ANNEXE III - AUDITION DE M. Christian MASSET, Directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats

(20 octobre 2011)

M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation . - Sur le programme 185, où en sommes-nous depuis l'adoption de la loi du 27 juillet 2010, consacrée à la rénovation de notre diplomatie culturelle et d'influence et qui a favorisé une prise de conscience et une action très fortes en ce domaine ? Nous avons avancé dans quatre directions.

En premier lieu, nous avons défini notre politique dans chaque secteur. Formation professionnelle, expertise, français, universités et diplomatie scientifique : chaque domaine a sa feuille de route. Ce chantier n'est pas tout à fait achevé. En ce moment même se déroulent les états généraux de la promotion du français, qui ont été ouverts hier par MM. Alain Juppé et Abdou Diouf et, en décembre, aura lieu un grand colloque sur la diplomatie culturelle qui achèvera le travail que nous avons mené avec le ministère de la culture et de la communication et l'ensemble des acteurs concernés. Dans chaque domaine, nous traitons avec tous les partenaires, avec les ministères, avec la société civile, selon la même démarche qui a abouti à notre document-cadre sur la coopération.

En deuxième lieu, nous mettons en place les opérateurs dont la création a été décidée par le Parlement. L'Institut français, dont M. Xavier Darcos est le président exécutif, fonctionne depuis le début de l'année. L'équipe est maintenant en place. Nous avons transféré 41 équivalents temps plein (ETP) du ministère des affaires étrangères à l'Institut, qui dispose d'un plafond d'emplois de 184 ETP. L'an prochain, nous transfèrerons 13 ETP supplémentaires des ministères de l'éducation nationale et de la culture, auxquels s'ajouteront les ETP correspondant à la mise en place de l'expérimentation. L'Institut français est aussi doté de moyens conséquents. CulturesFrance disposait de 28 millions d'euros, le nouvel établissement public pourra compter sur 48 millions d'euros, selon la présentation du projet annuel de performance (PAP), ce qui marque un saut considérable, pour reprendre les actions confiées précédemment à CulturesFrance et mener les actions nouvelles transférées par le ministère des affaires étrangères et européennes, dont les 10 millions d'euros correspondant aux 12 postes sous expérimentation, directement rattachés à l'Institut. L'Institut français, ça marche, c'est très visible.

Le nouvel opérateur France Expertise Internationale (FEI) intervient dans un domaine essentiel au rayonnement de notre pays et qui entraîne des retombées économiques considérables. Ces 20 dernières années, ce domaine a beaucoup évolué. L'expertise est prescriptrice et intéresse donc, en aval, nos entreprises. FEI, ça marche aussi : le nouvel établissement public est créé, son directeur général, M. Cyrille Pierre, est en poste depuis le 1 er octobre, le président du conseil d'administration, M. Antoine Pouillieute, que vous avez connu à l'Agence française de développement puis comme ambassadeur au Brésil, a été nommé le 17 octobre.

Parmi les trois opérateurs créés par la loi, un seul n'a pas encore vu le jour : CampusFrance. Nous n'avons cependant pas perdu notre temps, la détermination du ministre d'Etat et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est totale pour organiser ce regroupement d'Egide, de l'actuelle agence CampusFrance et des activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). La mobilité et l'attractivité sont des enjeux majeurs pour le rayonnement de la France. Tout est prêt. Il ne nous manque qu'une seule chose : nous assurer de la viabilité économique du nouvel opérateur. Nous voulons être certains que le secteur international du CNOUS transférera les emplois nécessaires au traitement des bourses que le nouvel établissement public devra gérer. La discussion se poursuit, au niveau des ministres et de leurs directeurs de cabinet, sur le décompte exact des ETP transférés. Il en va de la viabilité de l'opérateur. Comment pourra-t-il gérer plus de 30 000 bourses, sans un effectif suffisant ? Tout le reste, le modèle économique, le fonctionnement, etc. est planifié.

Nous sommes en train de préparer les contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut français et de FEI. Pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), nous disposons d'un plan d'orientation stratégique et d'un contrat d'objectifs dans le cadre du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger.

