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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Droits de plantation

M. Michel Teston

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Indexation des redevances en résidence sociale

M. Jean-Jacques Filleul

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Modernisation de l'habitat en zone rurale

M. Jean Bizet

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Documents d'urbanisme

M. Yannick Botrel

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Formation des masseurs-kinésithérapeutes

M. Bernard Fournier

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Institut supérieur d'ostéopathie de Lille

Mme Michelle Demessine

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Enseignants coopérants en Turquie

M. Jean-Yves Leconte

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Établissement public foncier Paca

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Fiscalité additionnelle intercommunale

M. Roland Ries

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Sécurité incendie

M. Hervé Maurey

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Voies sur berge à Paris

M. Philippe Dominati

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Véhicules électriques

M. Antoine Lefèvre

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Suppression d'aides aux personnes handicapées

M. Francis Grignon

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Interdictions des feux de cheminée

M. Alain Gournac

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Qualité de l'air

M. André Gattolin

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Amiante à l'usine Solvay

M. Daniel Reiner

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Associations d'aide à domicile

M. Philippe Bas

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Déserts médicaux en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Calendrier des vacances

M. Jean Besson

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Réserve parlementaire

M. Jean Louis Masson

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

Hommage à une délégation turque

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

Demande de vérification du quorum

ARTICLE PREMIER BIS A

M. Philippe Bas

Questions orales

Droits de plantation

M. Michel Teston

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Indexation des redevances en résidence sociale

M. Jean-Jacques Filleul

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Modernisation de l'habitat en zone rurale

M. Jean Bizet

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Documents d'urbanisme

M. Yannick Botrel

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Formation des masseurs-kinésithérapeutes

M. Bernard Fournier

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Institut supérieur d'ostéopathie de Lille

Mme Michelle Demessine

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Enseignants coopérants en Turquie

M. Jean-Yves Leconte

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Établissement public foncier Paca

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Fiscalité additionnelle intercommunale

M. Roland Ries

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Sécurité incendie

M. Hervé Maurey

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Voies sur berge à Paris

M. Philippe Dominati

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Véhicules électriques

M. Antoine Lefèvre

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Suppression d'aides aux personnes handicapées

M. Francis Grignon

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Interdictions des feux de cheminée

M. Alain Gournac

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Qualité de l'air

M. André Gattolin

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Amiante à l'usine Solvay

M. Daniel Reiner

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Associations d'aide à domicile

M. Philippe Bas

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Déserts médicaux en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Calendrier des vacances

M. Jean Besson

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Réserve parlementaire

M. Jean Louis Masson

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

Hommage à une délégation turque

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

ARTICLE PREMIER BIS B

M. Philippe Bas

M. Gérard Longuet

ARTICLE PREMIER BIS CA

M. Philippe Bas

M. Gérard Longuet

ARTICLE PREMIER BIS C

M. Philippe Bas

M. Bruno Retailleau

Mme Marie-Thérèse Bruguière

M. Hugues Portelli

M. Gérard Longuet

M. Dominique de Legge

ARTICLE PREMIER BIS D

M. Philippe Bas

ARTICLE PREMIER BIS.

M. Philippe Bas

M. Gérard Longuet




SÉANCE

du mardi 9 avril 2013

84e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Marc Daunis, Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Droits de plantation

M. Michel Teston .  - Sur proposition de la Commission européenne, la réforme de l'Organisation commune de marché vitivinicole a libéralisé les droits de plantation au 1er janvier 2016. La suppression de cet outil de régulation nécessaire n'améliorera pas la compétitivité de la viticulture européenne, non plus qu'elle ne permettra d'adapter l'offre à la demande, a montré le Groupe de haut niveau réuni à Palerme. Je me réjouis des conclusions adoptées le 14 septembre et de votre implication dans ce dossier. Six ans de régulation restent cependant insuffisants. Il y a aussi une inquiétude sur le pourcentage de surfaces nouvelles de plantation. Approchez-vous d'un accord final pour garantir la pérennité du secteur du vin en Europe ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Dès mon arrivée au ministère de l'agriculture, j'ai réuni les pays producteurs européens pour revenir sur la décision prise en 2007 par le Conseil européen -une première ! L'idée initiale était d'étendre notre production pour gagner des marchés, dans une conception libérale. Le conseil des ministres des 18 et 19 mars, un acte très fort, a entériné les conclusions du Groupe de haut niveau. Désormais, une structure régulera le marché du vin pour six ans, à partir de 2019, voilà l'important. Sur l'évolution des surfaces, la Commission européenne proposait un taux de 2,5 % ; la plate-forme des quatorze pays européens a retenu 1 %. Faut-il rouvrir le débat au risque de perdre sur d'autres terrains ? Tout le débat est de savoir comment seront appliquées les demandes d'autorisation pour éviter une évolution trop rapide des droits de plantation. Je le répète, nous avons obtenu un accord qui correspond parfaitement à la position française.

M. Michel Teston.  - Merci pour cette réponse précise. La question de la durée de la régulation reste pendante. Je compte sur vous pour oeuvrer à un système le plus long possible.

Indexation des redevances en résidence sociale

M. Jean-Jacques Filleul .  - Les redevances dans les logements très sociaux -résidences sociales et foyers de jeunes travailleurs- sont, depuis 2009, indexées sur le seul indice de référence des loyers (IRL). Cela ne permet pas aux gestionnaires de couvrir l'augmentation des coûts de l'énergie et les charges d'entretien.

Il faut revenir à un indice composite obtenu par la pondération de l'IRL, avec l'indice « Électricité, gaz et autres combustibles » et l'indice « Services d'entretien du logement ». Il en va de l'avenir de 180 000 logements.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Cette décision de 2009 vise à mieux protéger des publics précaires. Je ne sous-estime pas, pour autant, les difficultés des gestionnaires à vocation sociale ; nous réfléchirons à des solutions. La nouvelle loi sur la précarité énergétique ouvre le bénéfice de la tarification sociale de l'énergie à ces locataires. Grâce à cette dernière, nous pouvons rééquilibrer les charges des gestionnaires. C'est cet équilibre qu'il nous incombe de rechercher. Nous maîtriserons mieux la dépense énergétique avec l'éco-prêt à 1 %. Une réflexion est en cours avec les associations gestionnaires pour arriver à une meilleure maîtrise des consommations. Je vous tiendrai au courant de l'avancement de la discussion.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Merci, il faut effectivement trouver un équilibre entre gestionnaires et locataires.

Modernisation de l'habitat en zone rurale

M. Jean Bizet .  - Les élus de mon département s'inquiètent des difficultés à mobiliser les crédits de l'agence nationale de l'habitat (Anah), depuis le changement de priorités de l'agence en 2009. De fait, la réforme du régime des aides de l'Anah privilégie les travaux de montant important, qui sont rares dans la Manche. Cette décision contrevient au discours qui incite les élus à reconquérir l'espace délaissé dans les bourgs et les centres-villes. Cet objectif, auquel je souscris pleinement, inscrit dans le Scot de la baie du Mont-Saint-Michel, s'impose à nous dans le cadre des plans locaux d'urbanisme (PLU) Que faire pour ne pas décourager les élus ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Je suis très consciente des problèmes du logement en zone rurale dans les centres-bourgs et de la dégradation du patrimoine en raison de la vétusté thermique des logements. Les propriétaires occupants en zone rurale sont destinataires à 38 % des aides de l'Anah, contre 27 % en moyenne en métropole. Le gain sur le programme d'amélioration thermique est de 39 %, et non de 25 %. La prime d'aide à la rénovation de 1 350 euros, annoncée par le président de la République, pourra aller jusqu'à 3 000 euros pour les plus précaires. Les petits projets ne sont donc pas abandonnés, loin de là. La rénovation des centres-villes, question importante, sera traitée dans le projet de logement et d'urbanisme que j'aurai l'occasion de présenter prochainement au Parlement.

M. Jean Bizet.  - J'en prends acte, tout en me fiant aux résultats que nous constaterons sur le terrain. Le problème concerne surtout les logements détenus par les propriétaires bailleurs en zone rurale, vu le montant des loyers. La rénovation thermique est un objectif louable mais difficile à mettre en oeuvre. Je suis prêt à présenter des simulations à vos services. La réponse a souvent consisté en un étalement des constructions, ce dont nous avons dissuadé les maires de la baie du Mont Saint Michel. Nous avons besoin d'une réponse de l'État pour rénover nos centres-bourgs et préserver la qualité de notre patrimoine.

Documents d'urbanisme

M. Yannick Botrel .  - Les élus des Côtes-d'Armor m'ont interpellé sur les difficultés d'interprétation de la loi Littoral et la hausse des recours auxquels ils doivent faire face en raison de la complexité croissante des documents d'urbanisme.

Personne ne remet en question la loi Littoral mais la notion de continuité de l'habitat, qui peut être interprétée de bien des façons, conduit certaines communes à céder leur front de mer à d'autres communes pour échapper à ces difficultés.

Personne ne conteste la prise en compte des zones humides, du Scot, des zones Natura 2000 dans les PLU. Reste que ces derniers sont de plus en plus contestés sur la forme. Les contentieux se multiplient. De là des charges financières et administratives de plus en plus lourdes pour les communes.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Nous sommes d'accord sur l'utilité des PLU. La future loi Logement et urbanisme clarifiera les différents niveaux de planification de l'urbanisme et encouragera la mutualisation des moyens pour élaborer les documents.

Concernant la loi Littoral, la notion de continuité de l'habitat protège paysages et terrains agricoles. Il n'est pas interdit de lever des difficultés sur des points d'application précis. En revanche, cette loi, très attaquée, doit être maintenue. Nous l'articulerons mieux avec les différents niveaux de planification dans la future loi.

M. Yannick Botrel.  - Dont acte. A l'heure où l'on parle beaucoup de simplification des normes, il faut remettre de l'ordre, revoir la stratification des règles. Je connais une commune des Côtes-d'Armor qui en est à son sixième contentieux relatif à des permis de construire annulés. J'espère que nous saurons saisir l'occasion d'avancer pour mettre un terme à cette insécurité juridique.

Formation des masseurs-kinésithérapeutes

M. Bernard Fournier .  - La réforme LMD, impulsée par le processus de Bologne il y a dix ans, prévoit l'intégration du diplôme de masseur-kinésithérapeute au grade de licence à la rentrée 2013. L'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a toujours préconisé la reconnaissance de cette formation au niveau du master. L'arbitrage rendu par le ministre le 25 février 2013 n'est pas à la hauteur des attentes de la profession, confinant la formation aux trois années d'études, datant de 1969.

N'ayons pas peur des mots, il s'agit d'un recul pour la qualité de la formation et, donc, des soins aux patients.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le diplôme de masseur-kinésithérapeute relève de la responsabilité du ministère des affaires sociales et de la santé. Un travail interministériel est en cours, qui a déjà donné lieu à un communiqué du 25 février 2013 qui répond à vos questions. L'année de préparation universitaire est dorénavant intégrée au cursus de formation, ce qui rendra possible l'inscription directe en deuxième année de master 2. C'est donc une année de formation à part entière. Ensuite, le conventionnement sera obligatoire et les établissements devront proposer un master 2. Le travail se poursuit, il sera copiloté avec les responsables de la profession pour une application en 2014. Enfin, une mission d'expertise de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation et de la recherche (Igaer) est en cours, qui devra proposer des recommandations pour l'universitarisation des formations initiales des professions paramédicales.

M. Bernard Fournier.  - Merci pour ces précisions. Le travail se poursuivra donc jusqu'en 2014 pour répondre aux attentes des professionnels de santé.

Institut supérieur d'ostéopathie de Lille

Mme Michelle Demessine .  - Au moment où notre population vieillit, l'ostéopathie connaît un engouement important. Pourtant, toutes les formations ne sont pas logées à la même enseigne, certaines bénéficient du niveau 1 au répertoire national des certifications professionnelles, d'autres non. L'institut supérieur d'ostéopathie de Lille, depuis 2003, délivre une formation d'excellence ; il est le seul dans le Nord-Pas-de-Calais. Son classement en niveau 2 décourage les étudiants dans la mesure où ils n'ont pas d'équivalence dans le système LMD.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La commission nationale des certifications professionnelles (CNCP) a classé l'institut supérieur d'ostéopathie de Lille au niveau 2 en décembre dernier.

Pour ce faire, elle a suivi la procédure rigoureuse décrite dans le code de l'éducation. L'institut supérieur d'ostéopathie de Lille a déposé une nouvelle demande en juin 2012, après celle d'avril 2011, puis déposé un recours gracieux ; la CNCP n'a pas modifié sa décision mais a formulé des recommandations pour améliorer les référentiels. La règle de droit a été scrupuleusement appliquée, je souhaite néanmoins que le travail en cours débouche sur une décision favorable à l'acquisition du niveau 1 dans les prochaines années.

Mme Michelle Demessine.  - Merci pour cette argumentation. Cette école mérite le niveau 1, d'autant qu'elle est la seule dans le Nord-Pas-de-Calais.

Enseignants coopérants en Turquie

M. Jean-Yves Leconte .  - Les enseignants de la mission de coopération éducative et linguistique (Micel) du lycée et de l'université de Galatasaray sont recrutés sur des contrats à durée déterminée « deux plus deux plus un » qui mettent en péril l'excellence de la qualité de notre coopération en Turquie. Les premiers contrats, signés en 2009, arriveront à terme en 2013. Les établissements congréganistes ont obtenu, eux, des détachements directs. La loi Sauvadet ne constitue pas un obstacle à l'allongement de ces contrats, comme l'a souligné le ministre dans une lettre du 3 juillet 2012. Les enseignants de la Micel sont en grève ; ils attendent, comme le recteur de l'université de Galatasaray et la directrice du lycée de Galatasaray, qui sont inquiets, une réponse de l'État.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Les crédits alloués à la Micel s'élèvent à 2,9 millions d'euros en 2013, un effort important en ces temps budgétaires difficiles et qui représente 67 % des crédits de coopération affectés au poste. Les agents de la Micel sont recrutés sur des contrats de droit administratif français. La réforme de 2009 visait à réduire le nombre de contrats à durée indéterminée en raison de l'accroissement de la part patronale des cotisations retraite en conséquence du décret de 2007. La réforme qui s'est faite, en concertation avec les partenaires, s'est traduite par la mise à disposition des enseignants des établissements congréganistes et de la fondation Tevfit Fikret.

Les trente enseignants concernés étaient pleinement conscients des conditions qui leur étaient faites quand ils ont signé leurs contrats en 2009

Je n'ignore pas leurs revendications. Ils se sont mis en grève le 19 mars et le 4 avril, alors même qu'une mission avait été dépêchée sur place ; je sais aussi l'inquiétude des autorités turques. Nous agirons avec responsabilité, dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, pour garantir une coopération de qualité avec la Turquie.

M. Jean-Yves Leconte.  - Quelques millions, ce n'est pas énorme par rapport à l'enjeu de notre relation stratégique avec la Turquie. J'espère que vous répondrez aux inquiétudes de la Turquie et des enseignants de la Micel. (M. André Gattolin applaudit)

Établissement public foncier Paca

M. Pierre-Yves Collombat .  - Ma question ne concerne pas les Français de l'étranger. Les établissements publics fonciers sont financés par une taxe spéciale d'équipement (TSE) dont le montant est fixé chaque année par le conseil d'administration de l'établissement public foncier dans la limite d'un plafond de 20 euros par habitant. Ceux de Normandie, Lorraine et Paca voient, en revanche, le plafond du produit de la TSE fixé en loi de finances, et inférieur à celui dont ils bénéficieraient dans le régime de droit commun.

Si j'ignore les raisons du régime particulier appliqué aux EPF des régions Lorraine et Normandie, je sais que c'est parfaitement justifié pour la région Paca : en pleine expansion, le logement y est particulièrement tendu.

Pourquoi, dans cette république normale, cet acharnement anormal ? L'Assemblée nationale a supprimé l'amendement que j'avais fait adopter au Sénat. Faut-il rechercher la responsabilité du côté de Bercy ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - La loi du 18 janvier 2005 prévoit que la procédure de la TSE est arrêtée chaque année avant le 31 décembre pour l'année suivante par le conseil d'administration de l'EPF. Les EPF peuvent être soumis à des dispositions spécifiques qui ont été supprimées pour les EPF Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes en 2006 et 2007. Seules subsistent celles relatives aux trois EPF que vous citez, dont la situation est réglée en loi de finances.

Le Gouvernement a décidé d'instituer le monopole des lois de finances sur les dispositions de caractère financier. C'est pourquoi la mesure votée au Sénat dans la loi de mobilisation pour le logement a été supprimée à l'Assemblée nationale. Mais le Gouvernement comprend votre souci d'harmonisation. Il est essentiel que cette réflexion chemine dans le cadre des travaux en cours sur les taxes affectées. Le Conseil des prélèvements obligatoires rendra son rapport avant l'été. C'est dans ce cadre que devront être engagées les discussions sur la TSE dans le budget 2014.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous n'y êtes pour rien, madame le ministre, mais ce n'est pas une réponse. Où en est-on ? En plein délire bureaucratique ! Dans ma région, la situation du logement est « tendue », comme on dit aujourd'hui. Il faut unifier les modes de financements. Que ne le fait-on? A-t-on besoin d'un énième rapport ? Je ne me lasserai pas de poser la question tant votre réponse est, pour moi, irrecevable. Il est absurde qu'un gouvernement qui veut procéder à des simplifications ne le fasse pas quand elles sont à sa portée.

La séance, suspendue à 10 h 35, reprend à 10 h 40.

Fiscalité additionnelle intercommunale

M. Roland Ries .  - Les communes isolées intégrant une structure intercommunale à fiscalité additionnelle subissent une double imposition à la taxe d'habitation parce que l'adhésion de ces communes fut concomitante à la réforme de la fiscalité locale sans être accompagnée d'une révision du mécanisme de compensation.

Conséquence, la taxe d'habitation a augmenté pour les contribuables concernés.

Cette situation fiscale baroque, que n'avait pas perçue le législateur, affecte l'image de l'intercommunalité et fragilise le consentement à l'impôt.

Mille communes en France sont concernées, dont cinq dans mon département. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Grâce à vous, nous avons pu prendre la mesure du problème qui concerne de nombreuses communes. Nous en mesurons les conséquences, liées à la réforme de la taxe professionnelle : une forte majoration de la taxe d'habitation pour leurs habitants. Grâce à votre intervention, nous travaillons avec Bercy pour trouver une solution générale à ce problème. L'intercommunalité doit être achevée au 30 juin 2013. Il ne reste plus que 59 communes isolées, si l'on exclut la petite couronne francilienne et les îles maritimes mono-communales.

Dans les communes membres d'une EPCI à fiscalité additionnelle, le taux de taxe d'habitation a été ventilé entre communes et départements ; pour les communes isolées, le taux a intégré la totalité de la part départementale, d'où l'alourdissement de la charge pour les contribuables. Réparons ensemble cette situation insupportable pour les communes et leurs habitants dans le projet de loi de finances pour 2014.

M. Roland Ries.  - En effet, c'est important pour les communes concernées ; les maires du Bas-Rhin m'ont interpellé. Nous devons travailler davantage de manière transversale. Ici, deux réformes sont juxtaposées, sans que l'impact de leur conjonction ne soit perçu. Merci de votre réponse. Je me tiens à votre disposition.

Sécurité incendie

M. Hervé Maurey .  - Les collectivités locales rencontrent des difficultés à respecter leurs obligations en matière de lutte contre l'incendie. Les compétences dans ce domaine sont transférables à des EPCI. Le respect des normes applicables impose souvent un renforcement des réseaux d'eau, d'où des incertitudes juridiques.

La publication d'un décret et d'un référentiel national, réclamée par les associations d'élus, a été reportée à plusieurs reprises par le précédent gouvernement. Les changements de périmètre ministériels expliqueraient à présent que ce retard perdure. Dans quel délai sera pris le décret attendu ? Quelles en seront les conséquences financières pour les collectivités ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Veuillez excuser l'absence du ministre de l'intérieur en déplacement à Alger pour un sommet de ministres de l'intérieur. Il m'a demandé de réaffirmer sa volonté de mener à bien la réforme engagée en 2005, comme il l'a déjà dit à M. Ambroise Dupont. Il a reçu tous les organismes consultatifs concernés, en particulier le bureau de l'association des maires de France. Un texte a été déposé devant le Conseil d'État en avril 2012 mais les nouvelles compétences des ministères, consécutives au changement de gouvernement, ont provoqué quelques retards.

Après de nouvelles concertations, le projet de décret sera très prochainement présenté au Conseil d'État. Il doit être complété par un arrêté pour définir le référentiel national de la sécurité incendie. La défense contre l'incendie est une compétence transférable aux EPCI sur la base du volontariat. Elle requiert des capacités techniques et juridiques complètes, d'où l'importance de cet arrêté. Il s'agit de bien distinguer le réseau d'eau potable de celui qui sert à la défense contre l'incendie.

Quand au dimensionnement des réseaux d'eau potable, des mesures techniques seront prises. La DCI est alimentée non seulement par les réseaux mais aussi par des points d'eaux naturels. La réforme exige un partenariat avec tous les acteurs locaux concernés. Le ministre, c'est la méthode de ce gouvernement, travaillera dans le dialogue.

M. Hervé Maurey.  - Le « très prochainement » n'est pas très quantifiable... Ce décret, très attendu, devra éviter le zèle normatif qui écrase les élus. Toutes les normes coûtent cher. La sécurité incendie est indispensable mais grève les finances des petites communes, qui peinent à supporter la charge de ces travaux. Les maires n'ont plus la compétence « eau » ; le décret devra être précis sur ce point.

Voies sur berge à Paris

M. Philippe Dominati .  - Sur la rive droite, un aménagement a consisté à couper le flux de la circulation. Sur la rive gauche, la circulation a été purement et simplement fermée, pour des raisons prétendument écologiques. Nous continuons pourtant d'enregistrer des pics de pollution. Les Parisiens ont dit leur hostilité à ces décisions à 70 %, à 80 %. Que faire ? Ces voies sont surtout utilisées par les Franciliens et les Parisiens sont seuls à en payer l'aménagement. La région pourrait y contribuer quelque peu.

Dans toutes les métropoles européennes, l'infrastructure routière riveraine des fleuves est repensée. Nous devons le faire aussi mais dans la concertation. C'est votre gouvernement qui a sollicité l'aménagement de ces voies sur berge.

Monsieur le ministre, je suis content de vous voir, vous que j'ai interrogé à plusieurs reprises sur le Grand Paris. Je m'attendais à voir le ministre de l'intérieur car il détient, via le préfet de police, les pouvoirs de police normalement dévolus au maire. Il a parlé, dans un journal local, d'une aberration. Que n'intervient-il ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Merci pour votre satisfaction de me voir présent ici, elle est réciproque ! Ce thème de la reconquête des berges fluviales est porteur. Paris est reconnue pour la beauté de ses perspectives fluviales. Concilions des modes de transport vertueux et l'aménagement de l'environnement urbain. La capitale constitue un vrai laboratoire. Je salue les initiatives de sa municipalité et de son maire, qui a à coeur une vraie vision de la ville.

Vous avez évoqué les aménagements, dont l'ouverture des berges aux promeneurs et aux habitants en juin, qui est très attendue. Elles sont du ressort de la ville de Paris, via le préfet de police ; l'État n'a pas la charge de la voirie mais seulement celle de la réglementation, notamment de la circulation routière.

Des études indiquent une faible répercussion de ces aménagements sur les temps de parcours, de l'ordre de une à trois minutes. Sur la pollution atmosphérique, nous avons effectivement beaucoup d'efforts à fournir. Nous risquons une sanction européenne parce que nos prédécesseurs n'ont pas agi en la matière.

Toutes les villes centres connaissent les mêmes problèmes : elles financent des infrastructures qui servent surtout aux habitants des périphéries. Si la région ne détient pas de domaine public routier, les usagers des voiries parisiennes sont nationaux, voire internationaux. Il faut les moderniser, ce doit être un objectif partagé. Nul doute que, dans quelques semaines, vous applaudirez à l'inauguration de ce nouveau site et de ces aménagements flottants. (M. André Gattolin applaudit)

M. Philippe Dominati.  - Je vous ai posé une question précise. Vous y répondez en lisant la plaquette de présentation du maire de Paris, qui doit partir à la retraite. Ce doit être sa seule vision ou ambition. A cinquante mètres de Notre-Dame, on n'est pas capable de préserver une voie rapide et de la couvrir ! On fait de petites économies. L'État devrait intervenir.

Vous avez les compétences nécessaires. Il y a onze ans, lorsque le maire de Paris et M. Huchon sont arrivés, ils ont dit : « la Seine, la Seine ». Dix ans après, le projet a capoté.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Il a le fret fluvial.

M. Philippe Dominati.  - Il n'y a pas que les aménagements qui flottent, le Gouvernement aussi est flottant. Prenez une position ferme, monsieur le ministre, faites entendre votre voix, vous avez été élu local. Ne laissez pas les choses aller au fil de l'eau...

Véhicules électriques

M. Antoine Lefèvre .  - L'industrie automobile s'est enfin lancée dans l'électrique, même si nous déplorons l'échec d'Heuliez. En 2012, les véhicules électriques ne représentent qu'une part infime du marché français. Le renouvellement du parc automobile français est urgent, or la demande ne semble pas au rendez-vous. Quels sont les freins ? Faible autonomie, peu de bornes. Celles qui sont installées ne le sont qu'en milieu urbain. Il n'existe que 1 473 bornes sur notre territoire, dont beaucoup en panne. L'Aisne n'en compte aucune. Comment l'objectif fixé en 2009 de 400 000 bornes pour 2020 pourra-t-il être atteint ? Il ne faudrait pas que l'offre faite aux consommateurs en soit freinée. Merci, monsieur le ministre, de nous indiquer votre plan de déploiement des bornes et la position du Gouvernement sur le cas d'Heuliez.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre du redressement productif. Le Gouvernement s'est fermement engagé en faveur des véhicules électriques. Le bonus à l'achat a été porté à 7 000 euros. Les ventes ont doublé, sur un marché automobile général en baisse de 14 %. Les ventes de véhicules utilitaires et particuliers croissent. De nouveaux modèles arrivent sur le marché.

La loi Grenelle a conféré aux collectivités territoriales les compétences pour déployer les bornes de recharge. Au 1er avril 2013, 6 500 bornes sont implantées en France contre 1 800 en juillet 2012. L'objectif est fixé à 8 000 avant la fin de l'année. Nous y travaillons avec l'ensemble des acteurs publics et privés.

M. Antoine Lefèvre.  - Merci pour votre réponse. Ma question, qui date presque d'il y a six mois, reste d'une actualité brûlante. L'aide que vous avez évoquée est bienvenue. Les bornes à charge rapide devraient être davantage encouragées sur le domaine public. Relayez auprès de M. Montebourg nos inquiétudes pour Heuliez.

Suppression d'aides aux personnes handicapées

M. Francis Grignon .  - Je préside depuis vingt-cinq ans un hôpital psychiatrique. Nous avons adapté 140 logements afin de réinsérer dans la ville des personnes psychiquement handicapées. Elles ont tout de même besoin d'aides à la vie courante. Or la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin va supprimer, à partir de juillet 2013, les aides financières extra-légales. Cela aura de graves conséquences pour ces bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés. A terme, elles ne pourront pas être maintenues à domicile et devront être réhospitalisées, ce qui coûtera bien évidemment plus cher. Maintiendrez-vous cette suppression ?

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Je vous prie d'excuser l'absence de la ministre aux affaires sociales, qui n'a pu être ici ce matin.

Ces aides sont entièrement de compétence locale. La politique en faveur des personnes handicapées est au coeur de l'action du Gouvernement. Elle s'est traduite par l'augmentation de 7 % du plafond de l'éligibilité à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) inscrite dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Grâce à quoi, la couverture par la CMU-c et l'ACS s'étendra à 750 000 personnes de plus, dont au moins 100 000 sont aujourd'hui bénéficiaires de l'AAH et pourront ainsi bénéficier d'une aide supplémentaire à l'accès aux soins.

La décision de la CPAM du Bas-Rhin s'inscrit dans cette ligne d'extension de la complémentaire santé. Je rappelle que l'AAH peut être cumulée avec la PCH. En tout cas, nous serons très attentifs à ce que cette réforme ne se traduise pas par une dégradation de la prise en charge des ces personnes.

M. Francis Grignon.  - Je vais analyser votre réponse, très technique.

Interdictions des feux de cheminée

M. Alain Gournac .  - J'ai entendu un bruit : on interdirait ce que mon père appelait les flambées. Des habitants de ma bonne ville du Pecq me demandent si l'on va bien empêcher les feux de cheminée à partir de 2015. Madame la ministre, au moment où les référents sont mis à terre, peut-on envisager d'interdire les feux de cheminée ? Pourquoi installer des cheminées si on n'a plus le droit de les utiliser ? « Foyer ouvert », « foyer fermé », dit-on... Les Français ne comprennent pas qu'il puisse se trouver des raisons pour justifier l'interdiction de ce petit plaisir ! Les familles se rassembleront autour du radiateur électrique... Je n'en reviens pas. Qu'on défende la santé publique, je suis pour... Mais là, franchement, non ! On le fait en catimini, ce n'est pas correct. Respectez les Français !

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Je vais vous répondre franchement. Évidemment, tout le monde apprécie un feu de cheminée. Mais les effets sur la santé sont avérés. La pollution aux particules provoque 42 000 décès prématurés chaque année en France, selon la Commission européenne qui nous menace d'un contentieux. Les feux de cheminée représentent 27 % des émissions de particules. On peut les réduire sans perte de confort. Une chaudière à bois émet quinze fois moins de particules qu'un foyer ouvert. Des mesures ont été proposées après concertation. Ce plan a fait l'objet d'un arrêté inter-préfectoral le 25 mars 2013, qui s'appliquera à partir de 2015. Hors Paris, seront autorisées les cheminées à insert...

Le remplacement des installations de plus de quinze ans par des équipements performants sera encouragé. J'ajoute que ces mesures ont été discutées dans le cadre du Conseil national de l'air avec tous les acteurs. Une concertation a eu lieu.

M. Alain Gournac.  - Merci pour votre franchise ! Pouvez-vous me préparer une note ? Sans quoi, mes administrés me prendront pour un fou. Va-t-on créer une police des foyers ouverts ? La flambée est un moment important dans la vie des familles. Tant de repères disparaissent, je l'ai dit. Après le camembert, quoi encore ? Les Français ne croient plus au bien-fondé de nos politiques !

Je sens que vous brûlez de me répondre.

M. le président.  - Madame le ministre, un retour de flamme ?

Mme Delphine Batho, ministre.  - Je vous entends : nous avons un travail de pédagogie à mener. Grâce à ces mesures, nous réduirions de 61 % les particules en zone industrielle, qui se traduisent par des bronchiolites et des allergies. Nous avons reculé la date d'application de 2013 à 2015 pour avoir le temps d'expliquer notre décision. Il est vrai qu'il nous faudra faire acte de pédagogie.

Qualité de l'air

M. André Gattolin .  - Madame la ministre, vous l'avez dit, la pollution de l'air est à l'origine de 42 000 morts en France. Pour combattre ce fléau, la France a adopté les plans de protection de l'atmosphère en 1998, déclinaison de la directive du 27 septembre 1996. D'autres mesures sont en cours d'examen. Toutes s'appuient sur la mesure de la qualité de l'air réalisée par un réseau d'associations agréées. En Ile-de-France, il s'agit d'Airparif.

Or, craignant pour leur image, Issy-les-Moulineaux ne veut plus de sa station de mesure et le conseil général des Hauts-de-Seine vient de supprimer une subvention de 90 000 euros à Airparif. Que faire pour garantir le maintien de ces stations et leur financement ? Ne peut-on contraindre les collectivités territoriales à les accepter sur leur territoire ?

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - J'ai tenu à augmenter le budget des associations de surveillance de la qualité de l'air, auxquelles je tiens à rendre hommage, et j'ai présenté un plan de protection de l'atmosphère le 6 février.

Les stations de mesure fixes font l'objet d'une autorisation d'installation dans le domaine public par les collectivités territoriales. Celle d'Issy-les-Moulineaux sera fermée en 2013 à la suite des décisions de la commune et de la communauté de communes Arc-de-Seine. La ville de Clamart a proposé de l'accueillir ; le site final retenu sera situé dans le XVe arrondissement de Paris.

Le financement de ces stations est tripartite, l'État a pris sa part mais ne peut pas obliger collectivités territoriales et industriels à allouer des subventions. Je regrette profondément la décision des Hauts-de-Seine, qui concerne aussi Bruiparif.

M. André Gattolin.  - Merci à M. Philippe Kaltenbach, maire de Clamart, d'accueillir une station. Je regrette néanmoins ce jeu de saute-moutons de commune à commune ; restons vigilants. Statisticien de formation, je sais qu'il faut renforcer l'échantillonnage et surtout ne pas en changer tout le temps. Notre réseau est très loin d'atteindre le niveau de celui de l'Allemagne.

Il faut, comme vous l'avez dit en décembre, en venir à une fiscalité écologique et faire reposer le financement de la surveillance de l'air sur une part de la TGAP et une partie infime de la Tipp. Enfin, d'une manière ou d'une autre, il faudra imposer des stations de mesure dans les communes sensibles.

Amiante à l'usine Solvay

M. Daniel Reiner .  - Ma question initiale, datant de janvier 2013, concernait l'usine Solvay dans la vallée de la chimie de la Meurthe. Par deux fois, le ministère avait refusé son inscription au dispositif de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Caata). Pourtant, l'amiante, dont l'utilisation a cessé en 1997, a provoqué quatre décès et trente-huit salariés sont atteints de pathologies liées à la manipulation de cette substance.

La décision de votre ministère de se pourvoir en cassation avait provoqué l'incompréhension. Depuis, vous avez pris l'arrêté du 6 février mais celui-ci ne couvre que la période allant de 1966 à 1990. Pourquoi ? L'amiante est la cause de 3 000 décès en France. Tous ceux qui l'ont manipulé doivent bénéficient de la retraite anticipée.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - L'arrêté du 6 février couvre la période de 1966 à 1990, date à laquelle a cessé la fabrication de diaphragmes à base d'amiante dans une unité d'électrolyse. Cette information nous est parvenue après la réunion de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Quant au ministère du travail, il s'est pourvu en cassation car 9 % à 12 % des salariés de Solvay manipulent de l'amiante quand le seuil réglementaire d'inscription sur la liste de la Caata est de 25 %.

M. Daniel Reiner.  - Si ce recours est fondé en droit, il a été mal compris au niveau local. Il empêche le départ anticipé des travailleurs et, donc, la réorganisation de l'entreprise qui assume ses responsabilités. Certes, l'unité d'électrolyse a fermé en 1990 mais l'amiante a continué d'être utilisé. Cela créera une discrimination à l'intérieur de l'entreprise. Il faut s'attendre à un recours de la part des syndicats.

Associations d'aide à domicile

M. Philippe Bas .  - Les associations d'aide à domicile, dont le rôle est essentiel pour le maintien des personnes âgées à domicile, sont couvertes en dessous de leurs frais : le tarif fixé par les antennes régionales de la caisse nationale d'assurance vieillesse leur laisse à charge un différentiel de 1,50 euro.

Dans la plupart des cas, l'usager ne demande rien de mieux que de financer cette différence. Pourquoi le refuser tout en ne débloquant pas les financements nécessaires ? Ce double refus fragilise grandement les associations. S'il n'y est pas mis fin, certaines d'entre elles pourraient disparaître.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Je salue ces associations pour leur rôle auprès des personnes âgées. Le Gouvernement a créé un fonds d'urgence de 50 millions d'euros pour 2013 et 2014 afin de leur venir en aide, après 50 millions d'euros en 2012. Les associations ont jusqu'au 30 avril pour déposer leur dossier auprès des agences régionales de la santé.

