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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Fin d'une mission temporaire

Organisme extraparlementaire

Questions orales

Modulation de la TGAP

Desserte ferroviaire grande vitesse intra-bretonne

Diffuseur sur la RN 154 à la sortie de Prey-Grossoeuvre

Article 55 de la loi SRU (I)

Article 55 de la loi SRU (II)

Un commissariat pour les Mureaux

Inscription en ZRR

Adresses électroniques des parlementaires

Mission interministérielle de coordination nationale sur la traite des êtres humains

Jeunes agriculteurs

Suivi informatique des mouvements de produits soumis à accises

Certification et adjudication pour le transport de l'eau et l'assainissement

Archéologie à la Réunion

Démographie médicale en milieu rural

Augmentation du prix des médicaments

Avenir des IUFM

Difficultés de recrutement dans les lycées français à l'étranger

Situation des Roms

Rappel au Règlement

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

Rappels au Règlement

Discussion des articles (Suite)

Article premier

Rappels au Règlement

Questions cribles thématiques : « Copenhague, et après ? »

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

Conférence des Présidents

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)




SÉANCE

du mardi 26 janvier 2010

62e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Fin d'une mission temporaire

M. le président.  - Par lettre en date du 21 janvier 2010, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 31 janvier 2010, de la mission temporaire sur les entreprises de taille intermédiaire confiée à M. Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée, auprès de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral.

Acte est donné de cette communication.

Organisme extraparlementaire

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de désigner un sénateur titulaire et un sénateur suppléant pour siéger au conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat. Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission de l'économie à présenter des candidatures. Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Modulation de la TGAP

M. Bernard Piras.  - Ma question s'adressait à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie, mais c'est M. Dominique Bussereau qui me répond et j'en suis ravi.

La loi de finances 2009 en augmentant sensiblement la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), en fonction de l'installation de traitement final des déchets, n'a pas pris en compte, dans l'évaluation de l'impact environnemental, les efforts entrepris pour extraire la fraction organique des déchets en vue de sa valorisation par compostage. En asseyant la TGAP sur la performance environnementale ou énergétique des installations terminales, sans tenir compte de la nature du déchet entrant et, plus particulièrement, de cette capacité à réduire la pollution, on pénalise financièrement les collectivités qui ont investi dans la valorisation matière et qui parfois n'ont pas à proximité d'exutoire performant.

De même l'apport de déchets exempts de matière organique diminue la production de biogaz dans les installations de stockage de déchets non dangereux, ce qui se traduit par une seconde pénalisation sur la TGAP.

Il semble donc nécessaire de moduler la TGAP pour tenir compte de la nature du déchet traité et plus particulièrement de la proportion de matière organique présente dans le résidu final. Par exemple, au-delà de la modulation existante sur les performances énergétiques ou environnementales, un coefficient minorateur de 30 % pourrait être appliqué aux déchets issus de la stabilisation, et de 66 % pour ceux issus du compostage. Entend-on adopter cette modulation ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je vous prie d'excuser Chantal Jouanno qui m'a demandé de vous apporter la réponse suivante.

L'accroissement du taux d'extraction de la fraction organique contenue dans les déchets pour en permettre la valorisation par retour au sol est effectivement l'un des objectifs fondamentaux du Grenelle de l'environnement dans le domaine des déchets. Sa généralisation, qui réduira la quantité de déchets fermentescibles reçus en décharge, diminuera la pression fiscale attachée à la gestion des déchets. Cette orientation est compatible avec la législation communautaire qui impose, depuis 1999, de limiter la quantité de déchets biodégradables reçus en décharge. Il faut non seulement mieux valoriser les matières contenues dans ces déchets mais aussi diminuer l'impact environnemental des émissions diffuses « fatales » de biogaz, quelle que soit la performance des équipements de captage dans les installations de stockage. La modulation de la TGAP sur le critère de performance énergétique n'est donc pas un signal donné pour la reconversion d'un centre de stockage de déchets ultimes en unité de production d'énergie mais un levier pour inciter les exploitants de telles installations à réduire ces émissions diffuses.

Les déchets reçus dans les installations de compostage ou de méthanisation ne sont pas soumis à la TGAP parce qu'ils visent à produire un amendement organique ou du biogaz et une matière présentant un intérêt agronomique. Au-delà, les collectivités qui ont choisi de développer ces modes de traitement peuvent bénéficier de soutiens techniques et financiers de l'Ademe.

Cette question est complexe. L'évolution de la TGAP a fait l'objet de longues discussions il y a un peu plus d'un an, dans les deux assemblées. Il nous faut être prudent avant de remettre en cause les équilibres trouvés. Nous serons donc attentifs au compte rendu de la mission d'information sur le traitement des déchets présidée par Dominique Braye et ayant pour rapporteur Daniel Soulage, qui doit se pencher, notamment, sur cette délicate question de la fiscalité des déchets.

M. Bernard Piras.  - Je contacterai moi aussi MM. Braye et Soulage. Je reconnais la complexité du problème mais ce n'est pas une raison pour ne pas le traiter.

Desserte ferroviaire grande vitesse intra-bretonne

M. François Marc.  - Ma question porte sur la desserte ferroviaire très grande vitesse à l'intérieur de la Bretagne. L'objectif est de ramener à trois heures le temps du trajet entre Paris et Rennes ou Quimper, au lieu des actuelles quatre heures et demie.

Depuis 50 ans, la Bretagne lutte pour son désenclavement, avec le Plan routier et l'Annexe B ter. La modernisation des lignes Rennes-Brest et Rennes-Quimper constitue un maillon clé car le nouveau tronçon TGV Le Mans-Rennes apportera bien des gains de temps indéniables mais, au-delà de Rennes, pas de TGV.

A l'heure de la promotion du « transport durable », le monde économique comme la population attendent un signal fort en matière d'aménagement du territoire. Pour des raisons d'attractivité il est urgent de connecter le territoire breton aux grands réseaux de communication européens. La Bretagne étant handicapée par sa périphéricité, un réseau grande vitesse infrarégional plaçant Quimper à 1 h 30 de Nantes permettrait un équilibre territorial global, notamment au regard de la réalisation prochaine de l'aéroport du Grand ouest à Notre-Dame-des-Landes...

Au-delà du projet Bretagne à grande vitesse, l'accessibilité du Finistère exige d'améliorer ses liaisons ferroviaires avec Nantes et le sud-ouest de la France. La technologie pendulaire ayant été abandonnée, des pistes alternatives ont été suggérées par la région Bretagne. Alors que s'esquisse enfin une carte ferroviaire qui relie les grandes régions entre elles, sans passage obligé par Paris, la réponse technique espérée pour la Bretagne se fait toujours attendre. Que compte faire le Gouvernement pour appliquer, en Bretagne, l'article 16 de la loi Grenelle ? Et envisage-t-il d'inscrire un projet ambitieux de desserte ferroviaire grande vitesse infra-bretonne dans le nouveau schéma national des infrastructures de transports ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - L'amélioration de la desserte ferroviaire de la Bretagne vise à réduire, à terme, à trois heures le temps de parcours entre Paris et la Bretagne occidentale. La ligne à grande vitesse réduira le temps de parcours entre Paris et Rennes de près de 40 minutes. Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce projet d'infrastructure. Au-delà, les liaisons existantes Rennes-Brest et Rennes-Quimper font l'objet d'un important programme d'amélioration pour un montant de près de 310 millions d'euros inscrits au contrat de projet 2007-2013 que nous avons signé, M. Borloo et moi-même avec les présidents des régions Bretagne et Pays de la Loire.

Le recours à la technologie pendulaire -utilisé par exemple en Autriche ou en Italie- étant mal maîtrisé, il est envisagé plutôt d'améliorer les voies existantes.

Si nous n'y parvenons pas, il faudra prévoir des voies nouvelles pour éviter les ralentissements dus aux courbures, l'objectif étant bien de parvenir à une liaison Paris-Brest en trois heures.

En outre, il faut aussi raccorder la Bretagne à tout le réseau TGV européen. Nous devrons donc terminer l'interconnexion au sud de Paris entre Massy et Valenton : pour l'instant, ce sont les voies de la grande ceinture qu'empruntent aussi les trafics franciliens et de fret qui sont utilisées, d'où des retards pour les TGV venant de l'ouest et allant vers l'est ou le sud. Il faut aussi relier la Bretagne au sud-ouest, soit en passant par l'interconnexion parisienne, soit en utilisant l'axe passant par Tours, soit en modernisant, comme le souhaitent le Poitou-Charentes et l'Aquitaine, l'axe Nantes-Bordeaux, déjà électrifié entre Nantes et la Roche-sur-Yon. Ainsi, à partir de Bordeaux, l'Espagne et l'Italie seraient joignables.

Tout cet ensemble doit figurer, sous le contrôle du Parlement, dans le schéma national des infrastructures.

M. François Marc.  - M. le ministre connaît bien les attentes des Bretons : l'objectif Brest et Quimper à trois heures de Paris est une de leurs revendications constantes. Le contrat de plan État-région 2007-2013 a prévu divers travaux sur les voies et les passages à niveau mais le gain de temps est minime : cinq minutes. On est encore loin des trois heures ! Nous attendons donc avec beaucoup d'impatience que le schéma national d'infrastructures de transports prenne cette question en compte. La région et le département sont prêts à accompagner financièrement les efforts de l'État.

Diffuseur sur la RN 154 à la sortie de Prey-Grossoeuvre

M. Hervé Maurey.  - Il convient de réaliser un diffuseur complet sur la RN 154 au niveau de la sortie Prey-Grossoeuvre dans le département de l'Eure. Le demi-échangeur actuel permet de relier ce secteur au nord, c'est-à-dire à Évreux et à Rouen, mais il n'y a aucune desserte vers le sud.

L'absence de cet aménagement paralyse le développement économique de ce secteur. La zone d'activité souffre de cette situation, les entreprises hésitant à s'y installer et certaines ayant préféré la quitter. En outre, certains véhicules qui s'engagent pour rejoindre la RN 154 sont obligés de faire demi-tour lorsqu'ils constatent l'absence de bretelle, certains s'engageant même à contresens !

Un débat public sur l'avenir de la RN 154 a été ouvert, mais pour la seule portion entre Nonancourt-Allaines, celle de Prey-Grossoeuvre en étant exclue.

Quelles sont donc les intentions du Gouvernement concernant ce diffuseur ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je sais que ce sujet vous tient à coeur, monsieur le sénateur, parce que la RN 154 qui assure la liaison entre Rouen et Orléans, via Évreux, Dreux et Chartres est un axe important pour votre département de l'Eure, mais aussi pour l'Eure-et-Loir et le Loiret. Il est prévu d'aménager à deux fois deux voies la partie nord de ce tracé, la partie sud entre Nonancourt, Allaines et l'autoroute A10 faisant l'objet d'une réflexion pour un éventuel aménagement à deux fois deux voies.

La section Evreux-Chavigny-Bailleul, le long de laquelle se situent les communes de Prey et de Grossoeuvre a été aménagée à deux fois deux voies et a été mise en service en 2000.

Lors de la conception de ce projet, il avait été décidé de ne pas assurer les liaisons vers le sud au niveau de l'échangeur de Prey-Grossoeuvre, leur intérêt n'ayant pas été mis en évidence. Après enquête publique, le projet comportait donc un demi-diffuseur, d'autant qu'il n'y avait pas eu de demandes précises à l'époque.

Le réseau routier local est bon : la RD 6154 assure une bonne liaison. Le constat fait il y a dix ans reste-t-il valable ou les éléments nouveaux que vous soulevez permettent-ils d'envisager un nouveau diffuseur ? De plus, qui prendra en charge les frais d'études : l'État ou les collectivités ? C'est aux plans de modernisation des infrastructures routières d'en décider, mais les prochains n'auront lieu qu'en 2015.

Puisque ce sujet vous tient à coeur, je vais regarder s'il est possible d'engager rapidement des études compte tenu des éléments que vous nous fournirez.

M. Hervé Maurey.  - Merci pour votre réponse, monsieur le ministre. Peut être n'y avait-il pas de besoins avérés à l'époque, mais depuis dix ans, de nombreux parlementaires et personnalités se sont mobilisées, tels Jean-Louis Debré ou Bruno Le Maire. Plutôt que de laisser les élus dans l'attente, il faudrait examiner cette question sans attendre.

Article 55 de la loi SRU (I)

M. Christian Cambon.  - De nombreuses petites et moyennes communes qui ont un important habitat pavillonnaire et pas de terrains disponibles ont du mal à parvenir à 20 % de logements sociaux, comme le prévoit l'article 55 de la loi SRU. Les communes ne remettent pas en cause l'obligation qui leur est faite, mais elles se trouvent confrontées à la rigueur du texte et à l'application trop stricte qui en est faite par les préfets.

Dans le Val-de-Marne, Perigny, Le Perreux et Vincennes sont confrontées à de telles difficultés. Ormesson-sur-Marne, petite commune de 10 000 habitants, malgré une politique d'achat et de portage de terrains en vue de la réalisation de logements sociaux, engagée dès les années 1990, s'est trouvée, lors de la promulgation de la loi SRU, sans aucun logement éligible à ce titre, les logements sociaux construits antérieurement ayant tous été acquis par leurs occupants.

Elle a donc été redevable d'un prélèvement de 95 000 euros annuels, majoré à 180 000 euros à compter du 1er janvier 2009.

Pour deux nouveaux programmes de logements sociaux, les subventions communales ont été acceptées en compensation du prélèvement, mais la loi SRU prévoit un décalage de deux ans et, en cas d'excédent de subvention, il ne peut être reporté que d'une année.

Pour le lancement d'un troisième programme de 42 logements sociaux, la seule solution permettant la compensation du prélèvement de 2011 à 2015 a été de vendre le terrain à sa pleine valeur en 2009, et de réduire la charge foncière de plus de la moitié de sa valeur grâce à des subventions à l'organisme HLM, en l'échelonnant de 2009 à 2012.

Actuellement, la ville prévoit la construction d'un établissement hospitalier pour accueillir 84 malades de longue durée sur un terrain appartenant à la commune. La ville va faire don de ce terrain estimé à 1,8 million. L'application d'un prélèvement majoré, en sus de ce don, serait donc une double peine infligée à la commune d'Ormesson. Cette ville, comme d'autres, fait de réels efforts pour remplir ses obligations en termes de logements sociaux mais manque, comme toute l'Ile-de-France, de foncier disponible.

Dans le même temps, Vincennes a vu diminuer de 20 % l'objectif triennal de logements sociaux à construire pour la période 2008-2010, en raison de ses particularités. Les maires ont le sentiment qu'il y a un traitement très différencié selon les villes. Le maire d'Ormesson s'est donc trouvé dans l'obligation de saisir le tribunal administratif de Melun en déposant un recours contentieux pour défaut de base légale. Il fonde son action sur l'illégalité de la décision de doublement de la majoration qui contredirait la position de la commission départementale qui porte souvent un jugement beaucoup plus nuancé sur l'application de ces pénalités.

Ne serait-t-il pas envisageable soit d'annuler la majoration, soit le prélèvement lui-même, jusqu'à compensation du don du terrain de cet établissement hospitalier, soit même d'aménager la loi SRU permettant la compensation des prélèvements par des contributions communales à la réalisation de logements sociaux dès l'année suivante et sans limite de durée jusqu'à épuisement ?

Pour de petites communes comme Ormesson, c'est tout leur équilibre budgétaire qui est en jeu.

Les maires souhaitent participer à l'effort de solidarité en matière de logement social dont ils ne contestent pas le bien-fondé, pourvu que leurs spécificités et leurs efforts soient pris en compte.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je tiens à excuser M. Apparu qui n'a pu être présent ce matin et qui m'a chargé de vous transmettre sa réponse.

Vous évoquez les difficultés rencontrées par de nombreuses communes, notamment Ormesson-sur-Marne, pour atteindre les objectifs fixés par l'article 55 de la loi SRU.

Actuellement, cette commune compte 0,8 % de logements sociaux et a rempli son obligation triennale, pour la période 2005-2007, à hauteur de 11 %, d'où la majoration de son prélèvement de 85 %.

Vous avez rappelé que cette commune n'a pas de terrain disponible pour permettre la réalisation de logements sociaux mais la construction n'est pas la seule solution. Il est également possible d'agir via l'acquisition-amélioration de bâtiments et d'en faire des logements sociaux.

D'autres outils permettent d'augmenter le stock de logements sociaux. Ainsi, le plan local d'urbanisme (PLU) peut prévoir différents dispositifs en ce sens. D'ailleurs, le compte-rendu de la commission départementale qui s'est réunie en juillet 2008 prévoyait de réviser le PLU afin d'introduire des emplacements réservés et de majorer le coefficient d'occupation des sols (COS) pour faciliter la production de logement social. Enfin, le droit de préemption urbain renforcé peut aussi être mis en oeuvre.

Ormesson fait partie de la communauté d'agglomération du Haut Val-de-Marne, qui a adopté son programme local d'habitat (PLH) en octobre 2007 pour la période 2008-2013.

Ce document précise les objectifs de la commune et la typologie des logements qui y seront réalisés. La mutualisation qu'il autorise peut aider la commune d'Ormesson si les autres communes-membres en sont d'accord. La commission départementale avait souhaité un contrat de mixité sociale. Quant au report des dépenses, il est désormais possible sur plus d'une année. L'État facilitera l'application de l'article 55 et aidera les communes à le respecter et à jouer entre les dispositifs. Il sera un facilitateur

M. Christian Cambon.  - Je vous remercie de ces précisions. Oui, il y a des dispositions pour alléger les rigueurs de la loi, mais le problème reste très important en région parisienne : les recours contre la densification du COS retardent les programmes, ainsi au Perreux ou à Périgny. J'ai bien noté les possibilités d'étalement des charges mais il faut surtout que l'État soit attentif à conseiller autant qu'à punir, ce qui n'a pas toujours été le cas. Je souhaite que M. Apparu donne des instructions pour que l'État n'use pas seulement des sanctions mais soit un partenaire.

Article 55 de la loi SRU (II)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 donne obligation aux communes de1 500 habitants en région parisienne et de 3 500 ailleurs, d'avoir 20 % de logements sociaux. Le législateur a également prévu que les logements HLM vendus à leurs occupants resteraient pris en compte pendant cinq ans. En 2006, il a donc considéré comme légitime de continuer à les comptabiliser, car ils ne perdaient pas leur caractère en dépit du changement de statut de leurs occupants. Le Gouvernement a voulu faciliter l'accession sociale à la propriété et la concilier avec la mixité. Cet objectif noble répond aux voeux de la population et au souhait du Président de la République. Pour autant, les communes qui se sont engagées dans cette voie sont pénalisées au bout de cinq ans par la diminution automatique de leur quota alors qu'il s'agit du même public et des mêmes logements. Pourquoi les exclure au bout de cinq ans ?

Avec la crise, les programmes ont pris du retard et la raréfaction du foncier menace de nombreuses communes de sanctions. Il faut tenir compte des situations locales et des efforts des communes. Moins de la moitié des communes soumises à l'article 55 ont réussi à s'y conformer. Un peu de souplesse ne remettrait nullement en cause ce sacro-saint article. Il est normal que les logements HLM acquis par leurs occupants avec un prêt social de location-accession restent comptabilisés dans le quota. Cela aiderait les communes et éviterait aux maires d'être pénalisés alors qu'ils accomplissent de gros efforts pour respecter l'article 55. Allez-vous améliorer le dispositif et supprimer le délai de cinq ans ? (M. Christian Cambon applaudit)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Votre question est très complémentaire de celle de M. Cambon et je vous prie également d'excuser M. Apparu. Celui-ci considère qu'on est parvenu à un équilibre entre les principes de mixité sociale et de libre administration des collectivités locales. Il est en effet normal que les logements HLM vendus à leurs occupants ne soient comptabilisés que pour une période limitée car ils perdront leur caractère lorsqu'ils seront revendus.

