V. PROTECTION ET SAUVEGARDE

Cette capacité -ou action- regroupe cette année 8,8 % des autorisations de programme (1,025 milliard d'euros) et 6 % (0,687 milliard d'euros) des crédits de paiement du programme 146, dont il est demandé l'ouverture par le projet de loi de finances pour 2010. Elle comprend quatre sous-actions : « assurer la sûreté des approches » ; « assurer la protection des forces et des sites » et « assurer la sécurité de l'Etat, de la Nation et des citoyens » et enfin assurer la protection de l'homme ». Les deux dernières sont budgétairement intégrées dans les deux premières.

A. ETAT DES CAPACITÉS

1. Capacités terrestres

a) Enseignements des engagements récents

Les opérations extérieures et les engagements en Afghanistan, en Irak et au Liban imposent de mettre l'accent sur les capacités de protection des équipements des forces face à la menace des EEI 12 ( * ) ou des snipers tout en conservant des capacités de défense contre une menace aérienne. L'engagement en Côte d'Ivoire a montré que malgré une supériorité aérienne très grande, on ne pouvait pas totalement s'affranchir de cette menace. Par ailleurs les théâtres confirment l'importance des drones pour la protection des troupes en action. Enfin, la protection contre la menace NRBC doit être prise en compte afin de préserver la liberté d'action et de décision aux différents niveaux de responsabilité et autoriser la poursuite des opérations en cours en cas d'emploi NBC par un adversaire.

b) Grandes priorités en matière d'équipement des forces terrestres

La période couverte par la loi de programmation militaire 2009-2014 permettra de réaliser, ou de préparer le renouvellement, l'adaptation et la modernisation des capacités nécessaires à l'atteinte des objectifs opérationnels du Livre blanc.

Dans cette perspective la priorité vise à améliorer la protection des unités en mouvement et la protection intrinsèque des plates-formes, notamment face aux EEI.

L'opération d'ensemble CARAPE 13 ( * ) a été créée pour répondre de façon globale à la menace croissante des EEI sur les théâtres d'opérations afghan et libanais. Il s'agit :

• de satisfaire les besoins présents, en coordonnant les achats en urgence opérationnelle en cours ;

• de répondre aux besoins futurs, en s'efforçant d'anticiper le développement et l'achat de nouveaux moyens de lutte anti-EEI, suscités par le retour d'expérience du terrain comme par l'évolution des technologies et des réponses disponibles.

c) Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles

Si les enseignements des opérations les plus récentes ont conforté les choix de renouvellement d'un certain nombre de nos capacités, la menace étant évolutive, il s'agit de favoriser la capacité d'adaptation.

En outre, les moyens complémentaires de défense sol-air de l'armée de l'air et de l'armée de terre permettent la mise en place d'un dispositif dimensionné au juste besoin. Tout abandon supplémentaire induirait une lacune capacitaire.

d) Comparaison avec les alliés

En matière de protection, l'armée de terre a les mêmes préoccupations que ses alliés. Afin d'améliorer la lutte contre les EEI, les Américains et les Britanniques ont installé des brouilleurs et des surprotections additionnelles. Leurs systèmes de protection contre les EEI s'améliorent dans deux directions :

• Les équipements spécifiquement dédiés à la lutte contre les EEI, type Buffalo (États-Unis) ;

• La conception même des véhicules susceptibles d'être engagés (gamme de véhicules MRAP).

Dans le domaine de la défense RNBC, les préoccupations des alliés sont les mêmes et les niveaux capacitaires sont équivalents.

La DSA 14 ( * ) britannique, assurée en totalité par l'armée de terre, est fondée sur deux segments : courte portée (SACP RAPIER, portée 8 km) et très courte portée (système HVM 15 ( * ) , portée 5 km). Les Allemands, à l'instar des Américains, ont construit leur DSA selon deux segments : très courte portée (canon GUEPARD et missile OZELOT), moyenne portée (PATRIOT). En termes de volume, Allemands et Britanniques ont des volumes de forces de DSA comparables à celles de la France.

