ANNEXE : ÉTUDE DE LA DIVISION DE LÉGISLATION COMPARÉE DU SÉNAT SUR LA SIMPLIFICATION DU DROIT (ALLEMAGNE / PAYS-BAS / SUÈDE)

Mai 2016

- LÉGISLATION COMPARÉE -

La simplification

Allemagne - Pays-Bas - Suède

Cette note a été réalisée à la demande de Mme Élisabeth LAMURE, Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, Sénateur du Rhône

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

LC 267

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note est consacrée aux actions menées en matière de simplification dans trois pays d'Europe : l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède.

Le terme de « simplification » désigne ici, principalement, les initiatives prises par les pouvoirs publics, ex ante ou ex post , pour évaluer et alléger les coûts qu'occasionnent, spécialement aux entreprises, les pesanteurs résultant des textes législatifs ou réglementaires.

Après avoir rappelé les réflexions de l'OCDE et les initiatives prises en France, elle évoque successivement, pour chacun des trois États concernés :

- les orientations et les premiers résultats des politiques mises en oeuvre depuis le début des années 2000, d'une part ;

- et le statut du ou des organismes chargés d'évaluer les efforts réalisés en matière de simplification, de l'autre.

A. LES RÉFLEXIONS DE L'OCDE ET LES INITIATIVES PRISES EN FRANCE

Outre les principaux rapports élaborés par l'OCDE et ceux qui ont été publiés en France, on rappellera quelques éléments sur la situation en matière de simplification dans notre pays.

1. Les réflexions de l'OCDE

À côté du corpus doctrinal théorique qu'elle a constitué depuis une quinzaine d'années, l'OCDE a formulé périodiquement des observations qui concernent spécifiquement la France.

a) Un corpus doctrinal et théorique

Depuis le début du XXI e siècle, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a coordonné une réflexion de fond sur le thème de la simplification administrative constituant, au fil des années, un corps de doctrine destiné à « éliminer la paperasserie », comme l'indiquait le titre d'un rapport 1 ( * ) publié par cette institution en 2003.

Le sujet a notamment été traité de façon approfondie dans :

- les orientations destinées aux décideurs, intitulées « Surmonter les obstacles à la mise en oeuvre des stratégies de simplification administrative », (2009) ;

- le rapport « Mieux légiférer en Europe » (2010) ;

- la recommandation du conseil de l'OCDE concernant la politique et la gouvernance réglementaire (2012) ;

- enfin, plus récemment encore, dans les Perspectives de l'OCDE sur la politique de la réglementation 2015 dont les auteurs relèvent que « D'autres institutions - notamment les Parlements, les agences de régulation et les administrations territoriales et internationales - ont un rôle important à jouer pour améliorer l'élaboration, l'application, l'évaluation et la mise en cohérence des réglementations entre secteurs et territoires. Cependant, ces missions ne sont pas suffisamment bien assumées par ces institutions. Des efforts pourraient être faits pour que la qualité réglementaire devienne un objectif majeur de ces institutions et pour améliorer la façon dont elles travaillent ensemble et avec le pouvoir exécutif » 2 ( * ) .

b) Des observations concernant la France

S'agissant de notre pays, le rapport précité de l'OCDE, publié en 2003, relevait, en analysant les initiatives prises depuis le début des années 1990, que « d'une manière générale, les programmes de simplification et d'allègement des charges administratives ne sont pas la résultante d'un plan d'ensemble » et que « si les modalités concrètes ont pu varier dans le temps, les axes majeurs ont toujours été déterminés par le Gouvernement [...] , le Parlement ne joue pas de rôle moteur dans le dispositif, sauf lorsqu'il s'agit de définir la répartition des droits et des devoirs des citoyens [...] » 3 ( * ) .