Vous signalez les difficultés de communes comme Arcachon -je pense aussi à Royan. En réalité, 55 % des communes sont parvenues, grâce à leur volontarisme, à respecter la loi, ce qui ne passe pas seulement par des constructions. M. Apparu entend intensifier l'action de l'État pour les aider à instaurer la mixité sociale.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je vous remercie de votre réponse à cette question de fond. Sur ce chemin difficile, je veux bien être pionnière. La situation ne peut rester en l'état. Alors que nous débattons de la réforme territoriale, il faut mettre en avant les complémentarités entre l'État et les collectivités : l'État doit donner des signes. On constate en effet une fracture. M. Apparu est attentif ? La législation peut-être aménagée et le délai de cinq ans revu.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Un commissariat pour les Mureaux

Mme Catherine Tasca.  - Le 27 octobre 2009, le conseiller du ministre de l'intérieur pour la sécurité a reçu François Garay, maire des Mureaux, accompagné de Bruno Leguillou, adjoint au respect de la règle, au sujet des moyens de police. Le projet de construction d'un commissariat est en effet dans les cartons depuis des années. Dans certains quartiers « sensibles » tels que la Vigne blanche ou les Musiciens, la ville doit faire face à des troubles graves à l'ordre public. Lors de la crise des banlieues, de nombreuses voitures avaient brûlé et le 9 mars dernier, après la mort d'un jeune en Seine-et-Marne au terme d'une course poursuite avec les policiers, des caillassages et des tirs avaient fait une dizaine de victimes parmi les policiers. Cependant, le Gouvernement n'a fait aucun effort pour renforcer des effectifs notoirement insuffisants : ils ne représentent que 53,3 % de la moyenne nationale.

Le maire des Mureaux et sa majorité de gauche réclament depuis des années la construction d'un commissariat. En 2002, la ville a procédé à l'acquisition d'un bureau de police et elle a acquis le foncier nécessaire pour le commissariat. Elle demande en outre le renforcement des effectifs comme cela a été fait à Mantes-la-Jolie et à Chanteloup-les-Vignes.

Comptez-vous répondre à ces attentes ? Le Gouvernement n'a rien fait depuis des années. En mars 2009, Mme Alliot-Marie était venue aux Mureaux, sans rencontrer le maire, et elle avait annoncé un renforcement de la sécurité afin de répondre avec la plus grande fermeté ; en 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait déjà promis un commissariat... Les élus et la population sont fatigués des promesses non tenues.

La réunion au ministère de l'intérieur n'a débouché sur rien de concret : le ministre a expliqué que les Mureaux étant classés en priorité 2, la construction d'un commissariat n'était pas prévue en 2010 ; il n'a même pas évoqué l'augmentation des effectifs !

Quand et comment répondrez-vous aux efforts de la commune en apportant la part de l'État à la construction d'un commissariat et à la mise en place d'une police de quartier ? Les unités territoriales de quartier, que vous avez supprimées pour des raisons budgétaires, auraient été une réponse adaptée aux Mureaux. Quand le Gouvernement prendra-t-il les mesures nécessaires ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - M. Hortefeux m'a priée de l'excuser et de vous lire sa réponse.

Il a comme priorité absolue la garantie de la sécurité partout et pour tous. Cela vaut pour la circonscription de sécurité publique des Mureaux comme pour l'ensemble du territoire national. A cette fin, il a demandé aux forces de police une mobilisation plus forte que jamais ; il a pris plusieurs décisions pour renforcer leur réactivité, leur efficacité et l'adaptation de leur action aux évolutions de la délinquance.

Cette dynamique produit des résultats, aux Mureaux comme partout. En 2009, la délinquance générale y a diminué de 8,47 % et la délinquance de proximité, qui affecte le plus la population, de 9,57 %. Ces résultats positifs sont le fruit de réorganisations locales pour améliorer le traitement judiciaire de la délinquance et accroître le recours aux outils technologiques. La lutte contre la délinquance exige également des moyens humains. Les effectifs de cette circonscription s'élèvent à 120 au 1er décembre 2009, auxquels s'ajoutent onze adjoints de sécurité. La circonscription devrait en outre disposer, au 1er février, de trois gradés et gardiens de la paix supplémentaires. Des renforts de CRS ou d'unités départementales y sont régulièrement déployés et une coopération étroite s'est instaurée avec la police municipale.

Des actions spécifiques à la commune des Mureaux renforcent la sécurité des commerces de proximité, du collège Jules Verne et du lycée Vaucanson. Le recours à la vidéo-protection contribue également à une amélioration de la protection : le centre de supervision urbaine créé par la municipalité est raccordé au commissariat local.

Bien qu'il ait fait l'objet de travaux de rénovation, l'actuel commissariat des Mureaux ne répond effectivement plus aux exigences d'un service public moderne. Aussi, le ministre de l'intérieur partage-t-il votre souci de voir aboutir son projet de relogement. Le programme des besoins immobiliers a été établi et une étude de faisabilité a été réalisée en novembre 2008. Quoique le montage juridique et financier de l'opération ne soit pas encore arrêté, ce projet est inscrit au schéma directeur immobilier de la police nationale pour 2010. Les études seront poursuivies cette année, pour un éventuel lancement de l'opération en 2011, quand les terrains que la commune a acquis pour l'opération seront libres de toute occupation. Le concours de maîtrise d'oeuvre est en cours d'organisation.

Mme Catherine Tasca.  - Je vous remercie de votre réponse qui nous apporte quelques informations utiles mais vous comprendrez qu'elle ne me satisfait pas. La ville des Mureaux a suffisamment attendu et une année supplémentaire serait encore une année de promesse non tenue. Alors que vous vous targuez quotidiennement d'agir pour la sécurité, les moyens nécessaires à la réalisation de ces objectifs ne suivent absolument pas, à preuve la suppression des unités territoriales de quartier.

Comment justifiez-vous l'inscription des Mureaux en « priorité 2 » ? Quand comptez-vous répondre aux efforts de cette municipalité en engageant enfin des moyens de l'État ? Il ne sert à rien d'affirmer que la sécurité est une priorité de votre gouvernement quand, sur le terrain, les moyens nécessaires continuent de manquer. Je prends acte de l'inscription pour 2011 du projet de commissariat mais il y a eu tellement de promesses non tenues !

Le ministère de l'intérieur va-t-il considérer l'urgence de cette situation avant que de nouveaux faits graves surviennent ?

Inscription en ZRR

M. Jacques Mézard.  - M. Vall m'a demandé de vous interroger de sa part.

La loi du 23 février 2005 a concentré les aides de l'État au bénéfice des entreprises créatrices d'emplois dans les zones rurales les moins peuplées et les plus touchées par le déclin économique. Ce dispositif est un outil important pour les nombreuses communes rurales qui répondent aux critères d'éligibilité : densité de population inférieure à 31 au kilomètre carré, perte de population et appartenance à un EPCI à fiscalité propre. II autorise des allégements fiscaux et de cotisations sociales sur les salaires. Grâce à quoi on a pu maintenir des emplois dans des territoires fragiles.

Destiné à favoriser l'intercommunalité, l'arrêté du 9 avril 2009 a retiré de ce dispositif les communes qui n'avaient pas intégré un périmètre intercommunal. C'est le cas de la commune d'Estipouy dans le Gers, dont une entreprise touristique a dû rembourser les charges patronales. Certes cette commune ne remplissait pas la condition relative à l'intercommunalité mais c'est sur la rétroactivité de ce classement que M. Vall interpelle le Gouvernement et sur les conséquences brutales de ce déclassement.

L'incitation des communes à intégrer une intercommunalité ne devrait être que provisoire puisque le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit un achèvement de la couverture intercommunale à l'horizon du début de l'année 2014. Il faudrait donc prolonger le régime des exonérations fiscales à titre transitoire jusqu'en 2014.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - M. Mercier m'a priée de l'excuser et de vous lire sa réponse.

Une commune est classée en ZRR dès lors qu'elle se situe dans un espace de faible densité et qu'elle répond à l'un au moins des trois critères suivants : perte de population, perte d'actifs, fort taux d'actifs agricoles. La loi du 23 février 2005 a ajouté la condition que la commune fasse partie d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. L'arrêté du 9 avril 2009 actualise le classement conformément aux dispositions du code général des impôts, selon lesquelles les communes qui ne répondaient pas aux critères définis en 2005 conservaient jusqu'au 31 décembre 2008 le bénéfice du classement obtenu antérieurement. Celles qui n'ont pas rejoint une intercommunalité au 31 décembre 2008 ne sont plus classées en ZRR. Si ces 729 ces communes intègrent un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dans le courant de l'année 2009, elles pourront être à nouveau classées à partir du 1er janvier 2010, à condition qu'elles répondent aux autres critères et sous réserve des évolutions éventuelles du dispositif.

On ne peut donc parler de décision brutale : ces communes ont eu un délai important pour prendre en compte la volonté du législateur de favoriser la dimension intercommunale.

La politique des ZRR fait l'objet d'une évaluation en 2009. Le rapport final de la mission interministérielle vient d'être remis au ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Parallèlement, M. Mercier a engagé les assises des territoires ruraux, qui s'achèveront en janvier 2010. La révision des zonages doit s'intégrer dans la nouvelle politique qui sera mise en place.

M. Jacques Mézard.  - Vous ne répondez pas sur le point le plus choquant : la rétroactivité.

Il est vrai que le Gouvernement a attendu quatre ans mais les 729 communes concernées sont mises en difficulté et l'on pourrait adopter un régime transitoire jusqu'en 2014.

Adresses électroniques des parlementaires

Mme Catherine Procaccia.  - Ma question concerne les parlementaires, et les élus locaux. Il s'agit du statut des adresses électroniques des élus pour la constitution de base de données par des pétitionnaires. Si l'article L. 34-5-du code des postes et des communications électroniques pose comme principe l'interdiction de l'utilisation de l'adresse électronique d'une personne physique si celle-ci n'a pas exprimé son consentement préalable, il prévoit une exception dans le cadre d'un usage professionnel lorsque les données ont été recueillies loyalement.

Nos messageries sont envahies de mails ayant pour corps un message dont le contenu est strictement identique et non personnalisé. J'ai découvert que certains sites proposaient aux internautes de signer des pétitions en ligne. Il leur suffit de remplir un formulaire et d'envoyer le message à tous les parlementaires soit à près de 900 personnes, ou de sélectionner une région ou un département. Certains sites précisent que leurs bases de données ont été constituées via les sites des assemblées.

La présence des adresses électroniques sur des sites institutionnels peut-elle être considérée comme un usage professionnel ou relèvent-elles du consentement préalable ?

La mise à disposition de telles bases de données par des sites internet pour envoyer des pétitions aux élus entre-t-elle dans le champ de l'exception au principe du consentement préalable ? Le Gouvernement entend-il réglementer l'utilisation de ces bases de données de sorte que les élus aient connaissance des demandes des citoyens sans voir leurs messageries électroniques paralysées ? Enfin, la Cnil doit-elle autoriser préalablement l'existence de ce type de base de données ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Mme Kosciusko-Morizet, retenue ce matin, m'a priée de vous faire la réponse suivante. Le point que vous soulevez n'a pas donné lieu à jurisprudence. L'article L. 34-5 du code des postes et des télécommunications électroniques, concernant la prospection commerciale, ne saurait constituer une base juridique pour la pétition en ligne. De plus, lors de sa séance du 17 février 2005, la Cnil a estimé que les personnes physiques pouvaient être prospectées par courrier électronique à leur adresse professionnelle sans leur consentement au titre de leurs fonctions. Or l'adresse électronique des parlementaires est de nature professionnelle et la pétition entre dans le cadre de leurs fonctions. En mettant sa biographie et son adresse électronique en ligne, le parlementaire, peut-on estimer, a consenti à son utilisation.

Si la solution ne peut-être juridique, qu'elle soit organisationnelle. Afin d'éviter l'encombrement des messageries des élus, les deux assemblées pourraient créer une fonction en ligne dédiée aux pétitions et reliée à une application spécifique qui informerait les élus. De fait, l'important est le nombre de signataires. Ainsi, le Parlement se montrerait-il exemplaire en matière de participation des citoyens à la démocratie.

Mme Catherine Procaccia.  - Merci, madame la ministre, d'avoir indiqué des pistes de solutions. Il faudrait éventuellement envisager d'intervenir auprès de ces sites sans scrupules, qui permettent à des internautes de pétitionner auprès de tous les parlementaires en un seul clic sans même vérifier que lesdits internautes ne l'ont pas déjà fait trois fois. Résultat, nous, parlementaires, ne sommes plus en mesure de lire le message important noyé dans quelque 4 à 500 courriers. Je me tournerai vers le Sénat afin que nous mettions en place une fonction respectant le droit d'usage des pétitionnaires et le travail des parlementaires.

Mission interministérielle de coordination nationale sur la traite des êtres humains

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je regrette l'absence de M. Bockel. L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 janvier dernier traduit une nouvelle prise en compte de la traite des être humains par le droit. S'il est important pour le droit interne des États membres, il reste insuffisant. Quelques semaines auparavant, le 18 décembre 2009, la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait adopté un avis appelant à renforcer significativement notre appareil juridique dans la lutte contre la traite des êtres humains.

J'ai eu connaissance du projet de décret préparé par le groupe de travail interministériel relatif à la protection et la prise en charge des victimes de la traite des êtres humains, créé le 2 décembre 2008 sous la double tutelle de l'intérieur et de la justice : une mission de coordination nationale sur la traite des êtres humains sera placée sous l'autorité du Premier ministre. M. Bockel a évoqué cette future structure lors de la Conférence de Stockholm du 20 octobre 2009. Quand publierez-vous ce décret ? Quel seront la composition et les domaines d'intervention de cette nouvelle mission ? La création de cette structure serait un acte fort pour améliorer la protection des victimes et la poursuite des auteurs de la traite !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Bockel. Le groupe de travail interministériel chargé d'une mission relative au respect de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains que la France a signée le 22 mai 2006, a élaboré un projet de décret portant création d'une mission interministérielle qui a été transmis au secrétariat général des affaires européennes et au cabinet du Premier ministre. Conformément aux engagements internationaux souscrits par la France, cette mission interministérielle devrait être créée dans les prochains mois.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - J'aurais aimé avoir des précisions sur la date de publication de ce décret, la composition de cette mission et les moyens mis à sa disposition pour lutter contre ce crime qu'est la traite des êtres humains !

Jeunes agriculteurs

M. Jean-Jacques Lozach.  - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. Soubresauts du marché, relations déséquilibrées avec la grande distribution, augmentation des charges des exploitants, la crise frappe si durement nos agriculteurs, notamment creusois, qu'ils ne peuvent plus vivre de leur métier et s'inscrivent, de plus en plus nombreux, au RSA. Leur avenir est sombre.

Les mesures en faveur de l'agriculture qu'a annoncées le Président de la République dans son discours du 27 octobre -un milliard de prêts bonifiés, 650 millions pour des allègements fiscaux et sociaux et la prise en charge d'intérêts d'emprunts- qui, pour le Premier ministre, sont le signe de la confiance en l'avenir de l'agriculture, sont de nature conjoncturelle, quand les agriculteurs attendent des mesures structurelles. Autre volet du plan présidentiel, une régulation européenne rénovée pour des prix plus stables et plus rémunérateurs. Or le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 a déçu. Il indique seulement, dans son document final, qu'il « prend note de la proposition de la Commission visant à atténuer les problèmes de liquidité les plus urgents que connaît ce secteur en débloquant 280 millions d'euros sur le budget de 2010 » et incite à poursuivre « activement la recherche de solutions aux problèmes auxquels est confronté le secteur laitier. »

Comment la France entend-elle promouvoir une refonte de la politique agricole commune qui s'accompagne d'une meilleure régulation des marchés et offre aux agriculteurs une rémunération décente, fruit de leur labeur ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser M. Le Maire, retenu à l'Assemblée nationale. Vous avez raison : l'agriculture française traverse sa crise la plus grave depuis 30 ans. La baisse du revenu agricole est sans précédent. Le Gouvernement a immédiatement réagi : le plan d'urgence annoncé le 27 octobre par le Président de la République comporte un milliard d'euros de prêts et 650 millions d'aides d'État. Plus de 25 000 agriculteurs ont déjà bénéficié de 500 millions de prêts aidés ; 4,7 millions de prêts ont été débloqués dans votre département, monsieur le sénateur. Dans quelques semaines, les allègements de charges sociales deviendront effectifs : ils représentent 50 millions d'euros. L'ambition de ce plan est de ne laisser personne au bord du chemin. M. le Premier ministre a nommé un médiateur, M. Nicolas Forissier, chargé de suivre les demandes des agriculteurs.

Afin de redonner des perspectives aux jeunes agriculteurs et aux récents investisseurs, 60 millions d'euros d'aides de trésorerie leur ont été consenties depuis le mois de juin 2009. Les banques leur ont accordé 250 millions d'euros de prêts de trésorerie à taux préférentiel, remboursables à partir de 2011. Quant aux aides directes versées dans le cadre de la PAC, 70 % d'entre elles ont pu être versées dès le 16 octobre au lieu du 1er décembre.

A plus long terme, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche vise à stabiliser le revenu des agriculteurs, qui a baissé de 20 % en 2008 et de 30 % en 2009, grâce à la reconnaissance du rôle des interprofessions dans la gestion des filières, à l'obligation de contractualisation entre l'agriculteur et son premier acheteur, à l'amélioration de la couverture des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux qui complètera l'élargissement de la déduction pour aléa (DPA) aux risques économiques, et à l'extension du champ de compétence de l'Observatoire des prix et des marges à l'ensemble des produits agricoles.

Enfin la politique agricole s'inscrit nécessairement dans un cadre communautaire. La refondation de la PAC doit être l'occasion de mettre en place une régulation européenne. M. Le Maire et son homologue allemand ont déjà rassemblé vingt-et-un États membres pour défendre auprès de la Commission une nouvelle régulation. Un groupe à haut niveau a été chargé de proposer des perspectives à moyen terme : il se réunit chaque mois et rendra ses conclusions au plus tard en juin 2010. Le Gouvernement est déterminé à étendre cette régulation à l'ensemble des secteurs agricoles.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Je vous remercie de cette réponse, bien qu'elle ne soit pas à la hauteur des enjeux. Les agriculteurs se désespèrent. Les éleveurs en particulier traversent une crise sans précédent. En attendant la loi de modernisation de l'agriculture et la réforme de la PAC, il eût été nécessaire de réagir plus vigoureusement à la baisse brutale de leurs revenus.

Suivi informatique des mouvements de produits soumis à accises

M. Rachel Mazuir.  - Je souhaitais interroger M. le ministre du budget sur la future application du programme européen EMCS (Excise Movement and Control System) qui consiste à informatiser le suivi des mouvements de produits soumis à accises -alcools, boissons alcoolisées, tabacs et produits énergétiques- circulant en suspension de droits à l'intérieur de l'Union européenne. En France, l'application de ce projet passe par la télé-procédure Gamma (Gestion de l'accompagnement des mouvements de marchandises soumises à accises) : les opérateurs devront remplir leurs documents administratifs d'accompagnement (DAA) en ligne sur le portail des téléprocédures douanières. Après avoir été contrôlés et validés automatiquement, les DAA électroniques seront immédiatement visibles par les bureaux de douane de départ et d'arrivée et par le destinataire. Un certificat de réception sera établi en ligne par le destinataire ou par le bureau de douane de sortie en cas d'exportation vers un pays tiers.

Le système Gamma se déploie progressivement. Depuis le 1er avril 2009, certains opérateurs français peuvent l'utiliser pour établir, valider et apurer leurs titres de mouvement mais continuent à imprimer ces documents pour répondre aux attentes d'autres partenaires non encore équipés. A compter du 1er avril 2010, tout document administratif électronique émis dans un État membre devra faire l'objet d'un certificat de réception dans l'État membre de destination. Enfin le système EMCS deviendra obligatoire le 1er janvier 2011 pour tous les opérateurs effectuant des échanges intra-communautaires.