En troisième lieu, le réseau culturel français à l'étranger est à la fois plus visible, puisque tous les centres culturels vont désormais s'appeler instituts français, mais aussi plus cohérent et plus souple, avec la création dans chaque pays d'un établissement à autonomie financière (EAF) regroupant l'ensemble des activités culturelles, universitaires et d'enseignement du français, afin d'assouplir la gestion des moyens et de mutualiser l'ensemble des ressources. Notre dispositif se caractérise, d'une part, par la fusion entre les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et les EAF, (80 pays aujourd'hui, et 94 début 2013), et, d'autre part, par l'expérimentation voulue par le Parlement et qui entrera en vigueur au plus tard le 1 er janvier 2012 -elle devait se dérouler dans 13 pays, nous en sommes à 12, la Syrie ne s'y prêtant pas actuellement.

La cartographie du réseau est le fruit de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du regard nouveau que nous portons sur lui. Nous devrons rendre des postes dans le cadre de la « RGPP2 ». Nous voulons rendre l'exercice intelligent en redéployant notre dispositif géographique en fonction de l'avenir et non plus de l'héritage, en en déplaçant le centre de gravité de l'Union européenne, où il y a de nombreuses façons d'assurer une présence culturelle, qui ne passent pas toutes par l'implantation de centres culturels, vers les pays émergents et de nouveaux pays prescripteurs, de plus en plus importants pour le rayonnement de la France dans le monde.

En quatrième lieu, notre budget s'élève à 674,6 millions d'euros, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, en hausse de 1,7 %, due aux transferts, pour 7 millions d'euros, issus la fusion des SCAC et des EAF, qui ont amené des moyens de fonctionnement des programmes 105 et 209 vers le programme 185, et pour 4 millions d'euros de moyens obtenus par le ministre d'Etat pour abonder les bourses. A périmètre constant, ce budget diminue de 0,6 % environ, à comparer aux 2,5 % édictés par le Gouvernement pour le triennium. A cette aune, le budget de notre diplomatie culturelle et d'influence est un budget préservé...

M. Jean-Louis Carrère , président . - Il diminue, mais moins...

M. Christian Masset - 420 millions d'euros, consacrés à l'enseignement français à l'étranger, correspondent à la subvention pour charge de service public à l'AEFE, qui est maintenue. Nous avons également maintenu les crédits destinés aux bourses, à hauteur de 80 millions d'euros. Le budget de l'Institut français, je l'ai dit, est supérieur à 47 millions d'euros. En revanche, la dotation de fonctionnement du réseau baisse, elle sera compensée par l'autofinancement et par des ponctions sur les fonds de roulement trop importants de certains EAF.

Les crédits du programme 209 sont maintenus, à 2 090 millions d'autorisations d'engagement et 2 113 millions d'euros de crédits de paiement, soit, hors titre 2, 1 868 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 1 891 millions d'euros de crédits de paiement. La part de l'aide multilatérale diminue grâce à l'obtention d'une meilleure clef de répartition du fonds européen de développement (FED).

L'augmentation de notre contribution au Fonds mondial contre le sida n'a pas été prélevée sur le budget, mais résulte d'un financement innovant (taxe sur les billets d'avion).

Les crédits bilatéraux amorcent une remontée, après avoir beaucoup baissé depuis dix ans. Ils s'élèvent à 320 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 260 millions d'euros il y a deux ans. Les crédits de la francophonie sont entièrement préservés, à hauteur de 56 millions d'euros. Cinq millions d'euros supplémentaires sont prévus pour le prochain sommet de la francophonie à Kinshasa.

J'en viens au programme 332, qui concerne le G20 et la gouvernance mondiale, pour lequel 80 millions d'euros ont été programmés pour la période 2010-2012. Nous sommes dans les clous. Le G20 de Cannes, dans moins de trois semaines, chacun en a bien conscience, sera extrêmement important, au moment où l'économie du monde entre à nouveau dans une phase dangereuse, comme en 2008-2009. C'est d'abord un ralentissement de la croissance, très fort aux Etats-Unis, marqué en Europe, et qui s'étend à l'ensemble de la planète (Chine, Inde et dans la plupart des pays émergents) - une contraction de la production manufacturière se profile en Asie. C'est ensuite une tension très forte sur les dettes souveraines, et pas seulement dans la zone euro, comme en atteste la réduction de la notation de la dette américaine elle-même. C'est enfin une préoccupation sur la force du secteur financier et bancaire. Il existe une tension sur la liquidité, qui est le sang de l'économie. Ces trois éléments interagissent et c'est ce qu'il faudra régler à Cannes.

