II. UN BUDGET NATIONAL POUR L'AGRICULTURE EN LÉGER REPLI, QUI S'INSCRIT DANS LA CONTINUITÉ DES BUDGETS PRÉCÉDENTS

A. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AGRICULTURE » EN LÉGER REPLI

1. Des crédits qui ne constituent qu'une fraction du soutien national à l'agriculture
a) Un examen limité aux crédits de la MAPAFAR

Le champ de l'avis budgétaire ne couvre pas l'ensemble des crédits budgétaires gérés par le ministère de l'agriculture mais seulement ceux de la MAPAFAR.

En effet, deux autres programmes sont gérés par le même ministère, mais relèvent d'autres missions :

- le programme 143 est consacré à l'enseignement technique agricole . Ce programme relève de la mission interministérielle Enseignement scolaire. Il s'élève à pas moins de 1,319 milliard d'euros en AE et 1,306 milliard d'euros en CP, en hausse de 1,2 % par rapport aux crédits notés pour 2011 (après + 1,7 % en 2010). Cet effort budgétaire louable n'empêche cependant pas les suppressions d'emplois pour 2012 : 280 postes d'enseignants dont 168 dans l'enseignement public et 112 dans l'enseignement privé.

- le programme 142 consacré à l'enseignement supérieur agricole et la recherche relève pour sa part de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Il est doté de crédits en hausse également de 2,4 % par rapport aux crédits votés en 2011 : 305,7 millions d'euros en AE et 307,2 millions en CP.

Le champ de l'avis budgétaire ne s'étend pas non plus aux régimes de protection sociale agricole. Depuis la disparition du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) en 2005, la discussion du projet de loi de finances n'est plus l'occasion d'examiner la protection sociale agricole et ses conditions de financement.

b) La fiscalité agricole, puissant vecteur de soutien

A côté des crédits budgétaires, la fiscalité joue un rôle majeur de soutien à l'agriculture et à la forêt, à travers plus d'une quarantaine de dispositifs qui représentent environ 2 milliards d'euros par an :

- 32 dépenses fiscales sur impôts d'État ou impôts locaux sont rattachés au programme 154, pour un montant de 2,097 milliards d'euros en 2011 et 1,860 milliard d'euros en 2012 ;

- 10 dépenses fiscales sont rattachées également au programme 149 sur la forêt, pour un montant de 90 millions d'euros en 2011 et 74 millions en 2012 ;

- Une seule dépense fiscale est rattachée au programme 206, la provision pour mise en conformité dans les hôtels, cafés et restaurants, mais son montant est non chiffré car probablement extrêmement faible.

Dans son rapport publié en juin 2011, le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales a livré une appréciation plutôt favorable de la fiscalité agricole . Sur 45 dispositifs évalués, certes 21 d'entre eux ont été jugés pas ou peu efficaces, mais ils représentent à peine un tiers du montant total des dépenses fiscales concernées.

Mieux, les exonérations d'impôt sur les sociétés dont bénéficient notamment les coopératives agricoles, évaluées à 50 millions d'euros par an environ, se voient attribuer le score le plus élevé (3). Le taux réduit de taxe intérieure de consommation (TIC) applicable au gazole non routier, est jugé lui aussi efficace (avec un score de 2 sur 3). Or cette dépense fiscale est évaluée à 1 milliard d'euros par an, même si cette évaluation est sujette à caution car bénéficient également de ce taux réduit, outre les engins agricoles, les bateaux de pêche et les engins de travaux publics. Il est donc sans doute abusif d'attribuer le bénéfice de ce dispositif aux seuls agriculteurs.

Notons que le remboursement partiel de taxe intérieure de consommation dont bénéficient les agriculteurs n'est pas reconduit dans le projet de loi de finances pour 2012 mais devrait l'être en loi de finances rectificative, comme chaque année. L'enjeu n'est pas mince puisque ce remboursement partiel représenterait 140 millions d'euros en 2011.

Le rôle d'orientation et de soutien à l'agriculture de la fiscalité est donc important et reconnu et vos rapporteurs pour avis considèrent que sa remise en cause au nom de la lutte contre les niches fiscales risquerait d'avoir un impact globalement négatif.

