme bancaire en termes de coûts, d'efficience et de risques.

1. Les effets de la taille des banques sur la performance et le risque

Le rapport Liikanen effectue (p. 33 et suivantes) une revue de la littérature économique dont il ressort que :

- les grandes banques universelles se caractérisent par une dépendance plus grande à l'égard de sources de financement à court terme , une volatilité plus grande et revenus et une exposition plus grande aux risques de marché ;

- les banques de détail ont été en général meilleures que les autres en terme d'efficience et de mesure de la performance .

Les activités des banques dépendent beaucoup de leur taille :

- les banques de petite taille tendent à se consacrer à des activités de banque commerciale classique , de sorte que leur bilan comprend plus de prêts et moins d'actifs de marché :

- les petites banques ont également un ratio « tier 1 » plus élevé, ce qui est un signe de plus grande résistance en cas de pertes inattendues . De plus, les dépôts constituent une part plus importante de leurs actifs :

Ces considérations ne constituent toutefois que des moyennes. Le rapport souligne que la structure de financement est un déterminant important de la résilience des banques, de sorte que certaines banques commerciales (aussi bien grandes que petites) ont échoué à cause de leur dépendance trop grande à l'égard des marchés à court terme (ex. Northern Rock et Dexia).

Enfin, une différence essentielle est que la faillite d'une petite banque a des risques systémiques bien moins importants que la faillite d'une grande banque , sauf si un grand nombre de petites banques sont exposées au même risque.

2. Les économies liées à la taille ou à la diversification des banques

Le rapport Liikanen réalise (annexe 4) une revue de la littérature économique relative aux économies qu'apportent ou non la taille des banques et leur diversification.

a) Les économies d'échelle (taille des banques)

Il en ressort que les économies d'échelle existent , mais atteignent leur niveau maximal pour un montant d'actifs relativement bas . Des chiffres de 500 millions ou de 10 milliards de dollars ont été avancés par différentes études pour le point où les économies d'échelle sont les plus élevées (à comparer avec le bilan des principales banques françaises, qui est supérieur à 1 000 milliards de dollars).

Une étude a ainsi montré que, dans les banques commerciales américaines, les coûts opérationnels unitaires étaient plus élevés lorsque la banque avait plus de 50 milliards de dollars d'actifs.

Le rapport Liikanen conclut que « This would suggest that, even allowing for growth in the minimum efficient scale over time, today's largest banks may be well beyond the technologically optimal point . »

De plus, les économies d'échelle concernent notamment des activités telles que les activités de paiement ou de compensation, qui pourraient être mutualisées entre des banques juridiquement séparées.

Le rapport note par ailleurs que :

- il n'y a pas de preuve qu'une fusion entre deux banques ait pour effet une efficacité accrue ;

- les grandes banques , sur des marchés concentrés, risquent d'abuser de leur pouvoir de marché , ce qui accroîtrait les coûts de crédit. Ce point n'est toutefois pas clairement établi ;

- les grandes banques peuvent bénéficier d'une subvention du type « trop grand pour disparaître » ;

- la recherche semble montrer que les petites banques prêtent plus volontiers à des petites entreprises que les grandes . Les grandes banques préféreraient prêter à des grandes entreprises, dont le risque peut être plus facilement évalué. Or le rôle des banques est, en Europe, crucial pour le financement des PME qui accèdent plus difficilement aux marchés (rapport Liikanen, p. 29 et 87) ;

- d'autres études se demandent si les fusions de banque ne sont pas dues à la volonté personnelle des dirigeants de construire un empire , plutôt qu'aux économies d'échelle ou à l'intérêt des actionnaires.

b) Les économies liées à la diversification des activités

La diversification a pour objet :

- de proposer des services mieux adaptés à leurs clients ;

- de réduire les coûts opérationnels ;

- de diversifier l'exposition au risque .

Mais elle peut aussi entraîner :

- des conflits d'intérêt ;

- une complexité accrue , qui accroît les coûts de la gestion du risque et réduit la transparence ;

- une prise de risque accrue , si la diversification consiste en fait à étendre les activités vers les marchés les plus risqués ;

- des risques systémiques accrus : si toutes les banques se diversifient de la même manière, elles finissent en fait par se ressembler et un choc peut donc les affecter toutes en même temps.

