B. LES OBLIGATIONS DE REPRISE OU « MUST CARRY »

1. Le cadre juridique actuel

Dans le cadre juridique existant, cette obligation de transport se définit par une double obligation légale :

- celle du câblo-opérateur de reprendre certaines chaînes ;

- celle des chaînes bénéficiant de cette obligation de transport d'accepter d'être reprises.

• L'obligation de transport imposée aux câblo-opérateurs

Deux séries de dispositions précisent aujourd'hui les services que les câblo-opérateurs sont dans l'obligation de transporter.

La première d'entre elles est de nature législative et implique le transport :

- des chaînes hertziennes normalement reçues dans la zone ainsi que de TV5;

- de la Chaîne parlementaire ;

- des « canaux locaux du câble » attribués le cas échéant à une commune, à un groupement de communes ou à une association.

Ces dispositions législatives sont complétées par celles du décret n° 92-881 du 1er septembre 1992 pris pour l'application de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 qui différencie les obligations de transport en fonction du mode de diffusion du services.

En mode analogique, les obligations contenues dans le décret sont identiques à celles prévues par la loi de 1986 (ensemble des chaînes hertziennes analogiques, TV5 et La Chaîne parlementaire).

Lorsqu'ils diffusent une offre numérique, les réseaux câblés doivent offrir en outre l'ensemble des chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre.

Il convient de souligner que si la loi et son décret d'application ne précisent pas les modalités financières de ces reprises, tant de la part des éditeurs de chaîne (compensation éventuelle des coûts de reprise) que des distributeurs (versement éventuel d'une redevance aux éditeurs), dans la pratique, ces reprises s'effectuent gratuitement.

• Le régime applicable aux distributeurs de services par satellite

Les distributeurs de services par satellite ne sont pas tenus d'assurer à leurs abonnés la mise à disposition gratuite de l'ensemble des chaînes hertziennes normalement reçues dans la zone.

Aux termes de la loi du 30 septembre 1986, ils doivent transporter et diffuser à leur frais :

- TV5 (article 34-2 de la loi de 1986) ;

- France 2, France 3, France 5 et Arte en métropole, auxquelles il faut ajouter les services analogiques proposés par RFO outre-mer (article 34-3) ;

- la Chaîne Parlementaire (article 45-3).

• Les justifications d'un régime différencié

Contrairement aux câblo-opérateurs, les distributeurs de services par satellite sont dispensés de mettre à la disposition de leurs abonnés les chaînes hertziennes privées diffusées en mode analogique ainsi que les futures chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre.

Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel 5 ( * ) , cette différence de régime entre le satellite et le câble s'explique d'abord par des différences objectives de situation et d'usage de ces deux technologies : en effet, alors que les opérateurs du câble ont jusqu'à présent bénéficié d'un monopole de fait sur la télévision de complément dans les zones urbaines les plus denses, voire sur la télévision tout court dans les immeubles ayant supprimé l'antenne « râteau », l'abonnement aux services satellite ne constitue jamais, sauf cas exceptionnel, le seul moyen de réception de la télévision d'un foyer.

Cette différence s'explique ensuite et surtout par la volonté de donner au bouquet TPS les moyens de devenir un concurrent sérieux pour CanalSatellite, jusqu'alors en situation de monopole. TPS a ainsi bénéficié, lors de sa création et avec l'accord de la Commission européenne 6 ( * ) , de l'exclusivité de la distribution par satellite des chaînes généralistes nationales TF1, France 2, France 3, La Cinquième, Arte et M6.

Cette situation a depuis lors évolué. En effet, si la Commission européenne 7 ( * ) a confirmé que cet accord d'exclusivité ne constituait pas, à l'époque de la plainte déposée par CanalSatellite, une pratique anticoncurrentielle, la loi du 1 er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 a toutefois imposé aux deux plateformes satellitaires l'obligation de reprise des chaînes publiques France 2 et France 3, les seules chaînes TF1 et M6 demeurant proposées en exclusivité par le bouquet TPS.

2. Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi présenté par le Gouvernement a pris le parti de simplifier le régime existant sans pour autant le bouleverser, tant pour le câble que pour le satellite.

Conformément aux dispositions de l'article 34, l'obligation imposée aux câblo-opérateurs porte sur la retransmission « des services diffusés par voie hertzienne terrestre normalement reçus dans la zone », de TV5 et des services dits « canaux locaux du câble », sous réserve de dérogations accordées par le CSA, et dans des limites et conditions définies par décret.

