NOTE

sur

Les lois relatives à la protection
des monuments historiques

Allemagne - Espagne - Italie - Royaume-Uni (Angleterre)

Cette note a été réalisée à la demande de

Mme Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord,
Présidente de la commission de la Culture, de l'Éducation
et de la Communication

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note est consacrée aux lois relatives à la protection du patrimoine en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et en Italie.

Elle présente l'économie de chacune des lois applicables aux équivalents des monuments historiques afin de permettre au lecteur de prendre la mesure de leurs orientations générales.

Figurent dans le texte, pour faciliter d'éventuels approfondissements, les références aux articles des lois dont relèvent les dispositions étudiées.

Cette note ne s'intéresse pas :

- aux normes réglementaires ;

- aux espaces naturels ;

- aux biens meubles ;

- non plus qu'aux régimes applicables au patrimoine archéologique et aux épaves.

Enfin, elle ne prend pas en compte les nombreuses dispositions qui peuvent résulter d'autres lois, notamment celles qui régissent le droit de l'urbanisme.

En France, le régime applicable aux monuments historiques résulte du titre II du Livre VI du code du patrimoine, lequel distingue, en ce qui concerne les immeubles, les dispositions :

- relatives au classement, d'une part, et à l'inscription, d'autre part ;

- communes aux immeubles classés et aux immeubles inscrits ;

- et celles concernant les immeubles adossés aux immeubles classés et à ceux situés dans le champ de visibilité des immeubles classés ou inscrits ;

- et, enfin, au titre du régime des espaces protégés, les secteurs sauvegardés, d'une part, ainsi que les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), d'autre part.

• Classement d'un immeuble comme monument historique

Le régime applicable aux immeubles classés monuments historiques résulte des articles L. 621-1 à L. 621-22 du code du patrimoine.

Les immeubles, dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public - y compris pour isoler, dégager, assainir ou mettre en valeur un immeuble classé - sont susceptibles d'être classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative.

Procédure de classement

Les immeubles appartenant à l'État ou à l'un de ses établissements publics sont classés par décision de l'autorité administrative.

Les immeubles appartenant à des collectivités territoriales ou à leurs établissements publics sont, quant à eux, classés par décision de l'autorité administrative, sous réserve du consentement du propriétaire et, en cas de désaccord, par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale des monuments historiques (classement d'office).

Enfin, les immeubles appartenant à toute autre personne sont classés par décision de l'autorité administrative, sous réserve du consentement du propriétaire et, à défaut de celui-ci, par décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale des monuments historiques, qui détermine les conditions de classement et notamment les servitudes et obligations qui en découlent (classement d'office).

Le classement d'office peut donner droit à indemnité au profit du propriétaire s'il résulte des servitudes et obligations qui en découlent une modification à l'état ou à l'utilisation des lieux déterminant un préjudice direct, matériel et certain.

Instance de classement

Lorsque la conservation d'un immeuble est menacée, l'autorité administrative peut notifier au propriétaire, par décision prise sans formalité préalable, une instance de classement au titre des monuments historiques.

À compter du jour de la notification, tous les effets du classement s'appliquent de plein droit à l'immeuble visé. Ils cessent de s'appliquer si la décision de classement n'intervient pas dans les douze mois de cette notification.

Déclassement

Le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé est prononcé par décret en Conseil d'État.

Protection des immeubles classés

Les immeubles classés monuments historiques ne peuvent être détruits ou déplacés, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative.

Un décret en Conseil d'État précise les catégories de professionnels auxquels le propriétaire ou l'affectataire d'un immeuble classé monument historique est tenu de confier la maîtrise d'oeuvre des travaux.

Travaux de réparation et d'entretien

L'autorité administrative peut toujours faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l'État, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d'entretien jugés indispensables à la conservation des monuments classés au titre des monuments historiques n'appartenant pas à l'État.