Cette première mesure s'accompagnera d'une politique volontariste visant à une contractualisation dans chaque territoire à partir d'objectifs pluriannuels précis : qualité, professionnalisation, accessibilité financière. Un groupe de travail sur les GIR 5 et GIR 6 devra faciliter le recours aux aides à domicile pour ménager la transition en GIR 4. Voyez : le Gouvernement agit !

M. Philippe Bas.  - Hélas, le fonds de 50 millions d'euros n'est pas à la hauteur des besoins. J'ai évoqué la possibilité d'un complément directement versé par les personnes âgées. Je ne doute pas que vous réfléchirez à cet assouplissement nécessaire dans la Manche, où la situation est très tendue et que le ministre délégué au budget connaît bien.

Déserts médicaux en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat .  - Le plan de lutte contre les déserts médicaux, que vous venez d'annoncer, est plus que jamais nécessaire. La Dordogne, le troisième plus grand département par sa superficie, compte 30 % de plus de 60 ans et une densité de seulement 46 habitants au kilomètre carré. Les difficultés sont réelles et iront s'aggravant car nos médecins âgés partent à la retraite sans trouver de remplaçant dans un cas sur deux. Certes, dix maisons de santé ont été créées mais le compte n'y est pas. Que ferez-vous pour la Dordogne ?

M. Jean Besson.  - Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - La Dordogne, comme de nombreux autres territoires, attend beaucoup de l'amélioration de l'offre de santé. Dans le cadre du pacte territoire-santé, j'ai demandé des consultations pour affiner sa déclinaison territoriale. L'ARS d'Aquitaine en a mené une en février dernier en Dordogne. Celle-ci communique auprès de l'université de médecine de Bordeaux pour monter avec les étudiants des projets d'accompagnement et d'installation. L'agence anime également un partenariat avec les acteurs autour des pôles de santé : dix maisons de santé fonctionnent. L'accès aux soins urgents en moins de 30 minutes est assuré par la nomination de médecins libéraux correspondants du Samu ; au-delà de 45 minutes, on peut recourir à des consultations de télémédecine. Nous ouvrons également, pour la bonne organisation, des hôpitaux de proximité en liaison avec l'hôpital de Périgueux.

Comptez sur ma détermination : l'accès aux soins est une question d'égalité.

M. Claude Bérit-Débat.  - Votre réponse ne me rassure pas complètement. Mon département est à la fois vaste et peu peuplé. Les efforts de l'ARS auprès de l'université de Bordeaux sont, pour l'heure, restés vains : les conjoints de médecins hésitent à s'installer dans des zones très peu peuplées qui ne peuvent guère leur proposer d'activités. Je ne doute pas de votre ardeur au combat mais des résultats de votre politique.

Trois ophtalmologistes pour tout le département et six mois d'attente pour un rendez-vous ; deux pédiatres seulement à Périgueux.

Calendrier des vacances

M. Jean Besson .  - Après l'arrêté du 20 juillet 2009, les vacances d'hiver et de printemps ont été décalées d'une semaine et celles de printemps débordent largement sur mai, une période où les stations de sport d'hiver ferment ou sont sur le point de fermer. M. le président de séance Carle sait ce dont je parle : en deux saisons, la fréquentation des stations a été divisée par deux à Pâques. Près de 35 000 emplois sont concernés par ce changement de calendrier. En Rhône-Alpes, le tourisme représente 10 milliards d'euros de consommation et 150 000 emplois.

Veillons à ce que la réforme des rythmes scolaires prenne en considération les intérêts du tourisme.

M. le président.  - Merci pour cette question ! Nous attendons la réponse...

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Peillon, qui est à la réunion des Drac avec les recteurs.

Les vacances de l'année scolaire 2013-2014 sont fixées aux dates suivantes : rentrée des classes le 3 septembre et départ en vacances d'été le 5 juillet ; Toussaint, du 19 octobre au 4 novembre 2013 ; Noël, du 21 décembre 2013 au 6 janvier 2014 ; hiver, du 25 février au 17 mars 2014 ; printemps, du 12 avril au 12 mai 2014. C'est un peu tard, il est vrai, selon vos critères.

Cela dit, le cadre n'est pas triennal. Et ce, à dessein pour donner le temps à la concertation en ayant pour objectif prioritaire le bien-être des enfants et l'organisation de la vie familiale. La révision des rythmes hebdomadaires est une nécessité quand les enfants français travaillent 144 jours par an contre 187 en moyenne dans l'OCDE. D'où la surcharge des journées scolaires, qui nuit aux apprentissages.

M. le président.  - M. Besson vous dira notre déception commune...

M. Jean Besson.  - En effet, je soutiens la réforme des rythmes scolaires. Mais il faudrait concentrer les vacances de février en février et celles du printemps en avril. En mai, il y a déjà beaucoup de jours fériés.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - Nous devons composer avec des intérêts contradictoires. Diversifions les plaisirs des vacances en montagne : s'y promener en été et au printemps est aussi très agréable !

M. le président.  - M. Besson et moi-même vous ferons des propositions.

Réserve parlementaire

M. Jean Louis Masson .  - En quoi la réserve parlementaire concerne-t-elle la réussite éducative ? C'est pourtant non pas le ministre délégué aux relations avec le Parlement mais Mme Pau-Langevin qui me répondra.

Après l'affaire Cahuzac, nous devons plus que jamais faire preuve de transparence, d'équité et de rigueur sur la réserve parlementaire. Pour l'équité, rappelons que les distorsions passées étaient scandaleuses : certains s'empiffraient, d'autres n'avaient rien. Les nouveaux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont annoncé à grand renfort de publicité faire cesser cela et mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Le rapporteur général de l'Assemblée nationale a toutefois annoncé sur M 6 que certains parlementaires privilégiés avaient trois ou quatre fois plus que les autres. C'est nous enfumer !

Quant à la transparence, le ministère de l'écologie ne respecte toujours pas la jurisprudence de la commission d'accès aux documents administratifs et la loi de 1978 sur l'obligation de communication des documents administratifs et refuse au public la consultation de ces documents.

J'attends une réforme globale moralisant la réserve parlementaire. J'ai déposé une proposition de loi en ce sens.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - M. les ministres n'ont pas toujours le choix de leur emploi du temps, M. Vidalies n'a pas pu se libérer ce matin.

D'abord, la réserve parlementaire n'a rien à voir avec ce qui arrive à notre collègue Cahuzac. Ensuite, les règles doivent être appliquées : les subventions versées au titre de la réserve parlementaire sont listées en annexe au projet de loi de finances chaque année. La commission d'accès aux documents administratifs vérifie le bon accès aux documents. Chacune des subventions fait l'objet d'un amendement au projet de loi de finances, examiné par le Parlement.

Enfin, MM. Bartolone et Bel souhaitent une répartition des subventions au prorata au sein des groupes politiques ; sur ce qui se passe à l'intérieur des groupes, nous ne pouvons guère intervenir.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis stupéfait. A quoi sert de poser des questions si vous répondez à côté ? Le rapporteur général à l'Assemblée nationale a reconnu qu'il touche trois fois plus que les autres. Au Sénat, il en va de même. Il n'y a pas d'égalité. M. Bartolone et le président du Sénat ont fait croire qu'il y a une justice. Il n'y en a aucune !

On vous a demandé de venir par hasard me répondre, madame la ministre, mais ma question portait sur une subvention précise qui a été délibérément masquée dans l'annexe du projet de loi de finances. Il y a eu magouille, entourloupe, même !

M. le président.  - Permettez-moi de remercier Mme la ministre d'avoir représenté le Gouvernement.

La séance est suspendue à 12 h 35.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 14 h 30.

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à la suite des explications de vote sur les deux amendements de suppression de l'article premier.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Une explication de vote est l'occasion d'y voir plus clair dans le débat. Je souhaite que le Gouvernement nous éclaire : quelle est sa vision du mariage ? Des années durant, vous nous avez expliqué qu'il était la version bourgeoise de l'union civile, qu'il était ringard. Dans nos mairies, 95 % des couples hétérosexuels choisissent dorénavant le Pacs, notamment parce qu'il peut être plus facilement rompu. Et vous venez nous expliquer qu'il faut ouvrir le mariage aux personnes de même sexe. C'est le monde à l'envers !

Nous attendons ensuite de la clarté sur un débat qui commence à prendre corps. Sur ce point, c'est la cacophonie. Le président de la République a assuré que PMA et GPA n'étaient pas à l'ordre du jour. Sans doute a-t-il répondu un peu vite pour être trop occupé par d'autres affaires. Car ce n'est pas ce que l'on entend du côté du Gouvernement et de la majorité. Mme Bertinotti nous dit : les homosexuels réclament une banalisation. Tel est bien le mot d'ordre, comme si le débat n'avait aucune raison d'être. Quant au rapporteur, il nous a expliqué que l'on parlerait bientôt de la PMA et éventuellement de la GPA, que cela était bien naturel dès lors que l'on accordait les mêmes droits aux couples de même sexe. Le président de la commission des lois a fait preuve, pour lui, d'une certaine retenue, disant qu'il ne savait pas ce qu'il voterait sur de tels sujets et que l'on faisait à la majorité un procès d'intention.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Appelons un chat un chat ! Où voulez-vous nous conduire ? Où voulez-vous conduire notre société ? Il est temps de le dire clairement ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Sido.  - Je suis d'accord avec les propos de M. Sueur qui, hier soir, disait être sensible aux poids des mots. Mais, pour Mme Bertinotti, l'adoption par un couple hétérosexuel n'est pas motivée par la seule volonté de donner une famille à l'enfant et l'adoption internationale est déjà un marché. Peut-être a-t-elle parlé un peu rapidement... Reste que ces propos sont scandaleux, je l'ai dit hier soir. C'est stigmatiser les couples qui ont entamé une démarche d'adoption, les accuser de s'être tournés vers le marché ; c'est aussi insulter les pays d'origine. Il n'est pas de bonne politique de jeter ainsi l'anathème sur ces couples.

Ensuite, selon M. Michel, la présomption de paternité doit être relativisée dès lors qu'il existe de nombreuses configurations familiales différentes. Certes, mais est-ce à dire qu'il faut toutes les légaliser ? Vous appliquez la politique du chien crevé au fil de l'eau. (Exclamations à gauche)

Où est votre esprit critique, le devoir de tout citoyen ? Cet article premier ne prend en compte ni l'intérêt de l'enfant, ni celui de la Nation. Il conduira à légaliser la PMA et la GPA. Je voterai ces amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le sens des mots ? Je l'ai dit au Premier ministre Raffarin, le dictionnaire de l'Académie française ne fixe pas le sens des mots dans le marbre : il en est à sa neuvième édition depuis 1694.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Le mensonge reste le mensonge ; la vérité, la vérité !

M. Antoine Lefèvre.  - Les yeux dans les yeux !

Mme Nathalie Goulet.  - Le sens de ce mot a changé... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Si ce texte est adopté, oui, le sens du mot mariage sera modifié. Cela n'a rien d'extravagant. Encore faut-il distinguer les mots de la loi et la perception qu'en a l'opinion.

Vous évoquez des points qui ne sont pas dans ce texte : il n'est pas légitime de reprocher ce qui ne s'y trouve pas à ceux qui vont le voter.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Que se passera-t-il après ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Adopter ce texte, ce n'est pas en accepter par anticipation un autre. Si un autre texte vient, chacun réfléchira en conscience. De quel droit présupposez-vous mon vote ? Je puis vous dire, ici, que je ne suis pas disposé à voter aujourd'hui des mesures relatives à la PMA et à la GPA.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Soit, mais que dit le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ces pratiques sont légales ailleurs, m'objecte-t-on. Mme Taubira a bien fait de prendre en compte, par circulaire, la situation des enfants nés suite à une GPA. Nous ne créerons pas ainsi d'apatrides. Quoi qu'il en soit, nous faisons ici la loi de la République française, et ce n'est pas parce qu'une disposition est légale ailleurs qu'il faut s'aligner (on approuve à droite), sinon le Parlement n'a plus qu'à mettre la clé sous la porte. Les choses sont donc extrêmement claires.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et le Gouvernement ?

Hommage à une délégation turque

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je salue la présence dans nos tribunes d'une délégation de la Grande assemblée nationale de Turquie en voyage officiel dans le cadre d'un programme d'échanges avec l'Union européenne. Représentant toutes les formations, ses membres appartiennent à la commission de réflexion et de révision de la Constitution. Notre collègue le président Gérard Larcher les accompagne. Je veux leur rendre hommage au nom du Sénat, une assemblée pondérée, traditionnellement active dans la construction européenne et soucieuse de la permanence des relations de la France avec ses amis ! (Applaudissements)

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. Jean Louis Masson.  - Je partage l'avis du président de la commission des lois sur la circulaire Taubira : on ne peut laisser des enfants hors du droit ni créer des apatrides.

La sexualité relève de la vie privée, on peut être homosexuel, pourquoi pas, polygame, pourquoi pas (mouvements divers à gauche), faire n'importe quoi, pourquoi pas... On peut même être sénateur... La vie publique, c'est autre chose. On ne parle pas ici du mariage pour tous mais du mariage homosexuel. Il n'appartient pas à l'État de favoriser des situations qui ne correspondent pas à l'intérêt de la Nation en dénaturant l'institution du mariage. Cette loi est malvenue alors que nos concitoyens sont confrontés au chômage, à la précarité. Ce n'est pas ainsi que l'on réglera leurs problèmes !

Tous les partis politiques ont leur responsabilité ; je souhaite qu'ils les assument en bloc. La majorité est très serrée au Sénat : puisse ce projet de loi être rejeté ! J'appelle tous mes collègues à leur responsabilité personnelle. Il serait désastreux que ce texte soit adopté parce que des parlementaires l'auraient voté contre les consignes de leur groupe.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La Constitution dit que tout mandat impératif est nul. Je le rappelle à M. Masson.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Nous avons voulu, en toute bonne foi, rassembler avec l'union civile, solution plus consensuelle qui répond aux aspirations d'une large partie de nos concitoyens. Pour des raisons politiques, la majorité a refusé de nous écouter.

Avec ce texte, elle fait un choix de société que nous ne partageons pas. Le mariage et l'adoption aujourd'hui, c'est, demain, la PMA et les mères porteuses. Ce ne serait pas le débat ici ? On nous annonce pourtant un autre texte. Mais c'est le même sujet ! Voyez le rapport de la commission des affaires sociales : Mme la rapporteure pour avis y déclare être favorable à l'extension de la PMA aux couples de femmes au nom de l'égalité des projets parentaux ; elle se dit par ailleurs ouverte sur la question de la GPA. Pourquoi une telle affirmation est-elle nécessaire dans le cadre de ce texte si les sujets ne sont pas liés ? Comment peut-on être aussi évasif sur un sujet à ce point central pour notre société ?

Pour nous, l'interdiction de la GPA repose sur l'indisponibilité de l'état des personnes et sur l'indisponibilité du corps humain. La grande majorité du groupe UDI-UC soutiendra les deux amendements de suppression. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.  - Sur la procréation médicale assistée, nous avons entendu, lors des auditions, nombre de prises de position. Il me paraissait donc utile de dire où j'en étais. Reste que, malgré les propos obsessionnels que j'entends, ce n'est pas l'objet de ce texte.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Quelle hypocrisie !

M. Antoine Lefèvre.  - Le mariage homosexuel, c'est, automatiquement, le droit d'adopter. Nous ne pouvons vous suivre. L'union civile aurait donné aux homosexuels de nouveaux droits, mais sans la filiation. Le mariage n'est pas un simple certificat de reconnaissance d'un amour : l'institution emporte filiation et présomption de paternité. Ne nous y trompons pas, l'enfant est au coeur de nos débats. Pour se construire, il a besoin d'une généalogie claire. Or un couple hétérosexuel et un couple homosexuel ne sont pas dans une situation comparable, le mariage ne peut produire les mêmes effets pour l'un et pour l'autre. Il est dangereux de laisser croire que la famille est une création d'ordre social et non d'ordre biologique.

Je veux citer le témoignage d'un jeune homosexuel, qui vit en couple depuis sept ans : il dénonce ce projet comme étant le fruit de pressions d'une infime minorité, de gens qui se sont autoproclamés représentants de la communauté gay.

De quel droit la loi peut-elle priver un enfant de père ou de mère ? Qui peut croire que les couples homosexuels auront recours à l'adoption, quand il y a si peu d'enfants adoptables ? Voter ce texte, c'est ouvrir inévitablement la PMA aux homosexuels et autoriser la GPA. Vous sentez-vous le droit d'engager la société française dans cette direction ?

On n'est pas loin, ici, de la théorie de genre, qui nie toute spécificité des sexes. Dire qu'un couple hétérosexuel est différent d'un couple homosexuel, ce n'est pas de l'homophobie ; les homosexuels se sont suffisamment battus pour le droit à la différence...

Les inquiétudes sont fortes, aggravées par les tergiversations du Gouvernement sur le futur texte relatif à la famille. La PMA n'existe qu'à l'étranger, dit M. Sueur. Je peux citer cependant une clinique américaine dite « de la fertilité » qui démarche à Paris de potentiels clients pour don d'ovocyte, gestation pour autrui, test génétique de dépistage sur embryon, toutes pratiques pourtant interdites en droit français.

Je voterai avec conviction les amendements de suppression. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Vial.  - Le débat est sérieux, il faut le poursuivre dans la sérénité, ainsi que nous y a invités le président. Les propos du président Sueur sur l'évolution de la langue me préoccupent.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est la vérité.

M. Jean-Pierre Vial.  - Car aussitôt, le rapporteur nous a dit que l'on se ferait au mariage pour tous comme on s'est fait au Pacs. Notre pays est en crise, la confiance dans la classe politique est ébranlée. On ne la rétablira pas en cachant que d'autres évolutions sont à venir si l'on adopte ce texte.

Le président de la République, devant le Congrès des maires, a évoqué dans un premier temps la clause de conscience pour les maires. Outre qu'on peut s'étonner que le chef de l'État accepte que les premiers magistrats des communes fassent défaut à la loi, c'est bien qu'il existe un problème majeur. Je pose donc la question au Gouvernement, la même qu'a posée Mme Benbassa à Mme Taubira lors de son audition : à quand la concertation sur la famille, la loi qui en découlera et le débat sur la PMA et la GPA ? On ment à la nation : vous devez répondre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je voterai les amendements de suppression. La sémantique, monsieur le président Sueur ? Oui, le sens des mots évolue au fil des usages et il n'appartient pas au Parlement de transformer leur sens. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le Parlement est un acteur de la société...

M. Jean-Pierre Leleux.  - Une majorité politique ne peut appeler mariage ce qui ne l'est pas, ne peut pas l'être et ne le sera jamais. Le recours aux citations ne vous agrée pas, je l'ai compris : j'avais pourtant choisi Camus et Portalis... Je poursuis cependant, avec Mme Guigou, qui disait que le mariage est l'institutionnalisation de la différence des sexes. Et Ibn'Arabî, grand poète mystique de l'Islam, à qui l'on demandait quel serait son voeu le plus cher, répondait, au XIIe siècle : que l'on restitue leur sens aux mots. Nous ne disons pas autre chose. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - C'est vous qui détournez le sens des mots !

M. Adourahamane Soihili.  - Avec le mariage pour tous, vous avez trouvé un slogan. Et semé beaucoup de confusion. Le mariage, ce n'est pas seulement l'union d'un homme et d'une femme dans notre code civil ; il implique la présomption de paternité et l'adoption. Résultat, on en viendra inévitablement à la PMA, au nom du principe d'égalité. Que vous ne le disiez pas clairement scandalise beaucoup de Français. Il sera facile à un couple de femmes de réclamer le droit à la PMA en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité. Et la prochaine étape, ce sera, mécaniquement, l'accès à la GPA pour les couples d'hommes, qui s'appuieront sur le fait que la PMA est ouverte aux couples de femmes.

Nous ne cherchons pas à faire peur. (Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis, en doute) Notre souci est de montrer que ce texte n'est que la face émergée de l'iceberg. Nous évoluons dans un cadre européen et nos lois sont soumises au contrôle de constitutionnalité : on sait ce qu'il en sera. Je ne peux accepter l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Darniche.  - J'ai entendu tout à l'heure le président Sueur nous inciter à nous en tenir au texte et rien qu'au texte. Qu'il me pardonne : ce n'est pas honnête. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, le conteste) J'ai assisté à de nombreuses auditions : tous ceux qui sont favorables à ce texte ont indiqué leur souhait d'aller vers la PMA et la GPA.

Nous savons que le Gouvernement a demandé aux sénateurs qui étaient favorables à la légalisation de ces pratiques de reporter leurs amendements au texte à venir sur la famille. Nous ne sommes pas homophobes mais nous n'acceptons pas qu'on utilise des arguments spécieux pour essayer de retrouver une majorité dans les sondages. Ne trompons pas les Français en leur cachant la moitié de la réalité car s'ils se déclarent pour le mariage pour tous, ils sont aussi contre la PMA et la GPA.

Dans nos départements, combien de personnes témoignent devant nous de leur obsession de leurs origines ? Ce texte va augmenter le nombre d'enfants qui, devenus adultes, en seront la proie et souffriront inévitablement. Du reste, Mme Roudinesco l'a reconnu, ajoutant que l'on pouvait parfois créer des situations douloureuses pour certains afin d'obtenir des avancées pour le plus grand nombre. On ne peut brader ainsi les enfants et leur bonheur. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Détraigne.  - S'en tenir au texte ? Mais il va bientôt être question de l'adoption ; on en viendra inévitablement à la PMA et à la GPA. Comment empêchera-t-on ces couples de recourir à ces techniques dans des pays où elles sont légales ? Il faudra bien, ensuite, régulariser la situation de ces enfants. Le seul argument par lequel vous justifiez ce projet de loi, c'est le principe d'égalité. En son nom, si deux femmes peuvent accéder à une PMA, un couple d'hommes réclamera le recours à la GMA. C'est inévitable.

On ne nous dit pas tout. Voilà pourquoi, au nom du principe de précaution (murmures à gauche), nous ne pourrons adopter ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. René-Paul Savary.  - Le Conseil constitutionnel a été saisi, en novembre 2012, par la Cour de cassation, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par deux citoyennes du département de la Marne sur le dernier alinéa de l'article 75 du code civil et l'article 144 du même code. La Cour a rappelé à cette occasion qu'aux termes de la loi, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Le Conseil a jugé que le droit de mener une vie familiale normale n'est pas méconnu par l'interdiction du mariage aux couples de même sexe, par conséquent conforme au principe d'égalité. CQFD : vous ne pouvez invoquer le principe d'égalité.

A contrario, le texte ne protège pas les enfants adoptables de la même façon ; il crée une nouvelle inégalité entre enfants de couples homosexuels et enfants de couples hétérosexuels. L'union civile répondait au besoin de reconnaissance et aux préoccupations sociales et fiscales des couples homosexuels, sans diviser les Français. Je soutiendrai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Garrec.  - Puis-je ajouter un mot ? (Marques d'impatience à gauche)

M. David Assouline.  - Que ce soit celui de la fin !

M. le président.  - Vous avez la parole, monsieur Garrec.

M. René Garrec.  - (Applaudissements à droite) Je suis gêné par la conception de l'évolution des mots de M. Sueur. Le mot n'est pas le fait. A ce compte, la formule tua res tibi habetur, qui s'applique au partage des biens dans le divorce, pourrait aujourd'hui se résumer en un « sors d'ici aves tes affaires », sinon un « fous-moi le camp avec tes frusques » ! (Sourires) Tenons-nous en donc aux faits. (Applaudissements sur les bancs UMP)

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos5 rectifié bis et 170 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 158
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 1 à 10

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Je présenterai les amendements nos9 rectifié bis et 10 rectifié bis pour faire gagner un peu de temps à notre assemblée.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.  - Très bien.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Ce sont des amendements de suppression (« Ah ! » à gauche) des alinéas 1 à 10 et, surtout, des alinéas 2 et 3, qui consacrent le mariage des couples de même sexe. Les autres en tirent les conséquences. Autrement dit, nous sommes pour l'union civile, contre le mariage pour tous ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°106 rectifié, présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. 143. - Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, reposant sur leur engagement public, volontaire et solennel pris devant la société.

« La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi.

« Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l'alliance et fonde la parenté, offrant à l'enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle.

« Cette nature particulière du mariage fonde l'existence de règles régissant impérativement ses conditions, ses effets et sa dissolution. » ;

M. Bruno Retailleau.  - Une nouvelle fois, madame la ministre, confirmez-vous les propos de Mme Vallaud-Belkacem en faveur de la PMA et de la GPA ?

J'apprécie la clarté de la position du rapporteur, celle du président de la commission est plus oblique.

La PMA est consubstantielle à ce texte en raison du principe d'égalité. Je vous renvoie à l'arrêt Dubois de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 13 mars 2002. Vous ne pouvez pas vouloir les causes sans avoir les conséquences. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°134 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Quand un fleuve sort de son lit, il faut l'y ramener. Redonnons au mariage son sens. Le dictionnaire de la langue française le définit comme l'union d'un homme et d'une femme consacrée par des règles et des institutions. Sans vouloir faire concurrence aux éminents spécialistes que sont MM. Hyest et Gélard, je rappelle que le français est la langue de notre République. Voilà un nouvel argument confirmant l'inconstitutionnalité de ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°157 rectifié, présenté par MM. Bécot et G. Bailly, Mme Mélot et MM. Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.

M. Michel Bécot.  - La famille est une micro-société qui joue un rôle d'amortisseur social en période de crise. Le mariage n'est pas la reconnaissance d'un amour, il consacre une alliance horizontale entre les parents et une alliance verticale entre les parents et l'enfant. L'enfant a besoin de connaître sa place au sein des générations et il aura toujours besoin de cette généalogie en double lignée.

L'amendement n°188 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°193, présenté par MM. Revet et Darniche.

M. Charles Revet.  - Cet amendement rappelle le sens du mot mariage.

En audition, un intervenant a eu raison de dire que le mariage était un mot signifiant. Soit, a dit le président Sueur, mais le sens des mots évolue. Je regrette mais le mariage unit un homme et une femme en vue de la procréation. Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais avoir d'enfants ! Cette définition est d'ailleurs inscrite dans des textes européens et internationaux. Qu'arrivera-t-il si nous la modifions par ce texte ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°240, présenté par Mme Duchêne.

Mme Marie-Annick Duchêne.  - La filiation se fonde sur la différence des sexes. Il ne paraissait pas utile de le préciser lors de la rédaction du code civil en 1804. En 2013, il en est encore pour penser que l'union de l'homme et de la femme est le seul moyen de perpétuer l'espèce, pour citer Portalis.

M. Gélard vous a proposé la solution de l'union civile et de l'adoption simple pour les couples homosexuels. Malheureusement, vous l'avez refusée. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 143. - Le mariage est contracté par un homme et une femme. »

M. Patrice Gélard.  - Cet amendement est strictement identique à celui que nous avions présenté il y a quatorze ans pour le Pacs. Nous l'avions alors retiré, la garde des sceaux nous ayant assuré que cela n'était pas nécessaire puisque cela allait de soi depuis 1804. Nous devons aujourd'hui mettre les points sur les i. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°107 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Savary, de Raincourt, G. Larcher et Mayet.

M. Bruno Retailleau.  - La définition du mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Tout se tient derrière ce cadre : l'adoption, la filiation et la présomption de paternité. Cette définition vaut pour la France comme pour toutes les cultures et toutes les civilisations. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°136 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Cet amendement est d'une simplicité biblique. Placer couples homosexuels et hétérosexuels sur le même pied est discriminatoire car les uns ne sont pas procréatifs contrairement aux autres. Oui à l'union civile, non à l'extension du mariage aux couples homosexuels.

M. le président.  - Amendement identique n°158 rectifié, présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel et P. Leroy, Mme Mélot et M. Pointereau.

M. Michel Bécot.  - Cet amendement socle nous fait redécouvrir les bases de notre humanité en rappelant que l'altérité sexuelle fonde le mariage. Les couples homosexuels ne peuvent pas avoir d'enfants, et je ne reviens pas sur la distinction anthropologique entre l'homme et la femme. Nos concitoyens sont inquiets. Pourquoi refusez-vous de les écouter au nom d'une prétendue égalité ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

L'amendement n°189 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°194, présenté par MM. Revet et Darniche.

M. Charles Revet.  - Nous sommes constants car ancrés dans la réalité des choses. Posez la question à nos concitoyens, ils vous diront que le mariage unit l'homme à la femme. Alors, un peu de réalisme ! A force de le répéter, peut-être accepterez-vous de nous entendre.

M. le président.  - Amendement identique n°241, présenté par Mme Duchêne.

Mme Marie-Annick Duchêne.  - Ce projet de loi remet en question l'équilibre de l'institution du mariage, et donc de notre organisation sociale, sans en mesurer les conséquences. La distinction des sexes dans le mariage est conforme à notre Constitution. Traiter différemment des situations différentes, cela n'est pas commettre une discrimination. Le rôle de la loi n'est pas de courir après les évolutions de la société, il est d'offrir un cadre complet et cohérent. Ce n'est pas le cas de ce texte.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis.  - Si !

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 3

Après les mots :

de sexe différent

supprimer les mots :

ou de même sexe

M. Patrice Gélard.  - Je défendrai en même temps l'amendement n°12 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Ces deux amendements, dans le même esprit que les précédents, reviennent sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.

L'amendement n°12 rectifié bis concerne l'âge légal du mariage : 18 ans en France, l'âge nubile disent les conventions internationales, lequel âge varie selon les pays, preuve que la loi nationale peut adapter la convention internationale.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ces quinze amendements, dont deux n'ont pas été soutenus, ont reçu un avis défavorable pour une simple raison. M. Gélard ainsi qu'un certain nombre de ses collègues ont déposé des amendements de suppression sur chaque alinéa, après avoir échoué à abroger l'article que la commission des lois a adopté et qu'ils refusent ou reviennent à une définition du mariage comme union de deux sexes.

A propos du sens des mots, je veux vous rassurer. Ce matin, Le Figaro...

M. Charles Revet.  - Une bonne lecture !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - ...signalait que la maison Larousse changerait la définition du mot mariage pour tenir compte de la volonté du législateur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.  - J'ajoute que le secrétaire général de l'Académie française s'est également dit prêt à faire de même, parce que « le sens des mots n'est pas figé ».

Le projet de loi étend le mariage aux personnes de même sexe, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes interdits ; le reste n'est que supputations et fantasmes.

« Les lois sont faites pour les moeurs et les moeurs varient » disait Napoléon, l'auteur du code civil. (Exclamations à droite)

Le sociologue François de Singly, quant à lui, soulignait l'intérêt du flou dans la définition de la famille, soulignant que son universalité tient justement à son absence de définition. Vous qui êtes si attachés à l'augmentation du nombre des familles, comprenez qu'avec cette définition, leur nombre augmentera : n'ayez pas peur de l'avenir !

L'avis est défavorable à tous les amendements.

M. Jean-François Humbert.  - La différence des sexes est inscrite au coeur de toutes nos lois. (Brouhaha à gauche) Si je vous dérange, dites-le !

Le droit ne peut l'abolir. Il est impossible aux couples de même sexe de procréer. Tout au moins, il aurait fallu un grand débat, comme le préconisait l'Académie des sciences morales et politiques dans son avis. (Applaudissements prolongés sur les bancs UMP)

M. André Reichardt.  - Vu le sort fait à nos amendements précédents, nous ne doutons pas du vote qui interviendra bientôt. Le Gouvernement va jouer à l'apprenti sorcier en parentalisant -pardonnez-moi ce néologisme mais il semble que l'on ne soit pas à un près- les homosexuels qui ne peuvent procréer. Vous nous aviez promis le redressement productif en y consacrant un ministère et la croissance en modifiant une ligne du pacte européen (« hors sujet !» à gauche) ; au lieu de cela, vous diluez l'institution du mariage en niant la différence anthropologique de l'homme et de la femme. Une fois de plus, nous vous demandons des éclaircissements sur la GPA et la PMA, qui viendront bientôt au nom de la sacro-sainte égalité. Au moins, organisons le grand débat voulu par l'Académie des sciences morales et politiques sur ce texte qui impose une révision de la Constitution.

Depuis 1946, l'altérité sexuelle est un des principes fondateurs de l'institution du mariage. D'autres textes, avant cette date, la consacraient. Puisque vous refusez l'union civile, nous sommes contraints de soutenir l'amendement n°9 rectifié bis. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Bas.  - Pourquoi rappeler que le mariage est réservé à l'homme et à la femme quand le Conseil constitutionnel l'a confirmé il y a deux ans ?

Cela allait de soi pour les auteurs du code civil, ce n'est plus le cas. Levons donc toute ambiguïté.

Pour le reste, il faut maintenir le code civil dans l'intérêt supérieur de l'enfant (M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, s'impatiente) car ce texte légalise, de fait, les enfants issus d'une PMA à l'étranger, puisque l'épouse d'une femme qui y aura eu recours pourra adopter l'enfant. La ministre peut-elle nous répondre ?

M. François Rebsamen.  - Elle ne fait que ça !

M. Philippe Bas.  - Pour Mme  Vallaud-Belkacem, ce texte est une première étape avant l'autorisation de la PMA et de la GPA. Est-elle vraiment la porte-parole du Gouvernement ? On nous reproche de trop parler ; j'aimerais, moi, entendre davantage la ministre.

M. Dominique de Legge.  - Puisque vous ne pouvez pas changer la réalité, vous voulez changer le sens des mots. Au lieu de nous répondre sur la PMA et la GPA, Mme Bertinotti nous a abreuvés de citations tirées des fiches préparées par ses collaborateurs.

M. David Assouline.  - C'est élégant !

M. Dominique de Legge.  - Puisque le Gouvernement refuse le référendum, qu'il parle clairement dans l'hémicycle. Oui ou non, le texte ouvre-t-il la PMA aux couples homosexuels ? Légalise-t-il la GPA ? Quels engagements pouvez-vous prendre ? J'attends une réponse claire et sans ambiguïté ! (Applaudissements nourris à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je veux enfoncer encore le clou, c'est nécessaire. (Exclamations à gauche) Le président de la République avait affirmé qu'il n'était pas question de soumettre au Parlement la question de la PMA et de la GPA. Il s'agissait alors de rassurer, et beaucoup vous ont cru. Je constate que le président et le rapporteur de la commission des lois ont des positions différentes. Le rapporteur nous dit « oui, bien sûr » et le président Sueur nous dit « pas du tout ».

Mme Jacqueline Gourault.  - Et alors ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - On comprend bien que ces questions viendront en débat et l'on connaît les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem. (« Encore ! ») Quelles sont, encore une fois, les intentions du Gouvernement ? On ne peut pas rester dans l'ambiguïté sur un tel sujet. Cela s'appelle mentir, et j'utilise le mot avec circonspection en ces temps troubles, par omission. Qui est Pinocchio sur les bancs de la majorité ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Cécile Cukierman.  - Un nez n'a poussé à personne durant la nuit !

Mme Éliane Assassi.  - Cela vole haut !

M. Gérard Cornu.  - Quand on pose une question, la ministre nous répond par une citation. On en a assez des citations, on aimerait un peu plus de franchise. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Vous faites un contresens historique sur le mariage. Celui-ci institutionnalise un cadre familial équilibré, en s'assurant de la présence d'un père. Pour les couples hétérosexuels, il n'y a jamais eu de « droit à l'enfant » : ce couple domine la vie, et la société organise. Pas plus qu'il n'y a de droit à l'adoption, ou de droit à la PMA, laquelle n'est acceptable qu'en cas de stérilité d'un couple hétérosexuel.

C'est l'enfant qui doit être au coeur de nos préoccupations, son bien-être, son avenir. Les milliers de familles qui descendent dans la rue et n'ont pas l'habitude de manifester le savent, elles ne comprennent pas votre entêtement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Christophe Béchu.  - Je n'oublie pas les propos qu'a tenus la porte-parole du Gouvernement. (On s'impatiente à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Ah ! L'obstruction.

