TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 23 novembre 2011 , sous la présidence d'Annie David, présidente , la commission examine le rapport pour avis de Christiane Demontès sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Régimes sociaux et de retraite »).

Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe la quasi-totalité des subventions de l'Etat aux régimes de retraite déficitaires. Atteignant 6,6 milliards d'euros en 2012, ses crédits abonderont à 93 % les quatre régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines.

Les régimes de la SNCF et de la RATP ont été réformés en 2008, avec plusieurs autres régimes spéciaux. La réforme de 2010 leur sera appliquée en 2017, l'objectif étant de les aligner à terme sur celui de la fonction publique d'Etat. Envisagé il y a six ans, l'adossement du régime de la RATP à la Cnav n'a toujours pas été réalisé.

Le régime des marins présente une très forte spécificité tenant à des carrières généralement courtes, mais aussi à l'environnement économique de la navigation de commerce et de la pêche. Concerné ni par la réforme de 2008, ni par celle de 2010, il sera durablement financé à plus de 75 % par une subvention de l'Etat.

Enfin, le régime des mines est voué à l'extinction d'ici quelques dizaines d'années, puisqu'il n'accueille plus de nouveaux cotisants depuis 2010. C'est aussi le cas de huit autres petits régimes financés par la mission, comme celui de la Seita ou d'anciennes compagnies de chemin de fer ou de tramway : seule la solidarité peut financer des pensions déjà liquidées.

Les crédits de cette mission ne comportent guère de marges de manoeuvre, puisque les subventions d'équilibre sont mécaniquement déterminées par la démographie.

La première caractéristique de la mission est incontestablement la progression continue des crédits, qui auront été majorés de plus de 50 % de 2005 à 2012. La hausse de 9,8 % cette année tient pour partie à l'élargissement du périmètre de la mission : à périmètre constant, les dépenses progressent de 5,7 %, soit 340 millions d'euros.

Une ligne budgétaire nouvelle apparaît en 2012. Dotée de 250 millions d'euros, elle est destinée à financer le compte d'affectation spéciale « Pensions », qui couvre les retraites des fonctionnaires et retrace leurs cotisations ainsi que celles des ministères employeurs. Ce compte d'affectation spéciale représente plus de 50 milliards en recettes et en dépenses. La provision de 250 millions, qui aurait pu être positionnée sur la mission « Provisions », s'analyse surtout comme une mesure d'ordre technique destinée à faciliter la gestion du compte d'affectation spéciale. En pratique, les contributions à la charge des ministères employeurs peuvent légèrement différer du montant prévu lors de la construction du budget, d'où des ajustements de trésorerie.

Compte non tenu de cet élargissement de périmètre, les crédits de la mission augmentent également du fait de la suppression progressive de la compensation spécifique entre régimes spéciaux qui était programmée depuis 2003. En 2011, les régimes financés par la mission ont reçu au titre de la surcompensation 260 millions versés par la CNRACL et le régime des fonctionnaires de l'Etat. Cette ressource disparaissant complètement en 2012, les subventions de l'Etat devront la compenser. En outre, le fonds d'assurance vieillesse des chemins de fer secondaires étant passé en 2009 en dessous du seuil d'effectifs lui permettant de bénéficier de la surcompensation, il a remboursé en 2010 les transferts indûment perçus à ce titre et se trouve depuis lors en déficit. Une subvention de 23 millions d'euros est inscrite pour 2012 pour rétablir l'équilibre. Ces deux événements directement liés à la surcompensation contribuent à augmenter les crédits.

