C. LES AUTRES INDUSTRIES CULTURELLES

La politique en faveur des industries culturelles couvre notamment, en plus du secteur du livre, ceux de la musique enregistrée, du cinéma et de l'audiovisuel. Ces secteurs sont tous confrontés à la nécessité d'adapter leurs modèles économiques au développement de l'Internet et des technologies numériques. Dans ce contexte, rappelons que le ministre de la culture et de la communication avait confié, le 3 septembre 2009, à MM. Patrick Zelnik, Guillaume Cerutti et Jacques Toubon, la responsabilité d'une mission « Création et Internet » visant à proposer des pistes de développement de l'offre légale de contenus culturels sur Internet et d'amélioration de la rémunération des créateurs et du financement des industries culturelles. Leurs conclusions et propositions ont été présentées le 6 janvier 2010. 9 ( * )

1. Les crédits

L'action 4 « Industries culturelles » du programme 180 comprend trois sous-actions , auxquelles 26 millions d'euros devraient être consacrées en 2011, dont 62,3 % de crédits d'intervention. Ces sous-actions concernent :

- le soutien dans le domaine de la musique enregistrée , avec 681 000 d'euros de dépenses de fonctionnement en AE et CP ;

- le soutien dans le domaine du cinéma et la protection du patrimoine cinématographique , avec 13,3 millions d'euros , dont 73,5 % pour la Cinémathèque, ce qui représente la moitié du soutien à cet opérateur, l'autre moitié provenant désormais du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ; 26,5 % correspondent aux dépenses d'intervention en faveur d'organismes en région et de rencontres et festivals ;

- et le budget de fonctionnement de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet ( Hadopi) , créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, à hauteur de 12 millions d'euros , contre 5,3 millions d'euros prévus à ce titre en 2010, cet abondement se justifiant par la montée en puissance de la Hadopi.

Votre rapporteur, M. Serge Lagauche, se concentrera sur le secteur de la musique dans le présent rapport. En effet, établissant, cette année encore, un rapport consacré à la création et au cinéma, il y consacrera un développement spécifique à la politique conduite en matière de lutte contre le piratage ainsi qu'au cinéma, et donc aux crédits du CNC.

2. La musique : « l'atterrissage » du précurseur de l'ère numérique
a) Une relative stabilisation du marché

Le secteur de la musique est entré le premier, massivement, dans l'ère numérique. Les professionnels considèrent qu'il a parcouru plus de la moitié de sa transition numérique en 10 ans.

En effet, après avoir perdu plus de 60 % de son chiffre d'affaires depuis 2003, le marché de la musique enregistrée semble en voie de stabilisation.

D'après l'Observatoire de la musique, son chiffre d'affaires n'a baissé « que » de 3,9 % au premier semestre 2010, contre - 13 % en 2009. La progression des ventes numériques (+ 8,8 %) vient compenser, mais en volume seulement, la baisse des supports physiques (- 4,9 %).

Le chiffre d'affaires de la musique numérique est en hausse de 26,9 % et représente environ 10 % du chiffre d'affaires global de la musique enregistrée. Mais bien qu'en progression continue, le marché numérique n'est toujours pas assez important pour compenser les pertes enregistrées depuis 2002.

Paradoxalement, alors que la musique n'a jamais été aussi écoutée que ces dernières années, grâce aux facilités d'accès aux outils de production, de diffusion et d'écoute, les professionnels peinent à se rémunérer. En effet, le secteur n'a pas encore trouvé un modèle économique permettant d'investir dans de nouveaux contenus et l'importance du piratage qu'il subit rend difficile la valorisation des contenus musicaux numériques.

Pourtant, de réels efforts sont consentis par la filière pour développer l'offre légale. S'agissant des aides , le secteur bénéficie surtout :

- des quotas de diffusion radiophonique ;

- de la loi de 1985 sur la copie privée, qui permet de compléter la rémunération des acteurs concernés ;

- le crédit d'impôt phonographique ;

- la lutte contre le piratage et la contrefaçon. À cet égard, le récent lancement de la « Carte musique jeunes » va dans le bon sens.

b) Le lancement de la « Carte musique jeunes »

La première des préconisations du rapport « Création et Internet » précité concerne la mise en oeuvre d'une Carte musique pour les jeunes, lancée le 25 octobre 2010 . Une semaine après son lancement, près de 10 000 cartes musique avaient d'ores et déjà été créées.

Le Gouvernement a donc décidé d'encourager l'achat de musique sur Internet et de favoriser ainsi la consommation légale et payante de musique par le biais d'une « carte musique » en faveur des jeunes de 12 à 25 ans , soit une population potentielle de 10,5 millions de personnes.