S'il est opportun d'harmoniser les procédures afin de simplifier et de sécuriser les données, cette procédure de dématérialisation inquiète les entrepreneurs qui doutent de la fiabilité de leur réseau internet : dans les campagnes, de vastes zones restent très mal desservies. Le Gouvernement compte-t-il accorder des dérogations aux entreprises concernées ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser M. le ministre du budget, empêché. Le projet communautaire EMCS vise essentiellement les flux effectués entre États membres de l'Union européenne ou vers des pays tiers. Mais la gestion des flux intra-nationaux peut également être dématérialisée grâce à la téléprocédure douanière Gamma.

Le public concerné est composé d'entreprises, le plus souvent équipées en matériel informatique et connectées à internet dans le cadre de leur activité commerciale. En 2007, une étude de l'Insee montrait que presque toutes les entreprises d'au moins dix salariés étaient reliées à internet, avec une connexion à haut débit neuf fois sur dix. Les trois quarts des entreprises non connectées sont de petites structures indépendantes exerçant principalement dans l'hôtellerie et la restauration. Au sein du périmètre économique d'Eurostat, 93 % des entreprises européennes et 96 % des françaises accèdent à internet. J'ajoute que la téléprocédure Gamma a été testée en connexion bas débit : même si ce mode de connexion n'offre pas le même confort de navigation, il est possible de l'utiliser.

Pour les mouvements nationaux, la téléprocédure sera possible mais facultative à compter du 1er avril 2010. Les autres modes de validation des documents de circulation sur support papier demeureront.

Soyez assuré que la direction générale des douanes et droits indirects, engagée dans un processus de dématérialisation des procédures, soutiendra tout projet visant à faciliter l'accès à internet des opérateurs, bien qu'elle n'envisage pas de mettre à disposition des points d'accès au sein de ses propres structures.

M. Rachel Mazuir.  - Cette réponse ne me rassure guère. Dans l'Ain, nombreux sont les viticulteurs qui n'ont pas accès à internet dans des conditions techniquement satisfaisantes. Or ils seront obligés de passer à la nouvelle procédure à partir du 1er janvier 2011. J'aurais souhaité que le Gouvernement leur accorde une dérogation, afin de laisser aux départements le temps de les équiper.

Certification et adjudication pour le transport de l'eau et l'assainissement

M. René Beaumont.  - Ma question porte sur les incidences économiques et environnementales de l'insuffisante information dont disposent les pouvoirs adjudicateurs de marchés publics en matière de certification des produits utilisés dans le domaine du transport de l'eau et de l'assainissement.

Les normes EN et ISO n'étant pas obligatoires en ce domaine, les soumissionnaires peuvent être tentés de proposer des produits moins onéreux, mais non conformes, incitant à choisir le prix le plus bas au détriment de la qualité, au risque d'un fonctionnement défectueux et d'une usure prématurée.

D'autre part, les modalités de délivrance des certificats de conformité ne sont pas sans effets pervers, puisque les fournisseurs -surtout extérieurs à l'Union européenne- peuvent déclarer eux-mêmes la conformité de leurs produits aux normes ou recourir à des organismes certificateurs qui ne présentent pas nécessairement les garanties souhaitables.

Dans ces conditions, les décisions du pouvoir adjudicateur ne sont pas nécessairement éclairées par une information pertinente, puisqu'une concurrence faussée pénalise les fabricants dont les produits sont certifiés par des organismes français ou européens accrédités au plan communautaire. Le coût économique et environnemental de cette situation est considérable.

Quelles mesures pourrait-on adopter sans altérer la libre concurrence, pour mieux informer les pouvoirs adjudicateurs sur les certifications utilisées ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Lorsqu'iIs passent un marché public, Ies acheteurs publics doivent systématiquement formuler des spécifications techniques. Sans être tenus de mentionner des normes homologuées, ils conservent cette faculté.

En outre, des certificats de qualification professionnelle ou de qualité peuvent être demandés. Reste que l'acheteur doit être à même de choisir les qualifications. Par ailleurs, l'organisme de qualification doit présenter toute garantie d'indépendance et de fiabilité. Enfin, les autorités de la concurrence souhaitent que les certificats ne ferment pas l'accès au marché et ne faussent la concurrence. Ainsi, l'exigence d'un certificat de qualification au stade de la sélection des candidatures ne doit pas imposer un candidat, ni même en exclure certains.

Lorsque le pouvoir adjudicateur demande des certificats, le code des marchés publics lui impose d'accepter « tout moyen de preuve équivalent ». La preuve est à la charge du candidat, mais l'adjudicateur ne peut la refuser à la légère, sous peine d'entraver les échanges ; elle peut être apportée par tout moyen approprié, comme un dossier technique du fabricant ou le rapport d'essai d'un organisme reconnu, c'est-à-dire d'un laboratoire d'essai ou de calibrage, mais aussi d'un organisme d'inspection ou de certification respectant les normes européennes, installé en France ou dans un autre État membre. Lorsqu'une offre fait référence à une norme étrangère, l'administration peut demander au soumissionnaire de produire l'attestation de I'Afnor établissant l'équivalence avec une norme française.

Par principe, tout certificat, attestation, ou référence ne constitue pas nécessairement, une preuve recevable. Ainsi, la jurisprudence estime que les « certificats de capacité » ou de « compétences » signés par des architectes ne sont pas « de même nature que ceux délivrés par des organismes professionnels » et ne peuvent « être regardés comme équivalents à ces derniers ».

Consciente de ces difficultés, l'ancienne Commission centrale des marchés avait rédigé dès 1999 une recommandation relative à l'utilisation des normes ou certifications et à l'appréciation des équivalences. Malgré les évolutions réglementaires intervenues, ce document peut aider les acheteurs publics.

Plus récemment, un consortium européen réunissant quatorze partenaires issus de la commande publique et de la normalisation a conçu un guide -dit Manuel Steppin- destiné à faciliter l'usage des normes par les acheteurs publics. Traduit en français au début de l'année 2009, ce document constitue un vecteur essentiel d'information. Les acheteurs publics disposent donc des outils permettant d'apprécier la qualité des produits proposés.

M. René Beaumont.  - Je vous remercie pour cette réponse très complète. Et je souligne que les certifications n'offrent pas toutes des garanties équivalentes ; vous l'avez d'ailleurs reconnu.

Nous rencontrons une situation comparable dans de très nombreux domaines, par exemple dans celui des transports ou dans celui du commerce des animaux : alors que la France est pionnière pour la normalisation, d'autres pays européens, a fortiori extérieurs à l'Union européenne, s'affranchissent de ces contraintes. Il serait donc souhaitable que tous les produits entrant en Europe soient examinés par un organisme agréé au plan communautaire. Comme il n'en est rien, la pratique des certifications de convenance fausse la concurrence et coûte cher à la collectivité.

La normalisation est une bonne chose, mais nos entreprises sont piégées par les prix.

Archéologie à la Réunion

Mme Gélita Hoarau.  - L'histoire de la Réunion a été profondément marquée par près de deux siècles d'esclavage. Occultée jusque récemment, cette période obscure fait aujourd'hui l'objet d'une volonté de réhabilitation. En témoignent les états généraux de l'outre-mer, les travaux d'historiens et d'associations, les diverses célébrations -comme celle du 20 décembre- ou encore l'inauguration en octobre dernier d'une stèle en hommage aux esclaves morts sans sépulture, à l'initiative de la Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise...

La volonté de rétablir la mémoire des esclaves achoppe, toutefois, sur le manque de sources : les traces écrites proviennent exclusivement des dominants. L'archéologie aurait ici un rôle indispensable. Or la Réunion, au contraire des autres régions métropolitaines et ultramarines, ne dispose pas de service régional d'archéologie rattaché à la direction régionale des affaires culturelles (Drac). C'est une anomalie ; et nous sommes là en contradiction avec la convention de Malte pour la protection du patrimoine archéologique signée par la France en 1992. Surtout, la connaissance de l'histoire de la Réunion en subit gravement préjudice.

Dans notre île, la prévention archéologique est quasiment inexistante ; des sites mis à jour sont compromis, des vestiges disséminés. Tout un pan de l'histoire réunionnaise, celle des opprimés, demeure dans l'obscurité. Sans archéologie, comment comprendre l'héritage du marronnage, l'utilisation des espèces florales, la médecine traditionnelle ?

De même, le vivre ensemble réunionnais est cité en exemple à l'heure des questionnements identitaires. Mais il ne résulte pas uniquement de l'organisation sociale régentée par le politique pendant la période esclavagiste. Ce métissage s'est élaboré dans les pratiques intimes du cadre familial, mais celles-ci n'ont guère été relatées, elles nous sont parvenues grâce à la mémoire orale. Quels qu'aient été les tensions, les affrontements, les exclusions vécus par les Réunionnais au cours de leur histoire, c'est ce métissage qui a permis à l'identité réunionnaise d'être disposée à s'enrichir des apports de toutes les composantes, indépendamment des hiérarchies sociales et culturelles imposées par le système. Monsieur le ministre, est-il possible d'appliquer les textes législatifs et réglementaires, en créant le service régional d'archéologie à la Réunion ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Je suis profondément sensible à votre question car j'ai eu l'occasion, lorsque je dirigeais les programmes de la chaîne TV5, de réaliser une émission de 24 heures d'affilée à la Réunion : pour la préparer, je m'étais penché sur ces questions d'archéologie et de mémoire et j'avais constaté qu'il y avait beaucoup à faire ! L'histoire de l'île fut écrite par les possédants, les maîtres ; il manque l'histoire des autres pour construire l'histoire commune. Je me suis promené sur les chemins de marronnage, j'ai perçu toute la dureté physique des épreuves infligées aux esclaves, les conditions terribles dans lesquelles ils vivaient ou survivaient. Les vestiges, outils, habitations, méritent d'être inventoriés. La question que vous posez, madame la sénatrice, fera donc l'objet de tout mon intérêt.

L'archéologie doit prendre toute sa place dans la connaissance de l'île de la Réunion. Je tiens à signaler les travaux du Centre de recherche sur les sociétés de l'Océan indien, à l'université de la Réunion ; et je rappelle qu'en 2007, une mission exceptionnelle a été envoyée sur place pour encadrer la mise au jour de vestiges humains sur le site de Saint-Paul, après le passage du cyclone Gamède.

Je souligne aussi que depuis 2007 existe une commission interrégionale de la recherche archéologique outre-mer, chargée de la programmation scientifique des recherches, concernant les premiers peuplements, les habitations, l'esclavage et le marronnage, les installations industrielles, l'origine et le développement des espaces urbains. Enfin, l'archéologie réunionnaise ne se conçoit pas sans situer l'île au coeur du vaste espace maritime qui l'entoure et qui l'inscrit dans un système de relations et d'échanges variés avec les territoires voisins. L'exploration des bateaux coulés au large de Rodrigues, par exemple, serait d'un grand intérêt. J'ai demandé au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines d'être particulièrement attentif à cet aspect.

Nous étudions, avec le préfet de région et le directeur régional des affaires culturelles, la perspective d'ouvrir dans les meilleurs délais un poste de conservateur régional de l'archéologie au sein de la Drac. L'étude et la protection du patrimoine archéologique s'exerceront ainsi à la Réunion avec la même ambition que sur le reste du territoire national.

Mme Gélita Hoarau.  - Je suis émue de votre réponse, monsieur le ministre. L'absence de service archéologique régional est en effet vécue comme une injustice. On a découvert des corps dans un site mais hélas on a cru à un crime collectif et les gendarmes, à leur arrivée, ont tout piétiné alors que le lieu aurait dû faire l'objet d'une recherche archéologique !

Démographie médicale en milieu rural

M. Jean Boyer.  - La couverture médicale en milieu rural, en particulier en Auvergne, est préoccupante. Dans mon département de Haute-Loire, 22 cantons sur 35 sont en zone de revitalisation rurale. Les services au public se raréfient y compris ceux des médecins, dentistes, kinésithérapeutes et infirmiers libéraux, surtout dans les secteurs très ruraux situés en zone de montagne difficile. Compte tenu de la faiblesse des activités administratives ou bancaires, certains secteurs de cette France rurale perdent régulièrement de leur population. D'ici peu des zones entières n'auront plus de présence médicale, ce qui nuira à la sécurité des habitants, empêchera le maintien à domicile de nos aînés et augmentera inévitablement les coûteux placements en établissements. La désertification continuera, rendant nos territoires moins attractifs et de plus en plus inhospitaliers. Or la présence médicale est vitale, davantage même que celle de la gendarmerie ou des pompiers.

Aujourd'hui, alors qu'il y a sur le territoire français en moyenne un médecin pour 320 habitants, on en est à un pour 345 en Auvergne et à seulement un pour 523 en Haute-Loire. Il s'agit d'une moyenne, si bien que le chiffre serait encore plus effrayant pour des régions comme la Margeride ou le Mézenc. De graves disparités apparaissent entre zones urbanisées et enclavées. Dans certaines villes, les médecins sont en surnombre...

J'ai conscience que le problème n'est pas simple en raison du principe de libre installation. Mais gouverner c'est prévoir. Quelles mesures envisagez-vous pour que le monde rural bénéficie d'une indispensable parité médicale ? Dans l'éducation nationale ou la gendarmerie, les premiers postes sont obligatoirement situés en France rurale...

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - Roselyne Bachelot-Narquin m'a chargée de vous apporter la réponse suivante.

Assurer l'égal accès aux soins de tous nos concitoyens constitue le fil rouge de l'action du Gouvernement depuis bientôt trois ans et c'est pour répondre à ce défi que la ministre de la santé et des sports a organisé les états généraux de la santé qui ont identifié des mesures concrètes qu'elle s'est ensuite attachée à mettre en oeuvre.

Tout d'abord, la contrainte pesant sur les médecins a été allégée, grâce à la diminution du nombre de secteurs de garde. Une mission nationale d'appui a aidé plusieurs départements à trouver une organisation plus pertinente. Grâce aux Agences régionales de santé (ARS) les règles d'organisation et de financement de la permanence des soins seront assouplies pour mieux s'adapter aux besoins des patients et aux réalités locales.

Par ailleurs, Roselyne Bachelot-Narquin et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont mis en place la filière universitaire de médecine générale. Dès 2009, des postes supplémentaires d'enseignants ont été créés, et ce mouvement se poursuivra les prochaines années. De même, le deuxième stage de deuxième cycle de médecine générale sera redéfini afin de permettre aux étudiants de réaliser ce stage le plus rapidement possible et de découvrir tôt cette spécialité. La création de cette filière universitaire a permis qu'en 2009, 49 % des futurs internes aient choisi la médecine générale, contre 37 % en 2004. Le nombre d'internes formés dans chaque région et chaque discipline sera désormais fixé en fonction des besoins de la population.

De plus, des « contrats d'engagement de service public » seront proposés, dès la prochaine rentrée universitaire, à des étudiants en médecine et à des internes : en contrepartie d'une allocation mensuelle, ces étudiants s'engageront à exercer dans des zones sous-denses.

Enfin, nous facilitons l'émergence de nouveaux modes d'exercice qui répondent mieux aux aspirations des médecins.

C'est pour soutenir ces évolutions décisives que la ministre de la santé a souhaité une vaste réforme du système de santé, concrétisée par la loi Hôpital, patients, santé, territoires dont les décrets d'application sont en cours de parution.

Plusieurs outils seront rapidement à la disposition des médecins. Ils pourront prendre en charge leurs patients sur la base d'une nouvelle répartition des tâches avec les autres professionnels et selon des protocoles de soins conclus à leur initiative.

Les ARS proposeront par ailleurs aux médecins des contrats collectifs, sur la base du volontariat, afin de soutenir financièrement leurs initiatives. Ces contrats reposeront sur les données de la science et seront dotés de budgets pluriannuels significatifs afin, par exemple, de renforcer leur secrétariat ou de disposer de plus de temps pour faire face à des situations complexes.

Les Sros ambulatoires, consensuels et non opposables, feront converger les aides et politiques incitatives et soutiendront les projets répondant à des vrais besoins de santé.

Enfin, si des problèmes d'accès aux soins persistent localement, les ARS pourront proposer aux professionnels de santé exerçant dans les zones sur-dotées en médecins, des « contrats santé-solidarité » afin qu'ils consacrent plusieurs demi-journées par mois à des zones moins denses.

Tout est donc mis en oeuvre pour répondre à notre souci commun d'une plus juste répartition de l'offre de soins sur le territoire.

M. Jean Boyer.  - J'apprécie cette réponse. J'ai étudié le problème dans le cadre de la loi HPST et je sais qu'il n'est pas facile d'imposer la présence médicale dans certains secteurs. Je prends acte des incitations en ce sens.

Augmentation du prix des médicaments

M. Alain Fauconnier.  - Les médicaments, y compris les plus utiles aux patients, sont facturés quatre ou cinq fois plus cher qu'il y a quelques années, dès lors qu'ils ne sont plus remboursés par la sécurité sociale. Par exemple, le flacon de collyre « Catacol 0 % » facturé 1,39 euro il y a quelques années, l'est aujourd'hui à 5,64 ! Cet exemple, qui n'est pas le seul, m'a été donné par un retraité peu argenté de ma commune de Saint-Affrique, qui, comme beaucoup d'autres, en arrive à renoncer à certaines prescriptions médicales, faute de moyens.

Il y a quelques jours, j'ai enfin reçu réponse à cette question posée il y a plusieurs mois. Mais cette réponse m'a laissé tellement perplexe que je l'ai maintenue, en reprenant l'essentiel des arguments que Mme Bachelot y développait :

« Lorsqu'un médicament n'est plus remboursé par la sécurité sociale, son prix, auparavant administré, est désormais librement fixé par les différents opérateurs et par le libre jeu de la concurrence. Dans ces cas-là, les laboratoires relèvent le prix des médicaments qui n'avait pas été réévalué depuis plusieurs années pour pouvoir les maintenir sur le marché. (...) Il appartient au patient de faire jouer la concurrence entre officines en comparant les prix de vente des médicaments ».

J'ai été stupéfait. Imagine-t-on un patient allant en ville d'une officine à l'autre ou, pire encore, un patient en milieu rural aller d'une ville à l'autre, dépensant son temps et son essence pour gagner 1 ou 2 euros ? Le Gouvernement semble ignorer les distances entre deux officines en zones rurale, de semi-montagne ou de montagne.

Mais le meilleur est à venir : « Les patients peuvent aussi discuter avec leur pharmacien ou leur médecin, des alternatives thérapeutiques à leur traitement afin d'en diminuer le coût, si cela est possible »

Comme dans Molière, tout est dans la nuance : « si cela est possible »... Est-il « possible » au patient de marchander les médicaments, de négocier les prescriptions, de donner son avis comme s'il était compétent pour se substituer à son médecin et -pourquoi pas ?- pour rédiger lui-même son ordonnance.

En demandant pourquoi les médicaments déremboursés augmentent autant, j'avais cru poser une question sérieuse. J'espère avoir, ce matin, une réponse sérieuse.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - Le prix des médicaments non remboursables est fixé librement par les différents opérateurs. Les prix consentis par les fabricants peuvent ainsi varier de façon importante en fonction des quantités achetées par l'officine. En outre, les marges des pharmaciens ne sont pas réglementées. Les prix peuvent donc varier d'une officine à l'autre en fonction des quantités vendues et des choix des pharmaciens.

L'augmentation du prix d'un médicament après son déremboursement peut avoir plusieurs raisons. D'abord, s'agissant de produits souvent anciens dont le prix n'a, le plus souvent, pas été réévalué depuis de nombreuses années, certaines firmes réévaluent le prix de leur médicament lors du déremboursement, afin de retrouver un niveau de prix compatible avec leur prix de revient. Certaines firmes compensent aussi les pertes de volume qu'engendre le déremboursement par une augmentation de prix, ce qui leur permet de continuer à commercialiser le médicament qui, sinon, serait retiré du marché. Lors du déremboursement, le taux de la TVA passe de 2.1 % à 5,5 %, engendrant également une hausse du prix public.

