Étude de législation comparée n° 286 - décembre 2018

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Recueil des notes de synthèse

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DE JUILLET À OCTOBRE 2018

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AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

AVANT-PROPOS

Durant l'été et l'automne 2018, la Division de la Législation comparée a procédé notamment à des recherches sur les droits étrangers en matière de droit public et de droit pénal.

À la demande de M. Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée, la division de la législation comparée s'est penchée sur le régime pénal des homicides commis par les automobilistes dans huit pays, l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, les États-Unis, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

À la demande de la Mission commune d'information sur les violences sexuelles sur les mineurs commises par des personnes dont la profession ou la fonction les amène à côtoyer des jeunes, la division a synthétisé les enseignements des rapports parus sur le sujet en Allemagne, aux Pays-Bas et en Irlande.

À la demande de la Commission des lois, elle a préparé une synthèse sur les pouvoirs normatifs des collectivités territoriales dans les États unitaires comme le Danemark et les Pays-Bas, sans négliger les modèles d'États régionalisés que proposent l'Italie et l'Espagne. En outre, une seconde saisine l'a amenée à faire le point sur les dispositifs de suppléance des parlementaires en congé maladie ou en congé maternité qui ont été installés en Scandinavie, aux Pays-Bas et en Espagne.

À la demande de M. Yvon Collin, sénateur du Tarn-et-Garonne, la division de la législation comparée a mené une recherche sur les aspects juridiques du sécularisme en Inde.

Enfin, la division de la législation comparée a mené une recherche sur l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et plus généralement l'analyse prospective, sur un échantillon de 12 parlements, dont ressortent les cas intéressants de la Finlande, de l'Estonie et de l'Allemagne.

LES HOMICIDES COMMIS PAR LES AUTOMOBILISTES

La présente note actualise l'étude de législation comparée n° 119 de février 2003.

On constate une tendance générale à l'individualisation de l'homicide sur la route soit comme infraction spécifique (Angleterre-Pays-de-Galles, États fédérés américains, Pays-Bas et Italie), soit comme cas particulier d'homicide par imprudence ou négligence expressément prévu par le code pénal (Belgique, Espagne). Une conduite dangereuse ou sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants peut aussi être expressément isolée comme circonstance particulièrement aggravante de l'homicide involontaire et assortie de peines considérablement alourdies, comme au Danemark. En revanche, l'Allemagne se distingue en s'en remettant uniquement au régime général de l'homicide par imprudence et à l'appréciation du juge.

Parallèlement, on constate un durcissement global des peines maximales d'emprisonnement prévues. Tous les pays prévoient des peines complémentaires de retrait du permis ou d'interdiction de conduire.

En Allemagne , comme en France, il n'existe aucune infraction spéciale d'homicide par un véhicule ou d'homicide lié à la circulation routière. Le régime général de l'homicide par imprudence ( fahrlässige Tötung ) prévu par le code pénal s'applique. Celui qui par sa négligence cause la mort d'une personne est puni d'une peine de prison d'une durée maximale de 5 ans ou d'une amende. 1 ( * )

Le point crucial de la qualification réside dans la caractérisation de la négligence, c'est-à-dire du manquement à l'obligation de prudence et de diligence ( Sorgfaltspflichtverletzung ) attendue de l'auteur, qui doit avoir raisonnablement reconnu le danger et adopté le comportement adéquat pour l'éviter. La circulation routière en tant que telle exige du conducteur une attention et un soin particuliers. Les circonstances de l'espèce sont déterminantes pour l'appréciation par le juge du degré d'imprudence et la détermination de la lourdeur de la peine. De légères variations peuvent considérablement atténuer ou aggraver la culpabilité. Il faut considérer in concreto par exemple le lien entre les éventuelles violations du code de la route et l'issue fatale, le caractère évitable ou inévitable de l'accident, le comportement de la victime, l'appréciation subjective des risques par le conducteur. 2 ( * )

À titre de mesure de sûreté, toute personne condamnée pour une infraction en lien avec la conduite d'un véhicule ou pour la violation d'une obligation d'un conducteur automobile se voit retirer son permis de conduire ( Entziehung der Fahrerlaubnis ) lorsqu'il ressort des faits qu'elle n'est pas apte à la conduite. En particulier, lorsque l'infraction est constituée par une mise en danger de la circulation routière 3 ( * ) , une participation à une course de voitures interdite, une conduite en état d'ivresse ou un délit de fuite alors le conducteur condamné est en principe considéré comme inapte à la conduite et se voit retirer son permis au moment de l'entrée en vigueur du jugement. 4 ( * ) Le retrait peut aussi être prononcé à l'égard de personnes qui n'ont pu être condamnées pour la seule raison que leur irresponsabilité pénale a été démontrée ou n'a pas pu être exclue.

Après le retrait du permis de conduire est explicitement prévu le blocage ( Sperre ) de l'octroi d'un nouveau permis pour une durée allant de six mois à cinq ans. 5 ( * ) Le blocage peut même devenir définitif si le délai légal maximal ne suffit pas à se prémunir du danger que représente l'auteur de l'infraction. L'interdiction de l'octroi d'un permis de conduire peut s'appliquer également aux conducteurs condamnés alors qu'ils ne détenaient pas de permis.

En outre, à titre de peine complémentaire, le juge peut prononcer une interdiction de conduite ( Fahrverbot ) d'une durée allant d'un à six mois dès lors qu'une peine privative de liberté ou une amende ont été prononcée. Cela vaut pour tout type d'infraction pénale, même sans lien avec la conduite d'un véhicule, mais en principe cette peine complémentaire doit être ordonnée en cas de mise en danger de la circulation routière et de conduite en état d'ivresse dès lors que le juge, exceptionnellement, n'a pas prononcé le retrait du permis de conduire. 6 ( * )

Enfin, il faut prendre en compte les sanctions administratives à côté des sanctions pénales. La loi portant code de la route prévoit en effet un système d'évaluation de l'aptitude à la conduite. 7 ( * )

Les infractions pénales ayant été sanctionnées par le retrait du permis de conduire ou par le blocage de l'octroi d'un permis entraînent également l'attribution de 3 points de pénalité. Les autres infractions pénales en lien avec la circulation routière entraînent l'attribution de 2 points de pénalité.

Conformément à l'arrêté d'application 8 ( * ) , l'homicide par imprudence commis par un automobiliste entraîne l'attribution de :

- 3 points de pénalité (cas général où a été prononcé le retrait du permis de conduire) ;

- ou 2 points de pénalité (cas exceptionnel où a été simplement prononcée une interdiction de conduire sans que le permis ait été retiré).

Lorsqu'un conducteur a reçu 8 points de pénalité, il n'est plus considéré comme apte à la conduite et son permis de conduire lui est alors retiré. En conséquence, un conducteur condamné pour homicide par imprudence mais récupérant son permis ou se retrouvant de nouveau autorisé à conduire est incité à plus de prudence par les points de pénalité qui accéléreront un nouveau retrait de permis s'il ne corrige pas son comportement sur la route.

Au Danemark , les homicides au cours d'un accident de circulation sont également traités comme des homicides par négligence ( uagtsomhed ), catégorie d'infraction punie à titre général d'une amende et d'un emprisonnement pour une durée allant jusqu'à quatre mois ou bien en cas de circonstances particulièrement aggravantes ( særligt skærpende omstændigheder ), par un emprisonnement allant jusqu'à huit ans.

Toutefois, il est précisé que constituent automatiquement des circonstances particulièrement aggravantes la conduite en état d'ivresse, la conduite sous l'emprise de stupéfiants ou dans un état physique ou mental incompatible avec la maîtrise parfaitement sûre de son véhicule 9 ( * ) et la conduite témoignant d'une absence de toute considération pour autrui ( hensynløs ). 10 ( * ) Ce sont les seuls exemples de circonstances particulièrement aggravantes mentionnées par le code pénal danois, ce qui indique que cette notion est directement destinée à spécifier le cas des accidents de la route mortels attribuables à une faute grave du conducteur.

Le délit de fuite, assimilé à une non-assistance à personne en danger, est puni d'emprisonnement pour une durée maximale de deux ans. 11 ( * )

En outre, le code de la route prévoit un retrait du droit de conduire ( frakendelse af føreretten ) selon deux modalités, conditionnelle et inconditionnelle, avec ou sans sursis ( ubetinget ). Pour les infractions les plus graves, le conducteur condamné est immédiatement déchu de son droit de conduire pour une durée d'au moins six mois et pouvant aller jusqu'à dix ans. Il peut éventuellement être définitif. En cas de conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants, au moment de l'accident, la durée minimale est portée à trois ans. Pour les mineurs, le délai court à compter du jour de leurs 18 ans. 12 ( * ) Le conducteur remet son permis aux autorités. À la fin de cette période, il doit repasser deux examens, théorique et pratique, pour récupérer son permis. Un temps de probation est prévu, usuellement de trois ans, lorsque le conducteur récupère son permis.

Toutefois, le plus souvent, même en cas d'homicide involontaire, tant que les circonstances particulièrement aggravantes ne sont pas caractérisées, le retrait du droit de conduire est seulement conditionnel 13 ( * ) : le conducteur condamné conserve son permis s'il réussit deux examens, théorique et pratique, dans un délai fixé usuellement à six mois. S'il échoue, il doit remettre son permis aux autorités et est déchu de son droit de conduire tant qu'il n'a pas réussi de nouveaux examens de contrôle.

Une réforme majeure du code pénal est intervenue en Espagne en 2015, en particulier pour unifier l'ensemble des infractions pénales au sein d'une catégorie unique de délits par suppression des anciennes contraventions ( faltas ), dont les unes ont été requalifiées de délits légers et les autres purement dépénalisées au profit de sanctions administratives. 14 ( * )

Elle n'est pas sans conséquence sur la question des homicides involontaires commis par les automobilistes, puisqu'elle a conduit à la refonte des articles du code correspondants, avec une suppression du cas de l'imprudence légère 15 ( * ) qui relevait des contraventions et la création de la notion d'imprudence moins grave ( menos grave ) dont les contours restent encore à préciser. Les anciennes imprudences légères sont tacitement découplées : une partie d'entre elles sont caractérisées comme imprudences moins graves, les autres sont dépénalisées et renvoyées pour leur traitement judiciaire à la sphère de la responsabilité civile extracontractuelle et à l'indemnisation des proches de la victime. La loi ne définit toutefois aucun critère de répartition.

Le régime actuel 16 ( * ) distingue deux cas généraux d'homicide par imprudence articulant des peines générales et des peines complémentaires :

- l'homicide par imprudence grave est puni d'une peine d'emprisonnement de un à quatre ans. Trois cas particuliers sont prévus : l'utilisation d'un véhicule, l'utilisation d'une arme à feu et l'imprudence dans un contexte professionnel. Lorsqu'un véhicule est en jeu, le conducteur est déchu de son droit de conduire pendant un à six ans. Si une imprudence professionnelle est caractérisée alors une peine d'inhabilitation à la profession, l'office ou la charge pour la même durée ;

- l'homicide par imprudence moins grave est puni d'une amende calculée en jours-amendes et d'un montant allant de trois mois à 18 mois. Lorsqu'un véhicule est en jeu, le conducteur est déchu de son droit de conduire pendant trois à 18 mois. 17 ( * )

Il convient en premier lieu de noter que les homicides par imprudence grave sont poursuivis d'office par le ministère public alors que les imprudences moins graves entraînant la mort ne peuvent être poursuivies que sur plainte d'une personne lésée ou de son représentant légal. 18 ( * )

En outre, aucune définition, ni caractérisation, ni délimitation de l'imprudence moins grave n'est proposée par le législateur. Il appartient au juge de l'apprécier en fonction des circonstances de l'espèce.

Le champ de l'imprudence grave, qui a priori n'a pas été concerné par la réforme de 2015, est balisé par la jurisprudence. Le Tribunal Suprême a pu la définir comme un défaut de prévoyance à l'égard d'événements facilement accessibles et prévisibles, conjugué à un manquement grossier au devoir d'attention qui est exigible de tout un chacun. 19 ( * )

En revanche, pour l'instant, une jurisprudence du Tribunal Suprême espagnol fait encore défaut pour guider les cours dans l'appréciation du degré d'imprudence associée aux différents homicides involontaires lors d'accidents de la route. Toutefois, la jurisprudence des cours provinciales, les circulaires du ministère public et le travail de la doctrine permettent de mieux cerner la notion.

Sous l'empire de l'ancien code pénal déjà, le tribunal provincial de Cordoue distinguait par exemple trois degrés d'imprudence : grave, moins grave et légère. L'imprudence légère correspondrait à une simple inattention ou inadvertance ( descuido ), tandis que l'imprudence grave demanderait l'omission des précautions les plus élémentaires. Dans l'intervalle, l'imprudence moins grave peut se définir comme « l'omission de la diligence moyenne usuelle pour une sphère d'activité humaine donnée ». 20 ( * ) Par exemple, le tribunal provincial de Soria a considéré qu'une manoeuvre de marche arrière ponctuelle pour sortir d'une zone délimitée se soldant par le décès d'une personne inaperçue par le conducteur constituait une imprudence moins grave 21 ( * ) . Toutefois, d'après le tribunal provincial des Baléares, le simple non-respect objectif d'une norme de circulation, comme un refus de priorité ou un cédez-le-passage ne permet pas isolément de déterminer le degré de l'imprudence. 22 ( * )

La disparition de l'imprudence légère ne supprime pas l'idée que l'imprudence moins grave occupe le degré intermédiaire entre la négligence grossière témoignant d'une indifférence pour autrui inexcusable, qui doit être sanctionnée d'une peine de prison, et l'inattention fortuite sans violation d'autres règles de circulation, qui peut être essentiellement renvoyée au litige civil.

Enfin, il convient de noter que le pouvoir très large d'appréciation du juge est contesté. Une proposition de loi organique déposée par le député Pablo Matos ( Partido Popular ) en 2017 vise à prévoir que l'excès de vitesse et la conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants entraîneront automatiquement la qualification d'imprudence grave. De ce point de vue, elle rejoint la jurisprudence et les instructions de politique pénale du Ministère public. 23 ( * ) En outre, la proposition tend à créer une nouvelle infraction autonome de délit de fuite et à porter à neuf ans d'emprisonnement la peine maximale pour homicide pour imprudence grave sur la route. Elle est en cours d'examen ; elle a reçu un très large soutien au sein de la chambre basse.

En Belgique a longtemps prévalu la même solution qu'en France et en Allemagne : s'appliquaient aux homicides commis par les automobilistes les dispositions réprimant l'homicide involontaire, caractérisé par un « défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui . » 24 ( * ) La peine correspondante est un emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de 50 euros à 1 000 euros.

Cependant, la loi du 20 juillet 2005 modifiant la police de la circulation routière a prévu le cas spécifique de l'homicide involontaire en conséquence d'un accident de la circulation pour rehausser les peines maximales applicables : il est désormais puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de 50 euros à 2 000 euros. 25 ( * )

L'appareil répressif est complété par les lois coordonnées du 16 mars 1968 relatives à la police de la circulation routière, régulièrement durcies, en dernier lieu par la loi relative à l'amélioration de la sécurité routière du 6 mars 2018. 26 ( * ) Trois dispositions méritent de retenir l'attention : la sanction du délit de fuite, la déchéance du droit de conduire comme peine complémentaire et le retrait immédiat du permis de conduire.

Ainsi, « quiconque sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident de la circulation dans un lieu public prend la fuite pour échapper aux constations utiles, même si l'accident n'est pas imputable à sa faute » est puni pour délit de fuite. Les peines applicables sont distinguées en fonction de la gravité de l'issue de l'accident : dégâts matériels, blessures, mort. En cas d'homicide involontaire, le coupable est puni d'un emprisonnement de 15 jours à quatre ans et d'une amende de 400 euros à 5 000 euros, ou d'une de ces peines et d'une déchéance du droit de conduire soit à titre temporaire de trois mois à cinq ans, soit à titre définitif. 27 ( * )

En règle générale, pour toute condamnation à un homicide involontaire sur la route imputable au fait personnel du conducteur, le juge peut prononcer à titre de peine complémentaire la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur. La durée de la déchéance ne peut être inférieure :

- à trois mois, hors délit de fuite, si l'accident est lié à une conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants ;

- à un an, en cas de récidive de conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants.