Cette carte sera subventionnée à 50 %par l'État , pour un budget total de 25 millions d'euros par an, pendant trois ans . Les éditeurs de service de musique en ligne et les ayants droit supportent une partie des coûts de l'opération, à hauteur de 20 %. Leur contribution prend notamment la forme d'offres spéciales et renforce l'attractivité de l'opération.

Afin de permettre l'essai de plusieurs offres, notamment de téléchargement ou de « streaming », un système de tickets d'une valeur de 10, 20 ou 50 euros chacun est mis en place, ces tickets étant payés par le jeune usager respectivement 5, 10 ou 25 euros.

Le montant de l'aide par utilisateur ne peut dépasser 25 euros par an, ce qui représente donc 50 euros maximum en bons d'achat pour le consommateur. vise à en les incitant à consommer des offres de musique légale et payante.

Un éditeur de service ne pourra percevoir plus de 5 millions d'euros d'aide par an, soit 20 % du total. L'aide est par ailleurs accordée dans la limite d'un million d'offres carte musique par an et par éditeur (soit des cartes d'une valeur de 5 euros). Il s'agit ainsi d'éviter qu'une même plate-forme accapare la majeure partie de la subvention.

Par ailleurs, les plates-formes doivent respecter plusieurs règles :

- l'offre commercialisée sous la dénomination de « carte musique » doit être composée « d'oeuvres musicales émanant des catalogues de plus de cinq auteurs, artistes-interprètes ou leurs ayants droit, et de plus de trois producteurs de phonogrammes. » ;

- plus précisément, lorsque l'offre comprend principalement de la musique de variété, les éditeurs réservent, « une proportion substantielle » de la page d'accueil de l'offre à des « oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France » ;

- enfin, l'aide est accordée pour les achats sur les sites labélisés par la Hadopi . Toutefois, le décret concerné étant toujours en attente , la Haute autorité n'est pas encore en mesure de délivrer des labels. Votre rapporteur s'interroge donc sur le délai d'application de cette mesure .

Néanmoins, votre commission soutient cette mesure incitative qui vise à modifier les comportements des jeunes sur Internet en rendant l'offre légale plus accessible à leurs budgets contraints.

Elle souhaite qu'une évaluation de cette mesure soit réalisée à la fin de chacune des trois années de son application.

c) Aider la filière à se structurer

Par ailleurs, votre rapporteur relève que les différents acteurs de la filière musicale se sont historiquement moins structurés que d'autres secteurs en vue de solliciter de l'État une régulation.

Il semble qu'il ait fallu attendre la crise liée à la transition numérique pour qu'un dialogue s'engage entre eux.

C'est ainsi, par exemple, que le crédit d'impôt phonographique bénéficie à la production phonographique mais pas aux producteurs de spectacles vivants et de musique de variété. Pourtant, ces derniers assument une part croissante des dépenses de promotion des nouveaux talents musicaux, notamment à l'occasion des tournées musicales. Dès lors, il pourrait être équitable d'étendre en leur faveur ce dispositif. Mais ce dernier étant peu opérant en l'état, son amélioration apparaît également souhaitable. Votre rapporteur appelle de ses voeux des négociations interprofessionnelles, afin que les acteurs puissent présenter un projet cohérent aux pouvoirs publics.

Il rappelle, par ailleurs, que M. Emmanuel Hoog s'est vu confier par le ministre, en mars 2010, une mission de concertation et de médiation en vue de trouver un accord concret permettant la mise en oeuvre de la proposition n° 5 du rapport précité « Création et Internet ». Celle-ci consiste, pour les services de mise à disposition interactive en ligne de musique, notamment de téléchargement de titres et de lecture en continu à la demande, à appeler les professionnels concernés (producteurs et artistes-interprètes) à se réunir et à opter dans les meilleurs délais pour un régime de gestion collective sous une forme volontaire . Si ces professionnels ne sont pas parvenus à un accord d'ici la fin de l'année 2010, le rapport propose que les pouvoirs publics instaurent à cette date un régime de gestion collective obligatoire des droits exclusifs par les sociétés agréées de perception et de répartition des droits des producteurs et des artistes-interprètes.

Enfin, votre rapporteur demandera au Gouvernement de poursuivre une concertation avec les professionnels afin de réfléchir à une meilleure régulation du secteur. Votre commission pourrait aussi participer à cette démarche au travers d'une table ronde au premier semestre 2011.


* 9 Voir la synthèse des propositions en annexe du présent rapport.

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