M. Christophe Béchu.  - Quoi qu'il en soit, et demandez-le au rapporteur et au président de la commission des lois, l'adoption de ce texte nous conduira vers la PMA et la GPA. Que le comité d'éthique le veuille ou non, la Cour européenne des droits de l'Homme sera saisie et elle considérera inévitablement, en vertu de sa jurisprudence et au nom du principe d'égalité, que la PMA doit être ouverte aux couples de femmes. Moyennant quoi, des couples d'hommes seront en mesure de demander à la Cour, au nom du même principe d'égalité, l'accès à la GPA. Je demande la parité au sein de la famille. Voilà pourquoi je voterai ces amendements.

M. Bruno Retailleau.  - Rappel au Règlement, monsieur le président, et qui vous est adressé. Nous savons que vous avez à coeur de soutenir le travail du Parlement face au Gouvernement. J'ai soulevé, vendredi soir, la question de la PMA. (Vives exclamations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Bruno Retailleau.  - Il faut que les Français sachent tout ! La majorité s'apprête à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance !

M. Claude Bérit-Débat.  - Inutile d'élever la voix.

M. Bruno Retailleau.  - Je vous demande, monsieur le président, de prier Mme Vallaud-Belkacem de venir s'expliquer devant nous. La démocratie a tout à y gagner. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°9 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 158
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Colette Guidicelli.  - L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe n'a aucune justification sur le terrain de l'égalité. Le Conseil constitutionnel rappelle que des situations distinctes justifient des réponses distinctes. Voyez le Pacs.

Ce texte va créer, au contraire, des inégalités en distinguant un mariage homosexuel, où la filiation tiendra du virtuel. Sans parler de la PMA, que vous mettez sous le boisseau. L'adoption ne sera quasiment pas possible pour les couples homosexuels. Fonder le mariage sur le seul sentiment, c'est rabaisser l'institution et ouvrir la voie à des revendications fantaisistes ! Une Américaine s'est mariée avec la Tour Eiffel ; un autre avec lui-même. On a vu des mariages à trois au Brésil, et pourquoi pas des mariages avec des animaux, comme en Australie ! (Vives exclamations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Il y a des comparaisons qu'on ne fait pas.

Mme Colette Giudicelli.  - Cela vous dérange ?

A gauche.  - Oui !

Mme Colette Giudicelli.  - Je suis heureuse que cela vous choque. Notre ordre juridique interne a fait, depuis 1804, de l'altérité dans le mariage un fondement de notre droit. Nous voterons l'amendement n°10 rectifié bis.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Cette question aurait mérité un vrai débat national. Que de messages nous avons reçus ! Les Français sont véritablement concernés. L'enfant était sujet de droit, vous en faites un objet du droit. L'enfant adopté a besoin de stabilité et vous allez lui créer des difficultés supplémentaires. Jamais je ne me permettrai, et je le dis la main sur le coeur, de juger l'homosexualité : tout être humain a droit au bonheur. Mais l'enfant y a droit aussi. Il a le droit de vivre dans le cadre stable et harmonieux d'une famille traditionnelle, dans une société où les droits de l'Homme sont intangibles. (Applaudissements sur les bancs UMP)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°10 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos106 rectifié, 134 rectifié, 157 rectifié, 193 et 240 sont mix aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°83 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Rappel au Règlement. On a reproché à notre groupe et au groupe centriste de prendre trop souvent la parole, et de faire traîner les débats. Ce n'était pas notre but. (Exclamations à gauche) Mais voilà que nous perdons beaucoup de temps en scrutins publics. Vous les demandez parce que vous n'êtes pas assez nombreux sur les bancs de la majorité. Et surtout pour contraindre les membres de votre groupe à s'aligner. Dans notre groupe, au contraire, la liberté de vote est respectée.

Je ne doute pas que vous avez tenté de joindre Mme Vallaud-Belkacem pour que nous puissions l'entendre. J'ai regardé son agenda : elle n'est pas loin du Sénat, elle pourrait être ici dans trois quarts d'heure. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

M. François Rebsamen.  - Les élus de gauche ici rassemblés vous écoutent depuis plusieurs jours avec calme, sans vous interrompre. Si les scrutins publics vous dérangent, il ne tient qu'à vous d'y remédier : il suffirait que certains d'entre vous aillent rejoindre leurs collègues qui sont en commission, et qui travaillent. (Exclamations et rires à droite)

Votre demande d'audition de Mme Vallaud-Belkacem n'a pas lieu d'être. Deux ministres sont ici pour répondre à vos interrogations, et elles le font dans le plus grand respect. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos107 rectifié, 136 rectifié, 158 rectifié, 194 et 241 sont mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 135
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°11 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 137
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°12 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

M. François-Noël Buffet.  - Je demande une suspension de séance de quinze minutes.

M. le président.  - Je vous accorde dix minutes.

La séance, suspendue à 17 h 30, reprend à 17 h 43.

M. le président.  - Amendement n°97 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 161 est ainsi rédigé :

« Art. 161. - En ligne directe, le mariage entre personnes de sexe différent est prohibé entre tous les ascendants et descendants, et les alliés de la même ligne. » ;

M. Patrice Gélard.  - Je vais vous faire plaisir ! (« Ah ! » à gauche) Cet amendement n'a plus de raison d'être puisque le mariage pour tous est en passe d'être adopté : mieux vaut s'en tenir à la rédaction actuelle du code civil.

L'amendement n°97 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 11 à 16

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Mes trois amendements nos13 rectifié bis, 14 rectifié bis et 15 rectifié bis sont complémentaires ; ils concernent le chapitre nouveau du code civil sur les règles de conflit de lois. J'ai souvenir de mon premier cours de droit international privé à la faculté de Paris. On y évoquait l'exemple d'un mariage entre une Française et un Grec et l'on nous expliquait qu'un tel mariage n'était pas transposable en droit français car le droit grec ne reconnaissait que le mariage religieux.

Avec ce chapitre nouveau, on annonce par avance que l'on s'exonèrera du pacta sunt servanda et que la loi française l'emportera sur toutes les autres en contravention des traités internationaux. Cela est contraire à l'article 55 de la Constitution. Mme la garde des sceaux a raison, il faudra trouver des arrangements, mais il est des choses que l'on ne peut inscrire dans la loi.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Patrice Gélard.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°204 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton.

Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, deux personnes du même sexe peuvent contracter mariage lorsque la loi personnelle de l'une d'elles le permet ou que toutes deux ont leur domicile ou leur résidence sur le territoire d'un État dont la loi le permet.

M. Alain Milon.  - Cet amendement de réécriture offre plus de sécurité juridique.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

M. Patrice Gélard.  - Il est défendu.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous sommes hostiles au démembrement de l'article premier comme nous l'étions à sa suppression. Quant à l'amendement n°204 rectifié, il est plus restrictif que le texte actuel.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Vous entendez le droit, monsieur Gélard... Il existe une jurisprudence sur les dérogations à la loi personnelle. En dehors des douze pays avec lesquels nous avons des conventions bilatérales qui précisent expressément qu'il n'y a pas de telles dérogations, encore y a-t-il en l'espèce une jurisprudence, il n'y a pas de risque. Nous ne serons en contradiction avec aucun de nos partenaires. Rejet.

L'amendement n°204 rectifié introduit une discrimination que je ne peux accepter : la condition de résidence imposée aux deux époux, et non plus à l'un d'entre eux, serait réservée aux couples de même sexe.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le texte de l'Assemblée nationale est très différent du projet initial du Gouvernement. Vous nous dites en substance : on procède au mariage et on verra bien... Conventions internationales ou pas, vous aurez des difficultés, certains mariages ne seront pas reconnus par l'autre État. Des personnes croiront être mariées alors qu'elles ne le seront pas. Vous ne me répondrez pas, peu importe ! En tout cas, ce n'est pas par volonté de démembrer l'article que nous avons proposé ces amendements.

M. Philippe Bas.  - Parfaitement, ces amendements ne sont nullement tactiques. Si vous laissez adopter cette disposition, vous faites prendre des risques aux couples mariés dont l'un des membres n'a pas le droit de se marier dans son pays d'origine : le mariage sera nul dans celui-ci pour des raisons d'ordre public international. Sans compter qu'il y aurait discrimination. L'interdiction du mariage de personnes de même sexe existe dans nombre de législations, mais il y a beaucoup d'autres obstacles au mariage ici ou là. Pourquoi viser les seuls obstacles au mariage homosexuel ? Il faut résoudre les difficultés pour tous les couples. D'où mon soutien aux amendements de M. Gélard. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Marini.  - Je suis surpris de la rigidité, de l'esprit de doctrine qu'on nous oppose sur ces amendements... (Rires à gauche). Le Gouvernement serait bien inspiré d'entendre les avertissements de nos éminents collègues de la commission des lois. Cela renforcerait votre texte. A défaut, vous prenez le risque de plonger ces personnes dans un état de cruelle illusion. Je voterai les trois amendements du doyen Gélard. Si par malheur ils n'étaient pas adoptés, je vois des causes sérieuses de questionnement sur le plan constitutionnel...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Un mot à M. Marini, qui s'y entend en rigidité (exclamations à droite) : vous savez que ce chapitre était nécessaire, sans quoi nous n'aurions pas pu célébrer en France un mariage interdit dans le pays d'origine d'un des deux époux.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Rappel au Règlement. Jusque-là, le débat s'est déroulé comme nous l'avions imaginé. Vous n'entendez aucune de nos suggestions, aucun de nos amendements, alors qu'avec l'union civile, nous avions ouvert la voie à une solution acceptable -vous avez même reconnu que la droite et le centre républicains avaient évolué.

Mais voilà à présent une journée entière que plusieurs de mes éminents collègues interpellent le Gouvernement sur les déclarations de son porte-parole à propos de la PMA, sans obtenir de réponse. Cela va contre tous les usages de notre assemblée. Vous aimeriez que nous quittions l'hémicycle ? Si nous partions, nous reviendrions... Mme Vallaud-Belkacem n'est pas à Tombouctou, que diable ! Qu'elle vienne ! (Applaudissements à droite)

M. Michel Vergoz.  - Vous êtes polémiques ! (Rires et moqueries à droite)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Oui, monsieur Hyest, il y a une différence entre le texte initial et celui de l'Assemblée nationale. Mais que les conventions internationales soient mentionnées ou non, elles s'imposent. Cette différence ne fragilise pas le texte.

Monsieur Gélard, il existe déjà des mariages valables dans un pays et pas dans un autre. En Grèce, mais aussi dans les pays scandinaves, les mariages sont célébrés par les autorités religieuses ; pour peu que la célébration ait lieu par délégation des autorités civiles, le mariage religieux produit des effets d'ordre public. Nous approfondirons cette question dans les articles à venir.

Monsieur le ministre Gaudin, votre groupe réclame de façon récurrente, itérative la présence de Mme Vallaud-Belkacem pour une sorte d'audition publique dans l'hémicycle. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai, comme l'a relevé M. Rebsamen, que le Gouvernement est représenté.

Mme Catherine Troendle.  - Alors qu'il réponde !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Quelle impatience ! A l'Assemblée nationale, l'opposition a réclamé d'autres ministres durant des jours et des nuits, un comportement discourtois à l'encontre de ceux qui étaient présents mais surtout aux règles de notre République. Nous vous écoutons depuis des heures, et vous ne pouvez m'écouter quelques minutes ! (Vifs applaudissements à gauche) Je vais vous répondre... (« Ah ! » à droite)

M. Jean-Claude Gaudin.  - Mon intervention aura au moins servi à ça !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Qu'elle serve au moins à ce qu'on n'y revienne pas...

M'autorisez-vous à prendre quatre minutes pour vous raconter une histoire ? (« Oui ! » à gauche) J'ai fait ma scolarité à Cayenne, que j'ai dû quitter pour entreprendre des études universitaires à Paris ; j'y ai découvert le bonheur des librairies et de la littérature. J'avais déjà découvert l'amour au lycée... (Sourires) A l'époque, il n'y avait qu'un vol par semaine, les coups de téléphone étaient rares... J'avais parfois un peu de mélancolie... Alors j'ai cherché ce fromage gruyère de mon enfance qui picote et je ne l'ai pas trouvé... avant de me rendre compte que s'il picotait à Cayenne, c'est qu'il y arrivait après deux mois de voyage en bateau. C'est ce qui vous arrive avec les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem ! (Rires et applaudissements à gauche) Depuis des jours, vous demandez que nous nous prononcions séance tenante sur des propos vieux de trois mois... C'est votre fromage gruyère !

Le texte en discussion a un périmètre précis, l'ouverture à droit constant du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe. La commission des lois n'a pas modifié ce périmètre. Patientez, au moins un amendement traite de la PMA. Vous vouliez un débat sur le débat mais le débat a lieu tous les jours, dans les journaux, dans des réunions publiques, y compris dans celles que vous suscitez. Des parlementaires reçoivent des menaces, dans vos rangs aussi. Maintenant, vous réclamez un débat avant le débat... Il n'est question ici que de mariage et d'adoption ; le jour où la PMA viendra en débat, vous en débattrez ! (Vifs applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°14 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 166
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°204 rectifié est mix aux voix par scrutin public. (Marques d'agacement à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 20
Contre 302

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°15 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 159
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article premier.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Cet article est le socle de ce texte : nous serons quelques-uns à intervenir.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est un euphémisme !

M. Jean-Claude Lenoir.  - On réécrit sans cesse l'histoire. On le fait aujourd'hui pour la colonisation, l'esclavage, la première guerre mondiale et ici, pour le mariage qui aurait instauré la domination masculine. (Brouhaha à gauche) Les mots du rapporteur m'ont choqué.

M. Alain Gournac.  - Moi aussi !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les familles d'il y a un siècle n'ont pas failli à leurs responsabilités. Je pense à mes parents, à mes grands-parents, ils avaient le souci de l'éducation de leurs enfants plus que ceux auxquels vous ouvrez le mariage. (On le conteste à gauche)

Ils ont transmis à leurs enfants des valeurs si bien que cette génération s'est dressée contre l'ennemi et a résisté. (« Oh la la ! » à gauche)

J'espère que les générations issues de ces nouveaux mariages seront à la hauteur. Le mariage a évolué mais le critère de l'altérité sexuelle est resté invariable : la procréation, c'est la famille ; et la famille, c'est le mariage. Ce que vous proposez aura de lourdes conséquences : la parentalité en lieu et place des parents ; la transformation en profondeur de la filiation qui passe d'une vraisemblance biologique à une illusion juridique ; le passage de l'enfant sujet à l'enfant objet de droit ; l'ouverture à la PMA et à la GPA sont un bouleversement anthropologique dans notre droit.

Mme Vallaud-Belkacem, nous dit-on, ne s'est plus exprimée depuis trois mois. Mais en s'exprimant, comme porte-parole, elle a engagé le Gouvernement et la majorité. Nous ne cesserons de dénoncer vos projets. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Esther Sittler.  - Le texte, en ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ouvre à l'adoption. Pour vous, le mariage semble une institution désuète, qu'il faut casser. Mais alors, pourquoi avoir repoussé l'union civile ? La famille a évolué, nous devons en tenir compte : les couples de même sexe doivent pouvoir organiser leur vie commune, mais ils n'ont pas besoin de mariage. Vous nous trompez en brandissant l'argument de l'égalité. Je vous oppose ce qu'ont dit 170 professeurs de droit.

Il n'y a pas de vide juridique à combler, contrairement à ce que vous prétendrez. Notre droit organise la question de la garde ; un tuteur peut être désigné dans les successions : la femme qui élève un enfant avec une autre femme peut désigner celle-ci comme tuteur.

Votre texte, mal ficelé, nuit à l'intérêt de l'enfant : je ne voterai ni cet article ni votre texte.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je respecte pleinement les choix de vie de chacun mais le législateur doit rechercher l'intérêt de la société tout entière. Le sujet est trop délicat pour être traité à la va-vite et de façon moralisante. Je regrette que le débat préalable n'ait pas eu lieu. Des élus ont réclamé des états généraux sur la famille et le mariage, on le leur a refusé. Il est clair que viendra bientôt un texte sur la filiation, et les propos que j'ai entendus n'ont rien pour me rassurer. Les couples homosexuels ont le droit de fonder une famille, a dit la ministre.

M. Sueur nous a confié qu'il ne savait pas comment il se prononcerait ultérieurement sur la GPA. Ce texte prépare des évolutions plus profondes que ce que l'on veut nous faire croire. Pourquoi avoir repoussé l'union civile qui assurait l'égalité ? Beaucoup de Français trouvent légitimes les revendications des couples homosexuels, tout en tenant à l'institution du mariage, union d'un homme et d'une femme en vue de la procréation.

Parce qu'il n'y a que très peu d'enfants adoptables, on va ouvrir la voie à la PMA et à la GPA, comme cela s'est passé dans d'autres pays européens.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Il n'y a pas, madame la ministre, un « droit à l'enfant », à moins de confondre droit et désir. L'enfant est un sujet, pas un objet de convoitise. (« Très bien » à droite)

M. le président.  - Madame, s'il vous plaît...

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Les pratiques de procréation organiseront la marchandisation du corps humain et de l'enfant. Et quid de la généalogie ? Elle sera symbolique, nous dit-on. Oui, votre pluri-parentalité, ce sera une schizo-parentalité imposée.

M. le président.  - Je dois vous retirer la parole.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Nous entendons préserver les droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Détraigne.  - C'est sur le coeur même du projet que nous sommes appelés à nous prononcer car cet article premier entraîne tout le reste. La messe serait dite parce que les Français, en élisant François Hollande, auraient tranché. Non ! Nous n'avons pas reçu réponse à nos questions. Les sénateurs du groupe centriste avaient proposé l'alternative de l'union civile, à quoi le rapporteur nous a répliqué qu'il ne fallait pas remettre en cause l'économie générale du projet ! A quoi le Sénat sert-il donc ?

Nous reconnaissons tous la souffrance que provoquent les discriminations. Mais pourquoi remettre si profondément en question l'institution du mariage, fondée sur l'altérité en vue de la filiation ?

Cet article premier est un cheval de Troie. Son but est d'accorder un droit à la filiation. Or le droit à l'adoption restera, on le sait, largement fictif : si l'on n'en vient pas à la PMA et à la GPA, ce texte sera une machine à fabriquer de la frustration. Je voterai contre, comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC.

Mme Cécile Cukierman.  - On a beaucoup cité le code civil et Portalis. Souvenez-vous que le code distinguait enfants légitimes et illégitimes ; souvenez-vous qu'il donnait tout pouvoir au chef de famille, l'homme. Le législateur a su le faire évoluer. Vous avez évoqué Jaurès, les Lumières, Thorez, et même Aragon -qui a souffert toute sa vie qu'on l'ait fait passer pour le frère de sa mère parce qu'il était un bâtard.

Pour moi, je citerai Gaston Bachelard qui démontre, dans toute son oeuvre, qu'il n'y a pas de vérité absolue et qu'il faut un peu de dialectique -on en manque ici- pour avancer. « Rien ne va de soi, rien n'est donné, tout est construit », a-t-il écrit.

On a beaucoup entendu parler des enfants : oui, il faut les protéger mais pourquoi nier le désir d'enfant, souvent généreux, parfois destructeur ? Le géniteur n'est plus toujours le parent. Le mensonge familial existe, il n'est pas le fait des seuls couples homosexuels. Et si le mariage est destiné à la procréation, faut-il l'interdire à ceux qui n'ont pas cet objectif ou qui ne réussissent pas à l'atteindre ?

Vous qui, au pouvoir, avez méprisé l'expression populaire... (Exclamations à droite)

M. Jean Bizet.  - C'est nul !

Mme Cécile Cukierman.  - ...voilà que vous appelez au référendum ! Je pense, moi, à tous ceux qui ne disent rien mais aspirent à entrer dans la modernité. « Pour être heureux, il faut penser au bonheur des autres », disait très justement Gaston Bachelard. (Applaudissements à gauche) Nous voterons cet article premier avec fierté.

M. Michel Bécot.  - Nous ne sommes pas entendus, pas plus que des millions de nos concitoyens. Je le déplore, d'autant que nous vous avions fait, avec l'union civile, une proposition consensuelle. Reconnaître les réalités biologiques, ce n'est pas nier les réalités sociales. Vous préférez vous redresser dans les sondages ; c'est plus simple que le redressement productif, en effet ! (Exclamations à gauche)

Le Gouvernement persiste à nous ignorer mais nous continuerons à défendre notre point de vue parce que l'adversité qui décourage les faibles encourage les forts !

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Michel Bécot.  - Vous introduisez l'inégalité dans le mariage, et jusque parmi les couples homosexuels : la PMA a hanté les débats, et nous n'avons eu aucune réponse.

On mesure mal les conséquences de votre texte sur la société. Faire du mariage la reconnaissance sociale de l'amour entre deux êtres nous prémunira-t-il contre les dérives de la liberté sexuelle, inceste, détournement de mineur, polygamie si le consentement des individus est allégué ?

Ce texte porte atteinte aux principes constitutionnels puisque l'altérité dans le mariage est un principe fondamental consacré par les lois de la République. Je ne puis voter cet article.

Mme Hélène Masson-Maret.  - En ce quatrième jour de débat, prendre la parole pourrait paraître redondant. (« Si peu » à gauche) Nos discussions m'ont confortée dans mes convictions. Il n'est jamais inutile d'échanger. (M. Jean-Louis Carrère ironise)

L'enfant est au coeur de la famille, les auteurs de ce texte l'oublient. Un couple composé de parents de même sexe peut certes donner à l'enfant tout l'amour dont il a besoin -j'en ai des exemples autour de moi- mais le parcours de ces couples n'a pas été simple : ils sont donc très motivés. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Avec la banalisation, on retrouvera dans les couples homosexuels les mêmes problèmes que dans les autres.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis.  - Ni plus ni moins.

Mme Hélène Masson-Maret.  - Avons-nous le droit de créer une nouvelle structure familiale qui ajoutera des problèmes aux problèmes ?

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est un peu tiré par les cheveux.

Mme Hélène Masson-Maret.  - Laissez-moi parler.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ça ne vaut pas le coup !

Mme Hélène Masson-Maret.  - Et que dire de la recherche des origines biologiques ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ce texte ne l'empêche pas.

Mme Hélène Masson-Maret.  - On ne peut prendre de tels risques. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Fournier.  - Nous voterons contre cet article premier. Certains de vos arguments contre l'union civile portaient sur le registre symbolique. Comment pouvez-vous alors ignorer le caractère symbolique du mariage pour tant de Français ?

L'union civile n'est pas le mariage mais ce n'est pas un sous-mariage. Nous ne voulons pas faire du code civil un manuel de biologie, ni faire dire à la loi comment chacun doit organiser sa vie.

Au nom de votre conception de l'égalité, vous rejetez l'union civile. C'est pourtant votre mariage pour tous qui créera l'inégalité. Un couple de personnes de même sexe ne sera jamais la même chose qu'un couple de personnes de sexes différents. (Exclamations à gauche) La loi ne peut s'appliquer à l'identique parce que les réalités biologiques sont différentes, et vous le savez.

L'union civile prend en compte la singularité des couples homosexuels, non parce qu'ils n'ont pas la même valeur mais parce qu'ils sont différents. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Leleux.  - Les sondages d'opinion ont beaucoup évolué au cours de l'examen de ce texte. Nos concitoyens n'avaient pas compris, au début, que le mariage entraînait l'adoption. Depuis, tous ne sont plus d'accord. Or, en votant le mariage pour tous, on vote la possibilité d'adopter.

Existe-t-il un droit à l'enfant, que revendiquent les homosexuels ? Notre code civil ne connaît que l'intérêt de l'enfant. L'adoption est faite pour donner une famille à un enfant, dont l'intérêt doit prévaloir. L'enfant privé de ses parents par les accidents de la vie est blessé : l'amour d'un couple répare l'absence de ceux qui lui ont donné la vie. Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais assurer cette substitution symbolique.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est emberlificoté !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Vous brouillerez toute lisibilité de la chaîne généalogique en privant délibérément l'enfant d'un père et d'une mère. C'est une lourde responsabilité que vous prenez. Je voterai contre cet article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Muguette Dini.  - J'ai beaucoup réfléchi à ce que propose ce texte : l'égalité des droits pour tous les hommes et les femmes de notre pays. Qui pourrait s'y opposer ? Ce texte, néanmoins, entraînera des inégalités. Les repères de certains enfants s'en trouveront brouillés, qui ne pourront identifier leurs parents comme des géniteurs. Autre inégalité, celle que vous créez face à la PMA. Les femmes peuvent procéder à des inséminations artisanales. J'ai entendu, jadis, notre rapporteur s'élever contre la GPA : où est la cohérence ?

Certes, ces questions ne sont pas dans ce texte, elles viendront néanmoins sur le tapis.

M. Jean-Louis Carrère.  - Si Dieu vous l'a dit !

Mme Muguette Dini.  - Par cohérence, parce que je suis favorable au mariage pout tous, je m'abstiendrai sur cet article mais je voterai contre ce texte qui ne va pas dans le sens de l'intérêt supérieur de l'enfant. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je regrette l'attitude du Gouvernement et de la majorité. Notre société n'a rien à gagner à ces oppositions que vous ne cessez de susciter entre les Français, de droite et de gauche, ceux que vous appelez les riches et les pauvres, les Français et ceux qui le veulent devenir et, maintenant, les couples homosexuels et hétérosexuels.

Le mariage vise à la filiation entre un père et son enfant, via la présomption de paternité. L'altéralité sexuelle doit dont être préservée. Vous préférez fonder le mariage sur l'amour : on sait ce que cela peut donner ; voyez les exemples étrangers.

Avec l'union civile, nous aurions pu améliorer la situation des couples de même sexe ; vous l'avez repoussée pour éviter le débat.

Votre texte mène tout droit à la PMA et à la GPA. Vu votre attitude, je m'inquiète de ce qui se passera dans quelques mois. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jackie Pierre.  - Cet article premier est inacceptable. L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe est une aberration, un contresens. Le mariage, c'est la célébration de la différence, de l'instant précaire où deux monde se rencontrent, celui d'un homme et d'une femme, avec chacun sa façon d'envisager la vie et l'éducation.

Même si nous sommes des animaux sociaux, nous ne devons pas oublier que l'on ne peut s'affranchir de la nature. Le mariage est une mise en scène mais croyez-vous que tant d'hommes et de femmes s'y engageraient s'il n'était qu'anecdotique ? Surtout, le mariage n'est que la face émergée de l'iceberg : il ouvre des droits patrimoniaux et matrimoniaux, il va avec la présomption de paternité. L'ouvrir aux personnes de même sexe entraînera des situations absurdes. Un tiers devra intervenir dans la filiation, preuve que le lien entre mariage et filiation ne peut être ici automatique. Que fera-t-on du parent biologique ? Avec ce texte, vous déconsidérez le couple en détournant le mariage de sa fonction première et en instaurant le mensonge dans la filiation, avec une forme de pluri-parentalité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Charles Revet.  - Je ne voterai pas cet article premier : ce n'est pas un scoop. Nous avons recherché le consensus en déposant nos amendements sur l'union civile.

Ce que nous proposions apportait une réponse sans mettre en cause le mariage auquel nous sommes tant attachés. Malheureusement, vous vous êtes montrés dogmatiques, idéologiques.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous parlez sans doute de vous !

M. Charles Revet.  - Vous n'avez répondu à aucune de mes questions. Mme la garde des sceaux a cependant eu ce mot qui fait trembler : ce texte nous engage à un « changement de civilisation ». Quelle société voulez-vous ? Si le texte est adopté et publié au Journal officiel, la France ne risque-t-elle pas de se voir imposer par la Cour européenne des droits de l'Homme la PMA et la GPA pour les couples homosexuels ?

M. Philippe Marini.  - Bonne question.

M. Charles Revet.  - Vous devez cette réponse aux Français ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle manipulation !

M. Philippe Bas.  - Tout à l'heure, Mme la garde des sceaux a pris la parole ; c'est si rare.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est faux !

M. Philippe Bas.  - Elle a esquissé un début d'amorce d'esquisse de réponse. Puisse cela augurer de la volonté du Gouvernement de dialoguer avec nous.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous parlez pour ne rien dire.

M. Philippe Bas.  - Mme la garde des sceaux apprécie la littérature et aime le fromage. Nous avons en commun un goût pour René Char et Aimé Césaire. De même que l'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, comme disait Gide à propos de Mauriac, on ne fait pas de bons textes de loi avec de bonnes intentions. Mme Taubira nous a parlé du gruyère de son enfance ; c'est un peu sa madeleine de Proust, sans vouloir parler de mon camembert normand. (On s'amuse à droite)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Arrêtez de faire l'âne !

M. Philippe Bas.  - Plutôt que le gruyère, qui n'est pas affiné, évoquons le comté qui picote, lui, agréablement après plusieurs mois d'affinage. Un texte exige, de même, un affinage. Mais au lieu de lui apporter tout le soin qu'il réclame, en examinant toutes ses conséquences, vous nous renvoyez à un texte à venir.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il a dépassé son temps de parole !

M. Philippe Bas.  - Un enfant naît d'un homme et d'une femme ; le reste est une vue de l'esprit. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Esther Benbassa.  - Ça s'excite à droite !

M. Philippe Darniche.  - Nous avons raté l'occasion de faire avancer les droits des homosexuels, comme le souhaitait la majorité des Français. Ce texte procède du mensonge : voter l'article premier revient à accepter le mariage, l'adoption et la PMA. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, nous l'avons dit et répété, s'imposeront à la France.

La différence des sexes est une réalité biologique. Une minorité agissante voudrait nous faire croire que cette réalité n'existe pas, au risque de faire souffrir les enfants. Au nom de l'égalité, de notre égalitarisme, vous sacrifiez l'enfant. (Applaudissements sur quelques bancs à droite) Il y va de la conception de la vie, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Deroche.  - Nous aurions pu améliorer le Pacs et célébrer une union civile.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Sarkozy n'en a pas voulu !

Mme Catherine Deroche.  - Je ne suis pas son porte-parole.

M. Jean-Marc Todeschini.  - M. Karoutchi l'a dit hier.

Mme Catherine Deroche.  - L'essentiel, pour les couples homosexuels, n'est pas tant le mariage que la possibilité d'adopter, pour avoir une famille et élever des enfants. Comme cette adoption sera difficile, il faudra aller plus loin. J'entends leur désir d'enfant, que connaissent aussi certains couples hétérosexuels. Une vie peut néanmoins se construire et se réussir sans enfant.

A la différence de la gauche, nous avons, sur ce sujet, la liberté de vote ; je ne voterai pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je parlerai des oubliés de ce texte : les enfants. (Exclamations) Oh oui ! Un couple homosexuel ne peut pas avoir d'enfant. (Marques d'agacement à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle science ! Et si nous étions des huîtres ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est la nature, et non le droit, qui les empêche de procréer. Tout ne se décrète pas, tout ne se fabrique pas ; ces deux idées nous protègent de la dictature du droit et de la science. La nature devait obéir à l'homme ; il faudrait maintenant que l'homme obéisse à la technique. (Exclamations ironiques à gauche)

M. Alain Néri.  - Répétez, je n'ai pas compris !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'enfant aura pour origine l'absence : à la place des cases père et mère, un grand blanc ! Cela ne peut pas bien se passer.

M. David Assouline.  - Pourtant, cela fonctionne en Europe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ne jouons pas avec le feu. Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous admirons même, voire que nous aimons. (Brouhaha à gauche)

M. Alain Gournac.  - Oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Et nous ne doutons pas de leur capacité à élever des enfants avec amour. (Le brouhaha à gauche tend à couvrir la voix de l'oratrice)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Temps de parole écoulé !

M. Philippe Marini.  - Un peu de respect !

M. le président.  - Laissez Mme Des Esgaulx s'exprimer.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Mais ce que allez fabriquer ici, ce sont des enfants sans origine.

M. François Rebsamen.  - Ça suffit !

Mme Esther Benbassa.  - Cela fait quatre jours qu'on vous écoute !

M. Philippe Marini.  - Cet article premier est le noeud de ce texte.

M. Jean-Louis Carrère.  - Le noeud !

M. Philippe Marini.  - Monsieur Carrère, si vous voulez la parole, demandez-là. En attendant, souffrez que je m'exprime ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Le Gouvernement aurait pu s'employer à colmater les vides juridiques dans le souci d'une large concertation, en particulier avec les trois grandes religions monothéistes. (Exclamation à gauche)

Êtes-vous mandatés pour procéder à un changement de civilisation ? Regardez donc les sondages : peut-être y a-t-il un lien entre la chute de votre cote de popularité et ce texte ? Avec un ministre du budget devenu le ministre du mensonge... (Vives exclamations à gauche)

M. Alain Bertrand.  - Hors sujet !

M. Philippe Marini.  - ...un ministre du redressement productif qui s'oppose ouvertement au Premier ministre (nouvelles exclamations sur les mêmes bancs), ce Gouvernement est-il fondé à proposer un tel changement de civilisation ? (Vives exclamations à gauche qui couvrent la voix de l'orateur)

Ce débat a eu un mérite : il aura mis en lumière la profondeur du fossé qui nous sépare ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Rebsamen.  - Rappel au Règlement ! Que chacun garde son calme. J'appelle mes collègues de la majorité à ne pas céder à la provocation. Certains propos mettent en cause le suffrage populaire, laissons-les à la droite. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Rémy Pointereau.  - Nos concitoyens s'interrogent ; ils ne comprennent pas l'urgence d'un tel débat quand nous sommes au bord du gouffre, que le bateau France est devenu un bateau ivre. François Hollande disait : « Moi président, j'écouterai les Français ! ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On a vu le résultat !

M. Rémy Pointereau.  - Il y aurait, d'un côté, les progressistes et, de l'autre, les conservateurs...

M. David Assouline.  - Vrai !

M. Rémy Pointereau.  - ...tous homophobes. Nous connaissons tous des couples homosexuels.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et alors ?

M. Rémy Pointereau.  - Nous voulons un grand référendum, vous l'avez refusé. Nous ne reconnaissons que le droit de l'enfant, pas le droit à l'enfant. Souvenez-vous des propos de Mme Guigou sur l'altérité sexuelle, en 1997, à propos du Pacs. Elle avait raison de refuser l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Temps de parole écoulé.

Mme Éliane Assassi.  - Fini. (Claquements sur les tables à gauche)

M. Rémy Pointereau.  - Nous ne voterons pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Daudigny.  - Avec cet article, bientôt adopté (exclamations à droite), nous allons ouvrir le mariage aux couples de même sexe de façon pleine entière. Un moment historique ! (Marques d'ironie à droite) Après la dépénalisation de l'homosexualité, il a fallu attendre la loi du 15 novembre 1999 pour que soient reconnus les couples homosexuels.

Nous ne créons pas pour eux des droits spécifiques, nous leur ouvrons l'institution républicaine du mariage. La France va ainsi rejoindre les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, la Norvège ; la Grande-Bretagne suivra bientôt les pays qui ont aboli la hiérarchie entre les sexualités. Nous sommes fiers d'être du progrès !

Plusieurs collègues ont invoqué l'autorité des dictionnaires. Je voudrais leur dire que, depuis plus d'une décennie, Le Petit Robert définit le mariage comme :« Union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi ». La prochaine édition du Larousse, déjà consultable en ligne, va dans le même sens. Alors, la force des mots... (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Férat.  - Je suis opposée aux conséquences de ce texte sur l'adoption, la PMA et, surtout, sur la GPA, à laquelle je suis résolument hostile. Le corps humain n'est pas une marchandise ! En revanche, je soutenais l'union civile, un cadre protecteur pour les couples mais qui excluait la filiation. On invoque des discriminations, on brandit l'égalité pour justifier ce texte. Et l'intérêt de l'enfant né d'une PMA ou d'une GPA ?

Mesdames les ministres, d'où viennent vos certitudes ? Un enfant a besoin, quoi qu'on en dise, d'un père et d'une mère. N'avez-vous aucun doute ? Si d'aventure vous en aviez un, il devrait profiter à l'enfant. Vous n'entendez pas ce que vous disent les citoyens, vous n'en tirez pas les conséquences.