Diverses mesures joueront en sens inverse l'an prochain, à commencer par la décision de liquider sans plus attendre le portefeuille d'actifs financiers constitué par le régime de la Seita avec la soulte versée lors de la privatisation de la société. Initialement, ces actifs devaient servir à des versements échelonnés de 2002 à 2026. Ils seront réalisés en une seule fois dès 2012, pour un montant évalué à 103 millions d'euros, ce qui permet de réduire la subvention de l'Etat, un peu comme cela s'est passé pour le fonds de réserve pour les retraites (FRR). La caisse des mines, elle, reprendra, pour quelque 100 millions d'euros l'an prochain, son programme de cessions immobilières, interrompu en 2010. Enfin, grâce au recul de l'âge de la retraite, l'Etat économisera 47 millions d'euros sur sa contribution au congé de fin d'activité des conducteurs routiers entre 2011 et 2017, dont 12 millions en 2012.

Une fois les effets des mesures nouvelles neutralisés, la subvention d'équilibre versée par l'Etat progresse malgré une légère diminution du nombre de retraités, la revalorisation des pensions combinant ses effets avec la diminution des ressources propres.

Le régime de retraite de la SNCF s'aligne progressivement sur les règles de la fonction publique en matière de durée d'assurance, de décote et de surcote, d'indexation des pensions et de cotisation. L'âge de départ sera relevé de deux ans pour se situer, selon les catégories, entre cinquante-deux et cinquante-sept ans au lieu de cinquante à cinquante-cinq ans. Les nouvelles bornes seront effectives en 2024. Selon la caisse de retraite de la SNCF, ces réformes se traduiront par une économie annuelle d'environ 200 millions dès 2011, pour atteindre 400 millions à compter de 2015. Couvrant 62 % des charges du régime, la subvention d'équilibre de l'Etat (3,2 milliards en 2012) commencerait à diminuer en 2017.

Des réformes analogues ont touché le régime de la RATP. Un décret de décembre 2005 prévoit son adossement au régime général, ce qui suppose de distinguer les droits de base identiques à ceux des salariés du privé, et les droits spécifiques couverts par un financement distinct. En cas d'adossement, la Cnav percevrait les cotisations de base des agents de la RATP et financerait les pensions de base, une opération subordonnée au versement par l'Etat d'une soulte comprise entre 500 et 700 millions d'euros. Ce montant semble avoir produit un effet dissuasif : l'opération est actuellement ajournée. Curieusement, le Gouvernement n'a donné aucune précision sur sa volonté de procéder ou non à l'adossement, alors que le décret de 2005 reste en vigueur. En 2012, la subvention de l'Etat au régime de la RATP s'élèvera à 550 millions, soit 55 % des charges du régime. Elle devrait se stabiliser autour de 600 millions d'euros dans les prochaines années.

Le déséquilibre démographique du régime des marins est accentué par la faiblesse des ressources propres, car les cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire. En outre, la part patronale fait l'objet de mesures d'allègement, voire d'une exonération totale pour les navires de commerce subissant la concurrence internationale. Ainsi, les cotisations ne couvrent que 14 % des charges de pensions. Ce régime n'ayant pas été touché par la réforme des retraites, l'âge d'ouverture des droits reste fixé à cinquante ans. La durée moyenne d'activité n'y est que de vingt ans, beaucoup de marins effectuant une seconde carrière. Couvrant plus de 76 % des charges du régime, la subvention de l'Etat s'élèvera à 856 millions en intégrant une dotation de 2 millions destinée à transférer le siège de l'Enim de Paris à La Rochelle. Elle devrait diminuer dans les prochaines années avec la réduction des effectifs.

Enfin, le régime des mines ne compte plus que 6 000 cotisants actifs pour 330 000 pensionnés. La suppression des transferts de compensation augmente d'environ 160 millions la subvention que l'Etat versera en 2012. Elle atteindra près de 1,4 milliard d'euros l'an prochain, couvrant plus de 76 % des charges du régime, mais diminuera régulièrement ensuite, avec le nombre de pensionnés.