Mais Cannes n'est pas Londres, où avait eu lieu en avril 2009 un sommet qui avait permis la reprise, en créant un choc de confiance. C'était, si j'ose dire, plus facile à l'époque, parce que chacun savait qu'il devait relancer l'économie, et que la plupart en avait les moyens, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le premier objectif de Cannes est de trouver une réponse coordonnée, mais aussi différenciée à la crise mondiale, en traitant ces trois sujets. Chacun doit faire en sorte que cette réponse ait des effets positifs chez les autres, sachant qu'il y a des pays qui ont des moyens de relancer leur économie et que d'autres doivent privilégier la consolidation budgétaire. Pour être efficace, cette réponse doit traiter à la fois le court terme et le moyen terme. Ainsi, il importe que les Etats-Unis relancent leur économie, mais à moyen terme il leur faut également traiter le problème de la maîtrise de leur dette.

Nous travaillons actuellement sur un plan d'action pour la croissance. Chaque membre du G20 apportera sa contribution pour restaurer la croissance et la confiance. Est aussi posée la question de la révision des moyens du fonds monétaire international (FMI), qui devra pouvoir répondre à des chocs futurs. C'est dire combien le 23 octobre est attendu dans la zone euro. Pour restaurer durablement la confiance, l'on doit s'attaquer aux autres sujets qui déterminent la soutenabilité de la croissance et une meilleure régulation mondiale : volatilité des prix des matières premières agricoles et énergétiques, développement, dimension sociale de la mondialisation, régulation financière. Dans ces domaines, des résultats concrets ont été obtenus au niveau ministériel, sous notre présidence ; il reste maintenant à les mettre en forme. Il s'agit de faire le compte et de savoir ce qui sera endossé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Cannes. Les deux volets, traitement de la crise et construction du monde d'après, pour une mondialisation mieux régulée, sont très importants.

Durban marquera une étape importante, pour avancer sur le financement du changement climatique (le « fonds vert ») ainsi que sur l'atténuation, et réfléchir aux mécanismes de vérification et de mesure des actions qui seront prises. On devra revenir sur les sujets non résolus à Cancun, où nous avions fait des progrès, et notamment envisager le prolongement de la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto (auquel les Etats-Unis ne font pas partie) : que fait-on à partir de 2013 ? Nous sommes toujours d'avis que la question doit être résolue dans le cadre d'un accord global qui conduira tous les pays qui ont des responsabilités en matière d'émissions à s'engager.

M. René Beaumont , rapporteur pour avis - Mes compliments pour votre esprit de synthèse, s'agissant d'un secteur qui n'est pas des plus importants financièrement, mais qui met en jeu des sujets extrêmement variés et complexes, avec de très nombreux partenaires, dans de nombreux pays du monde.

Votre budget est privilégié, dans la mesure où il ne diminue que de 0,6 %, alors que les autres baissent en moyenne de 2,5 %, ce qui montre l'importance que le Gouvernement accorde au développement et au rayonnement de la France dans le monde.

L'AEFE est confrontée, partout dans le monde, à une demande très forte, qui lui pose des problèmes évidents, car elle n'a pas les moyens de se développer autant qu'il serait nécessaire pour y répondre. J'ai été frappé, au Brésil, pour citer l'exemple le plus récent, par l'inadéquation entre une demande très forte et des structures totalement insuffisantes. Le problème immobilier est essentiel. L'AEFE gagne de l'argent grâce aux cours. Elle s'autofinancerait, si elle n'était face à ce problème. On lui oppose une loi récente, qui n'a pas été faite pour elle, mais pour les hôpitaux, et qui interdit d'emprunter à plus d'un an. Comment alors l'AEFE peut-elle construire de nouveaux établissements ? Ou nous obtenons une dérogation à ce texte, mais je doute que cela puisse franchir le mur de Bercy, ou nous lui accordons une dotation exceptionnelle, pour les trois ans à venir, qui lui permettra de finir les chantiers en cours et d'amorcer la pompe de la construction de nouveaux établissements. Que pensez-vous de ce frein au développement de l'enseignement français dans le monde, qui est une priorité de cette commission ?

