2. La nécessité d'achever rapidement la révision de l'état civil des Mahorais

La dualité de statuts civils s'est accompagnée à Mayotte, jusqu'en 2000, d'un double système d'état civil. L'état civil coranique, dépendant des cadis, a cependant été transféré aux mairies en 1977. Mais les registres ont été mal tenus, dégradés, voire perdus.

Jusqu'en 2000, les Français nés à Mayotte étaient identifiés par des vocables. L'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 a créé un service d'état civil de droit commun dans chaque mairie, une commission de révision de l'état civil étant chargée de reconstituer les actes antérieurs à cette date.

Les Mahorais de statut personnel et dont l'état civil n'a pas été révisé sont désignés par une série de vocables, sans distinction du nom et du prénom.

Or, comme le souligne le rapport de la mission d'information de votre commission à Mayotte, l'absence d'état civil fiable pour l'ensemble de la population mahoraise a des répercussions considérables sur la fiabilité des listes électorales .

Instituée par l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte, et installée en avril 2001, la commission de révision de l'état civil a une double mission consistant à :

- fixer les nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local nées avant la publication de l'ordonnance soit le 8 mars 2000 ;

- établir les actes d'état civil (naissance, mariage, décès) destinés à suppléer les actes manquants, les actes perdus ou détruits ou ceux dont l'état de conservation ne permet pas l'exploitation, les actes irréguliers, les actes devant être inscrits sur un registre d'état civil de droit commun alors qu'ils l'ont été à tort sur un registre de droit local ou inversement.

Les enjeux de la modernisation de l'état civil sont considérables : il s'agit d'affirmer des droits de la personne en tant que sujet clairement individualisé et d'officialiser, dès la naissance, une identité permanente.

Mise en place le 5 avril 2001, la CREC doit achever ses travaux au plus tard en avril 2011.

La CREC est présidée par un magistrat du siège, assisté, depuis le mois d'avril 2009, par un secrétaire général.

Quarante rapporteurs, chargés de l'enregistrement des demandes et de la préparation des décisions individuelles, sont répartis entre les 17 communes de Mayotte.

Ce dispositif ne s'est pas révélé suffisamment efficace, puisqu'à ce jour plus de 50 000 Mahorais n'ont pas encore réglé leur situation au regard de ces nouvelles règles d'état civil.

La Commission souffre de divers dysfonctionnements liés :

- à un défaut d'organisation des travaux préparatoires par les rapporteurs ;

- à un défaut de formation de ces personnels ;

- à une informatisation insuffisante et obsolète ;

- à une procédure complexe (les Mahorais doivent fournir un grand nombre de documents de famille, difficiles à retrouver).

Ainsi, les délais, jugés trop longs pour obtenir une décision de la CREC, n'incitent pas les intéressés à effectuer cette démarche.

Le stock de près de 15.000 dossiers en instance devant la CREC montre bien que la trop lente progression du travail de révision de l'état civil ne provient pas d'une réticence des Mahorais à saisir cette commission, mais de défauts de fonctionnement clairement identifiés par le rapport d'information de votre commission sur la départementalisation de Mayotte.

Aussi paraît-il indispensable de permettre aux Mahorais de présenter de nouvelles demandes à la CREC. Le rapport d'information de votre commission souligne en effet que « la révision de l'état civil doit être menée à bien rapidement car le délai de traitement des demandes est actuellement très préjudiciable aux demandeurs qui, ne disposant pas de documents d'état civil fiables, ne peuvent effectuer certaines démarches de la vie courante. S'ils ne disposent pas d'un acte de naissance reconstitué par la CREC, les Mahorais peuvent se trouver comme des « étrangers en France ». Ils ne peuvent obtenir ni certificat de nationalité française, ni carte nationale d'identité, ni passeport, ce qui les empêche de voyager, d'effectuer des déplacements professionnels ou encore de poursuivre leurs études supérieures à l'extérieur » 21 ( * ) .

Dans le cadre de la préparation à la départementalisation de Mayotte, l'accent a été mis sur la nécessité de fiabiliser l'état civil des Mahorais.

Les services du ministère de l'outre-mer ont recherché les moyens d'améliorer le fonctionnement de la commission ainsi que le service public de l'état civil à Mayotte.

• L'indispensable amélioration du fonctionnement de la CREC

Après un audit diligenté par le préfet de Mayotte à la fin de l'année 2008 auprès de l'ensemble des communes, plusieurs de ses propositions ont été concrétisées par les actions suivantes :

- la nomination d'un secrétaire général, chargé de coordonner l'activité des rapporteurs ;

- la réforme de l'ordonnance du 8 mars 2000 afin de simplifier la procédure et d'optimiser les travaux de la commission d'ici avril 2011.

L'article 72 (I) de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer habilite ainsi le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures tendant à actualiser et adapter l'organisation juridictionnelle de Mayotte et à modifier le statut civil personnel de droit local, afin d'assurer le respect des principes constitutionnels et des droits fondamentaux 22 ( * ) .

L'article 57 de la même loi comporte en outre, à l'initiative de votre commission, un ensemble de mesures de nature à accélérer les travaux de la CREC. Cet article prévoit en effet :

- de nommer le préfet vice président de la commission ;

- de permettre au président de statuer seul, sauf dans les cas les plus complexes et de simplifier les conditions de la collégialité lorsque celle-ci reste nécessaire ;

- de limiter dans le temps la possibilité de saisir la CREC. Aussi les Mahorais devront-ils accomplir cette formalité avant le 31 juillet 2010.

? Consolider le service public de l'état civil à Mayotte

Outre la nécessaire amélioration des résultats de la CREC, il paraît indispensable de consolider le service public de l'état civil à Mayotte.

A cet égard, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit la prorogation, jusqu'en 2011, d'une dotation exceptionnelle de 300 000 euros aux communes mahoraises, destinée aux opérations de sécurisation et de mise aux normes des locaux ainsi qu'aux besoins en matériels informatiques et fournitures.

* 21 Voir le rapport n° 115 (2008-2009).

* 22 Voir le rapport pour avis n° 240 (2008-2009) fait au nom de la commission des lois sur ce projet de loi par notre collègue Jean-Paul Virapoullé.

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