Au total, les études montrent des effets contrastés de la diversification des activités, sans conclure clairement sur un bilan coûts/avantages.

c) En résumé

3. La question de l'inclusion des activités de tenue de marché

Le rapport Liikanen propose de cantonner les activités « à risque » dans une filiale. Il y inclut les activités de tenue de marché (« market making »), afin d'éviter « l'ambiguité » d'une distinction entre les activités pour compte propre et celles de tenue de marché.

Il souligne que les activités de risque ne se limitent pas aux activités menées à compte propre, mais incluent aussi la tenue de marché, la banque d'investissement ou de couverture de risque :

The IMF (2011a) also highlights trading risks as an indicator for the risk of financial distress. Based on a sample of 79 systemically important banks, the study reports that most of the US and EU banks with substantially greater than average trading activities (as measured by the ratio of trading income to revenues) were more likely to require explicit state support than other banks. It also suggests that proprietary trading may be only part of the problem, and that "risk could emanate from losses attributed to non-proprietary trading activities such as market-making, investment banking and hedging".

Le projet de loi, en revanche, permet à la banque commerciale de continuer à exercer des activités de tenue de marché. Ce choix, selon le rapport d'information n° 670 des députés Christophe Caresche et Didier Quentin, est justifié par les particularités du marché financier français et la mise en oeuvre des règles de Bâle III :

« En effet, avec les nouveaux ratios de Bâle en matière de solvabilité et de liquidité et dans le contexte d'évolution générale du financement de l'économie de la bancarisation vers la titrisation selon modèle anglo-saxon, les établissements de crédit vont avoir tendance à inciter les grandes, mais vraisemblablement aussi les moyennes entreprises, à rechercher sur le marché une part croissante des financements à long terme dont elles ont besoin. Comme l'a souligné M. Louis Gallois, ancien membre du groupe présidé par Erkki Liikanen, à la mission d'information, il est indispensable que les banques puissent accompagner ces entreprises sur les marchés et, par conséquent, développer leur activité de tenue de marché. »

Mme Karine Michel, rapporteur du projet de loi pour la commission des finances de l'Assemblée nationale, fait toutefois observer que « plusieurs économistes ont souligné que les banques réussissaient souvent à réaliser des actions spéculatives sous couvert d'opérations de tenue de marché ».

Tout en notant que la règle Liikanen aurait pour effet d'évincer les banques européennes des activités de tenue de marché et entraînerait notamment la fin du système des spécialistes en valeur du Trésor (SVT), elle préconise « que les opérations de tenue de marché ne soient maintenues dans la banque commerciale que jusqu'à un certain seuil déterminé en fonction du produit net bancaire. Si les opérations de tenue de marché représentent un volume trop important, on peut en effet estimer qu'elles comprennent des activités plus spéculatives qui doivent être cantonnées. »

4. Annexe : classement des plus grandes banques européennes

(source : rapport Liikanen, p. 55)

ANNEXE IV - LES AIDES AUX BANQUES EN EUROPE DEPUIS 2008

Les turbulences sur les marchés financiers déclenchées par la crise financière de 2008 ont nécessité la mise en place de vastes moyens d'intervention par les gouvernements européens et les banques centrales.

1. Les garanties résultant des aides d'État autorisées par la Commission européenne

L'aggravation de la crise de la dette souveraine a conduit les États membres de l'Union européenne (UE) et la Commission européenne à arrêter un « paquet de mesures bancaires » destinées à renforcer les fonds propres des banques et à garantir les passifs bancaires 18 ( * ) , restaurer la confiance dans le secteur financier et éviter une crise systémique.

Des aides d'État au secteur financier ont ainsi été autorisés à hauteur de 5 058,9 milliards d'euros entre le 1 er octobre 2008 et le 1 er octobre 2012 , ce qui représente 40,3 % du produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne.