Le rapport publié en 2010 par la même institution soulignait le fait qu'« il n'existe pas en France de stratégie de gouvernance réglementaire proprement dite mais un ensemble de mesures pour améliorer la qualité réglementaire essentiellement propulsé (sic) par la perception d'un "mal français", c'est-à-dire une surproduction de normes que l'on doit maîtriser. La dimension économique et le coût pour l'économie de la réglementation excessive ou d'une "mauvaise" réglementation ne sont pas encore vraiment pris en compte », observant aussi qu'« il n'existe pas de communication claire qui englobe l'ensemble de la gouvernance réglementaire », alors même que « la gouvernance réglementaire est une politique de long terme, à faible gain politique immédiat, soumise aux pressions du court terme » 4 ( * ) .

Enfin, tout en estimant que « la France a développé d'importants efforts pour placer la qualité de la politique de la réglementation au premier rang de ses priorités » , l'OCDE note, en 2016, qu'« il reste toutefois beaucoup à faire pour enrayer l'inflation réglementaire régulièrement dénoncée par les entreprises et les particuliers. Les efforts déployés en ce sens restent parcellaires. Le Gouvernement vient d'adopter un moratoire sur les nouvelles réglementations [...] et a annoncé la création d'une autorité indépendante chargée d'évaluer les analyses d'impact et de contrôler l'application du moratoire sur la nouvelle législation sur les entreprises. Cela étant, la décision de mettre en place cette autorité reste en suspens » 5 ( * ) .

2. Quelques éléments sur la situation en France

Parmi les traits qui caractérisent la situation en France en matière de politique de simplification, on retiendra :

- les dispositions relatives aux études d'impact de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 ;

- la publication récente de plusieurs rapports ;

- et l'existence d'une pluralité d'entités qui contribuent à cette action.

a) Les dispositions de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 applicables aux études d'impact

L'intérêt porté aux questions de simplification s'est spécialement traduit, en France, par l'adoption de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution qui dispose que :

« Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent.

Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation.

Ils exposent avec précision :

- l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne ;

- l'état d'application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ;

- les modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ;

- les conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités ;

- l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

- l'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l'emploi public ;

- les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État ;

- s'il y a lieu, les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil économique, social et environnemental ;

- la liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires ».

b) De récents rapports

Deux rapports publiés en 2013 ont mis en évidence l'enjeu que représente la simplification pour l'économie comme pour la société française. Il s'agit :

- du rapport de la mission de lutte contre l'inflation législative établi par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard de 2013 ;

- et du rapport de M. Thierry Mandon, député, dans le cadre de la Mission parlementaire de simplification de l'environnement réglementaire et fiscal des entreprises, « Mieux simplifier "La simplification collaborative" » , qui, parmi les facteurs « explicatifs de la faible performance des démarches de simplification récentes », évoquait notamment « une discontinuité du pilotage politique sur la durée », « des programmes de simplification manquant de cohérence et peu lisibles », avant de constater que les chefs d'entreprises interrogés exprimaient « un assez grand scepticisme et une perte de crédibilité des démarches de simplification » 6 ( * ) .

c) Des compétences divisées entre une pluralité d'entités

Parmi les entités qui interviennent, à titre principal, dans le domaine de la simplification, on retiendra, notamment :

- le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) ;

- le Conseil de la simplification pour les entreprises ;

- ainsi que le Conseil national d'évaluation des normes et le médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales.

Aux termes du décret n° 2015-1165 du 21 septembre 2015 relatif au Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique , cette entité est placée sous l'autorité du Premier ministre et rattachée au secrétaire général du Gouvernement. Elle comprend, outre la direction interministérielle pour l'accompagnement des transformations publiques, la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État. Le même texte dispose que « le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique coordonne, favorise et soutient, au niveau interministériel, les travaux conduits par les administrations en vue d'évaluer et de moderniser l'action publique, notamment afin d'améliorer le fonctionnement des services déconcentrés de l'État, le service rendu aux citoyens et aux usagers et de contribuer à la bonne gestion des deniers publics. Il veille à ce que les systèmes d'information et le développement du numérique concourent à l'amélioration de la qualité, l'efficacité, l'efficience et la fiabilité du service rendu et à la simplification des relations entre les usagers et les administrations de l'État, et entre celles-ci et les autres autorités administratives. Il coordonne l'action des services de l'État et de ses établissements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible de leurs informations publiques. Il veille à l'association des agents publics, des usagers et des partenaires de l'administration à l'ensemble de ces démarches et, plus généralement, à promouvoir la participation des citoyens à l'action publique . »

