III- Cette absence de reconnaissance internationale pleine et entière aggrave une situation politique et économique déjà difficile

1. La mise en place progressive de mécanismes démocratiques

La situation politique, à peu près stable, s'est dégradée à partir d'août 1994. En effet, alors que le Gouvernement était composé de représentants du groupe majoritaire, sous la direction de M. Brando CRVENKOVSKI , avec cinq ministres des partis albanais, la sortie du PDP et du NDP de la coalition et - par voie de conséquence- la démission des ministres albanais ont fragilisé la coalition au pouvoir, rendant nécessaires des élections anticipées (elles étaient prévues pour le 16 novembre), élections qui furent annoncées par M. Stojan ANDOV, président du Parlement, selon les règles constitutionnelles, le 7 septembre.

Ces élections se sont déroulées, sur le plan de la conjoncture diplomatique, en plein réchauffement des relations macédo-albanaises.

Selon les différents témoignages recueillis sur place, et selon les différents communiqués émis par les parlementaires C.S.C.E. et du Conseil de l'Europe, il semble que la campagne électorale, très courte, se soit déroulée dans des conditions tout à fait satisfaisantes et que les différentes forces politiques ont eu accès aux grands media macédoniens. Si la réélection de M. GLIGOROV dès le premier tour était attendue, les élections législatives apparaissaient très ouvertes, avec une grande inconnue : le score du parti démocratique.

Une tentative, en juillet 1994, de réformer le système électoral, qui date dans ses grandes lignes, soit de 1990, soit d'avant, s'était heurtée à un échec. C'est donc exactement le même système électoral qu'en 1990 qui a été appliqué pour les élections de 1994, avec une nuance très importante : depuis 1990, la Macédoine est devenue un État indépendant et souverain. La loi sur la citoyenneté s'appliquait.

La loi sur l'élection du Président de la République ( cf. supra ) explique qu'il n'y ait eu que deux candidats :

- M. Kiro GLIGOROV (Alliance pour la Macédoine), président sortant,

- M. Ljubisa GEORGIJEVSKI, metteur en scène de 54 ans, présenté par le VMRO-DPMNE.

En effet, la commission d'État pour les élections a rejeté le 28 septembre, en raison d'un nombre insuffisant de signatures (30 députés ou 10.000 électeurs), les candidatures de :

- M. Halid SHABAN (parti démocratique des turcs),

- M. George ATANOVSKI (indépendant, vivant aux États-Unis).

Il est à noter que les partis albanais n'ont pas voulu présenter de candidat, de peur que ce ne soit utilisé par les Slaves pour minorer leur importance. En effet, il n'est pas sûr que ce candidat aurait recueilli les suffrages de toute la population électorale albanaise, beaucoup d'Albanais votant pour M. GLIGOROV, considéré comme un facteur de paix.

En ce qui concerne les élections législatives, tous les regroupements sont possibles entre le premier et le deuxième tour. Obtenir dans ce contexte plus de 30 % des inscrits n'est pas chose facile, ce qui explique le peu de sièges attribués au premier tour en 1990 : seulement 14. La loi électorale contribue objectivement à une fragmentation trop importante de la vie politique macédonienne, comme le montre le nombre de candidats et de partis politiques présents au premier tour des élections législatives : 1.600 candidats d'une cinquantaine de partis, pour seulement 120 circonscriptions

Le découpage électoral, qui n'a pas été remis en cause entre 1990 et 1994, fait l'objet de critiques importantes, car il est supposé minorer l'importance de la communauté albanaise, en lui donnant les circonscriptions les plus importantes en termes de voix. La Macédoine est découpée en 34 communes et 120 circonscriptions électorales, une commune pouvant regrouper de 1 à 9 circonscriptions.

La Commission d'État pour les élections a proclamé les 20 et le 23 octobre 1994 le résultat des différentes élections :

Élection présidentielle

Suffrages

Pourcentage par rapport aux électeurs inscrits

M. Kiro GLIOGOROV

713.529

52,40 %

M. Ljubisa GEORGIJEVSKI

196.936

14,47 %

M. GLIGOROV a été élu dès le premier tour. L'opposition, en se fondant sur le fait que près de 120.000 personnes avaient pu voter sans figurer sur les listes électorales, a exigé l'annulation de cette élection.

Le taux de participation a été de 77,2 %.

Élections législatives

Suffrages

Pourcentage par rapport aux électeurs inscrits

Alliance pour la Macédoine

323.637

32,1 %

VMRO

141.035

14,4 %

Parti démocratique

109.164

11,2 %

Dix députés ont élus au premier tour :

- sept pour l'Alliance pour la Macédoine;

- un pour le parti socialiste (fraction minoritaire ne faisant pas partie de l'Alliance);

- deux pour le Parti de la Prospérité Démocratique (PDP).

Le VMRO et le Parti démocratique, après avoir organisé une manifestation pacifique ayant rassemblé environ vingt mille personnes à Skopje le mardi 18 octobre, ont appelé au boycott du second tour. En conséquence, ce dernier a été un raz de marée pour l'Alliance. Au total, le nouveau Parlement comprend :

- 58 députés pour l'Union social-démocrate,

- 29 députés pour le Parti libéral,

- 8 députés pour le Parti socialiste

- 10 députés pour le PDP,

- 4 députés pour le NDP,

- 1 député pour le Parti démocratique de Macédoine,

- 1 député pour le Parti social-démocrate,

- 1 député pour le Parti démocratique des Turcs en Macédoine - Voie islamique,

- 1 député du Parti pour l'émancipation des Roms (PTER)

- 7 "indépendants", dont trois députés appartenant à une fraction radicale du PDP.

Depuis les élections, il est clair que bon nombre de membres du VMRO regrettent de ne pas être représentés au Parlement. La situation est étonnante, puisque la délégation sénatoriale a pu constater qu'il existait des exécutifs locaux "mixtes" (Alliance pour la Macédoine/VMRO), comme à Bitola 7 ( * ) , alors que ces élus locaux ne peuvent être représentés au Parlement. Cette écrasante domination de l'Alliance pour la Macédoine peut avoir comme effet de créer une opposition au sein de la majorité, avec notamment le Parti libéral, mécontent de disposer du même nombre de ministres que le PDP, alors que sa représentation parlementaire est plus importante.

Les partis au pouvoir admettent tout à fait la désorganisation relative constatée par bon nombre d'observateurs, même si aucun camp n'a été réellement avantagé.

La délégation sénatoriale a pu rencontrer, le 7 mars 1995, les représentants des partis représentés au Parlement, lors d'une table ronde animée par Mme Illenka MITREVA, Présidente de la commission des Affaires étrangères. Elle a été sensible au sens de responsabilité qui animait les participants. Sans vouloir gommer de véritables différences d'appréciation, il est à noter que tous ces partis s'accordaient sur la nécessité de réussir « l'expérience Macédoine ».

* 7 En juin 1995, une configuration inédite a permis à une majorité formée du VMRO et du PDP d'assurer la gestion de la ville de Skopje.

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