Il convient de souligner que les alliés développent des capacités de C-RAM 16 ( * ) . Depuis 2007, les Britanniques déploient en Afghanistan une unité dotée de cette capacité.

2. Capacités navales

a) Les enseignements des engagements récents

Dans le domaine de la protection et de la sauvegarde maritime, les opérations récentes confirment ou apportent le retour d'expérience suivant :

• le développement continu de formes nouvelles de menaces qui transitent ou se développent sur mer (terrorisme, piraterie, trafics illicites, prolifération) ;

• la complexité des opérations en eaux littorales et en particulier leurs exigences en matière de maîtrise du milieu et d'autoprotection.

La mission de maîtrise d'une zone maritime par la « Task Force 150 » au large de la corne de l'Afrique et l'opération BALISTE d'évacuation de ressortissants au Liban ont produit des enseignements en matière de systèmes de commandement, d'interopérabilité et de capacités à opérer longtemps dans des postures de protection renforcées, y compris au mouillage.

Dans ce contexte, les axes d'effort prioritaires portent en particulier sur le renouvellement de la flotte de surface et son équipement. Les enseignements imposent en premier lieu l'escorte des unités de premier rang (groupe aéronaval, amphibie, navires de transports, etc.) rôle relevant des futures frégates multi-missions FREMM.

En deuxième lieu, le besoin de renforcer les moyens d'autodéfense des bâtiments, pour contrer des menaces « asymétriques » de type terroriste, notamment de nuit est mis en lumière. Cela conduit à envisager la dotation de systèmes de "sommation/freinage" à létalité réduite à bord des bâtiments.

Enfin, les opérations menées par les ATL2 au Tchad et leur exposition à la menace sol/air très courte portée ont rappelé l'insuffisance de ces avions en moyens d'autoprotection, notamment face à la menace infrarouge. La remise à niveau des ATL2 devrait corriger cette lacune à compter de 2017.

b) Grandes priorités en matière d'équipements de protection dans le domaine naval

Ces priorités sont principalement ciblées sur la relève des moyens dédiés à la sauvegarde maritime. Ces moyens qui sont répartis en métropole et dans les DOM/COM comprennent des installations fixes (sémaphores et réseaux associés) ainsi que des patrouilleurs hauturiers et aéronefs de surveillance maritime.

Les principaux programmes prévus sont les suivants :

• le programme SPATIONAV (surveillance des approches maritimes et de zones sous juridiction nationale) améliore la surveillance des côtes et des approches maritimes. La chaîne des sémaphores de surveillance a été adaptée pour obtenir une continuité complète de la veille radar le long du littoral. L'ensemble de sites a été mis en réseau (achevé début 2009). La phase prévoyant le traitement des obsolescences (radars des sémaphores, goniométrie VHF) sera lancée fin 2010.

• le renouvellement des composantes aérienne (AVSIMAR) et navale (BATSIMAR) sera effective en fin de deuxième LPM. Un effort particulier sera mené pour acquérir des unités peu sophistiquées, dotées de capacités de haute mer et capables d'opérer dans l'immensité des zones internationales pour contrer les menaces au plus près de leur sources.

En parallèle, la marine devrait retrouver bientôt un parc de quatre frégates de défense aérienne à l'arrivée de la dernière des deux frégates HORIZON (livraison prévue en décembre 2009). Les deux frégates de type Cassard seront remplacées à l'horizon 2021 par deux FREMM adaptées en frégates de défense aérienne.