Au cours de cette période :

- l'essentiel des aides a été autorisé en 2008 , lorsque 3 394 milliards d'euros (27,7 % du PIB de l'Union européenne) ont été débloqués, principalement sous la forme de garanties couvrant les obligations et les dépôts des banques. Pour les seules banques françaises, l'État français a mobilisé 360 milliards d'euros en 2008 (dont 320 milliards sous forme de garanties), auxquelles s'ajoutent 53 milliards pour Dexia, soit plus de 410 milliards d'euros au total ;

- pour la période allant de 2008 à 2011 , le montant total des aides utilisées s'est élevé à 1 615,9 milliards d'euros (presque 13 % du PIB de l'Union européenne) . La majeure partie de ces aides a été consacrée aux garanties, qui représentent un montant d'environ 1 084,8 milliards d'euros (8,6 % du PIB de l'Union européenne), puis aux recapitalisations à hauteur de 322,1 milliards d'euros (2,5 % du PIB de l'Union européenne), aux sauvetages d'actifs dépréciés à hauteur de 119,9 milliards d'euros (0,9 % du PIB de l'Union européenne) et aux mesures d'injection de liquidités à hauteur de 89 milliards d'euros (0,7 % du PIB de l'Union européenne) ;

- en 2011 , la Commission a approuvé des aides au secteur financier à hauteur de 274,4 milliards d'euros (2 % du PIB de l'Union européenne). Les nouvelles aides autorisées étaient ciblées sur un petit nombre de pays et concernaient des garanties à hauteur de 179,7 milliards d'euros, des mesures d'injection de liquidités à hauteur de 50,2 milliards d'euros, des recapitalisations à hauteur de 38,1 milliards d'euros et le sauvetage d'actifs dépréciés à hauteur de 6,4 milliards d'euros.

Le volume d'aides total utilisé en 2011 a atteint 714,7 milliards d'euros, soit 5,7 % du PIB de l'Union européenne. Les garanties en cours se sont élevées à 521,8 milliards d'euros et les émissions de nouvelles garanties à 110,9 milliards d'euros. Les interventions ayant trait aux liquidités ont atteint 43,7 milliards d'euros et les nouveaux apports de liquidités en 2011 se sont élevés à 6,5 milliards d'euros. Les mesures de recapitalisation se sont élevées à 31,7 milliards d'euros. Aucune aide n'a été accordée au titre des mesures de sauvetage d'actifs dépréciés autorisées.

2. Les garanties apportées par les opérations de refinancement conduites par la banque centrale européenne

Fin décembre 2011 et début 2012, la Banque centrale européenne a décidé de conduire deux opérations de refinancement à long terme ( LTRO : Long Terme Refinancing Operation ), d'une durée de trois ans chacune.

Pour renforcer leur attrait, ces opérations ont été assorties d'une option de remboursement total ou partiel des montants alloués par l'Eurosystème, cette option pouvant s'exercer selon un rythme hebdomadaire débutant au bout d'un an environ.

Les difficultés de financement auxquelles de nombreuses banques étaient confrontées à l'époque où les opérations ont été conduites et le taux d'intérêt appliqué à l'opération (proche de 1 %), qui était attrayant comparé aux taux de marché correspondants, notamment ceux des prêts garantis d'une durée de trois ans, ainsi que la faculté d'exercer l'option de remboursement anticipé, ont abouti à une demande significative lors des deux opérations.

La première a suscité des soumissions de 523 contreparties, pour un montant de 489,2 milliards d'euros environ (y compris des reports à hauteur de 45,7 milliards alloués lors de l'opération de refinancement à plus long terme d'une durée d'un an dont l'adjudication avait eu lieu en octobre 2011).

Le volume de la seconde opération a été encore plus important, donnant lieu à des soumissions de 800 contreparties, à hauteur de 529,5 milliards d'euros environ .

Au total, les montants alloués lors des deux opérations ont entraîné une augmentation nette de 480 milliards d'euros environ de la liquidité injectée par l'Eurosystème.

Les banques françaises et la Banque de France ont peu communiqué sur les sommes souscrites aux LTRO.

D'après les informations fournies par la presse, les banques françaises auraient augmenté de 43,6 milliards d'euros leurs emprunts auprès de l'Eurosystème entre le 13 décembre 2011 et le 17 janvier 2012 dans le cadre de leurs opérations de refinancement à plus long terme, empruntant sur la période 107 milliards d'euros contre 63,4 milliards lors de la précédente opération de refinancement à plus long terme.

Ces chiffres doivent toutefois être compris comme concernant les établissements bancaires français mais aussi les filiales de banques étrangères établies en France.