La déchéance peut dépasser les cinq ans, voire devenir définitive selon les circonstances de l'espèce. Hors déchéance perpétuelle, l'éventuelle réintégration dans le droit de conduire est subordonnée à la réussite de quatre examens théorique, pratique, médical et psychologique. 28 ( * )

Enfin, le permis de conduire peut être retiré immédiatement, avant la condamnation, en cas d'homicide involontaire apparemment imputable à la faute grave du conducteur ou si celui-ci a pris la fuite. 29 ( * )

Aux Pays-Bas existe une infraction pénale spécifique couvrant les homicides et les dommages corporels occasionnés sur les routes. Elle n'est pas intégrée au code pénal mais à l'équivalent du code de la route. Ainsi, il est interdit à toute personne prenant part à la circulation de se comporter de telle sorte qu'un accident se produise par sa faute et qu'en conséquence une personne soit tuée ou subisse un dommage corporel ( lichamelijk letsel ). 30 ( * )

L'infraction, selon la jurisprudence et la doctrine, n'est constituée que si l'on peut constater une faute d'un degré notable ( aanmerkelijke mate van schuld ). La Cour de cassation néerlandaise a insisté sur le fait qu'il fallait prendre en compte la totalité des comportements de l'auteur, le type et la gravité de l'infraction et le reste des circonstances propres à l'espèce pour apprécier in concreto sa responsabilité. 31 ( * )

L'échelle des peines en cas d'homicide est ainsi fixée :

- la détention pour trois ans au plus et une amende dans le cas général ;

- la détention pour six ans au plus et une amende plus lourde en cas de grave négligence ( roekeloosheid ). Elle correspond à un comportement très imprudent associé à une prise de risque inacceptable en toute conscience 32 ( * ) ;

- la possibilité d'augmenter de moitié les peines de prison précédentes, qui peuvent donc aller jusqu'à neuf ans, dans certaines circonstances aggravantes précisément énumérées. 33 ( * )

Sont considérées par le code de la route néerlandais comme circonstances aggravantes la consommation d'une substance susceptible de diminuer la capacité de conduire, l'ivresse, le refus de se prêter à un contrôle d'alcoolémie après l'accident, l'absence de permis de conduire, la participation à un programme obligatoire de conduite sans alcool. 34 ( * ) Sont également considérées comme circonstances aggravantes, si et seulement si elles causent ou contribuent à causer l'accident : l'excès de vitesse grave, l'irrespect des distances de sécurité, le refus de priorité et le dépassement dangereux. 35 ( * )

En outre, comme dans les autres pays, il est prévu un retrait de la faculté de conduire ( ontzegging van de rijbevoegheid ) du conducteur condamné. La durée de l'interdiction est de cinq ans et dix ans en cas de récidive.

La Conférence nationale des présidents de chambres pénales des tribunaux et cours néerlandais (LOVS) 36 ( * ) a publié des lignes directrices pour aider les juges à déterminer les peines. On résume celles qui concernent les homicides routiers dans le tableau ci-dessous.

Consommation d'alcool

Négligence
grave

Grave infraction aux règles de circulation

Notable infraction aux règles de circulation

Aucune

8 mois de prison

3 ans de retrait de permis

6 mois de prison

2 ans de retrait de permis

2 mois de prison

1 an de retrait de permis

<1,3 g/L

3 ans de prison

4 ans de retrait de permis

12 mois de prison

3 ans de retrait de permis

6 mois de prison

2 ans de retrait de permis

>1,3 g/L

4 ans de prison

5 ans de retrait de permis

2 ans de prison

4 ans de retrait de permis

7 mois de prison

3 ans de retrait de permis

L' Italie a refondu, en 2016, le dispositif pénal applicable aux homicides involontaires commis par des automobilistes. Elle prévoyait auparavant qu'une violation des règles de la circulation par une personne en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants constituait une circonstance aggravante du simple homicide par négligence ( omicidio colposo ). Dans ce cas, la peine de prison était comprise entre trois et dix ans. Les homicides dus à une erreur médicale ou à une violation des règles de prévention des accidents du travail constituaient deux autres types de circonstances aggravantes.

Le législateur a préféré isoler le cas des accidents de la route en créant en 2016 un nouveau chef d'accusation autonome : l'homicide routier ( omicidio stradale ). Le recours aux circonstances aggravantes d'un homicide par imprudence entraînait en effet l'application par le juge d'autres règles pénales générales. Certaines constructions jurisprudentielles parfaitement cohérentes et juridiquement fondées avaient pu apparaître comme insuffisamment sévères à l'égard de certains conducteurs fautifs.

L'institution d'une nouvelle infraction pénale autonome devait permettre de dépasser ces limites ; les circonstances aggravantes s'appliquent non plus au cas général de l'homicide par imprudence mais au cas spécifique de l'homicide routier.

Aux termes du nouvel article 589 bis du code pénal italien 37 ( * ) , quiconque cause par sa faute - c'est-à-dire en enfreignant les règles de prudence qui s'imposent à lui - la mort d'une personne en violant les normes de sécurité routière est puni de la réclusion pour une durée de deux à sept ans. La conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de stupéfiants ou de substances psychotropes au moment de l'accident donne lieu à une peine plus forte comprise entre huit et douze ans d'emprisonnement. 38 ( * )

D'autres cas particuliers auxquels est associée une peine de cinq à 10 ans d'emprisonnement sont prévus :

- une vitesse du véhicule supérieure à deux fois la limite autorisée en zone urbaine 39 ( * ) ou supérieure de 50 km/h à la limite autorisée sur les voies extra urbaines ;

- le franchissement d'une intersection en ne respectant pas un feu rouge ou en circulant à contresens ;

- les dépassements et les inversions de marche risqués à un passage piéton, dans un virage ou sur un ralentisseur.

Constituent, en outre, des circonstances aggravantes l'absence de permis de conduire et d'assurance du véhicule. À l'inverse, constitue une circonstance atténuante entraînant une diminution de moitié des peines encourues le fait que l'accident ne soit pas la conséquence exclusive de l'action ou de l'omission du conducteur.

Si plusieurs personnes meurent au cours de l'accident, les peines peuvent être triplées dans la limite de dix-huit ans de réclusion. En cas de fuite du conducteur après l'accident la peine est augmentée d'un à deux tiers et ne peut être inférieure à cinq ans de réclusion 40 ( * ) .

Le code de la route a été également modifié pour durcir les règles de retrait de permis de conduire ( revoca della patente di guida ). 41 ( * ) La condamnation pour homicide routier entraîne automatiquement ce retrait à titre de peine complémentaire pour une durée de 15 ans, voire 20 ans en cas de récidive et 30 ans en cas de fuite du conducteur après l'accident. Le retrait du permis s'applique même en cas de suspension conditionnelle de la peine.

En Angleterre et au Pays de Galles , le régime pénal de l'homicide commis par un automobiliste couvre cinq infractions distinctes. Conformément au Road Traffic Act de 1988, amendé par le Road Traffic Act de 1991, par le Road Safety Act de 2006 et par le Criminal Justice and Courts Act de 2015, les poursuites peuvent porter sur :

- l'homicide ( causing death ) par conduite dangereuse ;

- l'homicide par conduite imprudente ou inconsidérée ;

- l'homicide en conduisant sans permis ou sans assurance ;

- l'homicide en conduisant après un retrait de permis ;

- l'homicide par conduite imprudente sous l'influence de l'alcool ou de stupéfiants. 42 ( * )

En outre, la mort d'une personne dans un accident causé par un véhicule volé constitue une circonstance aggravante du délit de vol de véhicule aggravé. 43 ( * )

La conduite dangereuse, qui constitue en elle-même une infraction pénale, est caractérisée par rapport au standard raisonnablement attendu, considéré à la fois objectivement et subjectivement. Une façon de conduire est considérée dangereuse lorsqu'elle tombe sous le niveau qui serait attendu d'un chauffeur compétent et prudent et qu'elle apparaîtrait manifestement dangereuse à un chauffeur compétent et prudent. Elle est également considérée comme dangereuse si l'état du véhicule était tel qu'il apparaîtrait manifestement dangereux de le conduire à un chauffeur compétent et prudent. La dangerosité s'entend comme le risque de provoquer des blessures à une personne ou de graves dommages à des biens. 44 ( * )

Conduire de façon imprudente ou inconsidérée s'entend comme ne pas avoir agi avec le soin et l'attention attendus ou sans considération suffisante pour autrui. L'auteur est pénalement responsable dans la mesure où il a rompu son obligation de prudence ( duty of care ). Avant 2006, il était possible de poursuivre un automobiliste pour homicide par imprudence en application des dispositions pénales générales. L'innovation de 2006 est de créer une obligation de prudence spéciale pour les automobilistes dont la rupture entraîne des peines spécifiques.

Le tableau ci-après rassemble les peines prévues par infraction. 45 ( * )

Infraction

Procédure

Peine
maximale

Homicide par conduite dangereuse

Sur acte d'accusation

14 ans

Homicide par conduite imprudente ou inconsidérée

Sommaire

12 mois

Sur acte d'accusation

5 ans ou une amende ou les deux

Homicide en conduisant sans permis ou sans assurance

Sommaire

12 mois

Sur acte d'accusation

2 ans ou une amende ou les deux

Homicide en conduisant après un retrait de permis

Sommaire

12 mois

Sur acte d'accusation

2 ans ou une amende ou les deux

Homicide par conduite imprudente sous l'influence de l'alcool ou de stupéfiants

Sur acte d'accusation

14 ans ou une amende ou les deux

De plus, quelle que soit l'infraction, la condamnation entraîne obligatoirement :

- une interdiction de conduire pour au moins deux ans ( disqualification ) ;

- une mention sur le permis de conduire ( endorsement ) lorsqu'il est récupéré à l'issue d'un test d'aptitude ;

- et l'attribution de 3 à 11 points de pénalités, sachant que franchir les 12 points entraine une suspension du permis de conduire.

Aux États-Unis , malgré une grande variation dans la caractérisation de l'infraction et les peines encourues, les États fédérés, compétents en matière pénale, répriment l'homicide par véhicule automobile ( vehicular homicide/manslaughter ) sous une forme ou une autre. Le Dakota du Nord, le Montana et l'Oregon ont pris des mesures en ce sens depuis la précédente étude de 2003. Désormais, seuls l'Alaska et l'Arizona ne prévoient aucune disposition particulière pour les homicides commis sur les routes.

On peut distinguer trois façons de définir et caractériser l'infraction pénale selon les États :

- l'homicide involontaire dû à une conduite négligente, elle-même caractérisée soit comme une simple violation du devoir normal de prudence, soit comme une prise de risque grave et déraisonnable au mépris des conséquences pour autrui ;

- l'aggravation en cas d'accident mortel de l'infraction de conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants ( Driving Under Influence [DUI]-related homicide / intoxication manslaughter ) ;

- l'homicide par véhicule constitué dès que le décès est associé à une violation du code de la route.

La classification des chefs d'accusation n'est toutefois pas aisée car les charges peuvent admettre plusieurs degrés ( misdemeanor/felony au moins) et plusieurs charges peuvent se superposer selon les circonstances comme au Royaume-Uni. L'échelle des peines est également très variable, comme le montre le tableau ci-après sur un éventail d'États.

État

Infraction

Peine

Californie 46 ( * )

Homicide avec un véhicule (imprudence ordinaire)

Homicide avec un véhicule (grave négligence)


Homicide dans un accident causé intentionnellement pour une fraude à l'assurance

Homicide avec un véhicule sous emprise (alcool, drogues)

Homicide avec un véhicule sous emprise aggravé

Jusqu'à 1 an en détention (cellule du comté) et 1 000 $ d'amende

Entre 2 et 6 ans de réclusion (pénitencier d'État)


Entre 4 et 10 ans de réclusion (pénitencier d'État)

Entre 16 mois et 4 ans en détention (cellule du comté)

Entre 4 et 10 ans de réclusion (pénitencier d'État)
[récidive : entre 15 ans et perpétuité]

Caroline du Nord 47 ( * )

Homicide avec un véhicule lié à une violation du code de la route ( misdemeanor )


Homicide avec un véhicule lié à une violation grave du code de la route ( felony) notamment lorsque l'accident est causé par l'emprise de l'alcool ou de drogues

Homicide avec un véhicule aggravé, en cas de précédente condamnation pour conduite sous emprise ( DUI )

Jusqu'à 150 jours de détention et une amende aussi élevée que le juge l'estime approprié

Entre 15 et 98 mois de prison




Entre 38 et 229 mois de prison
[récidive : entre 94 et 480 mois]

Géorgie 48 ( * )

Homicide par véhicule au second degré ( misdemeanor ) (dès lors qu'une infraction au code de la route a été commise en lien avec l'accident)

Homicide par véhicule au premier degré ( felony) (collision avec un car scolaire ; délit de fuite ; grave négligence ; alcool/drogues)

Jusqu'à 1 an en détention et 1 000 $ d'amende



entre 3 et 15 ans de réclusion

[récidive ( Habitual Offender ) : entre 5 et 20 ans de réclusion]

Kansas 49 ( * )

Homicide par véhicule (négligence supérieure à la norme raisonnable)

Homicide involontaire lors d'une conduite sous l'emprise de l'alcool ou de drogues

Jusqu'à 1 an en détention et 2 500 $ d'amende

Entre 38 et 172 mois de prison

Montana 50 ( * )

Homicide involontaire par un véhicule sous l'influence de l'alcool ou de drogues

Jusqu'à 30 ans de réclusion et 50 000 $ d'amende

Oregon 51 ( * )

Homicide par véhicule aggravé (grave négligence ou manifestant une indifférence extrême à la vie humaine sous l'emprise de l'alcool ou de drogues)

Entre 121 et 130 mois de prison et 375 000 $ d'amende

Pennsylvanie 52 ( * )

Homicide par véhicule :
- lors d'une violation grave du code de la route
- sous l'influence de l'alcool ou de drogues


Jusqu'à 7 ans de prison et 15 000 $ d'amende
Jusqu'à 10 ans de prison et 25 000 $ d'amende

ÉTAT DES LIEUX ET PRÉVENTION
DES VIOLENCES SEXUELLES SUR LES MINEURS

1. Allemagne
a) Contexte

En 2010, à la suite de la révélation de l'ampleur des abus sexuels dans certaines institutions catholiques réputées, s'est ouvert en Allemagne un vaste débat public sur la protection de l'enfance. En mars 2010, une Table ronde nationale a été installée par le gouvernement avec la charge d'enquêter sur les violences sexuelles sur les mineurs, aussi bien dans le cercle familial que dans les institutions publiques et privées accueillant des enfants et des adolescents (écoles, clubs sportifs, services de pédiatrie, crèches et centres aérés, etc.). Lui était adjointe un commissaire spécial indépendant pour le traitement des abus sexuels sur mineurs. Le rapport final de mai 2011 s'est appuyé sur environ 20 000 témoignages de victimes pour dresser un état des lieux et proposer des mesures destinées à assurer une protection efficace des mineurs. De ce travail pionnier sont nés à la fois un nouveau cadre législatif et une reconfiguration des instances dédiées autour de l'office du Commissaire indépendant aux questions d'abus sexuels sur les enfants ( Unabhängiger Beauftragter für Fragen des sexuellen Kindesmissbrauchs ). 53 ( * )

Selon les derniers chiffres disponibles, en 2017, environ 13 500 enfants ou adolescents ont été victimes d'abus sexuels, voire d'exploitation sexuelle, tout contexte confondu. 1 600 victimes avaient moins de six ans. Ces chiffres sont tirés des statistiques de la police criminelle et laissent nécessairement dans l'ombre de nombreux cas. Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la Santé, reprises par le ministère fédéral de la famille, un à deux enfants par classe sont concernés ou ont été concernés.

b) La législation sur la protection de l'enfance

La protection de l'enfance trouve un fondement constitutionnel dans l'article 6 al. 2 de la Loi fondamentale de 1949 aux termes duquel le soin et l'éducation des enfants sont le droit naturel des parents et un devoir qui leur incombe en priorité, tandis qu'à l'autorité publique échoit un rôle de surveillance.

Le dispositif légal a été revu par la loi fédérale sur la protection de l'enfance 54 ( * ) entrée en vigueur le 1 er janvier 2012, qui a modifié le code des affaires sociales et introduit des dispositions autonomes sur la coopération et l'information en matière de protection de l'enfance. 55 ( * )

Conformément au code des affaires sociales 56 ( * ) , la protection de l'enfance ( Kinder-und Jugendhilfe ) a pour but de protéger le droit des jeunes à recevoir une éducation qui leur assure le développement d'une personnalité autonome et apte à la vie en commun. Pour cela, ils veillent à favoriser le développement individuel et social des jeunes, à conseiller et soutenir les parents, à préserver les jeunes mineurs de tout danger pour leur bien-être et à contribuer à l'installation de conditions de vie favorables pour les familles.

