IV. ENGAGEMENT ET COMBAT

Cette capacité regroupe 28,5 % des autorisations de programme (3,3 milliards d'euros) et 32,1 % (3,6 milliards d'euros) des crédits de paiement du programme 146, dont il est demandé l'ouverture par le projet de loi de finances pour 2009. Il s'agit de la capacité qui concentre le plus d'efforts financiers de l'ensemble du programme d'équipement des forces.

L'action « engagement et combat » comprend trois sous-actions : « frapper à distance » ; « opérer en milieu hostile » et « conduire des opérations spéciales ». Cette dernière sous action est budgétairement rattachée à la précédente.

A. ETAT DES CAPACITÉS

1. Enseignements des conflits récents

a) Milieu aéro-terrestre

La spécificité de certains théâtres exige, en marge des programmes d'armement lourds en cours ou en développement, le lancement d'opérations en urgence opérationnelle afin de s'adapter aux mieux aux exigences du combat.

En Afghanistan par exemple, les opérations de contre guérilla ainsi que la capacité d'évolution de nos adversaires imposent de disposer d'unités de combattants bien protégés, très mobiles, capables de conduire une grande variété de missions.

Un certain nombre de capacités sont ainsi particulièrement attendues :

• les moyens de combat (Véhicule à haute mobilité VHM, Véhicule blindé multirôle VMBR) et les équipements individuels (Félin) permettant de mieux se protéger de la menace des EEI 9 ( * ) ou des snipers ;

• la nouvelle génération d'hélicoptères de combat et de transport tactique TIGRE et NH90, capable d'assurer la projection rapide sur toute l'étendue d'un théâtre et des appuis précis et puissants :

• de nouveaux moyens de renseignements tactiques, en particulier d'origine électromagnétique ;

• l'accroissement de la précision et de la gradation des effets (lance roquette unitaire, munitions précises, équipements à létalité réduite).

b) Milieu aéro-maritime

Les conflits d'Afghanistan et d'Irak ont montré l'importance des forces aéronavales dans la préparation de l'entrée sur le théâtre, dans le soutien aux combats aéroterrestres et dans la sécurisation des accès maritimes.

De même, la lutte contre la piraterie au large de la corne d'Afrique et en mer d'Arabie a produit des enseignements en matière de systèmes de commandement, d'interopérabilité et de capacités à opérer longtemps sous menace asymétrique, y compris au mouillage. Pour les unités de surface et les hélicoptères, il est ainsi nécessaire de disposer de capacités de veille et d'autodéfense « tous temps » ainsi que d'une interopérabilité optimale pour échanger instantanément les informations tactiques au sein de la coalition.

L'emploi quasi permanent d'aéronefs de patrouille maritime pour les théâtres d'opérations en Afrique a confirmé l'intérêt d'une diversification des Breguet Atlantique en les dotant de moyens de « renseignement d'origine image » (ROIM) et d'appui feu des forces interarmées sans remettre en cause la nécessité d'une mise à niveau des capacités de lutte anti-sous-marine et de lutte antinavires (sûreté FOST).

c) Milieu aérien

Comme les années précédentes, les retours d'expérience des engagements du Mirage 2000D et du Rafale en Afghanistan soulignent quelques difficultés dans les missions air-sol : capteurs optroniques aux performances limitées ; bonne adéquation de nos munitions aux besoins d'appui des forces terrestres ; insuffisance des moyens de transmission de données avec le sol...

Par ailleurs l'emploi sur les différents théâtres d'opérations des hélicoptères de dernière génération EC 725 souligne la qualité de ces équipements.

2. Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles

Les enseignements des opérations les plus récentes ont conforté la plupart des choix de renouvellement de nos capacités qui seront effectués dans la prochaine LPM 2009-14 ou dans la LPM 2015-20, en fonction des priorités du Livre blanc.

S'agissant du système de forces « Engagement Combat », les domaines dont l'amélioration est prévue sont :

• la capacité à opérer à terre en milieu hostile (hélicoptères d'attaque TIGRE, véhicules blindés de combat d'infanterie, rénovation Leclerc, missiles antichar courte et moyenne portée) ;

• la capacité à assurer l'entrée en premier sur un théâtre d'opérations, la supériorité aérienne locale et l'appui aérien des forces terrestres (montée en puissance de la flotte RAFALE, rénovation mi-vie des Mirage 2000D) ;

• les capacités d'engagement en zone littorale (armement anti-navire sur hélicoptère, appui feu naval ...) ;

• la capacité de frappe de précision dans la profondeur par missile de croisière à partir de frégates et de sous-marins.

