EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mardi 22 novembre 2011.

M. Raymond Couderc , co-rapporteur pour avis - Monsieur le Président, mes chers Collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ». Depuis cette création, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées se saisit pour avis sur le programme 303. Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la commission.

Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui relève du programme "Conseil d'État et autres juridictions administratives", instruisent les demandes d'asile.

Depuis 2007, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration relevaient du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Ce pilotage au sein d'un ministère unique, procédure inédite, devait permettre de simplifier le parcours d'un demandeur d'asile en centralisant l'ensemble des services dédiés à l'immigration en France. Après la suppression de ce ministère par décret du 14 novembre 2010, la politique de l'immigration a été rattachée au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. La configuration des services a été maintenue intacte et la maquette budgétaire préservée.

J'en viens aux dispositions du projet de loi de finances. Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 87,5% des crédits totaux. Les autorisations d'engagement (553 millions d'euros en 2012 contre 490 millions en 2011, soit + 12,78 %) ainsi que les crédits de paiement (560 millions d'euros en 2012 contre 488 millions en 2011, soit +14,67 %), sont en progression.

Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 73,86 % des autorisations d'engagement demandées pour 2012. Cette action passe d'une dotation de 327,75 millions d'euros en 2011 à 408,91 millions en 2012, soit une hausse de 24,76 %.

L'action a pour objet d'assurer l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure qui le demandent. Cette prise en charge intervient sous la forme soit d'un hébergement accompagné en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), soit du versement d'une prestation financière, l'allocation temporaire d'attente (ATA), qui peut être associée à un hébergement d'urgence. C'est ce domaine de l'accueil qui voit ses dotations augmenter.

Tout d'abord concernant l'hébergement d'urgence, depuis plusieurs années les dépenses engagées sont largement supérieures aux crédits votés en loi de finances initiale. Ainsi en 2011, 40 millions d'euros ont été engagés, puis 50 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts par la loi de finances rectificative de juillet 2011 afin de pouvoir faire face aux dépenses, qui devraient atteindre environ 125 millions d'euros sur l'ensemble de l'année.

Tirant les conséquences de cette sous-budgétisation initiale, les crédits engagés pour l'hébergement d'urgence 2012 sont en forte croissance, avec une enveloppe de 90,9 millions d'euros. Concrètement, ce sont plus de 9 000 places supplémentaires qui pourront ainsi être financées.

Ensuite concernant l'allocation temporaire d'attente, le constat depuis quelques années est le même : une sous-budgétisation initiale et des dépenses qui explosent en cours d'année. Ainsi en 2011, 54 millions d'euros avaient été engagés en loi de finances initiale, mais ce sont près de 151 millions qui devraient être consommés.

Tout comme pour l'hébergement d'urgence, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012 au titre de l'ATA sont en forte augmentation puisque l'enveloppe s'établira à 89,65 millions d'euros en 2012. Ce sont donc plus de 21 000 bénéficiaires qui devraient toucher l'ATA en 2012.

En conclusion, nous dirons qu'il s'agit certainement du programme dont il est le plus facile de défendre le budget. Certes, on a l'impression que la cible s'éloigne au fur et à mesure que l'on s'en rapproche et que les efforts très importants qui sont faits ne suffisent pas à faire face à l'évolution de la situation : l'accroissement du nombre de candidats à l'asile pourrait faire oublier que les budgets qui sont consacrés à ce programme sont en forte augmentation. Cependant, c'est tout à l'honneur de la France d'augmenter ainsi ses efforts pour respecter sa tradition d'accueil et je vous propose d'adopter les crédits du programme 303.

M. Alain Néri , co-rapporteur pour avis - Je voudrais rapidement dresser un panorama de la demande d'asile. La France est le deuxième pays mondial destinataire de demandes d'asile, derrière les États-Unis. En 2010, ce sont plus de 52 000 demandes qui ont été enregistrées auprès de l'OFPRA, en hausse de 14 % par rapport à l'année précédente.

Le nombre de demandes déposées est estimé à 23 406 au premier semestre 2011 par le ministère de l'intérieur, soit une progression de 14,1 % par rapport à la même période en 2010. En 2010, le premier pays de provenance des demandeurs d'asile est le Kosovo (3 267 premières demandes) devant le Bangladesh (3 061 premières demandes).

Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection internationale (mineurs accompagnants compris) pourrait s'élever à 58 000 en 2011 et 64 000 en 2012.

Or, cette augmentation continue pose des problèmes en matière de traitement des dossiers. A l'OFPRA, le délai d'examen d'une demande d'asile, indicateur essentiel du programme, est en constante augmentation depuis quelques années pour atteindre un pic prévisionnel de 150 jours en 2011. Un recrutement de 30 personnes a été réalisé, mais l'impact sur le délai de traitement des dossiers a été quasi-nul du fait de l'augmentation parallèle du nombre de demandes.

Ce problème a des conséquences autant en termes humains que sur le plan financier. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude pendant aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie par un recours auprès de la CNDA. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques.

M. Claude Guéant avait indiqué lors de son audition devant la commission que les effectifs de l'OFPRA seraient consolidés et que 15 nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l'intérieur, seraient ouverts en 2012. Ceci devrait permettre de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié. Nous resterons extrêmement vigilants sur ce point.