2. Un repli attendu des crédits
a) Un repli affectant les quatre programmes

Dans le projet de loi de finances initial, les crédits de la mission s'établissaient en repli par rapport à 2011 de 0,47 % en AE et de 1,93 % en CP, avant le vote de l'Assemblée nationale.

La réduction supplémentaire des dépenses de 1 milliard d'euros annoncée par le Premier ministre a fait évoluer négativement le budget de la MAPAFAR depuis la proposition initiale, puisque l'Assemblée nationale a également voté une réduction de 22 millions d'euros du plafond de dépenses la concernant, avant de transmettre le budget au Sénat.

L'agriculture contribue donc aussi à l'effort de maîtrise des dépenses budgétaires, qui s'est traduit par l'application pour la seconde année consécutive du gel en valeur des dépenses de l'État hors dette et pensions, impliquant donc une baisse historique des moyens du ministère , afin de contenir la hausse des dépenses sur l'ensemble du budget de l'État à 4,1 milliards d'euros.

Cet effort est à peu près également réparti sur les quatre programmes de la MAPAFAR : en CP, le programme 215 ne perd que 1 %, mais la perte de crédits s'élève àe 3 % pour le programme 206, 2,2 % pour le programme 154 et 2,4% pour le programme 149.

Après le vote de l'Assemblée nationale, l'équilibre est un peu modifié, car le rajout de 210 millions d'euros pour financer l'allègement de charges pour les salariés permanents, introduit à l'article 48 bis , a nécessité l'inscription d'une compensation auprès de la MSA, imputée sur le programme 154, faisant grimper l'enveloppe du programme de plus de 12 %. Dans ces conditions, le programme 154 affiche une hausse de 11,2 %.

b) Sur un périmètre stable, des inscriptions budgétaires conformes au cadrage financier pluriannuel 2011-2014

Les programmes de la MAPAFAR n'enregistrent pas de modification majeure de périmètre. Le budget est donc facilement comparable à celui présenté l'année dernière.

Il s'inscrit par ailleurs dans le cadre financier pluriannuel voté par le Parlement fin 2010 12 ( * ) , dont l'article 6 prévoyait la stabilité des autorisations d'engagement entre 2011 et 2012 et la baisse de 50 millions des crédits de paiement .

Si, entre 2011 et 2012, la tendance en légère baisse, définie par la loi de programmation, est bien respectée, les plafonds de crédits pour l'agriculture se situent encore au dessus des plafonds prévus dans le cadre financier pluriannuel d'environ 150 millions d'euros, tant en AE qu'en CP, sous l'effet des inscriptions budgétaires complémentaires de 2010 et 2011, mettant en oeuvre le plan de soutien exceptionnel à l'agriculture (PSEA) annoncé par le Président de la République à Poligny le 27 octobre 2009.

Plafonds prévus par la loi de programmation 2011-2014, pour la mission agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales :

2011

2012

2013

Autorisations d'engagement

3,41

3,41

3,32

Crédits de paiement

3,49

3,44

3,36

3. La portée limitée de l'autorisation budgétaire
a) Des mesures de régulation budgétaires dès le début de l'exercice

Les crédits de la MAPAFAR constituent une limite supérieure de la dépense publique mais en aucun cas n'obligent l'exécutif à tout dépenser.

Traditionnellement, une mise en réserve de crédits est appliquée dès le début de l'exercice budgétaire . Concrètement, sur chaque programme, 0,5 % des crédits de personnel ne peuvent pas être dépensés et 5 % des autres types de crédits sont également gelés. Les subventions pour charges de services publics (SCSP) subissent un taux de gel réduit, qui prend en compte plusieurs critères. Ce taux est d'un ordre de grandeur comparable à celui des gels de crédits de personnels du budget de l'État.

En règle générale, le dégel des crédits intervient en fin d'exercice, mais, compte tenu de la situation financière de la France, le Premier ministre a annoncé début novembre 2011 la mise en réserve de 6 milliards d'euros sur le budget de l'État, destinés à maintenir le niveau de déficit budgétaire 2012 dans les limites fixes par la loi de finances, même en cas de baisse de la croissance qui altèrerait les rentrées fiscales effectives.

