B. L'IMPÉRATIF DE LA SÉCURISATION DES POSTES DIPLOMATIQUES

1. Un effort budgétaire de 6 millions d'euros (+ 23 %)

L'élévation continue du niveau des menaces et la diversification de leur forme, déjà analysée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationales de 2008, n'a fait que s'accroitre et met en danger plusieurs de nos implantations et de nos diplomates, qui peuvent constituer des cibles pour les terroristes , comme cela vient d'être spectaculairement rappelé par l'odieux attentat contre l'ambassadeur américain à Benghazi.

Dans ce contexte, vos rapporteurs se sont tout spécialement penchés sur la question de la sécurisation de nos implantations diplomatiques.

Le ministre l'a affirmé lors de son audition devant votre commission, c'est une priorité du budget 2013, avec une hausse de 23 % des crédits, soit un apport supplémentaire de 6 millions d'euros.

Un examen plus attentif des crédits montre qu'il s'agit en fait plutôt de ce qu'on appelle en technique budgétaire un « rebasage », c'est-à-dire, dans un effort de sincérité budgétaire, d'un réajustement des dotations de la loi de finances initiale au niveau des besoins réellement constatés en exécution budgétaire les années précédentes.

En effet, par le passé, les lois de finances rectificatives sont venues abonder, en cours d'année, des dotations de loi de finances initiales qui s'avéraient insuffisantes pour couvrir les besoins (8 millions d'euros complémentaires en loi de finances rectificatives pour 2010, 5 millions en 2009), comme le montre le tableau ci-dessous :

Source :service de la sécurité diplomatique du ministère des Affaires étrangères

Qu'importe, cet effort est bienvenu. Il permettra en outre de fonder la programmation des travaux sur des bases plus solides, sans attendre des compléments forcément plus aléatoires en cours d'année.

2. Une tendance de long terme à l'envolée des coûts

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs auprès du service de la sécurité diplomatique et de défense (SSD) du ministère des Affaires étrangères, qui assure la modernisation et la mise à niveau de la sécurité du réseau diplomatique, la « mise à niveau » des dispositifs de sécurité a commencé en 2007 . Cette mise à niveau se traduit à la fois par des investissements conséquents en travaux et en matériels et par une utilisation plus « rationnelle » des effectifs dévolus à la sécurité des postes.

Dans le domaine de la sécurité passive , il s'agit de la mise aux normes des postes en les auditant, en faisant procéder aux travaux nécessaires et en mettant en place les procédures de fonctionnement adaptées aux nouveaux matériels installés. Parallèlement à cette tâche de long terme, le service de la sécurité diplomatique doit répondre aux urgences créées par l'évolution rapide de la menace et notamment du terrorisme. C'est le cas par exemple de nos postes confrontés aux activités du réseau Al Qaïda au Maghreb Islamique, que ce soit dans la zone afghano-pakistanaise, au Yémen ou encore dans le Sahel (Mauritanie, Niger, Mali).

TRAVAUX DE SÉCURISATION SIGNIFICATIFS- (EN MILLIONS D'EUROS)

2011

2012

2013

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AFGHANISTAN

1,22

1,22

LIBAN

0,96

0,56

BURKINA FASO

0,8

0,8

ALLEMAGNE

0,6

0,6

MAROC

1,3

1,3

SENEGAL

0,7

0,7

CAMEROUN

0,76

0,76

IRAK

0,19

0,19

LIBAN

1,10

1,10

CHINE

0,48

0,48

MALI

0,32

0,32

AFGHANISTAN

1,2

1,2

ETHIOPIE

0,55

0,55

CONGO

0,23

0,34

MAURITANIE

1,00

1,00

GEORGIE

0,95

0,95

BENIN

0,26

0,26

MALI

0,6

0,6

GRECE

0,33

0,38

PAKISTAN

2,23

2,51

BIRMANIE

0,34

0,34

INDE

0,67

0,67

BAHREIN

0,63

0,63

TCHAD

0,4

0,4

IRAN

1,23

1,23

TCHAD

0,51

0,51

ESTONIE

0,3

0,3

LIBAN

0,78

0,78

ALBANIE

0,6

0,6

CONGO

0,6

0,6

MAROC

1,85

1,85

TUNISIE

0,23

0,23

ARMENIE

0,3

0,3

PAKISTAN

2,34

1,93

AFGHANISTAN

0,7

0,7

ANGOLA

0,3

0,3

YEMEN

0,57

0,83

TOTAL

13,2

13,2

THAILANDE

0,4

0,4

TOTAL

16,7

16,7

INDONESIE

0,4

0,4

IRAN

0,6

0,6

PAKISTAN

0,7

0,7

OUGANDA

0,5

0,5

BULGARIE

0,3

0,3

NIGER

0,3

0,3

TOTAL

16

16

Source :service de la sécurité diplomatique

Sur l'exercice 2011, le service de sécurité diplomatique a consacré 16 millions d'euros à la modernisation de la sécurité du réseau. Une cinquantaine de postes a pu être auditée (dont certains à plusieurs reprises dans le cadre du suivi des travaux comme en Afghanistan, Pakistan, Maroc, Cameroun...).