Vous semblez assez positif sur la mise en place de l'Institut français. Etes-vous sûr que l'expérimentation débutera bien le 1 er janvier 2012 ? Le décret n'a pas encore été pris. Pouvez-vous me confirmer votre optimisme ?

A-t-on fait le bilan des recettes de l'enseignement du français, en incluant les organismes extérieurs au réseau ? Les répercute-t-on suffisamment pour promouvoir l'enseignement du français à l'étranger ? Je me souviens de l'Alliance française en Serbie, particulièrement performante, financée en totalité par ses recettes de cours.

M. Jean-Claude Peyronnet , rapporteur pour avis . - La fragmentation de l'aide, la multiplication des intervenants aboutissent à des situations courtelinesques, ubuesques. En Tanzanie, les différents bailleurs de fonds auraient ainsi demandé aux pouvoirs publics de produire pas moins de 2 400 rapports ! Des consultants se nourrissent de cette déperdition ! La France est-elle en pointe pour que la prochaine conférence de Busan en Corée en décembre se penche sur ce problème ?

Sur l'évaluation, on en reste beaucoup, en France, au qualitatif. Or l'Angleterre, par exemple, a avancé sur le quantitatif. Que pensez-vous des méthodes anglaises ? Sont-elles pertinentes ? Pour plus d'efficacité de l'aide, ne peut-on aller vers plus d'évaluation quantitative ?

En tant que parlementaire français, je suis inquiet qu'on noie le FED dans le budget communautaire. Qu'en sera-t-il de notre contrôle ?

Enfin, si personne ne conteste les progrès permis par le Fonds mondial contre le sida, le constat d'un détournement de 40 millions à l'issue d'une évaluation portant sur 15 % des fonds, soit jusqu'à 200 millions si on l'extrapole à l'ensemble des crédits du fonds, a paru suffisamment important à l'Allemagne pour qu'elle arrête sa contribution. Où en sont les réformes pour une meilleure gestion de ce fonds et quelle est la position de la France ? Ne pourrait-on élargir ce fonds à d'autres épidémies que le sida ?

M. Christian Cambon , rapporteur pour avis. - Je me réjouis de voir que la diminution de l'aide multilatérale au profit de l'aide bilatérale coïncide avec le nouveau mode de calcul de notre contribution au FED, conforme à l'impact de la France dans les institutions européennes. Il y aurait beaucoup à dire sur la composition réelle des chiffres de l'aide publique au développement (APD) transmis par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Si l'on retire l'écolage, l'aide aux réfugiés, les éléments liés à la dette, on serait plus proche de 60 % du chiffre déclaré.

Je suis interpellé par le tassement de notre action dans les pays prioritaires. Certes, 60 % de notre aide est toujours destinée à l'Afrique, mais la part de l'Afrique subsaharienne diminue, de 53 % en 2004 à 47,5 % en 2009, et la part des pays les moins avancés chute de 41 % à 17 % - c'est inquiétant ! Les subventions accordées aux 14 pays les plus pauvres sont passées de 220 à 158 millions d'euros, soit environ 10 millions d'euros par pays, ou la construction d'une grosse école maternelle dans nos communes, mais est-on toujours dans une priorité ? J'ai pu en constater les conséquences sur le terrain, par exemple au Mali lors d'une mission avec notre collègue André Vantomme. Comment redonner à notre aide bilatérale de véritables moyens d'agir sur le terrain dans ces pays ?

L'action de l'Union européenne dans le domaine de la coopération et la création du service d'action extérieure ont suscité chez nous beaucoup d'intérêt. Mais sur le terrain, il y a quelque chose d'absurde à maintenir 27 politiques d'aide au développement. En Mauritanie et au Mali, il y a 27 agences de coopération et l'Union européenne agit comme un 28 e partenaire. Les autorités locales ne savent plus à quel guichet s'adresser. Les procédures deviennent kafkaïennes. Il en résulte une forme de désenchantement par rapport à l'action de l'Union européenne. Comment la France peut-elle contribuer à une meilleure lisibilité de l'action de coopération au niveau européen et faire disparaître l'effet pervers du 28 e partenaire ?