La deuxième limite, qui se place dans la continuité de la première, est le cas de la CNDA. Deuxième étape d'un demandeur d'asile qui voit sa demande refusée par l'OFPRA, la CNDA est confrontée aux mêmes problèmes, puisque le nombre de recours déposés auprès d'elle est à la hausse, +10 % entre 2009 et 2010. Au premier semestre 2011, ce sont plus de 15 000 recours qui ont été déposés par les demandeurs d'asile.

Cette croissance des entrées a rapidement impacté les délais de jugement. Le délai moyen prévisible de jugement a dépassé 15 mois fin 2009, contre un peu plus de 10 mois fin 2008.

Afin de répondre à cette hausse parallèle des recours et des délais, un plan d'action a été mis en place par le Conseil d'État. Ce plan de recrutement a porté prioritairement sur des emplois de rapporteurs (en charge de l'instruction des recours), passés de 70 fin 2009 à 95 fin 2010 et à 135 fin 2011. L'augmentation des recrutements devrait ainsi permettre de juger 38 000 affaires en 2011 (contre 24 000 en 2010) et 47 000 fin 2012, et d'atteindre un délai prévisible moyen de jugement de 9 mois fin 2011 et de 6 mois fin 2012.

Enfin, la troisième et dernière limite que je souhaite souligner est celle de l'hébergement des demandeurs d'asile. Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ont une capacité de 21 410 places en 2011, nombre en progression, mais qui ne suffit pas à couvrir le besoin réel. D'autres solutions doivent être trouvées, qui prennent la forme d'hébergement d'urgence ou d'ATA, dépenses qui explosent comme mon collègue l'a souligné.

A cela s'ajoute le problème de la répartition géographique des demandeurs d'asile sur le territoire français. Des situations très différentes entre les communes sont constatées, certaines supportant la charge plus que d'autres.

C'est pourquoi une circulaire relative au pilotage du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile a été publiée le 24 mai 2011, afin d'homogénéiser les pratiques, organiser la répartition des demandeurs d'asile et rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l'activité d'hébergement d'urgence est ainsi mis en oeuvre au plan régional. Encore une fois, vos rapporteurs resteront très attentifs sur cette question.

En conclusion, le constat est simple, on ne peut que saluer l'augmentation de l'enveloppe budgétaire affectée au programme 303 et surtout à son action 2. Cependant, force est de constater aussi que les crédits inscrits restent notoirement insuffisants pour apporter une réponse positive aux dossiers prioritaires que sont :

- les délais trop longs de l'instruction des dossiers de demandeurs d'asile qui varient de 130 à 150 jours à l'OFPRA pour atteindre 2 ans s'il y a un recours au CNDA. Laisser un demandeur d'asile aussi longtemps dans l'incertitude est inhumain. Malheureusement, le stock des dossiers est toujours plus important à l'OFPRA.

- l'hébergement en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile), qui ne couvre pas les besoins réels. Les hébergements d'urgence se multiplient, posant de graves problèmes financiers à certaines communes et aux départements. L'ATA (Allocation Temporaire d'Attente) reste sous-budgétisée comme c'est le cas depuis plusieurs années.

Aussi, je vous propose de rejeter le projet de budget de la mission « immigration et droit d'asile ».

M. Robert del Picchia - Le délai de réponse de 120 jours peut paraître long, mais nous sommes dans les normes européennes qui donnent 180 jours. Pour réduire ce délai, il faudrait un texte. Est-on en mesure de le produire ? Envisagez-vous de déposer un amendement à ce sujet ?

Mon autre question concerne les motifs des demandeurs d'asile. Une partie d'entre eux sont des demandeurs d'asile économique, donc non recevables à ce statut. Cela pose notamment des problèmes aux demandeurs d'asile légitimes, et pèse sur les finances publiques.

Donc si l'augmentation de ce budget est une bonne nouvelle, il faudra tout de même être très vigilant quant à la manière dont il sera utilisé.

M. Jean-Louis Carrère , président - Avant de laisser la parole à nos deux rapporteurs, je voudrais juste préciser que le délai n'est pas de 120 jours mais 150 jours. Ce délai est une constatation et n'est pas fixé légalement, il n'y a donc pas d'amendement à produire ou de texte à voter pour le changer. C'est uniquement fonction du nombre de fonctionnaires afin de permettre une contraction du délai, donc d'une volonté politique à faire face à ces questions.

M. Raymond Couderc , co-rapporteur pour avis - L'objectif à 115 jours est un objectif à l'horizon 2013.

Pour ce qui est de l'origine des demandeurs d'asile, il est vrai qu'il faut rester vigilant afin que cette demande ne soit pas galvaudée.

M. Alain Néri , co-rapporteur pour avis - Même si l'Union européenne fixe des normes, il n'est pas exclu que nous puissions faire mieux. C'est même préférable. Les délais constatés sont trop importants et ne permettent pas un traitement humain des dossiers.

D'autre part, si on veut un budget sincère, il faut que les crédits inscrits correspondent aux besoins que l'on a à traiter. Il est légitime que des crédits supplémentaires soient affectés, personne ne conteste cet effort, mais il reste néanmoins insuffisant.

M. Jean-Louis Carrère , président. - Je consulte la commission sur l'avis que nous devons émettre.

Par dix-neuf voix contre, dix-sept pour et aucune abstention, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission Immigration, asile et intégration (programme 303).

Page mise à jour le

Partager cette page