4. La baisse contestable du plafond des dépenses

Lors de la discussion du présent projet de loi de finances, les députés ont adopté (conformément aux annonces faites par M. François Fillon, Premier ministre, sur le nouveau « plan de rigueur » du gouvernement) un amendement du gouvernement réduisant de 5 % le taux de remboursement par l'État des dépenses électorales exposées par les candidats à toutes les élections faisant l'objet d'un compte de campagne. L'aide aux partis politiques sera, elle aussi, diminuée de 5 %. Parallèlement, un « gel » du montant des plafonds de dépenses électorales à leur niveau de 2011 sera mis en place pour une durée indéterminée.

Le gouvernement a également fait état de son intention de déposer, dans un avenir proche, un projet de loi organique visant à diminuer de 5 % le remboursement des dépenses des candidats à l'élection présidentielle afin que cette réduction s'applique au scrutin d'avril-mai 2012 3 ( * ) .

Selon les déclarations en séance publique à l'Assemblée nationale de Mme Valérie Pécresse, ministre du Budget, ces mesures devraient générer une économie de 8 millions d'euros.

Toutefois, votre rapporteur considère que la diminution du montant du taux de remboursement des dépenses électorales soulève deux problèmes.

D'une part, de manière générale, il apparaît peu compatible avec l'objectif d'égal accès de tous les citoyens à la candidature de diminuer le montant du remboursement sans modifier le plafond de dépenses : une telle mesure revient en effet à avantager les candidats qui disposent de moyens financiers autonomes, détachés du financement accordé par l'État. En d'autres termes, la réforme prévue par les députés favoriserait les candidats qui disposent d'une fortune personnelle ou ceux qui sont rattachés à une « grosse » formation politique, et aurait l'effet inverse sur les plus « petits » candidats.

À cet égard, votre rapporteur souligne que le choix de diminuer le montant du remboursement public des frais de campagne est d'autant plus discutable, sur le fond, que les mêmes effets auraient pu être atteints via une baisse du plafond de dépenses électorales : aux termes de l'article L. 52-11-1 du code électoral, le montant maximal du remboursement public est en effet égal à la moitié du plafond de dépenses, si bien qu'une baisse de ce plafond aurait mécaniquement eu un impact sur le montant du remboursement, en même temps qu'elle aurait préservé l'égalité entre les candidats.

Lors de son audition par votre commission, le 8 novembre dernier, M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, s'était d'ailleurs associé à ce raisonnement 4 ( * ) et avait estimé qu'une baisse des plafonds de dépenses serait « plus cohérente » qu'une simple diminution du montant du remboursement.

D'autre part, le gouvernement souhaite que la modification des règles relatives au remboursement des dépenses électorales s'applique aux élections présidentielle et législatives, c'est-à-dire à des élections qui auront lieu dans moins d'un an. Or, on rappellera que le compte de campagne des candidats doit retracer l'ensemble des dépenses exposées par eux en vue de l'élection dans le délai d'un an avant le premier tour du scrutin : théoriquement, le compte de campagne des candidats aux élections qui auront lieu entre avril et juin 2012 a donc déjà débuté.

On perçoit aisément les problèmes qui peuvent découler d'une modification « en cours de route » de la législation (quelle que soit d'ailleurs la nature de cette modification potentielle), qui priverait les candidats de visibilité sur le traitement de leurs dépenses électorales et pourrait déstabiliser la conduite de leur campagne. Cette remarque s'applique particulièrement aux candidats à l'élection présidentielle -qui sont engagés dans une campagne longue et coûteuse.

Votre rapporteur relève, dans ce contexte, que le Parlement s'était jusqu'ici imposé de ne pas modifier les règles relatives au financement des campagnes électorales moins d'un an avant le scrutin : c'est d'ailleurs pour cette raison, comme en attestent tant le rapport de notre collègue Patrice Gélard 5 ( * ) que les débats en séance publique sur les textes du « paquet électoral » d'avril 2011, que l'application de la législation sur les comptes de campagne aux candidats aux élections sénatoriales avait été repoussée à 2014.

Votre rapporteur déplore que le gouvernement n'ait pas jugé bon de respecter cette règle constante et non-partisane, alors même que le montant des économies espérées est dérisoire face à celui des déficits publics.


* 3 Contrairement aux autres élections, régies par le code électoral, les règles relatives au financement de la campagne présidentielle figurent en effet dans la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 (article 3).

* 4 Voir le compte-rendu de la réunion de commission du 8 novembre, disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20111107/lois.html

* 5 Rapport n° 311 (2010-2011) sur la proposition de loi portant simplification du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l10-311/l10-311.html

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