Ma troisième question porte sur ce qu'il est désormais convenu d'appeler le printemps arabe et les actions poursuivies en faveur d'une transition vers des régimes stables et d'une amélioration de la situation sociale dans les pays concernés. Le partenariat de Deauville qui a suivi la rencontre de Marseille est-il à la hauteur du défi posé ? Les financements supplémentaires annoncés entrent dans le cadre communautaire ou multilatéral. L'AFD n'a finalement guère consacré de moyens supplémentaires à ce qui apparaît comme une priorité diplomatique. La France est très en avance, y compris sur le plan militaire, comme en Libye, mais est-elle à la hauteur ? C'est un sujet à suivre puisque le Président de la commission nous a invités à nous pencher en 2012 sur notre coopération avec la Tunisie et l'Egypte.

Enfin, le sommet de Durban permettra-t-il de réels progrès ? Nous nous souvenons qu'à Copenhague, seuls les Européens avaient pris des engagements, les pays en développement renvoyant à leur nécessité de croître, pour ne pas parler de l'attitude des Etats-Unis ou de la Russie, en faveur de la création d'un Fonds mondial de l'environnement. Le sommet de Durban, convoqué pour dégager d'importants moyens de lutte contre le changement climatique, accouchera-t-il, comme d'autres avant lui, d'une petite souris ?

M. Christian Masset . - Pour faire face à la demande croissante adressée à l'AEFE, évoquée par M. René Beaumont, nous développons le label « France éducation », portant sur un enseignement bilingue avec un cursus français renforcé, où peuvent intervenir des enseignants titulaires français, en particulier dans les pays où les systèmes scolaires sont solides, comme les pays européens. A la prochaine rentrée, nous ouvrirons 20 classes sous ce label, principalement en Europe. Nous sommes très attentifs à la situation au Brésil, où un grand chantier est en cours à Brasilia et où nous cherchons des solutions pour construire à Sao Paolo. Le financement de l'immobilier est en effet un sujet majeur. La dérogation, nous nous sommes battus pour l'avoir l'an dernier, mais en vain. Nous sommes en train de dégager une solution : nous pensons créer un fonds qui recueillera des prêts de l'AFT permettant l'amorce à laquelle vous faites allusion. Ce fonds sera ensuite alimenté par les remboursements des familles.

Quant aux recettes, le réseau culturel public français (sans l'Alliance) lève au minimum - compte non tenu des apports en nature - 140 millions d'euros dont 70 millions d'euros de recettes de cours. Les recettes de l'Alliance française s'élèvent à environ 100 millions d'euros par an. Notre idée est de développer tout cela, c'est pourquoi l'Institut français investit entre autres sur les outils numériques et la certification de la qualité.

L'expérimentation est en cours. Il n'est pas nécessaire de prendre un nouveau décret. Un arrêté a été signé pour 13 pays, qui en concerne 12 en pratique. Nous tenons le 28 novembre une troisième réunion avec l'ensemble des postes expérimentateurs. L'expérimentation commencera bien le 1 er janvier 2012. Je me garderai bien à ce stade de juger ce que cela donnera, nous le verrons dans un an.

Monsieur Peyronnet, la fragmentation de l'aide est une préoccupation majeure, qui fait l'objet de la 4 e conférence sur l'efficacité de l'aide qui a lieu en décembre à Busan. Il faut tout d'abord jouer sur la concentration, entre les pays, par secteur. Il faut ensuite développer la programmation conjointe au niveau européen. C'est un chantier en cours. C'est plus facile dans des pays comme la Guinée-Conakry, où la coopération reprend, que dans des pays où existent des programmes bien établis. Enfin, il faut travailler ensemble pour développer la mutualisation d'action entre les fonds verticaux, par exemple dans le domaine de la santé. Cela concerne le renforcement des systèmes de santé et du personnel hospitalier. Nous sommes en charge du G8 ; nous avons demandé aux pays qui en sont membres de travailler sur la fragmentation dans le domaine de la santé, afin d'aboutir à une meilleure coordination.

La réponse à votre question sur l'évaluation n'est pas évidente. Les Britanniques ont en effet une approche clairement orientée vers les résultats. Mais c'est une approche partielle, qui ne prend pas en compte l'impact global sur le développement. On peut mesurer l'efficacité d'un euro dépensé dans tel secteur, mais ce qui est en jeu est plus complexe. L'approche par les résultats est sans doute nécessaire mais elle n'est pas suffisante. A Busan, ce qui est en cause, ce n'est pas l'impact de l'aide, mais l'impact du développement, ce qui suppose une approche globale.