En vertu du décret n° 2014-11 du 8 janvier 2014 instituant le Conseil de la simplification pour les entreprises , celui-ci a été créé, auprès du Premier ministre, pour une durée de trois ans. Ce conseil est « chargé de proposer au Gouvernement les orientations stratégiques de la politique de simplification à l'égard des entreprises, et notamment :

- d'assurer le dialogue avec le monde économique et de contribuer à la participation des entreprises à la conception et à la mise en oeuvre des mesures de simplification ;

- de proposer au Gouvernement des axes prioritaires de simplification et de le conseiller sur toute solution innovante ou mesure nouvelle de nature législative, réglementaire ou administrative qui lui paraîtrait devoir être retenue ;

- de suivre les réalisations du programme de simplification pour les entreprises et l'évaluation de ses résultats ;

- et de contribuer à faire connaître les résultats obtenus auprès des entreprises, des organisations professionnelles et du grand public . »

Composé de personnalités indépendantes issues des entreprises et des administrations, de parlementaires, d'élus locaux et d'experts désignés par arrêté du Premier ministre, ce conseil adresse chaque année au Gouvernement un bilan de l'avancement et des résultats du programme de simplification pour les entreprises.

La loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 a, quant à elle, créé un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

Par décret du 11 mars 2014, M. Alain Lambert a été nommé médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales .

B. OBSERVATIONS TIRÉES DE L'ANALYSE COMPARÉE

Comme on l'a dit supra , la simplification désigne l'ensemble des initiatives prises par les pouvoirs publics, ex ante ou ex post , pour évaluer et alléger les coûts qu'occasionnent, spécialement aux entreprises, les textes législatifs ou réglementaires.

L'étude des cas allemand, néerlandais et suédois montre que, dans ces trois exemples, la politique de simplification :

- s'est appuyée sur une volonté politique forte et durable, laquelle n'est pas allée sans rencontrer des difficultés de mise en oeuvre ;

- la création d'une autorité indépendante parmi les entités chargées de la simplification s'est avérée déterminante, dans ces trois pays, pour améliorer les outils, le suivi, et l'image de la politique de simplification.

1. Une politique de simplification basée sur une volonté politique forte et durable, qui a rencontré des difficultés de mise en oeuvre
a) Une volonté politique forte et durable

• Adoption de programmes gouvernementaux

Cette volonté s'est exprimée, en Allemagne, aussi bien par la création du Normenkontrollrat en 2006 (voir infra ) que, récemment, par l'adoption d'un programme par le gouvernement fédéral en 2014 qui concerne :

- l'appréciation portée par les citoyens et les entreprises sur leurs relations avec l'administration ;

- une meilleure réglementation au niveau européen ;

- une prise en compte systématique des intérêts des PME ;

- une amélioration du processus de réglementation ;

- et la réalisation d'une étude de faisabilité relative à l'introduction d'un impôt déclaratif applicable aux revenus des entreprises.

Aux Pays-Bas, la simplification est mentionnée aussi bien par les accords de coalition gouvernementaux de 2007 et de 2010 que par une note officielle publiée par le Gouvernement en 2007 après sa constitution, fixant l'objectif d'une diminution de 25 % des coûts administratifs sur la législature.

Dans les trois cas étudiés, une tendance manifeste est de favoriser l'intervention des autorités chargées de la simplification dans le domaine de la préparation puis de la transposition des normes européennes.

• Fixation d'objectifs et suivi des résultats

La fixation d'objectif chiffrés et le suivi des résultats obtenus par rapport à une base initiale constituent des caractéristiques propres aux trois systèmes étudiés.

Les Gouvernements de Suède et des Pays-Bas, ont notamment fixé à 25 % entre 2006 et 2010 l'objectif de réduction des coûts résultant de la législation et de la réglementation afin d'obtenir une modification significative de l'environnement des entreprises.