Je voterai contre cet article et tout le texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Bizet.  - Cela ne vous surprendra pas : je voterai contre ce texte fondé sur l'ambiguïté et le mensonge. Non, un couple constitué d'un homme et d'une femme n'équivaut pas à un couple d'homosexuels, le Conseil constitutionnel l'a rappelé en juin 2011. Votre égalitarisme nous conduit à soutenir des choses contre nature.

Mensonge sur la PMA et la GPA car les avis de la Cour européenne des droits de l'homme s'imposeront. Mensonge encore quand vous n'avez pas entendu les Français qui ont défilé dans les rues de Paris. Mensonge également car les maires ont cru à la liberté de conscience dont avait parlé le président de la République au Congrès des maires. Nous sommes 2 500 élus décidés à entrer en désobéissance civile, en dissidence républicaine.

Mme Éliane Assassi.  - Être républicain, c'est appliquer la loi.

M. Jean Bizet.  - Serons-nous pendus ou suspendus ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Peut-être aurez-vous la chance de ne pas être réélu.

M. François Rebsamen.  - C'est fini, on respecte le Règlement.

Mme Éliane Assassi.  - Votre temps de parole est écoulé !

M. Jean Bizet.  - Je ne voterai pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Gournac.  - Je ne voterai en aucun cas cet article premier. M. le rapporteur a donné une image désastreuse de la famille, même s'il a prétendu ne parler que du XIXe siècle ! Je suis le sixième d'une famille de neuf enfants et je suis fier de ceux qui m'ont élevé et du modèle qu'ils ont porté. Je suis le fruit du travail et de la famille, pas des 35 heures.

Mme Éliane Assassi.  - On le sait ! Vous l'avez déjà dit.

M. Alain Gournac.  - Ce texte est un nouveau mensonge après le mensonge d'État qui aura des conséquences sur toute la classe politique. (Vives exclamations à gauche) Ce texte, nous l'avons montré, ouvre à la PMA et à la GPA ; il suffira de monter au niveau européen.

Mme Cécile Cukierman.  - L'Europe, celle que vous construisez.

M. Alain Gournac.  - Ce texte détruit l'équilibre de notre pays !

Mme Éliane Assassi.  - Non, le vôtre !

M. Alain Gournac.  - La domination masculine !

Mme Cécile Cukierman.  - Durant des siècles et des siècles.

M. Alain Gournac.  - Je refuse ce projet de loi qui détruit la famille française ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et vous applaudissez cela.

Mme Éliane Assassi.  - Rien que ça !

M. Pierre Bordier.  - Ce texte déstabilise l'institution du mariage. Il ne suffit pas de s'aimer pour se marier. Pourquoi priver délibérément les enfants d'un père et d'une mère ? Au nom de l'égalité, vous prenez une décision grave. La loi n'a pas à répondre aux désirs d'une minorité, elle doit protéger les plus précaires. Optons plutôt pour l'union civile. C'est pourquoi je ne voterai pas plus cet article premier que le projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Sido.  - Nous arrivons au terme d'un débat sans avoir obtenu de réponses sérieuses sur les questions sérieuses de la PMA et de la GPA. La majorité et le Gouvernement campent sur leurs positions, nous avons le sentiment désagréable de ne pas être entendus.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes écoutés, en tout cas.

M. Bruno Sido.  - L'adoption me tient à coeur : n'en ayons pas une vision froide et intellectuelle. L'arrachement aux origines est toujours difficile à surmonter, l'accueil dans des couples homosexuels ajoutera un choc au choc initial et compliquera encore la quête des origines. Au nom de quoi infliger un tel traitement à l'enfant ? Certainement pas de la convention des droits de l'enfant.

Ce texte est donc intrinsèquement mauvais, porteur de lourdes conséquences pour notre société. Pourquoi refuser d'entendre le Comité national d'éthique ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - L'homosexualité n'est pas une question d'éthique !

M. Bruno Sido.  - Pour toutes ces raisons et parce que j'entends le droit des enfants et les clameurs des citoyens révoltés par ce projet de loi inqualifiable, je refuse cet article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Une fois n'est pas coutume, je veux remercier le président Rebsamen : pour son appel au calme. Les réactions aux propos de Mme Des Esgaulx n'étaient guère dignes. (M. David Assouline s'exclame) Je suis déçu par ce débat, qui n'engage aucun échange. Ce n'est pas faute d'avoir préparé nos interventions. (On ironise à gauche)

Cette violence verbale qui couve vient de ce que l'on ne se parle pas. Vous êtes entrés ici votre choix fait et chacun devrait s'aligner comme des petits pois.

S'il y avait eu une autre méthode en amont, nous aurions pu avancer. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître le couple homosexuel, il n'y a aucune raison de nous diviser sur ce sujet. Sur l'adoption aussi, nous nous retrouvons pour dire que, dans notre pays, elle a souvent été un échec. Que de drames familiaux ! Il faut repenser l'adoption, non pas se diviser. Viennent ensuite de vraies questions : la PMA et la GPA qui, elles, divisent. Il suffirait d'une chose : que le Gouvernement prenne l'engagement qu'elles ne seront pas légalisées durant le quinquennat ! Alors nous pourrons discuter.

Sur la question du voile à l'école, autre sujet délicat, on a fait la commission Stasi, et le texte a été voté à l'unanimité. C'est bien pour cela que la loi est respectée aujourd'hui, le consensus national lui a donné sa force et sa crédibilité...

Nous ne remettons nullement en cause votre légitimité démocratique, mais avez-vous, avons-nous la légitimité de toucher ainsi à la civilisation ? Notre mandat va-t-il jusque-là ? Vous pensez que oui, nous pensons que non.

Vous avez préféré briser l'unité nationale, fracturer. (Applaudissements sur les bancs UMP) Il y avait un autre chemin, une solution à la française, consensuelle. Vous n'en avez pas voulu. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique de Legge.  - Quelle est la finalité de la loi ? Doit-elle engager un changement de civilisation ? Sur ce point, votre ligne est claire, même si vous ne répondez pas clairement sur la PMA. Je ne suis pas sûr que la métaphore du fromage soit la meilleure, madame la ministre : je vous rappelle que le gruyère est suisse. (Rires à droite)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Erreur, il est français. Vous confondez avec l'emmental !

M. Dominique de Legge.  - Mme la ministre de la famille nous a exposé une conception greffière de la loi et nous a expliqué que la loi doit s'adapter à l'évolution des moeurs. Sa logique est la même sur les allocations familiales : on a vu, lors de notre débat d'il y a dix jours, quelle était sa position sur la fonction éducative des parents. Il y a bien continuité...

On nous a dit, ensuite, qu'il était inutile de débattre puisque c'était une promesse du candidat Hollande. Là où ça devient compliqué, c'est qu'un jour, on a le mariage sans la PMA ; un autre jour, la PMA ; un autre encore, une clause de conscience qui disparaît à son tour. On comprend mieux, dans ces conditions, le recours à la discipline de vote, bien pratique tant sont nombreuses les incertitudes. Je préfère la position de mon groupe, qui laisse chacun s'exprimer en conscience. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Je termine là où j'ai commencé. A quoi sert la loi ? La loi est faite pour protéger les plus faibles. En l'espèce, elle ne le fait pas car ce texte oublie l'enfant. Je ne voterai ni cet article ni ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous avons fait preuve d'écoute. Nous entendons votre attention à l'enfant. Nous savons ce qu'est un enfant maltraité. Ce que l'on apprend dans la presse s'est passé dans des couples hétérosexuels ; nous n'en tirons aucune conséquence, il y a des délinquants et des gens honorables... Personne n'a le droit de considérer qu'une catégorie de la population, du fait de son orientation sexuelle, serait supposée a priori avoir une mauvaise parentalité.

M. Bizet, grand défenseur des OGM, n'a jamais autant parlé de nature. Mais les biens communs de la civilisation, ce sont la nature et la culture, cette culture qui a réduit les injustices au fil des années ; finis le roi de droit divin, l'esclavage, pour partie l'oppression des femmes. Nous poursuivons sur ce chemin et nous pouvons être fiers de la marche que nous allons franchir. (Applaudissements à gauche)

M. François Rebsamen.  - Je ne puis laisser le Premier ministre Raffarin faire la leçon à notre assemblée. Je veux prendre acte de la qualité de l'écoute des ministres. (Exclamations à droite) Elles sont là, elles sont disponibles, cela nous change de l'ère Sarkozy. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

D'après vous, la gauche diviserait la société. (« Oui » à droite) C'est plutôt votre volonté de vous opposer à tout prix à ce texte qui met en cause l'unité nationale ! (Rires et exclamations à droite) Vous qui aimez tant les sondages, savez-vous qu'une majorité de Français est favorable à l'adoption de ce texte ? C'est votre position qui crée la division ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Qu'est-ce que c'était que cela ? Un rappel au Règlement ?

M. Alain Bertrand.  - J'ai été surpris par les propos de M. Raffarin. Peut-être n'entendons-nous pas le français de la même façon... Il nous dit que nous aurions pu nous mettre d'accord ; mais je n'ai cessé d'entendre, sur les bancs de droite, que la gauche voulait casser la famille, martyriser les enfants, remettre en cause la civilisation -et j'en passe. Si j'avais entendu parler de droits nouveaux, d'égalité, de progrès, d'amour, j'aurais compris ! Comment voulez-vous que le dialogue se noue quand vous adoptez de telles postures politiques ? (Applaudissements à gauche)

M. Christophe Béchu.  - J'ai du mal à comprendre. Une posture politique ? Souffrez que nous ayons des convictions ! Seriez-vous les seuls à vous exprimer ici avec sincérité ?

M. David Assouline.  - Ça se voit !

M. Christophe Béchu.  - Qu'est-ce que ce délit de faciès, monsieur Assouline ? (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Ne soyez pas provocateur !

M. Christophe Béchu.  - Vous avez la conviction de défendre un progrès de civilisation. Nous pensons, nous, que vous en menacez l'équilibre.

M. Philippe Marini.  - Souffrez que nous nous exprimions !

M. Christophe Béchu.  - M. Raffarin a eu des paroles républicaines : refuser ce texte, ce n'est pas rejeter les droits des homosexuels, être dans une posture d'homophobie. Mais nous songeons avant tout aux enfants, les grands absents de ces débats.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ça va, ça va...

M. Philippe Marini.  - Respectons nos différences !

Mme Cécile Cukierman.  - Vous nous avez traités d'antirépublicains !

M. Christophe Béchu.  - Devant l'ampleur des manifestations, vous ne pouvez pas faire comme si le pays était rassemblé et conquis. Les Français doutent. Au lieu de les laisser s'exprimer par référendum, vous les exposez à se diviser gravement. Rien dans ce texte ne nous permet de considérer que vous avez répondu aux questions que se posent une majorité d'entre eux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Retailleau.  - Avec cet article, nous sommes au coeur du réacteur. C'est pourquoi nous sommes nombreux à nous exprimer, et c'est bien normal.

M. Jean-Louis Carrère.  - On ne le conteste pas !

M. Bruno Retailleau.  - Vous avancez masqués.

M. Jean-Louis Carrère.  - On nous appelle Zorro !

M. Bruno Retailleau.  - Ce texte est un sophisme. Comme on fractionne le chemin pour démontrer que jamais Achille ne rattrape la tortue, vous fractionnez la difficulté pour masquer des conséquences dont nous n'avons cessé de vous parler. Vous armez un mécanisme explosif en créant une filiation sociale sans rapport avec la biologie.

Vous n'allez même pas au bout de la logique, d'où une dizaine d'articles laissés en suspens. C'est du bricolage parce que vous refusez de tirer toutes les conséquences de l'article premier et de toucher à la présomption de paternité. Ce faisant, plutôt qu'un progrès, au bout de votre texte, il y a peut-être la fabrique des enfants et la logique de marché. Il faudra régulariser des fraudes, « les bébés Thalys », comme vous l'avez fait par circulaire, madame Taubira. Ce texte est une valise à double fond. Et le marché est sur internet. Une clinique privée de l'Illinois y faisait déjà de la publicité pour l'aide à la procréation le 11 novembre dernier !

Les Français ont besoin de respirer, de se rassembler pour faire face à la crise.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Temps écoulé !

M. Bruno Retailleau.  - Le parti socialiste n'est plus social, il n'est pas libéral mais il est devenu franchement libertaire ! (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet.  - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 29 bis. Nous siégeons depuis 14 h 30 sans discontinuer. Quand pensez-vous suspendre, monsieur le président ?

M. le président.  - A la fin des explications de vote sur l'article premier.

M. Gérard Cornu.  - Ma conviction s'est renforcée à l'issue de ces débats : je voterai contre ce texte. (Marques d'ironie à gauche) Les réponses des ministres à nos suggestions sont restées floues, émaillées de citations préparées par des collaborateurs. Je vais citer, moi, quelqu'un que vous connaissez bien : quand c'est flou, il y a un loup ! Un loup que nous entendons démasquer. Vous avez peur d'être battus car l'opposition est fournie sur ses bancs : voilà la raison de votre recours systématique au scrutin public.

La demande des couples homosexuels de se voir reconnus est légitime, mais l'union civile répondait à cette demande.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Sarkozy n'en voulait pas !

M. Gérard Cornu.  - Vous ne rendrez pas leur fierté aux homosexuels qui souffrent de discrimination à l'embauche, vous ne restaurerez pas la fierté des familles en ouvrant le mariage aux homosexuels. Le législateur ne peut pas transformer des années de peur et d'idées reçues. Vous vous entêtez à satisfaire une minorité, c'est à double tranchant ; les bonnes intentions de certains peuvent nourrir le rejet des autres. Avec ce texte, vous n'améliorerez pas substantiellement la vie des homosexuels. Il y faut d'autres réponses que la surenchère.

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est fini !

M. François Rebsamen.  - C'est terminé ! (Les exclamations couvrent la voix de l'orateur)

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Gérard Cornu.  - Vous constaterez bientôt qu'il faudra à nouveau légiférer ! (Applaudissements à droite)

Mlle Sophie Joissains.  - J'ai beaucoup douté : l'union me faisait plaisir, la filiation me contrariait. Les Français pensent de même. Le mariage, c'est la filiation. Dernière ce texte, il y en a un autre, caché, sur la PMA et la GPA. M. Revet l'a rappelé, la CEDH a une jurisprudence que nous ne pouvons pas ignorer.

Ce qui me gêne, encore, c'est que vous créez des inégalités entre les enfants. Certains n'auront pas le droit de connaître l'intégralité de leur patrimoine génétique. Et tout ça, au nom de l'égalité.

Mlle Sophie Joissains.  - On ne va pas vers une société de liberté, de droit mais vers une société de consommation à outrance, où l'on veut satisfaire à tout prix le désir d'enfant, y compris par la PMA. Quant à la GPA, c'est l'exploitation de réseaux de jeunes femmes de pays pauvres qui loueront leur ventre.

Par respect pour l'enfant, pour la femme, sa dignité, son intégrité physique, pour les droits que nous arborons depuis 1789, je voterai contre cet article et ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'ai rarement vu une séance aussi longue... Si ce n'est pour achever l'examen d'un texte.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous avez envie de débattre, nous débattons !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous ne débattez pas, vous éructez !

Je vous ai dit mon point de vue sur l'inconstitutionnalité de ce texte. Des philosophes se sont exprimés. Notre rapporteur ne cite que Mme Héritier...

Mme Éliane Assassi.  - Elle est anthropologue !

M. Jean-Jacques Hyest.  - ...mais Mme Agacinski et d'autres nous ont dit que ce texte changeait la nature du mariage.

Dans notre droit, le mariage emporte l'adoption. Alain Anziani, excellent juriste, nous disait, en commission, regretter que les articles du code civil sur la filiation n'aient pas été réécrits. En Allemagne existe une union civile qui n'ouvre pas de droits en matière de filiation. Chez nous, le Gouvernement dit en substance : le juge se débrouillera pour accorder ou non l'adoption ; c'est la pire des choses. Les représentants des cultes quels qu'ils soient ont été unanimes : cela devrait nous porter à nous interroger.

Je ne voterai pas cet article, qui n'est pas détachable du reste du texte.

Mme Colette Giudicelli.  - Ce texte devrait être adopté. Bien des sentiments me traversent à cette heure. Ce texte est sans doute un message de bienveillance à l'égard des homosexuels -qui ne sont cependant pas tous favorables à ce projet. J'espère qu'ils ne seront pas les otages de guerres qui ne les concernent pas. Alors que la société s'est débarrassée des diktats du sacré, on veut aujourd'hui la soumettre à de nouvelles tyrannies, celles de la science et de l'enchantement. Un monde où deux femmes ou deux hommes peuvent créer la vie est un monde enchanté... L'homme moderne devrait être suffisamment sage pour ne pas tenter de s'émanciper totalement de la nature. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Henri de Raincourt.  - Je dis ma légitime fierté pour les membres de notre groupe, inlassables défenseurs de leurs convictions. Face à quoi, la majorité et le Gouvernement sont restés sourds. Surdité d'abord vis-à-vis de l'opinion, qu'elle se croyait totalement acquise. Surdité vis-à-vis des manifestants, dont les plus hautes autorités de l'État ont fait bien peu de cas. Surdité à l'endroit des parlementaires de l'opposition, enfin. Nous ne sommes pourtant pas venus les mains vides mais avec des propositions précises et travaillées. Nous apportions la sécurité juridique aux couples de même sexe et un signal de reconnaissance, n'en déplaise à Pierre Laurent qui ferait bien de venir plus souvent parmi nous au lieu, de façon intolérable, de nous traiter d'homophobes... (Mme Éliane Assassi s'exclame) Hélas, nous n'avons pas été entendus. Pourtant, nous trouvons un écho de plus en plus favorable dans la population. Nous aurions pu renouer avec la concorde nationale, la majorité ne l'a pas voulu. Je suis déçu, mais nous n'y sommes pour rien. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François-Noël Buffet.  - En application de l'article 51 de notre Règlement, je demande la vérification du quorum.

M. le président.  - Nous le ferons au moment du vote sur l'article premier.

M. Michel Savin.  - Notre position est toujours restée la même.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Obstruction !

M. Michel Savin.  - Nous refusons l'ouverture aux couples homosexuels de l'adoption plénière et, bientôt, de la PMA et de la GPA.

Nous avons réalisé un vrai travail pour assurer reconnaissance sociale et sécurité juridique aux couples homosexuels tout en préservant le mariage. L'union civile était la solution, qui ne remettait pas en cause le socle de la filiation. Nous avons parlé de « droit de l'enfant » plutôt que de « droit à l'enfant ». Il faut préserver à tout prix la cellule familiale, qui offre un repère stable à l'enfant, dont l'intérêt supérieur doit nous conduire.

L'adoption de ce texte ne produira pas un cataclysme aisément identifiable mais il est la première étape sur la voie de la destruction de toutes nos institutions sociales. C'est pourquoi, malgré toute notre bienveillance pour les homosexuels, nous ne pouvons accepter qu'un coup supplémentaire soit porté à la famille. Parce que l'intérêt collectif n'est pas la somme des intérêts individuels, je voterai contre ce texte. (Applaudissements à droite)

Demande de vérification du quorum

M. le président.  - J'ai été saisi par écrit d'une demande de vérification du quorum. Nous allons procéder par appel nominal à l'examen de la validité de cette demande, comme le prévoit l'article 51 de notre Règlement.

Il est procédé à l'appel nominal.

M. le président.  - La demande est valide. L'article XIII bis de l'Instruction générale du Bureau du 7 octobre 2009 me permet de procéder à la vérification du quorum, assisté de deux secrétaires. J'invite Mme Demessine et M. Humbert à venir au plateau.

Il est procédé à la vérification du quorum.

M. le président.  - Je constate que le Sénat n'est pas en nombre pour procéder au vote. Je vais donc suspendre la séance pour la reprendre à 23 h 30. Nous déciderons de l'heure de levée en fonction de notre rythme de travail.

La séance est suspendue à 21 h 30.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 23 h 30.

A la demande des groupes socialiste et UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 179
Contre 157

Le Sénat a adopté l'article premier.

(Vifs applaudissements à gauche ; huées sur quelques bancs à droite)

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Après nos débats nourris et riches sur cet article premier, je propose de revenir à un peu de rationalité et qu'en vertu de l'article 44-6 du Règlement, nous traitions en priorité les articles issus de l'Assemblée nationale pour traiter ensuite les amendements portant articles additionnels.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Aucune opposition !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Ouf ! Nous avons eu chaud.

Mme la présidente.  - La priorité est donc de droit.

ARTICLE PREMIER BIS A

M. Philippe Bas .  - L'article premier bis A stipule que l'officier d'état civil exercera ses fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République. Est-ce à dire qu'il traduit les engagements concrets pris par le président de la République au Congrès des maires ? Il avait alors imaginé une clause de conscience. Mais, le lendemain matin, il avait reçu, toutes affaires cessantes, les associations au palais de l'Élysée et avait fait volte-face.

Que fera le procureur de la République quand un maire refusera de célébrer un mariage ? Cela appelle une réponse précise du Gouvernement.

Mme la présidente.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Supprimer cet article.

M. Patrice Gélard.  - La réforme envisagée n'aura pas de conséquences sur les actes d'état civil, selon l'exposé des motifs, mais on nous renvoie pourtant à l'instruction générale relative à l'état civil dont le travail de refonte est actuellement en cours. Un mariage unique mais, malgré tout, parce que les réalités s'imposent, deux livrets de famille distincts ? N'est-ce pas discriminant ? L'Assemblée nationale a adopté cet article sans en connaître les conséquences réglementaires.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - L'avis est défavorable. Le procureur de la République détient déjà la tutelle sur l'état civil et les registres. Nous inscrivons qu'il en contrôlera la tenue.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Rejet puisque l'état civil est déjà placé sous la responsabilité de l'autorité judiciaire. La loi de 2005 sur la filiation a établi un livret de famille unique, je vous le rappelle. Il n'y a aucune raison d'accepter cet amendement.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°16 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 146
Contre 175

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°84 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Patrice Gélard.  - Je défendrai en même temps l'amendement n°17 rectifié bis.

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

et la surveillance

M. Patrice Gélard.  - Ces deux amendements sont de repli : le premier supprime le contrôle du procureur de la République, le second sa surveillance.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous sommes défavorables au premier, favorables au second car surveillance et contrôle sont peut-être redondants.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse sur l'amendement n°17 rectifié bis car contrôle et surveillance ne sont pas tout à fait équivalents. Rejet de l'amendement n°84 rectifié bis.

M. Gérard Longuet.  - A qui les 36 000 maires de France et leurs adjoints devraient-ils en référer en cas de refus de célébrer un mariage faisant fi de l'altérité ? Le président de la République est revenu sur la clause de conscience qu'il avait évoqué au Congrès des maires -nous sommes nombreux à l'avoir entendu. Ce texte place les maires sous le contrôle du parquet -pas de sa surveillance, peut-être, grâce à la sagesse du Sénat. Ces deux amendements visent à rappeler la volte-face du président de la République et à clarifier la responsabilité de ceux qui font fi de la réserve de conscience de maires qui ont été élus avant que ce texte n'intervienne. Nous avons demandé un scrutin public afin qu'ils sachent à qui ils doivent cette nouvelle obligation. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Cécile Cukierman.  - Vous n'avez pas non plus été élu, monsieur Longuet, pour déclarer les personnels grévistes à l'avance !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il est bien étrange d'utiliser comme argument le fait que des maires auraient été élus avant l'adoption de ce texte. Ils doivent appliquer la loi de la République en toute circonstance.

Mardi 9 avril 2013

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Sommaire

Questions orales1

Droits de plantation1

M. Michel Teston1

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt1

Indexation des redevances en résidence sociale1

M. Jean-Jacques Filleul1

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement1

Modernisation de l'habitat en zone rurale2

M. Jean Bizet2

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement2

Documents d'urbanisme2

M. Yannick Botrel2

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement2

Formation des masseurs-kinésithérapeutes2

M. Bernard Fournier2

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche3

Institut supérieur d'ostéopathie de Lille3

Mme Michelle Demessine3

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche3

Enseignants coopérants en Turquie3

M. Jean-Yves Leconte3

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger3

Établissement public foncier Paca4

M. Pierre-Yves Collombat4

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger4

Fiscalité additionnelle intercommunale4

M. Roland Ries4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Sécurité incendie4

M. Hervé Maurey4

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation4

Voies sur berge à Paris4

M. Philippe Dominati4

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche4

Véhicules électriques4

M. Antoine Lefèvre4

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants4

Suppression d'aides aux personnes handicapées4

M. Francis Grignon4

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants4

Interdictions des feux de cheminée4

M. Alain Gournac4

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie4

Qualité de l'air4

M. André Gattolin4

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie4

Amiante à l'usine Solvay4

M. Daniel Reiner4

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé4

Associations d'aide à domicile4

M. Philippe Bas4

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé4

Déserts médicaux en Dordogne4

M. Claude Bérit-Débat4

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé4

Calendrier des vacances4

M. Jean Besson4

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative4

Réserve parlementaire4

M. Jean Louis Masson4

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative4

Mariage des personnes de même sexe (Suite)4

Discussion des articles (Suite)4

ARTICLE PREMIER (Suite)4

Hommage à une délégation turque4

Mariage des personnes de même sexe (Suite)4

Discussion des articles (Suite)4

ARTICLE PREMIER (Suite)4

SÉANCE

du mardi 9 avril 2013

84e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Marc Daunis, Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Droits de plantation

M. Michel Teston .  - Sur proposition de la Commission européenne, la réforme de l'Organisation commune de marché vitivinicole a libéralisé les droits de plantation au 1er janvier 2016. La suppression de cet outil de régulation nécessaire n'améliorera pas la compétitivité de la viticulture européenne, non plus qu'elle ne permettra d'adapter l'offre à la demande, a montré le Groupe de haut niveau réuni à Palerme. Je me réjouis des conclusions adoptées le 14 septembre et de votre implication dans ce dossier. Six ans de régulation restent cependant insuffisants. Il y a aussi une inquiétude sur le pourcentage de surfaces nouvelles de plantation. Approchez-vous d'un accord final pour garantir la pérennité du secteur du vin en Europe ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Dès mon arrivée au ministère de l'agriculture, j'ai réuni les pays producteurs européens pour revenir sur la décision prise en 2007 par le Conseil européen -une première ! L'idée initiale était d'étendre notre production pour gagner des marchés, dans une conception libérale. Le conseil des ministres des 18 et 19 mars, un acte très fort, a entériné les conclusions du Groupe de haut niveau. Désormais, une structure régulera le marché du vin pour six ans, à partir de 2019, voilà l'important. Sur l'évolution des surfaces, la Commission européenne proposait un taux de 2,5 % ; la plate-forme des quatorze pays européens a retenu 1 %. Faut-il rouvrir le débat au risque de perdre sur d'autres terrains ? Tout le débat est de savoir comment seront appliquées les demandes d'autorisation pour éviter une évolution trop rapide des droits de plantation. Je le répète, nous avons obtenu un accord qui correspond parfaitement à la position française.

M. Michel Teston.  - Merci pour cette réponse précise. La question de la durée de la régulation reste pendante. Je compte sur vous pour oeuvrer à un système le plus long possible.

Indexation des redevances en résidence sociale

M. Jean-Jacques Filleul .  - Les redevances dans les logements très sociaux -résidences sociales et foyers de jeunes travailleurs- sont, depuis 2009, indexées sur le seul indice de référence des loyers (IRL). Cela ne permet pas aux gestionnaires de couvrir l'augmentation des coûts de l'énergie et les charges d'entretien.

Il faut revenir à un indice composite obtenu par la pondération de l'IRL, avec l'indice « Électricité, gaz et autres combustibles » et l'indice « Services d'entretien du logement ». Il en va de l'avenir de 180 000 logements.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Cette décision de 2009 vise à mieux protéger des publics précaires. Je ne sous-estime pas, pour autant, les difficultés des gestionnaires à vocation sociale ; nous réfléchirons à des solutions. La nouvelle loi sur la précarité énergétique ouvre le bénéfice de la tarification sociale de l'énergie à ces locataires. Grâce à cette dernière, nous pouvons rééquilibrer les charges des gestionnaires. C'est cet équilibre qu'il nous incombe de rechercher. Nous maîtriserons mieux la dépense énergétique avec l'éco-prêt à 1 %. Une réflexion est en cours avec les associations gestionnaires pour arriver à une meilleure maîtrise des consommations. Je vous tiendrai au courant de l'avancement de la discussion.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Merci, il faut effectivement trouver un équilibre entre gestionnaires et locataires.

Modernisation de l'habitat en zone rurale

M. Jean Bizet .  - Les élus de mon département s'inquiètent des difficultés à mobiliser les crédits de l'agence nationale de l'habitat (Anah), depuis le changement de priorités de l'agence en 2009. De fait, la réforme du régime des aides de l'Anah privilégie les travaux de montant important, qui sont rares dans la Manche. Cette décision contrevient au discours qui incite les élus à reconquérir l'espace délaissé dans les bourgs et les centres-villes. Cet objectif, auquel je souscris pleinement, inscrit dans le Scot de la baie du Mont-Saint-Michel, s'impose à nous dans le cadre des plans locaux d'urbanisme (PLU) Que faire pour ne pas décourager les élus ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Je suis très consciente des problèmes du logement en zone rurale dans les centres-bourgs et de la dégradation du patrimoine en raison de la vétusté thermique des logements. Les propriétaires occupants en zone rurale sont destinataires à 38 % des aides de l'Anah, contre 27 % en moyenne en métropole. Le gain sur le programme d'amélioration thermique est de 39 %, et non de 25 %. La prime d'aide à la rénovation de 1 350 euros, annoncée par le président de la République, pourra aller jusqu'à 3 000 euros pour les plus précaires. Les petits projets ne sont donc pas abandonnés, loin de là. La rénovation des centres-villes, question importante, sera traitée dans le projet de logement et d'urbanisme que j'aurai l'occasion de présenter prochainement au Parlement.

M. Jean Bizet.  - J'en prends acte, tout en me fiant aux résultats que nous constaterons sur le terrain. Le problème concerne surtout les logements détenus par les propriétaires bailleurs en zone rurale, vu le montant des loyers. La rénovation thermique est un objectif louable mais difficile à mettre en oeuvre. Je suis prêt à présenter des simulations à vos services. La réponse a souvent consisté en un étalement des constructions, ce dont nous avons dissuadé les maires de la baie du Mont Saint Michel. Nous avons besoin d'une réponse de l'État pour rénover nos centres-bourgs et préserver la qualité de notre patrimoine.

Documents d'urbanisme

M. Yannick Botrel .  - Les élus des Côtes-d'Armor m'ont interpellé sur les difficultés d'interprétation de la loi Littoral et la hausse des recours auxquels ils doivent faire face en raison de la complexité croissante des documents d'urbanisme.

Personne ne remet en question la loi Littoral mais la notion de continuité de l'habitat, qui peut être interprétée de bien des façons, conduit certaines communes à céder leur front de mer à d'autres communes pour échapper à ces difficultés.

Personne ne conteste la prise en compte des zones humides, du Scot, des zones Natura 2000 dans les PLU. Reste que ces derniers sont de plus en plus contestés sur la forme. Les contentieux se multiplient. De là des charges financières et administratives de plus en plus lourdes pour les communes.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement .  - Nous sommes d'accord sur l'utilité des PLU. La future loi Logement et urbanisme clarifiera les différents niveaux de planification de l'urbanisme et encouragera la mutualisation des moyens pour élaborer les documents.

Concernant la loi Littoral, la notion de continuité de l'habitat protège paysages et terrains agricoles. Il n'est pas interdit de lever des difficultés sur des points d'application précis. En revanche, cette loi, très attaquée, doit être maintenue. Nous l'articulerons mieux avec les différents niveaux de planification dans la future loi.

M. Yannick Botrel.  - Dont acte. A l'heure où l'on parle beaucoup de simplification des normes, il faut remettre de l'ordre, revoir la stratification des règles. Je connais une commune des Côtes-d'Armor qui en est à son sixième contentieux relatif à des permis de construire annulés. J'espère que nous saurons saisir l'occasion d'avancer pour mettre un terme à cette insécurité juridique.

Formation des masseurs-kinésithérapeutes

M. Bernard Fournier .  - La réforme LMD, impulsée par le processus de Bologne il y a dix ans, prévoit l'intégration du diplôme de masseur-kinésithérapeute au grade de licence à la rentrée 2013. L'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a toujours préconisé la reconnaissance de cette formation au niveau du master. L'arbitrage rendu par le ministre le 25 février 2013 n'est pas à la hauteur des attentes de la profession, confinant la formation aux trois années d'études, datant de 1969.

N'ayons pas peur des mots, il s'agit d'un recul pour la qualité de la formation et, donc, des soins aux patients.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le diplôme de masseur-kinésithérapeute relève de la responsabilité du ministère des affaires sociales et de la santé. Un travail interministériel est en cours, qui a déjà donné lieu à un communiqué du 25 février 2013 qui répond à vos questions. L'année de préparation universitaire est dorénavant intégrée au cursus de formation, ce qui rendra possible l'inscription directe en deuxième année de master 2. C'est donc une année de formation à part entière. Ensuite, le conventionnement sera obligatoire et les établissements devront proposer un master 2. Le travail se poursuit, il sera copiloté avec les responsables de la profession pour une application en 2014. Enfin, une mission d'expertise de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation et de la recherche (Igaer) est en cours, qui devra proposer des recommandations pour l'universitarisation des formations initiales des professions paramédicales.

M. Bernard Fournier.  - Merci pour ces précisions. Le travail se poursuivra donc jusqu'en 2014 pour répondre aux attentes des professionnels de santé.

Institut supérieur d'ostéopathie de Lille

Mme Michelle Demessine .  - Au moment où notre population vieillit, l'ostéopathie connaît un engouement important. Pourtant, toutes les formations ne sont pas logées à la même enseigne, certaines bénéficient du niveau 1 au répertoire national des certifications professionnelles, d'autres non. L'institut supérieur d'ostéopathie de Lille, depuis 2003, délivre une formation d'excellence ; il est le seul dans le Nord-Pas-de-Calais. Son classement en niveau 2 décourage les étudiants dans la mesure où ils n'ont pas d'équivalence dans le système LMD.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La commission nationale des certifications professionnelles (CNCP) a classé l'institut supérieur d'ostéopathie de Lille au niveau 2 en décembre dernier.

Pour ce faire, elle a suivi la procédure rigoureuse décrite dans le code de l'éducation. L'institut supérieur d'ostéopathie de Lille a déposé une nouvelle demande en juin 2012, après celle d'avril 2011, puis déposé un recours gracieux ; la CNCP n'a pas modifié sa décision mais a formulé des recommandations pour améliorer les référentiels. La règle de droit a été scrupuleusement appliquée, je souhaite néanmoins que le travail en cours débouche sur une décision favorable à l'acquisition du niveau 1 dans les prochaines années.

Mme Michelle Demessine.  - Merci pour cette argumentation. Cette école mérite le niveau 1, d'autant qu'elle est la seule dans le Nord-Pas-de-Calais.

Enseignants coopérants en Turquie

M. Jean-Yves Leconte .  - Les enseignants de la mission de coopération éducative et linguistique (Micel) du lycée et de l'université de Galatasaray sont recrutés sur des contrats à durée déterminée « deux plus deux plus un » qui mettent en péril l'excellence de la qualité de notre coopération en Turquie. Les premiers contrats, signés en 2009, arriveront à terme en 2013. Les établissements congréganistes ont obtenu, eux, des détachements directs. La loi Sauvadet ne constitue pas un obstacle à l'allongement de ces contrats, comme l'a souligné le ministre dans une lettre du 3 juillet 2012. Les enseignants de la Micel sont en grève ; ils attendent, comme le recteur de l'université de Galatasaray et la directrice du lycée de Galatasaray, qui sont inquiets, une réponse de l'État.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Les crédits alloués à la Micel s'élèvent à 2,9 millions d'euros en 2013, un effort important en ces temps budgétaires difficiles et qui représente 67 % des crédits de coopération affectés au poste. Les agents de la Micel sont recrutés sur des contrats de droit administratif français. La réforme de 2009 visait à réduire le nombre de contrats à durée indéterminée en raison de l'accroissement de la part patronale des cotisations retraite en conséquence du décret de 2007. La réforme qui s'est faite, en concertation avec les partenaires, s'est traduite par la mise à disposition des enseignants des établissements congréganistes et de la fondation Tevfit Fikret.

