2. Le retour de la priorité familiale

Le projet de loi fait clairement de la protection juridique des majeurs « un devoir pour les familles et la collectivité publique », en redonnant la priorité aux familles à la fois dans l'ouverture de la mesure de protection, dans sa dévolution et dans son exécution.

Le terme de « priorité familiale » est d'ailleurs devenu trop restrictif, puisqu'il s'agit désormais de confier la mesure en priorité non seulement au père ou à la mère, au conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, mais aussi à tout parent, allié, voire proche, dès lors que cette personne entretient avec la personne à protéger des liens étroits et stables.

S'agissant du fonctionnement de la mesure, le projet de loi rend toute liberté au juge pour adapter les organes de la protection à la situation familiale de la personne. Alors qu'aujourd'hui, le choix d'un type de tuteur emporte nécessairement une organisation particulière de la tutelle, le juge pourra prévoir un subrogé tuteur ou un conseil de famille quand il l'estimera utile et possible, compte tenu de la situation familiale de la personne protégée.

Le conseil de famille, qui permet de faire concourir l'ensemble de l'entourage de la personne protégée à la prise en charge, devrait ainsi retrouver sa place dans l'organisation de nombreuses tutelles. Son fonctionnement quotidien devrait également être amélioré, du fait de la possibilité qui lui offre le projet de loi de pouvoir, sous certaines conditions, se réunir en dehors de la présence du juge.

Le texte prend surtout acte des difficultés pour les familles à exercer ces mesures et s'attache à y remédier en mettant en place une information des tuteurs familiaux sur leur rôle. Celle-ci pourrait être dispensée par les associations tutélaires existantes, dans la mesure où elles disposent de toutes les compétences requises. Certaines d'entre elles expérimentent d'ailleurs déjà ce type de service. S'agissant des personnes handicapées, elle pourrait également être mise en place dans le cadre des maisons départementales des personnes handicapées.

3. La personne replacée au coeur du dispositif de protection des majeurs

a) L'extension des mesures de protection à la protection de la personne

Conformément à l'attente des familles, le projet de loi consacre la jurisprudence de la Cour de Cassation du 18 avril 1989, selon laquelle «les régimes civils d'incapacité ont pour objet, d'une façon générale, de pourvoir à la protection de la personne et des biens de l'incapable» . Dorénavant donc, sauf mention expresse contraire, la décision d'ouverture d'une mesure de protection portera à la fois sur la protection des biens et sur la protection de la personne.

Cette consécration se traduit d'abord par l'élaboration d'un statut de la personne protégée, dont les droits sont clairement reconnus : le texte prévoit ainsi l'obligation pour la personne chargée de la protection de rechercher, autant que possible le consentement du majeur protégé à sa propre protection. A cet effet, elle doit l'informer de toutes les décisions qu'elle prend à son endroit et le mettre en mesure d'y consentir, en adaptant l'information dispensée à sa capacité de compréhension.

Le texte reconnaît en outre à la personne protégée la liberté de choisir sa résidence et ses relations. De façon plus concrète, il protège son logement de toute aliénation qui ne soit pas commandée par son intérêt supérieur.

La personne protégée se voit également reconnaître une sorte de « domaine réservé », composé d'actes qui ne peuvent valablement être accomplis que par elle seule. Par ailleurs, pour consentir en lieu et place de la personne protégée pour les actes personnels les plus graves, notamment ceux qui mettent en cause son intégrité corporelle ou l'intimité de sa vie privée, le tuteur devra désormais obtenir une autorisation expresse du juge.

b) La création d'un mandat de protection future

Une mesure nouvelle est emblématique de cette reconnaissance de la responsabilité de la personne dans sa propre protection : la création du mandat de protection future .

Ce mandat, déjà prévu dans le droit de nombreux pays européens 2 ( * ) , doit permettre à toute personne capable d'organiser à l'avance sa propre protection ou celle de ses enfants mineurs ou majeurs handicapés.

S'agissant du mandat pour autrui, le mandat de protection future comporte deux innovations substantielles par rapport au régime, déjà existant, du tuteur testamentaire :

- il permet non seulement de désigner la personne chargée d'assurer la protection mais également de définir l'étendue de ses pouvoirs et de donner des directives anticipées au mandataire, par exemple sur la façon dont les biens confiés devront être gérés ;

- il permet aux parents d'envisager non seulement l'hypothèse de leur décès avant leur enfant handicapé, mais aussi celle d'une incapacité qui les mettrait hors d'état d'assurer eux-mêmes sa protection.

Cette mesure était donc tout particulièrement attendue des parents d'enfants handicapés, que l'allongement de l'espérance de vie avec un handicap place devant la perspective de laisser derrière eux un enfant seul et vulnérable.

* 2 Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni (Angleterre, Pays-de-Galles).

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