2. La lutte contre le téléchargement illégal et l'encouragement au développement de l'offre légale

Les principales industries culturelles (musique, cinéma, audiovisuel livre, presse) sont toutes confrontées aux défis de la numérisation et de l'Internet, qui représentent à la fois une grande opportunité de diffusion et de rayonnement pour les artistes et les créations culturelles et, à l'inverse, du fait du piratage de masse des contenus culturels, une menace pour la rémunération des créateurs et de l'ensemble de la chaîne de valeur et, partant, pour le renouvellement de la création et la diversité culturelle.

Si les effets du piratage sont particulièrement sensibles pour le secteur de la musique, ils n'en sont pas moins réels et tendanciellement orientés à la hausse pour les autres secteurs.

La lutte contre le piratage des oeuvres culturelles en ligne, qui repose sur une approche en premier lieu pédagogique, est confiée à la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet ( HADOPI ), créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

Les missions de cette autorité indépendante consistent à :

- promouvoir le développement de l'offre légale et observer l'utilisation licite et illicite des oeuvres sur Internet ;

- protéger les oeuvres à l'égard des atteintes aux droits qui leur sont attachés ;

- réguler l'usage des mesures techniques de protection.

Votre commission organisera prochainement une table ronde afin d'entendre à la fois la présidente de l'Hadopi, ses défenseurs et détracteurs, afin de faire le point sur ce dossier complexe et de comparer les points de vue.

3. La nécessité d'un soutien renforcé au secteur musical
a) Les récentes évolutions du secteur de la musique enregistrée
(1) Une nouvelle baisse du marché

Après avoir été divisées par deux entre 2002 et 2010, les ventes de musique enregistrée en France ont baissé de 6 % en 2010 et de 5,7 % au premier semestre 2011 par rapport au premier semestre 2010 9 ( * ) , à 225,9 millions d'euros.

Au premier semestre 2011, les ventes physiques ont chuté de 12 % et les ventes numériques progressé de 22, 8 %, dont :

- téléchargement Internet : +13,2 % (+3,17 millions),

- téléphonie mobile : +20,2 % (+1,7 million),

- streaming financé par la publicité : +44,7 % (+2,1 millions),

- revenus des abonnements : +103 % (+6,26 millions).

(2) Mais un marché numérique désormais relais de croissance

Depuis 2010, le marché numérique de la musique constitue un véritable relais de croissance, les ventes digitales représentant environ 16 % du chiffre d'affaires des éditeurs phonographiques, pour une part de marché en volume de 23,5 %.

Deux phénomènes marquants ont été constatés : une explosion des abonnements « premium » (+60 %) et une forte progression du téléchargement à l'unité (+29 %).

En 2010, pour la première fois, l'équilibre entre les actes d'achat physique et numérique a été quasiment atteint (avec 54 millions de CD vendus et 52 millions d'actes d'achat dématérialisés).

Cependant, la progression des ventes numériques ne compense que moins de la moitié (42 %) de la perte du marché physique.

b) Vers une amélioration du crédit d'impôt en faveur de la production phonographique ?

Outre l'accélération de la réponse graduée par Hadopi et l'instauration d'un taux de TVA réduit pour les services de musique en ligne, souhaités par les professionnels et évoqués précédemment, diverses mesures - déjà prises ou envisagées - participent du soutien au secteur de la musique enregistrée.

L'article 36-I de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) 10 ( * ) a instauré un crédit d'impôt au titre des dépenses de production et de développement d'oeuvres phonographiques (dit crédit d'impôt phonographique), applicable du 1 er janvier 2006 au 31 décembre 2012.

Pour la période couvrant les quatre premières années (2006-2010), 22,77 millions d'euros ont été consommés, dont 6,1 millions d'euros au titre de 2010. Ce chiffre, en nette progression chaque année, est cependant inférieur aux prévisions annoncées (de l'ordre de 10 à 12 millions d'euros par an).

La mesure suscite un intérêt réel puisque, sur la période, le nombre de nouvelles entreprises sollicitant des agréments provisoires afin de bénéficier du crédit d'impôt a progressé (40 en 2006, 150 en 2010). Cette augmentation se fait essentiellement au profit des très petites, petites et moyennes entreprises du secteur, et concerne tous les répertoires.