Nous maintenons que le FED doit être intégré dans le budget de l'Union européenne et suivre les mêmes procédures. La clé de répartition devrait être la même et le Parlement européen devrait exercer sa responsabilité comme sur les autres programmes sans que cela diminue la compétence du Parlement français.

Le rapport de la mission d'inspection internationale fait apparaître que ce n'est pas le Fonds mondial de lutte contre le sida qui a fauté mais que c'est au niveau des récipiendaires de second rang que des financements se sont « évaporés ». On est donc en train de resserrer les procédures. Plus globalement, c'est le modèle économique du Fonds qui doit être repensé dans la mesure où l'augmentation de ses engagements, par définition relativement longs, auprès des malades, se traduit mécaniquement par une contrainte sur ses capacités d'intervention nouvelles. Le Fonds va donc être désormais amené à prioriser davantage ses actions.

Le partenariat de Deauville, c'est la mobilisation des moyens, la coordination et l'intégration régionale. Le printemps arabe constitue bien entendu un sujet majeur de la présidence française du G8. La mobilisation est là : les institutions financières consacreront à ces pays 38 milliards d'euros entre 2011 et 2013, dont 2,5 milliards d'euros mobilisés par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) qui, jusqu'alors, n'intervenait pas dans cette zone géographique. La coopération bilatérale des pays du G8 et des pays du Golfe sera elle aussi renforcée. Quant à l'aide française, elle place notre pays parmi les deux ou trois premiers bailleurs avec une contribution globale de 2,7 milliards d'euros versée par l'AFD pour la période 2011-2013, ce qui permettra, par exemple, d'augmenter nos financements en Egypte de 200 millions d'euros au-delà de ce qui était programmé.

Coordination des institutions financières, ensuite, grâce à la plate-forme mise en place par la banque africaine de développement (BAD), le premier bailleur multilatéral sur la région (déjà un milliard de dollars de prêt à la Tunisie). Son Président, M. Donald Kaberuka, nous a d'ailleurs précisé qu'il mettait dix personnes à la disposition de cette plate-forme.

Monsieur Cambon, vous êtes l'un des pères du document-cadre de développement. Oui, la part des quatorze pays prioritaires dans l'aide publique au développement (APD) diminue du fait de l'octroi de prêts à d'autres bénéficiaires mais elle ne diminue pas si l'on regarde les dons. La principale façon d'aider ces pays aujourd'hui, ce sont les dons et ceux-ci devraient représenter plus de 50 % de la part de notre aide. En outre, nos moyens sont renforcés puisque les autorisations d'engagement qui étaient inférieures à 300 millions d'euros en 2010, atteindront 310 millions d'euros en 2011 et 324 millions d'euros en 2012. Dans ce cadre, le fonds de solidarité prioritaire (FSP) passera par exemple de 25 à 50 millions d'euros, l'augmentation étant consacrée à la santé maternelle et infantile qui est l'un des problèmes majeurs rencontrés dans ces quatorze pays. Nous nous battons pour obtenir le meilleur budget possible, ce qui n'est pas facile dans le contexte financier. Il est en hausse pour la coopération bilatérale et il se concentre en priorité sur ces pays. Tout ceci figure dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.

S'agissant de Durban, je n'ai pas dit qu'il fallait en attendre des étoiles et des étincelles. L'important est de maintenir la pression, afin de pouvoir profiter de fenêtres d'opportunités qui se présenteront tôt ou tard car, plus on attend, et plus cela va coûter cher. J'espère que nous parviendrons à progresser vers la mise en place d'un cadre global dans lequel les pays développés et les pays émergents pourront s'engager.

M. Jean-Louis Carrère , président . - Merci beaucoup messieurs les rapporteurs. Pour prendre une image, je dirai que ce budget ressemble au palier d'un escalier - un palier bas et non un palier haut. M. Alain Juppé nous disait lui-même que l'on est à un niveau où, si l'on commence à toucher à quoi que ce soit, il n'y aura pas d'autre choix que de fermer des ambassades et qu'il faudra alors lui dire lesquelles.

M. Christian Cambon et Mme Hélène Conway Mouret - Il disait que l'on est arrivé à l'os.

M. André Dulait . - L'Institut de Tachkent qui a, comme vous le savez, connu des difficultés. Où en est-on de sa transformation ?