Les crédits de cette mission traduisent la solidarité nationale en faveur de régimes en fort déséquilibre démographique. Leur montant n'appelle pas d'observations particulières, mais je déplore encore une fois que le Gouvernement n'ait pas traité le déficit du régime des exploitants agricoles, dont l'origine est également démographique. Sous réserve de cette remarque, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de cette mission, adoptés le 27 octobre par la commission des finances.

Muguette Dini . - Très bon rapport !

Gilbert Barbier . - Très consensuel !

Christiane Demontès, rapporteure pour avis . - Les crédits de cette mission technique sont définis d'une manière largement mécanique.

Marc Laménie . - J'apprécie beaucoup le travail de notre rapporteure, qui nous a fourni un tableau très lisible. Sans revenir sur son rapport très détaillé, j'observe que la progression des crédits, soit 9,8 %, s'explique par les évolutions démographiques et j'approuve sa remarque sur les retraités agricoles.

Muguette Dini . - La clarté du rapport de Christiane Demontès ne m'étonne pas.

Depuis 2003, on ajuste la réforme des retraites à la SNCF, mais il aurait été possible d'aller plus vite pour que tous cessent de travailler au même âge : il est anormal, inadmissible même, que nos impôts payent des départs à la retraite à cinquante-deux ans, qui ne se justifient plus.

Isabelle Pasquet . - Je suis, moi aussi, contre l'injustice : tous les salariés devraient partir plus tôt !

Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les sénateurs aussi !

Isabelle Pasquet . - Pourquoi pas ?

Christiane Demontès a raison, cette mission purement technique se borne à compenser le déséquilibre démographique, mais n'oublions pas que la subvention versée par l'Etat est un juste retour des choses, puisque la réduction des effectifs résulte de ses choix.

Madame Dini, la compensation de charge versée par l'Etat ne concerne que le régime de base. Les cheminots financent leurs spécificités en versant des cotisations plus élevées.

Aujourd'hui, les pensions de retraite des cheminots leur sont versées trimestriellement d'avance. Si ce rythme était mis en cause, la réticence croissante des banques à accorder des facilités de trésorerie pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour cette corporation, à laquelle je suis très attachée.

Gilbert Barbier . - Notre rapporteure a-t-elle pu chiffrer la niche sociale des exonérations de cotisations sociales dans le secteur de la pêche et évaluer son efficacité ?

Anne-Marie Escoffier . - Le tableau joint au rapport pour avis m'a beaucoup intéressée, car je ne connaissais pas l'ensemble des petits fonds de retraite mentionnés.

Bien sûr, tous les régimes spéciaux entreront un jour dans le cadre général, mais cela suppose que l'on traite enfin la question essentielle de la pénibilité du travail.

Jacky Le Menn . - Pourrions-nous avoir des nouvelles des trois pensionnés résiduels de la caisse de retraite de l'Imprimerie nationale ?

Christiane Demontès, rapporteure pour avis . - Nous pourrions vous confier une mission d'étude à cet effet ! Je vous invite à ne pas rouvrir ici le débat sur les régimes spéciaux, ni même sur la pénibilité, dont nous devrons discuter en tout état de cause, puisque la dernière réforme a plutôt traité de l'invalidité, alors que la pénibilité caractérise les conditions de travail.

Nul n'est indifférent au statut de la SNCF, surtout pas les sénateurs, grands utilisateurs de train et de TGV. Comme fille de cheminot, j'y suis très attachée. Les conditions de travail des conducteurs de train restent difficiles. Il faut en tenir compte et ne pas balayer d'un revers de main l'histoire d'un régime spécial.

Monsieur Laménie, je regrette que le Gouvernement ne se penche pas sur les retraites agricoles, alors que ce sujet lui pend au nez pour des raisons démographiques parfaitement connues. Je ne vois pas comment la solidarité nationale pourrait ne pas être mise à contribution.

Enfin, les exonérations de cotisations sociales représentent 50 millions d'euros pour l'ensemble des branches du régime des marins, les cotisations versées atteignant 150 millions.

Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

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