A cet égard, l'une des préconisations du rapport précité de la mission « Création et internet », réalisé par MM. Zelnik, Toubon et Cerutti du 6 janvier 2010, suggérait le renforcement de ce crédit d'impôt considéré « prometteur et même indispensable au développement des labels indépendants, les plus touchés par la crise du secteur ».

La réflexion du Gouvernement se poursuit et des améliorations du dispositif sont à l'étude, notamment à la suite de la mission sur le financement de la diversité musicale à l'ère numérique, confiée, en avril dernier, par le ministre de la culture et de la communication, à MM. Franck Riester, député-maire de Coulommiers, Daniel Colling, directeur du Zénith de Paris et du festival « le Printemps de Bourges », Alain Chamfort, auteur-compositeur-interprète, Marc Thonon, directeur du label Atmosphériques, président de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), et Didier Selles, conseiller-maître à la Cour des comptes.

Votre rapporteur interrogera le ministre sur les intentions du Gouvernement à ce sujet.

c) La « Carte musique » : une seconde chance pour un dispositif jusqu'ici peu efficient

Afin de permettre aux industries culturelles de trouver de nouveaux équilibres économiques dans l'environnement numérique, un ensemble de pistes de développement de l'offre légale culturelle en ligne et d'amélioration de la rémunération des créateurs et du financement des industries culturelles ont été formulées par la mission « Création et Internet », conduite par MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti, qui a remis ses conclusions et propositions le 6 janvier 2010.

Plusieurs de ces dernières ont été mises en oeuvre, notamment la « Carte musique », qui vise à favoriser l'accès des jeunes de moins de 25 ans à l'offre en ligne légale et payante de musique, soit une population potentielle de 11,3 millions d'individus. L'objectif est de modifier durablement les comportements des internautes en les incitant à consommer des offres de musique légale et payante, en leur faisant découvrir l'offre légale de musique en ligne.

Instituée par le décret n° 2010-1267 du 25 octobre 2010, qui fixe à deux ans la durée de l'opération, la carte a été lancée officiellement le 27 octobre 2010. L'enveloppe de l'aide attribuée pour l'opération, sur le budget du ministère de la culture et de la communication, s'est établie à 25 millions d'euros pour 2011.

Compte tenu du peu de succès de cette opération à ce jour, le ministère prépare le développement d'une version physique de la « Carte musique » qui sera distribuée dans les grandes surfaces, ainsi que d'un nouveau site internet fonctionnant sur les terminaux mobiles dits « intelligents », (les smartphones) . Par ailleurs, une campagne de communication sera organisée dans les prochains mois afin de mieux faire connaitre le dispositif aux jeunes et à leurs parents, ce qui s'avère en effet nécessaire.

Votre commission émet cependant quelques doutes sur le succès de cette opération. Le dispositif ayant été créé pour deux ans, il conviendra d'en établir un bilan afin d'évaluer si ces mesures annoncées pour 2012 permettront ou non d'en renforcer l'efficience.

d) Les propositions du rapport « création musicale et diversité à l'ère numérique » : vers la création d'un Centre national de la musique

Comme indiqué précédemment, à la demande du ministre de la culture et de la communication MM. Franck Riester, Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles se sont vu confier une mission afin notamment d'évaluer l'utilité d'une structure de soutien dédiée à ce secteur, après avoir évalué et caractérisé les besoins des acteurs de la filière musicale. La mission a remis son rapport en septembre 2011 .

Sa proposition phare consiste à rassembler le soutien à la musique enregistrée et au spectacle vivant dans un établissement public couvrant l'ensemble de la filière, le Centre national de la musique (CNM) , la plupart des acteurs de la filière reconnaissant l'absence d'étanchéité entre ces deux économies.

L'objectif serait de « soutenir, par des aides plus importantes et mieux ciblées, la diversité de la création musicale, d'améliorer la diffusion de ces contenus auprès des publics, notamment à travers les services numériques, et si possible de favoriser le développement et l'émergence de structures françaises. Les aides doivent être ciblées prioritairement sur ceux qui supportent le risque financier et allouées selon une double logique économique (soutien à une industrie culturelle qui investit dans la création et la diffusion) et culturelle (incitation à la diversité et à l'émergence de nouveaux talents).