Néanmoins, nous sommes parfois confrontés à des augmentations injustifiées et afin d'aider le consommateur à faire jouer la concurrence entre les officines, un certain nombre de mesures ont déjà été adoptées. L'arrêté du 26 mars 2003 relatif à l'information du consommateur sur les prix des médicaments non remboursables, oblige les pharmaciens à afficher les prix des produits non remboursables exposés à la vue du public. En décembre 2007, la ministre de la santé a adressé un courrier aux pharmaciens les invitant à la maîtrise des prix après déremboursement et elle travaille avec la profession à un plan d'actions global, qui permettra une concurrence plus performante et une maîtrise des prix publics des médicaments non remboursables. La ministre a ainsi décidé la réforme du libre accès des médicaments, possible depuis le 1er juillet 2008. Cette mesure permet au pharmacien d'officine de présenter en accès direct au public les médicaments dits de « médication officinale », ce qui permet aux patients de comparer les produits.

Le Gouvernement a également créé par décret du 19 juin 2009, le statut de centrale d'achat pharmaceutique, qui permet aux pharmaciens de se regrouper pour l'achat de médicaments non remboursables. Ce nouveau statut leur permet de mieux négocier leur prix d'achat ce qui bénéficiera in fine aux patients.

Soyez assuré que le ministère surveille l'évolution des prix des médicaments non remboursés.

M. Alain Fauconnier.  - Je note quelques améliorations par rapport à la première réponse, mais je ne suis pas pour autant rassuré. Cette question m'a été posée par un vieux monsieur de 83 ans et qui a appartenu à la Résistance. Je lui ai fait lire la lettre de Mme Bachelot et il m'a dit qu'il ne s'était pas battu pour cela lorsqu'il avait 20 ans. Paraphrasant Camus, il a ajouté qu'il s'était alors engagé pour éviter que le monde se défasse. J'ai le sentiment, en dépit des quelques améliorations dont vous avez fait état, que vous êtes en train de défaire le monde pour lequel ces gens-là se sont battus.

Avenir des IUFM

M. Jacques Mézard.  - Ma question porte sur le recrutement et la formation des enseignants et sur le devenir des antennes départementales des IUFM. Avec cette réforme, les jeunes enseignants du premier et du deuxième degré se retrouveront devant des élèves sans aucune expérience professionnelle. Ils n'auront pas bénéficié d'une formation adéquate. Cette vision du métier minimise la dimension professionnelle et risque d'être préjudiciable aussi bien aux enseignants qu'aux élèves.

La réforme aboutira à la fermeture des antennes délocalisées des IUFM dans les villes moyennes du fait de la disparition de toute formation professionnelle en alternance nécessitant des lieux de stages. Elle va donc à l'encontre des attentes et des objectifs fixés.

Je demande donc au Gouvernement de préciser le contenu de ce projet et de nous indiquer clairement quel sera le sort réservé aux IUFM des villes moyennes.

J'ai en main un courrier du ministre adressé au maire d'Aurillac indiquant que les centres départementaux des IUFM ne disparaîtront pas : les universités intégratrices continueront de les gérer dans le cadre d'une politique académique du site. Malheureusement, le directeur de l'IUFM régional m'écrit l'inverse ! « En ce qui concerne les antennes de l'IUFM, leur implantation territoriale devient caduque dans la mesure où leur éloignement du centre universitaire clermontois et la disparition de toute formation professionnelle en alternance, qui nécessite des lieux de stage, les condamnent irrémédiablement ».

Nous souhaitons que la France profonde sorte du gouffre dans lequel on l'enfonce. Il y a certes la désertification rurale, mais aussi la fuite de la matière grise. J'attends donc une réponse nette et précise : que deviennent les antennes départementales ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - Au nom de Mme Pécresse, je veux vous dire que vous avez entièrement raison : enseigner est un métier qui s'apprend et qui requiert de ce fait une véritable formation professionnelle. C'est précisément pourquoi le Gouvernement a décidé de réformer le recrutement des maîtres afin qu'ils bénéficient d'une formation plus ouverte et véritablement adaptée à la réalité de leur métier : elle comprendra des disciplines littéraires et scientifiques, des cours de pédagogie et l'apprentissage d'une langue étrangère. Elle leur permettra de mieux appréhender leur futur métier et d'être mieux armés pour rebondir sur le marché du travail en cas d'échec au concours.

N'oublions pas que beaucoup de débouchés étaient jusque-là fermés à ces étudiants du fait de la trop forte spécialisation de leur cursus.

Mais ce n'est là qu'une des facettes de la réforme. Le Gouvernement vous rejoint totalement, monsieur le sénateur, lorsque vous vous indignez de voir de jeunes enseignants dépourvus de toute expérience professionnelle. Mais cette situation anormale est celle que nous vivons aujourd'hui. Elle ne résulte pas de la réforme, bien au contraire. Celle-ci prévoit la mise en place de stages professionnalisants avant même l'entrée en fonction et une formation continue après le recrutement.

II n'est en effet plus acceptable que des enseignants se retrouvent devant une classe sans avoir été confrontés à la réalité du terrain au cours de leur formation. C'est pourquoi la réforme prévoit des stages d'observation et des stages pratiques en première année de master, puis des stages en responsabilité l'année suivante.

Enfin, la réforme ne remet nullement en cause l'existence des antennes IUFM en tant que pôles universitaires de proximité. Mme Pécresse s'est déjà exprimée sur ce sujet devant les députés. Elle a réaffirmé le rôle très important que les antennes IUFM auront à jouer dans la mesure où elles gèreront les stages et les formations au plus près du terrain, sur tout le territoire. II est en effet très important que les étudiants puissent bénéficier d'une formation de proximité.

Cette réforme offre donc toutes les garanties pour une formation des maîtres adéquate et de qualité.

M. Jacques Mézard.  - Nous connaissons le brio de Mme la ministre, mais nous jugerons sur pièces. Je ne suis pas totalement rassuré sur le devenir des antennes départementales des IUFM car les assurances qui viennent de m'être données ne correspondent pas aux propos des présidents des universités et des directeurs des IUFM. Si les IUFM sont maintenus, tant mieux, et j'en donnerai alors acte au Gouvernement.

Difficultés de recrutement dans les lycées français à l'étranger

Mme Claudine Lepage.  - J'aimerais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur les difficultés de recrutement de plus en plus grandes de certains lycées français à l'étranger. Les enseignants expatriés sont en effet appelés à disparaître et ils sont de moins en moins nombreux dans nos établissements. Les personnels résidents des établissements d'enseignement français à l'étranger qui, peu à peu, les remplacent sont rémunérés par leur salaire français auquel s'ajoute l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale (ISVL) fixée par arrêté interministériel et, éventuellement, un avantage familial. Le taux de l'ISVL est censé compenser les différences de niveau de vie entre la France et les pays où résident les enseignants en prenant en compte les particularités locales comme le coût de la vie et des facteurs spécifiques selon les zones géographiques. Or, l'ISVL diminue sans tenir compte des difficultés inhérentes à la vie dans certaines régions du monde : le coût exorbitant du logement, une électricité chère et parfois défaillante qui nécessite un groupe électrogène, l'insécurité qui impose des dépenses de gardiennage, ou encore l'éloignement qui entraîne des coûts de transport lorsqu'on désire rentrer en France. Bref, un poste de résident à Nairobi, à Douala, à Kinshasa n'est plus attractif. A tel point qu'à Nairobi, où je viens d'effectuer un voyage, une dizaine de postes seraient vacants à la rentrée 2010.

Les conseils d'administration ont du mal à interpréter le décret du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger qui stipule que les résidents sont rémunérés uniquement par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (Aefe). Lorsqu'ils en font une lecture stricte, les établissements ne proposent pas à leurs enseignants une prime et un billet d'avion par an. Lorsqu'ils en font une lecture plus souple, certains conseils d'administration financent primes et billets d'avion afin d'essayer de garder ou de recruter des enseignants résidents, mais cela signifie une augmentation des frais d'écolage. Ce sont donc les familles qui supportent cette nouvelle charge due au désengagement de l'État. Les établissements sont dans une situation inextricable et certains d'entre eux risquent de ne pas pourvoir des postes dans des matières fondamentales dès la rentrée prochaine.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que le taux de l'ISVL corresponde aux conditions de vie ? Comment redonnerez-vous envie aux enseignants de travailler dans nos écoles françaises de l'étranger ? La survie d'un certain nombre d'écoles en dépend, de même que la qualité de l'enseignement. Le recrutement risque en effet de devenir moins exigeant, ce qui n'offrirait plus toutes les garanties d'un enseignement de qualité.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - La situation des personnels titulaires -expatriés et résidents- dans les établissements français du réseau Aefe à l'étranger a connu une évolution importante ces dernières années. Le nombre global des personnels titulaires a augmenté, passant de 5 941 à 6 420. Mais la part entre expatriés et résidents a changé : nous sommes passés de 1 661 personnels expatriés en 2002 à 1 200 aujourd'hui, tandis que les personnels résidents passaient de 4 279 à 5 220.

Dans le même temps il a été demandé aux établissements, donc aux familles, de participer à la rémunération des personnels résidents. Dans un souci de rationalisation budgétaire, nous avons souhaité que les administrations et les opérateurs, tel que I'Aefe, augmentent la part d'autofinancement des établissements. Cette évolution s'est opérée en tenant compte de la spécificité des zones géographiques et des situations des établissements concernés. Les difficultés d'ordre géopolitique, climatique et le manque de personnel local qualifié ont été pris en compte lors du redéploiement des postes.

En ce qui concerne la rémunération, les personnels titulaires -expatriés et résidents- perçoivent un traitement en fonction de leur statut, grade et échelon. Ils peuvent également bénéficier d'heures supplémentaires et d'indemnités diverses.

Les personnels expatriés perçoivent une indemnité d'expatriation dont le taux est arrêté par le ministère des affaires étrangères et par celui du budget. Ils bénéficient également de majorations familiales. Les personnels résidents perçoivent l'ISVL et un avantage familial qui doit couvrir les droits de scolarité. L'ISVL correspond à un pourcentage de l'indemnité d'expatriation. Elle est différente selon les zones et les pays : elle tient compte des effets de change, du coût de la vie et de la situation géopolitique du pays. Son taux est réévalué à plusieurs reprises dans l'année.

Vous m'avez également interrogé sur le nombre de postes de résidents qui seraient non pourvus. Je vous rassure : pour la rentrée 2009, seuls 41 postes ne l'ont pas été pour plus de 5 000 emplois. Pour garantir la qualité de l'enseignement, il convient en effet de maintenir un nombre suffisant de titulaires. Aussi, l'Aefe propose aux personnels des mesures de réajustements afin de tenir compte des difficultés constatées ou exprimées localement. Ces réajustements sont ensuite soumis à la tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère du budget qui signent l'arrêté fixant le niveau d'ISVL.

Ces réajustements peuvent se révéler insuffisants là où l'inflation est importante mais les personnels disposent alors de facilitations, notamment par la mise à disposition de logements à prix réduits, notamment en Afrique. Quant aux établissements, les services de l'Agence repèrent ceux qui éprouvent des difficultés à recruter et mettent gratuitement à leur disposition des résidents. Vous le voyez, le Gouvernement est très attentif à la qualité de l'enseignement français à l'étranger.

Situation des Roms

M. Michel Billout.  - Trois mois après la délibération de la Halde du 26 octobre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des Roms. Ils sont entre 7 et 9 millions en Union européenne et entre 8 000 et 10 000 en France, dont 40 % d'enfants vivant dans des conditions de précarité insupportables. Ce nombre est stable depuis vingt ans.

La plupart sont originaires de Roumanie et de Bulgarie mais, depuis l'adhésion de ces deux pays à l'Union européenne, ils ne sont, en raison de dispositions transitoires, traités ni comme des citoyens de l'Union ni comme des migrants non communautaires. Ils doivent ainsi attendre trois mois pour bénéficier d'une couverture maladie. L'accès aux soins est rendu difficile par la barrière de la langue, par l'ignorance des dispositifs sociaux ainsi que par leurs conditions de vie. Pour obtenir un titre de séjour, il faut justifier d'un emploi mais ils ne peuvent s'inscrire à Pôle emploi sans titre de séjour... La taxe à acquitter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration constitue un frein à l'emploi, de même que la procédure d'autorisation de travail, ce qui encourage le travail illégal et la mendicité. Depuis le 1er juillet 2008, ces restrictions ont été suspendues à l'égard des ressortissants des nouveaux États-membres, sauf pour eux, « un deux poids deux mesures » particulièrement choquant. En raison de leurs conditions précaires d'habitat, peu de centres communaux d'action sociale acceptent de leur délivrer le titre de domiciliation nécessaire à la scolarisation des enfants et les directeurs d'école n'exercent que très rarement le droit de passer outre à l'opposition des maires. Les autorités de l'État usent d'ailleurs peu de leur droit de prescrire l'inscription.

Le refus d'accompagnement social se fonde souvent sur la théorie fictive que n'ayant pas de ressources, ils doivent quitter le territoire ; lorsqu'ils sont régularisés, ils sortent de l'extrême pauvreté.

La Halde a proposé de mettre fin par anticipation aux mesures transitoires, de régulariser ceux qui avaient un titre de séjour avant l'adhésion de leur pays à l'Union européenne, de mettre en place un dispositif de domiciliation accessible et efficace, d'assurer l'accès des femmes enceintes et des malades à l'aide médicale d'urgence et de rappeler aux préfets, recteurs et directeurs d'école leurs obligations en matière d'inscription. Le Gouvernement dispose d'un an pour mettre en oeuvre ces recommandations et de quatre mois pour annoncer ses intentions. Pouvez-vous nous indiquer les pistes que vous privilégiez ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Depuis la nomination de Pierre Lelouche, et en liaison étroite avec Mme Alliot-Marie et MM. Hortefeux et Besson, le Gouvernement suit le sujet avec attention. La situation des Roms en France est insupportable car ils sont victimes de réseaux qui les contraignent à vivre dans des conditions déplorables. Les ressortissants roumains ou bulgares, fussent-ils des Roms, n'ont pas moins de droits que les autres citoyens des États-membres de l'Union européenne. Ils sont soumis à un régime transitoire jusqu'au 31 décembre 2013 au plus tard. Pour accéder à une activité salariée, ils doivent détenir une autorisation de travail mais de nombreux emplois leur sont ouverts, la procédure simplifiée concernant 150 métiers. La taxe de l'Office français de l'immigration et de l'intégration finance des actions d'intégration, le parcours d'intégration ainsi que des programmes spécifiques d'aide à la réinstallation grâce à une activité économique dans leur pays d'origine : réduire cette taxe limiterait les moyens financiers destinés aux migrants.

Le coeur du problème est moins l'accès aux droits que la liberté de circulation, ce véritable acquis de la construction européenne, dont les privent des réseaux criminels de trafic d'êtres humains.

L'accès à l'emploi, enfin suppose que les États soient en mesure d'assurer l'intégration de leurs ressortissants et s'engagent dans la lutte contre les trafics d'êtres humains.

Au sommet européen de Cordoue, la France fera des propositions à ses partenaires. Notre pays sera un moteur de l'intégration des Roms, à laquelle nous resterons très attentifs.

M. Michel Billout.  - Vous partagez le constat que nous faisons de cette situation indigne mais je n'ai pas entendu beaucoup de propositions. Je resterai donc attentif à celles que vous ferez à Cordoue. Je souligne que les règles transitoires ne sont pas une obligation et que d'autres États-membres y ont renoncé. J'aurais souhaité entendre qu'elles ne seront pas maintenues jusqu'au 31 décembre 2013. Tous les témoignages le démontrent, grâce au soutien des municipalités, les Roms peuvent bénéficier d'un accompagnement social, accéder à un logement, à un emploi et voir leurs enfants scolarisés. Cesson et Roissy-en-Brie font figure d'exemple. Ces villes permettent l'intégration des Roms par la mise à disposition de terrains, la scolarisation des enfants et l'accompagnement social. Cela débouche sur des CDI pour les parents, de bons résultats pour les enfants, et des logements pour les familles. Voilà qui peut préfigurer une véritable politique d'accompagnement non discriminatoire

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Rappel au Règlement

M. Jack Ralite.  - Le travail parlementaire devient de plus en plus chaotique. Le 7 janvier 2009, je dénonçais ici le fait que le Président de la République ait contraint sa ministre de la culture à obliger M. de Carolis à forcer le conseil d'administration de France Télévisions à supprimer la publicité entre 20 heures et 6 heures dès le 5 janvier : la loi était imposée avant même que le Sénat en ait débattu.

Devant cette pratique gouvernementale délinquante, le groupe CRC-SPG déposa un recours au Conseil d'État pour « excès de pouvoir ». Hier, lors de l'audience sur le fond, le rapporteur public a souligné « la piètre gestion d'un dossier sensible mettant en cause l'avenir du service public de l'audiovisuel », analysant les décisions litigieuses comme le reflet d'une « mauvaise gouvernance ». Estimant la demande d'annulation « imparable », il a donné droit aux sénateurs communistes.

Le Conseil d'État va maintenant délibérer et statuer. Le Monde d'aujourd'hui juge que si le rapporteur public est suivi, « ce sera un lourd revers pour M. Sarkozy. »

M. Jean-Pierre Michel.  - Un de plus !

M. Jack Ralite.  - Les conclusions du rapporteur public en sont déjà un !

C'est une oeuvre de vigilance républicaine, la preuve qu'il faut toujours oser, comme l'a fait le groupe communiste...

M. Guy Fischer.  - C'est vrai.

M. Jack Ralite.  - ...et que le Sénat et le Parlement défendent leur honneur. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement. Nous attendons la décision du Conseil d'État.

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Rappels au Règlement

M. Jean-Pierre Bel.  - Jeudi soir a été adopté un amendement de l'Union centriste portant sur les conditions d'élection des conseillers territoriaux -alors que nos propres amendements sur le même sujet étaient jugés hors sujet...

Hier soir, lors de son intervention télévisée, le Président de la République a pris l'exemple du référendum en Guyane et en Martinique pour illustrer son projet de réforme. Nous ne cessons de dire que vous voulez la fusion de départements et de régions, ce dont vous vous défendez -or c'est précisément l'objet de ce référendum !

Je vous demande de traiter tous les sénateurs sur un pied d'égalité, et de ne pas balayer a priori les arguments de l'opposition, a fortiori quand ils sont repris par le Président de la République ou l'Union centriste ! C'est un manque de considération. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Guy Fischer.  - Ils nous méprisent !

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Jeudi, la majorité a adopté un amendement de M. About -dont on sait aujourd'hui que les motivations étaient avant tout personnelles...

M. Guy Fischer.  - Il change de bord !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...qui valide par anticipation une disposition dont le Sénat n'a pas encore entamé l'examen. Derrière des motifs « de principe », principes qui sont balayés quand ils viennent de l'opposition, on acte en réalité la création du conseiller territorial ! (On le confirme sur les bancs de la commission et du Gouvernement)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sauf que la discussion sur l'article premier n'a pas commencé ! La situation est surréaliste : le Parlement va examiner un article -que nous proposons pour notre part de supprimer- alors que la majorité s'est déjà prononcée !

Pour rétablir un peu de sérieux dans notre discussion, je demande, en application de l'article 43-4, une nouvelle délibération sur cet amendement, afin de réserver son vote jusqu'à ce que le Sénat décide -ou non- de créer le conseiller territorial. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement. Je ferai ce soir le point en Conférence des Présidents sur la prévisibilité de nos travaux pour les deux semaines à venir. Leur organisation doit permettre une expression équilibrée des différents points de vue.

L'article 43-4 du Règlement prévoit qu' « avant le vote sur l'ensemble d'un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ». La question ne sera donc abordée qu'à la fin de nos travaux.