Les trente enseignants concernés étaient pleinement conscients des conditions qui leur étaient faites quand ils ont signé leurs contrats en 2009

Je n'ignore pas leurs revendications. Ils se sont mis en grève le 19 mars et le 4 avril, alors même qu'une mission avait été dépêchée sur place ; je sais aussi l'inquiétude des autorités turques. Nous agirons avec responsabilité, dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, pour garantir une coopération de qualité avec la Turquie.

M. Jean-Yves Leconte.  - Quelques millions, ce n'est pas énorme par rapport à l'enjeu de notre relation stratégique avec la Turquie. J'espère que vous répondrez aux inquiétudes de la Turquie et des enseignants de la Micel. (M. André Gattolin applaudit)

Établissement public foncier Paca

M. Pierre-Yves Collombat .  - Ma question ne concerne pas les Français de l'étranger. Les établissements publics fonciers sont financés par une taxe spéciale d'équipement (TSE) dont le montant est fixé chaque année par le conseil d'administration de l'établissement public foncier dans la limite d'un plafond de 20 euros par habitant. Ceux de Normandie, Lorraine et Paca voient, en revanche, le plafond du produit de la TSE fixé en loi de finances, et inférieur à celui dont ils bénéficieraient dans le régime de droit commun.

Si j'ignore les raisons du régime particulier appliqué aux EPF des régions Lorraine et Normandie, je sais que c'est parfaitement justifié pour la région Paca : en pleine expansion, le logement y est particulièrement tendu.

Pourquoi, dans cette république normale, cet acharnement anormal ? L'Assemblée nationale a supprimé l'amendement que j'avais fait adopter au Sénat. Faut-il rechercher la responsabilité du côté de Bercy ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - La loi du 18 janvier 2005 prévoit que la procédure de la TSE est arrêtée chaque année avant le 31 décembre pour l'année suivante par le conseil d'administration de l'EPF. Les EPF peuvent être soumis à des dispositions spécifiques qui ont été supprimées pour les EPF Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes en 2006 et 2007. Seules subsistent celles relatives aux trois EPF que vous citez, dont la situation est réglée en loi de finances.

Le Gouvernement a décidé d'instituer le monopole des lois de finances sur les dispositions de caractère financier. C'est pourquoi la mesure votée au Sénat dans la loi de mobilisation pour le logement a été supprimée à l'Assemblée nationale. Mais le Gouvernement comprend votre souci d'harmonisation. Il est essentiel que cette réflexion chemine dans le cadre des travaux en cours sur les taxes affectées. Le Conseil des prélèvements obligatoires rendra son rapport avant l'été. C'est dans ce cadre que devront être engagées les discussions sur la TSE dans le budget 2014.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous n'y êtes pour rien, madame le ministre, mais ce n'est pas une réponse. Où en est-on ? En plein délire bureaucratique ! Dans ma région, la situation du logement est « tendue », comme on dit aujourd'hui. Il faut unifier les modes de financements. Que ne le fait-on? A-t-on besoin d'un énième rapport ? Je ne me lasserai pas de poser la question tant votre réponse est, pour moi, irrecevable. Il est absurde qu'un gouvernement qui veut procéder à des simplifications ne le fasse pas quand elles sont à sa portée.

La séance, suspendue à 10 h 35, reprend à 10 h 40.

Fiscalité additionnelle intercommunale

M. Roland Ries .  - Les communes isolées intégrant une structure intercommunale à fiscalité additionnelle subissent une double imposition à la taxe d'habitation parce que l'adhésion de ces communes fut concomitante à la réforme de la fiscalité locale sans être accompagnée d'une révision du mécanisme de compensation.

Conséquence, la taxe d'habitation a augmenté pour les contribuables concernés.

Cette situation fiscale baroque, que n'avait pas perçue le législateur, affecte l'image de l'intercommunalité et fragilise le consentement à l'impôt.

Mille communes en France sont concernées, dont cinq dans mon département. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Grâce à vous, nous avons pu prendre la mesure du problème qui concerne de nombreuses communes. Nous en mesurons les conséquences, liées à la réforme de la taxe professionnelle : une forte majoration de la taxe d'habitation pour leurs habitants. Grâce à votre intervention, nous travaillons avec Bercy pour trouver une solution générale à ce problème. L'intercommunalité doit être achevée au 30 juin 2013. Il ne reste plus que 59 communes isolées, si l'on exclut la petite couronne francilienne et les îles maritimes mono-communales.

Dans les communes membres d'une EPCI à fiscalité additionnelle, le taux de taxe d'habitation a été ventilé entre communes et départements ; pour les communes isolées, le taux a intégré la totalité de la part départementale, d'où l'alourdissement de la charge pour les contribuables. Réparons ensemble cette situation insupportable pour les communes et leurs habitants dans le projet de loi de finances pour 2014.

M. Roland Ries.  - En effet, c'est important pour les communes concernées ; les maires du Bas-Rhin m'ont interpellé. Nous devons travailler davantage de manière transversale. Ici, deux réformes sont juxtaposées, sans que l'impact de leur conjonction ne soit perçu. Merci de votre réponse. Je me tiens à votre disposition.

Sécurité incendie

M. Hervé Maurey .  - Les collectivités locales rencontrent des difficultés à respecter leurs obligations en matière de lutte contre l'incendie. Les compétences dans ce domaine sont transférables à des EPCI. Le respect des normes applicables impose souvent un renforcement des réseaux d'eau, d'où des incertitudes juridiques.

La publication d'un décret et d'un référentiel national, réclamée par les associations d'élus, a été reportée à plusieurs reprises par le précédent gouvernement. Les changements de périmètre ministériels expliqueraient à présent que ce retard perdure. Dans quel délai sera pris le décret attendu ? Quelles en seront les conséquences financières pour les collectivités ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Veuillez excuser l'absence du ministre de l'intérieur en déplacement à Alger pour un sommet de ministres de l'intérieur. Il m'a demandé de réaffirmer sa volonté de mener à bien la réforme engagée en 2005, comme il l'a déjà dit à M. Ambroise Dupont. Il a reçu tous les organismes consultatifs concernés, en particulier le bureau de l'association des maires de France. Un texte a été déposé devant le Conseil d'État en avril 2012 mais les nouvelles compétences des ministères, consécutives au changement de gouvernement, ont provoqué quelques retards.

Après de nouvelles concertations, le projet de décret sera très prochainement présenté au Conseil d'État. Il doit être complété par un arrêté pour définir le référentiel national de la sécurité incendie. La défense contre l'incendie est une compétence transférable aux EPCI sur la base du volontariat. Elle requiert des capacités techniques et juridiques complètes, d'où l'importance de cet arrêté. Il s'agit de bien distinguer le réseau d'eau potable de celui qui sert à la défense contre l'incendie.

Quand au dimensionnement des réseaux d'eau potable, des mesures techniques seront prises. La DCI est alimentée non seulement par les réseaux mais aussi par des points d'eaux naturels. La réforme exige un partenariat avec tous les acteurs locaux concernés. Le ministre, c'est la méthode de ce gouvernement, travaillera dans le dialogue.

M. Hervé Maurey.  - Le « très prochainement » n'est pas très quantifiable... Ce décret, très attendu, devra éviter le zèle normatif qui écrase les élus. Toutes les normes coûtent cher. La sécurité incendie est indispensable mais grève les finances des petites communes, qui peinent à supporter la charge de ces travaux. Les maires n'ont plus la compétence « eau » ; le décret devra être précis sur ce point.

Voies sur berge à Paris

M. Philippe Dominati .  - Sur la rive droite, un aménagement a consisté à couper le flux de la circulation. Sur la rive gauche, la circulation a été purement et simplement fermée, pour des raisons prétendument écologiques. Nous continuons pourtant d'enregistrer des pics de pollution. Les Parisiens ont dit leur hostilité à ces décisions à 70 %, à 80 %. Que faire ? Ces voies sont surtout utilisées par les Franciliens et les Parisiens sont seuls à en payer l'aménagement. La région pourrait y contribuer quelque peu.

Dans toutes les métropoles européennes, l'infrastructure routière riveraine des fleuves est repensée. Nous devons le faire aussi mais dans la concertation. C'est votre gouvernement qui a sollicité l'aménagement de ces voies sur berge.

Monsieur le ministre, je suis content de vous voir, vous que j'ai interrogé à plusieurs reprises sur le Grand Paris. Je m'attendais à voir le ministre de l'intérieur car il détient, via le préfet de police, les pouvoirs de police normalement dévolus au maire. Il a parlé, dans un journal local, d'une aberration. Que n'intervient-il ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Merci pour votre satisfaction de me voir présent ici, elle est réciproque ! Ce thème de la reconquête des berges fluviales est porteur. Paris est reconnue pour la beauté de ses perspectives fluviales. Concilions des modes de transport vertueux et l'aménagement de l'environnement urbain. La capitale constitue un vrai laboratoire. Je salue les initiatives de sa municipalité et de son maire, qui a à coeur une vraie vision de la ville.

Vous avez évoqué les aménagements, dont l'ouverture des berges aux promeneurs et aux habitants en juin, qui est très attendue. Elles sont du ressort de la ville de Paris, via le préfet de police ; l'État n'a pas la charge de la voirie mais seulement celle de la réglementation, notamment de la circulation routière.

Des études indiquent une faible répercussion de ces aménagements sur les temps de parcours, de l'ordre de une à trois minutes. Sur la pollution atmosphérique, nous avons effectivement beaucoup d'efforts à fournir. Nous risquons une sanction européenne parce que nos prédécesseurs n'ont pas agi en la matière.

Toutes les villes centres connaissent les mêmes problèmes : elles financent des infrastructures qui servent surtout aux habitants des périphéries. Si la région ne détient pas de domaine public routier, les usagers des voiries parisiennes sont nationaux, voire internationaux. Il faut les moderniser, ce doit être un objectif partagé. Nul doute que, dans quelques semaines, vous applaudirez à l'inauguration de ce nouveau site et de ces aménagements flottants. (M. André Gattolin applaudit)

M. Philippe Dominati.  - Je vous ai posé une question précise. Vous y répondez en lisant la plaquette de présentation du maire de Paris, qui doit partir à la retraite. Ce doit être sa seule vision ou ambition. A cinquante mètres de Notre-Dame, on n'est pas capable de préserver une voie rapide et de la couvrir ! On fait de petites économies. L'État devrait intervenir.

Vous avez les compétences nécessaires. Il y a onze ans, lorsque le maire de Paris et M. Huchon sont arrivés, ils ont dit : « la Seine, la Seine ». Dix ans après, le projet a capoté.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Il a le fret fluvial.

M. Philippe Dominati.  - Il n'y a pas que les aménagements qui flottent, le Gouvernement aussi est flottant. Prenez une position ferme, monsieur le ministre, faites entendre votre voix, vous avez été élu local. Ne laissez pas les choses aller au fil de l'eau...

Véhicules électriques

M. Antoine Lefèvre .  - L'industrie automobile s'est enfin lancée dans l'électrique, même si nous déplorons l'échec d'Heuliez. En 2012, les véhicules électriques ne représentent qu'une part infime du marché français. Le renouvellement du parc automobile français est urgent, or la demande ne semble pas au rendez-vous. Quels sont les freins ? Faible autonomie, peu de bornes. Celles qui sont installées ne le sont qu'en milieu urbain. Il n'existe que 1 473 bornes sur notre territoire, dont beaucoup en panne. L'Aisne n'en compte aucune. Comment l'objectif fixé en 2009 de 400 000 bornes pour 2020 pourra-t-il être atteint ? Il ne faudrait pas que l'offre faite aux consommateurs en soit freinée. Merci, monsieur le ministre, de nous indiquer votre plan de déploiement des bornes et la position du Gouvernement sur le cas d'Heuliez.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre du redressement productif. Le Gouvernement s'est fermement engagé en faveur des véhicules électriques. Le bonus à l'achat a été porté à 7 000 euros. Les ventes ont doublé, sur un marché automobile général en baisse de 14 %. Les ventes de véhicules utilitaires et particuliers croissent. De nouveaux modèles arrivent sur le marché.

La loi Grenelle a conféré aux collectivités territoriales les compétences pour déployer les bornes de recharge. Au 1er avril 2013, 6 500 bornes sont implantées en France contre 1 800 en juillet 2012. L'objectif est fixé à 8 000 avant la fin de l'année. Nous y travaillons avec l'ensemble des acteurs publics et privés.

M. Antoine Lefèvre.  - Merci pour votre réponse. Ma question, qui date presque d'il y a six mois, reste d'une actualité brûlante. L'aide que vous avez évoquée est bienvenue. Les bornes à charge rapide devraient être davantage encouragées sur le domaine public. Relayez auprès de M. Montebourg nos inquiétudes pour Heuliez.

Suppression d'aides aux personnes handicapées

M. Francis Grignon .  - Je préside depuis vingt-cinq ans un hôpital psychiatrique. Nous avons adapté 140 logements afin de réinsérer dans la ville des personnes psychiquement handicapées. Elles ont tout de même besoin d'aides à la vie courante. Or la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin va supprimer, à partir de juillet 2013, les aides financières extra-légales. Cela aura de graves conséquences pour ces bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés. A terme, elles ne pourront pas être maintenues à domicile et devront être réhospitalisées, ce qui coûtera bien évidemment plus cher. Maintiendrez-vous cette suppression ?

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Je vous prie d'excuser l'absence de la ministre aux affaires sociales, qui n'a pu être ici ce matin.

Ces aides sont entièrement de compétence locale. La politique en faveur des personnes handicapées est au coeur de l'action du Gouvernement. Elle s'est traduite par l'augmentation de 7 % du plafond de l'éligibilité à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) inscrite dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Grâce à quoi, la couverture par la CMU-c et l'ACS s'étendra à 750 000 personnes de plus, dont au moins 100 000 sont aujourd'hui bénéficiaires de l'AAH et pourront ainsi bénéficier d'une aide supplémentaire à l'accès aux soins.

La décision de la CPAM du Bas-Rhin s'inscrit dans cette ligne d'extension de la complémentaire santé. Je rappelle que l'AAH peut être cumulée avec la PCH. En tout cas, nous serons très attentifs à ce que cette réforme ne se traduise pas par une dégradation de la prise en charge des ces personnes.

M. Francis Grignon.  - Je vais analyser votre réponse, très technique.

Interdictions des feux de cheminée

M. Alain Gournac .  - J'ai entendu un bruit : on interdirait ce que mon père appelait les flambées. Des habitants de ma bonne ville du Pecq me demandent si l'on va bien empêcher les feux de cheminée à partir de 2015. Madame la ministre, au moment où les référents sont mis à terre, peut-on envisager d'interdire les feux de cheminée ? Pourquoi installer des cheminées si on n'a plus le droit de les utiliser ? « Foyer ouvert », « foyer fermé », dit-on... Les Français ne comprennent pas qu'il puisse se trouver des raisons pour justifier l'interdiction de ce petit plaisir ! Les familles se rassembleront autour du radiateur électrique... Je n'en reviens pas. Qu'on défende la santé publique, je suis pour... Mais là, franchement, non ! On le fait en catimini, ce n'est pas correct. Respectez les Français !

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Je vais vous répondre franchement. Évidemment, tout le monde apprécie un feu de cheminée. Mais les effets sur la santé sont avérés. La pollution aux particules provoque 42 000 décès prématurés chaque année en France, selon la Commission européenne qui nous menace d'un contentieux. Les feux de cheminée représentent 27 % des émissions de particules. On peut les réduire sans perte de confort. Une chaudière à bois émet quinze fois moins de particules qu'un foyer ouvert. Des mesures ont été proposées après concertation. Ce plan a fait l'objet d'un arrêté inter-préfectoral le 25 mars 2013, qui s'appliquera à partir de 2015. Hors Paris, seront autorisées les cheminées à insert...

Le remplacement des installations de plus de quinze ans par des équipements performants sera encouragé. J'ajoute que ces mesures ont été discutées dans le cadre du Conseil national de l'air avec tous les acteurs. Une concertation a eu lieu.

M. Alain Gournac.  - Merci pour votre franchise ! Pouvez-vous me préparer une note ? Sans quoi, mes administrés me prendront pour un fou. Va-t-on créer une police des foyers ouverts ? La flambée est un moment important dans la vie des familles. Tant de repères disparaissent, je l'ai dit. Après le camembert, quoi encore ? Les Français ne croient plus au bien-fondé de nos politiques !

Je sens que vous brûlez de me répondre.

M. le président.  - Madame le ministre, un retour de flamme ?

Mme Delphine Batho, ministre.  - Je vous entends : nous avons un travail de pédagogie à mener. Grâce à ces mesures, nous réduirions de 61 % les particules en zone industrielle, qui se traduisent par des bronchiolites et des allergies. Nous avons reculé la date d'application de 2013 à 2015 pour avoir le temps d'expliquer notre décision. Il est vrai qu'il nous faudra faire acte de pédagogie.

Qualité de l'air

M. André Gattolin .  - Madame la ministre, vous l'avez dit, la pollution de l'air est à l'origine de 42 000 morts en France. Pour combattre ce fléau, la France a adopté les plans de protection de l'atmosphère en 1998, déclinaison de la directive du 27 septembre 1996. D'autres mesures sont en cours d'examen. Toutes s'appuient sur la mesure de la qualité de l'air réalisée par un réseau d'associations agréées. En Ile-de-France, il s'agit d'Airparif.

Or, craignant pour leur image, Issy-les-Moulineaux ne veut plus de sa station de mesure et le conseil général des Hauts-de-Seine vient de supprimer une subvention de 90 000 euros à Airparif. Que faire pour garantir le maintien de ces stations et leur financement ? Ne peut-on contraindre les collectivités territoriales à les accepter sur leur territoire ?

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - J'ai tenu à augmenter le budget des associations de surveillance de la qualité de l'air, auxquelles je tiens à rendre hommage, et j'ai présenté un plan de protection de l'atmosphère le 6 février.

Les stations de mesure fixes font l'objet d'une autorisation d'installation dans le domaine public par les collectivités territoriales. Celle d'Issy-les-Moulineaux sera fermée en 2013 à la suite des décisions de la commune et de la communauté de communes Arc-de-Seine. La ville de Clamart a proposé de l'accueillir ; le site final retenu sera situé dans le XVe arrondissement de Paris.

Le financement de ces stations est tripartite, l'État a pris sa part mais ne peut pas obliger collectivités territoriales et industriels à allouer des subventions. Je regrette profondément la décision des Hauts-de-Seine, qui concerne aussi Bruiparif.

M. André Gattolin.  - Merci à M. Philippe Kaltenbach, maire de Clamart, d'accueillir une station. Je regrette néanmoins ce jeu de saute-moutons de commune à commune ; restons vigilants. Statisticien de formation, je sais qu'il faut renforcer l'échantillonnage et surtout ne pas en changer tout le temps. Notre réseau est très loin d'atteindre le niveau de celui de l'Allemagne.

Il faut, comme vous l'avez dit en décembre, en venir à une fiscalité écologique et faire reposer le financement de la surveillance de l'air sur une part de la TGAP et une partie infime de la Tipp. Enfin, d'une manière ou d'une autre, il faudra imposer des stations de mesure dans les communes sensibles.

Amiante à l'usine Solvay

M. Daniel Reiner .  - Ma question initiale, datant de janvier 2013, concernait l'usine Solvay dans la vallée de la chimie de la Meurthe. Par deux fois, le ministère avait refusé son inscription au dispositif de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Caata). Pourtant, l'amiante, dont l'utilisation a cessé en 1997, a provoqué quatre décès et trente-huit salariés sont atteints de pathologies liées à la manipulation de cette substance.

La décision de votre ministère de se pourvoir en cassation avait provoqué l'incompréhension. Depuis, vous avez pris l'arrêté du 6 février mais celui-ci ne couvre que la période allant de 1966 à 1990. Pourquoi ? L'amiante est la cause de 3 000 décès en France. Tous ceux qui l'ont manipulé doivent bénéficient de la retraite anticipée.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - L'arrêté du 6 février couvre la période de 1966 à 1990, date à laquelle a cessé la fabrication de diaphragmes à base d'amiante dans une unité d'électrolyse. Cette information nous est parvenue après la réunion de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Quant au ministère du travail, il s'est pourvu en cassation car 9 % à 12 % des salariés de Solvay manipulent de l'amiante quand le seuil réglementaire d'inscription sur la liste de la Caata est de 25 %.

M. Daniel Reiner.  - Si ce recours est fondé en droit, il a été mal compris au niveau local. Il empêche le départ anticipé des travailleurs et, donc, la réorganisation de l'entreprise qui assume ses responsabilités. Certes, l'unité d'électrolyse a fermé en 1990 mais l'amiante a continué d'être utilisé. Cela créera une discrimination à l'intérieur de l'entreprise. Il faut s'attendre à un recours de la part des syndicats.

Associations d'aide à domicile

M. Philippe Bas .  - Les associations d'aide à domicile, dont le rôle est essentiel pour le maintien des personnes âgées à domicile, sont couvertes en dessous de leurs frais : le tarif fixé par les antennes régionales de la caisse nationale d'assurance vieillesse leur laisse à charge un différentiel de 1,50 euro.

Dans la plupart des cas, l'usager ne demande rien de mieux que de financer cette différence. Pourquoi le refuser tout en ne débloquant pas les financements nécessaires ? Ce double refus fragilise grandement les associations. S'il n'y est pas mis fin, certaines d'entre elles pourraient disparaître.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Je salue ces associations pour leur rôle auprès des personnes âgées. Le Gouvernement a créé un fonds d'urgence de 50 millions d'euros pour 2013 et 2014 afin de leur venir en aide, après 50 millions d'euros en 2012. Les associations ont jusqu'au 30 avril pour déposer leur dossier auprès des agences régionales de la santé.

Cette première mesure s'accompagnera d'une politique volontariste visant à une contractualisation dans chaque territoire à partir d'objectifs pluriannuels précis : qualité, professionnalisation, accessibilité financière. Un groupe de travail sur les GIR 5 et GIR 6 devra faciliter le recours aux aides à domicile pour ménager la transition en GIR 4. Voyez : le Gouvernement agit !

M. Philippe Bas.  - Hélas, le fonds de 50 millions d'euros n'est pas à la hauteur des besoins. J'ai évoqué la possibilité d'un complément directement versé par les personnes âgées. Je ne doute pas que vous réfléchirez à cet assouplissement nécessaire dans la Manche, où la situation est très tendue et que le ministre délégué au budget connaît bien.

Déserts médicaux en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat .  - Le plan de lutte contre les déserts médicaux, que vous venez d'annoncer, est plus que jamais nécessaire. La Dordogne, le troisième plus grand département par sa superficie, compte 30 % de plus de 60 ans et une densité de seulement 46 habitants au kilomètre carré. Les difficultés sont réelles et iront s'aggravant car nos médecins âgés partent à la retraite sans trouver de remplaçant dans un cas sur deux. Certes, dix maisons de santé ont été créées mais le compte n'y est pas. Que ferez-vous pour la Dordogne ?

M. Jean Besson.  - Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - La Dordogne, comme de nombreux autres territoires, attend beaucoup de l'amélioration de l'offre de santé. Dans le cadre du pacte territoire-santé, j'ai demandé des consultations pour affiner sa déclinaison territoriale. L'ARS d'Aquitaine en a mené une en février dernier en Dordogne. Celle-ci communique auprès de l'université de médecine de Bordeaux pour monter avec les étudiants des projets d'accompagnement et d'installation. L'agence anime également un partenariat avec les acteurs autour des pôles de santé : dix maisons de santé fonctionnent. L'accès aux soins urgents en moins de 30 minutes est assuré par la nomination de médecins libéraux correspondants du Samu ; au-delà de 45 minutes, on peut recourir à des consultations de télémédecine. Nous ouvrons également, pour la bonne organisation, des hôpitaux de proximité en liaison avec l'hôpital de Périgueux.

Comptez sur ma détermination : l'accès aux soins est une question d'égalité.

M. Claude Bérit-Débat.  - Votre réponse ne me rassure pas complètement. Mon département est à la fois vaste et peu peuplé. Les efforts de l'ARS auprès de l'université de Bordeaux sont, pour l'heure, restés vains : les conjoints de médecins hésitent à s'installer dans des zones très peu peuplées qui ne peuvent guère leur proposer d'activités. Je ne doute pas de votre ardeur au combat mais des résultats de votre politique.

Trois ophtalmologistes pour tout le département et six mois d'attente pour un rendez-vous ; deux pédiatres seulement à Périgueux.

Calendrier des vacances

M. Jean Besson .  - Après l'arrêté du 20 juillet 2009, les vacances d'hiver et de printemps ont été décalées d'une semaine et celles de printemps débordent largement sur mai, une période où les stations de sport d'hiver ferment ou sont sur le point de fermer. M. le président de séance Carle sait ce dont je parle : en deux saisons, la fréquentation des stations a été divisée par deux à Pâques. Près de 35 000 emplois sont concernés par ce changement de calendrier. En Rhône-Alpes, le tourisme représente 10 milliards d'euros de consommation et 150 000 emplois.

Veillons à ce que la réforme des rythmes scolaires prenne en considération les intérêts du tourisme.

M. le président.  - Merci pour cette question ! Nous attendons la réponse...

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Peillon, qui est à la réunion des Drac avec les recteurs.

Les vacances de l'année scolaire 2013-2014 sont fixées aux dates suivantes : rentrée des classes le 3 septembre et départ en vacances d'été le 5 juillet ; Toussaint, du 19 octobre au 4 novembre 2013 ; Noël, du 21 décembre 2013 au 6 janvier 2014 ; hiver, du 25 février au 17 mars 2014 ; printemps, du 12 avril au 12 mai 2014. C'est un peu tard, il est vrai, selon vos critères.

Cela dit, le cadre n'est pas triennal. Et ce, à dessein pour donner le temps à la concertation en ayant pour objectif prioritaire le bien-être des enfants et l'organisation de la vie familiale. La révision des rythmes hebdomadaires est une nécessité quand les enfants français travaillent 144 jours par an contre 187 en moyenne dans l'OCDE. D'où la surcharge des journées scolaires, qui nuit aux apprentissages.

M. le président.  - M. Besson vous dira notre déception commune...

M. Jean Besson.  - En effet, je soutiens la réforme des rythmes scolaires. Mais il faudrait concentrer les vacances de février en février et celles du printemps en avril. En mai, il y a déjà beaucoup de jours fériés.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - Nous devons composer avec des intérêts contradictoires. Diversifions les plaisirs des vacances en montagne : s'y promener en été et au printemps est aussi très agréable !

M. le président.  - M. Besson et moi-même vous ferons des propositions.

Réserve parlementaire

M. Jean Louis Masson .  - En quoi la réserve parlementaire concerne-t-elle la réussite éducative ? C'est pourtant non pas le ministre délégué aux relations avec le Parlement mais Mme Pau-Langevin qui me répondra.

Après l'affaire Cahuzac, nous devons plus que jamais faire preuve de transparence, d'équité et de rigueur sur la réserve parlementaire. Pour l'équité, rappelons que les distorsions passées étaient scandaleuses : certains s'empiffraient, d'autres n'avaient rien. Les nouveaux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont annoncé à grand renfort de publicité faire cesser cela et mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Le rapporteur général de l'Assemblée nationale a toutefois annoncé sur M 6 que certains parlementaires privilégiés avaient trois ou quatre fois plus que les autres. C'est nous enfumer !

Quant à la transparence, le ministère de l'écologie ne respecte toujours pas la jurisprudence de la commission d'accès aux documents administratifs et la loi de 1978 sur l'obligation de communication des documents administratifs et refuse au public la consultation de ces documents.

J'attends une réforme globale moralisant la réserve parlementaire. J'ai déposé une proposition de loi en ce sens.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - M. les ministres n'ont pas toujours le choix de leur emploi du temps, M. Vidalies n'a pas pu se libérer ce matin.

D'abord, la réserve parlementaire n'a rien à voir avec ce qui arrive à notre collègue Cahuzac. Ensuite, les règles doivent être appliquées : les subventions versées au titre de la réserve parlementaire sont listées en annexe au projet de loi de finances chaque année. La commission d'accès aux documents administratifs vérifie le bon accès aux documents. Chacune des subventions fait l'objet d'un amendement au projet de loi de finances, examiné par le Parlement.

Enfin, MM. Bartolone et Bel souhaitent une répartition des subventions au prorata au sein des groupes politiques ; sur ce qui se passe à l'intérieur des groupes, nous ne pouvons guère intervenir.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis stupéfait. A quoi sert de poser des questions si vous répondez à côté ? Le rapporteur général à l'Assemblée nationale a reconnu qu'il touche trois fois plus que les autres. Au Sénat, il en va de même. Il n'y a pas d'égalité. M. Bartolone et le président du Sénat ont fait croire qu'il y a une justice. Il n'y en a aucune !

On vous a demandé de venir par hasard me répondre, madame la ministre, mais ma question portait sur une subvention précise qui a été délibérément masquée dans l'annexe du projet de loi de finances. Il y a eu magouille, entourloupe, même !

M. le président.  - Permettez-moi de remercier Mme la ministre d'avoir représenté le Gouvernement.

La séance est suspendue à 12 h 35.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 14 h 30.

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à la suite des explications de vote sur les deux amendements de suppression de l'article premier.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Une explication de vote est l'occasion d'y voir plus clair dans le débat. Je souhaite que le Gouvernement nous éclaire : quelle est sa vision du mariage ? Des années durant, vous nous avez expliqué qu'il était la version bourgeoise de l'union civile, qu'il était ringard. Dans nos mairies, 95 % des couples hétérosexuels choisissent dorénavant le Pacs, notamment parce qu'il peut être plus facilement rompu. Et vous venez nous expliquer qu'il faut ouvrir le mariage aux personnes de même sexe. C'est le monde à l'envers !

Nous attendons ensuite de la clarté sur un débat qui commence à prendre corps. Sur ce point, c'est la cacophonie. Le président de la République a assuré que PMA et GPA n'étaient pas à l'ordre du jour. Sans doute a-t-il répondu un peu vite pour être trop occupé par d'autres affaires. Car ce n'est pas ce que l'on entend du côté du Gouvernement et de la majorité. Mme Bertinotti nous dit : les homosexuels réclament une banalisation. Tel est bien le mot d'ordre, comme si le débat n'avait aucune raison d'être. Quant au rapporteur, il nous a expliqué que l'on parlerait bientôt de la PMA et éventuellement de la GPA, que cela était bien naturel dès lors que l'on accordait les mêmes droits aux couples de même sexe. Le président de la commission des lois a fait preuve, pour lui, d'une certaine retenue, disant qu'il ne savait pas ce qu'il voterait sur de tels sujets et que l'on faisait à la majorité un procès d'intention.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Appelons un chat un chat ! Où voulez-vous nous conduire ? Où voulez-vous conduire notre société ? Il est temps de le dire clairement ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Sido.  - Je suis d'accord avec les propos de M. Sueur qui, hier soir, disait être sensible aux poids des mots. Mais, pour Mme Bertinotti, l'adoption par un couple hétérosexuel n'est pas motivée par la seule volonté de donner une famille à l'enfant et l'adoption internationale est déjà un marché. Peut-être a-t-elle parlé un peu rapidement... Reste que ces propos sont scandaleux, je l'ai dit hier soir. C'est stigmatiser les couples qui ont entamé une démarche d'adoption, les accuser de s'être tournés vers le marché ; c'est aussi insulter les pays d'origine. Il n'est pas de bonne politique de jeter ainsi l'anathème sur ces couples.

Ensuite, selon M. Michel, la présomption de paternité doit être relativisée dès lors qu'il existe de nombreuses configurations familiales différentes. Certes, mais est-ce à dire qu'il faut toutes les légaliser ? Vous appliquez la politique du chien crevé au fil de l'eau. (Exclamations à gauche)

Où est votre esprit critique, le devoir de tout citoyen ? Cet article premier ne prend en compte ni l'intérêt de l'enfant, ni celui de la Nation. Il conduira à légaliser la PMA et la GPA. Je voterai ces amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le sens des mots ? Je l'ai dit au Premier ministre Raffarin, le dictionnaire de l'Académie française ne fixe pas le sens des mots dans le marbre : il en est à sa neuvième édition depuis 1694.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Le mensonge reste le mensonge ; la vérité, la vérité !

M. Antoine Lefèvre.  - Les yeux dans les yeux !

Mme Nathalie Goulet.  - Le sens de ce mot a changé... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Si ce texte est adopté, oui, le sens du mot mariage sera modifié. Cela n'a rien d'extravagant. Encore faut-il distinguer les mots de la loi et la perception qu'en a l'opinion.

Vous évoquez des points qui ne sont pas dans ce texte : il n'est pas légitime de reprocher ce qui ne s'y trouve pas à ceux qui vont le voter.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Que se passera-t-il après ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Adopter ce texte, ce n'est pas en accepter par anticipation un autre. Si un autre texte vient, chacun réfléchira en conscience. De quel droit présupposez-vous mon vote ? Je puis vous dire, ici, que je ne suis pas disposé à voter aujourd'hui des mesures relatives à la PMA et à la GPA.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Soit, mais que dit le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ces pratiques sont légales ailleurs, m'objecte-t-on. Mme Taubira a bien fait de prendre en compte, par circulaire, la situation des enfants nés suite à une GPA. Nous ne créerons pas ainsi d'apatrides. Quoi qu'il en soit, nous faisons ici la loi de la République française, et ce n'est pas parce qu'une disposition est légale ailleurs qu'il faut s'aligner (on approuve à droite), sinon le Parlement n'a plus qu'à mettre la clé sous la porte. Les choses sont donc extrêmement claires.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et le Gouvernement ?

Hommage à une délégation turque

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je salue la présence dans nos tribunes d'une délégation de la Grande assemblée nationale de Turquie en voyage officiel dans le cadre d'un programme d'échanges avec l'Union européenne. Représentant toutes les formations, ses membres appartiennent à la commission de réflexion et de révision de la Constitution. Notre collègue le président Gérard Larcher les accompagne. Je veux leur rendre hommage au nom du Sénat, une assemblée pondérée, traditionnellement active dans la construction européenne et soucieuse de la permanence des relations de la France avec ses amis ! (Applaudissements)

Mariage des personnes de même sexe (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. Jean Louis Masson.  - Je partage l'avis du président de la commission des lois sur la circulaire Taubira : on ne peut laisser des enfants hors du droit ni créer des apatrides.

La sexualité relève de la vie privée, on peut être homosexuel, pourquoi pas, polygame, pourquoi pas (mouvements divers à gauche), faire n'importe quoi, pourquoi pas... On peut même être sénateur... La vie publique, c'est autre chose. On ne parle pas ici du mariage pour tous mais du mariage homosexuel. Il n'appartient pas à l'État de favoriser des situations qui ne correspondent pas à l'intérêt de la Nation en dénaturant l'institution du mariage. Cette loi est malvenue alors que nos concitoyens sont confrontés au chômage, à la précarité. Ce n'est pas ainsi que l'on réglera leurs problèmes !

Tous les partis politiques ont leur responsabilité ; je souhaite qu'ils les assument en bloc. La majorité est très serrée au Sénat : puisse ce projet de loi être rejeté ! J'appelle tous mes collègues à leur responsabilité personnelle. Il serait désastreux que ce texte soit adopté parce que des parlementaires l'auraient voté contre les consignes de leur groupe.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La Constitution dit que tout mandat impératif est nul. Je le rappelle à M. Masson.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Nous avons voulu, en toute bonne foi, rassembler avec l'union civile, solution plus consensuelle qui répond aux aspirations d'une large partie de nos concitoyens. Pour des raisons politiques, la majorité a refusé de nous écouter.