Les jeunes sont associés en fonction de leur maturité à toutes les mesures prises par les services publics communaux et régionaux de l'enfance ( Jugendamt ) ; ils ont le droit de se tourner vers ces services pour toute affaire touchant à leur développement et à leur éducation ; en cas de détresse ou de conflit, ils ont le droit de recevoir des conseils sans que les parents en soient informés. 57 ( * )

La collaboration avec les parents fait également partie des priorités mais si les parents ne réagissent pas ou ne sont pas en mesure de prendre les mesures nécessaires, les services publics peuvent intervenir en fonction de leur appréciation et doivent intervenir en cas de danger pressant. Ces dispositions sont générales ; elles concernent tous les types d'abus et mauvais traitements et tous les contextes, intrafamiliaux comme extrafamiliaux. Lorsque sont relevés des indices sérieux d'une possible mise en danger du bien-être de l'enfant, les services publics de protection de l'enfance sont tenus d'intervenir en menant avec l'aide de spécialistes une évaluation du risque, avant de faire intervenir des professionnels de la santé, la police ou le juge aux affaires familiales s'il l'estime nécessaire. 58 ( * )

Même si la protection de l'enfance est un devoir de l'État, partagé avec les Länder et les communes, le législateur allemand accepte et reconnaît la participation d'autres instances dites libres à côté des instances publiques, en considérant que la protection de l'enfance doit être caractérisée par la multiplicité des responsables qui représentent des orientations et des valeurs diverses, ainsi que par la multiplicité des contenus, des méthodes et des formes de travail. 59 ( * ) En particulier, les jeunes et les parents peuvent se tourner vers des instances confessionnelles de protection de l'enfance.

Parmi beaucoup de dispositions, les points suivants apparaissent particulièrement pertinents pour la Mission commune d'information :

- le droit pour toute personne en contact professionnel avec des mineurs de demander conseil à un spécialiste expérimenté lorsqu'elle suspecte un abus 60 ( * ) ;

- le droit pour les responsables d'institutions dans lesquelles les enfants et adolescents sont hébergés ou séjournent tout ou partie de la journée, de demander conseil aux services régionaux de protection de l'enfance pour développer et appliquer des programmes de protection contre les violences 61 ( * ) ;

- l'entrée en vigueur en 2012 de nouvelles règles relatives au secret professionnel et à la divulgation d'information pour les médecins, pharmaciens, travailleurs sociaux, psychologues, professeurs dans les établissements publics et privés reconnus par l'État. Si dans l'exercice de leur activité professionnelle, ces personnes viennent à découvrir des indices sérieux d'abus, elles ont le droit de demander conseil à un spécialiste expérimenté auquel elles transmettent les informations, y compris confidentielles, nécessaires à l'appréciation de la situation. Elles sont de plus habilitées à transmettre les mêmes informations aux services de protection de l'enfance dès lors qu'elles considèrent leur intervention nécessaire. 62 ( * )

Ces dispositions en matière d'accès au conseil d'un spécialiste ont paru d'autant plus nécessaires au législateur qu'il n'existe pas d'obligation légale de signalement ( Anzeigepflicht ) même en cas de fort soupçon d'abus sexuels. La victime n'est pas tenue de porter plainte. Une personne privée n'est pas légalement tenue de dénoncer à la police ou au procureur des éléments portés à sa connaissance, même lorsqu'elle apprend d'une source fiable qu'un tel acte est planifié. Les Églises sont des entités de droit public qui ne diffèrent pas sur ce point des personnes privées ; il n'existe pas d'obligation légale de signalement. Seuls sont absolument et systématiquement soumis à l'obligation de signalement les personnels de police et de justice Les éducateurs et les collaborateurs du service de protection de l'enfance peuvent être obligés, si le cas est suffisamment grave et corroboré, de signaler des faits suspects, dès lors qu'à titre spécial leur incombe aux termes du code des affaires sociales un devoir particulier de prévenir toute mise en danger de l'enfant. La question de savoir quand un directeur d'établissement scolaire doit légalement signaler un comportement suspect d'un de ses professeurs est délicate et ne peut s'apprécier qu' in concreto selon les circonstances de l'affaire.

Cette position de principe du droit pénal allemand a été critiquée parce qu'elle laissait trop de possibilités aux auteurs d'abus et parce qu'elle facilitait également l'étouffement d'affaires par les institutions touchées. Elle a toutefois été défendue par la Table ronde de 2010-2011 de peur que l'introduction d'une obligation de dénonciation freine les confidences des enfants victimes et finisse par comporter plus d'effets pervers que de bénéfices. Toutefois, le Commissaire indépendant et le ministère fédéral de la famille et de la jeunesse plaident auprès de toutes les institutions concernées pour qu'elles s'auto-imposent à titre de règlement intérieur une obligation de signalement des cas suspects, en l'absence même d'une disposition légale.

Enfin, sont prévues des obligations de déclaration renforcées pour exclure des personnes déjà condamnées des services de protection de l'enfance. En effet, sur requête de l'employeur, tout candidat à un poste doit produire un certificat de bonne conduite ( Führungszeugnis ) attestant qu'il n'a pas été condamné pour un délit à l'encontre d'un mineur dans les dix années précédentes. Le spectre est très large : manquement aux obligations de soin et d'éducation, diffusion de matériel pornographique, exploitation sexuelle, exhibitionnisme... Tous les employés dans les instances publiques comme dans les instances dites libres de protection de l'enfance doivent présenter ce certificat. 63 ( * ) Les bénévoles et les collaborateurs occasionnels de ces services peuvent également se voir demander de présenter un certificat de bonne conduite, à la discrétion des services de protection de l'enfance qui ont recours à eux. Les institutions auxquelles sont confiés des enfants ou des adolescents ne peuvent recevoir un permis d'exercer que lorsqu'il est établi que leur personnel est en mesure de présenter un certificat de bonne conduite. 64 ( * )

c) Le Commissaire indépendant aux questions d'abus sexuels sur enfants

La politique de protection de l'enfance est du ressort du ministre fédéral de la famille et de la jeunesse. Cependant, lorsque le scandale de 2010 éclata, se fit rapidement sentir le besoin de se doter d'une instance indépendante de coordination du traitement de la question spécifique des violences sexuelles sur les enfants. A été ainsi nommé un premier commissaire indépendant, en l'occurrence, une ancienne ministre fédérale de la famille dont la mission a été essentiellement d'accompagner les travaux de la Table Ronde et d'élaborer le rapport final. Le deuxième commissaire Johannes-Wilhelm Rörig a été nommé en décembre 2011, son mandat a été renouvelé pour cinq ans en avril 2014 par le gouvernement allemand.

Il s'agit d'un office fédéral temporaire, créé par décision du gouvernement allemand sans reconnaissance législative. Bien que rattaché administrativement au ministère fédéral de la famille et de la jeunesse, le Commissaire est indépendant, au sens où il n'est lié par aucune instruction ou directive d'aucune autorité. Le ministre de la famille n'exerce donc pas de tutelle hiérarchique sur lui.

Sa vocation est d'agir comme une interface et un point de convergence entre toutes les parties prenantes : victimes et leurs familles, administrations fédérales et locales, établissements d'accueil, experts et scientifiques, associations. Ses missions sont :

- veiller à la prise en compte adéquate des intérêts des victimes de violence sexuelle dans leur enfance ;

- contribuer à l'introduction et au développement de programmes structurés de prévention ( Schutzkonzept ) des violences sexuelles dans toutes les institutions accueillant des enfants (écoles, associations sportives, foyers, crèches, garderies, pédiatrie ambulatoire, hôpitaux) en apportant son expertise et son soutien technique. Il est aussi en charge de la surveillance et de l'évaluation périodique (monitoring) de ces programmes ;

- soutenir la révélation et le traitement ( Aufarbeitung ) indépendants et systématiques des cas d'abus sexuels sur les enfants ;

- initier des enquêtes scientifiques sur les violences sexuelles sur enfants ;

- gérer et développer les deux formes de point de contact et d'information : une ligne téléphonique et un portail internet d'aide et de soutien ;

- assurer l'information du public et la diffusion d'une culture de la prévention, notamment grâce au déploiement dans toute l'Allemagne de l'initiative Kein Raum für Missbrauch 65 ( * ) .

L'office du Commissaire indépendant s'est étoffé par l'adjonction de deux instances complémentaires :

- depuis mars 2015, le Conseil des personnes affectées ( Betroffenenrat ) comporte 14 membres qui ont été sexuellement abusés dans différents contextes et qui se sont engagés, soit professionnellement, soit bénévolement dans la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. Ils conjuguent donc vécu personnel et expertise et collaborent avec les équipes du Commissaire sur les programmes de prévention. Ils assurent également une mission plus politique de défense des intérêts des victimes en prenant publiquement position ou en interpellant différents responsables ;

- en janvier 2016, ont été nommés par le commissaire fédéral les six membres de la Commission indépendante pour le traitement des abus sexuels sur enfants ( Unabhängige Kommission zur Aufarbeitung sexuellen Kindesmissbrauchs ). Sa création vient d'une proposition du commissaire fédéral, reprenant une ancienne revendication des associations de victimes, qui a été approuvée par une résolution du Bundestag du 2 juillet 2015. Il s'agit d'une structure d'enquête qui doit faire la lumière sur l'ampleur, les formes et les conséquences des violences sexuelles contre les enfants et les jeunes. Elle doit découvrir les structures qui ont rendu possible ces abus par le passé et qui ont aussi empêché leur révélation et leur traitement. Elle mène essentiellement des auditions de personnes touchées dans leur enfance sur tout le territoire national.

d) La prévention en milieu scolaire

Le Commissaire indépendant a développé des lignes directrices pour aider les institutions et établissements à mettre en place leurs propres programmes de prévention, qui doivent avoir pour buts principaux de transformer l'institution en lieu protégé où l'enfant se sent en sécurité ( Schutzort ) et en pôle de ressources, où les enfants abusés peuvent trouver des interlocuteurs compétents pour les aider ( Kompetenzort ). Pour diffuser la culture de la prévention et inciter les établissements scolaires à construire des programmes de prévention, le Commissaire a lancé en septembre 2016 une initiative avec les autorités éducatives des Länder , Schule gegen sexuelle Gewalt , qui devait permettre d'ici fin 2018 d'apporter tout le matériel pédagogique nécessaire aux directeurs et aux enseignants de toute l'Allemagne. Outre les brochures distribuées, un portail Internet 66 ( * ) a été construit pour mettre à disposition des lignes directrices orientées vers la pratique et des documents de référence, Land par Land .

Les programmes de prévention sont construits à partir de dix éléments : des procédures internes de plainte en cas d'abus sexuels ; des codes de conduite ; des modules de formation dédiés pour le personnel notamment pour détecter les signaux d'abus et interagir avec un enfant abusé ; un plan d'action séquencé ; un point de contact référent pour le personnel et les enfants ; des modèles exemplaires de bonnes pratiques ; des coopérations avec les instances extérieures compétentes qui peuvent apporter conseil et expertise ; la participation des enfants et des parents à la prise de décision ; une offre d'information en matière de prévention à destination des enfants ; un processus de sélection des candidats à des postes dans l'établissement adapté (présentation de certificats de bonne conduite, dialogue sur les risques d'abus sexuels et la prévention au cours des entretiens d'embauche).

À la demande du Commissaire indépendant, l'Institut allemand de la jeunesse ( Deutsches Jugendinstitut ) a dressé le bilan des programmes de prévention dans les écoles et internats en Allemagne entre 2015 et 2018. L'échantillon comprenait 1 546 établissements scolaires et 102 internats. L'étude montre globalement une tendance à l'amélioration des instruments de prévention par rapport à la période 2013-2015 bien que de nombreux besoins d'amélioration se fassent encore sentir.

On peut considérer que seuls 13 % des écoles et 28 % des internats disposent d'un programme global de prévention comprenant sept ou huit des éléments de la liste précédente :

- 90 % des écoles associent les élèves aux prises de décision et disposent de codes de conduite posant les limites aux comportements acceptables dans les interactions entre élèves et professeurs ou autres membres du personnel ;

- 86 % ont mis en place une procédure de plainte couvrant les abus sexuels ;

- 80 % disposent d'un référent externe et 69 % d'un référent interne sur le thème de la violence sexuelle, 73,5 % des écoles indiquant également une personne spécifique à laquelle les enfants victimes d'abus sexuels peuvent se confier (+14,2 % depuis 2013) ;

- 64 % ont construit un plan d'action (+33 % depuis 2013) ;

- 57 % offrent une information de prévention aux élèves (+32 % depuis 2013) ;

- 50 % seulement ont mis en place des modules de formation dédiés pour le personnel, mais la fréquentation progresse ;

- 44 % coopèrent sur une base régulière avec des instances externes spécialisées.

L'étude regrette que les programmes de prévention aient rarement été élaborées sur la base d'une analyse des risques (identification des lieux et des situations qui rendent possible ou facilitent les abus) et d'une analyse du potentiel de prévention (pratiques et mesures déjà existantes qui contribuent à la protection des enfants. Seuls 4 % des écoles se sont livrées à cette double analyse.

e) La stratégie pour les années à venir et les pistes d'évolution

En octobre 2017, le Commissaire indépendant a publié un document d'orientation stratégique Jetzt handeln 67 ( * ) proposant un programme de mesures à adopter et d'initiatives à prendre au cours de la législature pour améliorer la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs.

Il propose notamment que 3 000 établissements scolaires allemands, soit environ 10 % du total, sélectionnés par les autorités de leur Land reçoivent un financement de 5 000 euros du gouvernement fédéral, éventuellement complétés par des financements régionaux, pour développer et mettre en place leur programme de prévention contre les abus sexuels. De même, 2 000 institutions s'occupant d'enfants comme des crèches et garderies, des foyers et des associations sportives, ainsi que 1 000 hôpitaux, cliniques et cabinets médicaux pourraient également recevoir un financement d'amorçage de 5 000 euros. Des programmes de prévention spécifiques devraient être élaborés pour les institutions d'accueil de jeunes handicapés, sur la base d'un modèle de base qu'il appartient au gouvernement fédéral et aux Länder de mettre au point.

On peut remarquer également l'inquiétude grandissante en matière de cyber-abus (exhibitionnisme, diffusion d'images pornographiques, grooming ). Le Commissaire propose de consacrer 25 millions d'euros, soit 0,5 % du « pack digital » inscrit au budget 2017, à la lutte contre les abus sexuels d'enfants sur Internet et les réseaux sociaux. La pénalisation du cybergrooming devrait être accrue et élargie.

L'effort de recherche scientifique et le dialogue entre praticiens, politiques et chercheurs devraient être renforcés. Le traitement des abus du passé largement étouffés doit être poursuivi au sein de la Commission indépendante. Une campagne publique de sensibilisation de la population devrait être lancée. La politique d'indemnisation et d'aide aux victimes devrait être renforcée, y compris en retenant des régimes de preuve nettement moins exigeants dans les affaires civiles (conflits familiaux, indemnisation des victimes, intervention de la protection de l'enfance) que pour les affaires strictement pénales.

Enfin, le Commissaire recommande le renforcement du cadre légal de la lutte contre les abus sexuels sur enfants par l'adoption d'une nouvelle loi qui reconnaîtrait pleinement la charge de Commissaire, en garantirait la pérennité dans des conditions d'indépendance modelées sur celles applicables aux magistrats, clarifierait ses compétences et lui assurerait des moyens financiers et humains adéquats. La future loi devrait également reconnaître et pérenniser le Conseil des personnes affectées pour assurer la participation des victimes. Enfin, la Commission indépendante pour le traitement des abus du passé devrait être également reconnue par la loi, ses membres nommés pour un mandat de cinq ans devant alors être choisis par un comité de sélection comprenant des représentants du Bundestag , du gouvernement fédéral, du Conseil des victimes et du Commissaire indépendant.

Le 19 octobre 2018, la ministre fédérale de la famille, Franziska Giffey, a annoncé que le Cabinet préparait la pérennisation des trois structures (Commissaire indépendant, Conseil des victimes et Commission de traitement).

2. Irlande
a) Contexte et méthode

Le 11 mai 1999, le gouvernement irlandais a présenté ses excuses aux enfants victimes d'abus et le Premier ministre de l'époque, M. Ahern, a annoncé la création d'une commission d'enquête.

Présidée par une magistrate, Mary Laffoy, la commission avait initialement été établie sur une base non législative mais administrative, avec un mandat élargi donné par le gouvernement, qui avait comme objectif premier de constituer une assemblée bienveillante et qualifiée où les victimes pourraient raconter les abus dont elles avaient souffert. Il était demandé à la commission d'identifier et de rendre compte des causes, de la nature et de l'étendue des abus physiques et sexuels, dans le but de faire des recommandations. Cette commission a soumis deux rapports au gouvernement, précisant comment son mandat pouvait être mis en oeuvre, et ses recommandations ont été intégrées dans la loi sur la Commission visant à enquêter sur les abus commis sur les enfants ( Commission to Inquire into Child Abuse Bill , 2000).