M. Guy Fischer.  - On nous enfume !

M. le président.  - Nous devons tous être raisonnables si nous voulons un débat de qualité.

Discussion des articles (Suite)

Article premier

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. - L'article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé de conseillers territoriaux. »

II. - L'article L. 4131-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région. »

Mme Éliane Assassi.  - Au-delà de la manoeuvre de M. About, cet article premier acte la création du conseiller territorial. Après le texte prétendument autonome de décembre sur la concomitance, vous renvoyez encore à plus tard les modalités de l'élection. Des réserves sur ce nouvel élu hybride se sont pourtant exprimées jusque dans la majorité.

Ils viennent tant du président du groupe UMP de l'Assemblée nationale que du président Larcher, qui a confirmé l'absence de majorité de notre assemblée. Ce à quoi vous voulez parvenir, c'est au bipartisme, selon un système de consultation à deux niveaux, local puis national. Tant pis si vos amis du Nouveau Centre sont lésés. Et pourquoi pas le scrutin à un tour aux élections législatives, voire sa généralisation ? Ce serait véritablement un recul historique. Aucun président n'avait jusqu'à présent osé le proposer, pas plus que le comité Balladur.

Sans douter devrez-vous revoir votre copie. « UMP et Gouvernement en quête d'un accord » titrait récemment Le Figaro. Le Président de la République, lors de la cérémonie des voeux, a dû faire preuve de beaucoup d'ouverture pour arriver à un « consensus le plus grand » du mode de scrutin. La presse nous a appris qu'un groupe de travail formé de parlementaires UMP étudiait d'autres hypothèses, avec l'accord du Président et du Premier ministre.

La création des conseillers territoriaux est une régression : en matière de proximité, alors que les Français, ainsi que le confirme le sondage Sofres pour le Cevipof, veulent des élus de proximité et qu'après leur maire, c'est leur conseiller général qu'ils déclarent préférer ; en matière de parité, pour les régions. Le nombre d'élus va diminuer et la suppression des conseils généraux prépare la disparition du département. La création d'un bloc département-région met fin à la différence des moyens des deux assemblées, la première instance de proximité, la seconde de programmation. Le département n'est-il pas aujourd'hui le premier partenaire de la commune ?

Notre groupe votera contre la création des conseillers territoriaux. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'aurais préféré, monsieur le président, que vous réserviez un autre traitement à notre rappel au Règlement. Il eût été plus efficace d'aborder les questions dans le bon ordre...

Selon les promoteurs de la réforme, les élus locaux coûteraient trop cher. L'existence des conseillers généraux et régionaux est pourtant consubstantielle de celle des collectivités. Trop cher, dites-vous ? Mais la démocratie ne doit-elle pas se donner les moyens de fonctionner correctement ? Chacun sait que les indemnités des élus ne représentent qu'une part infime du budget des collectivités. On peut en revanche se demander si la disparition d'une partie des élus n'augmentera pas les dépenses de fonctionnement des collectivités.

On sait que votre projet vise la suppression des départements : suppression des intercommunalités, suppression de la clause de compétence générale, suppression de la taxe professionnelle...

Qu'une même personne siège pour le département et pour la région serait gage d'efficacité, de coordination ? Dites plutôt de paralysie... Votre idée de créer des « super suppléants » témoigne bien du problème...

Ce que vous créez avec les conseillers territoriaux, ce sont de véritables professionnels de la politique -mais sans doute est-ce bien là ce à quoi vous voulez parvenir, à l'inverse de ce que souhaitent les citoyens, qui veulent des élus proches d'eux, qui leur ressemblent, et qui représentent la société civile.

Quant au mode de scrutin, en faisant voter l'amendement About, vous vous êtes donné les mains libres. Il est curieux, monsieur le ministre, que vous refusiez d'« anticiper » quand l'opposition le demande, et que vous l'acceptiez avec cet amendement About... (« Scandaleux ! » à gauche)

Ce que vous entendez supprimez, c'est tout simplement le pluralisme. Nous ne pouvons être d'accord. (Applaudissements à gauche.)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Le groupe socialiste refuse lui aussi la création des conseillers territoriaux, qui organise la fusion du département et de la région dans la plus grande confusion, puisque la question des compétences ne sera abordée que plus tard...

Vous institutionnalisez, du même coup, le cumul des mandats et créez des professionnels de la politique. Car les conseillers territoriaux le seront à plein temps et il leur sera impossible d'exercer une profession. Vous n'organisez pas, pour autant, le statut de l'élu : congés, retraites, tout ce qui fait l'organisation sociale du travail, rien n'est prévu. La seule chose certaine, c'est que bien que le nombre des élus soit appelé à diminuer, le coût en augmentera.

Notre opposition, surtout, est de principe : supprimer le département, c'est lancer une attaque frontale contre un des fondements de notre organisation administrative. Quelles seront les conséquences politiques de ce mode d'élection ? Le conseil régional, d'une couleur, sera peuplé de conseillers départementaux dont les uns seront de la même couleur, les autres non. Avec quel mandat seront délégués les présidents de conseils généraux ? Comment le président de région gouvernera-t-il avec des présidents d'exécutifs départementaux qui ne seront pas tous de sa majorité et seront extrêmement attentifs à ses choix ? C'est là une difficulté majeure...

Quant à l'argument du coût, il est parfaitement fallacieux. Le but serait de réduire les dépenses des collectivités ? Leur autonomie, surtout, disparue avec la suppression de la taxe professionnelle. Le volume des interventions, sinon les interventions elles-mêmes, sera donc désormais déterminé par l'État central. C'est le pouvoir total de l'UMP sur les collectivités. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Chers collègues de la majorité, comme vous le voyez semaine après semaine, le projet que l'on vous demande de défendre ne passe pas auprès des assemblées d'élus.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois.  - C'est faux !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous le savez. Et c'est sans doute pourquoi vous défendez ce texte comme le pendu défend sa corde... On vous a vu, de fait, plus pugnaces, plus combatifs, plus convaincants. Mais vous êtes ici en service commandé...

Puisque Nicolas Sarkozy l'a demandé, ce serait bon pour Nicolas Sarkozy ? Voire. Vous ne vous plaindrez pas quand tous les élus locaux se sentiront humiliés par ce texte... (On proteste sur plusieurs bancs de l'UMP)

M. Alain Gournac.  - Il fait les questions et les réponses !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si vous ne partagez pas mon sentiment, vous aurez tout loisir de vous exprimer.

Ce projet se traduira en outre par la cantonalisation de régions déjà asphyxiées par la réforme de la taxe professionnelle. Élire les représentants des régions sur une base cantonale, c'est affaiblir la position de celles-ci sur le plan international, c'est aller à rebours des évolutions.

L'amendement About... Les ministres nous ont dit et redit qu'il était hors de question d'aborder dans ce texte-ci les modalités d'élection du conseiller territorial, et pour ce motif refusé nos amendements qui en traitaient. Et voilà que l'amendement About, qui se veut une espèce de compromis, a été adopté. J'ai dit à son auteur qu'il acceptait un plat de lentilles... sans lentilles et qu'il n'y avait rien à gagner pour lui dans cette opération, dans la mesure où sa solution figurait déjà dans le texte gouvernemental. Après le découpage, nous avons ainsi eu droit au marchandage ; il fallait bien que le Gouvernement acceptât l'amendement s'il voulait que pût se dégager ici une majorité pour créer le conseiller territorial, alors que personne n'est convaincu de son utilité. (Exclamations à droite)

Nous voulons que la vérité éclate ! Bien peu, parmi les élus de droite, de gauche et du centre, dans les 36 700 communes, les 102 départements et les régions soutiennent la création de ce nouvel élu. Le Sénat doit se mettre à leur diapason et dire : non ! (« Bravo » et applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny.  - Il n'est pas de mot excessif : l'article premier sonne le glas de ce formidable mouvement de décentralisation qui, depuis 25 ans, dynamise notre pays, lui insuffle une démocratie nouvelle, conjugue action publique et proximité. La création du conseiller territorial a bien pour objectif d'anesthésier l'action publique départementale. Si ce texte est adopté, l'Histoire se souviendra d'un avant et d'un après. L'avant, c'est l'époque propice à une action publique locale dans laquelle le département a prouvé sa capacité d'adaptation, a porté l'innovation, s'est inscrit dans la modernité, a été le premier niveau de péréquation entre la ville et la campagne. L'après, c'est la fin d'une certaine conception de l'action publique.

Aucune cohérence nouvelle, lorsque le même élu débattra en début de semaine de la protection de l'enfance et en fin des transports ferroviaires régionaux. Mais quel gâchis démocratique avec l'éloignement du conseiller territorial des maires, des élus locaux, des habitants ! Quel gâchis pour l'animation des territoires, avec une diminution du nombre des élus qui entraîne -est-ce le but recherché ?- une raréfaction des dossiers portés et défendus !

Ayez au moins la franchise d'éclairer nos concitoyens sur l'objectif que vous poursuivez, l'effacement de départements réduits -dans un premier temps ?- à la mise en oeuvre et au financement de politiques nationales de solidarité. Ayez la franchise de dire que cet effacement est un moyen de réduire le volume et la qualité des services publics. Ne vous cachez pas derrière la stigmatisation d'élus qui seraient davantage préoccupés de leur propre situation que d'intérêt général. « Une collectivité attend, pour donner, de savoir ce que l'autre a donné pour être sûre d'avoir son nom sur la plaque le jour de l'inauguration ou (...) d'avoir le droit d'être sur la photo quand on coupe le ruban » : cette déclaration est caricaturale, insultante pour les élus et dangereuse en ce qu'elle alimente un mauvais débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ne masquez pas les véritables enjeux de votre projet par une accusation d'immobilisme sans fondement.

Nous approuvons tout ce qui renforcera la décentralisation et l'efficience des politiques publiques ; les propositions du rapport Belot étaient une bonne base pour un consensus. Mais nous ne pouvons accepter des mesures destructrices d'une organisation qui prouve aujourd'hui quotidiennement son efficacité. Le rapprochement -annonciateur d'une fusion ?- du département et de la région est un non-sens. Au pôle communes-intercommunalités-départements la proximité et les solidarités humaines et territoriales ; à l'ensemble région-État-Europe les grands équipements, la stratégie et la compétitivité. Voilà une juste répartition des rôles ; c'est d'ailleurs dans cet esprit que avez indiqué, monsieur le ministre, que les départements devraient pouvoir continuer à soutenir financièrement l'échelon local... Et les contrats de projets que l'État signe le sont bien avec l'échelon régional.

Le conseiller territorial n'améliorera pas la lisibilité de l'action publique pour les citoyens. Éloigné, moins disponible, il sera moins porteur de la réalité quotidienne des habitants qu'il représentera. Il sera au contraire source de confusion au sein de futures assemblées régionales pléthoriques. La création de cet EGM, de cet élu génétiquement modifié, qui siégerait dans deux assemblées, avec des compétences distinctes, sur des territoires différents mais dont l'un est inclus dans l'autre -il n'en existe à ma connaissance aucun autre exemple et sa conformité à la Constitution peut être mise en doute- marquerait un recul de la démocratie, une atteinte aux principes de la décentralisation, la négation du concept de collectivité territoriale. Il serait l'instrument de moins d'action publique, de moins de services pour les habitants, de moins d'équipements pour les territoires. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bonnefoy.  - L'article premier est le coeur de la réforme. Nous nous opposons depuis le début à la création d'un nouvel élu dont nous ne connaissons ni le nombre, ni la façon dont il sera élu, ni le principe qui présidera à sa répartition. Pour nous, la démocratie locale va en pâtir.

Le Gouvernement soutient, pour justifier la création du conseiller territorial, qu'elle permettra des économies. Cet argument est purement démagogique. La charge de travail du nouvel élu, qui remplacera le conseiller général et le conseiller régional, sera doublée.

M. Guy Fischer.  - Impossible !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Pour remplir sa tâche, il devra couvrir un espace important...

M. Guy Fischer.  - Il papillonnera !

Mme Nicole Bonnefoy.  - ...ce qui alourdira ses frais de déplacement et le contraindra à s'entourer de suppléants, d'adjoints ou de conseillers. Cette conséquence est inéluctable si l'on ne veut pas qu'il devienne un élu fantôme. Ce qui entraînera des dépenses supplémentaires.

Ensuite, un élu qui travaillera plus devra gagner plus ! Et donc percevoir une indemnité proportionnelle à sa charge de travail, substantiellement supérieure à celle des actuels conseillers généraux et régionaux. Sans compter qu'on assistera à une professionnalisation de la politique. Quid en outre des questions matérielles ? Dans de nombreux territoires, les hémicycles s'avéreront inadaptés, surdimensionnés dans les conseils généraux, sous-dimensionnés dans les conseils régionaux. Faudra-t-il construire de nouvelles infrastructures ? Aménager les salles existantes ? Et qui va payer ? Les collectivités ? Les ménages ?

Une fois de plus, le Gouvernement se cache derrière de faux arguments, pour certains purement démagogiques ; la vérité est que son projet est profondément électoraliste. Faire des économies avec la création du conseiller territorial ? C'est une supercherie ! Je ne voterai pas l'article premier. (Applaudissements à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - Vous nous avez invités, monsieur le Président, à faire preuve de raison. Mais vous ne nous avez apporté aucun élément pour nous apaiser après le fait d'armes de jeudi dernier. Nous sommes stupéfaits, atterrés que le Sénat ait pu se prêter à une telle opération alors que le ministre nous avait conseillé de prendre, sur le sujet, le temps du débat. Comment a-t-il été possible que notre assemblée adoptât un amendement qui définit le mode d'élection d'un élu qui n'existe pas encore ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit) La discussion a été pliée par un amendement mal rédigé, ambigu, qui dit tout et son contraire, tout cela pour que puisse se dégager une majorité de façade et d'intérêt.

Que reste-t-il de la réforme d'envergure du Président de la République destinée à une organisation territoriale de la France plus lisible ? Les cinq premiers alinéas du texte ont suffit à ruiner les espoirs de nos concitoyens. Après qu'un premier texte a amputé le mandat des conseillers généraux et des conseillers régionaux, ce texte crée les conseillers territoriaux dont nous discuterons les compétences et le mode de scrutin plus tard, un autre jour... Plus préoccupant encore, vous ne semblez savoir que faire de votre propre réforme dont vous n'avez aucunement mesuré les conséquences. Je ne suis pas de ceux qui ne veulent rien changer, l'idée de la confrontation des points de vue ne m'effraie pas. Certains défendent le couple intercommunalité et région, considérant la taille et la place qu'occupent les régions chez nos partenaires européens ; d'autres la commune, le département et l'État-Nation, mettant en avant leur ancrage multiséculaire. Mais, au fait, personne ne sait sur quel pied danser, cette réforme ne pouvant être inspirée par le seul dessein de réaliser des économies de bout de chandelle. Entendez-vous privilégier les départements ou les régions ? Chacun spécule sur les conséquences inattendues du bricolage proposé.

Que restera-t-il ? La remise en cause de la parité et la suppression de la clause de compétence générale, dont personne ne sait aujourd'hui si elle entraînera vraiment une simplification. Il faut réformer, mais sans casser. Il faut délester la France des frilosités qui la paralysent parfois, mais sans ignorer les mises en garde de ceux qui, à gauche comme à droite, plaident pour une organisation cohérente. Messieurs les ministres, je vous le redis, plutôt que de transformer le mille-feuille français en tarte à la crème, travaillons sérieusement pour l'histoire à une organisation cohérente et démocratique, c'est-à-dire compréhensible par nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Annie David.  - A mon tour de regretter le peu d'écho qu'ont reçu les rappels au Règlement. La situation est ubuesque : un amendement portant article additionnel relatif à l'élection des conseillers territoriaux a été adopté par le Sénat alors même que lesdits conseillers sont institués à l'article premier dont nous commençons aujourd'hui l'examen. Ces hommes et ces femmes qui se substitueront aux conseillers généraux et régionaux -ces hommes, devrais-je dire, compte tenu du mode de scrutin proposé par l'amendement de M. About- exerceront le premier mandat qui impose le cumul ! Il y aura seulement 3 000 élus, contre 6 000, pour représenter la même population. Certes, il y aura des suppléants, mais l'on ignore tout de leurs missions et de leurs compétences. Cumul des mandats, non-respect de la parité, difficile représentation des populations et de leur territoire, notamment de montagne, atteinte au pluralisme et à notre démocratie, je ne vois que des inconvénients à ce nouveau dispositif qui prétend renforcer le couple département-région quand il annonce l'absorption des départements par les régions. D'autant qu'il s'accompagne de la réduction du poids des communes au sein des intercommunalités, de la disparition de la clause générale de compétence et du renforcement des pouvoirs des préfets. En réalité, on organise la destruction de notre République et de ses valeurs. A l'instar des « citoyens de la modernité », je prétends qu'être moderne aujourd'hui, c'est tout faire pour redonner le pouvoir aux citoyens depuis la commune, maillon fondamental de notre République, jusqu'à la Nation, en passant par les départements, niveaux structurants de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, les agglomérations communales, les régions et l'Europe ! Décembre 1789 a vu la naissance des communes et des départements pour donner le pouvoir aux citoyens, décembre 2009 entend les casser. Je refuse, avec d'autres, cette trahison des valeurs républicaines de 1789 et du Conseil national de la résistance. Deux cent vingt et un an après l'assemblée des trois ordres du Dauphiné à Vizille, dans mon département d'Isère, qui souffla le vent révolutionnaire en réclamant la convocation des états généraux, je vous appelle, mes chers collègues, à entrer en résistance...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Oh la la !

Mme Annie David.  - ...et à voter contre l'article premier. Cette réforme ne se discute pas, elle se combat ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Les conseillers territoriaux sont le plat de résistance de ce projet de loi, tout le reste est de la garniture ! Je note que les préfets ont eu pour consigne, cette semaine, de faire des interventions médiatiques pour présenter la réforme à l'opinion.

M. Guy Fischer.  - C'est scandaleux ! (Marques d'approbation à gauche)

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est le Second Empire...

M. Jacques Mézard.  - ...ou plutôt le Troisième ! Le Président de la République a indiqué très clairement que le référendum en Guyane et en Martinique préfigurait la situation en métropole. Si nous avons eu l'excellente loi Defferre, la loi Chevènement, remarquons qu'aucun ministre ne revendique la paternité de ce texte... Le conseiller territorial est peut-être un enfant non reconnu : c'est à la mode... surtout lorsqu'il existe une suspicion de paternité du coté de l'Olympe !

M. Chevènement a dit, de manière éloquente, les raisons de notre opposition à cet article premier, l'organe essentiel du texte. J'ai eu la curiosité de visiter le site de l'intérieur, c'est toujours intéressant !

M. Jacques Mézard.  - On y explique à nos concitoyens le pourquoi de la réforme : unanimité et convergence de tous les rapports concluant à la nécessité de mettre fin à l'empilement des structures,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est vrai !

M. Jacques Mézard.  - ...chevauchements institutionnels au coût exorbitant -autrement dit, les collectivités territoriales vont devoir se serrer la ceinture ! (M. Jean-Pierre Michel renchérit)- et enfin, processus de modernisation engagé par l'État, la fameuse RGPP. Quant aux conseillers territoriaux, toujours selon le site de l'intérieur, ils amélioreront la coordination entre politique départementale et régionale...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est évident !

M. Jacques Mézard.  - ...et leur création sera un signal positif -avouez, monsieur le rapporteur que le propos est quelque peu provocateur- envoyé aux élus locaux qui « représentent leur concitoyens avec un esprit de responsabilité remarquable ». Si ces élus sont si responsables et efficaces, pourquoi vouloir en supprimer la moitié ! Puis-je rappeler qu'il fut une époque où le président Giscard d'Estaing interdisait aux conseillers généraux de sa majorité d'être candidats aux régionales ? Avec les conseillers territoriaux, nous allons assister à un gigantesque charcutage des départements.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jacques Mézard.  - Enfin, preuve a été faite la semaine dernière que le texte ne sera pas amélioré en séance publique avec l'adoption d'un amendement centriste et le rejet d'un sous-amendement du RDSE : vous refusez de parler de l'essentiel. (Applaudissements sur les bancs RDSE, sur les bancs socialistes et quelques bancs du groupe CRC-SPG)

Mme Jacqueline Gourault.  - J'ai toujours dit, y compris au sein de la commission Belot, mon soutien à la création des conseillers territoriaux, mais mon absolue opposition au mode de scrutin proposé par le Gouvernement. Je continuerai, d'ailleurs, de m'y opposer de toutes mes forces. Un amendement de mon groupe, qui fixe les principes de l'élection de ces nouveaux conseillers, a été adopté. Cela dit, messieurs les ministres, j'espère que nous ne nous ferons pas avoir à la sortie ! (Exclamations amusées à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - C'est un aveu !