Le dispositif de sécurité de certains postes qui venaient d'être mis à niveau a dû, dans certains cas, être revu à la hausse (protection supérieure contre les explosifs) compte tenu du changement de nature de la menace (capacité d'action croissante des groupes terroristes), comme à Nouakchott ou à Bamako.

En effet, à peine les travaux terminés, une nouvelle campagne de sécurisation a dû être conduite en raison de l'élévation rapide de la menace : en février 2011, une tentative d'attentat à Nouakchott de l'AQMI a mis en oeuvre un véhicule avec 1,7 tonne d'explosifs.

Une quarantaine d'ambassades a bénéficié de crédits supérieurs à 50 000 euros, dont, comme cela figure dans le tableau ci-dessus, 12 à plus de 500 000 euros, pour une remise à niveau lourde de leur système de sécurité passive ( Afghanistan , Iran , Liban , Maroc , Pakistan , Éthiopie , Géorgie , Inde , Yémen ,....).

En 2012 , un budget de 13 millions d'euros était prévu pour les travaux de sécurité dans le réseau. Ainsi, une quarantaine de postes a été inspectée, soit dans le cadre du suivi des travaux, soit lors d'opérations nouvelles. 25 ambassades ont déjà fait l'objet cette année de mises à disposition de ressources d'un montant supérieur à 100 000 euros.

En 2013 , sont prévus des travaux dans les ambassades de Beyrouth, Islamabad, Téhéran, Kaboul...

Par ailleurs, en parallèle à la programmation annuelle, plusieurs ambassades font l'objet d'un plan pluriannuel de renforcement lourd contre la menace terroriste pour des montants supérieurs à 200 000 euros ( Kaboul , Islamabad , Fes , Tanger , Sanaa , Beyrouth ).

Le Quai d'Orsay poursuit parallèlement une réforme des gardes de sécurité diplomatique via la mise en place de Chefs de Sécurité Opérationnels (CSO).

Ces CSO ont des fonctions différentes de celles des traditionnels gardes de sécurité diplomatique, de conception de la sécurité du poste, de conseil auprès des autorités et de coordination avec l'équipe de vigiles. La mise en place des CSO s'accompagne également de programmations plus ou moins conséquentes en travaux de sécurité ou acquisition de matériel afin de mettre à niveau la sécurité passive des postes concernés. Il peut également s'avérer nécessaire de recruter des vigiles (recrutés locaux ou sociétés prestataires) pour renforcer la sécurité active.

Leur mise en place permet un redéploiement des emplois gagnés par ce biais vers les zones crisogènes : la mise en place de 29 postes de CSO (dont 4 créations de postes) a ainsi permis le gain de 30 équivalents temps plein (ETP). Ces ETP gagnés ont été redéployés pour répondre aux nécessités immédiates ou à venir, notamment dans des postes particulièrement sensibles ( Afghanistan , Yémen , Mauritanie ,...) ou dans des postes où l'effectif de gardes de sécurité est insuffisant.

En effet, 15 ambassades sur 158, 82 consulats sur 96 et 13 représentations permanentes sur 17 sont aujourd'hui dépourvus de gardes de sécurité.

Cette action de renforcement des sites s'est accompagnée de l'envoi, souvent dans l'urgence, de policiers ou gendarmes missionnaires , en renfort des effectifs permanents pour faire face aux situations de crise, assurer la garde des bâtiments ou la protection des autorités. A l'été 2012, 141 policiers et gendarmes étaient déployés à ce titre dans 25 pays.

Exemple pour deux cas sensibles : Kaboul et Bagdad

Kaboul : le dispositif humain de sécurité est conséquent. Il repose sur 7 policiers gardes de sécurité diplomatique (GSD) permanents et 14 missionnaires de renfort, dont 7 issus de la Force d'intervention de la Police nationale (FIPN), qui assurent la sécurité du campus diplomatique et les déplacements du chef de poste et de ses collaborateurs. Après d'importants travaux visant à renforcer la sécurité passive du poste, initiés en 2008, il est prévu de réaliser une pièce de repli et d'aménager des logements dans un espace sécurisé au profit des agents actuellement logés à l'extérieur.

Bagdad : 35 gendarmes et 34 vigiles locaux assurent la protection des deux sites (chancellerie et résidence). Les agents sont logés sur le campus diplomatique et les déplacements de l'ambassadeur et de ses proches collaborateurs sont sécurisés par le détachement de gendarmes placé sous la direction du GIGN. Le Département cherche à relocaliser la chancellerie et la résidence sur un site unique permettant d'intégrer des mesures de protection supérieures.