Mme Hélène Conway Mouret . - Je me félicite des objectifs d'excellence que vous fixez à notre diplomatie culturelle et d'influence, mais je souhaiterais revenir sur quelques faiblesses qui risquent d'entraver leur réalisation. La première concerne la suppression des emplois de titulaires dans notre réseau d'enseignement à l'étranger. Aucune création de poste n'est envisagée et dès qu'un poste se libère, il est réaffecté en Asie, ce qui a des conséquences lourdes sur notre réseau d'établissements en Europe. Comment envisagez-vous l'avenir de l'ensemble de ces réseaux ?

Vous êtes passé assez rapidement sur la dotation réduite du réseau, en indiquant qu'elle serait compensée par des recettes d'autofinancement. Que se passera-t-il si ces dernières ne sont pas au rendez-vous ?

Enfin, où en est-on des discussions en vue de la signature de la convention entre l'Institut français et l'Alliance française ? Celle-ci n'avait pas été vraiment consultée lorsque celui-là a été mis en place, alors qu'elle représente les deux tiers du réseau. Est-elle davantage partie prenante aux discussions aujourd'hui ?

M. Christian Masset . - Les problèmes rencontrés avec les autorités ont effectivement conduit à la fermeture de l'Institut de Tachkent. Il faut absolument le préserver : nous sommes tout à fait conscients du facteur de rayonnement que cette institution constitue dans une région par ailleurs très disputée. Ses effets sur la présence française se font ressentir jusqu'à 1 500 kilomètres à la ronde.

M. André Dulait . - Tout à fait !

M. Christian Masset . - Notre objectif est bien sa réouverture et non sa fermeture définitive. Pour l'heure, nous procédons à la redistribution des chercheurs dans les postes de la région.

Concernant les postes d'enseignants titulaires résidents et expatriés, nous sommes dans une phase de stabilisation qui fait suite à des périodes de baisses importantes. Nous sommes parvenus à conserver des expatriés, ce qui n'était pas évident dans le cadre de la RGPP. Toutefois, cela était essentiel, d'une part pour disposer de personnels à qui confier des responsabilités d'encadrement des établissements en plus de leurs responsabilités pédagogiques, et, d'autre part afin de pouvoir proposer des rémunérations attractives dans les pays particulièrement difficiles.

Mme Hélène Conway Mouret . - Et l'Europe ?

M. Christian Masset . - Là nous sommes obligés de faire avec la contrainte, mais toujours en veillant à la qualité de l'enseignement. L'on ne supprime jamais de poste au détriment de la qualité. Je me suis battu pour maintenir le principe de 50 % de titulaires : c'est notre objectif stratégique pour la qualité du service public, notre boussole.

La restriction de la dotation de fonctionnement des centres culturels n'a été décidée qu'après un examen approfondi. Elle est d'autant plus supportable que nous revoyons la cartographie du réseau. Si un centre rencontre des problèmes de viabilité économique durable, nous devons fermer. C'est par exemple ce qui s'est passé à Stockholm où, malgré un plan de redressement, notre centre ne fonctionnait pas. Mieux vaut employer l'argent public ailleurs. C'est d'ailleurs ce que font, et de façon plus vigoureuse, le Goethe Institut ou le British Council.

Vous avez raison de mettre l'accent sur les relations entre l'Institut français et l'Alliance française et notamment les préoccupations de cette dernière face à la création du nouvel acteur qui s'accompagne de la création d'une appellation commune, celle des « instituts français ». Le réseau culturel doit marcher sur ses deux jambes : une jambe publique constituée des instituts français et une jambe associative représentée par les Alliances françaises. Celles-ci bénéficient d'ailleurs d'un soutien public à travers la mise à disposition de trois cents personnes et l'accès aux subventions, puisque sur les 37 millions de budget de l'Institut, hors expérimentation, 10 à 15 millions sont distribués au réseau et donc aussi aux Alliances françaises. Nous sommes parvenus à ce qu'il n'y ait pas de doublon entre les deux réseaux. Enfin, s'il y a des préoccupations, nous en parlons. Nous poursuivons un dialogue à trois entre les deux institutions et le ministère, ce qui nous donnera l'occasion, par exemple, de nous réunir très prochainement autour de Jean-Pierre de Launoit, ce président extraordinaire de la Fondation Alliance française.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page