Mme Jacqueline Gourault.  - Je regrette le sort fait au sous-amendement de M. Mézard, mais note avec satisfaction qu'un amendement centriste, pour une fois, a été adopté. Pour moi, tous les amendements sont recevables, quel que soit le groupe dont ils émanent.

M. Guy Fischer.  - Oui, mais n'importe quel groupe !

Mme Jacqueline Gourault.  - Je suis la première à voter les amendements d'autres groupes s'ils me satisfont.

Messieurs les ministres, le mode de scrutin des conseillers territoriaux doit être uninominal pour être respectueux des territoires, ainsi que proportionnel pour être respectueux du pluralisme et de la parité.

M. René-Pierre Signé.  - Évidemment !

Mme Jacqueline Gourault.  - Sans dispositif électoral équitable, il sera impossible d'instituer le conseiller territorial, car il n'y a pas de majorité ici en faveur du mode de scrutin envisagé. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur certains bancs socialistes)

M. Hervé Maurey.  - Dans son prêche, M. Sueur a tenu des propos approximatifs.

Il a ainsi appelé « amendement About » une proposition unanime de l'Union centriste. En outre, loin de cautionner le projet du Gouvernement, nous refusons, (marques de désapprobation sur les bancs socialistes) le scrutin alibi destiné à instituer le bipartisme.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous proposez en fait la même chose !

M. Hervé Maurey.  - J'ai en outre été très surpris d'entendre notre collègue soutenir qu'il relayait les élus de terrain, lui qui a proposé de généraliser le scrutin de liste à toutes les communes sans exception.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'Association des élus ruraux l'a proposé !

M. Hervé Maurey.  - Cela montre qu'il ne fréquente guère d'élus locaux : les connaissant bien, je sais qu'ils refusent un tel scrutin. (Huées sur les bancs socialistes)

La création du conseiller territorial est souhaitable, car elle renforcera la cohérence des politiques publiques suivies par les départements et les régions, tout en conservant ces deux niveaux de collectivités. En revanche, je regrette de devoir me prononcer sans la moindre information sur deux éléments : d'une part, le mode de scrutin -d'où notre amendement- ...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il reproduit le projet du Gouvernement !

M. Hervé Maurey.  - ...et d'autre part, la taille des cantons ruraux. C'est en effet un problème essentiel en milieu rural : un canton de 50 ou 60 communes serait trop important.

Enfin, les tâches considérables assumées par les conseillers territoriaux seront incompatibles avec le maintien d'une activité professionnelle. Nous risquons par suite de ne pouvoir élire que des retraités, des professionnels de la politique ou des fonctionnaires. Pour l'éviter, il faudrait doter ces élus d'un statut qui garantisse notamment leur disponibilité. (Applaudissements sur les bancs de l'Union centriste et à droite.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Quelle abdication !

M. Yvon Collin.  - La création des conseillers territoriaux est le corollaire d'une idée centrale : la fusion des départements et régions.

On peut comprendre la volonté de simplifier les institutions locales, mais il serait illusoire d'espérer nous faire croire aux bienfaits d'un super élu qui en remplacerait deux et serait donc écartelé entre la politique économique organisée par les régions sur leur territoire et la mission de solidarité assumée par les départements auprès de nos concitoyens. En pratique, vous nous demandez de charger à l'aveuglette les épaules des élus locaux et d'introduire une confusion dans leur mission.

Vous savez pourtant que les élus locaux ne ménagent pas leur temps au service de leur mandat. S'ils doivent demain siéger au conseil régional et au conseil général, ils seront moins disponibles pour se rendre dans les écoles ou les maisons de retraite. N'oublions pas que les conseillers généraux le font aujourd'hui en dehors des séances de l'organe délibérant.

On nous dit que les élus coûtent cher. Tient-on donc pour du gaspillage le fait qu'ils écoutent nos concitoyens et tentent de remédier à leurs difficultés ? Ce que le Président de la République a fait hier soir à titre exceptionnel en direct à la télévision, ils le font quotidiennement et sans publicité. La proximité avec les Français doit rester le ressort de leur mandat !

J'ajoute que l'argument économique suppose que les conseillers territoriaux réussissent à mener de front leur double mandat et leur profession, alors que ce sera impossible. Il faudra donc mettre en place un statut de l'élu, dont le coût absorbera les économies réalisées.

A ces raisons de fond condamnant l'article premier, s'ajoute une objection de méthode, car nous regrettons que la mission Belot n'ait pas été entendue, elle qui s'opposait au conseiller territorial. Lorsqu'il s'est agi de réformer la taxe professionnelle, le Gouvernement a fait la sourde oreille et a étouffé les voix discordantes émanant de sa majorité. Comme chat échaudé craint l'eau froide, ces voix sont aujourd'hui chuchotantes, mais nous savons que le consensus est fragile, au point que l'amendement centriste adopté jeudi pour encadrer le mode d'élection du conseiller territorial transpire la négociation.

Il y a de quoi être étonné : lorsque nous avons examiné le texte sur la concomitance du renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux, puis au début de la présente discussion, il nous a été dit que le mode de scrutin des conseillers territoriaux n'était pas à l'ordre du jour ; finalement, on nous a servi de prétendus principes qui -cessons l'hypocrisie !- abordent la question de front. Tout cela montre les limites d'un débat éclaté en trois textes distincts pour introduire le dispositif phare de la réforme.

Vous l'avez compris : la grande majorité du RDSE repousse la création du conseiller territorial.

Parce que l'article premier va compliquer le paysage institutionnel local, parce qu'il introduit une nouvelle catégorie d'élus dont le mode de scrutin reste incertain et parce qu'il risque d'affaiblir la démocratie locale, je demanderai sa suppression. L'espoir est mince, mais je me battrai jusqu'au bout pour que l'organisation décentralisée de la République gagne en efficacité ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - L'article premier crée le conseiller territorial, figure emblématique du projet de loi, mais la discussion est placée depuis le début sous le signe de la confusion : depuis le vote de la loi sur la concomitance des élections au conseil général et au conseil régional, le débat tangue sans cap comme un bateau ivre, sans capitaine, mais avec un équipage à composition variable : certains veulent monter à bord, mais d'autres veulent descendre à terre. En revanche, l'objectif est clair : supprimer à terme les départements grâce à une pièce en cinq actes, dont le premier étrangle les finances locales en supprimant la taxe professionnelle, le deuxième institue l'élection concomitante des conseils généraux et des conseils régionaux, avant que le troisième ne sacralise le conseiller territorial. Plus on avance, plus la pièce tourne au drame pour nos concitoyens.

La seule véritable raison de tout cela, la moins avouable aussi, est qu'au sommet de l'État, on ne supporte pas les contre-pouvoirs locaux. Ainsi, M. Copé a inventé une notion : la « fusion-absorption », alors que M. Balladur avait évoqué une « évaporation » des conseils généraux et les conseils régionaux. Nos concitoyens en revanche n'ont jamais eu autant qu'aujourd'hui l'occasion de dire l'estime qu'ils éprouvaient pour les élus concernés. Leur perception a été confortée récemment par la présence sur le terrain de ces élus de proximité, lors des récentes perturbations climatiques.

Les collectivités territoriales jouent un rôle moteur pour l'investissement, complété par celui d'amortisseur social, grâce aux services publics locaux sur qui nos concitoyens les plus démunis peuvent s'appuyer.

Or, le fameux conseiller territorial sera élu, pour ne pas dire désigné, dans des conditions douteuses marquées par le mélange des genres. Écartelé entre ses mandats, cet élu de plus ne sera nulle part à force de devoir être partout.

En votant contre l'article premier, nous voulons épargner à nos concitoyens une expérience sinistre qui ferait mal. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat.  - Je reviens sur le saucissonnage qui sert de méthode à cette réforme : on asphyxie les collectivités territoriales en supprimant la taxe professionnelle, puis on disperse les textes de loi pour créer un conseiller territorial sans connaître son mode d'élection.

Pourtant, un amendement a bien esquissé le principe de ce mode de scrutin, qui donne des assurances aux centristes comme l'ont bien compris nos deux collègues qui se sont félicités des avancées qu'ils y ont vues.

Le seul objectif de ce texte est donc de prendre une revanche, de reconquérir des départements et des régions gérés par la gauche.

Sera-t-il efficace, ce conseilleur territorial, lorsqu'il devra à la fois aller siéger dans sa région, ce qui l'éloignera de ses concitoyens et s'occuper de ceux-ci dans son département ? Sera-t-il légitime, élu au scrutin uninominal à un tour -une première dans notre République- et qui pourra l'être avec 25 % des voix ? Scrutin mâtiné de proportionnelle -encore une grande première... Un élu à la proportionnelle pourra l'être avec la voix des battus !

Quelle égalité, si l'on passe à quinze représentants par départements, entre les citoyens de ceux qui ont une faible ou une forte population ?

Comment fonctionnera ce conseiller, entre la région où il s'occupera d'économie ou de formation professionnelle, et le département où il s'occupera de sens giratoires et de gymnases ? Quelle vision l'emportera ?

Et que devient la parité ? Pourra-t-on en divisant par deux le nombre de conseillers régionaux et généraux vraiment diminuer les coûts de fonctionnement ?

A toutes ces questions la réponse est : non. Je voterai contre cet article premier et contre la création de ce conseiller territorial. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC).

présidence de M. Roger Romani,vice-président

M. Roland Povinelli.  - J'ai regardé hier soir la magnifique prestation du Président de la République. J'ai bu ses paroles, ému aux larmes. C'était lamartinien, tout empreint de détresse et d'émotion. Lamartinien, que dis-je, c'était du Zola : lorsque le retraité lui a dit combien il gagnait -400 euros- et que le Président a enfin compris que c'était 400 euros par mois, et non par jour, alors il a reconnu que... ce n'était pas beaucoup... (On s'amuse à gauche)

Il est paradoxal, voire scandaleux, que le Président, qui a été maire, raconte aux Français qu'il leur fait faire des économies en ne remplaçant qu'un fonctionnaire de l'État sur deux, tandis que l'opposition ne cesse de recruter des fonctionnaires territoriaux par milliers. Je suis maire. On est maire quand on a présenté aux électeurs un programme qui correspond à leurs besoins. Eh bien, créer une crèche, c'est recruter vingt personnes ! Un gymnase ne fonctionne pas tout seul ! (Cris et protestations à droite) Il ne doit pas y avoir beaucoup de maires à droite... (Les protestations à droite redoublent et couvrent la voix de l'orateur). La vérité vous fait mal !

Quand on est maire, on ne recrute pas pour le plaisir de recruter !

Quelle économie, d'essence notamment, quand le conseiller territorial sera le matin à Marseille et l'après-midi à Briançon ? Neuf-cents kilomètres aller-retour ! (Sarcasmes à droite) Quand aura-t-il le temps de s'occuper de la population ?

Si la droite avait actuellement 20 des 22 régions, je suis bien sûr qu'on ne nous aurait jamais présenté ce texte, (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC) une loi dont les Français n'ont rien à faire, eux qui se soucient avant tout de pouvoir d'achat et d'emploi. (La fin de l'intervention de l'orateur est inaudible, couverte par les cris et les protestations de la droite)

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Roland Povinelli.  - Nous continuerons d'agir pour le bénéfice des populations. (Tumulte)

M. Yves Krattinger.  - J'attire l'attention du ministre Mercier sur un cas de figure qui sera fréquent si vous arriviez à instituer votre fameux conseiller territorial. Dans une assemblée régionale que la droite aura enfin réussi à gagner, il y aura des départements qui, eux, n'auront pas tous été gagnés par la droite. Le président de région fera voter son budget par sa majorité de droite mais ce budget ne sera pas celui souhaité par les représentants de ces départements. Reste à savoir si le président de la région négociera avec l'exécutif départemental en place -et qui est légitime- ou s'il préférera dialoguer avec la minorité. Je crains qu'on assiste à des jeux fort subtiles dans des assemblées bien byzantines !

N'y aura-t-il pas tutelle d'une collectivité sur l'autre ? Si M. Mercier devient président de la région Rhône-Alpes. (« Non ! » à gauche) Ce n'est qu'une hypothèse d'école... Qui, de lui ou de M. Mazuir, président du conseil général de l'Ain, fixera la date de l'assemblée régionale ou de l'assemblée départementale ? Quelle collectivité aura la tutelle sur l'autre ? Vous allez introduire une tutelle contraire à la Constitution car les majorités départementales ne seront pas respectées ! Alors, que va-t-il se passer ? (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Botrel.  - Le conseiller territorial sera un élu schizophrène à la double mission départementale et régionale. Quel sera son point d'ancrage ? Les deux niveaux de collectivités seront déstabilisés, ce qui n'est de l'intérêt de personne. Faisant fi de leurs rôles respectifs, la moitié des conseillers généraux et régionaux va être supprimée. Or, les deux collectivités n'ont pas les mêmes compétences : le couple que ce projet de loi veut mettre en place est artificiel.

L'analyse que vous avez faite manque de rigueur : alors que les transferts de compétences se sont multipliés ces dernières années, le nombre des élus des départements et des régions se réduirait ? Est-ce pour les empêcher de maîtriser leurs dossiers ? Le conseiller territorial sera éloigné du quotidien, de la population et de ses problèmes. Devra-t-il privilégier le niveau régional ou local ? Les élus doivent rester des élus de terrain, surtout à l'heure actuelle.

Ce projet de loi porte en lui la dilution, puis la disparition du département. Face à la recentralisation qui s'annonce, la région trouvera-t-elle la force de jouer le rôle que lui donnent les lois de décentralisation ?

Et que penser du futur mode de scrutin ? Un scrutin mixte à un tour, aux contours incertains, institutionnaliserait une inégalité flagrante entre les départements. Nos concitoyens risquent d'être décontenancés par ce mode de scrutin incompréhensible. Que de confusions en perspective !

Ce texte signe la fin d'une époque qui a commencé en 1982. Le conseiller territorial ne présage rien de bon ni pour les territoires, ni pour nos concitoyens, ni pour l'action publique. C'est un recul historique de la démocratie territoriale. (Applaudissements socialistes)

M. le président.  - La parole est à M. Jeannerot. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Il n'est pas inscrit !

M. le président.  - C'est le Règlement !

M. Claude Jeannerot.  - Je comprends les réactions de mes collègues puisque je suis déjà intervenu lors de la motion référendaire sur la question du conseiller territorial, mais il est indispensable d'y revenir tant vous en avez fait le coeur de votre réforme.

Où est la simplification, où est la clarification ? Nous les cherchons vainement. Au lieu de mettre fin au principe de la clause générale de compétence, il aurait fallu commencer par redéfinir les compétences des collectivités. Étrange logique que celle qui consiste à remettre à plus tard ce qui devrait au contraire figurer en premier lieu dans ce texte.

Simplification, clarification ? Que nenni ! Vous allez institutionnaliser la confusion ! Les régions se recroquevilleront sur des logiques cantonalistes alors qu'elles devraient s'ouvrir vers l'extérieur. Monsieur le ministre, vous connaissez la réalité départementale : vous allez éloigner les élus de la spécificité de leurs collectivités.

Mon département compte 35 cantons, dont dix-sept sont plus vastes que le département des Hauts-de-Seine. Comment assurer demain une véritable proximité alors que chaque canton sera trois fois plus grand que le département des Hauts-de-Seine ? Sauf à mesurer la France à l'aune de Neuilly-sur-Seine, où est la clarification ?

J'ai tenu il y a quelques jours une conférence de presse dans mon département pour sensibiliser l'opinion aux risques de cette réforme. J'étais entouré de tous les membres de ma majorité mais aussi de la majorité des membres de mon opposition, du président de l'Association des maires ruraux du Doubs, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et de la présidente de l'Association des maires de mon département. Cette quasi-unanimité devrait vous troubler.

Il y a quelques jours, un article du Monde disait à juste titre : « En reportant à plus tard la réflexion sur la répartition des compétences des uns et des autres qui devraient être le socle de l'ensemble, le Gouvernement a signifié à tout le monde qu'il se soucie comme d'une guigne du fond de la réforme et de sa cohérence. Singulier manque de hauteur de vue pour qui prétend inventer la France du XXIe siècle ». (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Miquel.  - Cette réforme est un contresens historique. (Exclamations à droite)

M. Bernard Piras.  - Un peu de silence ! Ce projet de loi ne vous intéresse pas ?

M. Gérard Miquel.  - Vous trouvez le temps long. Mais si vous croyez en cette réforme, défendez-là ! (Applaudissements socialistes)

M. Guy Fischer.  - Ils n'osent pas ! Elle leur fait honte !

M. Gérard Miquel.  - Après trois décennies de décentralisation, vous vous apprêtez à mettre à mal tout ce que nous avons fait dans les collectivités pour nos concitoyens. Ayez le courage de dire la vérité, monsieur le ministre !

M. Bernard Piras.  - Il n'a pas de courage !

M. Gérard Miquel.  - Vous voulez évaporer les communes dans les communautés de communes et dans les métropoles et dissoudre les conseils généraux dans les régions.

La suppression des conseils généraux...

M. Bruno Sido.  - Il n'y a que vous pour y croire !

M. Gérard Miquel.  - ...interviendra rapidement car vous allez les asphyxier financièrement. Mais vous étiez heureux de les trouver à vos côtés lors du plan de relance ! Elles ont fait des investissements considérables. Or, vous nous demandez de mettre un terme à cette solidarité sociale et territoriale indispensable à nos concitoyens. Si cette réforme était adoptée, ce serait un recul de la démocratie de proximité et la mort de la péréquation. Vous éloigneriez l'élu du citoyen et les territoires ruraux ne seraient plus représentés.

Enfin, cette réforme brouille l'image des deux assemblées, qui ont des compétences très différentes, pour mieux justifier leur fusion. La région Midi-Pyrénées compte huit départements et elle est plus grande que la Belgique. Or, nous aurions une assemblée de 200 élus au maximum qui auraient également en charge les conseils généraux ! Cela ne durera pas très longtemps : les conseils généraux sont amenés à disparaître. Et qui aura le pouvoir ? La technostructure régionale reprendra la main, comme le faisait la technostructure nationale avant la décentralisation.

Il aurait été préférable de faire le bilan de la décentralisation : les départements disposent de deux séries de compétences : celles de plein exercice, comme les routes, les collèges, les transports scolaires. Les collectivités décident de faire des investissements ou de mettre en place des services en fonction de leurs moyens. Elles ont aussi des compétences sociales, mais sans rien maîtriser : les tarifs sont fixés au niveau national, comme pour le Revenu de solidarité active, (RSA), l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou l'Allocation de parent isolé (API). Pourquoi le Sénat ne déciderait-il pas que toutes les compétences transférées doivent être compensées à l'euro près ? On nous l'avait promis, mais nous en sommes très loin !

Une négociation nationale est en cours avec les sapeurs pompiers. Nous aurons bientôt des généraux. (Exclamations à droite)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Ca manquait !

M. Gérard Miquel.  - Quand les sapeurs pompiers négocient et obtiennent des avantages, souvent mérités, la décision est prise au niveau national et les conseils généraux payent !

Nous devons donc faire le ménage dans ces deux catégories de compétences.