La commission découlant de cette loi a été établie le 23 mai 2000 en tant qu'organisme indépendant. Des amendements ont été apportés en 2005. Les fonctions principales de la commission étaient :

- de permettre aux personnes ayant souffert d'abus pendant l'enfance, dans les institutions et pendant la période de référence (voir ci-dessous), de relater les abus ;

- d'enquêter sur les abus, sur la manière dont les enfants ont été placés et les circonstances qui ont fait qu'ils sont restés placés dans les institutions pendant la période de référence, de déterminer les causes, la nature, les circonstances et l'étendue des abus, ainsi que sur le fonctionnement, la gestion, la supervision et l'inspection des institutions dans lesquelles des abus ont été commis.

La commission avait toute latitude pour effectuer son enquête. Elle était organisée en deux comités distincts et séparés, qui devaient rapporter à la commission de façon séparée :

- un comité confidentiel, chargé de recueillir la parole des personnes victimes d'abus pendant leur enfance et qui ne souhaitaient pas en faire état devant le comité d'enquête, de recevoir les preuves, de faire des propositions générales sur les recommandations à prendre et de préparer et fournir des rapports. Le comité confidentiel a ainsi entendu 1 090 témoins ;

- et un comité d'enquête, qui pouvait notamment ordonner la présentation des témoins et la production de documents et donner toute instruction qui apparaitrait raisonnable, juste et nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Le comité pouvait également exiger la divulgation de documents, transmettre des questions auxquelles il était obligatoire de répondre et exiger des parties qu'elles reconnaissent des faits, des déclarations et des documents. Le rapport du comité d'investigation ne pouvait pas identifier une personne soupçonnée d'avoir commis un abus sauf si cette personne avait été condamnée par un tribunal.

Les institutions sur lesquelles a porté l'enquête étaient définies comme des écoles, des écoles techniques, des maisons de redressement, des orphelinats, des hôpitaux, des foyers pour enfants et tout autre endroit où des enfants étaient pris en charge par d'autres personnes que des membres de leur famille.

La période retenue était initialement 1940-1999, mais la commission, conformément aux pouvoirs dont elle disposait, a finalement retenu 1936 comme année de début de ses investigations.

La présidente de la commission démissionna en septembre 2003 68 ( * ) , pour être remplacée par Sean Ryan, qui commença son mandat en effectuant un état des lieux du fonctionnement de la commission et en proposant des ajustements pour résoudre les problèmes qu'il avait pu relever.

En parallèle, les travaux du comité d'investigation (mais pas ceux du comité confidentiel) ont été suspendus entre septembre 2003 et mars 2004, dans l'attente d'une décision de la Haute Cour suite à une action des Frères chrétiens. Ceux-ci s'interrogeaient sur la constitutionnalité de l'approche retenue, en ce qu'elle visait à émettre des conclusions à l'encontre de frères morts ou âgés ou de personnes qui ne pouvaient correctement se défendre. Leur recours a été rejeté.

La commission a repris ses travaux au mois de mai 2004 pour ce qui était de la définition du cadre de son enquête, et en juin 2004 pour ce qui était de l'enquête à proprement parler. 18 congrégations religieuses ainsi que des experts ont été entendus par le comité d'investigation.

b) Résultats69 ( * )

Le rapport de la commission a été publié le 20 mai 2009. Il comporte cinq volumes et plus de 2 500 pages. Il couvre la négligence, les abus physiques, les abus émotionnels et les abus sexuels.

Les volumes I et II couvrent individuellement les écoles techniques et maisons de redressement gérées par les ordres religieux, le volume III est consacré au rapport du comité confidentiel, le volume IV traite du ministère de l'Éducation et de son financement des écoles, ainsi que de questions générales telles que « la société et les écoles ». Le volume V traite du rôle de la Société irlandaise pour la prévention de la cruauté envers les enfants, des ajustements psychologiques des adultes ayant vécu un abus ou encore des dossiers médicaux.

La commission indique que les abus sexuels se sont produits dans un grand nombre d'institutions et qu'ils étaient « particulièrement endémiques dans les institutions pour garçons ». La situation dans les écoles pour filles était différente, bien que celles-ci puissent être soumises à des abus sexuels de prédation de la part des employés masculins et des visiteurs.

Elle précise que la direction des ordres religieux était consciente de cela mais n'a pas agi ou, dans le cas des abus sexuels, a déplacé les auteurs dans d'autres institutions, bien que la propension à la récidive ait été connue. La commission a jugé que l'attitude pleine de déférence et soumise du ministère de l'éducation envers les congrégations a compromis son devoir réglementaire de mener des inspections et de surveiller les institutions. Le système d'inspection était fondamentalement défectueux et incapable d'être efficace parce qu'il n'était pas soutenu par une autorité réglementaire, il manquait d'indépendance vis-à-vis du ministère, n'incluait pas d'inspections surprises et ne parlait pas avec les enfants.

Selon le rapport, le ministère a échoué à développer des politiques ou à imposer des changements qui auraient amélioré le sort des enfants. Il n'a pas suivi les bonnes pratiques en place dans les autres secteurs.

Le rapport a fait état de milliers d'enfants ayant subi des abus pendant plusieurs décennies dans 216 institutions gérées par des ordres religieux, impliquant plus de 800 prêtres, frères, religieuses et laïques. La commission a entendu plus de 500 témoins ayant déclaré avoir subi des abus sexuels.

Lors de son audition par la commission en 2004, la congrégation des frères chrétiens aurait indiqué avoir découvert dans les archives romaines 30 cas de procès canoniques à l'encontre de frères ayant commis des abus sexuels sur des enfants dont ils avaient la charge en Irlande depuis les années 1930.

c) Recommandations

La commission a publié des recommandations regroupées en deux axes :

1/ soulager ou corriger les effets des abus sur ceux qui les ont subis :

- en érigeant un mémorial sur lequel serait inscrit « au nom de l'État et de tous ses citoyens, le gouvernement souhaite présenter des excuses sincères et tardives aux victimes d'abus durant l'enfance pour notre échec collectif à intervenir, à détecter leur souffrance, à venir à leur secours » ;

- en apprenant les leçons du passé et en effectuant un travail d'exploration, d'acceptation et de compréhension, de la part de l'État comme des congrégations. L'État doit admettre que ces abus ont pu se produire du fait des défaillances de systèmes et de politiques globales de gestion et d'administration tout autant que du fait des personnels dirigeants liés aux écoles techniques et aux maisons de redressement. Une fois ce pas franchi, une analyse ministérielle interne sera conduite pour comprendre comment ces défaillances ont pu se produire, afin que cela ne se reproduise plus. Les congrégations également devront se demander comment elles ont pu tolérer des brèches dans leurs règles et comment elles ont répondu aux abus physiques et sexuels quand ceux-ci ont été découverts, ainsi qu'à ceux qui les ont perpétrés ;

- en rendant disponibles pour aider les anciens résidents et leur famille les services de conseil et de psychiatrie, ainsi que les services éducatifs ;

- en laissant en place les services de recherche des origines, qui assistent les particuliers dépourvus de leur identité familiale lors de leur placement. Les anciens résidents doivent se voir reconnaître et accorder un droit d'accès aux documents personnels les concernant et d'information.

2/ empêcher lorsque c'est possible et réduire l'incidence des abus d'enfants dans les institutions, et protéger les enfants de tels abus :

- la politique de protection de l'enfance doit être centrée sur l'enfant, ses besoins doivent être prioritaires. Les services doivent être adaptés aux besoins de développement, éducationnels et de santé de l'enfant. Les adultes qui s'occupent des enfants doivent prioriser le bien-être et la protection de ces enfants avant toute loyauté personnelle, professionnelle ou institutionnelle. ;

- la politique nationale de protection de l'enfance doit être clairement articulée et revue sur une base régulière. L'État et les congrégations ont perdu de vue la raison pour laquelle ces institutions étaient établies, à savoir fournir aux enfants un environnement sûr et sécurisant et l'opportunité d'acquérir une éducation et une formation. En l'absence d'une politique articulée et cohérente, les intérêts organisationnels sont devenus prioritaires par rapport à ceux de la protection de l'enfant ;

- une méthode d'évaluation du degré auquel les services remplissent les objectifs de la politique nationale de protection de l'enfance doit être élaborée, afin de s'assurer que les besoins évolutifs des enfants resteront au coeur des services ;

- la fourniture de services de protection de l'enfance doit être revue sur une base régulière, en référence aux meilleures pratiques internationales et aux recherches basées sur des preuves ;

- développer une culture du respect et de la mise en oeuvre des règles et règlements et de l'observation des codes de conduite, les règles doivent être appliqués, les défaillances doivent être rapportées et les sanctions être mises en oeuvre. Les défaillances qui se sont produites ne sont pas la conséquence d'une absence de règles ou de la difficulté de les comprendre, mais de la mise en oeuvre du cadre réglementaire. Les règles étaient ignorées et traitées comme s'il s'agissait de normes ambitieuses et inatteignables n'ayant pas à s'appliquer dans les circonstances particulières du fonctionnement de l'institution. Non seulement les personnes chargées des enfants ne respectaient pas les règles, mais leurs supérieurs ne les appliquaient pas et n'imposaient pas de sanctions disciplinaires en cas de défaillance. Le ministère de l'éducation ne le faisait pas non plus ;

- il est essentiel de recourir à des inspections indépendantes, en nombre suffisant, dont les inspecteurs écoutent et parlent avec les enfants. Des normes nationales objectives pour ces inspections doivent être déterminées, des inspections surprises doivent pouvoir être organisées. Toute plainte rapportée à un inspecteur doit être enregistrée et suivie, et les inspecteurs ont le pouvoir de s'assurer que toute norme inappropriée est corrigée sans délai ;

- la direction, à tout niveau, doit être responsable de la qualité de service et de la protection, en faisant la meilleure utilisation possible des ressources, en contrôlant le personnel et les bénévoles, en s'assurant que le personnel est bien formé, qu'il correspond à la nature du travail à entreprendre et qu'il est progressivement formé pour rester à jour, en s'assurant d'une surveillance, d'un soutien et de conseils en continu pour tout le personnel, en révisant régulièrement le système afin d'identifier les zones de problèmes, autant pour le personnel que pour les enfants, en s'assurant de l'adhésion aux règles et règlements, en établissant si les défaillances du système ont causé ou ont contribué à causer des abus et en mettant en place des procédures afin de permettre au personnel et aux tiers de se plaindre ou de soulever des problèmes sans peur des conséquences ;

- les enfants bénéficiant de la protection doivent pouvoir faire part de leurs problèmes sans crainte ;

- les services de protection de l'enfance dépendent de la qualité de la transmission d'information et de la coopération interservices sur les problèmes et les suspicions pour pouvoir agir dans le meilleur intérêt de l'enfant ;

- les enfants bénéficiant de la protection ont besoin de continuité, ils doivent également être associés ainsi que la famille lorsque c'est possible, au développement et à la révision du plan de protection ;

- les enfants ayant été à la charge de l'État doivent avoir accès aux services de soutien, afin qu'ils aient, jeunes adultes, une structure sur laquelle ils puissent compter ;

- les enfants ayant été placés dans les foyers sont bien placés pour identifier les défaillances et déficiences du système et doivent donc être consultés ;

- sauf circonstances exceptionnelles, les enfants ne doivent pas être coupés de leur famille ;

- les dossiers personnels complets des enfants bénéficiant de la protection doivent être conservés, gardés en sécurité et tenus à jour ;

- le guide national « Children first » doit être uniformément et systématiquement appliqué dans l'ensemble de l'État dans le traitement des allégations d'abus.

3. Pays-Bas (synthèse des rapports Deetman et Samson)
a) Contexte

Comme en Allemagne, l'année 2010 fut marquée aux Pays-Bas par le scandale né des révélations d'abus sexuels sur les enfants, un an après la publication du rapport Ryan en Irlande. Deux démarches indépendantes furent entreprises pour analyser le phénomène, en préciser l'ampleur, en identifier les causes et proposer des recommandations pour améliorer la protection de l'enfance.

En avril 2010, les ministres de la Famille et de la Justice mirent sur pied une commission d'enquête, dite Commission Samson, pour enquêter sur les abus sexuels subis entre 1945 et 2010 par les enfants placés dans des institutions ou des familles d'accueil par l'État néerlandais. Son rapport fut rendu en octobre 2012. 70 ( * )

En mai 2010, la Conférence des évêques et la Conférence des ordres religieux des Pays-Bas demandèrent à l'ancien ministre de l'éducation et ancien maire de La Haye Wim Deetman de mettre sur pied une commission d'enquête indépendante sur les abus sexuels subis depuis 1945 par des mineurs confiés à des institutions ou des paroisses dépendant de l'Église catholique 71 ( * ) . Son rapport fut rendu en décembre 2011. 72 ( * )

Installées séparément avec des ordres de mission distincts, les deux commissions n'en ont pas moins travaillé en bonne intelligence en s'échangeant les informations pertinentes.

b) Les abus sexuels dans la sphère catholique

Entre mars et décembre 2010, la Commission d'enquête Deetman a recueilli 1 795 signalements directement reliés à des abus sexuels sur mineurs au sein de l'Église catholique et ses établissements, que cela soit par des prêtres des religieux, des diacres, d'autres laïcs ou des volontaires. Ces signalements provenaient de différentes sources : des témoignages spontanés de victimes, des notifications transmises par Hulp & Recht , l'instance de l'Église néerlandaise chargée de traiter les plaintes pour abus depuis 1995, des transmissions de dossiers par la Commission Samson concomitante, la presse. Pour compléter ces données trop parcellaires, la Commission Deetman a consulté les données collectées par l'institut démographique néerlandais et par le centre de recherche sur la religion et la société de l'université de Nimègue. Surtout, elle a confié à TNS-NIPO la réalisation d'une enquête sur questionnaire auprès d'environ 35 000 Néerlandais âgés de plus de 40 ans.

Sur cette base et sous toute réserve, la Commission Deetman estime qu'avant leurs 18 ans, environ 10 % des Néerlandais ont subi un abus sexuel ou ont été au moins sujet à une avance sexuelle contre leur gré de la part d'un adulte n'appartenant pas à leur famille. La notion d'abus sexuel est prise de la façon la plus large possible : d'un comportement déplacé au viol avec violence. Les Néerlandais élevés dans la religion catholique semblent statistiquement plus concernés : 12,4 % d'entre eux auraient subi une forme d'abus sexuel contre 8,4 % parmi ceux qui ne sont pas catholiques. Ces chiffres doivent être interprétés avec beaucoup de prudence et ne sont pas en eux-mêmes un indice de maltraitance par des prêtres ou des religieux catholiques, car d'autres facteurs socio-économiques contribuent à rendre compte de cet écart.

Plus précisément, il ressort des données collectées que le risque de contact sexuel non désiré est particulièrement élevé pour les enfants qui étaient accueillis et hébergés dans des institutions (foyers, internats, écoles privées, séminaires). Toutefois, cette tendance est générale sans que se manifeste de différence significative entre institutions catholiques et institutions non-catholiques : 20,7 % des enfants accueillis dans une institution catholique et 22,2 % des enfants accueillis dans une institution non catholique ont été touchés selon les estimations.

La vulnérabilité particulière des enfants accueillis et hébergés dans des institutions en général s'explique par le fait que ces lieux offrent davantage d'opportunités discrètes aux comportements inappropriés au quotidien que l'école classique. Les parents ne voyant pas leurs enfants tous les jours, ils ne peuvent pas exercer une supervision aussi attentive et ont du mal à apprécier la réalité de la vie dans l'institution, et la gravité de ce qui s'y passe.

Si l'on considère uniquement les auteurs d'abus sexuels présumés travaillant pour l'Église catholique, on peut considérer qu'entre 0,3 et 0,9 % des Néerlandais de plus de 40 ans ont essuyé avant leurs 18 ans des avances sexuelles non désirées de la part d'un membre du clergé ou d'un laïc de l'Église.

À partir des signalements nominatifs et rapports précis qui lui ont été adressés, la Commission Deetman a pu interroger les diocèses et les ordres religieux et identifier environ 800 auteurs d'abus sexuels au sein de l'Église catholique néerlandaise dont 105 encore en vie.

Tout en procédant à une contextualisation socio-historique des faits et de la gestion des diocèses et des ordres religieux, les rapporteurs concluent que les autorités ecclésiastiques avaient connaissance du problème dès la fin des années 1940 sans disposer d'une vue d'ensemble, qu'elles ont manqué de prendre les mesures adéquates et de prêter suffisamment d'attention aux victimes, que le traitement des cas relevés était individuel et parcellaire et non pas systémique et institutionnel, que les codes de conduite stricts mis en place avaient été dans les faits appliqués avec laxisme et complaisance.