Concernant la capacité de projection de puissance depuis la mer, le deuxième porte-avions (PA2) fera l'objet d'études complémentaires afin de préparer une décision en 2011-2012.

Pour le milieu aérien, la disponibilité de munitions tout temps de précision sera améliorée avec les livraisons d'armements air-sol modulaires (AASM) décamétriques et métriques (1 540 livrés jusqu'en 2014 et près de 2 400 jusqu'en 2020). Des travaux, déjà en cours, seront poursuivis afin d'obtenir :

• la pleine capacité opérationnelle de l'AASM sur RAFALE et son adaptation à d'autres corps de bombes afin de profiter de sa modularité et d'obtenir une meilleur adéquation des effets aux besoins des forces terrestres en appui ;

• la meilleure efficacité possible des AASM, en particulier dans les domaines de la préparation de mission, des fusées d'armement et de la proximétrie.

Le développement d'une version laser de l'AASM est planifié pour permettre le traitement des cibles mobiles. Les livraisons interviendront au cours de la période 2015/2020.

3. Capacités des forces françaises par rapport à leurs homologues américaine, britannique et allemande

a) Capacités des forces aériennes françaises par rapport à leurs homologues

Les capacités des forces aériennes françaises se situent à un niveau comparable à celui de nos principaux partenaires européens, en particulier les forces britanniques et allemandes.

Toutefois, les comptes rendus font part, de manière récurrente, des insuffisances précitées et d'une meilleure interopérabilité des systèmes d'armes de nos partenaires, notamment américains et britanniques, en particulier dans le domaine des capteurs optroniques et des transmissions de données tactiques.

La Royal Air Force espère disposer à terme d'une flotte composée exclusivement d' Eurofighter et de Joint Strike Fighter complétée par des drones armés, ce qui la situerait à un niveau qualitatif très élevé. En matière d'armements, elle devrait disposer du missile air-air de supériorité Meteor et d'une panoplie d'armements air-sol variée, dont le missile de croisière Storm Shadow rénové.

L'expérience acquise en Irak et en Afghanistan et la forte adaptabilité dont ont fait preuve les forces armées britanniques au cours des dernières années grâce à un processus d'acquisition de matériels en urgence opérationnelle ont créé à leur profit un avantage capacitaire en termes de drones armés, d'interopérabilité et d'identification et de désignation air/sol. Toutefois, cette politique d'acquisition a aussi ses revers, car elle se traduit par une grande diversité des équipements et donc des coûts de maintien en condition opérationnelle plus élevés.

La Luftwaffe verra son aviation de combat composée du Tornado remis à niveau (cible : 85) et d' Eurofighter (cible : 180), complétée par une flotte de drones à longue endurance. La Luftwaffe disposera du missile de croisière Taurus, du missile Meteor et d'armements air-sol variés.

On rappelle que l'armée de l'air française étant également chargée d'assurer une composante aéroportée de la dissuasion voit sa capacité d'avions de combat réduite d'autant par rapport aux armées de l'air britannique et allemande.

b) Capacités des forces terrestres françaises par rapport à leurs homologues

Le modèle de forces terrestres retenu par le Livre blanc place l'armée de terre parmi les premières de l'Union Européenne, à un niveau sensiblement équivalent à celui des forces terrestres du Royaume Uni. Néanmoins celles-ci resteront mieux équipées en matière de combat embarqué, débarqué et de capacité de renseignement.

Les travaux capacitaires entrepris par les Etats-Unis et le Royaume Uni, engagés significativement, l'un comme l'autre, dans les conflits irakien et afghan vient à la fois conforter certains choix réalisés pour le développement des forces terrestres françaises et mettre en lumière des lacunes qu'il conviendra de combler dans les années à venir.

Parallèlement aux opérations de numérisation entreprises (projet FCS) et à la valorisation des capacités déjà en service, l'US Army et l'US Marines Corp (USMC) font porter leurs efforts d'équipements en fonction des besoins liés aux opérations en cours : adaptation des véhicules au combat urbain, mise en place de blindages additionnels, amélioration des systèmes d'observation terrestres et des moyens de protection.

S'agissant de l'USMC, il faut noter, d'une part, l'importance accordée aux petits programmes de cohérence opérationnelle, notamment dans les domaines de la lutte contre les EEI, la protection active des forces, et, d'autre part, le besoin désormais reconnu de disposer de véhicules de combat d'infanterie. Enfin, l'équipement du fantassin fait l'objet de nombreux développements : toutefois l'absence d'un système aussi complet et abouti que le FELIN français est déplorée par les forces déployées.