En outre, de nombreuses analyses remettent en cause ces chiffres et estiment qu'ils pourraient avoir été largement sous estimés.

Les banques françaises seraient, en tout état de cause, devenues les troisièmes plus importants bénéficiaires du soutien de la BCE (derrière les banques espagnoles et italiennes).

ANNEXE V - LA NOTION DE GARANTIE PUBLIQUE IMPLICITE

1 . Le concept de garantie implicite

Le risque de défaut d'un acteur économique fait partie du fonctionnement de tous les secteurs de l'économie. Il donne lieu à un système d'assurances et de réassurances dont le coût se répercute normalement dans les prix offerts et dans les taux servis.

La crise financière a néanmoins remis en lumière une particularité du secteur bancaire : certains établissements bancaires ont une dimension « systémique » 19 ( * ) . En raison de leur très grande taille, de l'extrême densité des liens financiers qui les lient au reste de l'économie, ou du caractère indispensable ou non-substituable de leur activité, il est généralement admis par les investisseurs que les pouvoirs publics ne les laisseront jamais faire défaut (« too big to fall »). Leurs actionnaires, clients et créditeurs échappent ainsi à un risque de perte ou de banqueroute : la perspective d'un défaut est écartée par la quasi-certitude que l'État interviendra au soutien de l'institution, en dernier ressort (« bail-out »).

La garantie des pouvoirs publics n'est pas explicite : elle n'est formalisée par aucun engagement juridique (réglementaire ou contractuel) ni par aucune dotation budgétaire.

L'existence de cette garantie publique de sauvetage des banques résulte d'un calcul économique rationnel (dans le cas d'une crise d'ampleur, les conséquences de faillites bancaires en cascade seraient bien supérieures pour l'État au coût représenté par un soutien public ponctuel) et est corroborée par l'expérience (les précédents historiques sont nombreux : sauvetage du Crédit Lyonnais dans les années 1990 ou, plus récemment, de la banque Dexia). L'intervention des autorités publiques ne répond pas à une norme explicite mais constitue un comportement probable anticipé par tous les agents : en ce sens, les établissements systémiques bénéficient d'une garantie publique dite « implicite » .

2. Les conséquences de la garantie implicite sur l'économie

L'existence d'un mécanisme de garantie publique implicite a des conséquences fortes sur le fonctionnement du secteur bancaire et, indirectement, sur l'ensemble l'économie.

a. Concernant le secteur bancaire :

- La garantie implicite provoque d'abord des distorsions de concurrence entre banques, celles qui bénéficient d'une telle garantie recevant un avantage compétitif sur celles, plus petites, qui n'en bénéficient pas. Les banques systémiques sont avantagées par des coûts de refinancement plus bas : le risque de faillite étant atténué, les investisseurs potentiels acceptent plus facilement de financer ces banques et demandent de moindres primes de risque, anticipant une intervention publique en cas de difficultés.

- La garantie implicite peut paradoxalement alimenter la propension des banques systémiques à prendre des risques croissants (phénomène d'« aléa moral ») : anticipant le fait que l'institution sera, de toute façon, couverte par les pouvoirs publics en cas de crise, elle peut être incitée à réaliser des investissements plus rémunérateurs mais plus dangereux. Un cercle vicieux se met alors en place, où la seule anticipation de la garantie augmente la probabilité de défaut de la banque et le coût qui devra être supporté in fine par les pouvoirs publics s'il faut sauver l'établissement.

- Enfin, de façon plus générale, l'existence d'une garantie implicite favorise une croissance excessive de la taille du secteur bancaire par rapport aux autres secteurs de l'économie, dont elle détourne des ressources.

b. Concernant l'économie dans son ensemble :

Économiquement, le fait de bénéficier d'une garantie de sauvetage en cas de faillite, sans pour autant en supporter le coût correspondant, doit s'analyser comme une subvention : il y a transfert de ressources entre agents, depuis le budget de l'État - et donc des contribuables - au bénéfice du secteur financier.

Pour l'État, la garantie implicite des banques a un coût : la dégradation des conditions de financement de la dette publique . Pour couvrir le risque de déclenchement de la garantie implicite, les investisseurs exigent en effet des taux plus élevés, ce qui augmente encore la charge de la dette.