Parmi les recommandations de la Commission Deetman, on peut relever :

- l'importance d'affronter dans sa globalité les abus sexuels sur les mineurs dans tous les contextes, sans stigmatiser la seule Église catholique ;

- harmoniser le traitement des abus sexuels commis par des personnels de l'Église entre diocèses et entre ordres congrégations religieuses, en admettant publiquement ensemble leur responsabilité et leur volonté d'oeuvrer d'un même pas à la reconnaissance, l'aide, l'indemnisation et le soin des victimes ;

- revoir et harmoniser la gestion des ressources humaines dans l'Église (sélection, formation, supervision et soutien des prêtres et religieux) ;

- créer une instance de dialogue et un point de contact avec les victimes pour les orienter vers les structures d'aide appropriés ;

- instituer un mécanisme d'indemnisation approprié.

c) Les abus sexuels sur les enfants placés en foyers d'accueil

En 2010, aux Pays-Bas, environ 47 000 enfants étaient retirés à leurs parents par décision du juge aux affaires familiales pour être placés en foyers, en centres de détention pour mineurs ou en familles d'accueil. Sur la base d'une revue de la recherche universitaire, des conclusions des tables rondes organisées avec les parties prenantes et les experts et des récits de victimes auditionnées, la Commission Samson conclut que les jeunes placés en institutions sont particulièrement vulnérables, et mal protégés, bien qu'ils soient théoriquement entourés de soin et se trouvent sous la responsabilité de l'État.

Le contexte social des Pays-Bas a considérablement évolué sur la période d'enquête. De 1945 jusqu'à 1965, la structuration de la société en piliers communautaires ( verzuiling ) reste intacte. La population se répartissait en quatre piliers protestant, catholique, libéral et socialiste, autonomes et indépendants de l'État, qui prenaient en charge les institutions sociales (partis, syndicats, journaux, radios, écoles, universités, clubs sportifs...). La protection de la jeunesse n'échappait pas à cette logique d'où une forte compartimentalisation sociale, confessionnelle et idéologique, des institutions et foyers d'accueil, qui étaient organisés et supervisés à l'intérieur de leur pilier avec une faible interférence de l'État néerlandais. Le gouvernement acceptait sa responsabilité formelle mais ne prévoyait que peu de moyens pour les inspections qui lui incombaient. Les abus sexuels ne constituaient pas un sujet d'attention particulier, alors que les foyers visaient surtout à prévenir la « ruine physique et morale » des enfants placés sous leur garde. Lorsque des cas sérieux ne pouvaient être ignorés, l'État réagissait en renvoyant le personnel impliqué et en déplaçant les enfants dans un autre foyer. La réponse pénale n'était quasiment jamais activée.

En 1965 est adoptée la première loi cadre sur la protection de l'enfance. Entre 1965 et 1990, les piliers perdirent de leur force, tandis que se desserra le tabou de la sexualité et que grandit la réticence à intervenir dans la vie des familles. À partir du milieu des années 1980, la thématique de l'abus sexuel des enfants émerge clairement comme un problème réel au sein de la société, ce qui conduit le ministre des affaires sociales responsable en 1990 à élaborer un plan d'actions contre les mauvais traitements sur les enfants et promettre un audit des foyers et institutions d'hébergement. En réalité, malgré une amélioration certaine du professionnalisme des services de l'enfance, l'adoption de protocoles en cas de soupçon d'abus et l'implication grandissante de la justice pénale, ces bonnes intentions produisirent peu d'effets structurels jusqu'aux scandales de 2010.

La Commission Samson admet clairement qu'elle n'a pas les moyens de mesurer de façon fiable l'ampleur des abus sur la période de référence, d'autant qu'un grand nombre d'informations pertinentes ne figurent pas dans les dossiers, que les enfants qui se plaignaient étaient accusés de mensonges et punis, et que les archives anciennes ont été expurgées. Pour la période la plus récente, la Commission Samson pointe un écart du simple au double entre la moyenne des abus sexuels sur enfants rapportés aux Pays-Bas (74 pour 1 000) et les abus rapportés sur des enfants placés (143 pour 1 000). L'écart est encore plus flagrant si l'on distingue entre les enfants placés en foyers d'accueil et autres institutions de placement (194 pour 1 000) et les enfants placés dans une famille d'accueil (55 pour 1 000). En résumé, le risque d'être victime d'abus pour un enfant placé est 2,5 fois plus fort que pour la moyenne des enfants néerlandais.

Il en est conclu que le risque d'abus sexuel est inhérent aux institutions de placement pour mineurs, alors même que les chances de détection et de répression des auteurs sont faibles. Cela peut s'expliquer notamment par une organisation déficiente de la protection de la jeunesse, par le passé difficile des jeunes pris en charge et par leur situation de nette dépendance à l'égard professionnels ou des parents d'accueil qui ont autorité sur eux. La vulnérabilité psychologique des mineurs placés, qui se caractérise par de plus faibles défenses mentales, une faible estime de soi, une dépendance affective marquée, ne peut être ignorée.

La gestion de la sexualité dans des groupes d'adolescents des deux sexes vivant en commun est un exercice difficile. Une culture fondée uniquement sur le maintien strict de règles de conduite aboutit de facto à négliger le volet préventif, à ne prendre que des mesures correctrices et de punitions, qui peuvent déboucher sur un climat répressif étouffant le signalement de nouvelles agressions et renforçant des dynamiques de pouvoir et de domination entre jeunes et entre adultes et jeunes qui elles-mêmes sont propices aux transgressions sexuelles.

En se basant sur les conclusions de chercheurs indépendants et d'experts internationaux, la Commission Samson estime que les professionnels de la protection de l'enfance perçoivent moins de 2 % des cas d'abus rapportés par les enfants, qui eux-mêmes s'autocensurent fréquemment. Dans plus de la moitié des incidents rapportés par les victimes, l'auteur de l'abus a moins de 21 ans ; fait marquant, alors que les dossiers officiels et les plaintes pénales ne renvoient qu'à des auteurs masculins, un tiers des cas d'abus sexuels impliqueraient une femme comme auteur des violences. À la différence des abus rapportés au sein de l'Église catholique, les filles sont deux fois plus victimes que les garçons. Les enfants souffrant d'un déficit de développement ou d'un handicap mental sont trois fois plus souvent victimes d'abus sexuels.

Concernant les auteurs d'abus, la Commission Samson met en évidence une répartition en deux profils : d'une part, dans environ la moitié des cas, l'auteur des abus est un autre jeune placé dans la même institution, en moyenne âgé de 15 ans et présentant soit un retard soit un faible handicap cognitif ; d'autre part, un adulte âgé en moyenne de 37 ans et présentant une intelligence supérieure à la moyenne. La pédophilie est rarement diagnostiquée et d'après les enquêtes, les professionnels ou parents d'accueil auteurs d'abus n'avaient pas dans leur grande majorité, l'intention d'abuser des enfants au moment où ils ont commencé à travailler avec des enfants. Le passage à l'acte est encore mal compris. En revanche, un tiers d'entre eux avaient déjà été victimes de maltraitance, de négligence ou d'abus sexuel dans leur enfance. Il est à noter que les auteurs ont rarement déjà été condamnés pour un délit quel qu'il soit, si bien que prévoir des mécanismes additionnels de vérification de leurs références ne devrait pas améliorer significativement la prévention des abus.

En conséquence, la Commission Samson formule notamment les recommandations suivantes :

- accroître la compétence professionnelle des acteurs de la protection de l'enfant en matière de développement de la sexualité des adolescents, de détection des abus et de prise en charge des enfants victimes. Cela passe par la réforme de la formation initiale et de la formation continue, et par la mise en place d'instances efficaces d'intervision et de supervision. La commission préconise la mise en place d'une certification régulière des professionnels sur la base d'un référentiel défini par le secteur et d'objectifs annuels de formation. Il faut notamment apprendre à créer un climat qui rend possible la discussion ouverte de la sexualité, des limites et de la transgression au sein du groupe de jeunes et des institutions d'accueil ;

- revoir la gestion des ressources humaines pour rehausser le ratio encadrants/jeunes, pour favoriser la stabilité des équipes et pour inclure le traitement de la question de la sexualité et des abus sexuels dans les entretiens de candidature et les entretiens annuels dévaluation ;

- réaliser une évaluation et un diagnostic des troubles potentiels des enfants retirés à leur famille pour être placés. Il faut pouvoir connaître leur passé et les conséquences potentielles des traumatismes qu'ils ont déjà subi dans leur famille pour assurer une prise en charge plus personnalisée et plus adaptée aux professionnels du soin. Le placement d'un jeune, notamment des jeunes filles, dans un foyer ou un groupe donné doit se faire après une évaluation des risques potentiels de l'environnement d'accueil ;

- mobiliser les tiers dans l'environnement de l'enfant (médecins, dentistes, kinésithérapeutes, enseignants, voisins) pour qu'ils signalent au plus tôt les faits que l'enfant viendrait leur confier ;

- renforcer le rôle de l'inspection de la protection de l'enfance et impliquer davantage les conseils de surveillance des institutions dans le contrôle interne ;

- mettre en place des procédures internes formelles de plainte ;

- accroître la transparence en augmentant le nombre de signalement et de dénonciation de comportements suspicieux ;

- prévoir des concertations au cas par cas en rassemblant tous les acteurs concernés pour échanger les informations pertinentes et discuter transversalement des cas rapportés de soupçon d'abus ;

- procéder à une reconnaissance officielle des abus du passé et à la présentation d'excuses par le gouvernement néerlandais ;

- faciliter la prise en charge des victimes d'abus avant 1973 par le Fonds d'indemnisation des infractions violentes ( Schadefonds geweldsmisdrijven ) ;

- organiser un point d'accueil et de contact pour les victimes d'abus sexuels et fournir une offre d'aide adaptée. Rationaliser l'aide aux jeunes victimes grâce à un système de suivi continu des patients ( cliëntvolgsysteem ) de telle sorte que toutes les interventions de professionnels du soin sur les victimes soient consignées, centralisées et partagées ;

- pour contrer les tendances à la fragmentation due au transfert de la responsabilité des foyers d'accueil aux communes, adopter au niveau central des lignes directrices et des normes de qualité communes ;

- soutenir l'effort de recherche scientifique et améliorer la qualité des statistiques ;

- réaliser un audit de prévalence des abus sexuels dans les foyers d'accueil tous les deux ans.

LE POUVOIR NORMATIF
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
DANS LES ÉTATS UNITAIRES

1. Synthèse

On peut distinguer les États unitaires des États fédéraux par le double critère de la souveraineté sans concurrence de l'État central et de l'unicité de la Constitution, qu'elle soit coutumière ou rassemblée dans un ou plusieurs textes. En Europe, seules l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique (un cas limite né du démembrement d'un État originellement unitaire), la Bosnie-Herzégovine et la Suisse sont des fédérations.

Parmi les États unitaires, on peut distinguer entre les purs et les régionalisés (Espagne, Italie). On classera le Royaume-Uni dans la catégorie des régionalisés après la dévolution large, y compris législative, à l'Écosse et à l'Irlande du Nord, plus restreinte et d'essence réglementaire ou adaptative au Pays-de-Galles ; l'Angleterre comme nation n'est pas concernée par la dévolution et demeure paradoxalement purement unitaire. Quel que soit leur degré de décentralisation, les États unitaires purs conservent strictement l'unité du pouvoir législatif confié au Parlement national. Les conseils ou parlement régionaux n'exercent pas de pouvoir législatif sur leur territoire, ni ne participent pas à l'exercice national du pouvoir législatif, sauf exceptions ultramarines (Açores et Madère au Portugal ; Groenland et Féroé au Danemark ; Aruba, Curaçao et Sint-Marteen aux Pays-Bas).

En revanche, les États unitaires régionalisés, même lorsque leur Constitution proclame l'unicité de la nation et l'indivisibilité du pays, se caractérisent par une division du pouvoir législatif exercé concurremment par l'État central et les régions. Cette division n'est pas figée mais évolutive, le Parlement central pouvant autoriser soit de nouveaux transferts, soit une intervention adaptatrice ou modificatrice de la région dans les domaines de compétence de l'État. En outre, cette division peut être asymétrique : à toutes les régions n'est pas nécessairement dévolue la capacité législative au même degré, ni dans la même sphère de compétence. On observe une certaine hétérogénéité entre autonomies espagnoles, entre régions italiennes et entre nations du Royaume-Uni. Les principes constitutionnels, en particulier en matière de libertés publiques et de droits fondamentaux, tracent toutefois une limite.

Il suit de cette distinction de base un corollaire important sur les relations entre les niveaux des collectivités territoriales. Les États unitaires européens, purs ou régionalisés, garantissent le principe de libre administration des collectivités territoriales et une forme de clause de compétence générale des communes, entendue comme une liberté d'agir au service de l'intérêt local, dans un cadre législatif, réglementaire et budgétaire déterminé. Des États fédéraux comme l'Allemagne et l'Autriche le font aussi. La question du Royaume-Uni est un peu plus difficile à trancher mais les protections accordées aux communes ont été clarifiées par le Localism Act de 2011.

Dans les États unitaires purs, il n'existe pas de hiérarchie ou de tutelle d'un niveau sur l'autre, sauf partiellement au Pays-Bas dans un système particulier où les chefs d'exécutif communaux et provinciaux ne sont pas élus mais nommés par l'État. Dans le modèle scandinave, on tend à privilégier le seul niveau communal, doté de très larges compétences réglementaires d'exécution (en Finlande : seul niveau existant ; Danemark, Norvège, Suède : évidement du niveau intermédiaire régions/provinces privé de compétences en dehors santé publique et système hospitalier).

En revanche, les régions autonomes des États unitaires régionalisés constituent des pôles de centralisation politique, en lien avec leur pouvoir législatif propre sur leur territoire, et exercent une forme de tutelle hiérarchique sur les communes. En effet, les lois régionales et les actes réglementaires des régions autonomes s'imposent aux communes et les régions en contrôlent l'exécution de telle sorte qu'elles se substituent à l'État central face aux communes. Ainsi, le tribunal constitutionnel espagnol qualifie l'Espagne d'« État composé » en considérant la conjonction de quatre principes constitutionnels : l'unité indissoluble de la nation espagnole, la souveraineté de l'État espagnol, l'autonomie politique des communautés régionales, l'autonomie administrative des communes. D'une région autonome à l'autre, la marge de manoeuvre laissée aux communes diffère. La compétence du Parlement national pour fixer les bases du régime local demeure.

2. Études de cas
a) Danemark : une Constitution sobre, une prééminence des communes

Le Danemark est un État unitaire « pur » décentralisé à deux niveaux de collectivités territoriales. Depuis une réforme structurelle de réorganisation territoriale, adoptée en 2004 et pleinement entrée en vigueur en 2007, le Danemark compte cinq régions et 98 communes, auxquelles s'ajoutent deux régions spéciales autonomes : les Îles Féroé et le Groenland. Les régions et les communes ne détiennent aucun pouvoir législatif et doivent agir dans les limites de la loi nationale applicable, à la différence du Groenland et les Îles Féroé disposant de pouvoirs législatifs propres dans tous les domaines, sauf en matière de politique étrangère et de politique de sécurité, de politique monétaire, de police et de justice, et de questions constitutionnelles.

Les régions sont faibles ; elles ne disposent pas de ressources financières propres et leurs compétences touchent surtout à la santé publique, l'environnement, le tourisme, l'éducation, domaines dans lesquels interviennent également les communes. Il n'existe aucune hiérarchie ou tutelle des régions sur les communes. Les communes sont au contraire un maillon essentiel de l'administration du pays, notamment avec la décentralisation complète de la mise en oeuvre des politiques d'emploi et de protection sociale.

Malgré l'étendue de leurs compétences, les communes ne font l'objet que d'un seul article dans la Constitution de 1953, d'ailleurs repris de la Constitution de 1849 pour poser conjointement le principe de leur libre administration et celui du contrôle de légalité de leurs actes. L'article 82 prévoit ainsi que « le droit des communes de diriger leurs affaires, sous le contrôle de l'État, est réglé par la loi ».

b) Pays-Bas : une cogestion publique (medebewind) entre État, provinces et communes

Les Pays-Bas constituent un État unitaire « pur » décentralisé à deux niveaux de collectivité territoriale. Ils sont formés de 12 provinces et de 390 communes au 1 er janvier 2017. Le nombre moyen d'habitants d'une commune est de 40 000 habitants. Les provinces et les communes ne détiennent aucun pouvoir législatif et doivent agir dans les limites de la loi nationale applicable. Depuis 2010, Curaçao et Sint-Marteen sont des États associés au Royaume, dotés d'une pleine autonomie législative interne, comme Aruba dès 1986, tandis que le reste des Antilles néerlandaises (Bonaire, Saba et Saint-Eustache) ont un statut propre de « corps public » (possibilité ouverte par l'article 134 de la Constitution).