Je ne voudrais pas que quelqu'un d'important comme vous, monsieur le ministre, soyez considéré dans les mois à venir comme le fossoyeur de la décentralisation. (Applaudissements socialistes)

M. Yannick Bodin.  - Dois-je attendre le départ de l'UMP ou son retour ? Cela pourrait pourtant vous intéresser mes chers collègues : il s'agit de l'avenir de la France.

M. Guy Fischer.  - Cela ne les intéresse pas !

M. Yannick Bodin.  - Ce débat est quelque peu surréaliste, car on parle de la création du conseiller territorial sans savoir ce qu'il sera ; le Gouvernement nous demande de voter d'abord, et nous assure qu'il nous répondra après. Nous sommes donc réduits à échafauder toutes sortes d'hypothèses. On aurait pu penser, après que vous avez donné à M. About la réponse que vous n'avez pas daigné nous apporter, que l'on en saurait un peu plus sur le mode d'élection. Nous savons que le conseiller territorial sera élu dans de super-cantons au scrutin uninominal ; il y aura un peu de proportionnelle et on tendra à la parité. Mais quelles réponses précises avons-nous ? Les membres du groupe de M. About qui sont intervenus tout à l'heure ont demandé que les engagements pris soient respectés -des engagements, mais lesquels ? En tout cas, M. About, lui, est tranquillisé puisque j'ai appris hier soir sur FR 3 Ile-de-France qu'il embarquait sur la péniche de Mme Pécresse pour les élections régionales...

M. Guy Fischer.  - En place éligible !

M. Yannick Bodin.  - Sans doute a-t-il reçu les réponses que M. Maurey attend encore... On ne peut éviter les supputations. Or hier soir, le Président de la République n'a évoqué ce texte qu'il dit très important qu'en se félicitant du résultat du référendum en Guyane et en Martinique sur l'assemblée unique, préfiguration de la réforme territoriale. Entre le conseil général et le conseil régional, n'est-ce pas le premier qui, dans l'esprit du Président de la République, doit disparaître ?

Si encore il s'agissait de mettre en place une structure forte, de taille européenne... Mais elle sera plus faible que la région d'aujourd'hui, elle aura une moindre capacité financière, des compétences revues à la baisse, et la tutelle sera renforcée ! Voilà le devenir du conseiller territorial et, dans ces conditions, il eût mieux valu qu'il n'existât point.

Alors que, selon la Constitution, la France est une République décentralisée, on assiste à une entreprise de recentralisation ; il est bien clair que ce projet est antirépublicain, nous ne pouvons l'accepter. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - A mon tour, je veux dire que la création du conseiller territorial est un mauvais coup porté à l'ensemble des collectivités territoriales, à la décentralisation et à la parité. C'est un mauvais coup contre la décentralisation, car comment penser une seconde qu'elle permettra à la région de bien exercer ses compétences en matière d'aménagement du territoire, de développement économique, de transports, de formation initiale et continue, et qu'elle permettra au département de poursuivre de manière satisfaisante en matière de solidarité, de protection maternelle et infantile, ainsi que de la si nécessaire protection de la jeunesse ? Voilà autant de compétences que, depuis 30 ans, la décentralisation a rapprochées des Français. Comment imaginer que le conseiller territorial pourra traiter en connaissance de cause de tous ces sujets et trouver le temps d'aller à la rencontre des citoyens ?

Un mauvais coup porté aux régions, ensuite. Certes, elles sont, dans leur grande majorité, dirigées par la gauche, mais comment ne pas penser que pour des raisons électoralistes, on veut casser le travail qu'elles ont accompli en s'investissant dans leurs compétences ? Elles deviendront des fédérations de cantons, impuissantes à développer une vision globale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme Christiane Demontès.  - C'est enfin un mauvais coup porté à la parité, donc à la démocratie. On avait pourtant franchi un pas de géant en 1999. Je défie quiconque de montrer qu'elle n'a pas contribué à cette nouvelle approche qu'attendent nos concitoyens.

La création du conseiller territorial procède d'une attaque en règle contre les collectivités qui font contrepoids à la politique du Gouvernement. Puisque c'est l'article premier qui le crée, c'est dès maintenant qu'il faut voter contre et, symboliquement, le supprimer. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Mauroy.  - (Exclamations sur plusieurs bancs à droite) J'ai eu de longue date l'occasion de faire connaître mes convictions et celles de mon parti. Bien souvent, nous avons été, vous et nous, sur des positions différentes mais nous savions où vous vouliez aller, de même que vous saviez jusqu'où nous pouvions aller et où nous ne voulions pas aller. Or ce texte en général et le conseiller territorial en particulier, sont un chiffon rouge mais aussi un marqueur, parce que vous ne voulez pas discuter, et que vos idées sont arrêtées. Des idées sur la décentralisation, nous en avons aussi, que nous défendons depuis 30 ans. Nous en avons porté ensemble, mais ce qui a changé, c'est que vous n'en voulez plus. Je regrette que certains d'entre vous soient partis, car nous entendre vous devient insupportable, alors que nous vivons un moment crucial pour les collectivités, pour les élus, pour la République. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Inutile de détailler tout ce qui a été dit par mes collègues ou de revenir sur tel ou tel point. Je constate simplement que ce que vous acceptez ne vient pas d'ici ni de l'Assemblée nationale ; je l'ai vécu au comité Balladur : nous avons travaillé pendant un mois puis, des instructions sont venues d'ailleurs -on devine d'où- et ça a été la rupture -sur le conseiller territorial, déjà.

Je dis mon opposition totale à ce projet. Dans une telle circonstance, c'est le peuple qui répond. J'appelle tous les élus, tous ceux qui ont été pour la décentralisation, à se rassembler. (Applaudissements à gauche)

Aux élections, ce sont les Français qui se prononceront ! Puisqu'il n'est pas possible d'arbitrer dans cette assemblée, c'est le peuple qui tranchera ! (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs socialistes)

Mme Bernadette Bourzai.  - Démocratie, parité, égalité, efficacité de l'action publique, décentralisation, crédibilité institutionnelle de l'État : partout, la création du conseiller territorial marquera un net recul. C'est la casse de la démocratie locale. Aucun système électoral n'est parfait, mais la coexistence de scrutins départementaux et régionaux garantissait à la fois la proximité et la représentation des différents courants. Or -sans connaître le détail de vos négociations avec les centristes- il semble que vous vouliez supprimer un scrutin à la proportionnelle et faire élire les conseillers territoriaux sur la base de cantons élargis.

C'est un coup porté à la proximité, d'autant que le conseiller territorial sera par définition un cumulard ! L'introduction d'une dose de proportionnelle servirait de prétexte pour faire siéger des candidats auxquels il manquerait des voix : des élus battus ! Après tout, on a bien comme naguère les reçus-collés !

C'est aussi un recul de la parité Les rafistolages proposés ne font qu'aggraver la situation. M. le secrétaire d'État avait proposé que les suppléantes puissent siéger dans des conseils d'administration à la place des titulaires. Curieuse idée ! C'était reconnaître que le conseiller territorial n'aura pas le temps d'assumer son double mandat... Ne vous en déplaise, la parité entre titulaire et suppléante, ce n'est pas la parité, c'est le machisme institutionnalisé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

Votre projet porte aussi atteinte à l'égalité du suffrage. La charge de travail de l'élu va doubler. On compte pas moins de 250 représentations officielles pour le seul conseil général de Corrèze ! Comment être présent partout où la représentation des collectivités est indispensable à la vie quotidienne ? Comment avoir le recul nécessaire ? Croyez-moi, d'expérience, ce n'est pas à souhaiter à votre pire ennemi politique ! Je voterai contre cet article premier. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Rappels au Règlement

M. Gérard Longuet.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Rappel au Règlement ! La démocratie parlementaire est l'occasion d'examiner le fond des textes.

M. Yannick Bodin.  - Il n'y a rien dedans !

M. Gérard Longuet.  - C'est également le respect de la forme. (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous êtes mal placé pour en parler !

M. Guy Fischer.  - On veut nous bâillonner !

M. Gérard Longuet. - Or nous observons un mépris affiché des décisions prises collectivement en conférence des présidents. (Protestations à gauche, applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Scandale !

M. Gérard Longuet.  - Méconnaître les décisions auxquelles vous avez accepté de participer en réorganisant une discussion générale sur chacun des articles, c'est faire preuve d'une désinvolture certaine.

M. Yannick Bodin.  - La parole est libre !

M. Guy Fischer.  - C'est honteux ! On veut bâillonner les collectivités !

M. Gérard Longuet.  - Nous ne demandons qu'à approfondir le débat sur le conseiller territorial. Mais avec plus de 600 amendements, j'imaginais que vous auriez l'occasion en les défendant d'intervenir sur le fond. Manifestement, cela ne vous suffit pas... Par votre attitude, vous apportez de l'eau au moulin de ceux qui jugent le Règlement du Sénat trop libéral -je n'en suis pas- et vous travaillez contre l'esprit de respect mutuel qui caractérise notre vie parlementaire. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs UMP et sur plusieurs bancs au centre ; protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Rappel au Règlement. Le président Longuet est bien mal placé pour nous faire la leçon, (exclamations à droite) quand la majorité a voté l'amendement About avant même la discussion de l'article premier censé créer le conseiller territorial ! Je félicite au passage le président About du marchandage qui lui a permis de figurer sur une liste UMP... (L'oratrice est conspuée à droite, applaudie à gauche)

M. Nicolas About.  - On veut me bâillonner ! (Sourires)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec la complicité du Gouvernement, vous avez court-circuité la discussion sur le conseiller territorial, tout en refusant tous nos amendements avant l'article premier qui posaient des principes relatifs au mode de scrutin ! (Applaudissements à gauche)

Le Conseil d'État vient de faire droit à un recours du groupe CRC-SPG contre votre décision de supprimer la publicité sur France Télévisions avant même le vote du Parlement. (Applaudissements à gauche) Nous continuerons à exercer les droits qui restent encore au Parlement pour défendre la démocratie parlementaire que vous bafouez tous les jours ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - (Exclamations à droite) Notre groupe a déposé 125 amendements.

M. Gérard Longuet.  - C'est votre droit, nous le respectons.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne pratiquons aucune forme d'obstruction. (Exclamations à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous avez 300 amendements !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous voulons un débat sérieux. Avec cet article premier, de quoi s'agit-il ? (Marques d'exaspération à droite) Rien que du devenir des régions et des départements !

M. Guy Fischer.  - Et des communes !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nos collègues sont nombreux à souhaiter s'exprimer, comme le permet notre Règlement, car le sujet est essentiel, vital même. J'observe de votre côté un certain mutisme... C'est votre droit, nous le respectons. Pour notre part, nous appliquons scrupuleusement le Règlement, pour dire ce que nous portons dans notre coeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin.  - Rappel au Règlement. (Sourires)

M. le président.  - C'est un droit personnel. Puis-je vous demander sur quel article ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Sur l'ensemble ! (On renchérit à gauche)

M. François Fortassin.  - Oui, sur l'ensemble. La majorité pousse des cris de rosière effarouchée... (On s'amuse à gauche)

Pour avoir discuté ici avec mes collègues, je n'ai pas trouvé 10 % de ceux de la majorité pour défendre ce texte avec conviction. (Voix sur un banc de l'UMP : « Vous n'êtes pas venu m'en parler ») On transforme donc le Sénat en une assemblée de suivistes. (Applaudissements à gauche) Et vous voudriez que l'on accepte cela sans s'exprimer ? On assèche les finances des collectivités...

M. le président.  - Monsieur le sénateur, je vous en prie, vous êtes inscrit pour une intervention sur l'article : n'anticipez pas, pensez aux collègues qui sont avant vous.

M. François Fortassin.  - Lorsque l'on a la parole et que l'on ne dépasse pas son temps, il est encore permis de s'exprimer... Pourquoi avons-nous demandé la parole sur l'article ? Parce que nous avons voulu vous tirer les oreilles, et vous avertir que votre système ne fonctionnera pas. Parce que ce texte est semé de pièges, et qu'il fallait le dire. Cette séance aura au moins le grand mérite, messieurs de l'UMP, c'est qu'après vous avoir vu déserter l'hémicycle, elle vous a vu revenir...

M. Bruno Sido.  - (« Ah ! » à gauche) Je prends la parole pour un vrai rappel au Règlement. (Exclamations à gauche) Car je veux dire à l'opposition que je suis étonné de son attitude. Je la sens très constructive, très mobilisée, c'est son droit, et son honneur. Mais le fait est que le Gouvernement, après avoir pris l'avis d'une commission, dont M. Mauroy a fait partie, a déposé un projet sur le bureau de l'assemblée. C'est son droit le plus strict. (Exclamations à gauche) Si vous estimez qu'il ne sert à rien de déposer des projets de loi, c'est autre chose...

J'ai cru comprendre que l'opposition n'était pas d'accord sur le fond de ce projet. Dont acte. Reste qu'après un débat mené dans le respect du Règlement, nous allons nous prononcer.

Je n'ai pas compris les propos de M. Mauroy. Après le vote du Parlement viendra le vote du peuple, nous a dit M. Mauroy. Je n'ai pas bien compris ses propos.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pour nous, nous les avons parfaitement compris, et M. Mercier aussi...

M. Bruno Sido.  - Qu'est-ce à dire ? Êtes-vous ou non des démocrates ? Sauf à faire appel à la rue...

Quant au vote de ce texte, l'opposition a parfaitement le droit de s'exprimer, pas celui de faire de l'obstruction, comme M. Fortassin vient d'en faire la démonstration. (Exclamations à gauche) Et encore moins d'utiliser les moyens des conseils généraux (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, applaudit) pour faire de la politique politicienne : cela pourrait aller loin... (Exclamations à gauche)

M. le Premier ministre Mauroy a parlé de l'expression populaire ? Oui, le peuple aura à se prononcer, aux régionales. J'appelle chacun à la modestie, car nul ne peut préjuger du résultat. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Je vais suspendre la séance quelques instants, pour permettre à Public Sénat et à France 3 de procéder aux derniers préparatifs de la retransmission des questions cribles thématiques.

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 17 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

Questions cribles thématiques : « Copenhague, et après ? »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur « Copenhague, et après ? ».

M. François Fortassin.  - Il y a un mois s'achevait la Conférence de Copenhague, qui devait être l'occasion pour les 192 pays ayant ratifié la convention-cadre des Nations unies, conformément à la feuille de route décidée en 2007, de négocier un accord sur le climat pour remplacer le protocole de Kyoto. L'objectif était de réduire de moitié en 2050 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990 et de faire en sorte que la température moyenne de la planète ne dépasse pas à cette date de plus de 2 degrés celle de l'ère préindustrielle.

L'accord obtenu est peu contraignant. Une grande espérance a été déçue, c'est même, diraient les Espagnols, un verdadero fracaso, un véritable échec. Les objectifs de réduction des émissions ne figurent pas dans le texte final, et aucune mention n'y est faite d'une organisation mondiale de l'environnement. A la suite des négociations entre pays industrialisés et pays émergents, à l'exclusion de l'Union européenne, une simple déclaration d'intention a été signée.

Tout en saluant votre engagement personnel, monsieur le ministre, je vous demande quelle action la France peut mener dès cette année pour parvenir à un accord concret, contraignant et exécutoire par tous ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Copenhague a été rêvé par les Européens sous la même forme que l'accord contraignant obtenu sous présidence française l'année précédente. Vous conviendrez qu'obtenir un tel accord à 193 était une tâche périlleuse. Car on touche ici à la souveraineté des États. Il faut tirer les leçons de cette difficulté culturelle. Comment avancer ? La France avait anticipé que la méthode onusienne serait délicate à mettre en oeuvre, raison pour laquelle le Président de la République avait souhaité que chefs d'État et de gouvernement fussent présents. Mais les choses avancent. A New-Delhi, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud et le Brésil viennent de confirmer leur volonté de préparer sérieusement la Conférence de Cancun.

M. François Fortassin.  - Je ne mets pas en cause l'action de la France ni la vôtre, monsieur le ministre. Mais il y a eu un peu de naïveté à vouloir imposer notre vision à d'autres. Plutôt qu'annoncer par avance des résultats, il eût été préférable de fixer des objectifs. Il y a eu un brin de triomphalisme avant Copenhague...

M. Jean-Paul Émorine.  - Les États présents à Copenhague doivent, d'ici le 31 janvier, confirmer leur adhésion à l'accord et transmettre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou leurs actions d'atténuation. Ce sera un test de leur volonté politique à s'engager en faveur du climat. Le Président de la République et le gouvernement français semblent convaincus qu'il est possible de porter l'objectif de réduction des émissions au niveau de l'Union européenne de 20 % à 30 %, alors même que d'autres pays pollueurs n'ont pas encore mis leurs objectifs sur la table. Pour tenter de débloquer les négociations avant Cancun, faut-il en rester à 20 % ou aller à 30 % ?

Pour nombre d'élus, dont je suis, il serait suicidaire pour l'Union de prendre un engagement unilatéral ; nos entreprises ne pourraient supporter une telle atteinte à leur compétitivité, qui ne serait pas sans conséquences considérables sur l'emploi. L'Europe ne doit-elle pas attendre un engagement comparable de ses partenaires avant tout effort supplémentaire ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Les Européens viennent de se réunir à Séville pour affiner leur position. Il faut savoir que le monde industriel n'est responsable que pour un quart des émissions de gaz à effet de serre et qu'il est le seul secteur, grâce au système des quotas, à les avoir réduites. Je suis attentif à la compétitivité des entreprises. Si l'on doit aller à 30 %, ce sera en demandant des efforts supplémentaires à d'autres, au logement ou aux transports.

Il faut savoir aussi que les États sont souverains et ne s'engageront que pour des raisons internes tenant à la compétitivité de leurs propres entreprises. Le passage aux 30 % ne se fera pas nécessairement selon les mêmes règles que celle du paquet climat-énergie ou celles prévues pour atteindre les 20 %. Pour la France, tous les pays devront avoir des quotas d'émission ; à défaut il faudra instaurer une taxe carbone aux frontières de l'Europe. Nous avons une grande ambition pour la planète, mais aussi le souci de la compétitivité de nos entreprises.

M. Jean-Paul Émorine.  - En Europe même, des divergences existent. L'Italie, la Pologne et l'Autriche souhaitent qu'on en reste à 20 %, tandis que le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Belgique plaident pour 30 %. Il serait délicat d'aborder les négociations alors que l'Union ne parle pas d'une seule voix. Votre réponse m'a rassuré. Je vous en remercie.

M. Didier Guillaume.  - « Échec », « faillite », « flopenhague »... Les résultats du sommet sont décevants ; mais pouvions-nous nous attendre à autre chose d'un rassemblement de 192 pays ? Les mesures contraignantes font défaut. La France et l'Union européenne seront-elles capables de reprendre la main pour remettre la communauté internationale en mouvement ?

Jamais un sommet des Nations unies n'avait autant intéressé les peuples ni suscité d'attentes aussi fortes. La déception, cruelle, est à leur mesure. Nos concitoyens, auxquels on demande sans cesse de rouler moins, de préserver l'eau, de trier leurs déchets -alors que la taxe d'enlèvement est toujours plus élevée- ont besoin d'être remobilisés. Lorsqu'ils constatent que les chefs d'État sont incapables de se mettre d'accord, ils se demandent si leurs gestes quotidiens ont encore un sens. Alors qu'ils risquent de devoir payer une nouvelle taxe, la taxe carbone, comment les remobiliser ? La France a un rôle particulier à jouer en Europe ; comment compte-t-elle agir ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Au risque d'être politiquement incorrect, je n'ai pas cette vision, largement répandue, des résultats de Copenhague. Comparons avec la situation antérieure. Peut-on dire que rien n'a changé par rapport à Kyoto ? Y avait-il un financement international en faveur des pays les plus vulnérables, de la forêt, des énergies renouvelables ?