En France, l'augmentation des écarts de taux auxquels le pays emprunte depuis 2010, comparés à l'Allemagne (« spreads »), et la dégradation de la note souveraine par plusieurs agences s'expliquent sans doute en partie par le coût croissant de la subvention implicite accordée à certaines des banques systémiques nationales, très exposées dans la crise des pays périphériques de la zone euro, et dont le sauvetage serait particulièrement coûteux.

Réciproquement, la répartition de l'avantage au sein du secteur financier et entre ses différents créditeurs, actionnaires, clients et salariés, dépend, elle, de la structure du secteur et du pouvoir de négociation relatif de chacun de ses acteurs.

3. Les méthodes d'évaluation du montant de la garantie implicite (USA, GB)

La garantie publique dont bénéficient les banques systémiques étant implicite, ses modalités ne sont pas fixées et son montant n'est pas directement observable (contrairement à une garantie explicite dont le montant est certain et dont le coût pour les pouvoirs publics peut être facilement couvert en instituant, par exemple, une redevance).

Les études économétriques et les réflexions méthodologiques pour évaluer le montant de la subvention implicite consentie aux acteurs majeurs du secteur financier ont connu une nouvelle vigueur depuis 2008 et la faillite de Lehman Brothers , l'essentiel des travaux universitaires et des évaluations économétriques se concentrant sur le cas des banques anglo-saxonnes.

Pour quantifier le montant des garanties publiques implicites dont bénéficient les différentes banques systémiques, les économistes ont recours à plusieurs méthodes indirectes , qui donnent des estimations et des ordres de grandeur d'ampleur très variable :

- La méthode des écarts de coûts de financements en fonction de la taille size based funding advantage model ») compare les coûts de financements des institutions financières selon que la valeur de leur actif se situe au-dessous ou au-dessus du seuil de 100 milliards de dollars (partant de l'hypothèse simplificatrice que seuls les grands établissements, au-dessus de ce seuil, ont un caractère systémique).

Une étude américaine comparant ainsi en 2009 les coûts de refinancement entre un échantillon de banques systémiques et un échantillon de banques non systémiques suggère, pour les États-Unis, que la subvention implicite représente entre 10 et 50 % des profits des grandes banques . La fourchette est large, mais même si on retient sa borne inférieure, on voit qu'on a affaire à un phénomène significatif.

- La méthode des écarts de notation ratings based funding advantage model » ) utilise le fait que les agences de notation intègrent dans leurs évaluations la probabilité d'un soutien public. Grâce à la garantie implicite, les entreprises du secteur financier sont considérées comme des actifs moins risqués, ce qui améliore de quelques crans la notation des entreprises du secteur financier par rapport à d'autres et abaisse leurs coûts de financement.

Une étude menée sur le secteur bancaire britannique montre qu'entre 2007 et 2009, les notes attribuées aux banques britanniques pour lesquelles un soutien public est jugé probable par les agences sont supérieures de 1,5 à 4 crans aux notes attribuées à celles n'en bénéficiant pas. Appliqué aux montants des intérêts de la dette émise par ces banques, cet écart représente un avantage de refinancement estimé à 55 milliards de livres par an pour les cinq principales banques britanniques .

4. Le cas des banques systémiques françaises

Il n'existe pas, pour la France, d'études présentant la même robustesse méthodologique que celles publiées par le FMI ou les banques centrales. Ni l'étude d'impact du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires ni les services du Ministère des Finances ne semblent en mesure d'avancer d'évaluation chiffrée qui permette d'éclairer le Parlement sur le montant dont bénéficient les banques françaises au titre de la garantie implicite.

Une étude menée par le think-tank progressiste anglais NEF (et cité par Conseil des prélèvements obligatoires) extrapole aux banques françaises des travaux menés selon la méthode des écarts de notation. Elle permet de faire une première évaluation de l'ordre de grandeur de l'avantage économique induit par la garantie implicite des banques françaises. Ce montant est ensuite comparé à l'impôt annuel sur les sociétés et au profit annuel moyen de chaque banque.