Mise en demeure de faire réaliser des travaux

Lorsque la conservation d'un immeuble classé monument historique est gravement compromise par l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien, l'autorité administrative peut, après avis de la Commission nationale des monuments historiques, mettre en demeure le propriétaire de faire procéder auxdits travaux, en lui indiquant le délai dans lequel ceux-ci devront être entrepris et la part de dépense qui sera supportée par l'État, laquelle ne pourra être inférieure à 50 %. La mise en demeure précise les modalités de versement de la part de l'État.

Le propriétaire peut contester le bien-fondé de la mise en demeure devant le tribunal administratif. Ce recours a un caractère suspensif.

Exécution d'office des travaux et expropriation de l'immeuble

Si le propriétaire ne se conforme pas à la mise en demeure ou à la décision de la juridiction administrative, l'autorité administrative peut soit exécuter d'office les travaux, soit poursuivre l'expropriation de l'immeuble au nom de l'État. Si les travaux sont exécutés d'office, le propriétaire peut solliciter l'État d'engager la procédure d'expropriation. L'État fait connaître sa décision sur cette requête, qui ne suspend pas l'exécution des travaux, dans un délai de six mois au plus. Si l'autorité administrative a décidé de poursuivre l'expropriation au nom de l'État, une collectivité territoriale ou un établissement public peut décider de se substituer à celui-ci comme bénéficiaire, avec l'accord de cette autorité.

En cas d'exécution d'office, le propriétaire est tenu de rembourser à l'État le coût des travaux exécutés par celui-ci, dans la limite de la moitié de son montant.

L'État et les collectivités territoriales peuvent poursuivre l'expropriation :

- d'un immeuble classé au titre des monuments historiques ou en instance de classement ;

- et d'un immeuble dont l'acquisition est nécessaire pour isoler, dégager, assainir ou mettre en valeur un immeuble classé au titre des monuments historiques, soumis à une instance de classement ou situé dans le champ de visibilité d'un tel immeuble.

Les immeubles classés expropriés peuvent être cédés à des personnes privées dans des conditions approuvées par décret en Conseil d'État, les acquéreurs s'engageant à les utiliser aux fins et dans les conditions prévues au cahier des charges annexé à l'acte de cession.

• Inscription

Le régime applicable aux immeubles inscrits au titre des monuments historiques résulte des articles L. 621-25 à L. 621-29-8 du code du patrimoine.

Procédure d'inscription

Peuvent être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques :

- les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation ;

- et tout immeuble, nu ou bâti, situé dans le champ de visibilité d'un immeuble déjà classé ou inscrit au titre des monuments historiques.

Effets de l'inscription

L'inscription est notifiée au propriétaire et entraînera pour lui l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de son intention et indiqué les travaux qu'il se propose de réaliser.

Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques.

Réalisation de travaux

Les travaux sur les immeubles inscrits sont exécutés sous le contrôle scientifique et technique des services de l'État chargés des monuments historiques.

Subventions

L'autorité administrative est autorisée à subventionner, dans la limite de 40 % de la dépense effective, les travaux d'entretien et de réparation que nécessite la conservation des immeubles ou parties d'immeubles inscrits au titre des monuments historiques.

• Immeubles adossés et immeubles situés dans le champ de visibilité

Le propriétaire ou l'affectataire domanial a la responsabilité de la conservation du monument historique classé ou inscrit qui lui appartient ou lui est affecté.

Il peut bénéficier d'une assistance gratuite de l'État lorsqu'il ne dispose pas des moyens nécessaires à l'exercice de la maîtrise d'ouvrage d'une opération.

Toute aliénation d'un immeuble classé ou inscrit doit être notifiée à l'autorité administrative.

Un immeuble adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, ne peut faire l'objet d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans autorisation préalable.

Cette autorisation est aussi nécessaire lorsque l'immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ne comportant pas d'édifice, si le périmètre de protection de ce parc ou de ce jardin a été délimité.

Est considéré comme immeuble adossé à un immeuble classé :

- tout immeuble en contact avec un immeuble classé au titre des monuments historiques, en élévation, au sol ou en sous-sol ;

- et toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement classé.

Est considéré comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible depuis ce dernier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument.