Au total, le service de la sécurité diplomatique et de défense estime les besoins de sécurisation à 16 millions d'euros annuels , répartis de la façon suivante :

a) maintien à niveau du réseau : 5 millions d'euros par an . A noter que cet entretien devient de plus en plus coûteux sous l'effet de facteurs cumulatifs : l'augmentation du coût de la main d'oeuvre, des matériaux et équipements électroniques et des nouvelles technologies, soit environ + 3 %/an ;

b) programmation pour la remise à niveau d'une dizaine de postes diplomatiques à l'étranger par an: 11 millions d'euros par an ;

- 2 postes exigeant la mise en place de mesures de renforcement de haut niveau et la reprise de l'ensemble du dispositif de sécurité, pour un budget annuel de 4 millions d'euros ;

- 6 postes nécessitant des travaux de sécurisation de moyenne envergure, pour un budget annuel de 4 millions d'euros ;

- 8 postes pour lesquels des travaux plus restreints sont suffisants, pour un budget annuel de 3 millions d'euros.

3. Un retard préoccupant pour l'actualisation des plans de sécurité des ambassades

Le deuxième volet de l'aspect « sécurité » est celui des plans de sécurité établis par les ambassades et destinés à assurer la sécurité des communautés françaises à l'étranger.

Le plan de sécurité est une planification qui doit permettre, dans les situations d'urgence, une transmission rapide et efficace des informations et consignes de sécurité de l'ambassade vers la communauté française. La circonscription consulaire de l'ambassade est découpée en îlots, zones géographiques placées sous la responsabilité de chefs d'îlots.

Dans un récent référé sur le Centre de crise du ministère des affaires étrangères, en date du 26 avril 2012, la Cour des comptes a pointé « l'obsolescence des plans de sécurité » des ambassades.

La Cour a relevé que sur les 169 plans de sécurité censés être tenus à jour par les ambassades pour la protection des ressortissants français et communautaires, 40 % n'avaient, à la date de son contrôle (juin 2012), pas été mis à jour depuis plus de 3 ans, et 17 % depuis plus de 5 ans. Dans certains pays comme en Égypte, les réseaux diplomatiques et consulaires n'en disposaient pas au moment des événements de 2011.

Pour expliquer cet état de fait, la Cour a notamment relevé les faiblesses de l'application informatique Phèdre, jugée « inutilisable » dans sa version en vigueur lors de l'élaboration des observations (NB : il s'agissait alors du logiciel « Phèdre II »).

Vos rapporteurs ont naturellement interrogé le ministère des Affaires étrangères sur cette question à laquelle ils attachent une haute importance.

Il apparait que les ¾ des plans devraient être mis à jour fin 2012, et le reliquat au cours du premier trimestre 2013.

La réponse du ministère (figurant ci-dessous), si elle ne méconnait pas les difficultés pointées par la Cour des comptes, montre une prise de conscience de l'enjeu et la mise en place des moyens pour remédier à la situation actuelle :

« Ces observations ne mettaient toutefois pas en cause le logiciel Phèdre III, en service depuis le mois de février 2012, sur lequel la totalité des 220 plans de sécurité de nos postes diplomatiques et consulaires sont en cours de saisie et de validation.

« La tenue à jour des plans de sécurité est, il est vrai, indissociable du support informatique sur lequel ces plans sont enregistrés et mis à jour. A cet égard, l'application Phèdre II, en vigueur au cours des années passées, a pu paraître lourde d'utilisation, peu conviviale et parfois lacunaire. Bon nombre de postes ont pu être découragés, devant les difficultés soulevées par cette application, d'assurer un suivi régulier des plans de sécurité. Cela explique la proportion insatisfaisante de plans de sécurité actualisés au moment du rapport de la Cour des comptes.

« A cet égard, le logiciel Phèdre III comprend de notables améliorations. Il a été conçu et développé pour mieux répondre aux besoins des postes : sa mise au point aura donc pris plus de temps que prévu initialement. Avec ce nouveau logiciel, plus moderne, plus interactif et plus opérationnel que le précédent, les plans de sécurité des postes se trouveront simplifiés. Ils comporteront par ailleurs une rubrique consacrée aux contacts à activer, en temps de crise, dans le pays concerné.

« En liaison étroite avec les postes, le Centre de crise veille, depuis le mois de mars 2012, à ce que tous les plans de sécurité soient saisis et validés sur Phèdre III. Il s'agira bien plus que d'un simple copier-coller des précédents plans de sécurité : les postes vont saisir cette occasion pour moderniser et mettre à niveau ce qui doit l'être. Des instructions détaillées ont été adressées aux ambassades et aux consulats généraux, en mars, juillet et octobre, pour les aider dans cette tâche. Un manuel d'utilisation de Phèdre III a été mis à leur disposition. Un message personnalisé a été envoyé aux officiers de sécurité, numéro 2 d'ambassades, pour leur rappeler les finalités, les enjeux et le calendrier de cette campagne . L'objectif, repris dans les indicateurs de performance retenus dans la cadre de la LOLF, est de faire en sorte que 75 % des plans de sécurité soient mis à jour fin décembre 2012. 100 % devraient l'être à la fin du premier trimestre 2013.

« Cela étant, tous les plans de sécurité des postes, loin s'en faut, n'ont pas à faire l'objet d'une remise à niveau substantielle. Ainsi, les plans de sécurité de nos postes situés dans les pays développés se greffent sur des plans nationaux de secours robustes. Par ailleurs, nos postes situés dans des pays à risques élevés disposent d'ores et déjà de plans de sécurité opérationnels. ».

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