S'agissant des indicateurs, on a retenu :

- un indice, calculé en Allemagne depuis 2012, afin de connaître l'évolution des coûts bureaucratiques annuels des mesures applicables aux citoyens, à l'économie et aux administrations publiques ;

- des enquêtes, qu'il s`agisse de l'étude réalisée par l'office fédéral des statistiques auprès des citoyens et des entreprises afin de connaître leur degré de satisfaction en Allemagne ou du suivi statistique périodique mis en place en Suède, lequel repose notamment sur une vaste enquête triennale réalisée auprès des entreprises afin de suivre notamment l'évolution de leur quotidien.

b) Des difficultés de mise en oeuvre

En Allemagne, la mise en oeuvre d'une procédure performante de simplification s'est heurtée à :

- l`absence d'effet du dispositif des « Questions bleues » pourtant institué dès 1984 afin de prouver la nécessité, l'efficacité et l'intelligibilité des dispositions en voie d'être adoptées ;

- et au foisonnement des rapports d'experts publiés sans résultat entre 1985 et 2005.

Témoigne des résistances observées aux Pays-Bas le fait que :

- la « commission pour l'évaluation des effets » n'ait évalué qu'un nombre limité de résultats, au moins dans les premiers temps de son activité ;

- en 2014, les équivalents des « études d'impact » demeuraient incomplets, trop axés sur les travaux internes des ministères et pas assez sur les conséquences des mesures sur la société ;

- certains coûts n'étaient pas pris en compte dans les évaluations.

En Suède, l'homologue de la Cour des Comptes française a publié, en 2012, un rapport critique sur les modalités de la politique de simplification telle qu'elle était initialement organisée sur la période 2006-2010, tandis qu'une organisation relevait, en 2015, que la démarche de simplification ne figurait parmi les objectifs que d'une poignée d'autorités publiques et que, selon le conseil des règles suédois, en 2014, une majorité des études d'impact demeuraient lacunaires.

• Généralisation et amélioration des études d'impact

Si la généralisation des études d'impact est une caractéristique des trois systèmes, on constate de façon uniforme des difficultés pour améliorer leur contenu.

2. La création d'une autorité spécialisée, un facteur déterminant, pour améliorer les outils, le suivi et l'image de la politique de simplification et accompagner l'action d'autres acteurs
a) Une autorité indépendante

La création d'une autorité spécialisée a été décidée en 2000 aux Pays-Bas, 2006 en Allemagne et 2008 en Suède, tout d'abord à titre expérimental.

• Nature de l'autorité

L'indépendance de l'autorité est soulignée en Allemagne où les membres du Normenkontrollrat sont, bien que cet organisme soit placé auprès de la Chancellerie fédérale, soumis à diverses incompatibilités.

Aux Pays-Bas, l'indépendance d' ACTAL (Adviescollege toetsing regeldruk) ne le laisse pas moins dans l'orbite de l'exécutif, tandis qu'en Suède, l'indépendance fonctionnelle du Regelrådet n'interdit pas qu'il soit placé auprès de l'Agence suédoise pour le développement économique et régional qui relève elle-même du ministère de l'Industrie.

• Composition et moyens

Le nombre de membres de l'autorité indépendante de suivi de la simplification est de : un président et au plus trois membres aux Pays-Bas, un président, un vice-président et trois membres en Suède et dix membres en Allemagne.

Les membres de l'autorité doivent expressément disposer d'une expérience dans les questions législatives au sein d'institutions publiques ou sociales et de connaissances en matière économique en Allemagne.

Les moyens alloués à l'autorité consistent, par exemple, en un budget de fonctionnement de 2,102 millions d'euros aux Pays-Bas en 2016 et un budget de 0,93 million d'euros en Suède en 2012.

b) Une autorité dotée de compétences destinées à améliorer les outils, le suivi, et l'image de la politique de simplification

On distinguera le champ et la nature du contrôle.

• Champ

L'examen des solutions retenues dans les trois cas étudiés permet de distinguer un modèle de champ de compétence élargi tant en ce qui concerne les destinataires des normes que la portée du contrôle, caractéristique du modèle allemand ainsi que, dans une moindre mesure, du système néerlandais, et un modèle de champ de compétence plus limité, principalement tourné vers un contrôle ex ante des textes concernant les entreprises, comme en Suède.