L'état vieillissant de la flotte Super Frelon a amené l'état major de la marine à programmer leur arrêt fin 2009. Deux hélicoptères Dauphin ont été loués à la société NHV pour renforcer le dispositif méditerranéen. Une solution palliative est recherchée pour la région Bretagne avant la prise effective de l'alerte SECMAR par le NH 90 (automne 2011).

c) Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles

Les moyens consacrés à la sauvegarde maritime sont vieillissants et pour certains inadaptés à l'évolution des menaces (patrouilleurs de trop faible tonnage). Une réduction temporaire de capacité sur les patrouilleurs de haute mer et les avions de surveillance apparaîtra entre 2012 et 2018.

d) Comparaison avec les alliés

Les comparaisons avec nos alliés dans le domaine de la protection sont délicates dans la mesure où les responsabilités, les enjeux et les administrations concernées par la sauvegarde maritime sont souvent très différents d'un Etat à l'autre. Les Etats-Unis disposent d'un corps de garde-côtes très puissant, ce qui fausse la comparaison. Au demeurant, cette institution se rapproche de l'US Navy dans la perspective de mettre en place un concept de National fleet , proche du modèle français de Marine nationale.

Par ailleurs, la comparaison des domaines maritime à surveiller établit des disparités considérables. Cela a-t-il un sens de comparer les espaces maritimes allemands et français et surtout les obligations de surveillance qui en découlent ?

La plupart des marines ou des garde-côtes se dotent de patrouilleurs hauturiers d'un tonnage supérieur à 1 000 tonnes, voire 1 800 tonnes pour les River britanniques.

3. Capacités aériennes

a) Les enseignements des engagements récents

Sur les théâtres d'opérations potentiels de l'arc de crise, la prolifération des appareils de combat et de systèmes d'armes de dernière génération constitue un facteur de préoccupation.

A l'horizon 2015, de nombreux systèmes d'armes proliférant surclasseront les performances du missile air-air MICA, ce qui affaiblira la capacité d'entrée en premier de nos forces.

Néanmoins, le Missile d'Interception à Domaine Elargi (MIDE-METEOR) équipera le Rafale en 2018, l'Eurofighter et le Gripen. Il permettra de conserver la supériorité aérienne, grâce à son domaine de tir plus étendu que celui des missiles actuels.

b) Grandes priorités en matière d'équipement de défense aérienne

La capacité de défense aérienne repose, à l'été 2009, sur deux escadrons de Mirage 2000 C, un escadron de Mirage 2000-5, un escadron de Mirage F1CT-CR et un escadron Rafale. La marine participe à la mission de défense aérienne avec les avions Rafale. Cette capacité est complétée par 20 hélicoptères Fennec équipés pour remplir des missions de sûreté aérienne à l'encontre d'aéronefs évoluant à faible vitesse.

La limitation budgétaire des cadences de livraison du Rafale ne permet pas de compenser numériquement le retrait progressif du service des avions anciens. Pour satisfaire aux orientations du Livre blanc, une remise à niveau du Mirage 2000 D, seul avion pérenne au-delà de 2020, sera effectuée pendant la loi de programmation militaire 2009-2014 afin d'assurer la cohérence de la flotte de combat à l'horizon 2015.

Concernant les missiles air-air, la problématique du MICA est triple :

• missile conçu pour engager des cibles de type chasseur, le MICA EM s'avère moins bien adapté contre les cibles atypiques (missiles de croisière, drones, avions légers, ULM, avions furtifs, avion de transport) du fait de sa faible charge militaire, des capacités de son autodirecteur et de sa loi de guidage ; des évolutions sont à l'étude ;

• ses performances face à des avions modernes dotés de missiles aux portées supérieures risquent de ne plus garantir l'avantage tactique et donc la sécurité de nos aéronefs ; en ce sens, la mise en service du METEOR sur Rafale est nécessaire pour maintenir la capacité d'entrer en premier à moyen terme ;

• pour autant, le MICA et le METEOR restent complémentaires, le premier offre une capacité courte/moyenne distance et le second assure la supériorité face aux menaces longue portée.

La capacité de défense sol/air s'améliorera, à compter de 2010, avec la mise en service opérationnel des systèmes « sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T) » dotés des missiles ASTER 30 Block 1, aux côtés des systèmes actuels à courte portée CROTALE NG et très courte portée Mistral.