Avec ce texte, elle fait un choix de société que nous ne partageons pas. Le mariage et l'adoption aujourd'hui, c'est, demain, la PMA et les mères porteuses. Ce ne serait pas le débat ici ? On nous annonce pourtant un autre texte. Mais c'est le même sujet ! Voyez le rapport de la commission des affaires sociales : Mme la rapporteure pour avis y déclare être favorable à l'extension de la PMA aux couples de femmes au nom de l'égalité des projets parentaux ; elle se dit par ailleurs ouverte sur la question de la GPA. Pourquoi une telle affirmation est-elle nécessaire dans le cadre de ce texte si les sujets ne sont pas liés ? Comment peut-on être aussi évasif sur un sujet à ce point central pour notre société ?

Pour nous, l'interdiction de la GPA repose sur l'indisponibilité de l'état des personnes et sur l'indisponibilité du corps humain. La grande majorité du groupe UDI-UC soutiendra les deux amendements de suppression. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.  - Sur la procréation médicale assistée, nous avons entendu, lors des auditions, nombre de prises de position. Il me paraissait donc utile de dire où j'en étais. Reste que, malgré les propos obsessionnels que j'entends, ce n'est pas l'objet de ce texte.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Quelle hypocrisie !

M. Antoine Lefèvre.  - Le mariage homosexuel, c'est, automatiquement, le droit d'adopter. Nous ne pouvons vous suivre. L'union civile aurait donné aux homosexuels de nouveaux droits, mais sans la filiation. Le mariage n'est pas un simple certificat de reconnaissance d'un amour : l'institution emporte filiation et présomption de paternité. Ne nous y trompons pas, l'enfant est au coeur de nos débats. Pour se construire, il a besoin d'une généalogie claire. Or un couple hétérosexuel et un couple homosexuel ne sont pas dans une situation comparable, le mariage ne peut produire les mêmes effets pour l'un et pour l'autre. Il est dangereux de laisser croire que la famille est une création d'ordre social et non d'ordre biologique.

Je veux citer le témoignage d'un jeune homosexuel, qui vit en couple depuis sept ans : il dénonce ce projet comme étant le fruit de pressions d'une infime minorité, de gens qui se sont autoproclamés représentants de la communauté gay.

De quel droit la loi peut-elle priver un enfant de père ou de mère ? Qui peut croire que les couples homosexuels auront recours à l'adoption, quand il y a si peu d'enfants adoptables ? Voter ce texte, c'est ouvrir inévitablement la PMA aux homosexuels et autoriser la GPA. Vous sentez-vous le droit d'engager la société française dans cette direction ?

On n'est pas loin, ici, de la théorie de genre, qui nie toute spécificité des sexes. Dire qu'un couple hétérosexuel est différent d'un couple homosexuel, ce n'est pas de l'homophobie ; les homosexuels se sont suffisamment battus pour le droit à la différence...

Les inquiétudes sont fortes, aggravées par les tergiversations du Gouvernement sur le futur texte relatif à la famille. La PMA n'existe qu'à l'étranger, dit M. Sueur. Je peux citer cependant une clinique américaine dite « de la fertilité » qui démarche à Paris de potentiels clients pour don d'ovocyte, gestation pour autrui, test génétique de dépistage sur embryon, toutes pratiques pourtant interdites en droit français.

Je voterai avec conviction les amendements de suppression. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Vial.  - Le débat est sérieux, il faut le poursuivre dans la sérénité, ainsi que nous y a invités le président. Les propos du président Sueur sur l'évolution de la langue me préoccupent.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est la vérité.

M. Jean-Pierre Vial.  - Car aussitôt, le rapporteur nous a dit que l'on se ferait au mariage pour tous comme on s'est fait au Pacs. Notre pays est en crise, la confiance dans la classe politique est ébranlée. On ne la rétablira pas en cachant que d'autres évolutions sont à venir si l'on adopte ce texte.

Le président de la République, devant le Congrès des maires, a évoqué dans un premier temps la clause de conscience pour les maires. Outre qu'on peut s'étonner que le chef de l'État accepte que les premiers magistrats des communes fassent défaut à la loi, c'est bien qu'il existe un problème majeur. Je pose donc la question au Gouvernement, la même qu'a posée Mme Benbassa à Mme Taubira lors de son audition : à quand la concertation sur la famille, la loi qui en découlera et le débat sur la PMA et la GPA ? On ment à la nation : vous devez répondre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je voterai les amendements de suppression. La sémantique, monsieur le président Sueur ? Oui, le sens des mots évolue au fil des usages et il n'appartient pas au Parlement de transformer leur sens. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le Parlement est un acteur de la société...

M. Jean-Pierre Leleux.  - Une majorité politique ne peut appeler mariage ce qui ne l'est pas, ne peut pas l'être et ne le sera jamais. Le recours aux citations ne vous agrée pas, je l'ai compris : j'avais pourtant choisi Camus et Portalis... Je poursuis cependant, avec Mme Guigou, qui disait que le mariage est l'institutionnalisation de la différence des sexes. Et Ibn'Arabî, grand poète mystique de l'Islam, à qui l'on demandait quel serait son voeu le plus cher, répondait, au XIIe siècle : que l'on restitue leur sens aux mots. Nous ne disons pas autre chose. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - C'est vous qui détournez le sens des mots !

M. Adourahamane Soihili.  - Avec le mariage pour tous, vous avez trouvé un slogan. Et semé beaucoup de confusion. Le mariage, ce n'est pas seulement l'union d'un homme et d'une femme dans notre code civil ; il implique la présomption de paternité et l'adoption. Résultat, on en viendra inévitablement à la PMA, au nom du principe d'égalité. Que vous ne le disiez pas clairement scandalise beaucoup de Français. Il sera facile à un couple de femmes de réclamer le droit à la PMA en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité. Et la prochaine étape, ce sera, mécaniquement, l'accès à la GPA pour les couples d'hommes, qui s'appuieront sur le fait que la PMA est ouverte aux couples de femmes.

Nous ne cherchons pas à faire peur. (Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis, en doute) Notre souci est de montrer que ce texte n'est que la face émergée de l'iceberg. Nous évoluons dans un cadre européen et nos lois sont soumises au contrôle de constitutionnalité : on sait ce qu'il en sera. Je ne peux accepter l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Darniche.  - J'ai entendu tout à l'heure le président Sueur nous inciter à nous en tenir au texte et rien qu'au texte. Qu'il me pardonne : ce n'est pas honnête. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, le conteste) J'ai assisté à de nombreuses auditions : tous ceux qui sont favorables à ce texte ont indiqué leur souhait d'aller vers la PMA et la GPA.

Nous savons que le Gouvernement a demandé aux sénateurs qui étaient favorables à la légalisation de ces pratiques de reporter leurs amendements au texte à venir sur la famille. Nous ne sommes pas homophobes mais nous n'acceptons pas qu'on utilise des arguments spécieux pour essayer de retrouver une majorité dans les sondages. Ne trompons pas les Français en leur cachant la moitié de la réalité car s'ils se déclarent pour le mariage pour tous, ils sont aussi contre la PMA et la GPA.

Dans nos départements, combien de personnes témoignent devant nous de leur obsession de leurs origines ? Ce texte va augmenter le nombre d'enfants qui, devenus adultes, en seront la proie et souffriront inévitablement. Du reste, Mme Roudinesco l'a reconnu, ajoutant que l'on pouvait parfois créer des situations douloureuses pour certains afin d'obtenir des avancées pour le plus grand nombre. On ne peut brader ainsi les enfants et leur bonheur. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Détraigne.  - S'en tenir au texte ? Mais il va bientôt être question de l'adoption ; on en viendra inévitablement à la PMA et à la GPA. Comment empêchera-t-on ces couples de recourir à ces techniques dans des pays où elles sont légales ? Il faudra bien, ensuite, régulariser la situation de ces enfants. Le seul argument par lequel vous justifiez ce projet de loi, c'est le principe d'égalité. En son nom, si deux femmes peuvent accéder à une PMA, un couple d'hommes réclamera le recours à la GMA. C'est inévitable.

On ne nous dit pas tout. Voilà pourquoi, au nom du principe de précaution (murmures à gauche), nous ne pourrons adopter ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. René-Paul Savary.  - Le Conseil constitutionnel a été saisi, en novembre 2012, par la Cour de cassation, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par deux citoyennes du département de la Marne sur le dernier alinéa de l'article 75 du code civil et l'article 144 du même code. La Cour a rappelé à cette occasion qu'aux termes de la loi, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Le Conseil a jugé que le droit de mener une vie familiale normale n'est pas méconnu par l'interdiction du mariage aux couples de même sexe, par conséquent conforme au principe d'égalité. CQFD : vous ne pouvez invoquer le principe d'égalité.

A contrario, le texte ne protège pas les enfants adoptables de la même façon ; il crée une nouvelle inégalité entre enfants de couples homosexuels et enfants de couples hétérosexuels. L'union civile répondait au besoin de reconnaissance et aux préoccupations sociales et fiscales des couples homosexuels, sans diviser les Français. Je soutiendrai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Garrec.  - Puis-je ajouter un mot ? (Marques d'impatience à gauche)

M. David Assouline.  - Que ce soit celui de la fin !

M. le président.  - Vous avez la parole, monsieur Garrec.

M. René Garrec.  - (Applaudissements à droite) Je suis gêné par la conception de l'évolution des mots de M. Sueur. Le mot n'est pas le fait. A ce compte, la formule tua res tibi habetur, qui s'applique au partage des biens dans le divorce, pourrait aujourd'hui se résumer en un « sors d'ici aves tes affaires », sinon un « fous-moi le camp avec tes frusques » ! (Sourires) Tenons-nous en donc aux faits. (Applaudissements sur les bancs UMP)

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos5 rectifié bis et 170 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 158
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 1 à 10

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Je présenterai les amendements nos9 rectifié bis et 10 rectifié bis pour faire gagner un peu de temps à notre assemblée.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.  - Très bien.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Ce sont des amendements de suppression (« Ah ! » à gauche) des alinéas 1 à 10 et, surtout, des alinéas 2 et 3, qui consacrent le mariage des couples de même sexe. Les autres en tirent les conséquences. Autrement dit, nous sommes pour l'union civile, contre le mariage pour tous ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°106 rectifié, présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. 143. - Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, reposant sur leur engagement public, volontaire et solennel pris devant la société.

« La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi.

« Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l'alliance et fonde la parenté, offrant à l'enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle.

« Cette nature particulière du mariage fonde l'existence de règles régissant impérativement ses conditions, ses effets et sa dissolution. » ;

M. Bruno Retailleau.  - Une nouvelle fois, madame la ministre, confirmez-vous les propos de Mme Vallaud-Belkacem en faveur de la PMA et de la GPA ?

J'apprécie la clarté de la position du rapporteur, celle du président de la commission est plus oblique.

La PMA est consubstantielle à ce texte en raison du principe d'égalité. Je vous renvoie à l'arrêt Dubois de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 13 mars 2002. Vous ne pouvez pas vouloir les causes sans avoir les conséquences. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°134 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Quand un fleuve sort de son lit, il faut l'y ramener. Redonnons au mariage son sens. Le dictionnaire de la langue française le définit comme l'union d'un homme et d'une femme consacrée par des règles et des institutions. Sans vouloir faire concurrence aux éminents spécialistes que sont MM. Hyest et Gélard, je rappelle que le français est la langue de notre République. Voilà un nouvel argument confirmant l'inconstitutionnalité de ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°157 rectifié, présenté par MM. Bécot et G. Bailly, Mme Mélot et MM. Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.

M. Michel Bécot.  - La famille est une micro-société qui joue un rôle d'amortisseur social en période de crise. Le mariage n'est pas la reconnaissance d'un amour, il consacre une alliance horizontale entre les parents et une alliance verticale entre les parents et l'enfant. L'enfant a besoin de connaître sa place au sein des générations et il aura toujours besoin de cette généalogie en double lignée.

L'amendement n°188 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°193, présenté par MM. Revet et Darniche.

M. Charles Revet.  - Cet amendement rappelle le sens du mot mariage.

En audition, un intervenant a eu raison de dire que le mariage était un mot signifiant. Soit, a dit le président Sueur, mais le sens des mots évolue. Je regrette mais le mariage unit un homme et une femme en vue de la procréation. Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais avoir d'enfants ! Cette définition est d'ailleurs inscrite dans des textes européens et internationaux. Qu'arrivera-t-il si nous la modifions par ce texte ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°240, présenté par Mme Duchêne.

Mme Marie-Annick Duchêne.  - La filiation se fonde sur la différence des sexes. Il ne paraissait pas utile de le préciser lors de la rédaction du code civil en 1804. En 2013, il en est encore pour penser que l'union de l'homme et de la femme est le seul moyen de perpétuer l'espèce, pour citer Portalis.

M. Gélard vous a proposé la solution de l'union civile et de l'adoption simple pour les couples homosexuels. Malheureusement, vous l'avez refusée. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 143. - Le mariage est contracté par un homme et une femme. »

M. Patrice Gélard.  - Cet amendement est strictement identique à celui que nous avions présenté il y a quatorze ans pour le Pacs. Nous l'avions alors retiré, la garde des sceaux nous ayant assuré que cela n'était pas nécessaire puisque cela allait de soi depuis 1804. Nous devons aujourd'hui mettre les points sur les i. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°107 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Savary, de Raincourt, G. Larcher et Mayet.

M. Bruno Retailleau.  - La définition du mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Tout se tient derrière ce cadre : l'adoption, la filiation et la présomption de paternité. Cette définition vaut pour la France comme pour toutes les cultures et toutes les civilisations. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement identique n°136 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Cet amendement est d'une simplicité biblique. Placer couples homosexuels et hétérosexuels sur le même pied est discriminatoire car les uns ne sont pas procréatifs contrairement aux autres. Oui à l'union civile, non à l'extension du mariage aux couples homosexuels.

M. le président.  - Amendement identique n°158 rectifié, présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel et P. Leroy, Mme Mélot et M. Pointereau.

M. Michel Bécot.  - Cet amendement socle nous fait redécouvrir les bases de notre humanité en rappelant que l'altérité sexuelle fonde le mariage. Les couples homosexuels ne peuvent pas avoir d'enfants, et je ne reviens pas sur la distinction anthropologique entre l'homme et la femme. Nos concitoyens sont inquiets. Pourquoi refusez-vous de les écouter au nom d'une prétendue égalité ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

L'amendement n°189 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°194, présenté par MM. Revet et Darniche.

M. Charles Revet.  - Nous sommes constants car ancrés dans la réalité des choses. Posez la question à nos concitoyens, ils vous diront que le mariage unit l'homme à la femme. Alors, un peu de réalisme ! A force de le répéter, peut-être accepterez-vous de nous entendre.

M. le président.  - Amendement identique n°241, présenté par Mme Duchêne.

Mme Marie-Annick Duchêne.  - Ce projet de loi remet en question l'équilibre de l'institution du mariage, et donc de notre organisation sociale, sans en mesurer les conséquences. La distinction des sexes dans le mariage est conforme à notre Constitution. Traiter différemment des situations différentes, cela n'est pas commettre une discrimination. Le rôle de la loi n'est pas de courir après les évolutions de la société, il est d'offrir un cadre complet et cohérent. Ce n'est pas le cas de ce texte.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis.  - Si !

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 3

Après les mots :

de sexe différent

supprimer les mots :

ou de même sexe

M. Patrice Gélard.  - Je défendrai en même temps l'amendement n°12 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Ces deux amendements, dans le même esprit que les précédents, reviennent sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.

L'amendement n°12 rectifié bis concerne l'âge légal du mariage : 18 ans en France, l'âge nubile disent les conventions internationales, lequel âge varie selon les pays, preuve que la loi nationale peut adapter la convention internationale.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ces quinze amendements, dont deux n'ont pas été soutenus, ont reçu un avis défavorable pour une simple raison. M. Gélard ainsi qu'un certain nombre de ses collègues ont déposé des amendements de suppression sur chaque alinéa, après avoir échoué à abroger l'article que la commission des lois a adopté et qu'ils refusent ou reviennent à une définition du mariage comme union de deux sexes.

A propos du sens des mots, je veux vous rassurer. Ce matin, Le Figaro...

M. Charles Revet.  - Une bonne lecture !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - ...signalait que la maison Larousse changerait la définition du mot mariage pour tenir compte de la volonté du législateur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.  - J'ajoute que le secrétaire général de l'Académie française s'est également dit prêt à faire de même, parce que « le sens des mots n'est pas figé ».

Le projet de loi étend le mariage aux personnes de même sexe, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes interdits ; le reste n'est que supputations et fantasmes.

« Les lois sont faites pour les moeurs et les moeurs varient » disait Napoléon, l'auteur du code civil. (Exclamations à droite)

Le sociologue François de Singly, quant à lui, soulignait l'intérêt du flou dans la définition de la famille, soulignant que son universalité tient justement à son absence de définition. Vous qui êtes si attachés à l'augmentation du nombre des familles, comprenez qu'avec cette définition, leur nombre augmentera : n'ayez pas peur de l'avenir !

L'avis est défavorable à tous les amendements.

M. Jean-François Humbert.  - La différence des sexes est inscrite au coeur de toutes nos lois. (Brouhaha à gauche) Si je vous dérange, dites-le !

Le droit ne peut l'abolir. Il est impossible aux couples de même sexe de procréer. Tout au moins, il aurait fallu un grand débat, comme le préconisait l'Académie des sciences morales et politiques dans son avis. (Applaudissements prolongés sur les bancs UMP)

M. André Reichardt.  - Vu le sort fait à nos amendements précédents, nous ne doutons pas du vote qui interviendra bientôt. Le Gouvernement va jouer à l'apprenti sorcier en parentalisant -pardonnez-moi ce néologisme mais il semble que l'on ne soit pas à un près- les homosexuels qui ne peuvent procréer. Vous nous aviez promis le redressement productif en y consacrant un ministère et la croissance en modifiant une ligne du pacte européen (« hors sujet !» à gauche) ; au lieu de cela, vous diluez l'institution du mariage en niant la différence anthropologique de l'homme et de la femme. Une fois de plus, nous vous demandons des éclaircissements sur la GPA et la PMA, qui viendront bientôt au nom de la sacro-sainte égalité. Au moins, organisons le grand débat voulu par l'Académie des sciences morales et politiques sur ce texte qui impose une révision de la Constitution.

Depuis 1946, l'altérité sexuelle est un des principes fondateurs de l'institution du mariage. D'autres textes, avant cette date, la consacraient. Puisque vous refusez l'union civile, nous sommes contraints de soutenir l'amendement n°9 rectifié bis. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Bas.  - Pourquoi rappeler que le mariage est réservé à l'homme et à la femme quand le Conseil constitutionnel l'a confirmé il y a deux ans ?

Cela allait de soi pour les auteurs du code civil, ce n'est plus le cas. Levons donc toute ambiguïté.

Pour le reste, il faut maintenir le code civil dans l'intérêt supérieur de l'enfant (M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, s'impatiente) car ce texte légalise, de fait, les enfants issus d'une PMA à l'étranger, puisque l'épouse d'une femme qui y aura eu recours pourra adopter l'enfant. La ministre peut-elle nous répondre ?

M. François Rebsamen.  - Elle ne fait que ça !

M. Philippe Bas.  - Pour Mme  Vallaud-Belkacem, ce texte est une première étape avant l'autorisation de la PMA et de la GPA. Est-elle vraiment la porte-parole du Gouvernement ? On nous reproche de trop parler ; j'aimerais, moi, entendre davantage la ministre.

M. Dominique de Legge.  - Puisque vous ne pouvez pas changer la réalité, vous voulez changer le sens des mots. Au lieu de nous répondre sur la PMA et la GPA, Mme Bertinotti nous a abreuvés de citations tirées des fiches préparées par ses collaborateurs.

M. David Assouline.  - C'est élégant !

M. Dominique de Legge.  - Puisque le Gouvernement refuse le référendum, qu'il parle clairement dans l'hémicycle. Oui ou non, le texte ouvre-t-il la PMA aux couples homosexuels ? Légalise-t-il la GPA ? Quels engagements pouvez-vous prendre ? J'attends une réponse claire et sans ambiguïté ! (Applaudissements nourris à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je veux enfoncer encore le clou, c'est nécessaire. (Exclamations à gauche) Le président de la République avait affirmé qu'il n'était pas question de soumettre au Parlement la question de la PMA et de la GPA. Il s'agissait alors de rassurer, et beaucoup vous ont cru. Je constate que le président et le rapporteur de la commission des lois ont des positions différentes. Le rapporteur nous dit « oui, bien sûr » et le président Sueur nous dit « pas du tout ».

Mme Jacqueline Gourault.  - Et alors ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - On comprend bien que ces questions viendront en débat et l'on connaît les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem. (« Encore ! ») Quelles sont, encore une fois, les intentions du Gouvernement ? On ne peut pas rester dans l'ambiguïté sur un tel sujet. Cela s'appelle mentir, et j'utilise le mot avec circonspection en ces temps troubles, par omission. Qui est Pinocchio sur les bancs de la majorité ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Cécile Cukierman.  - Un nez n'a poussé à personne durant la nuit !

Mme Éliane Assassi.  - Cela vole haut !

M. Gérard Cornu.  - Quand on pose une question, la ministre nous répond par une citation. On en a assez des citations, on aimerait un peu plus de franchise. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Vous faites un contresens historique sur le mariage. Celui-ci institutionnalise un cadre familial équilibré, en s'assurant de la présence d'un père. Pour les couples hétérosexuels, il n'y a jamais eu de « droit à l'enfant » : ce couple domine la vie, et la société organise. Pas plus qu'il n'y a de droit à l'adoption, ou de droit à la PMA, laquelle n'est acceptable qu'en cas de stérilité d'un couple hétérosexuel.

C'est l'enfant qui doit être au coeur de nos préoccupations, son bien-être, son avenir. Les milliers de familles qui descendent dans la rue et n'ont pas l'habitude de manifester le savent, elles ne comprennent pas votre entêtement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Christophe Béchu.  - Je n'oublie pas les propos qu'a tenus la porte-parole du Gouvernement. (On s'impatiente à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Ah ! L'obstruction.

M. Christophe Béchu.  - Quoi qu'il en soit, et demandez-le au rapporteur et au président de la commission des lois, l'adoption de ce texte nous conduira vers la PMA et la GPA. Que le comité d'éthique le veuille ou non, la Cour européenne des droits de l'Homme sera saisie et elle considérera inévitablement, en vertu de sa jurisprudence et au nom du principe d'égalité, que la PMA doit être ouverte aux couples de femmes. Moyennant quoi, des couples d'hommes seront en mesure de demander à la Cour, au nom du même principe d'égalité, l'accès à la GPA. Je demande la parité au sein de la famille. Voilà pourquoi je voterai ces amendements.

M. Bruno Retailleau.  - Rappel au Règlement, monsieur le président, et qui vous est adressé. Nous savons que vous avez à coeur de soutenir le travail du Parlement face au Gouvernement. J'ai soulevé, vendredi soir, la question de la PMA. (Vives exclamations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Bruno Retailleau.  - Il faut que les Français sachent tout ! La majorité s'apprête à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance !

M. Claude Bérit-Débat.  - Inutile d'élever la voix.

M. Bruno Retailleau.  - Je vous demande, monsieur le président, de prier Mme Vallaud-Belkacem de venir s'expliquer devant nous. La démocratie a tout à y gagner. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°9 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 158
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Colette Guidicelli.  - L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe n'a aucune justification sur le terrain de l'égalité. Le Conseil constitutionnel rappelle que des situations distinctes justifient des réponses distinctes. Voyez le Pacs.

Ce texte va créer, au contraire, des inégalités en distinguant un mariage homosexuel, où la filiation tiendra du virtuel. Sans parler de la PMA, que vous mettez sous le boisseau. L'adoption ne sera quasiment pas possible pour les couples homosexuels. Fonder le mariage sur le seul sentiment, c'est rabaisser l'institution et ouvrir la voie à des revendications fantaisistes ! Une Américaine s'est mariée avec la Tour Eiffel ; un autre avec lui-même. On a vu des mariages à trois au Brésil, et pourquoi pas des mariages avec des animaux, comme en Australie ! (Vives exclamations à gauche)

Mme Cécile Cukierman.  - Il y a des comparaisons qu'on ne fait pas.

Mme Colette Giudicelli.  - Cela vous dérange ?

A gauche.  - Oui !

Mme Colette Giudicelli.  - Je suis heureuse que cela vous choque. Notre ordre juridique interne a fait, depuis 1804, de l'altérité dans le mariage un fondement de notre droit. Nous voterons l'amendement n°10 rectifié bis.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Cette question aurait mérité un vrai débat national. Que de messages nous avons reçus ! Les Français sont véritablement concernés. L'enfant était sujet de droit, vous en faites un objet du droit. L'enfant adopté a besoin de stabilité et vous allez lui créer des difficultés supplémentaires. Jamais je ne me permettrai, et je le dis la main sur le coeur, de juger l'homosexualité : tout être humain a droit au bonheur. Mais l'enfant y a droit aussi. Il a le droit de vivre dans le cadre stable et harmonieux d'une famille traditionnelle, dans une société où les droits de l'Homme sont intangibles. (Applaudissements sur les bancs UMP)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°10 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos106 rectifié, 134 rectifié, 157 rectifié, 193 et 240 sont mix aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°83 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Rappel au Règlement. On a reproché à notre groupe et au groupe centriste de prendre trop souvent la parole, et de faire traîner les débats. Ce n'était pas notre but. (Exclamations à gauche) Mais voilà que nous perdons beaucoup de temps en scrutins publics. Vous les demandez parce que vous n'êtes pas assez nombreux sur les bancs de la majorité. Et surtout pour contraindre les membres de votre groupe à s'aligner. Dans notre groupe, au contraire, la liberté de vote est respectée.

Je ne doute pas que vous avez tenté de joindre Mme Vallaud-Belkacem pour que nous puissions l'entendre. J'ai regardé son agenda : elle n'est pas loin du Sénat, elle pourrait être ici dans trois quarts d'heure. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

M. François Rebsamen.  - Les élus de gauche ici rassemblés vous écoutent depuis plusieurs jours avec calme, sans vous interrompre. Si les scrutins publics vous dérangent, il ne tient qu'à vous d'y remédier : il suffirait que certains d'entre vous aillent rejoindre leurs collègues qui sont en commission, et qui travaillent. (Exclamations et rires à droite)

Votre demande d'audition de Mme Vallaud-Belkacem n'a pas lieu d'être. Deux ministres sont ici pour répondre à vos interrogations, et elles le font dans le plus grand respect. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos107 rectifié, 136 rectifié, 158 rectifié, 194 et 241 sont mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 135
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°11 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 137
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°12 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

M. François-Noël Buffet.  - Je demande une suspension de séance de quinze minutes.

M. le président.  - Je vous accorde dix minutes.

La séance, suspendue à 17 h 30, reprend à 17 h 43.

M. le président.  - Amendement n°97 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 161 est ainsi rédigé :

« Art. 161. - En ligne directe, le mariage entre personnes de sexe différent est prohibé entre tous les ascendants et descendants, et les alliés de la même ligne. » ;

M. Patrice Gélard.  - Je vais vous faire plaisir ! (« Ah ! » à gauche) Cet amendement n'a plus de raison d'être puisque le mariage pour tous est en passe d'être adopté : mieux vaut s'en tenir à la rédaction actuelle du code civil.

L'amendement n°97 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 11 à 16

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Mes trois amendements nos13 rectifié bis, 14 rectifié bis et 15 rectifié bis sont complémentaires ; ils concernent le chapitre nouveau du code civil sur les règles de conflit de lois. J'ai souvenir de mon premier cours de droit international privé à la faculté de Paris. On y évoquait l'exemple d'un mariage entre une Française et un Grec et l'on nous expliquait qu'un tel mariage n'était pas transposable en droit français car le droit grec ne reconnaissait que le mariage religieux.

Avec ce chapitre nouveau, on annonce par avance que l'on s'exonèrera du pacta sunt servanda et que la loi française l'emportera sur toutes les autres en contravention des traités internationaux. Cela est contraire à l'article 55 de la Constitution. Mme la garde des sceaux a raison, il faudra trouver des arrangements, mais il est des choses que l'on ne peut inscrire dans la loi.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Patrice Gélard.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°204 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton.

Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, deux personnes du même sexe peuvent contracter mariage lorsque la loi personnelle de l'une d'elles le permet ou que toutes deux ont leur domicile ou leur résidence sur le territoire d'un État dont la loi le permet.

M. Alain Milon.  - Cet amendement de réécriture offre plus de sécurité juridique.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

M. Patrice Gélard.  - Il est défendu.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous sommes hostiles au démembrement de l'article premier comme nous l'étions à sa suppression. Quant à l'amendement n°204 rectifié, il est plus restrictif que le texte actuel.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Vous entendez le droit, monsieur Gélard... Il existe une jurisprudence sur les dérogations à la loi personnelle. En dehors des douze pays avec lesquels nous avons des conventions bilatérales qui précisent expressément qu'il n'y a pas de telles dérogations, encore y a-t-il en l'espèce une jurisprudence, il n'y a pas de risque. Nous ne serons en contradiction avec aucun de nos partenaires. Rejet.

L'amendement n°204 rectifié introduit une discrimination que je ne peux accepter : la condition de résidence imposée aux deux époux, et non plus à l'un d'entre eux, serait réservée aux couples de même sexe.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le texte de l'Assemblée nationale est très différent du projet initial du Gouvernement. Vous nous dites en substance : on procède au mariage et on verra bien... Conventions internationales ou pas, vous aurez des difficultés, certains mariages ne seront pas reconnus par l'autre État. Des personnes croiront être mariées alors qu'elles ne le seront pas. Vous ne me répondrez pas, peu importe ! En tout cas, ce n'est pas par volonté de démembrer l'article que nous avons proposé ces amendements.

M. Philippe Bas.  - Parfaitement, ces amendements ne sont nullement tactiques. Si vous laissez adopter cette disposition, vous faites prendre des risques aux couples mariés dont l'un des membres n'a pas le droit de se marier dans son pays d'origine : le mariage sera nul dans celui-ci pour des raisons d'ordre public international. Sans compter qu'il y aurait discrimination. L'interdiction du mariage de personnes de même sexe existe dans nombre de législations, mais il y a beaucoup d'autres obstacles au mariage ici ou là. Pourquoi viser les seuls obstacles au mariage homosexuel ? Il faut résoudre les difficultés pour tous les couples. D'où mon soutien aux amendements de M. Gélard. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Marini.  - Je suis surpris de la rigidité, de l'esprit de doctrine qu'on nous oppose sur ces amendements... (Rires à gauche). Le Gouvernement serait bien inspiré d'entendre les avertissements de nos éminents collègues de la commission des lois. Cela renforcerait votre texte. A défaut, vous prenez le risque de plonger ces personnes dans un état de cruelle illusion. Je voterai les trois amendements du doyen Gélard. Si par malheur ils n'étaient pas adoptés, je vois des causes sérieuses de questionnement sur le plan constitutionnel...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Un mot à M. Marini, qui s'y entend en rigidité (exclamations à droite) : vous savez que ce chapitre était nécessaire, sans quoi nous n'aurions pas pu célébrer en France un mariage interdit dans le pays d'origine d'un des deux époux.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Rappel au Règlement. Jusque-là, le débat s'est déroulé comme nous l'avions imaginé. Vous n'entendez aucune de nos suggestions, aucun de nos amendements, alors qu'avec l'union civile, nous avions ouvert la voie à une solution acceptable -vous avez même reconnu que la droite et le centre républicains avaient évolué.

Mais voilà à présent une journée entière que plusieurs de mes éminents collègues interpellent le Gouvernement sur les déclarations de son porte-parole à propos de la PMA, sans obtenir de réponse. Cela va contre tous les usages de notre assemblée. Vous aimeriez que nous quittions l'hémicycle ? Si nous partions, nous reviendrions... Mme Vallaud-Belkacem n'est pas à Tombouctou, que diable ! Qu'elle vienne ! (Applaudissements à droite)

M. Michel Vergoz.  - Vous êtes polémiques ! (Rires et moqueries à droite)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Oui, monsieur Hyest, il y a une différence entre le texte initial et celui de l'Assemblée nationale. Mais que les conventions internationales soient mentionnées ou non, elles s'imposent. Cette différence ne fragilise pas le texte.

Monsieur Gélard, il existe déjà des mariages valables dans un pays et pas dans un autre. En Grèce, mais aussi dans les pays scandinaves, les mariages sont célébrés par les autorités religieuses ; pour peu que la célébration ait lieu par délégation des autorités civiles, le mariage religieux produit des effets d'ordre public. Nous approfondirons cette question dans les articles à venir.

Monsieur le ministre Gaudin, votre groupe réclame de façon récurrente, itérative la présence de Mme Vallaud-Belkacem pour une sorte d'audition publique dans l'hémicycle. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai, comme l'a relevé M. Rebsamen, que le Gouvernement est représenté.

Mme Catherine Troendle.  - Alors qu'il réponde !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Quelle impatience ! A l'Assemblée nationale, l'opposition a réclamé d'autres ministres durant des jours et des nuits, un comportement discourtois à l'encontre de ceux qui étaient présents mais surtout aux règles de notre République. Nous vous écoutons depuis des heures, et vous ne pouvez m'écouter quelques minutes ! (Vifs applaudissements à gauche) Je vais vous répondre... (« Ah ! » à droite)

M. Jean-Claude Gaudin.  - Mon intervention aura au moins servi à ça !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Qu'elle serve au moins à ce qu'on n'y revienne pas...

M'autorisez-vous à prendre quatre minutes pour vous raconter une histoire ? (« Oui ! » à gauche) J'ai fait ma scolarité à Cayenne, que j'ai dû quitter pour entreprendre des études universitaires à Paris ; j'y ai découvert le bonheur des librairies et de la littérature. J'avais déjà découvert l'amour au lycée... (Sourires) A l'époque, il n'y avait qu'un vol par semaine, les coups de téléphone étaient rares... J'avais parfois un peu de mélancolie... Alors j'ai cherché ce fromage gruyère de mon enfance qui picote et je ne l'ai pas trouvé... avant de me rendre compte que s'il picotait à Cayenne, c'est qu'il y arrivait après deux mois de voyage en bateau. C'est ce qui vous arrive avec les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem ! (Rires et applaudissements à gauche) Depuis des jours, vous demandez que nous nous prononcions séance tenante sur des propos vieux de trois mois... C'est votre fromage gruyère !

Le texte en discussion a un périmètre précis, l'ouverture à droit constant du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe. La commission des lois n'a pas modifié ce périmètre. Patientez, au moins un amendement traite de la PMA. Vous vouliez un débat sur le débat mais le débat a lieu tous les jours, dans les journaux, dans des réunions publiques, y compris dans celles que vous suscitez. Des parlementaires reçoivent des menaces, dans vos rangs aussi. Maintenant, vous réclamez un débat avant le débat... Il n'est question ici que de mariage et d'adoption ; le jour où la PMA viendra en débat, vous en débattrez ! (Vifs applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°13 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°14 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 166
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°204 rectifié est mix aux voix par scrutin public. (Marques d'agacement à droite)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 20
Contre 302

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°15 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 159
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article premier.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Cet article est le socle de ce texte : nous serons quelques-uns à intervenir.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est un euphémisme !

M. Jean-Claude Lenoir.  - On réécrit sans cesse l'histoire. On le fait aujourd'hui pour la colonisation, l'esclavage, la première guerre mondiale et ici, pour le mariage qui aurait instauré la domination masculine. (Brouhaha à gauche) Les mots du rapporteur m'ont choqué.