Cette perspective incite donc à regarder avec prudence les plafonds de crédits de la mission agriculture, qui pourraient être fortement réduits en cas d'annulation des crédits gelés.

b) La gestion des crises par redéploiements de crédits

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a donné aux gestionnaires des crédits une liberté forte de gestion des moyens figurant au sein des programmes, leur laissant de larges possibilités d'arbitrage.

Toutefois, si le projet annuel de performances (PAP) ne constitue pas un cadre juridiquement contraignant, il a valeur d'engagement du Gouvernement. Il ne s'agit donc pas que l'exécution budgétaire soit trop éloignée de l'autorisation.

Selon les informations transmises par le ministère, les mouvements internes de crédits intervenus sur les huit premiers mois de 2011 sont modérés : 46,6 millions d'euros ont été prélevés sur les dispositifs d'installation et la mesure rotationnelle du programme 154 pour abonder les crédits de l'Agence de services et de paiement (ASP), afin de payer en 2011 le solde du dispositif d'accompagnement spécifique des agriculteurs (DACS-AGRI) dans le cadre du PSEA. Par ailleurs, l'apurement plus rapide que prévu de la dette de l'État au titre du service public de l'équarrissage a permis d'abonder les crédits de gestion des maladies animales de près de 10 millions d'euros au sein du programme 206.

Plus préoccupant, le dernier rapport annuel de performances (RAP) sur l'exécution budgétaire du budget 2010 révèle l'ampleur des mouvements en cours d'exercice : ainsi, le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) a été doté en exécution de près de 33 millions d'euros, dont 11 ouverts en loi de finances rectificative pour faire face à la tempête Xynthia, et 22 ont été dégagés sur le programme par redéploiements. L'ampleur des fonds qu'il sera nécessaire de dégager pour faire face à la sécheresse en 2011 laisse penser que l'abondement du FNGRA obligera fin 2011 à rechercher des redéploiements massifs de crédits internes au programme 154.

Les redéploiements sont aussi nécessaires à l'intérieur des enveloppes pour financer les plans sectoriels d'aide aux filières en difficulté. Le 7 septembre 2011, le ministre Bruno Le Maire a ainsi annoncé un plan d'aide à la filière fruits et légumes, qui s'appuie exclusivement sur des crédits budgétaires déjà existants, dont l'utilisation programmée au sein des dispositifs de droit commun est donc perturbée en cours d'exercice par des évènements imprévus.

LE PLAN D'ACTION POUR LA FILIÈRE FRUITS ET LÉGUMES ET SON FINANCEMENT

Annoncé le 7 septembre 2011, le plan d'action pour la filière fruits et légumes répond à la fois à la crise sanitaire en Allemagne due à l'e-coli, à une météorologie peu favorable et à des prix à l'expédition trop bas.

Il vise plus précisément trois productions : le concombre, la tomate, et la pêche-nectarine, et est doté d'un budget de 25 millions d'euros 13 ( * ) ainsi répartis :

- 10 millions d'euros pour la prise en charge d'intérêts d'emprunts à moyen et long terme, pris sur le fonds d'allègement des charges ;

- 5 millions d'euros pris sur les fonds d'action sanitaire et sociale de la MSA afin de prendre en charge les cotisations sociales des exploitants agricoles

- 4 millions d'euros d'aide structurelle (dont 2 millions d'euros sur le dispositif Agridiff et 2 millions d'euros sur le dispositif d'aide à la reconversion professionnelle - ARP).

- 4 millions d'euros, pris sur les fonds de FranceAgrimer, pour aider aux investissements dans les serres (1 million d'euros), pour la rénovation des vergers (1 million d'euros), et pour les aides aux investissements matériels et immatériels orientés vers la commercialisation (2 millions d'euros).

- Enfin, 2 millions d'euros proviennent du fonds national d'assurance formation des salariés des exploitants et entreprises agricoles (FAFSEA), organisme collecteur des crédits de formation auprès des entreprises agricoles.


* 12 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 13 Circulaire DGPAAT/SDEA/C2011-3079 du 13 octobre 2011.

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