En application de l'article 31 de la directive « service universel », ce régime doit s'appliquer aux distributeurs de services sur un réseau « utilisé par un nombre significatif de téléspectateurs comme un de leurs modes principaux de réception de la télévision », la liste des distributeurs et réseaux concernés devant être établie chaque année par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui définirait en outre « les critères selon lesquels il évalue le nombre significatif de téléspectateurs ».

Pour le satellite , le projet de loi se contente d'effectuer quelques modifications marginales.

Il regroupe en premier lieu dans un même article les dispositions relatives à l'obligation de mise à disposition de TV5 et de l'ensemble des chaînes publiques, jusqu'alors dispersées aux articles 34-2 et 34-3.

Il clarifie ensuite les modalités de prise en charge des frais relatifs au transport et à la diffusion des services de Réseau France Outre-mer (RFO) dans les départements, territoires, collectivités territoriales d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Jusqu'alors partagés entre les distributeurs et la société nationale de programme précitée, ces frais seront désormais, comme pour l'ensemble des services devant être mis gratuitement à la disposition des abonnés, entièrement à la charge des distributeurs.

3. La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements qui réforment en profondeur les obligations de reprise des chaînes de télévision sur le câble et le satellite.

Le premier d'entre eux impose la présence des chaînes publiques dans toutes les offres de télévision (la rédaction de l'article 59, créant un article 34-2 dans la loi de 1986). Ces obligations s'appliquent désormais, non seulement aux offres du câble et du satellite, mais également aux offres des autres réseaux de distribution de la télévision, notamment l'ADSL. Si elles étendent au satellite l'obligation de reprise de la nouvelle chaîne numérique terrestre du secteur public, il convient toutefois de noter qu'elles ne concernent plus la chaîne TV5. La reprise des canaux locaux du câble est par ailleurs maintenue.

Le deuxième prévoit la disparition des obligations de reprise des chaînes privées en clair diffusées en analogique ou en numérique par voie hertzienne terrestre au bénéfice de la négociation entre distributeurs et éditeurs de chaînes, ces chaînes disposant du droit d'accéder, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux décodeurs et aux guides électroniques utilisés par les offres de bouquets de télévision (article 60 bis nouveau, créant un article 34-4 dans la loi de 1986).

Le dernier amendement garantit le maintien de la réception des chaînes hertziennes en clair pour les foyers résidant dans des immeubles collectifs ayant perdu la possibilité de recevoir ces chaînes via une antenne « râteau » : les éditeurs ne pourront s'opposer à la reprise de leurs services par les réseaux internes aux immeubles de distribution de la télévision lorsque ces réseaux sont raccordés au câble (« service antenne ») (rédaction de l'article 58 créant un article 34-1).

Ce nouveau dispositif réussit par conséquent à combiner les principes de la liberté d'entreprise, de la neutralité technologique et de la protection du consommateur. En effet :

- il allège les obligations des éditeurs et des distributeurs de services en rétablissant la maîtrise de leur distribution  par les chaînes et rétablit ainsi le jeu de la concurrence ;

- il garantit de manière strictement proportionnée l'accès des téléspectateurs aux chaînes publiques et celui des foyers résidant en immeuble collectif aux chaînes hertziennes terrestres en clair ;

- il supprime les discriminations qui existaient entre le câble et le satellite et entre ces deux modes de distribution et l'ADSL (voire tout mode de distribution à venir).

* 5 Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 : le Conseil constitutionnel a jugé à cette occasion qu'il était possible d'établir des régimes juridiques différents entre le câble et le satellite en relevant « que, dans les circonstances actuelles, les exploitants de réseaux distribuant par câble des services de communication audiovisuelle disposent, à la différence des distributeurs de programmes audiovisuels par voie satellitaire, d'une situation s'apparentant à un monopole local ; que le raccordement du public à un réseau câblé est en l'état plus aisé ; que les exploitants de réseaux câblés, qui utilisent le domaine public communal, peuvent adapter leur offre aux spécificités locales et ainsi proposer une programmation d'intérêt local ; qu'au surplus, ils sont en mesure d'offrir des services complémentaires de télécommunication, notamment sur un mode interactif ».

* 6 Statuant sur les accords portant création de cette plate-forme, la commission avait ainsi dans sa décision du 3 mars 1999 , considéré que « la présence exclusive des quatre chaînes .../... généralistes sur TPS constitue un élément différenciateur et un produit d'appel indispensables à ce nouvel entrant pour la pénétration du marché de la télévision à péage, dominé jusqu'ici par le groupe Canal Plus. »

* 7 Commission européenne, d écision du 7 avril 1999 .

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