M. Alain Gournac.  - Moi aussi !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les familles d'il y a un siècle n'ont pas failli à leurs responsabilités. Je pense à mes parents, à mes grands-parents, ils avaient le souci de l'éducation de leurs enfants plus que ceux auxquels vous ouvrez le mariage. (On le conteste à gauche)

Ils ont transmis à leurs enfants des valeurs si bien que cette génération s'est dressée contre l'ennemi et a résisté. (« Oh la la ! » à gauche)

J'espère que les générations issues de ces nouveaux mariages seront à la hauteur. Le mariage a évolué mais le critère de l'altérité sexuelle est resté invariable : la procréation, c'est la famille ; et la famille, c'est le mariage. Ce que vous proposez aura de lourdes conséquences : la parentalité en lieu et place des parents ; la transformation en profondeur de la filiation qui passe d'une vraisemblance biologique à une illusion juridique ; le passage de l'enfant sujet à l'enfant objet de droit ; l'ouverture à la PMA et à la GPA sont un bouleversement anthropologique dans notre droit.

Mme Vallaud-Belkacem, nous dit-on, ne s'est plus exprimée depuis trois mois. Mais en s'exprimant, comme porte-parole, elle a engagé le Gouvernement et la majorité. Nous ne cesserons de dénoncer vos projets. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Esther Sittler.  - Le texte, en ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ouvre à l'adoption. Pour vous, le mariage semble une institution désuète, qu'il faut casser. Mais alors, pourquoi avoir repoussé l'union civile ? La famille a évolué, nous devons en tenir compte : les couples de même sexe doivent pouvoir organiser leur vie commune, mais ils n'ont pas besoin de mariage. Vous nous trompez en brandissant l'argument de l'égalité. Je vous oppose ce qu'ont dit 170 professeurs de droit.

Il n'y a pas de vide juridique à combler, contrairement à ce que vous prétendrez. Notre droit organise la question de la garde ; un tuteur peut être désigné dans les successions : la femme qui élève un enfant avec une autre femme peut désigner celle-ci comme tuteur.

Votre texte, mal ficelé, nuit à l'intérêt de l'enfant : je ne voterai ni cet article ni votre texte.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je respecte pleinement les choix de vie de chacun mais le législateur doit rechercher l'intérêt de la société tout entière. Le sujet est trop délicat pour être traité à la va-vite et de façon moralisante. Je regrette que le débat préalable n'ait pas eu lieu. Des élus ont réclamé des états généraux sur la famille et le mariage, on le leur a refusé. Il est clair que viendra bientôt un texte sur la filiation, et les propos que j'ai entendus n'ont rien pour me rassurer. Les couples homosexuels ont le droit de fonder une famille, a dit la ministre.

M. Sueur nous a confié qu'il ne savait pas comment il se prononcerait ultérieurement sur la GPA. Ce texte prépare des évolutions plus profondes que ce que l'on veut nous faire croire. Pourquoi avoir repoussé l'union civile qui assurait l'égalité ? Beaucoup de Français trouvent légitimes les revendications des couples homosexuels, tout en tenant à l'institution du mariage, union d'un homme et d'une femme en vue de la procréation.

Parce qu'il n'y a que très peu d'enfants adoptables, on va ouvrir la voie à la PMA et à la GPA, comme cela s'est passé dans d'autres pays européens.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Il n'y a pas, madame la ministre, un « droit à l'enfant », à moins de confondre droit et désir. L'enfant est un sujet, pas un objet de convoitise. (« Très bien » à droite)

M. le président.  - Madame, s'il vous plaît...

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Les pratiques de procréation organiseront la marchandisation du corps humain et de l'enfant. Et quid de la généalogie ? Elle sera symbolique, nous dit-on. Oui, votre pluri-parentalité, ce sera une schizo-parentalité imposée.

M. le président.  - Je dois vous retirer la parole.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Nous entendons préserver les droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Détraigne.  - C'est sur le coeur même du projet que nous sommes appelés à nous prononcer car cet article premier entraîne tout le reste. La messe serait dite parce que les Français, en élisant François Hollande, auraient tranché. Non ! Nous n'avons pas reçu réponse à nos questions. Les sénateurs du groupe centriste avaient proposé l'alternative de l'union civile, à quoi le rapporteur nous a répliqué qu'il ne fallait pas remettre en cause l'économie générale du projet ! A quoi le Sénat sert-il donc ?

Nous reconnaissons tous la souffrance que provoquent les discriminations. Mais pourquoi remettre si profondément en question l'institution du mariage, fondée sur l'altérité en vue de la filiation ?

Cet article premier est un cheval de Troie. Son but est d'accorder un droit à la filiation. Or le droit à l'adoption restera, on le sait, largement fictif : si l'on n'en vient pas à la PMA et à la GPA, ce texte sera une machine à fabriquer de la frustration. Je voterai contre, comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC.

Mme Cécile Cukierman.  - On a beaucoup cité le code civil et Portalis. Souvenez-vous que le code distinguait enfants légitimes et illégitimes ; souvenez-vous qu'il donnait tout pouvoir au chef de famille, l'homme. Le législateur a su le faire évoluer. Vous avez évoqué Jaurès, les Lumières, Thorez, et même Aragon -qui a souffert toute sa vie qu'on l'ait fait passer pour le frère de sa mère parce qu'il était un bâtard.

Pour moi, je citerai Gaston Bachelard qui démontre, dans toute son oeuvre, qu'il n'y a pas de vérité absolue et qu'il faut un peu de dialectique -on en manque ici- pour avancer. « Rien ne va de soi, rien n'est donné, tout est construit », a-t-il écrit.

On a beaucoup entendu parler des enfants : oui, il faut les protéger mais pourquoi nier le désir d'enfant, souvent généreux, parfois destructeur ? Le géniteur n'est plus toujours le parent. Le mensonge familial existe, il n'est pas le fait des seuls couples homosexuels. Et si le mariage est destiné à la procréation, faut-il l'interdire à ceux qui n'ont pas cet objectif ou qui ne réussissent pas à l'atteindre ?

Vous qui, au pouvoir, avez méprisé l'expression populaire... (Exclamations à droite)

M. Jean Bizet.  - C'est nul !

Mme Cécile Cukierman.  - ...voilà que vous appelez au référendum ! Je pense, moi, à tous ceux qui ne disent rien mais aspirent à entrer dans la modernité. « Pour être heureux, il faut penser au bonheur des autres », disait très justement Gaston Bachelard. (Applaudissements à gauche) Nous voterons cet article premier avec fierté.

M. Michel Bécot.  - Nous ne sommes pas entendus, pas plus que des millions de nos concitoyens. Je le déplore, d'autant que nous vous avions fait, avec l'union civile, une proposition consensuelle. Reconnaître les réalités biologiques, ce n'est pas nier les réalités sociales. Vous préférez vous redresser dans les sondages ; c'est plus simple que le redressement productif, en effet ! (Exclamations à gauche)

Le Gouvernement persiste à nous ignorer mais nous continuerons à défendre notre point de vue parce que l'adversité qui décourage les faibles encourage les forts !

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Michel Bécot.  - Vous introduisez l'inégalité dans le mariage, et jusque parmi les couples homosexuels : la PMA a hanté les débats, et nous n'avons eu aucune réponse.

On mesure mal les conséquences de votre texte sur la société. Faire du mariage la reconnaissance sociale de l'amour entre deux êtres nous prémunira-t-il contre les dérives de la liberté sexuelle, inceste, détournement de mineur, polygamie si le consentement des individus est allégué ?

Ce texte porte atteinte aux principes constitutionnels puisque l'altérité dans le mariage est un principe fondamental consacré par les lois de la République. Je ne puis voter cet article.

Mme Hélène Masson-Maret.  - En ce quatrième jour de débat, prendre la parole pourrait paraître redondant. (« Si peu » à gauche) Nos discussions m'ont confortée dans mes convictions. Il n'est jamais inutile d'échanger. (M. Jean-Louis Carrère ironise)

L'enfant est au coeur de la famille, les auteurs de ce texte l'oublient. Un couple composé de parents de même sexe peut certes donner à l'enfant tout l'amour dont il a besoin -j'en ai des exemples autour de moi- mais le parcours de ces couples n'a pas été simple : ils sont donc très motivés. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Avec la banalisation, on retrouvera dans les couples homosexuels les mêmes problèmes que dans les autres.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis.  - Ni plus ni moins.

Mme Hélène Masson-Maret.  - Avons-nous le droit de créer une nouvelle structure familiale qui ajoutera des problèmes aux problèmes ?

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est un peu tiré par les cheveux.

Mme Hélène Masson-Maret.  - Laissez-moi parler.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ça ne vaut pas le coup !

Mme Hélène Masson-Maret.  - Et que dire de la recherche des origines biologiques ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ce texte ne l'empêche pas.

Mme Hélène Masson-Maret.  - On ne peut prendre de tels risques. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Fournier.  - Nous voterons contre cet article premier. Certains de vos arguments contre l'union civile portaient sur le registre symbolique. Comment pouvez-vous alors ignorer le caractère symbolique du mariage pour tant de Français ?

L'union civile n'est pas le mariage mais ce n'est pas un sous-mariage. Nous ne voulons pas faire du code civil un manuel de biologie, ni faire dire à la loi comment chacun doit organiser sa vie.

Au nom de votre conception de l'égalité, vous rejetez l'union civile. C'est pourtant votre mariage pour tous qui créera l'inégalité. Un couple de personnes de même sexe ne sera jamais la même chose qu'un couple de personnes de sexes différents. (Exclamations à gauche) La loi ne peut s'appliquer à l'identique parce que les réalités biologiques sont différentes, et vous le savez.

L'union civile prend en compte la singularité des couples homosexuels, non parce qu'ils n'ont pas la même valeur mais parce qu'ils sont différents. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Leleux.  - Les sondages d'opinion ont beaucoup évolué au cours de l'examen de ce texte. Nos concitoyens n'avaient pas compris, au début, que le mariage entraînait l'adoption. Depuis, tous ne sont plus d'accord. Or, en votant le mariage pour tous, on vote la possibilité d'adopter.

Existe-t-il un droit à l'enfant, que revendiquent les homosexuels ? Notre code civil ne connaît que l'intérêt de l'enfant. L'adoption est faite pour donner une famille à un enfant, dont l'intérêt doit prévaloir. L'enfant privé de ses parents par les accidents de la vie est blessé : l'amour d'un couple répare l'absence de ceux qui lui ont donné la vie. Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais assurer cette substitution symbolique.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est emberlificoté !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Vous brouillerez toute lisibilité de la chaîne généalogique en privant délibérément l'enfant d'un père et d'une mère. C'est une lourde responsabilité que vous prenez. Je voterai contre cet article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Muguette Dini.  - J'ai beaucoup réfléchi à ce que propose ce texte : l'égalité des droits pour tous les hommes et les femmes de notre pays. Qui pourrait s'y opposer ? Ce texte, néanmoins, entraînera des inégalités. Les repères de certains enfants s'en trouveront brouillés, qui ne pourront identifier leurs parents comme des géniteurs. Autre inégalité, celle que vous créez face à la PMA. Les femmes peuvent procéder à des inséminations artisanales. J'ai entendu, jadis, notre rapporteur s'élever contre la GPA : où est la cohérence ?

Certes, ces questions ne sont pas dans ce texte, elles viendront néanmoins sur le tapis.

M. Jean-Louis Carrère.  - Si Dieu vous l'a dit !

Mme Muguette Dini.  - Par cohérence, parce que je suis favorable au mariage pout tous, je m'abstiendrai sur cet article mais je voterai contre ce texte qui ne va pas dans le sens de l'intérêt supérieur de l'enfant. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je regrette l'attitude du Gouvernement et de la majorité. Notre société n'a rien à gagner à ces oppositions que vous ne cessez de susciter entre les Français, de droite et de gauche, ceux que vous appelez les riches et les pauvres, les Français et ceux qui le veulent devenir et, maintenant, les couples homosexuels et hétérosexuels.

Le mariage vise à la filiation entre un père et son enfant, via la présomption de paternité. L'altéralité sexuelle doit dont être préservée. Vous préférez fonder le mariage sur l'amour : on sait ce que cela peut donner ; voyez les exemples étrangers.

Avec l'union civile, nous aurions pu améliorer la situation des couples de même sexe ; vous l'avez repoussée pour éviter le débat.

Votre texte mène tout droit à la PMA et à la GPA. Vu votre attitude, je m'inquiète de ce qui se passera dans quelques mois. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jackie Pierre.  - Cet article premier est inacceptable. L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe est une aberration, un contresens. Le mariage, c'est la célébration de la différence, de l'instant précaire où deux monde se rencontrent, celui d'un homme et d'une femme, avec chacun sa façon d'envisager la vie et l'éducation.

Même si nous sommes des animaux sociaux, nous ne devons pas oublier que l'on ne peut s'affranchir de la nature. Le mariage est une mise en scène mais croyez-vous que tant d'hommes et de femmes s'y engageraient s'il n'était qu'anecdotique ? Surtout, le mariage n'est que la face émergée de l'iceberg : il ouvre des droits patrimoniaux et matrimoniaux, il va avec la présomption de paternité. L'ouvrir aux personnes de même sexe entraînera des situations absurdes. Un tiers devra intervenir dans la filiation, preuve que le lien entre mariage et filiation ne peut être ici automatique. Que fera-t-on du parent biologique ? Avec ce texte, vous déconsidérez le couple en détournant le mariage de sa fonction première et en instaurant le mensonge dans la filiation, avec une forme de pluri-parentalité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Charles Revet.  - Je ne voterai pas cet article premier : ce n'est pas un scoop. Nous avons recherché le consensus en déposant nos amendements sur l'union civile.

Ce que nous proposions apportait une réponse sans mettre en cause le mariage auquel nous sommes tant attachés. Malheureusement, vous vous êtes montrés dogmatiques, idéologiques.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous parlez sans doute de vous !

M. Charles Revet.  - Vous n'avez répondu à aucune de mes questions. Mme la garde des sceaux a cependant eu ce mot qui fait trembler : ce texte nous engage à un « changement de civilisation ». Quelle société voulez-vous ? Si le texte est adopté et publié au Journal officiel, la France ne risque-t-elle pas de se voir imposer par la Cour européenne des droits de l'Homme la PMA et la GPA pour les couples homosexuels ?

M. Philippe Marini.  - Bonne question.

M. Charles Revet.  - Vous devez cette réponse aux Français ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle manipulation !

M. Philippe Bas.  - Tout à l'heure, Mme la garde des sceaux a pris la parole ; c'est si rare.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est faux !

M. Philippe Bas.  - Elle a esquissé un début d'amorce d'esquisse de réponse. Puisse cela augurer de la volonté du Gouvernement de dialoguer avec nous.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous parlez pour ne rien dire.

M. Philippe Bas.  - Mme la garde des sceaux apprécie la littérature et aime le fromage. Nous avons en commun un goût pour René Char et Aimé Césaire. De même que l'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, comme disait Gide à propos de Mauriac, on ne fait pas de bons textes de loi avec de bonnes intentions. Mme Taubira nous a parlé du gruyère de son enfance ; c'est un peu sa madeleine de Proust, sans vouloir parler de mon camembert normand. (On s'amuse à droite)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Arrêtez de faire l'âne !

M. Philippe Bas.  - Plutôt que le gruyère, qui n'est pas affiné, évoquons le comté qui picote, lui, agréablement après plusieurs mois d'affinage. Un texte exige, de même, un affinage. Mais au lieu de lui apporter tout le soin qu'il réclame, en examinant toutes ses conséquences, vous nous renvoyez à un texte à venir.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il a dépassé son temps de parole !

M. Philippe Bas.  - Un enfant naît d'un homme et d'une femme ; le reste est une vue de l'esprit. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Esther Benbassa.  - Ça s'excite à droite !

M. Philippe Darniche.  - Nous avons raté l'occasion de faire avancer les droits des homosexuels, comme le souhaitait la majorité des Français. Ce texte procède du mensonge : voter l'article premier revient à accepter le mariage, l'adoption et la PMA. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, nous l'avons dit et répété, s'imposeront à la France.

La différence des sexes est une réalité biologique. Une minorité agissante voudrait nous faire croire que cette réalité n'existe pas, au risque de faire souffrir les enfants. Au nom de l'égalité, de notre égalitarisme, vous sacrifiez l'enfant. (Applaudissements sur quelques bancs à droite) Il y va de la conception de la vie, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Deroche.  - Nous aurions pu améliorer le Pacs et célébrer une union civile.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Sarkozy n'en a pas voulu !

Mme Catherine Deroche.  - Je ne suis pas son porte-parole.

M. Jean-Marc Todeschini.  - M. Karoutchi l'a dit hier.

Mme Catherine Deroche.  - L'essentiel, pour les couples homosexuels, n'est pas tant le mariage que la possibilité d'adopter, pour avoir une famille et élever des enfants. Comme cette adoption sera difficile, il faudra aller plus loin. J'entends leur désir d'enfant, que connaissent aussi certains couples hétérosexuels. Une vie peut néanmoins se construire et se réussir sans enfant.

A la différence de la gauche, nous avons, sur ce sujet, la liberté de vote ; je ne voterai pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je parlerai des oubliés de ce texte : les enfants. (Exclamations) Oh oui ! Un couple homosexuel ne peut pas avoir d'enfant. (Marques d'agacement à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle science ! Et si nous étions des huîtres ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est la nature, et non le droit, qui les empêche de procréer. Tout ne se décrète pas, tout ne se fabrique pas ; ces deux idées nous protègent de la dictature du droit et de la science. La nature devait obéir à l'homme ; il faudrait maintenant que l'homme obéisse à la technique. (Exclamations ironiques à gauche)

M. Alain Néri.  - Répétez, je n'ai pas compris !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'enfant aura pour origine l'absence : à la place des cases père et mère, un grand blanc ! Cela ne peut pas bien se passer.

M. David Assouline.  - Pourtant, cela fonctionne en Europe.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ne jouons pas avec le feu. Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous admirons même, voire que nous aimons. (Brouhaha à gauche)

M. Alain Gournac.  - Oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Et nous ne doutons pas de leur capacité à élever des enfants avec amour. (Le brouhaha à gauche tend à couvrir la voix de l'oratrice)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Temps de parole écoulé !

M. Philippe Marini.  - Un peu de respect !

M. le président.  - Laissez Mme Des Esgaulx s'exprimer.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Mais ce que allez fabriquer ici, ce sont des enfants sans origine.

M. François Rebsamen.  - Ça suffit !

Mme Esther Benbassa.  - Cela fait quatre jours qu'on vous écoute !

M. Philippe Marini.  - Cet article premier est le noeud de ce texte.

M. Jean-Louis Carrère.  - Le noeud !

M. Philippe Marini.  - Monsieur Carrère, si vous voulez la parole, demandez-là. En attendant, souffrez que je m'exprime ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Le Gouvernement aurait pu s'employer à colmater les vides juridiques dans le souci d'une large concertation, en particulier avec les trois grandes religions monothéistes. (Exclamation à gauche)

Êtes-vous mandatés pour procéder à un changement de civilisation ? Regardez donc les sondages : peut-être y a-t-il un lien entre la chute de votre cote de popularité et ce texte ? Avec un ministre du budget devenu le ministre du mensonge... (Vives exclamations à gauche)

M. Alain Bertrand.  - Hors sujet !

M. Philippe Marini.  - ...un ministre du redressement productif qui s'oppose ouvertement au Premier ministre (nouvelles exclamations sur les mêmes bancs), ce Gouvernement est-il fondé à proposer un tel changement de civilisation ? (Vives exclamations à gauche qui couvrent la voix de l'orateur)

Ce débat a eu un mérite : il aura mis en lumière la profondeur du fossé qui nous sépare ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Rebsamen.  - Rappel au Règlement ! Que chacun garde son calme. J'appelle mes collègues de la majorité à ne pas céder à la provocation. Certains propos mettent en cause le suffrage populaire, laissons-les à la droite. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Rémy Pointereau.  - Nos concitoyens s'interrogent ; ils ne comprennent pas l'urgence d'un tel débat quand nous sommes au bord du gouffre, que le bateau France est devenu un bateau ivre. François Hollande disait : « Moi président, j'écouterai les Français ! ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On a vu le résultat !

M. Rémy Pointereau.  - Il y aurait, d'un côté, les progressistes et, de l'autre, les conservateurs...

M. David Assouline.  - Vrai !

M. Rémy Pointereau.  - ...tous homophobes. Nous connaissons tous des couples homosexuels.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et alors ?

M. Rémy Pointereau.  - Nous voulons un grand référendum, vous l'avez refusé. Nous ne reconnaissons que le droit de l'enfant, pas le droit à l'enfant. Souvenez-vous des propos de Mme Guigou sur l'altérité sexuelle, en 1997, à propos du Pacs. Elle avait raison de refuser l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Temps de parole écoulé.

Mme Éliane Assassi.  - Fini. (Claquements sur les tables à gauche)

M. Rémy Pointereau.  - Nous ne voterons pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Daudigny.  - Avec cet article, bientôt adopté (exclamations à droite), nous allons ouvrir le mariage aux couples de même sexe de façon pleine entière. Un moment historique ! (Marques d'ironie à droite) Après la dépénalisation de l'homosexualité, il a fallu attendre la loi du 15 novembre 1999 pour que soient reconnus les couples homosexuels.

Nous ne créons pas pour eux des droits spécifiques, nous leur ouvrons l'institution républicaine du mariage. La France va ainsi rejoindre les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, la Norvège ; la Grande-Bretagne suivra bientôt les pays qui ont aboli la hiérarchie entre les sexualités. Nous sommes fiers d'être du progrès !

Plusieurs collègues ont invoqué l'autorité des dictionnaires. Je voudrais leur dire que, depuis plus d'une décennie, Le Petit Robert définit le mariage comme :« Union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi ». La prochaine édition du Larousse, déjà consultable en ligne, va dans le même sens. Alors, la force des mots... (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Férat.  - Je suis opposée aux conséquences de ce texte sur l'adoption, la PMA et, surtout, sur la GPA, à laquelle je suis résolument hostile. Le corps humain n'est pas une marchandise ! En revanche, je soutenais l'union civile, un cadre protecteur pour les couples mais qui excluait la filiation. On invoque des discriminations, on brandit l'égalité pour justifier ce texte. Et l'intérêt de l'enfant né d'une PMA ou d'une GPA ?

Mesdames les ministres, d'où viennent vos certitudes ? Un enfant a besoin, quoi qu'on en dise, d'un père et d'une mère. N'avez-vous aucun doute ? Si d'aventure vous en aviez un, il devrait profiter à l'enfant. Vous n'entendez pas ce que vous disent les citoyens, vous n'en tirez pas les conséquences.

Je voterai contre cet article et tout le texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Bizet.  - Cela ne vous surprendra pas : je voterai contre ce texte fondé sur l'ambiguïté et le mensonge. Non, un couple constitué d'un homme et d'une femme n'équivaut pas à un couple d'homosexuels, le Conseil constitutionnel l'a rappelé en juin 2011. Votre égalitarisme nous conduit à soutenir des choses contre nature.

Mensonge sur la PMA et la GPA car les avis de la Cour européenne des droits de l'homme s'imposeront. Mensonge encore quand vous n'avez pas entendu les Français qui ont défilé dans les rues de Paris. Mensonge également car les maires ont cru à la liberté de conscience dont avait parlé le président de la République au Congrès des maires. Nous sommes 2 500 élus décidés à entrer en désobéissance civile, en dissidence républicaine.

Mme Éliane Assassi.  - Être républicain, c'est appliquer la loi.

M. Jean Bizet.  - Serons-nous pendus ou suspendus ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Peut-être aurez-vous la chance de ne pas être réélu.

M. François Rebsamen.  - C'est fini, on respecte le Règlement.

Mme Éliane Assassi.  - Votre temps de parole est écoulé !

M. Jean Bizet.  - Je ne voterai pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Gournac.  - Je ne voterai en aucun cas cet article premier. M. le rapporteur a donné une image désastreuse de la famille, même s'il a prétendu ne parler que du XIXe siècle ! Je suis le sixième d'une famille de neuf enfants et je suis fier de ceux qui m'ont élevé et du modèle qu'ils ont porté. Je suis le fruit du travail et de la famille, pas des 35 heures.

Mme Éliane Assassi.  - On le sait ! Vous l'avez déjà dit.

M. Alain Gournac.  - Ce texte est un nouveau mensonge après le mensonge d'État qui aura des conséquences sur toute la classe politique. (Vives exclamations à gauche) Ce texte, nous l'avons montré, ouvre à la PMA et à la GPA ; il suffira de monter au niveau européen.

Mme Cécile Cukierman.  - L'Europe, celle que vous construisez.

M. Alain Gournac.  - Ce texte détruit l'équilibre de notre pays !

Mme Éliane Assassi.  - Non, le vôtre !

M. Alain Gournac.  - La domination masculine !

Mme Cécile Cukierman.  - Durant des siècles et des siècles.

M. Alain Gournac.  - Je refuse ce projet de loi qui détruit la famille française ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et vous applaudissez cela.

Mme Éliane Assassi.  - Rien que ça !

M. Pierre Bordier.  - Ce texte déstabilise l'institution du mariage. Il ne suffit pas de s'aimer pour se marier. Pourquoi priver délibérément les enfants d'un père et d'une mère ? Au nom de l'égalité, vous prenez une décision grave. La loi n'a pas à répondre aux désirs d'une minorité, elle doit protéger les plus précaires. Optons plutôt pour l'union civile. C'est pourquoi je ne voterai pas plus cet article premier que le projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Sido.  - Nous arrivons au terme d'un débat sans avoir obtenu de réponses sérieuses sur les questions sérieuses de la PMA et de la GPA. La majorité et le Gouvernement campent sur leurs positions, nous avons le sentiment désagréable de ne pas être entendus.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes écoutés, en tout cas.

M. Bruno Sido.  - L'adoption me tient à coeur : n'en ayons pas une vision froide et intellectuelle. L'arrachement aux origines est toujours difficile à surmonter, l'accueil dans des couples homosexuels ajoutera un choc au choc initial et compliquera encore la quête des origines. Au nom de quoi infliger un tel traitement à l'enfant ? Certainement pas de la convention des droits de l'enfant.

Ce texte est donc intrinsèquement mauvais, porteur de lourdes conséquences pour notre société. Pourquoi refuser d'entendre le Comité national d'éthique ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - L'homosexualité n'est pas une question d'éthique !

M. Bruno Sido.  - Pour toutes ces raisons et parce que j'entends le droit des enfants et les clameurs des citoyens révoltés par ce projet de loi inqualifiable, je refuse cet article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Une fois n'est pas coutume, je veux remercier le président Rebsamen : pour son appel au calme. Les réactions aux propos de Mme Des Esgaulx n'étaient guère dignes. (M. David Assouline s'exclame) Je suis déçu par ce débat, qui n'engage aucun échange. Ce n'est pas faute d'avoir préparé nos interventions. (On ironise à gauche)

Cette violence verbale qui couve vient de ce que l'on ne se parle pas. Vous êtes entrés ici votre choix fait et chacun devrait s'aligner comme des petits pois.

S'il y avait eu une autre méthode en amont, nous aurions pu avancer. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître le couple homosexuel, il n'y a aucune raison de nous diviser sur ce sujet. Sur l'adoption aussi, nous nous retrouvons pour dire que, dans notre pays, elle a souvent été un échec. Que de drames familiaux ! Il faut repenser l'adoption, non pas se diviser. Viennent ensuite de vraies questions : la PMA et la GPA qui, elles, divisent. Il suffirait d'une chose : que le Gouvernement prenne l'engagement qu'elles ne seront pas légalisées durant le quinquennat ! Alors nous pourrons discuter.

Sur la question du voile à l'école, autre sujet délicat, on a fait la commission Stasi, et le texte a été voté à l'unanimité. C'est bien pour cela que la loi est respectée aujourd'hui, le consensus national lui a donné sa force et sa crédibilité...

Nous ne remettons nullement en cause votre légitimité démocratique, mais avez-vous, avons-nous la légitimité de toucher ainsi à la civilisation ? Notre mandat va-t-il jusque-là ? Vous pensez que oui, nous pensons que non.

Vous avez préféré briser l'unité nationale, fracturer. (Applaudissements sur les bancs UMP) Il y avait un autre chemin, une solution à la française, consensuelle. Vous n'en avez pas voulu. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique de Legge.  - Quelle est la finalité de la loi ? Doit-elle engager un changement de civilisation ? Sur ce point, votre ligne est claire, même si vous ne répondez pas clairement sur la PMA. Je ne suis pas sûr que la métaphore du fromage soit la meilleure, madame la ministre : je vous rappelle que le gruyère est suisse. (Rires à droite)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Erreur, il est français. Vous confondez avec l'emmental !

M. Dominique de Legge.  - Mme la ministre de la famille nous a exposé une conception greffière de la loi et nous a expliqué que la loi doit s'adapter à l'évolution des moeurs. Sa logique est la même sur les allocations familiales : on a vu, lors de notre débat d'il y a dix jours, quelle était sa position sur la fonction éducative des parents. Il y a bien continuité...

On nous a dit, ensuite, qu'il était inutile de débattre puisque c'était une promesse du candidat Hollande. Là où ça devient compliqué, c'est qu'un jour, on a le mariage sans la PMA ; un autre jour, la PMA ; un autre encore, une clause de conscience qui disparaît à son tour. On comprend mieux, dans ces conditions, le recours à la discipline de vote, bien pratique tant sont nombreuses les incertitudes. Je préfère la position de mon groupe, qui laisse chacun s'exprimer en conscience. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Je termine là où j'ai commencé. A quoi sert la loi ? La loi est faite pour protéger les plus faibles. En l'espèce, elle ne le fait pas car ce texte oublie l'enfant. Je ne voterai ni cet article ni ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous avons fait preuve d'écoute. Nous entendons votre attention à l'enfant. Nous savons ce qu'est un enfant maltraité. Ce que l'on apprend dans la presse s'est passé dans des couples hétérosexuels ; nous n'en tirons aucune conséquence, il y a des délinquants et des gens honorables... Personne n'a le droit de considérer qu'une catégorie de la population, du fait de son orientation sexuelle, serait supposée a priori avoir une mauvaise parentalité.

M. Bizet, grand défenseur des OGM, n'a jamais autant parlé de nature. Mais les biens communs de la civilisation, ce sont la nature et la culture, cette culture qui a réduit les injustices au fil des années ; finis le roi de droit divin, l'esclavage, pour partie l'oppression des femmes. Nous poursuivons sur ce chemin et nous pouvons être fiers de la marche que nous allons franchir. (Applaudissements à gauche)

M. François Rebsamen.  - Je ne puis laisser le Premier ministre Raffarin faire la leçon à notre assemblée. Je veux prendre acte de la qualité de l'écoute des ministres. (Exclamations à droite) Elles sont là, elles sont disponibles, cela nous change de l'ère Sarkozy. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

D'après vous, la gauche diviserait la société. (« Oui » à droite) C'est plutôt votre volonté de vous opposer à tout prix à ce texte qui met en cause l'unité nationale ! (Rires et exclamations à droite) Vous qui aimez tant les sondages, savez-vous qu'une majorité de Français est favorable à l'adoption de ce texte ? C'est votre position qui crée la division ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Qu'est-ce que c'était que cela ? Un rappel au Règlement ?

M. Alain Bertrand.  - J'ai été surpris par les propos de M. Raffarin. Peut-être n'entendons-nous pas le français de la même façon... Il nous dit que nous aurions pu nous mettre d'accord ; mais je n'ai cessé d'entendre, sur les bancs de droite, que la gauche voulait casser la famille, martyriser les enfants, remettre en cause la civilisation -et j'en passe. Si j'avais entendu parler de droits nouveaux, d'égalité, de progrès, d'amour, j'aurais compris ! Comment voulez-vous que le dialogue se noue quand vous adoptez de telles postures politiques ? (Applaudissements à gauche)

M. Christophe Béchu.  - J'ai du mal à comprendre. Une posture politique ? Souffrez que nous ayons des convictions ! Seriez-vous les seuls à vous exprimer ici avec sincérité ?

M. David Assouline.  - Ça se voit !

M. Christophe Béchu.  - Qu'est-ce que ce délit de faciès, monsieur Assouline ? (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Ne soyez pas provocateur !

M. Christophe Béchu.  - Vous avez la conviction de défendre un progrès de civilisation. Nous pensons, nous, que vous en menacez l'équilibre.

M. Philippe Marini.  - Souffrez que nous nous exprimions !

M. Christophe Béchu.  - M. Raffarin a eu des paroles républicaines : refuser ce texte, ce n'est pas rejeter les droits des homosexuels, être dans une posture d'homophobie. Mais nous songeons avant tout aux enfants, les grands absents de ces débats.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ça va, ça va...

M. Philippe Marini.  - Respectons nos différences !

Mme Cécile Cukierman.  - Vous nous avez traités d'antirépublicains !

M. Christophe Béchu.  - Devant l'ampleur des manifestations, vous ne pouvez pas faire comme si le pays était rassemblé et conquis. Les Français doutent. Au lieu de les laisser s'exprimer par référendum, vous les exposez à se diviser gravement. Rien dans ce texte ne nous permet de considérer que vous avez répondu aux questions que se posent une majorité d'entre eux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Retailleau.  - Avec cet article, nous sommes au coeur du réacteur. C'est pourquoi nous sommes nombreux à nous exprimer, et c'est bien normal.

M. Jean-Louis Carrère.  - On ne le conteste pas !

M. Bruno Retailleau.  - Vous avancez masqués.

M. Jean-Louis Carrère.  - On nous appelle Zorro !

M. Bruno Retailleau.  - Ce texte est un sophisme. Comme on fractionne le chemin pour démontrer que jamais Achille ne rattrape la tortue, vous fractionnez la difficulté pour masquer des conséquences dont nous n'avons cessé de vous parler. Vous armez un mécanisme explosif en créant une filiation sociale sans rapport avec la biologie.

Vous n'allez même pas au bout de la logique, d'où une dizaine d'articles laissés en suspens. C'est du bricolage parce que vous refusez de tirer toutes les conséquences de l'article premier et de toucher à la présomption de paternité. Ce faisant, plutôt qu'un progrès, au bout de votre texte, il y a peut-être la fabrique des enfants et la logique de marché. Il faudra régulariser des fraudes, « les bébés Thalys », comme vous l'avez fait par circulaire, madame Taubira. Ce texte est une valise à double fond. Et le marché est sur internet. Une clinique privée de l'Illinois y faisait déjà de la publicité pour l'aide à la procréation le 11 novembre dernier !

Les Français ont besoin de respirer, de se rassembler pour faire face à la crise.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Temps écoulé !

M. Bruno Retailleau.  - Le parti socialiste n'est plus social, il n'est pas libéral mais il est devenu franchement libertaire ! (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet.  - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 29 bis. Nous siégeons depuis 14 h 30 sans discontinuer. Quand pensez-vous suspendre, monsieur le président ?

M. le président.  - A la fin des explications de vote sur l'article premier.

M. Gérard Cornu.  - Ma conviction s'est renforcée à l'issue de ces débats : je voterai contre ce texte. (Marques d'ironie à gauche) Les réponses des ministres à nos suggestions sont restées floues, émaillées de citations préparées par des collaborateurs. Je vais citer, moi, quelqu'un que vous connaissez bien : quand c'est flou, il y a un loup ! Un loup que nous entendons démasquer. Vous avez peur d'être battus car l'opposition est fournie sur ses bancs : voilà la raison de votre recours systématique au scrutin public.

La demande des couples homosexuels de se voir reconnus est légitime, mais l'union civile répondait à cette demande.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Sarkozy n'en voulait pas !

M. Gérard Cornu.  - Vous ne rendrez pas leur fierté aux homosexuels qui souffrent de discrimination à l'embauche, vous ne restaurerez pas la fierté des familles en ouvrant le mariage aux homosexuels. Le législateur ne peut pas transformer des années de peur et d'idées reçues. Vous vous entêtez à satisfaire une minorité, c'est à double tranchant ; les bonnes intentions de certains peuvent nourrir le rejet des autres. Avec ce texte, vous n'améliorerez pas substantiellement la vie des homosexuels. Il y faut d'autres réponses que la surenchère.