Lorsqu'un immeuble non protégé au titre des monuments historiques fait l'objet d'une procédure d'inscription ou de classement ou d'une instance de classement, l'architecte des bâtiments de France peut proposer, en fonction de la nature de l'immeuble et de son environnement, un périmètre de protection adapté. La distance de 500 mètres peut alors être dépassée avec l'accord de la commune ou des communes intéressées. Ce périmètre est créé par l'autorité administrative après enquête publique.

• Secteurs sauvegardés et aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine

Secteurs sauvegardés

Le régime des secteurs sauvegardés résulte des articles L. 641-1 et L. 641-2 du code du patrimoine qui reproduit les dispositions des articles L. 313-1 à L. 313-3 et L. 313-11 à L. 313-15 du code de l'urbanisme.

Les secteurs sauvegardés peuvent être créés par l'autorité administrative sur demande ou avec l'accord de la commune ou, le cas échéant, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme (PLU), lorsqu'ils présentent un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d'un ensemble d'immeubles bâtis ou non.

L'acte qui crée le secteur sauvegardé prescrit l'élaboration d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur et met en révision le PLU lorsqu'il existe.

Le plan de sauvegarde et de mise en valeur est élaboré conjointement par l'État et la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme. Il est approuvé par l'autorité administrative si l'avis du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent est favorable, par décret en Conseil d'État dans le cas contraire.

Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut comporter l'indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles :

- dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ;

- ou dont la démolition ou la modification pourra être imposée par l'autorité administrative à l'occasion d'opérations d'aménagement publiques ou privées.

À compter de la création du secteur sauvegardé, tout travail ayant pour effet de modifier l'état des immeubles est soumis à permis de construire ou à déclaration après accord de l'architecte des bâtiments de France qui énonce les prescriptions auxquelles le pétitionnaire doit se conformer.

Aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine

Une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) 1 ( * ) peut être créée à l'initiative de la ou des communes ou d'un établissement public de coopération intercommunale lorsqu'il est compétent en matière d'élaboration du PLU, sur un ou des territoires présentant un intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique.

Elle tend à promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable et se fonde sur un diagnostic architectural, patrimonial et environnemental, prenant en compte les orientations du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme, afin de garantir la qualité architecturale des constructions existantes et à venir ainsi que l'aménagement des espaces.

L'AVAP a le caractère de servitude d'utilité publique.

Le dossier relatif à la création de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine comporte :

- un rapport de présentation des objectifs de l'aire ;

- un règlement comprenant des prescriptions ;

- et un document graphique faisant apparaître le périmètre de l'aire, une typologie des constructions, les immeubles protégés, bâtis ou non, dont la conservation est imposée et, le cas échéant, les conditions spéciales relatives à l'implantation, à la morphologie et aux dimensions des constructions.

Le règlement de l'AVAP contient des règles relatives :

- à la qualité architecturale des constructions nouvelles ou des aménagements de constructions existantes ainsi qu'à la conservation ou à la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces naturels ou urbains ;

- et à l'intégration architecturale et à l'insertion paysagère des constructions, ouvrages, installations ou travaux visant tant à l'exploitation des énergies renouvelables ou aux économies d'énergie qu'à la prise en compte d'objectifs environnementaux.

Tous travaux, à l'exception des travaux sur un monument historique classé, ayant pour objet ou pour effet de transformer ou de modifier l'aspect d'un immeuble, bâti ou non, compris dans le périmètre d'une AVAP, sont soumis à une autorisation préalable qui peut être assortie de prescriptions particulières destinées à rendre le projet conforme aux prescriptions du règlement de l'aire.

L'autorité compétente transmet le dossier à l'architecte des bâtiments de France, qui statue dans un délai d'un mois. Dans le cas contraire, l'architecte des bâtiments de France transmet son avis défavorable motivé ou sa proposition de prescriptions motivées à l'autorité compétente.


* 1 L'article L. 642-8 du code du patrimoine modifié par l'article 162 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dispose que les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) mises en place avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement continuent à produire leurs effets de droit jusqu'à ce que s'y substituent des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine et, au plus tard, dans un délai de six ans à compter de l'entrée en vigueur de cette même loi.

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