Il en ressort que, pour les banques françaises, la garantie implicite représenterait 48 milliards d'euros d'avantages induits , à mettre au regard des presque 18 milliards de profits totaux dégagés au total par les quatre grands établissements bancaires. L'avantage induit estimé selon cette méthode dépasse ainsi souvent largement le montant annuel moyen des profits et le montant annuel moyen des impôts acquittés par les banques. Cette évaluation est sans doute surévaluée par la méthode de calcul, mais les ordres de grandeur obtenus justifieraient que des études complémentaires indépendantes sont menées sur ce thème.

Avantages induits par la garantie publique apportée aux grandes banques françaises
(en milliards d'euros)

France

Avantage induit par la garantie publique (2010)

Profits annuels moyens (2005-2010)

Impôt sur les sociétés annuel moyen (2005-2010)

BNP Paribas

6,221

9,333

2,417

Crédit Agricole SA

12,293

3,690

0,635

Société Générale

5,398

4,556

1,140

BPCE

23,988

< 0

< 0

Total

47,900

Moyenne

11,975

Extrait de : Conseil des prélèvements obligatoires - Rapport sur les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier (banques et compagnies d'assurance) - Rapport particulier n°3 « L'imposition des entreprises du secteur financier est-elle ajustée à leur capacité contributive ? » Gunther CAPELLE-BLANCARD Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne & CEPII, Jézabel COUPPEY-SOUBEYRAN Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne & CAE

Sources : New Economics Foundation, « Quid Pro Quo. Redressing the privileges of the banking industry », 2011. Profits et impôts cumulés : Bankscope. Compilation et calculs des auteurs.


* 1 L'expression est impropre puisqu'il n'existe pas de centralisation des offres et des demandes et donc de prix public et unique.

* 2 A ses côtés, le Système européen de surveillance financière (SESF) observe les établissements financiers (politique microprudentielle) en coordonnant le réseau de superviseurs nationaux, en coopération avec trois nouvelles entités européennes de contrôle des banques, des assurances et des Bourses.

* 3 NS Reaal recevra 2,2 milliards d'euros pour sa recapitalisation, 1,1 milliard supplémentaire sous forme de prêts et 5 milliards de garanties. Au titre de la solidarité de place, les autres banques devront s'acquitter d'une contribution au sauvetage financier à hauteur de 1 milliard d'euros en 2014.

* 4 Un aléa moral, concept fondamental de l'analyse assurantielle, désigne le comportement d'un agent qui, parce qu'il est assuré contre un sinistre, prend moins de précautions pour l'éviter, ce qui augmente la probabilité d'occurrence de celui-ci. La technique de base pour neutraliser un aléa moral consiste à faire supporter une partie du coût du sinistre à l'assuré.

* 5 À titre d'exemple, en 2011, le bilan de la BNP représentait 98 % du PIB français, celui du Crédit agricole, 86 %, et celui de la Société générale, 59 %. A titre de comparaison, le bilan de Lehman Brothers, au moment de sa faillite était de l'ordre de 600 milliards d'euros, soit moins du tiers de celui de la BNP.

* 6 Cf. Jean-Paul Pollin, professeur à l'université d'Orléans, « Controverses sur la régulation bancaire », in L'économie politique, n° 57, janvier 2013, p40

* 7 Pour plus de précisions sur cette notion on pourra se reporter à la note figurant en annexe.

* 8 Présidé par le Gouverneur de la Banque de Finlande et ancien membre de la Commission européenne, Erkki Liikanen.

* 9 Pour plus de précisions sur ce rapport, on pourra se reporter à la note figurant en annexe.

* 10 Le rapport préconise aussi des mesures importantes en matière de résolution bancaire.

* 11 Dans le nouvel article L. 511-47 du code monétaire et financier créé par l'article 1 er , sont visés les établissements financiers dont les activités de marché sont significatives (les seuils précis seront définis par décret). Concrètement, la mesure concernera cependant bien les quatre banques françaises d'importance systémique : BNP, BPCE, Société générale et Crédit agricole.

* 12 Loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.

* 13 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

* 14 Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF).

* 15 Loi n° 2003-706 du 1 août 2003 de sécurité financière.

* 16 Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

* 17 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 18 Conclusions du Conseil «Affaires économiques et financières» du 8 novembre 2011.

* 19 La France compte ainsi plusieurs très grandes banques, en particulier : BNP-Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole et le groupe Banque Populaire-Caisses d'Epargne (BPCE).

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