Le Normenkontrollrat allemand exerce un pouvoir de vérification sur le « stock » aussi bien que sur le « flux » puisqu'il examine :

- les projets de nouvelles lois fédérales déposées par le Gouvernement ainsi que les propositions de loi émanant du Bundesrat , si ce dernier les lui transmet ou à la demande du groupe auquel appartiennent les députés du Bundestag à l'origine du texte ;

- les projets de lois modificatives, y compris les lois initiales ;

- les projets de dispositions juridiques et administratives d'application ;

- les travaux préparatoires aux actes juridiques, règlements, directives et décisions de l'Union européenne ;

- les lois et les dispositions juridiques et administratives concernées lors de la transposition du droit de l'Union européenne ;

- et les lois fédérales en vigueur ainsi que les décrets et les dispositions administratives pris pour leur application.

L'extension du dispositif de contrôle des coûts aux régions et aux autres collectivités territoriales a en outre été proposée par le dernier rapport annuel du Normenkontrollrat allemand.

Aux Pays-Bas, ACTAL , qui n'est saisie que des dossiers les plus importants ex post ou ex ante - les ministères devant suivre une procédure normalisée pour la préparation de tous les projets -, conseille également le Gouvernement et les deux chambres du Parlement en ce qui concerne :

- le système d'évaluation des effets de la législation et de la réglementation sur la pression normative qui s'applique aux entreprises, aux citoyens et aux professionnels des secteurs de la santé, de l'enseignement, de la sécurité et de la sécurité sociale ;

- les effets de la législation et de la réglementation sur la pression normative qui s'applique au monde des entreprises, aux citoyens et aux professionnels de ces secteurs, en concertation avec le(s) ministère(s) compétent(s), lorsque ces effets prévisibles sont notables ;

- et les problèmes stratégiques en matière de pression normative, sur la base des données produites par le monde des entreprises et les organisations de citoyens et d'entrepreneurs.

ACTAL, qui conseille à leur demande les communes néerlandaises sur leurs décisions et les problèmes stratégiques en matière de pression normative, peut aussi être saisie par des membres de la société civile.

En Suède, le Regelrådet reçoit toutes les études d'impact dès lors qu'elles sont susceptibles d'avoir un effet significatif sur les conditions de travail ou la compétitivité des entreprises. À ce titre, il :

- s'exprime sur les études d'impact élaborées par les commissions (kommitté) désignées par le Gouvernement pour rédiger un rapport sur un sujet donné et les propositions de mesures susceptibles d'entraîner des effets significatifs sur les entreprises que ces commissions formulent ;

- s'exprime sur les études d'impact relatives aux projets (förslag) du Gouvernement susceptibles d'avoir de tels effets ;

- aide les autorités chargées de l'élaboration de la réglementation, lorsqu'elles le demandent, à examiner les études d'impact relatives à des propositions de l'Union européenne considérées comme susceptibles d'avoir un effet important sur les entreprises en Suède et formule des conseils sur le contenu des études de l'impact de ces projets sur la Suède ;

- publie ses avis sur un site Internet, outre une série d'exemples sur les modalités de description des conséquences des règles ;

- élabore des statistiques afin de contribuer au développement de l'utilisation des études d'impact ;

- établit enfin chaque année un rapport d'activité à l'intention du Gouvernement.

Depuis 2011, le Regelrådet a, de surcroît, été chargé par le ministère de l'Industrie de :

- développer sa fonction de conseil, notamment à l'intention des rédacteurs d'études d'impact 7 ( * ) ;

- formuler d'éventuelles propositions de simplification des règles ;

- et de venir prioritairement en aide aux commissions ad hoc lorsqu'elles élaborent des études d'impact dans le cadre d'un avant-projet de réforme.