Les articles 123 à 136 de la Constitution néerlandaise (version révisée et renumérotée de 1983) concernent les provinces et les communes. Ils garantissent la libre administration des collectivités territoriales, compétentes pour régler et administrer leurs affaires (art. 124). Les lois relatives aux provinces et aux communes en déduisent des clauses de compétence générale pour les affaires locales et un pouvoir réglementaire autonome. Dans les faits, on constate une spécialisation du niveau provincial sur les questions d'environnement, de gestion de l'eau, d'aménagement du territoire et de culture, alors que les communes ont la responsabilité des politiques sociales, économiques, éducatives et de sécurité en coopération avec l'État.

La Constitution néerlandaise se concentre surtout sur l'institution des organes internes des collectivités territoriales, sur le régime électoral, sur la nomination des commissaires du Roi dans les provinces et des maires dans les communes. L'article 132 prévoit que le contrôle des actes des collectivités est réglé par la loi. Il n'y a pas de contrôle a priori . Les actes des communes et des provinces ne peuvent être annulés que par un décret royal si elles sont contraires au droit ou à l'intérêt général.

Il convient de noter que les commissaires du Roi, qui assurent la présidence de l'assemblée régionale élue sont nommés par le gouvernement après une procédure de consultation de ces « États provinciaux ». De même, les maires sont nommés par le gouvernement, après consultation du conseil municipal. Commissaires du Roi et maires ne sont pas nommés parmi les députés provinciaux et conseillers municipaux ; ils doivent être des personnalités extérieures susceptibles de trouver un équilibre constructif entre les différentes sensibilités politiques représentées dans des assemblées locales extrêmement éparpillée par la représentation proportionnelle.

Une autre particularité néerlandaise est la participation des provinces au contrôle des actes des communes, qui peut se rattacher au fait que le commissaire du Roi s'apparente à la fois à un préfet et à un président de conseil régional. Lorsqu'une décision du conseil municipal est contestée, elle est envoyée à l'exécutif provincial, qui la transmet à son tour au ministre accompagnée de son propre avis. Il est alors sursis à exécution de la décision en cause.

c) Le partage du pouvoir législatif entre les régions et l'État en Italie

En Italie , aux termes de l'article 5 de la Constitution, « la République, une et indivisible, reconnaît et promeut les autonomies locales ; elle met en oeuvre dans les services qui dépendent de l'État la décentralisation administrative la plus vaste ; elle ajuste les principes et les méthodes de sa législation aux exigences de l'autonomie et de la décentralisation . » La révision constitutionnelle de 2001 a tendu à établir un pluralisme institutionnel paritaire entre l'État et les collectivités territoriales, qui s'est manifesté clairement dans la refonte du titre qui leur est consacré (art. 114 à 133). L'article 114 affirme que « la République est constituée des communes, des provinces, des métropoles, des régions et de l'État » (al. 1) et que « communes, provinces, métropoles et régions sont des entités autonomes dotées de leurs propres statuts, pouvoirs et fonctions selon les principes fixés par la Constitution » (al. 2). Il leur est accordé l'autonomie financière et des ressources propres (art. 119).

On se concentrera sur l'échelon régional doté d'un pouvoir législatif. En effet, la loi 56/2014 du 7 avril 2014, dite loi Delrio, a évidé le niveau quasi départemental des provinces, qui deviennent des unités territoriales de second niveau, non plus élues au suffrage direct, mais composées de l'assemblée des maires du ressort et d'un conseil provincial élu par les maires et les conseillers municipaux pour deux ans dans leurs propres rangs et dont le président est élu parmi les maires pour quatre ans. La fin ou la déchéance du mandat de maire ou de conseiller municipal entraîne l'éviction des instances provinciales. Les mandats provinciaux sont exercés à titre gratuit. Par ailleurs, les métropoles ont remplacé dix anciennes provinces dans certaines zones urbaines importantes en reprenant leurs compétences ; elles sont organisées selon ce schéma : assemblée des maires, conseil métropolitain élu au suffrage indirect, maire métropolitain qui est nécessairement le maire de la ville siège de la métropole.

La Constitution italienne (art. 116, 123 et 131) reconnaît et nomme 20 régions, qui sont divisées en deux catégories : 5 régions à statut spécial (Val d'Aoste, Trentin-Haut Adige, Frioul-Vénétie julienne, Sardaigne et Sicile) et 15 régions à statut ordinaire. Les statuts fixent notamment les principes fondamentaux d'organisation interne et de fonctionnement. Les statuts spéciaux devant être approuvés par une loi constitutionnelle. Les statuts ordinaires sont approuvés par les conseils régionaux. La loi régionale portant statut est adoptée selon des règles de majorité un peu plus strictes. Le gouvernement peut déférer la loi régionale à la Cour constitutionnelle dans les 30 jours. Si un cinquième des membres du conseil régional ou 2 % des électeurs de la région le demandent dans les trois mois de sa publication, le statut est soumis à un référendum local et ne peut être promulgué s'il ne recueille pas la majorité des suffrages.

L'article 117 de la Constitution prévoit un partage du pouvoir législatif entre l'État et les régions dans le respect de la Constitution, des obligations dérivées de l'ordre juridique communautaire et des traités internationaux. Il distingue selon une technique fédéraliste classique :

- le domaine de compétence législative exclusive de l'État (politique étrangère, droit d'asile et droit des étrangers, immigration ; cultes, défense, sécurité, monnaie, épargne, marchés financiers, concurrence, budget, référendums nationaux, droit électoral, établissements publics nationaux, citoyenneté, statut civil, justice et procédures, protection sociale, normes générales d'éducation, douanes, poids et mesures, protection de l'environnement et du patrimoine) ;

- les matières de législation concurrente, pour lesquelles est seulement réservée à l'État la détermination des principes fondamentaux (rapports des régions avec l'UE, commerce extérieur, sécurité au travail, éducation sauf sur le statut autonome des établissements et à l'exclusion de la formation professionnelle, réglementations des professions, recherche scientifique et technologique, soutien à l'innovation, santé publique, alimentation, sport, protection civile, ports et aéroports, réseaux de transport et de navigation, communication, énergie, couverture sociale complémentaire, valorisation des biens culturels et naturels, promotion et organisation des activités culturelles, caisses d'épargne et organes de crédit foncier ou agricole à caractère régional) ;

- une clause-balai, confiant aux régions la puissance législative sur toutes les matières résiduelles que la Constitution n'a pas expressément confiées à l'État (même chose au profit des Länder en Allemagne, art. 70 GG).

Cette division ne vaut que pour les régions à statut ordinaire. Les statuts spéciaux ont une valeur constitutionnelle et organisent une répartition obéissant à un principe différent: un domaine réservé au pouvoir législatif des régions, un domaine concurrent, un domaine de compétence de l'État où les lois nationales doivent être toutefois « intégrées » et rendues effectives par la région à statut spécial.

En outre, il est prévu une possibilité de différenciation entre régions à statut ordinaire (art. 116 comma 3) en négociant avec l'État une autonomie législative accrue dans le domaine réservé à l'État sur trois matières : l'organisation de la justice de paix, les normes générales d'éducation, la protection de l'environnement et du patrimoine.

Il n'existe pas de contrôle préventif de l'État sur les projets d'actes législatifs des régions. La Cour constitutionnelle tranche les litiges de compétences entre l'État et les régions. Elle a en particulier posé en principe que lorsque le texte de la Constitution renvoie à la loi pour régler une matière déterminée, il fait toujours référence à la seule loi de l'État (n. 273/1995 pour exclure toute compétence pénale des régions sur le fondement de l'article 25 de la Constitution italienne).

Il suit de la division de la puissance législative certains corollaires en matière de pouvoir réglementaire. Celui-ci revient à l'État dans ses domaines de compétence exclusive, sauf délégation expresse aux régions. Dans les autres cas, le pouvoir réglementaire revient aux régions. Communes, métropoles et provinces sont soumises au respect des lois et réglementations nationales et régionales. Elles n'ont un pouvoir réglementaire que pour régler leur organisation interne ou pour exercer les fonctions qui leur ont été attribuées.

d) En contrepoint, une logique différente de répartition du pouvoir législatif entre Communautés autonomes et État en Espagne.

En Espagne , les Communautés autonomes ne sont pas listées nominativement par la Constitution qui ne les reconnaît que de façon générique. Elle leur permet de se constituer sur l'initiative de provinces partageant des liens historiques, culturels et économiques. Les deux tiers des communes représentant la majorité des électeurs de chaque province concernée doit approuver l'initiative. Tout le territoire espagnol est désormais couvert par des Communautés autonomes.

La différence majeure avec le cas italien réside dans les principes de répartition des compétences (art. 148 et 149) :

- le pouvoir législatif des Communautés dépend du résultat des négociations préalables à l'adoption du statut d'autonomie, qui sélectionne des domaines de compétence régionale parmi une liste fermée de matières inscrite dans la Constitution. Cela signifie que la différenciation des pouvoirs entre les Communautés autonomes espagnoles peut aller beaucoup plus loin qu'entre les régions italiennes ;

- il est maintenu parallèlement un domaine législatif réservé à l'État (matériellement comparable à celui prévu en Italie) mais la clause résiduelle bénéficie à l'État espagnol, toujours compétent par défaut (et sans besoin d'une quasi-réception comme pour les régions italiennes à statut spécial). Toutes les compétences législatives (et en conséquence, réglementaires et d'exécution) qui ne sont pas assumées par les Communautés autonomes aux termes de leurs statuts reviennent à l'État ;

- une règle d'extension souple des compétences législatives des Communautés autonomes, y compris dans le domaine étatique par révision négociée du Statut cinq ans après son adoption.

L'Espagne distingue finement une série d'actes législatifs de niveau et de fonction différents pour la mise en oeuvre de l'autonomie régionale :

- les statuts des autonomies, qui sont simultanément des lois organiques de l'État (art. 81 Cst.) et les normes institutionnelles de base des communautés autonomes (art. 147). Ils contiennent non seulement les règles fondamentales d'organisation et de fonctionnement, mais aussi la délimitation des compétences que souhaitent assumer la Communauté autonome. Le Tribunal constitutionnel a accepté que les statuts reprennent un catalogue de droits et de libertés déjà protégés par la Constitution espagnole, à titre de principes directeurs mais sans portée normative et sans créer ou retirer aucun nouveau droit (STC 247/2007, à propos de la Communauté valencienne). Les « lois autonomiques » doivent respecter à la fois la Constitution espagnole et le statut d'autonomie à peine de nullité. Les statuts d'autonomie ne peuvent être modifiés contre la volonté des Communautés autonomes, ce qui les distinguent des actes législatifs unilatéraux suivants ;

- les lois organiques de transfert ou de délégation (art. 150 al. 2) qui peuvent concerner en pratique, malgré l'opposition d'une partie de la doctrine, non seulement la compétence d'exécution mais bien aussi la compétence législative. Ce transfert s'accompagne d'un transfert correspondant des moyens financiers. La loi organique fixe les modalités de contrôle que se réserve l'État. Il s'agit d'une extension des compétences au-delà du statut mais elle est plus fragile car elle peut être unilatéralement révoquée par l'État ;

- les lois-cadres qui permettent aussi l'extension ponctuelle de la compétence législative d'une Communauté autonome au-delà de son statut mais dans un cadre fixé par l'État. Il s'agit d'une loi simple approuvée par le Parlement national pour fixer des principes et des lignes-directrices que devra respecter la future « loi autonomique » intervenant dans un domaine de compétence étatique. Cette cession ponctuelle du pouvoir législatif peut être révoquée par une autre loi simple, elle ne modifie pas la place de la loi autonomique dans la hiérarchie des normes, elle entraine la cession du pouvoir réglementaire correspondant ;

- et les lois d'harmonisation (art. 150 al. 3) qui peuvent servir à contrebalancer une dispersion normative trop forte entre communautés autonomes. L'État peut adopter des lois établissant des principes d'harmonisations des législations autonomiques, même dans les matières qui leur sont réservées, quand l'intérêt général l'exige. Le Parlement, à la majorité absolue des deux chambres, en apprécie la nécessité, avant d'examiner concrètement le projet de loi ordinaire déposé par le Gouvernement. Le Tribunal constitutionnel a précisé que l'État ne pouvait procéder ainsi que si les autres garanties constitutionnelles n'étaient pas suffisantes pour garantir l'harmonie exigée par l'intérêt général (STC 76/1983 ; STC 150/1990). Les lois autonomiques antérieures contraires à la loi d'harmonisation sont abrogées et celles postérieures sont frappées de nullité.

LA SUPPLÉANCE DE PARLEMENTAIRES
EN CONGÉ MALADIE OU MATERNITÉ

Il existe aux Pays-Bas, en Scandinavie et en Espagne des règles spéciales pour gérer les absences de longue durée de parlementaires qui ne peuvent participer aux travaux de l'assemblée en raison d'une maladie ou d'une maternité/paternité. Il n'en existe aucune en Allemagne 73 ( * ) , en Italie et au Royaume-Uni.

Le Danemark, la Norvège, la Suède et les Pays-Bas prévoient la suspension temporaire du mandat du parlementaire en cas d'absence de longue durée pour les motifs précédemment évoqués. Un suppléant est désigné pour le remplacer dans son mandat et toutes ses fonctions : le suivant de liste de son parti puisqu'il s'agit de scrutins proportionnels.

Au Danemark, le Règlement du Parlement prévoit qu'à la demande d'un de ses membres, le Parlement puisse lui accorder congé et appeler un suppléant à assumer temporairement son mandat. Le Parlement passe une résolution à cet effet, sans débat et après avoir recueilli l'avis oral du Président. Les motifs de congé peuvent être une maladie, l'obligation de prendre soin d'un enfant gravement malade ou d'un proche en phase terminale, une mission officielle à l'étranger, l'appartenance concomitante au Parlement du Groenland ou des Féroé, ou tout autre motif occasionnant une absence de plus d'une semaine. Le congé peut également être accordé pour 12 mois en cas de grossesse, de naissance ou d'adoption. Le mandat du suppléant cesse dès que le titulaire informe le Parlement qu'il est prêt à reprendre ses fonctions.

En Suède, la loi sur le Parlement, l'une des quatre lois fondamentales du royaume en l'absence de texte constitutionnel unifié, prévoit que s'il est donné congé par le Parlement à l'un de ses membres à sa demande pour plus d'un mois, son mandat et ses fonctions sont reprises par un suppléant. Le congé ne peut concerner un temps partiel. Le parlementaire absent peut à tout moment reprendre son mandat et le suppléant doit se retirer. La reprise du mandat ne peut être ponctuelle, par exemple pour un vote donné ou une séance donnée.

Aux Pays-Bas, une loi spéciale de 2006 permet également le remplacement temporaire des élus en cas de maladie ou de maternité pour une durée de 16 semaines, trois fois au plus au cours de leur mandat. La demande est adressée au Président de la Chambre qui prend avis d'un médecin. Le suppléant est le suivant de liste qui a 10 jours pour accepter ou refuser. À l'expiration des 16 semaines, le suppléant se retire obligatoirement et le parlementaire absent est réintégré dans son mandat.

On remarque qu'il s'agit de pays où le gouvernement est formé par des coalitions, parfois instables, qui ne disposent souvent que de courtes majorités. Comme les délégations de vote sont interdites, même une absence ponctuelle de courte durée peut remettre en cause l'équilibre politique du parlement au cours d'un vote. C'est pourquoi il est aussi souvent prévu, par exemple en Suède, la technique du « pairage » 74 ( * ) : pour maintenir fixe l'équilibre politique de la chambre entre les blocs gouvernementaux et d'opposition et ainsi éviter les surprises intempestives lors des votes, en cas d'absence ponctuelle mais prévisible d'un député membre d'un bloc, un député désigné comme son binôme par l'autre bloc ne prend pas part au vote.

Le Règlement du Congrès des députés en Espagne prévoit depuis 2011 non pas le recours à un suppléant mais un dispositif de vote à distance en séance plénière. Dans les cas de grossesse, maternité, paternité ou maladie grave qui feraient obstacle à l'exercice de la fonction parlementaire, le Bureau peut autoriser les députés à émettre leur vote par voie télématique avec un dispositif de vérification d'identité. Seuls sont concernés les votes en séance plénière, étant entendu que cela ne peut valoir que pour les votes dont les modalités et le moment sont suffisamment prévisibles. Le député doit formuler une demande écrite au Bureau qui lui répond en précisant le cas échéant les votes et le laps de temps pour lesquels il pourra voter de cette manière. Faute d'un accord politique entre les partis représentés à la chambre, très fragmentée, cette disposition ne trouve pas encore véritablement à s'appliquer. Enfin, dans le cadre de la réforme électorale, arlésienne de la vie politique espagnole, la sous-commission parlementaire chargée de formuler des propositions avait préconisé l'introduction d'un dispositif de suppléance temporaire par le suivant de liste pour les députés absents pour cause de maladie ou de naissance d'un enfant.