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est fini !

M. François Rebsamen.  - C'est terminé ! (Les exclamations couvrent la voix de l'orateur)

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Gérard Cornu.  - Vous constaterez bientôt qu'il faudra à nouveau légiférer ! (Applaudissements à droite)

Mlle Sophie Joissains.  - J'ai beaucoup douté : l'union me faisait plaisir, la filiation me contrariait. Les Français pensent de même. Le mariage, c'est la filiation. Dernière ce texte, il y en a un autre, caché, sur la PMA et la GPA. M. Revet l'a rappelé, la CEDH a une jurisprudence que nous ne pouvons pas ignorer.

Ce qui me gêne, encore, c'est que vous créez des inégalités entre les enfants. Certains n'auront pas le droit de connaître l'intégralité de leur patrimoine génétique. Et tout ça, au nom de l'égalité.

Mlle Sophie Joissains.  - On ne va pas vers une société de liberté, de droit mais vers une société de consommation à outrance, où l'on veut satisfaire à tout prix le désir d'enfant, y compris par la PMA. Quant à la GPA, c'est l'exploitation de réseaux de jeunes femmes de pays pauvres qui loueront leur ventre.

Par respect pour l'enfant, pour la femme, sa dignité, son intégrité physique, pour les droits que nous arborons depuis 1789, je voterai contre cet article et ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'ai rarement vu une séance aussi longue... Si ce n'est pour achever l'examen d'un texte.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous avez envie de débattre, nous débattons !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous ne débattez pas, vous éructez !

Je vous ai dit mon point de vue sur l'inconstitutionnalité de ce texte. Des philosophes se sont exprimés. Notre rapporteur ne cite que Mme Héritier...

Mme Éliane Assassi.  - Elle est anthropologue !

M. Jean-Jacques Hyest.  - ...mais Mme Agacinski et d'autres nous ont dit que ce texte changeait la nature du mariage.

Dans notre droit, le mariage emporte l'adoption. Alain Anziani, excellent juriste, nous disait, en commission, regretter que les articles du code civil sur la filiation n'aient pas été réécrits. En Allemagne existe une union civile qui n'ouvre pas de droits en matière de filiation. Chez nous, le Gouvernement dit en substance : le juge se débrouillera pour accorder ou non l'adoption ; c'est la pire des choses. Les représentants des cultes quels qu'ils soient ont été unanimes : cela devrait nous porter à nous interroger.

Je ne voterai pas cet article, qui n'est pas détachable du reste du texte.

Mme Colette Giudicelli.  - Ce texte devrait être adopté. Bien des sentiments me traversent à cette heure. Ce texte est sans doute un message de bienveillance à l'égard des homosexuels -qui ne sont cependant pas tous favorables à ce projet. J'espère qu'ils ne seront pas les otages de guerres qui ne les concernent pas. Alors que la société s'est débarrassée des diktats du sacré, on veut aujourd'hui la soumettre à de nouvelles tyrannies, celles de la science et de l'enchantement. Un monde où deux femmes ou deux hommes peuvent créer la vie est un monde enchanté... L'homme moderne devrait être suffisamment sage pour ne pas tenter de s'émanciper totalement de la nature. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Henri de Raincourt.  - Je dis ma légitime fierté pour les membres de notre groupe, inlassables défenseurs de leurs convictions. Face à quoi, la majorité et le Gouvernement sont restés sourds. Surdité d'abord vis-à-vis de l'opinion, qu'elle se croyait totalement acquise. Surdité vis-à-vis des manifestants, dont les plus hautes autorités de l'État ont fait bien peu de cas. Surdité à l'endroit des parlementaires de l'opposition, enfin. Nous ne sommes pourtant pas venus les mains vides mais avec des propositions précises et travaillées. Nous apportions la sécurité juridique aux couples de même sexe et un signal de reconnaissance, n'en déplaise à Pierre Laurent qui ferait bien de venir plus souvent parmi nous au lieu, de façon intolérable, de nous traiter d'homophobes... (Mme Éliane Assassi s'exclame) Hélas, nous n'avons pas été entendus. Pourtant, nous trouvons un écho de plus en plus favorable dans la population. Nous aurions pu renouer avec la concorde nationale, la majorité ne l'a pas voulu. Je suis déçu, mais nous n'y sommes pour rien. (Applaudissements sur les banc UMP)

M. François-Noël Buffet.  - En application de l'article 51 de notre Règlement, je demande la vérification du quorum.

M. le président.  - Nous le ferons au moment du vote sur l'article premier.

M. Michel Savin.  - Notre position est toujours restée la même.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Obstruction !

M. Michel Savin.  - Nous refusons l'ouverture aux couples homosexuels de l'adoption plénière et, bientôt, de la PMA et de la GPA.

Nous avons réalisé un vrai travail pour assurer reconnaissance sociale et sécurité juridique aux couples homosexuels tout en préservant le mariage. L'union civile était la solution, qui ne remettait pas en cause le socle de la filiation. Nous avons parlé de « droit de l'enfant » plutôt que de « droit à l'enfant ». Il faut préserver à tout prix la cellule familiale, qui offre un repère stable à l'enfant, dont l'intérêt supérieur doit nous conduire.

L'adoption de ce texte ne produira pas un cataclysme aisément identifiable mais il est la première étape sur la voie de la destruction de toutes nos institutions sociales. C'est pourquoi, malgré toute notre bienveillance pour les homosexuels, nous ne pouvons accepter qu'un coup supplémentaire soit porté à la famille. Parce que l'intérêt collectif n'est pas la somme des intérêts individuels, je voterai contre ce texte. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - J'ai été saisi par écrit d'une demande de vérification du quorum. Nous allons procéder par appel nominal à l'examen de la validité de cette demande, comme le prévoit l'article 51 de notre Règlement.

Il est procédé à l'appel nominal.

M. le président.  - La demande est valide. L'article XIII bis de l'Instruction générale du Bureau du 7 octobre 2009 me permet de procéder à la vérification du quorum, assisté de deux secrétaires. J'invite Mme Demessine et M. Humbert à venir au plateau.

Il est procédé à la vérification du quorum.

M. le président.  - Je constate que le Sénat n'est pas en nombre pour procéder au vote. Je vais donc suspendre la séance pour la reprendre à 23 h 30. Nous déciderons de l'heure de levée en fonction de notre rythme de travail.

La séance est suspendue à 21 h 30.

33

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°84 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 167
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°17 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Belle unanimité !

A la demande du groupe UMP, l'article premier bis A, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 180
Contre 161

Le Sénat a adopté.

ARTICLE PREMIER BIS B

M. François Rebsamen.  - Sans vouloir prolonger les débats, je veux souligner la forte mobilisation de la gauche rassemblée ce soir. (Applaudissements à gauche ; on ironise à droite)

J'ai entendu quelques remarques acerbes sur notre recours au scrutin public tout à l'heure. Puis-je vous renvoyer la balle ? Travaillons de concert car la nuit sera longue et les collègues qui ont travaillé dur en commission cet après-midi nous ont rejoints. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Bas .  - Cet article autorise les futurs époux à se marier dans leur commune ou celle de leurs parents. Cela me paraît dangereux dans un texte qui élargit tant la notion de parenté. Même sans aller jusqu'à la parentèle et à s'en tenir à la stricte notion de parenté, cela signifie que l'on pourra se marier un peu partout.

Deux futurs époux plus quatre parents potentiels, cela fait déjà six domiciles, sans parler de Courchevel ou de Carnac, par exemple, où le mariage sera autorisé parce que les parents s'y rendent en villégiature plus d'un mois par an.

Pourquoi le code civil, qui est notre bible, impose-t-il la publication des bans, en son chapitre 3, dans la commune où est célébré le mariage ? Cette pratique, qui existe depuis des temps immémoriaux...

M. Jean-Marc Todeschini.  - N'exagérons pas !

M. Philippe Bas.  - ...vise à prévenir tout soupçon de consanguinité. (Exclamations à gauche) Non au mariage en catimini. (Vifs applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Belle démonstration !

M. Gérard Longuet .  - J'ai parfois eu du mal à suivre les brillantes explications de M. Bas.

L'idée de prononcer des mariages faisant fi de l'altérité pose un véritable problème de conscience à certains maires. Ceux qui avaient refusé la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État avaient démissionné. Et ceux qui s'interrogent aujourd'hui et auxquels le président de la République avait pensé avant sa volte face ?

Monsieur Rebsamen, le scrutin public sert souvent à un président de groupe majoritaire pour assurer sa majorité quand une partie de ses troupes est sur un théâtre d'opérations extérieures ; comme président, je me suis efforcé de ne pas en abuser. Mais ce soir, c'est pour nous le moyen de laisser une trace écrite dans l'histoire de notre République ; les maires sauront à qui ils doivent les nouvelles règles du jeu.

Grâce à la publication des bans, on rappelait autrefois, à une époque où la contraception était moins répandue, à un futur marié ses responsabilités dans la conception d'enfants hors mariage -je ne reviens pas sur la consanguinité. Ce risque, inhérent à l'altérité, n'existe plus avec le mariage homosexuel ; voilà ce que je voulais dire à M. Bas.

Mme la présidente.  - Amendement n°85 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

des époux

par les mots :

du futur mari et de la future femme

M. Patrice Gélard.  - Le texte apporte des assouplissements bienvenus. Autrefois, il était logique de se marier dans la commune de la mariée car celle-ci habitait le plus souvent chez ses parents. Notre société a changé mais le mariage reste une tradition populaire. Ces amendements disent notre attachement au fondement du mariage : l'altérité.

Mme la présidente.  - Amendement n°86 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° A l'article 165, les mots : « l'un des époux » sont remplacés par les mots : « le futur mari ou la future femme, ou l'un de leurs parents, ».

M. Patrice Gélard.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°281, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

ou l'un des parents des époux

par les mots :

, ou l'un de leurs parents,

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Puisque nous bousculons la procédure, je poursuis en indiquant que cet amendement est rédactionnel, avant de remercier M. Gélard pour ses éclaircissements après les explications brumeuses de M. Bas. (On se récrie à droite)

Cet article, introduit à l'Assemblée nationale et voulu par l'Association des maires de France, reprend des dispositions censurées à deux reprises par le Conseil constitutionnel comme cavalier. Il a toute sa place dans ce texte. Nous retrouvons avec M. Gélard les amendements Adam et Ève mais je lui demande retirer l'amendement n°85 rectifié bis, pour maintenir une disposition votée deux fois par le Sénat et qui s'appliquera désormais aussi aux couples de même sexe.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je note qu'il y a quelque différence entre l'UMP à l'Assemblée nationale et au Sénat... Cet article est le fruit d'un amendement émanant de l'UMP, sous-amendé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, pour préciser que le lieu de célébration du mariage est « au choix des époux »

Il faut s'adapter à notre société nomade. Rejet. En revanche, favorable à l'amendement n°281.

M. Patrice Gélard.  - Je ne peux pas retirer les amendements, par fidélité à notre point de vue.

M. Philippe Marini.  - Je veux dire mon trouble. Je suis très attaché à la liberté de conscience des maires. Dès lors que les personnes peuvent choisir la commune où elles veulent se marier... On assouplit la chose ! Certaines communes pourraient se spécialiser dans la célébration de certains mariages ! (Exclamations à gauche) Ce serait un argument promotionnel et, même, touristique. Pardon de me singulariser, monsieur le doyen Gélard, mais je ne voterai pas ces amendements.

L'amendement n°85 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°86 rectifié bis devient sans objet.

L'amendement n°281 est adopté.

L'article premier bis B est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS CA

M. Philippe Bas .  - Je vais essayer d'être clair.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ça va être lumineux !

M. Philippe Bas.  - Cet article apporte des précisions utiles. L'article 213 du code civil ne comportant qu'un alinéa, il n'est pas utile de renvoyer aux deux. D'autre part, cet article comporte un apport sur lequel il y lieu de s'étendre. En effet, il supprime la lecture de l'article 220 du code civil lors de la cérémonie de mariage. De fait, il est déplaisant devant les futurs époux d'évoquer les conséquences d'éventuelles dettes contractées par le couple. Cela s'accorde mal au caractère heureux de la cérémonie.

Avec les articles qui seront lus, il est question de la filiation. Ce m'est l'occasion de revenir dessus. Pour un couple homosexuel, elle résultera soit d'une adoption conjointe, soit d'une adoption par le conjoint. Il y a difficulté dans les deux cas. En cas d'adoption conjointe, il s'agit d'un enfant qui a déjà un passé douloureux : veut-on ajouter une difficulté en lui interdisant toute représentation symbolique, au risque de compliquer la greffe ? Quant à l'adoption par le conjoint, c'est tout simplement la reconnaissance d'une PMA illégale. Comment l'enfant pourra-t-il comprendre qu'il a deux mères. (« Le temps est écoulé ! » à gauche) Toutes ces questions...

Mme la présidente.  - La parole est à M. Longuet.

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) C'est un bonheur de parler après les éclairages de Philippe Bas, qui fortifie nos inquiétudes. Que l'on ne lise pas tout l'article 120 du code civil, je le comprends car il est lourd. Il faut quand même mettre chacun, lors de la cérémonie, devant ses responsabilités.

M'importent les articles 212 et 213 : ils doivent être parfaitement connus car ils risquent de donner lieu à une riche jurisprudence. Ce code y distingue la fidélité et le respect. Dans mon esprit, c'était un tout ; mais pour nos pères, la fidélité était indispensable parce qu'elle démontrait que « pater is est quem nuptiae demonstrant ». Le respect, c'est tout autre chose ; c'est ne pas humilier l'autre, ne pas le mettre dans la position de Raimu dans La femme du boulanger.

La procréation maîtrisée pose problème à des couples qui n'ont pas le même désir d'enfant au même moment. Mais pour des couples sans altérité, la seule solution reste l'adoption, parcours difficile qui peut briser un couple. L'article 213 n'est pas la survivance d'un passé révolu, il pose une question de fond sur la pérennité du couple, fût-il homosexuel. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Cet article reprend un amendement voté à l'unanimité au Sénat dans un texte de M. Doligé sur la simplification des normes, repris par M. Gélard et que l'Assemblée nationale avait rejeté. Il a été repris ici, avec l'accord des associations d'élus. L'article 213 a toute sa place dans cette question.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Oui, la fidélité est liée à la présomption de paternité, laquelle n'a pas bougé. On sait que la législation ne regarde pas du même oeil l'adultère de l'homme et celui de la femme : c'est pourquoi j'ai dit que le mariage était l'institution de domination. Jusqu'en 1916, la femme ne disposait pas de son salaire. Et après, le mari était encore autorisé à le faire saisir s'il estimait qu'il n'était pas suffisamment consacré aux frais du ménage.

La prescription de respect, quant à elle, plus récente, visait les cas de violence au sein du couple : pas de coups. Reste que de nombreux maires répugnent à parler de dettes et de violences en ce moment heureux du mariage.

L'article premier bis CA est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS C

M. Philippe Bas .  - J'avais un instant songé à vous épargner cette intervention mais les dispositions visées ici sont complexes.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Alors, c'est fichu !

M. Philippe Bas.  - Il ne faut pas mettre le terme républicain à toutes les sauces : il n'est pas synonyme de civil. Le mariage est une cérémonie civile.

Mme Cécile Cukierman.  - Il y a une Marianne, tout de même.

M. Philippe Bas.  - On ne demande pas aux futurs époux s'ils sont républicains, même si l'on espère qu'ils le seront. Ne confondons pas tout et évitons de galvauder les valeurs de la République que nous avons tant de mal à défendre.

M. Bruno Retailleau .  - Vous ajoutez l'adjectif républicain au texte. Une remarque de fond, d'abord. Qu'est-ce qu'une célébration républicaine ? Il faut en informer les maires ! Y a-t-il des jours, des décors, des modes vestimentaires plus républicains que d'autres ? Le terme est de ceux que l'on utilise à proportion qu'on les vide de sens. Nos grands ordres juridictionnels ont rappelé ce qu'est la conception républicaine de l'égalité des droits : vous vous en écartez en postulant un droit à l'égalité.

Le régime républicain est celui de la séparation : des pouvoirs entre eux, des Églises et de l'État, de la sphère publique et de la vie privée. Or vous consacrez la sphère privée par la loi. Le rôle de la loi est-il de reconnaître les sentiments ? Le droit n'est pas consumériste : ce n'est pas parce que telle minorité réclame un droit que nous devons nous exécuter. Bref, vous n'usez de ce terme de républicain que pour le mettre à bas.

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - D'après le rapporteur, depuis la Révolution française, les époux sont mariés au nom de la loi. Mais il est paradoxal d'introduire le terme de républicain dans un texte qui s'acharne à le nier. Vous travestissez le sens des termes « mariage », « couple », « parents », en en faisant des oxymores, sous l'influence de l'idéologie du genre. Procédé bien anti-démocratique qui bafoue le peuple de France et le Parlement.

M. Hugues Portelli .  - Je suis scandalisé par l'ajout de cet adjectif. Pour une raison constitutionnelle d'abord. L'adjectif a été introduit en droit pour parler de la forme républicaine du Gouvernement. Les articles premier et 2 de la Constitution parlent de l'organisation de la République, de sa devise, de son drapeau... Il n'y a pas, dans ce mot, de contenu idéologique.

L'Allemagne est une République, les États-Unis aussi. Dans ma commune, on m'a demandé de célébrer un baptême républicain. J'ai répondu que, pour moi, le baptême était un sacrement, pas une cérémonie laïque. (Exclamations sur les bancs CRC) Je veux bien célébrer un parrainage civil, mais pas plus. Je l'ai fait, d'ailleurs, en parlant de l'amour du prochain ; un discours qui a plu et que, depuis lors, je répète quand on me le demande.

Mais parler d'un mariage républicain n'a pas de sens. Le mariage est soit civil, soit religieux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gérard Longuet .  - M. Portelli a été éloquent. Je ne devrais rien ajouter (« Faites » à gauche) mais je veux rendre hommage aux Capétiens dont la République a pérennisé l'héritage.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Oh la la !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Drôle de lecture de la République.

M. Gérard Longuet.  - Quand on fait un acte public, il doit être marqué du sceau de la solennité et de la pérennité. Que des parents demandent à la République un parrainage pour leur enfant me paraît fort sympathique : c'est le moyen de guider l'enfant vers son destin. Il n'en va pas de même du mariage. Allons-nous engager l'autorité de la République dans un contrat dont les sociologues ont dit la faible probabilité de survie ? La République est trop sérieuse pour la vouer à ces aléas.

M. Dominique de Legge .  - Je cherche à comprendre les motivations de cette réécriture de l'article L. 165 du code civil. On ne célèbre plus le mariage, on le prononce. Soit. On le célébrait publiquement, cela marquait bien que le mariage est une célébration unique. La formule nouvelle n'est pas aussi éloquente. Quant au mariage républicain... Toutes les lois sont des lois de la République. Le mariage est inscrit dans le code civil, qui est une loi de la République. A quoi bon cette redondance ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cet oxymore, je serais curieux de le débusquer. Où est-il donc ?

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Supprimer cet article.

Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Remplacer les mots :

prononcé lors d'une célébration publique et républicaine

par les mots :

célébré publiquement lors d'une cérémonie républicaine

Amendement n°87 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Supprimer les mots :

et républicaine

M. Patrice Gélard.  - Je n'aime pas beaucoup que l'on modifie le code civil. Il est mieux écrit que tout ce que nous faisons à notre époque. Son article L. 165 est clair et net : d'où mon amendement n°18 rectifié bis de suppression de l'article.

Cela étant, je comprends le souci de M. Michel de donner un peu de solennité à la cérémonie et je ne veux pas lui faire de peine, d'où mon amendement n°19 rectifié bis.

Dans un dernier sursaut de réflexion, j'ai conclu à la nécessité de supprimer le terme républicain par l'amendement n°87 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Le mariage civil, monsieur Retailleau, monsieur Longuet, n'est pas un simple contrat...

M. Gérard Longuet.  - Ma langue a fourché.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - ...c'est une institution. Dès lors que l'on se marie au civil, la République y a part. La France est une démocratie, et c'est une République laïque. L'Allemagne est une démocratie, elle n'est pas laïque comme notre République. C'est pourquoi nous avons jugé que cette formulation, introduite à l'Assemblée nationale, était utile. La commission des lois est donc défavorable à l'amendement de suppression ; en revanche, elle est favorable à votre amendement n°19 rectifié bis, qui est effectivement mieux rédigé. Je regrette votre repentir sur le mot républicain avec l'amendement n°87 rectifié bis : la commission n'y est pas favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le baptême républicain a été créé par un décret du 8 juin 1794 qui était tombé en désuétude.

M. Gérard Longuet.  - Et le baptême républicain dure, pas comme le mariage. Un mariage sur deux se conclut par un divorce dans les couples hétérosexuels.

M. Patrice Gélard.  - A Paris.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Alors quoi, faut-il supprimer le mariage hétérosexuel ?

La référence au caractère républicain du mariage n'est pas superflue au vu de tout ce que nous avons entendu lors de ce débat. Y compris dans la bouche de M. Marini disant que les représentants des trois cultes monothéistes s'opposeraient à ce texte. Nous parlons du seul mariage civil, qui n'est pas le mariage religieux.

Le Gouvernement sera favorable à l'amendement n°19 rectifié bis de M. Gélard, dont il salue la qualité de rédaction, et défavorable aux deux autres amendements.

L'amendement n°18 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Marc Laménie.  - Concernant l'amendement n°19 rectifié bis, que je voterai, je veux dire qu'il a le mérite de réaffirmer que le maire officie en qualité d'officier d'état civil et qu'il convient de ne pas banaliser le mariage, où les témoins, dont on a peu parlé, ont aussi un rôle à jouer. On a évoqué le baptême républicain ; j'en ai célébré dans de petites communes, mais cela n'emporte pas valeur juridique. Il n'en va pas de même du mariage, qui porte des valeurs.

L'amendement n°19 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°87 rectifié bis n'a plus d'objet.

M. Gérard Longuet.  - Je voulais m'exprimer sur l'amendement n°87 rectifié bis.

Mme la présidente.  - Il est tombé.

M. Gérard Longuet.  - Je m'exprimerai donc sur l'article. La cérémonie républicaine nous pose problème. Ce n'est pas l'écharpe tricolore, qu'il ne faut pas porter à l'envers, mais bien l'hymne national qui donne à la République toute sa solennité. « Tous nos jours sont à la patrie, elle est votre mère avant nous », dit La Marseillaise. Je suggère que l'on forme une commission pour réviser ce couplet car, de toute évidence, La Marseillaise est hétérosexuelle. (Rires et applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Bravo ! Il fallait le trouver, cet argument !

L'article premier bis C est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS D

M. Philippe Bas .  - (« Pitié ! » à gauche) Je reproche à cet article d'être discriminatoire. Il faut donner les mêmes droits à tous les couples, ceux de Français résidant en France comme ceux formés de Français de l'étranger. Pourquoi prévoir la suppression de rattachement à une commune de résidence pour ces derniers ?

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Supprimer cet article.

M. Patrice Gélard.  - Je partage les réserves de M. Bas quant à la constitutionnalité de cet article.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°187 rectifié quater, présenté par MM. Marseille, Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Bockel, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat et MM. Guerriau, Maurey, Merceron, Roche, Tandonnet, Deneux et de Montesquiou.

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La commission n'est pas favorable : l'article prévoit des dispositions spécifiques pour les couples homosexuels dans les pays où l'homosexualité est interdite, voire tenue pour un crime.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. Je rappelle que l'article premier a été adopté. Le mariage est ouvert aux couples de même sexe, pour les Français résidant à l'étranger comme en France. Dans les pays qui ne reconnaissent pas ce mariage, les missions diplomatiques ne peuvent rien. Il faut prévoir la faculté d'un mariage en France.

Les amendements identiques nos21 rectifié bis et 187 rectifié quater ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°88 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Patrice Gélard.  - Repli.

Mme la présidente.  - Amendement n°124 rectifié quinquies, présenté par M. del Picchia, Mme Procaccia et MM. Cointat, Delattre, Magras, Cambon, Dulait, Sido, Milon, Frassa, G. Larcher, Bizet, Paul, Couderc, Chauveau et Retailleau.

I. - Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l'un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être prononcé lors d'une célébration publique et républicaine par l'officier de l'état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un d'eux ou de la commune dans laquelle l'un de leurs parents a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l'article 74.

II. - En conséquence, alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dispositions relatives aux Français établis hors de France

M. Bruno Retailleau.  - Cet amendement supprime une discrimination et répond à une revendication ancienne de nos ressortissants à l'étranger.

Mme la présidente.  - Amendement n°133 rectifié, présenté par Mme Ango Ela et les membres du groupe écologiste.

I. - Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l'un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l'officier de l'état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un des époux ou de la commune dans laquelle l'un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l'article 74.

II. - En conséquence, alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« De la faculté offerte aux Français établis hors de France de célébrer leur mariage en France

Mme Esther Benbassa.  - Tous les couples établis hors de France, dont l'un au moins des futurs époux est français, doivent pouvoir se marier sur notre territoire, où beaucoup ont des attaches. C'est une demande de nos compatriotes expatriés.

Mme la présidente.  - Amendement n°105, présenté par M. Yung, Mme Lepage et M. Leconte.

Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l'un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l'officier de l'état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un des époux ou de la commune dans laquelle l'un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l'article 74.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement va dans le même sens que les autres. Si on ouvre une possibilité aux couples homosexuels, il faut accorder les mêmes droits aux couples hétérosexuels. C'est une question d'égalité.

Mme la présidente.  - Amendement n°282, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4, première phrase

1° Après les mots :

ont leur

insérer les mots :

domicile ou leur

2° Remplacer les mots :

des parents des époux

par les mots :

de leurs parents

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Cet amendement est purement rédactionnel.

L'amendement n°88 rectifié bis vide le texte de sa substance : rejet. Les amendements n°124 rectifié quinquies, nos133 rectifié et 105 sont proches dans l'esprit. Pourquoi accorder un droit spécifique aux couples homosexuels ? Parce que l'homosexualité est criminalisée dans certains pays. Autoriser tous les couples mixtes à se marier en France serait de pure convenance quand les personnes ont déjà la faculté de se marier dans la commune de résidence des parents du membre français du couple. Rejet.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. Rappelons que cet article est nécessaire : dans les pays qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel, les représentations diplomatiques ne peuvent pas célébrer le mariage entre personnes de même sexe ; elles le peuvent pour les couples hétérosexuels. De là des dispositions spécifiques qui visent une situation particulière. Les couples hétérosexuels, avec ce texte, pourront se marier dans la commune de résidence leurs parents.

Avis favorable à l'amendement n°282.

M. Gérard Longuet.  - L'amendement n°88 rectifié bis est excellent. Hélas, Mme la garde des sceaux est coincée.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Pas coincée, cohérente !

M. Gérard Longuet.  - Parce que cet article ne règle pas toutes les difficultés, quand bien même les Français de l'étranger pourraient désormais se marier dans la commune de résidence de leurs parents. Pour une raison simple : il existe, dans des pays qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel, des communautés françaises qui sont coupées depuis plusieurs générations de résidences métropolitaines. Je pense à Pondichéry, le plus célèbre de nos comptoirs : ceux qui la peuplaient sont devenus Français avant les Lorrains... Le texte méconnaît ces situations, que traite à l'inverse l'amendement de M. Gélard.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Le cas est réglé : ces Français, y compris ceux de Pondichéry, peuvent se marier dans la commune de leur choix.

M. Jean-Yves Leconte.  - Beaucoup de Français n'ont plus de lien avec la métropole ! Pour eux, la référence aux parents n'est évidemment pas pertinente.

M. Hervé Marseille.  - L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe peut conduire à des mariages boiteux, valables en France mais nuls à l'étranger. Les officiers d'état civil devront informer les futurs mariés de cet état de fait. A leur retour dans leur pays, certains peuvent être exposés à des sanctions pénales. Nous voterons contre.

L'amendement n°88 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements nos124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105.

L'amendement n°282 est adopté.

L'article premier bis D, modifié, est adopté.

M. François Zocchetto.  - Rappel au Règlement relatif à l'organisation de nos travaux. Il est 1 h 45, le Sénat siège depuis 14 h 30. Les débats ont été riches, n'abordons pas le chapitre délicat de la filiation adoptive à cette heure tardive ; d'autant que la conférence des présidents n'a pas prévu que nous siégerions la nuit. Je demande qu'on lève la séance. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La commission des lois est à la disposition du Sénat.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement est en pleine forme ! Je m'en remets à la décision du Sénat.

M. François Rebsamen.  - Avançons pour nous arrêter vers 2 h 30... (Marques d'approbation à gauche et d'opposition à droite)

Mme Cécile Cukierman.  - Trois heures !

Mme Catherine Troendle.  - Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Mme la présidente.  - Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 1 h 50, reprend à 1 h 55.

ARTICLE PREMIER BIS.

Mme la présidente.  - Je propose de prendre les paroles sur l'article et les deux amendements de suppression avant de lever la séance.

M. Charles Revet.  - Ce n'est pas sérieux de travailler ainsi !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Où allons-nous ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Votre proposition, madame la présidente, semble recueillir l'assentiment de tous les bancs. Nous devrions pouvoir lever la séance vers 2 h 30.

Mme Laurence Cohen.  - La question de la filiation est le grand enjeu de ce projet de loi, le point sur lequel se cristallisent toutes les oppositions. Il est temps de reconnaître le désir de parentalité de tous les couples. Il ne s'agit pas d'assouvir un droit à l'enfant mais le souhait légitime de donner à un enfant une sécurité affective et matérielle. L'intérêt supérieur de l'enfant, que vous ne cessez de nous opposer, n'est qu'un prétexte : un célibataire, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, peut déjà adopter un enfant. C'est l'intérêt de l'enfant qui guide le Gouvernement comme sa majorité, et commande qu'il bénéficie de la protection de la loi, protection qui est fragile dès lors que l'un de ses deux parents n'a aucun lien juridique avec lui.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Gérard Larcher.  - Rappel au Règlement et appel à la réflexion. Est-il opportun d'aborder le débat sur ce sujet si important qu'est la filiation à cette heure tardive ? Nos discussions seront tronçonnées, ce n'est pas raisonnable. Ne donnons pas une mauvaise image de nos travaux et reprenons la discussion demain dans des conditions sereines et respectueuses de l'importance du sujet. Je vous demande solennellement de lever la séance.

Mme la présidente.  - Je vais mettre aux voix la proposition que j'avais faite : les prises de parole, puis l'examen des deux amendements de suppression. (Protestations à droite)

Il en est ainsi décidé.

Mme Isabelle Debré.  - Mme Cohen n'était pas inscrite...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Relisez le Règlement !

Mme Isabelle Debré.  - On ne peut pas prévoir le nombre d'orateurs qui souhaiteront s'exprimer. Ce n'est pas raisonnable ! Il faut lever la séance !

Mme Cécile Cukierman.  - La situation est ubuesque : vous avez beaucoup parlé cet après-midi et il faudrait mettre fin au débat le soir parce que vous êtes fatigués. Ce n'est pas au groupe UMP de dicter le rythme de nos travaux ! (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Je donne la parole à M. Bas pour une intervention sur article.

M. Philippe Bas.  - Ce sera un rappel au Règlement... La filiation adoptive est un sujet aussi important que l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Mme la présidente.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement...

M. Philippe Bas.  - Ne tronçonnons pas le débat, demain, nous aurons tout oublié et il faudra recommencer...

Mme la présidente.  - MM. Larcher et Bas renoncent-ils à leur prise de parole sur l'article ?

M. François Zocchetto.  - Rappel au Règlement. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous avons précisément réglé nos travaux en conférence des présidents, et prévu qu'il n'y aurait pas, pour cette séance, de nuit. Je demande au nom de mon groupe UDI-UC la réunion de la conférence des présidents.

Mme la présidente.  - La parole est à Mme Garriaud-Maylam.

Mme Isabelle Debré.  - Donnez suite à la demande légitime de M. Zocchetto !

Mme la présidente.  - Elle n'est pas de droit.

M. François Zocchetto.  - Je n'insisterai pas si la conférence des présidents n'avait pas expressément refusé d'ouvrir la nuit du mardi.

La séance, suspendue à 2 h 10, reprend à 2 h 15.

M. François Rebsamen.  - Rappel au Règlement. Le temps passe... Je fais la proposition suivante pour que nous retrouvions la sérénité qui sied à cette assemblée : levons la séance à 2 h 30, dans un quart d'heure.

Mme Isabelle Debré.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est la paix. A 2 h 18, pas mal !

M. Philippe Bas .  - Cet article premier bis et les suivants tirent les conséquences de l'article premier adopté à notre grand regret. Le mariage est loin d'être une simple célébration ; il est une institution, qui n'existe dans le code civil que parce que la société, dont la famille est la cellule de base, y trouve son compte.

Nous avons dit et répété...

M. Alain Néri.  - Répété, surtout !

M. Charles Revet.  - A force, ça va rentrer !

M. Philippe Bas.  - ...que la différence de situation entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels aurait dû conduire à rechercher une autre solution que le mariage. Cet article institue deux personnes de même sexe coparents de l'enfant. Celui-ci aura donc deux mères ou deux pères. Quelles que soient leurs capacités éducatives ou la qualité de leur relation à l'enfant, cela ne comblera pas le manque à la racine de la vie de celui-ci. Un enfant qui a deux pères sera toujours orphelin de mère, et un enfant qui a deux mères, orphelin de père. Ce manque est irréparable. Quiconque l'a ressenti me comprendra.

Du point de vue de l'enfant, il y aura plusieurs mariages, et non un mariage pour tous -un slogan vite abandonné, au reste. Dans les couples hétérosexuels, la présomption de paternité s'appliquera ; dans les couples de femmes, il faudra une décision de justice.

M. Alain Néri.  - C'est fini !

Mme Laurence Cohen.  - Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d'une minute !

Mme la présidente.  - Achevez votre raisonnement...

M. Philippe Bas.  - Et pour les couples d'hommes, le recours à la GPA à l'étranger -sans d'ailleurs que l'époux, à la différence de l'épouse dans les couples de femmes, puisse faire reconnaître sa coparenté. Trois mariages au lieu d'un !

Mme Laurence Cohen.  - Et vous, trois fois votre temps de parole !

M. Philippe Bas.  - Or la CEDH l'a dit pour l'Autriche, il ne peut pas y avoir de régimes différents pour le mariage.

M. Alain Néri.  - Abrégez ! « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement »...

M. Philippe Bas.  - Nous ne pouvons vous suivre dans cette voie.

M. Gérard Longuet .  - L'adoption est ouverte de droit aux personnes mariées. Cependant, elle reste une voie exceptionnelle pour assurer la continuité familiale, transmettre un patrimoine ou un nom, quand la nature ne le permet pas aux couples hétérosexuels. Vous nous accusez de refuser le mariage homosexuel parce que les couples homosexuels ne peuvent engendrer naturellement. Mais il y a une différence fondamentale entre l'état de nature, qui est nécessaire sans être suffisant et une situation totalement impossible. La possibilité de la procréation était la condition nécessaire du mariage. Ensuite venaient les conditions suffisantes : l'âge, la consanguinité. Raison pour laquelle on n'a jamais mis en cause le mariage des couples hétérosexuels infertiles. Dans ces conditions, l'adoption prenait, avec la PMA, un caractère supplétif.

Mme Cécile Cukierman.  - Cinq minutes déjà !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure....

M. Gérard Longuet.  - Vous ouvrez un droit à l'adoption qui ne pourra être satisfait... Vous faites bien de me rappeler à l'ordre, madame la présidente, puisque c'est pour suspendre la séance : nous nous retrouverons demain.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 10 avril 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 h 30.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 10 avril 2013

Séance publique

A 14 heures 30 et le soir

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n°349, 2012-2013)

Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n°437, tomes I et II, 2012-2013)

Texte de la commission (n°438, 2012-2013)

Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°435, 2012-2013)