Pour les systèmes de commandement et de contrôle (C2) et les moyens de surveillance, l'étape 4 du SCCOA 17 ( * ) sera lancée en 2010. Elle a pour objectif l'amélioration de la couverture de détection en métropole et en Guyane, en particulier au dessus des zones sensibles. Dans ce cadre, elle prévoit progressivement la rénovation de tous les radars de veille. Elle a également pour objectif la convergence vers l'ACCS 18 ( * ) de l'OTAN. La mise à niveau du système de commandement et de détection aéroporté (SDCA) garantit l'interopérabilité des avions AWACS français avec ceux de l'OTAN.

c) Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles

Elles concernent principalement :

• La capacité antimissile balistique de théâtre des nouveaux systèmes sol/air SAMPT

Les SAMP/T permettront de s'opposer aux menaces aériennes aérobies « classiques », aux missiles de croisière et aux missiles balistiques de théâtre « rustiques » d'une portée inférieure à 600 km. Leurs performances dans le domaine de la défense antimissile balistique de théâtre (DAMB/T) ne seront exploitées en autonome que lorsqu'ils recevront la désignation d'objectif d'un radar de type M3R (livraison prévue en 2021 suite aux travaux de LPM).

• L'alerte avancée

La prolifération des vecteurs balistiques et des missiles de croisière nécessitera un dispositif d'alerte avancée. Cette capacité fait l'objet de développements avec la mise en service d'un système radar UHF très longue portée est envisagée dès 2018 et la mise en orbite d'un système d'alerte spatiale en 2019.

• La surveillance de l'espace

En complément du radar GRAVES, mis en service en 2006 qui est en cours d'amélioration, la recherche de mutualisation de ces moyens au niveau européen et de l'OTAN est recherchée afin d'améliorer notre capacité dans ce domaine. Le ministère de la défense est aussi associé au projet SSA ( Space Situational Awareness ) mené par l'Agence spatiale européenne.

d) Comparaison avec les alliés

La défense aérienne française est aujourd'hui d'une efficacité comparable à celle de nos partenaires européens. Si la mise en service de la flotte Eurofighter en Angleterre et en Allemagne suit une cadence plus élevée, le Rafale, notamment avec le standard F3, offre une capacité omni-rôle permettant son engagement dans tous les types de missions, y compris l'engagement nucléaire. L'arrivée du JSF à l'horizon 2015-2020, mettra l'ensemble de la flotte de combat britannique au niveau des avions de 4 ème génération (retrait du Tornado vers 2020).

Le F22 américain est sans conteste l'appareil spécialisé de défense aérienne le plus évolué. Il convient de noter la mise en service, dans de nombreux pays, d'appareils d'origine russe (MIG 35) ou chinoise (Jiang 10) mettant en oeuvre des systèmes d'armes air/air modernes, notamment autour du bassin méditerranéen.

Les capacités françaises se maintiennent au même niveau que celles de ses homologues européens dans le domaine de la défense sol-air « classique » contre la menace aérobie. Dans le domaine de la défense anti-missiles balistique terrestre (DAMB/T), la France a fait reposer ses choix sur le système SAMP-T alors que l'Allemagne, et les Pays-Bas, sont équipés du système américain PATRIOT Pac 3. Les Allemands se sont par ailleurs engagés avec les Italiens aux côtés des Américains dans le projet MEADS 19 ( * ) , qui est une évolution du système PATRIOT. Les Britanniques, en revanche, ont confié leur protection dans ce domaine à l'OTAN et ne possèdent pas de capacités propres.

* 12 EEI : engin explosif improvisé

* 13 CApacité de Réaction et d'Anticipation pour la Protection contre les Engins explosifs improvisés.

* 14 Défense Sol-Air.

* 15 High Velocity Missile.

* 16 Counter- Rocket, Artillery and Mortar.

* 17 SCCOA : Système de Commandement et de Conduite des Opérations Aérospatiales

* 18 Air command and control system : « équivalent » OTAN du SCCOA

* 19 Medium extended air defense system

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