ASPECTS JURIDIQUES DU SÉCULARISME EN INDE

1. La protection constitutionnelle de l'égalité et de la liberté religieuse des citoyens indiens

Aux termes du préambule de la Constitution de 1950, l'Inde est constituée en une république démocratique séculière ( secular ) 75 ( * ) socialiste et souveraine, qui garantit notamment à tous ses citoyens la liberté de croyance, de foi et de culte. Le régime de la liberté religieuse se trouve dans la III e partie du texte constitutionnel, consacrée aux droits fondamentaux.

a) Principe d'égalité et différenciation des statuts juridiques personnels sur le fondement de la confession

L'article 14 pose le principe d'égalité devant la loi, tandis que les articles 15 à 17 construisent un régime contre les discriminations. Ainsi, il est interdit à l'État et aux autorités publiques en général de procéder à une quelconque discrimination sur le seul fondement de la religion 76 ( * ) . En outre, ce principe est étendu pour interdire toute restriction, obstacle ou condition, fondée sur la religion ou l'un des autres motifs énumérés, à l'accès aux magasins, aux restaurants publics, aux hôtels et aux lieux de divertissement publics, ainsi qu'à l'eau (puits, réservoirs, ghats ), aux routes et aux places publiques financées par l'État ou destinées à l'usage général du public. En outre, la Constitution garantit l'égalité d'accès à l'emploi et aux offices publics quelle que soit la religion.

Toutefois sont prévues des réserves de discrimination positive pour permettre à l'État de prendre des dispositions spéciales en faveur des femmes, des enfants ou de l'avancement de certaines castes et tribus, et d'autres classes de citoyens défavorisées. Parallèlement, l'intouchabilité est formellement abolie et ses rémanences sont soumises à répression pénale.

Il convient de noter que le principe d'égalité n'interdit pas une différenciation par la loi des règles applicables aux personnes selon leur confession, hors les cas de discriminations strictement prohibés. Malgré l'objectif de développer un code civil uniforme pour tous les Indiens, fixé à l'État indien par l'art. 44 de la Constitution, ce principe de différenciation est la base même du droit de la famille indien, qui dans ses divers aspects (mariage, divorce, successions, adoption) prévoit des règles spécifiques pour chaque grande communauté religieuse, hindoue et musulmane, et aussi parfois pour les chrétiens et les parsis. Ces règles sont fixées par des lois ( Hindu Marriage Act 1955, Hindu Succession Act 1956, Hindu Adoptions and Maintenance Act 1956, etc. ), dont certaines datent de l'ère coloniale ( Indian Christian Marriage Act 1872, Muslim Personal Law (Shariat) Application Act 1937, Dissolution of Muslim Marriage Act 1939, etc. ) ou par le droit coutumier dont les effets sont reconnus. Certes, il existe certaines lois à vocation générale, par exemple pour interdire les mariages d'enfants ( Child Marriage Restraint Act 1929 ), pour réformer le droit coutumier ( Muslim Women (Protection of Rights on Divorce) Act 1986 ) ou pour offrir un régime légal neutre soit pour les rapports entre personnes de confession différente, soit pour les religions non visées par un texte comme le judaïsme. Le Special Marriage Act 1954 est un texte de ce type qui s'applique également aux personnes qui le souhaitent, mais il n'est pas du tout devenu le droit commun car il emporte à la fois des conséquences sociales, comme le risque d'exclusion de sa communauté ou au moins d'affaiblissement de la solidarité, et des effets juridiques, notamment en matière patrimoniale, un hindou qui se marie sous ce régime sortant ipso facto de l'indivision familiale.

b) Liberté religieuse et interventions de l'État

Les articles 25 à 28 de la Constitution indienne développent les garanties apportées à l'exercice de la liberté religieuse et précisent les possibilités d'intervention de l'État. Sous réserve du respect de l'ordre public, des bonnes moeurs et de la santé publique, toute personne dispose à titre égal de la liberté de conscience et du droit de professer, pratiquer 77 ( * ) et propager librement sa religion. En outre, l'État peut réguler ou restreindre toute activité économique, financière, politique et toute autre activité laïque qui peut être associée à une pratique religieuse (art. 25).

La Cour Suprême indienne a précisé que toute personne avait le droit constitutionnellement garanti non seulement d'adopter les croyances religieuses qu'elle souhaite en fonction de son jugement et de sa conscience, mais aussi d'exprimer et de manifester ses croyances et ses idées dans des actes publics tels que le demande ou l'autorise sa religion, et également de propager ses positions religieuses pour l'édification des autres. 78 ( * ) Sur ce dernier point, il est important de préciser que n'est pas protégé par la Constitution le droit au prosélytisme dans un but de conversion intentionnelle d'autrui (cf. ci-après).

Des dispositions particulières pour la religion hindoue sont prévues : l'État pourra ouvrir à toutes les classes sociales les institutions religieuses hindoues. Pour la compréhension du texte, il faut considérer les sikhs, les jaïns et les bouddhistes comme hindous, et la référence aux institutions religieuses hindoues doit comprendre celles de ces religions. De ce point de vue, il existe bien de façon sous-jacente une tendance à l'assimilation de ce qui est indien à ce qui est hindou. Toutefois, l'opposition des sikhs, des jaïns et des bouddhistes 79 ( * ) à cette assimilation demeure forte et constitue toujours un obstacle avec lequel il faut compter, notamment à cause du poids économique des deux premières communautés.

En outre, sous réserve du respect de l'ordre public, des bonnes moeurs et de la santé publique, toute communauté religieuse ou partie de celle-ci a le droit de créer et de gérer des institutions à but religieux ou charitable, de régler ses affaires internes en matière religieuse, de posséder et d'acquérir des biens meubles et immeubles, et d'administrer ses biens dans le respect des lois (art. 26). Néanmoins, nul n'est tenu de payer une taxe ou un impôt dont le produit serait destiné à couvrir des frais de promotion ou de fonctionnement d'une religion ou communauté religieuse donnée (art. 27).

Enfin, aucune instruction religieuse n'est dispensée dans les établissements d'enseignement financés exclusivement sur fonds publics. Cela ne vaut pas pour les établissements gérés par l'État qui ont été créés comme partie d'une fondation. Nul élève d'un établissement d'enseignement reconnu par l'État ou recevant une aide financière de l'État n'est tenu de participer à une instruction religieuse ou d'assister à un culte qui pourrait être organisé dans l'établissement ou ses locaux (art. 28). Toute minorité fondée sur la religion ou la langue a le droit de créer et de gérer des établissements d'enseignement à son gré ; dans l'octroi d'une aide aux établissements d'enseignement, les pouvoirs publics ne peuvent faire de discrimination fondée sur l'appartenance à une minorité religieuse ou linguistique.

L'annexe 7 à la Constitution définit la répartition des compétences entre l'Union fédérale et les États fédérés. Le point 28 de la liste des compétences concurrentes comprend les fondations d'utilité publique, les institutions charitables et les institutions religieuses. Les États comme l'Union indienne exercent donc le pouvoir législatif et réglementaire en la matière. En cas de conflit, les dispositions fédérales l'emportent sur les dispositions adoptées par les États directement contraires mais uniquement sur celles-là ; les dispositions législatives des États qui ne sont pas directement contraires à une loi fédérale en la matière concernée restent en vigueur.

2. Développements contemporains

On peut noter des traits du sécularisme à l'indienne qui tranchent très fortement avec la laïcité à la française : la différenciation juridique du statut civil des personnes en fonction de leur appartenance à une communauté religieuse ; en contrepartie la capacité de l'État et du législateur à intervenir pour définir les identités religieuses et pour codifier et modifier le droit coutumier à base religieuse ; une tendance à vouloir maintenir le statu quo entre confessions au bénéfice de la majorité hindoue au nom de l'ordre public et de l'harmonie sociale. Cela s'accompagne d'une forte protection constitutionnelle de la liberté de croyance et de culte, y compris dans ses manifestations publiques, d'un arsenal anti-discrimination développé et d'une attention croissante portée à la protection des droits fondamentaux des individus.

a) La répudiation des femmes musulmanes

Le mariage islamique est de façon récurrente l'objet de débats sociaux vifs portés devant la Cour Suprême au nom de la défense des droits des femmes. Ces débats dans lesquels a dû également intervenir le législateur fédéral n'ont pas toujours été exempts d'instrumentalisations croisées, aussi bien du BJP ( Bharatiya Janata Party ou « parti du peuple indien ») utilisant la cause du droit des femmes pour attaquer la communauté musulmane que du Congrès prétextant la défense des minorités, y compris contre des droits individuels, pour préserver le capital électoral important que représente pour lui cette même communauté.

Une des affaires les plus célèbres, celle de la Shah Bano en 1985, concernait la répudiation d'une femme musulmane au profit d'une autre compagne et le refus par son mari de continuer à lui accorder une pension alimentaire pour l'entretien de ses cinq enfants. Lorsqu'elle porta le cas devant le tribunal en 1978 sur le fondement du code de procédure pénale, son mari prononça son divorce définitif ( talaq ) et son remariage. Il considéra que le droit islamique applicable l'autorisait à la cessation de toute obligation à l'égard de sa première épouse, Shah Bano Begum. Perdant en première instance et en appel, le mari porta l'affaire devant la Cour suprême. En avril 1985, la Cour suprême rendit un verdict unanime conformant les décisions des juridictions inférieures. 80 ( * ) D'une part, en s'appuyant sur l'autorité du Coran, elle affirma l'obligation du mari musulman de soutenir financièrement sa femme divorcée qui n'était pas en mesure de subvenir seule à ses besoins. D'autre part, elle rappela que le code de procédure pénale sur le fondement duquel le mari avait été condamné s'appliquait à tous sans distinction de confession, de race ou de religion. Enfin, elle regretta publiquement que l'article 44 de la Constitution tendant à l'instauration d'un code civil uniforme soit resté lettre morte.

Toutefois, l'arrêt fut pour partie vidé de sa substance par le législateur. Le Muslim Women (Protection of Rights on Divorce) Act 1986 redéfinit de façon controversée les obligations du mari musulman d'une femme musulmane divorcée pour restreindre le soutien alimentaire et financier à une période de 90 jours après le divorce 81 ( * ) , en général sous la forme d'un paiement unique d'une somme donnée.

Le débat sur le divorce musulman et la moindre protection accordée par la loi aux femmes musulmanes par comparaison avec les autres citoyennes indiennes a rebondi l'année dernière. En août 2017, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle la pratique du divorce instantané ( talaq-e biddat ou « triple talaq ») pratiqué par les musulmans en Inde. 82 ( * ) Cette pratique permet à un homme musulman de divorcer définitivement et légalement de son épouse en énonçant trois fois le mot « talaq » par oral ou par écrit, y compris par SMS, email ou un autre médium électronique. Il convient de noter que, d'après les mémoires présentés devant la Cour, cette pratique est interdite au Pakistan et au Bangladesh et qu'elle semble peu approuvée par la jurisprudence sunnite si le mari n'a pas de motifs suffisants, bien qu'elle soit légale. La décision de la Cour suprême fut rendue par 3 voix contre 2, l'opinion dissidente considérant le triple talaq comme constitutionnel mais invitant le Parlement à légiférer pour l'interdire. D'ailleurs, pour garantir l'arrêt de la Cour suprême, le gouvernement Modi a immédiatement déposé un projet de loi pour interdire le triple talaq sous toutes ses formes sous peine de 3 ans d'emprisonnement pour le mari. Il a été adopté par la Lok Sabha le 28 décembre 2017 avec le soutien du parti du Congrès.

Dans la foulée de l'affaire, la Cour suprême indienne a accepté en juillet 2018 d'entendre des actions contre la polygamie et contre les pratiques de nikah halala (conditions strictes de remariage après un divorce) en vigueur parmi les indiens musulmans.

b) Les lois anti-conversion dans les États fédérés

Plusieurs États fédérés ont adopté des lois pour faire obstacle aux conversions religieuses. Le mouvement a commencé en Orissa en 1967 suivi du Madhya Pradesh en 1968. Une pause eut lieu à cause d'une longue bataille juridique marquée par une censure par la Haute cour d'Orissa en 1973, une validation par la Haute cour du Madhya Pradesh puis finalement par la Cour suprême indienne en 1977. La Cour suprême a validé sur le principe les lois anti-conversions d'Orissa et du Madhya Pradesh en considérant que le droit de pratiquer et de propager sa foi protégé par la Constitution n'incluait pas le droit de convertir, qui peut être légitimement restreint pour protéger également la liberté de conscience de tous les croyants et pour préserver l'ordre public. 83 ( * )

Le mouvement d'extension des lois anti-conversion a repris à la fin des années 1970, puis s'est encore relancé dans les années 2000 avec plus de vigueur, y compris en 2007 en Himachal Pradesh sous un gouvernement du Congrès. Les mouvements nationalistes hindous et les gouvernements menés par le BJP favorisent ces initiatives, comme ce fut le cas encore récemment au Jharkhand en 2017 et en Uttarkhand en 2018. C'est plutôt aujourd'hui la conversion de l'hindouisme vers le christianisme - catholique ou protestant - des intouchables ( dalit ) et des populations aborigènes ( adivasi ) qui est visée. Mais au Gujarat, des actions ont été prises aussi contre des conversions vers l'islam lors de mariages ou vers le bouddhisme au cours de cérémonies publiques.

Huit États connaissent désormais un dispositif répressif opérationnel : Arunachal Pradesh (1978), Chattisgarh (2000, 2006), Gujarat (2003), Himachal Pradesh (2007), Madhya Pradesh (1968, 2006, 2013) et Orissa (1967). On constate que c'est toute la moitié du pays au Nord du Deccan qui est concernée, sauf le Penjab, la plaine du Gange (Uttar Pradesh, Bihar) et le Bengale. Au Rajasthan, le projet de loi voté en 2006 n'a jamais reçu le contreseing du gouverneur et n'est pas entré en vigueur. Au Tamil Nadu, les dispositions anti-conversion de 2002 ont été abrogées dès 2004 après des conversions publiques massives de Dalits en signe de protestation contre la nouvelle loi. 84 ( * ) En outre, bien qu'il ait annoncé son intention de le faire en 2014, le gouvernement Modi n'a pas encore fait adopter au plan fédéral une loi anti-conversion.

Tous les « Freedom of Religion Acts » des différents États sont calqués sur le même modèle. Ils prohibent le fait de convertir ou de tenter de convertir quelqu'un, directement ou indirectement, en usant de la force ou d'une incitation, notamment financière, ou par fraude. Toute la difficulté réside dans la caractérisation difficile de l'incitation dolosive ou de la fraude. Des peines de prison et d'amendes sont prévues, renforcées si le converti est une femme ou un mineur. Il est requis de l'auteur de la conversion d'en informer les autorités de l'État. Le Gujarat, dirigé alors par l'actuel Premier ministre Narendra Modi, s'est distingué en prévoyant que la conversion ne puisse avoir lieu sans l'autorisation préalable du représentant du gouvernement local dans le district. L'impact réel des dispositions est incertain : il semble qu'il y ait eu peu d'arrestations, pas de condamnations au moins jusqu'en 2017. Toutefois, la pression et la surveillance s'accroissent et un climat hostile aux minorités religieuses s'affirme de plus en plus.

L'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LES PARLEMENTS ÉTRANGERS

1. Présentation générale

Dans la lignée des travaux de la Conférence annuelle du Centre européen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP) à Helsinki les 18 et 19 octobre 2018, la division de la législation comparée a mené une recherche sur l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et plus généralement l'analyse prospective, sur un vaste échantillon de 12 parlements (Allemagne, Autriche, Canada, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Israël, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni et Suède).

Il en ressort que très peu de parlements étrangers se sont dotés d'un organe dédié, dont les parlementaires sont membres, sur le modèle de l'OPECST ou de la Délégation à la prospective. Hormis le cas particulier de la Commission du futur du Parlement finlandais, la prospective à long terme et la réflexion sur les choix scientifiques et technologiques à caractère stratégique sont renvoyées par défaut à la commission permanente compétente, en général la Commission de l'éducation qui couvre également l'enseignement supérieur et la recherche.

Ces sujets pointus et de long terme cadrant difficilement avec l'organisation des travaux d'une commission parlementaire contrainte par le calendrier législatif, ils sont souvent laissés de côté et ne bénéficient pas d'une expertise supplémentaire particulière au sein des services. Néanmoins, on doit relever l'initiative de l'Estonie qui a décidé de créer une structure dédiée, rattachée au secrétariat général et présentée comme le think tank du Parlement. En outre, certaines chambres comme le Bundestag ont vu la possibilité d'établir des partenariats avec des organismes de recherche externes auxquels elles délèguent le traitement de ces questions.