L'Army britannique, confrontée à des problèmes opérationnels analogues, fait quant à elle porter son effort sur la protection des forces, le renseignement (acquisition de drones tactiques supplémentaires) et les feux indirects (radars terrestres d'observation et d'acquisition et de contrebatterie, lance roquette unitaire). La mobilité intra théâtre fait également l'objet d'une attention particulière : mise en place progressive de camions de transport logistique protégés et très mobiles (gamme complète 4X4, 6X6, 8X8), effort sur le transport aéromobile tactique (MERLIN, CHINOOK, modernisation de la flotte PUMA).

L'armée de terre allemande, moins engagée sur les théâtres d'opérations, n'en conduit pas moins une transformation dont certains aspects méritent une attention particulière :

• création d'une brigade « aéromobile » équipée de Tigre et de NH 90 et comportant un régiment d'infanterie aéromobile (schéma pouvant s'apparenter à la division aéromobile des années 80-90) ;

• développement de capacités de renseignement tactiques au sein d'unités dédiées (bataillons de renseignement multi capteurs à l'identique de ce que l'armée de terre française commence à mettre en place) ;

• étude d'un concept d'appui feux interarmées.

c) Capacités des forces navales par rapport à leurs homologues

La France, deuxième Etat maritime au monde après les Etats-Unis d'Amérique par la dimension de sa zone économique exclusive, en charge de multiples DOM/COM, met en oeuvre une composante océanique de dissuasion nucléaire et conserve des capacités d'intervention significatives, forces qu'il faut pouvoir escorter, protéger et soutenir.

Les enjeux de la prochaine LPM concernent principalement l'effort de renouvellement des sous-marins (priorité stratégique du Livre blanc) et des frégates de premier rang. Dans le domaine des sous-marins nucléaires, la capacité de la marine française est proche de celle de la Royal Navy. Elle lui sera même supérieure si le gouvernement britannique renonce à l'acquisition d'un quatrième SNLE.

En ce qui concerne les porte-avions, nos alliés britanniques devraient nous rattraper, puis nous doubler à l'horizon 2020.

Dans le domaine de la projection de force, l'entrée en service de 2 bâtiments de projection et de commandement (BPC), la commande anticipée d'un troisième et la volonté d'en acquérir un quatrième témoignent de l'amélioration significative de cette capacité qui nous place derrière les forces britanniques mais nettement devant les autres marines européennes.

Pour les frégates de premier rang, le Livre blanc prévoit un format inférieur à celui de la marine britannique. La France devient plus proche en ce domaine des autres marines européennes ou alliées comme l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et le Canada. De plus, le format retenu de 18 frégates de premier rang ne sera atteint qu'au-delà de la LPM 2015-2020. Un parc vieillissant de 16 frégates, dont cinq frégates de type « La Fayette » aux capacités militaires plus restreintes, sera en service dans la phase transitoire. A l'horizon 2025, la marine nationale française disposera de treize frégates de premier rang aptes au combat de haute intensité (quatre de défense aérienne et neuf anti-sous-marines) en complément des frégates de type « La Fayette ».

Dans le domaine logistique, le remplacement des quatre pétroliers-ravitailleurs à simple coque interviendra dans la période 2015-2020, et nécessitera une gestion optimisée du potentiel « pétroliers » actuel, pour préserver les capacités de projection de la marine.

La Royal Navy, quant à elle, met aujourd'hui en ligne 25 frégates de premier rang (huit frégates de défense aérienne- FDA, dix-sept d'action sous-marine - ASM), d'âge moyen de dix-huit ans, et douze ravitailleurs. Même si l'effort consacré à l'acquisition des deux porte-avions pourrait peser sur le renouvellement de ces frégates, la Royal Navy demeure nettement en tête des flottes européennes, avec près de deux fois plus de bâtiments de premier rang que la marine nationale et le triple de bâtiments logistiques. L'Allemagne et le Canada disposent de trois FDA et douze frégates ASM renouvelées récemment.

Enfin, les marines italienne (quatre FDA, huit FASM et trois ravitailleurs) et espagnole (six FDA, six ASM et deux ravitailleurs) ont des capacités proches de celles de la France dans ce domaine, alors que leurs ambitions internationales et leurs engagements bilatéraux sont moins marqués, que leurs espaces maritimes sont plus réduits et qu'elles n'ont pas à assurer le soutien à la mer d'une force de dissuasion et d'importants moyens de projection.

* 9 Engin explosif improvisé

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