• Nature du contrôle

Le Normenkontrollrat peut vérifier la mise en oeuvre méthodologique et la cohérence :

- du caractère compréhensible de la présentation des objectifs et du caractère nécessaire de la réglementation ;

- de la prise en considération d'autres alternatives ;

- de la prise en compte de la date d'entrée en vigueur, de la durée et de l'évaluation ;

- de l'existence d'explications sur la mise en oeuvre de la simplification juridique et administrative ;

- et, dans le cas d'une transposition d'une directive ou d'un autre acte juridique de l'Union européenne, de la mesure dans laquelle ces dispositions peuvent aboutir à une surrèglementation.

• Outils et image

L'amélioration de la connaissance des évolutions résulte :

- du développement d'une méthodologie comptable spécifique inspirée du modèle des coûts standards, dès 2002, et de son perfectionnement depuis lors aux Pays-Bas ;

- de la prise en compte de l'ensemble des coûts administratifs pour l'économie ainsi que des obligations d'information et des « coûts d'application » (ou coûts de mise en conformité) (Allemagne) ;

- de la publication des avis de l'autorité en annexe aux projets de loi lors du dépôt de ceux-ci (Allemagne).

Si des efforts sont réalisés en termes de communication, dont témoignent les nombreuses publications figurant en annexe à la présente note, les autorités néerlandaises ont manifesté, pour leur part, dès 2010, leur volonté de voir la politique de simplification se diffuser dans les administrations, évoquant même son « intériorisation » par celles-ci, dans le cadre d'une méthodologie (IAK) suivie par l'ensemble des services de l'État pour la préparation de leurs décisions.

c) L'action d'autres acteurs

Loin de se limiter à l'intervention d'une autorité indépendante, la politique de simplification implique une pluralité d'acteurs dans chacun des trois pays étudiés où l'on note :

- l'intervention de l'ensemble des ministères fédéraux, tenus de respecter les dispositions du règlement commun applicable à la préparation de tout nouveau texte (réglementation ou législation) ainsi que celles du Guide pour la préparation des dispositions légales et administratives (Allemagne) ;

- l'activité du service chargé de la réduction de la bureaucratie placé auprès de la Chancellerie fédérale allemande (Allemagne) ;

- le bureau fédéral des statistiques, qui gère des banques de données publiques et aide à l'évaluation des coûts, en tant que de besoin (Allemagne) ;

- le recours à la démarche « IAK » (cadre d'évaluation intégral de la politique et de la réglementation, inspiré du regulatory impact assess management (RIA) ) par l'ensemble des administrations (Pays-Bas) ;

- les efforts réalisés pour favoriser les échanges entre les administrations et la réutilisation des données par celles-ci dans les trois pays ;

- la constitution d'une « commission administrative sur l'évaluation des effets » afin d'analyser les résultats (Pays-Bas) ;

- et l'action combinée de l'Agence pour le développement économique et régional en Suède, chargée du développement des méthodes et des instruments de mesure en matière de simplification ainsi que de l'organisation de formations.

On notera enfin que le Parlement est informé de l'avancement de la politique de simplification par un rapport annuel qui lui est adressé aussi bien en Allemagne qu'aux Pays-Bas.

D'un point de vue général, il ressort de ces trois exemples que la politique de simplification, si elle passe nécessairement par des « trains » de mesures, ne se résume pas à des initiatives ponctuelles mais tend à devenir un processus de long terme, répondant à des normes définies au niveau international et reposant sur l'utilisation de méthodes spécifiques.


* 1 OCDE, Éliminer la paperasserie. La simplification administrative dans les pays de l'OCDE , 2003.

* 2 OCDE, Perspectives de l'OCDE sur la politique de la réglementation 2015 , 2016, p. 18.

* 3 OCDE, Éliminer la paperasserie. La simplification administrative dans les pays de l'OCDE , p. 200-201..

* 4 OCDE, Mieux légiférer en Europe , 2010, résumé de l'étude consacrée à la France, p. 2 et 3.

* 5 OCDE, Perspectives de l'OCDE sur la politique de la réglementation 2015 , 2016, p. 182.

* 6 Rapport de M. Thierry Mandon, Mieux simplifier « La simplification collaborative » , p. 10-11.

* 7 Statskontoret, Vad gör Regelrådet? Arbetsprocesser, roller och organisation för enklare regler, 2014, p. 19-20.

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