2. Trois cas significatifs : la Finlande, l'Allemagne et l'Estonie

Les organisateurs de la Conférence du CERDP avaient retenu quatre modèles d'analyse parlementaire des choix scientifiques et de la prospective en Allemagne, en Estonie, en Finlande et en France. Ce choix était judicieux car il s'agit bien des quatre pays les plus en pointe sur le sujet et leurs quatre modèles sont nettement distincts.

a) La Commission du futur finlandaise

La Finlande accorde une grande importance à la réflexion prospective de long terme. Afin de prendre en compte les enjeux de prospective et de choix technologiques, le Parlement finlandais a créé en 1993 une Commission du futur rassemblant dix-sept membres du Parlement (sur 200). Initialement conçue comme une structure temporaire, elle a été pérennisée puis transformée en un organe permanent en 2001.

Il ne s'agit pas d'une commission législative, mais d'un organe sui generis quoiqu'il soit compté parmi les commissions permanentes du Parlement. Elle produit des rapports et des résolutions contraignantes pour le gouvernement, ainsi que des avis à l'adresse des commissions législatives. Elle produit deux rapports majeurs par législature : le rapport sur le futur et un rapport sur le respect des engagements pris par la Finlande en vertu des Objectifs des Nations Unies de développement durable à l'horizon 2030. Le thème du rapport sur le futur de chaque législature est défini par le gouvernement qui prépare une étude préalable soumise au Parlement. Le thème retenu pour la présente législature est la révolution du travail en Finlande. Une fois approuvé, le rapport sur le futur lie les gouvernements, présents et à venir, dans leur action. Le gouvernement répond d'ailleurs de l'application des résolutions adoptées dans un rapport annuel.

Disposant également d'un pouvoir d'auto-saisine, la Commission du futur s'intéresse particulièrement aux transformations du processus de décision démocratique et à l'analyse des répercussions de la technologie sur la société. Elle organise d'ailleurs des débats ouverts au public afin de développer la démocratie participative.

Toutefois, plutôt que de donner une vision concrète et précise de ce que sera l'avenir, de déterminer des stratégies et de préconiser des choix, la Commission du futur tient plutôt à tracer des scénarios alternatifs pour le futur et repérer les signaux encore faibles aujourd'hui des technologies de rupture de demain. La Commission du futur ne réalise pas elle-même de travail d'évaluation scientifique.

Pour soutenir le travail de cette commission, le Parlement a en outre un accord avec le Centre finlandais de recherche sur le futur de l'université de Turku.

b) Le Bureau allemand pour l'évaluation technologique

En Allemagne , le Bundestag a constitué un Bureau pour l'évaluation de l'impact des techniques ( Büro für Technikfolgen-Abschätzung - TAB ), qui est considéré comme un organe à la disposition de la Commission de l'éducation, de la recherche et de l'évaluation technologique.

Le TAB conseille le Bundestag sur les enjeux afférents à la recherche, il conçoit et met en oeuvre des projets d'évaluation des choix technologiques, il exerce une veille sur les principaux développements technologiques en cours.

C'est la commission qui passe commande ou qui agit comme filtre lorsqu'une autre commission ou un groupe politique souhaite demander une étude au TAB. Celui-ci forme une équipe purement scientifique sans représentant politique ou parlementaire dirigée par un centre de recherche de l'Institut de Technologie de Karlsruhe, le Centre pour l'évaluation technologique et l'analyse des systèmes, sélectionné sur appel d'offres. Ce partenariat contractuel date de 1990.

Les analyses et les rapports scientifiques sont pilotés par l'Institut de Technologie de Karlsruhe mais conduits en collaboration avec plusieurs autres centres de recherche avec l'Institut Fraunhofer pour l'innovation. Cet institut allemand spécialisé dans la recherche en sciences appliquées est à l'origine, par exemple, du format mp3. Depuis septembre 2018, sont également sollicités deux autres instituts universitaires spécialisés dans la prospective. Pour mener son action, le TAB dispose d'un très important budget de 2,6 millions d'euros.

La partie allemande regrette toutefois que la méthode de travail même encourage une division du travail trop stricte et trop étanche entre le domaine scientifique et le domaine politique sans véritable dialogue ou fertilisation croisée. L'impact des rapports du TAB et sa contribution au travail législatif restent donc limités, de l'aveu de nos collègues allemands.

c) Le Centre de prospective du Parlement estonien

En Estonie , l'analyse prospective a fait l'objet d'une loi spécifique de 2016. En application de ses dispositions, un Centre de prospective a été créé au sein du Parlement estonien. Rattaché au secrétariat général, il fait partie des services et ne constitue pas une commission parlementaire.

Le centre a comme mission d'analyser les développements sur le long terme susceptibles d'affecter la société, d'identifier de nouvelles tendances d'évolution sociale et de concevoir différents scénarios possibles. Dans ce cadre, il élabore un plan d'action qu'il transmet à la Commission des affaires économiques. Le centre rend, en outre, un rapport annuel sur l'état de l'application de la loi sur la prospective et informe les organes parlementaires des travaux de veille et d'analyse menées au secrétariat général. Les travaux menés sont rendus publics et un travail de communication et de diffusion des résultats est entrepris par le centre.

Le Centre de prospective peut être saisi par tout intéressé : des propositions d'étude ou de veille peuvent lui être envoyées par les commissions parlementaires mais aussi par les groupes politiques, les représentants des entreprises et les représentants du domaine de la recherche et de la technologie. Cependant, ces propositions d'études doivent être solidement étayées et ne peuvent être intégrés au plan d'action du centre qu'en concertation avec la Commission des affaires économiques.

Le centre est dirigé par un conseil de cinq membres. La Commission des affaires économiques, une organisation représentant des entreprises désignée par la commission, le Président de la République d'Estonie, l'Association des recteurs des universités et l'Académie des sciences envoient chacun un membre siéger au conseil du Centre de prospective.

Le Centre de prospective dispose d'un budget d'environ 750 000 euros. Il n'a pas passé d'accord avec un organisme de recherche externe mais il dispose, en tout état de cause, de la faculté de demander la réalisation d'études et d'enquêtes à des organismes extérieurs. C'est encore une structure très jeune mais le Parlement estonien fonde dessus de grands espoirs.


* 1 § 222, Strafgesetzbuch (StGB).

* 2 Cf. Kindhäuser, Strafrecht - Allgemeiner Teil, 8. Auflage, Nomos, 2017, pp. 279-299.

* 3 Sous cette rubrique de « Gefährdung des Straßenverkehrs » se trouvent regroupées de graves violations du code de la route commises par une personne qui mentalement ou physiquement ne se trouve pas dans un état lui permettant de conduire de façon sûre son véhicule (§ 315c StGB).

* 4 § 69 StGB.

* 5 § 69a StGB.

* 6 § 44 StGB.

* 7 §4 (Fahreignungs-Bewertungssystem), Straßenverkehrsgesetz (StVG) du 5 mars 2003.

* 8 Anlage 13, Verordnung über die Zulassung von Personen zum Straßenverkehr (Fahrerlaubnis-Verordnung - FeV), nouvelle version du 13 décembre 2010.

* 9 § 54 stk. 1 & 2, Færdselsloven (code de la route danois). On retrouve un équivalent de la notion allemande de mise en danger de la circulation routière à raison d'une inaptitude physique ou mentale. Le code de la route danois vise notamment la maladie, une faiblesse physique, le surmenage, le manque de sommeil et l'effet de substances stimulantes ou de somnifères comme causes potentielles d'un état incompatible avec la conduite automobile.

* 10 § 241, Straffeloven (code pénal danois). On notera que l'article 249 du code pénal danois prévoit les mêmes peines en cas de graves dommages corporels involontaires.

* 11 §253 stk. 2, Straffeloven.

* 12 §§ 126 & 128, Færdselsloven.

* 13 § 125, Færdselsloven.

* 14 Ley Orgánica 1/2015, de 30 de marzo, por la que se modifica la Ley Orgánica 10/1995, de 23 de noviembre, del Código Penal. Cf. l'étude de législation comparée sur la distinction entre crimes et délits, publiée dans le Recueil des notes de synthèse n° 4, LC 285, juillet 2018.

* 15 Abrogation de l'ancien article 621 du code pénal espagnol.

* 16 Art. 142, code pénal espagnol.

* 17 Dans la nouvelle nomenclature de 2015, l'homicide volontaire constitue un délit `grave', l'homicide involontaire par imprudence grave constitue un délit `moins grave' et l'homicide involontaire par imprudence moins grave constitue un délit `léger'. Les imprudences légères encore moins graves donnant lieu aux anciennes contraventions sortent du code pénal.

* 18 Précision explicite à l'alinéa 2 de l'article 142 précité.

* 19 STS, 18 décembre 1975.

* 20 SAP Córdoba, n. 73/2002, 21 juin 2002. Cf. Pablo Lanzarote Martínez (Fiscal de Murcia), « La Imprudencia : el concepto de imprudencia menos grave », Diario La Ley, 8 septembre 2015.

* 21 SAP Soria, n. 59/2015, 15 juillet 2015.

* 22 SAP Ills Balears, n.850/2015, 10 décembre 2015.

* 23 Fiscalía General del Estado, Circular 10/2011 & Dictamen 2/2016 sobre seguridad vial.

* 24 Art. 418, code pénal belge.

* 25 Art. 419 al. 2, code pénal belge.

* 26 Outre les dispositions relatives aux homicides involontaires sur la route, qui sont présentées dans cette note, la loi de 2018 accroît les peines pour la conduite sans permis ou sans assurance, alourdit la sanction de la récidive croisée (c'est-à-dire en considérant toutes les infractions routières en bloc et non la récidive infraction par infraction), précise la responsabilité du titulaire de la plaque d'immatriculation qui est tenu de fournir l'identité du conducteur et rend obligatoire les éthylotests anti-démarrage dans certains cas de conduite en état d'ivresse grave. En outre, le délai de prescription est allongé d'un à deux ans.

* 27 Art. 33, loi belge du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière. Ces peines ont été alourdies en 2018.

* 28 Art. 38, loi belge du 16 mars 1968.

* 29 Art. 55, loi belge du 16 mars 1968.

* 30 Art. 6, Wegenverkeerswet (WVW) du 21 avril 1994.

* 31 Hoge Raad, 1 er juin 2004, LJN AO5822.

* 32 Memorie van Toelichting, art. 175 WvW, Kammerstukken II, 2001-2002, 28 487, n3, p. 10.

* 33 Art. 175, WVW 1994.

* 34 Art. 8, WVW 1994.

* 35 Art. 175 (3), WVW 1994.

* 36 Landelijk Overleg van de Voorzitters van Strafsectoren rechtbanken en gerechtshoven.

* 37 Introduit par art. 1, Legge n.41/2016 - Introduzione del reato di omicidio stradale e del reato di lesioni personali stradali, nonché dispozioni di coordinamento, 23 mars 2016.

* 38 Plus précisément, si l'ivresse est mesurée comme supérieure à 1,5 g/L d'alcool dans le sang alors la peine est de 8 à 12 ans de prison et si elle est comprise entre 0,8 g/L et 1,5 g/L alors la peine est de 5 à 10 ans de prison. Dans les deux cas d'ivresse grave et de consommation de stupéfiants, l'arrestation immédiate en flagrance est obligatoire.

* 39 Dès lors que la vitesse du véhicule est supérieure à au moins 70 km/h.

* 40 Art. 589 ter, code pénal italien, introduit par la loi précitée du 23 mars 2016.

* 41 Art. 222, Decreto legislativo, n. 285/1992 du 30 avril 1992, modifié par l'art. 6 de la loi précitée du 23 mars 2016.

* 42 Ss. 1, 2B, 3ZB, 3ZC & 3A, Road Traffic Act 1988.

* 43 La peine de prison maximale est alors portée de deux ans à 14 ans. S. 12A, Theft Act 1968.

* 44 S. 2A, Road Traffic Act 1988.

* 45 Sched. 2, part. I, Road Traffic Offenders Act 1988.

* 46 California Penal Code, §§ 191.5, 192 & 192.5.

* 47 North Carolina General Statutes, § 20-141.4.

* 48 Georgia Statutes, § 40-6-393.

* 49 Kansas Revised Statutes, § 21-54.06

* 50 Montana Code, § 45-5-106.

* 51 Oregon Revised Statutes, § 163.149.

* 52 Pennsylvania Statutes, 75, §§ 3732 & 3735.

* 53 Le terme Beauftragter renvoie à l'idée de personne chargée d'une mission spécifique, mandataire, délégué, représentant. On retient généralement la traduction de commissaire pour les Bundesbeauftragten ou Regierungsbeauftragten nommés par le gouvernement fédéral. Il en existe environ 40 dans les domaines les plus divers : protection des données et liberté d'information ; migrants et intégration ; personnes handicapés ; drogue ; intérêts des patients ; minorités nationales ; coopération franco-allemande ; culture et médias ; services de renseignement, etc. Ils ont un rôle d'expertise et de conseil sans être intégrés dans la chaîne hiérarchique de l'administration fédérale. Ils sont appelés à participer en amont à l'élaboration des décisions fédérales qui concernent leur mission.

* 54 Gesetz zur Stärkung eines aktiven Schutzes von Kindern und Jugendlichen (Bundeskinderschutzgesetz - BKiSchG) von 22. Dezember 2011.

* 55 §1, BKiSchG, aussi appelée Gesetz zur Kooperation und Information im Kinderschutz (KKG).

* 56 §1 Sozialgesetzbuch Achtes Buch (SGB VIII).

* 57 §8 SGB VIII.

* 58 §8a SGB VIII.

* 59 §3 SGB VIII

* 60 §8b Abs.1 SGB VIII

* 61 §8b Abs.2 SGB VIII

* 62 §4 KKG

* 63 §72a SGB VIII

* 64 §45 SGB VIII

* 65 « Pas de place pour les abus»

* 66 www.schule-gegen-sexuelle-gewalt.de

* 67 Agir maintenant.

* 68 Dans sa lettre de démission, elle l'a justifiée par les actions du gouvernement et du ministère de l'Éducation, qui auraient entravé et ralenti le travail de la commission.

https://www.irishtimes.com/news/justice-mary-laffoy-s-letter-of-resignation-1.373996

* 69 https://www.dcya.gov.ie/documents/publications/implementation_plan_from_ryan_commission_report.pdf

* 70 Commissie-Samson, Omringd door zorg, toch niet veilig - Seksueel misbruik van door de overheid uit huis geplaatste kinderen , 1945 tot heden , 8 octobre 2012

* 71 On considère que les catholiques représentent environ 35 % - 40 % de la population néerlandaise, majoritaires dans la partie Sud-Est du Pays (Limbourg, Brabant).

* 72 W.J. Deetman, Seksueel misbruik van minderjarigen in de Rooms-Katholieke Kerk , décembre 2011.

* 73 Dans le cas allemand, on remarquera toutefois que l'assemblée régionale ( Landtag ) du Bade-Wurtemberg autorise depuis 2014 les députés régionaux à suspendre les devoirs de leur charge en plénière et en commissions pendant une grossesse ou après la naissance d'un enfant dans la limite de six mois. Aucun remplacement, ni aucune suppléance n'est prévue.

* 74 Terme québécois. La technique est aussi fréquente en Common Law (États-Unis, Canada, etc.)

* 75 Terme ajouté par le 42 ème amendement à la Constitution indienne en 1976.

* 76 Ou de la race, de la caste, du sexe ou du lieu de naissance.

* 77 Il est précisé que pour les Sikhs la pratique de la religion comprend le port du kirpan, le poignard rituel.

* 78 Ratilal Panachand Gandhi v. State of Bombay, 1954.

* 79 Hormis les communautés exilées tibétaines et les religieux notamment cinghalais qui résident en Inde, les bouddhistes indiens sont précisément des communautés intouchables volontairement converties dans les années 50-60 à la suite du Dr Ambedkar pour tenter de se libérer de l'hindouisme qui servait à justifier leur maintien dans une condition sociale inférieure.

* 80 Mohd. Ahmed Khan v. Shah Bano Begum, 1985.

* 81 Iddat en droit islamique ; période avant que le divorce devienne irrévocable et servant à écarter une possible grossesse.

* 82 Shayara Bano v. Union of India, 2017.

* 83 Laura Dudley Jenkins, Legal Limits on Religious Conversion in India, 71 LAW & CONTEMP. PROBS. 109, 115 (2008).

* 84 Tariq Ahmad, State Anti-conversion Laws in India, The Law Library of Congress, juin 2017.

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