Le CNM, agissant au nom de l'intérêt général, doit rechercher un équilibre dans ses interventions, assurer la défense des acteurs les plus faibles, maintenir la diversité et favoriser l'accès de nouveaux entrants. Il disposera d'une vision transverse à la filière qui permettra de renforcer l'efficacité de son action au service de celle-ci. »

Il s'agirait aussi de rationaliser les guichets d'aide en vue de simplifier l'environnement administratif des acteurs, d'améliorer la cohérence et l'efficacité dans l'instruction des dossiers et l'attribution des aides, ainsi que de renforcer la visibilité de la politique de l'État.

Cet établissement public soutiendrait les acteurs du secteur de la musique enregistrée par le biais d'aides automatiques et d'aides sélectives.

La relance de la production de musique enregistrée s'accompagnerait d'une amélioration de l'accès des consommateurs aux contenus musicaux. Cela implique un soutien aux différents modes de distribution, de diffusion et d'exploitation de la musique, de nature à permettre l'émergence de nouveaux débouchés commerciaux et à favoriser le développement de nouveaux usages. Ces actions nécessitent une enveloppe financière totale d'environ 24 millions d'euros (dont 20 millions de ressources nouvelles).

Les auteurs du rapport évaluent le besoin total de la filière en ressources supplémentaires à 95 millions d'euros , en sus de l'ensemble des aides allouées à la filière, qui atteint, en 2010, moins de 80 M€ 11 ( * ) , dont 90 % par des mécanismes de redistribution interne à la filière. La quasi-totalité de ce montant (91 M€) servirait à financer des aides qui pourraient être réparties comme suit : 7 M€ pour les créateurs et l'édition, 40 M€ pour la production de musique enregistrée , 23 M€ pour le spectacle vivant, 20 M€ pour la diffusion de la musique sous toutes ses formes, en particulier à travers des services numériques innovants, et 4 M€ pour renforcer la fonction ressources et expertise du CNM.

Pour les auteurs du rapport, une partie significative de l'effort public pourrait être compensée, du point de vue de l'équilibre global des finances publiques, par les recettes fiscales et sociales que génèreront les mesures proposées. Des engagements précis devront été pris par les professions concernées, en termes de productions nouvelles et d'emplois, et leur mise en oeuvre devra être vérifiée après deux ou trois années de fonctionnement du dispositif.

Les ressources existantes dont la gestion pourrait être confiée au CNM s'élèveraient, au minimum, à environ 50 M€, provenant principalement de la taxe sur la billetterie du CNV, des budgets d'action artistique et culturelle des SPRD et des subventions que l'État verse aujourd'hui aux différents organismes de mutualisation. Il s'agirait de la contribution de la filière musicale au financement du nouvel instrument ainsi constitué.

Il est proposé que les 95 millions d'euros de ressources nouvelles soient prélevées sur les acteurs extérieurs à la filière qui bénéficient d'une partie de la valeur liée aux contenus musicaux sans contribuer suffisamment au financement de la création. Le rapport juge ainsi « légitime que les opérateurs de télécommunications contribuent au financement de la création et de la diversité musicales. Pour atteindre cet objectif, le prélèvement d'une partie du produit de la taxe sur les services de télévision (TST), volet « distributeurs », aujourd'hui versée par les opérateurs de télécommunication au Centre national du cinéma (CNC). »

Votre rapporteur se propose d'interroger le ministre sur les modalités et le calendrier de mise en oeuvre de ces recommandations .

e) Un projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée

Le Conseil des ministres a adopté, le 26 octobre 2011 , un projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée.

Ce texte vise à modifier le code de la propriété intellectuelle afin de prendre en compte les récentes évolutions jurisprudentielles relatives au champ d'application de ce type de rémunération.

Il tend également à remédier au risque d'une interruption ou d'une remise en cause des versements effectivement dus au titre de la copie privée d'oeuvres. Il vise ainsi à garantir la rémunération des auteurs et des titulaires de droits voisins, ainsi que la pérennité des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes financées par l'intermédiaire de la rémunération pour copie privée.

Votre commission l'examinera au mois de décembre 2011.


* 9 Chiffres du SNEP (Syndicat national de l'édition phonographique).

* 10 codifié aux articles 220 octies, 220Q et 223O du CGI.

* 11 dont 73 M€ d'aides directes (41 M€ pour le spectacle vivant, 27 M€ pour la musique enregistrée, 5 M€ pour l'export et la formation) et 6 M€ de soutien indirect.

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