Qu'est-ce qui a été décidé pour les pays du sud à Copenhague ? Dix milliards de dollars par an, puis 100 milliards à partir de 2012. C'est une véritable révolution ! Le problème est de rendre cette décision effective plutôt que de discuter. Est-ce que la Chine, l'Inde et le Brésil étaient auparavant partie au processus ? A compter du 31 janvier, ils se sont engagés à réduire l'intensité carbone de leur croissance, ce qui est conforme à l'engagement de Bali. Ces engagements prennent-ils la forme d'objectifs contraignants à la mode européenne ? Non. Notre déception provient de la manière dont, culturellement, nous envisageons la forme que devraient prendre ces engagements. Mais comment imaginer sérieusement que ces grands pays adhèrent à des mesures que chaque pays européen a acceptées au sein d'une Europe de la paix en reconnaissant la souveraineté européenne.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Pour relancer la mobilisation citoyenne, il faut des victoires mais aussi une parfaite lucidité quant à la situation !

M. René-Pierre Signé.  - C'est sûr !

M. Daniel Raoul.  - Monsieur le ministre, le résultat de Copenhague ne m'a pas surpris. Les quelque 180 pays présents, tel le Mali que je connais mieux à cause d'une certaine ville jumelée avec Bamako, avaient peut-être d'autres urgences que de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Sera-t-on capable d'assurer à bientôt 9 milliards d'êtres humains que comptera la planète l'alimentation et la fourniture en énergie ? Certains pays n'avaient pas compris la nécessité de la gouvernance mondiale pour maîtriser la consommation d'énergie, ils songent à la consommation courante, aux denrées alimentaires, beaucoup plus qu'aux gaz à effet de serre !

Mme Évelyne Didier.  - Le sommet de Copenhague, quand bien même un accord a minima a été trouvé, est indéniablement un échec au regard des attentes qu'il avait suscitées. Si la France n'a pas à rougir de cet échec compte tenu de son implication dans la diplomatie climatique les mois précédents, nous devons maintenant tirer les leçons de ce sommet pour préparer les prochaines réunions de Bonn et du Mexique. Le Président Sarkozy, qui s'était fait l'avocat d'une organisation mondiale de l'environnement avant la conférence, a attribué l'échec des négociations au mode de représentation des pays et à la prise de décision par consensus au sein des institutions onusiennes. Cette remise en cause du multilatéralisme n'est-elle pas dangereuse ? Qu'en est-il du projet de création d'une organisation mondiale de l'environnement défendu par la France ? Comment celle-ci résoudrait-elle le problème de la gouvernance multilatérale de l'environnement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Il ne s'agissait nullement d'une remise en cause du multilatéralisme. Nous avons un problème organisationnel : l'ONU a pour règle la délibération par consensus, mais ce terme signifie-t-il majorité ou unanimité ? Si l'on retient l'unanimité, la situation est bloquée.

Nous sommes très attachés au projet de création de l'OME. Pour mettre le monde en mouvement, mieux vaut prendre le chemin de l'incitation que la contrainte. Sinon, nous ne serons pas plus avancés à Cancun qu'à Copenhague ! Il est indispensable que chacun continent sache précisément ce que font les autres, que tous les pays s'engagent sur la même voie. D'où la nécessité de l'OME. Je serai dès le début de la semaine prochaine à Pékin à la demande de la Chine sur ce sujet. La semaine dernière, les quatre grands émergents, affirmant à New Dehli leur soutien global à Copenhague, ont également invité la France à participer à une réunion sur les 10 milliards pour les pays les plus vulnérables. Un jour, l'OME devrait être le pendant de l'OMC. Certes, nous avons besoin de temps. Parviendra-t-on à la créer dès Cancun ? Je ne le sais pas. Le chemin est long, chaotique, et doit s'accomplir dans le respect de la culture de l'autre !

Mme Évelyne Didier.  - Tout le monde souhaite la création d'une telle organisation afin que le monde ne soit plus seulement organisé autour du commerce, et que l'on tienne compte des questions environnementales et sociales. Pour cela, il faudrait que l'Europe parle d'une seule voix. Or cela n'est pas gagné !

M. Christian Gaudin.  - Le sommet de Copenhague a montré la difficulté de faire accepter aux États-Unis et à la Chine, entre autres, des objectifs contraignants de réduction des gaz à effet de serre. Ainsi les Américains ont-ils un objectif de 4 % en 2020 seulement, quand on demande à tous les pays de réduire de moitié leurs émissions. En revanche, le plan justice climat, proposé par la France, constitue une avancée. Il financera, avec 30 milliards de dollars entre 2010 et 2013 et un objectif de 100 milliards de dollars en 2020, l'accès de tous à l'énergie et à l'eau ainsi que la lutte contre la déforestation. Pour autant, aucun objectif contraignant n'a été décidé. La communauté internationale rejetant une politique environnementale ambitieuse, contraignante et efficace, l'Union européenne n'est-elle pas le cadre pertinent ? La France peut-elle jouer un rôle de locomotive dans ce cadre ? Si l'Union européenne parle d'une seule voix, forte, et ferme, peut-elle sauver les sommets de Bonn et du Mexique sur cette problématique ? (M. Nicolas About applaudit)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - A la lumière du sommet de Copenhague, nous mesurons combien l'adoption du paquet climat énergie européen a constitué une performance extraordinaire. Mais gardons-nous de l'obsession qui consiste à vouloir reproduire ce modèle, produit de notre culture du papier, notariale, à l'échelle mondiale ! Au reste, de nombreux pays européens refusent également les contraintes formelles. Pourquoi la France veut-elle avancer ? Parce que, avec le Grenelle de l'environnement, discuté avec toutes les parties -industriels, ONG, pouvoirs publics, collectivités locales- et voté solennellement au Parlement, la France a fait sa mutation intellectuelle et même, si j'ose dire, sa psychanalyse ! Nous aurons certainement un résultat situé entre 35 et 36 %, soit bien meilleur que l'objectif de 30 %.

L'Europe doit parler d'une seule voix, avez-vous légitimement dit. Mais n'oubliez pas que plus de la moitié des pays européens ne respectent pas le protocole de Kyoto !

M. Christian Gaudin.  - L'Union européenne, pour être un partenaire crédible dans la lutte contre le réchauffement climatique, doit prendre des mesures concrètes, par exemple le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières.

M. Jacques Muller.  - Un mois après le sommet de Copenhague, l'urgence climatique demeure d'une brûlante actualité, même si Haïti sollicite toute l'attention. Ne nous abritons pas derrière l'échec pour rester les bras croisés. Les négociations ont capoté parce que le club des pays industrialisés a refusé d'honorer sa dette écologique à l'égard du reste de la planète. Face à la Chine et aux États-Unis, l'Union européenne n'a pas voulu assumer le rôle de leadership que le monde attendait d'elle. La majeure partie des habitants du monde affiche des émissions inférieures à ce que serait un niveau soutenable en raison de leur pauvreté et la situation actuelle est à mettre au passif des pays du nord qui polluent l'atmosphère depuis plus de 150 ans. Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à défendre, lors du prochain Conseil européen, la résolution adoptée par le Parlement européen le 25 novembre 2009, qui fixe un objectif de réduction de 40 % d'ici 2020 et un transfert de 30 milliards par an vers les pays du sud ? Pour être crédible vis-à-vis de ses partenaires européens, la France doit commencer à honorer sa dette écologique vis-à-vis du sud. Quels efforts budgétaires entend consentir le Gouvernement en ce sens ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Je ne comprends pas ce principe de l'auto-flagellation, qui est contre-productif.

M. Éric Doligé.  - Exact !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - La France est l'un des rares pays à respecter le protocole de Kyoto. Elle est, de plus, dotée d'un appareil législatif efficace...

Mme Nicole Bricq.  - Mais pas d'un appareil fiscal !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - En outre, la France veut aller plus loin. C'est pourquoi elle a proposé l'engagement du Plan justice-climat nord-sud, qui devrait graduellement passer de 10 milliards à 100 milliards vers 2020, bien au-delà des 30 milliards que vous avez évoqués.

D'autre part, qui a imaginé le plan énergies renouvelable-forêt pour l'Afrique, le Cambodge, le Bangladesh et le Laos ? La France !

Je comprends et respecte les enjeux internes, mais il faut veiller à ne pas devenir un porte-parole de la résignation, de l'« à quoi bon ? », qui conduit à se demander pourquoi agir, si les autres ne font pas le nécessaire ?

Vous êtes sincèrement passionné par cette cause, monsieur Müller, mais conservons-lui un peu de magie...

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas de magicien.

M. Jacques Muller.  - Loin de faire de l'autoflagellation, je crois que Copenhague a capoté faute d'engagements concrets.

Nous émettons des gaz à effet de serre depuis 150 ans. Au cours des vingt dernières années, la France a émis 7,4 milliards de tonnes de CO2, soit 370 millions de tonnes par an. En valorisant ses émissions sur la base de feu la taxe Sarkozy, dite taxe carbone, on atteint 126 milliards d'euros en vingt ans, soit 6,3 milliards chaque année. Augmenterez-vous l'aide publique au développement de 6,3 milliards d'euros dans le prochain budget ? (Murmures désapprobateurs au centre et à droite)

M. Jean Bizet.  - Je salue l'engagement diplomatique de la France en vue de la Conférence de Copenhague, un événement exceptionnel réunissant 193 pays et 130 chefs d'État en vue de maîtriser les conséquences environnementales de l'activité humaine.

Cette réunion est une étape dans un long processus, car il faudra d'autres rendez-vous pour établir le nouvel ordre écologique mondial de l'après-Kyoto. Nous devrons les aborder en considérant que, si les pôles de décision se sont déplacés, ils n'ont pas privé l'Europe de son rôle-clé. Certes, nous n'avons pas obtenu de traité, mais nous avons suscité une prise de conscience planétaire.

J'en viens à ma première question. Bien que l'énergie ait joué un rôle moteur dans la construction européenne, trop de différences subsistent entre les politiques des États-membres, malgré le Conseil européen de mars 2007. Comment obtenir davantage d'harmonisation dans ce domaine ?

Deuxièmement, pour éviter des distorsions de concurrence au profit d'entreprises extérieures à l'Union européenne, il convient d'instituer une contribution carbone aux frontières, ce qui inciterait la communauté internationale à s'engager au service de l'environnement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Difficile à réaliser, la politique énergétique commune est en marche, mais la France est attentive à conserver son modèle, relativement intégré. Je me méfie comme de la peste des démantèlements européens et d'une forme de concurrence qui augmenterait les tarifs ou freinerait les investissements. Oui aux capacités de transport communes et réversibles est-ouest, mais attention aux modalités !

L'inclusion carbone aux frontières est indispensable pour adresser un signal-prix à nos industriels. Imaginons qu'un sidérurgiste possède des installations sur le territoire de l'Union et en Extrême-Orient. Si ses productions asiatiques ne subissent pas de contribution carbone, la production européenne risque de disparaître. Il est significatif que les opposants à cette inclusion soient également hostiles à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean Bizet.  - Vous avez raison : tout se résume aux distorsions de concurrence.

Pour faire accepter la transition comportementale par nos concitoyens, il faut que toutes les industries mondiales soient concernées. Plus les négociations sur ce sujet avancent vite au sein de l'Organisation mondiale du commerce, plus la cause de l'environnement progressera dans notre pays.

Mme Bernadette Bourzai.  - Copenhague est un demi-succès ou un demi-échec, selon les points de vue, mais il est clair que nos attentes sont déçues. Il est temps de tenir un langage de vérité sur l'environnement : les négociations internationales sur le climat mettent en jeu des intérêts nationaux peut-être négligeables au regard de l'avenir à long terme de la planète, mais que les négociateurs ne sont pas disposés à sacrifier.

Si notre pays considère indispensable de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre, il ne doit plus délocaliser ses pollutions. Il doit aussi mettre en valeur ses propres ressources.

Copenhague n'ayant débouché sur aucun accord global contraignant, que fait la France -en dehors de l'aide au développement- pour s'opposer à l'importation de produits dont le bilan carbone est pire que celui des industries européennes ?

Ma deuxième question porte sur la valorisation énergétique de la biomasse. Le Président de la République s'est engagé à tripler le prix d'achat de l'électricité ainsi obtenue, mais l'arrêté tarifaire pose des restrictions telles -notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts- que les entreprises les plus à même de créer ainsi des réseaux de chaleur favorisant le développement local perdent le bénéfice de cette annonce, dès lors réservée aux grands groupes du papier ou de la chimie.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Copenhague a marqué une étape sur le chemin post-Kyoto. Samedi dernier, les grands émergents se sont réunis à New Delhi pour soutenir et demander l'amplification du processus. Dans trois jours, 54 pays africains emmenés par le Premier ministre éthiopien, M. Meles Zenawi, et le Premier ministre algérien, M. Ahmed Ouyahia, vont sans doute faire la même démarche. D'ici le 28 janvier, nous serons donc de 130 à 140 pays engagés dans la suite de Copenhague. Le problème sera d'entrer dans le concret, notamment pour appliquer le Plan justice-climat.

En matière de biomasse, nous avons attribué 32 centrales la semaine dernière, dans le cadre d'un appel d'offres. Ce que vous avez évoqué fait partie des contradictions inhérentes aux interférences entre le plan biomasse et le plan santé-environnement, car nous ne souhaitons pas développer cette technique sans filtre à particules. Or, ceux-ci n'existent que pour les centrales produisant plus de 5 mégawatts. J'espère surmonter bientôt cette difficulté.

Mme Nicole Bricq.  - On pourrait considérer que le semi-échec de Copenhague n'interdit pas d'obtenir un traité global, mais l'idée d'un prix mondial du carbone a reculé.

Placés au pied du mur, nous attendons de l'Union européenne qu'elle fixe le cadre permettant aux agents privés de se préparer à la transition écologique. Or, toute fiscalité assise sur le carbone a été refusée jusqu'ici par l'Europe, qui a tout misé sur le marché du carbone depuis les années 1990. Si nous persistons dans cette direction, il faut réussir à réguler ce marché ; si nous optons pour la fiscalité, il faut obtenir l'unanimité, mais en tout état de cause ce travail est indispensable, surtout en vue des enchères qu'il faudra lancer à partir de 2012 sur le marché des quotas, car, à 13 euros par tonne, le marché des quotas ne fixe pas le prix du carbone, ni pour l'Europe, ni pour le monde !

M. le président.  - Je remercie le ministre d'État pour sa participation à ce débat majeur que nous devrons reprendre au cours des mois à venir.

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 18 heures.

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Je m'étonne et je regrette que, sur un projet de loi si important et qui réforme toute notre organisation territoriale, le ministre de l'intérieur ne soit pas présent.

M. Nicolas About.  - On a le meilleur des ministres !

M. Jean-Jacques Lozach.  - La création du conseiller territorial est l'artifice trouvé par le Gouvernement pour diminuer les pouvoirs locaux. Ce conseiller n'a été ni préconisé, ni souhaité, ni demandé par personne, par aucune association d'élus, par aucune formation politique ! Il fallait, c'est certain, clarifier les relations entre les collectivités locales et la répartition des compétences entre elles. Ce devait être à l'origine l'objectif premier de ce texte. Mais entre-temps, les intentions ont bien changé et, au lieu de la lisibilité attendue, c'est de la confusion que vous introduisez entre région et département. Les communes et groupements communaux, eux aussi, voient leurs perspectives brouillées, qu'il s'agisse de leurs projets ou de leurs relations avec leurs administrés ou avec les services déconcentrés de l'État. Beaucoup craignent l'apparition de luttes d'influence et la tutelle d'un échelon sur l'autre. Bien sûr ce sera la région qui écrasera le département, mais elle n'en sortira pas renforcée pour autant, car après 25 ans, c'est un premier coup d'arrêt qui lui est asséné avec la suppression de la clause de compétence générale. Et les présidents de région passeront leur temps à arbitrer entre les présidents des conseils généraux, arbitrage qui est contraire au principe de libre administration des collectivités locales.

Le mode scrutin, que personne ne comprend -je vous mets au défi de l'expliquer clairement à qui que soit- est, lui aussi, éloigné de notre tradition électorale. Les cantons sont redécoupés, après le redécoupage des circonscriptions. Tout cela sent la manipulation électorale. Situation voisine de celle qui avait précédé la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997... Qui n'a pas porté chance à son auteur.

C'est la fin de la notion de proximité. Nous, nous voulons aller vers davantage de décentralisation, c'est-à-dire vers plus de proximité. La disparition des élus et des services publics de proximité -tout comme le changement de statut de La Poste (marques d'exaspération à droite)- va contre le sens de l'histoire, surtout en cette période de mondialisation où cette proximité redouble d'intérêt.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Votre loi est inapplicable. Vous porterez la responsabilité d'avoir abaissé la démocratie locale, nous porterons la responsabilité de l'avoir défendue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacky Le Menn.  - Un collègue disait tout à l'heure que ce conseiller territorial serait un élu génétiquement modifié. Ou un Ovni...

Laissons un instant nos attitudes partisanes pour examiner sereinement le mode de gestion de nos collectivités territoriales. Le conseiller régional s'occupe de politiques publiques d'envergure qui doivent être cohérentes avec les politiques nationales et départementales. Cela lui demande beaucoup de travail. De son côté, le conseiller général a pour champ d'action le social et la solidarité, ce qui exige également beaucoup de temps et de disponibilité. Il doit s'occuper de la politique familiale, de la petite enfance, du maintien à domicile des personnes âgées ou de leur placement en établissement ; il doit mettre en oeuvre la loi de février 2005 sur le handicap, laquelle requiert un suivi exigeant ; il s'occupe aussi de l'insertion et du RSA -qui ne prend pas le chemin de la réussite... Tout cela mobilise le conseiller général, mais il n'exerce pas le même métier que le conseiller régional ! Et je ne parle pas des distances à parcourir... dévoreuses de temps. Donc, si nous raisonnons sereinement, nous comprenons bien que, si l'on veut que nos collectivités soient au moins aussi bien gérées qu'actuellement, il ne faut surtout pas instaurer ce conseiller territorial. Et je ne pense pas que la majorité sénatoriale s'obstinera à placer la gestion de nos collectivités locales dans le rouge ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume.  - Dans un débat si important sur l'organisation des collectivités territoriales, l'absence du ministre de l'intérieur, en charge de ces collectivités, témoigne d'une curieuse conception de l'administration territoriale...

Cette loi n'est pas une loi ordinaire, elle ne veut pas dire son nom, c'est un cheval de Troie qui prépare le démantèlement de notre organisation administrative et politique, la fin de la décentralisation, la disparition du département. Il suffisait, pour s'en convaincre, d'écouter le Président de la République hier soir, nous raconter que l'évolution institutionnelle en Guyane préfigurait celle de la métropole.

Dans nos départements, lors de nos discussions avec les maires ou les conseillers généraux, nous n'avons pas encore trouvé un seul élu de droite qui approuve la création de ce conseiller territorial...

M. Éric Doligé.  - Mais non !

M. Didier Guillaume.  - ...à part, bien sûr, M. Doligé dans le Loiret.

Pourquoi ? Parce que c'est la fin de la ruralité et de la proximité, c'est la fin du lien entre le citoyen et son territoire. Au moment où les cantons ruraux sont en difficulté, désertés par les services publics, il ne leur reste que les départements pour les défendre !

Voulons-nous poursuivre la décentralisation, affirmer que la France est une République une et indivisible, certes, mais aussi décentralisée, voulons-nous que les collectivités locales continuent à jouer leur rôle dans l'aménagement du territoire, dans les solidarités territoriale et humaine ?

Outre le fait qu'il est démagogique de dire que les élus coûtent cher, la diminution par deux du nombre de conseillers marque une nouvelle conception de la République. M. le Premier ministre, Pierre Mauroy, l'a dit tout à l'heure. C'est pourquoi nous nous opposons à la création du conseiller territorial et nous voterons contre cet article. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne pouvais pas ne pas régir après les interventions de MM. Longuet et Maurey.

M. Longuet a estimé que nous traitons avec désinvolture ces questions fondamentales. Mais comment traitez-vous nos travaux ? Que reste-t-il de la mission Belot, du rapport Krattinger et Gourault ? Nous avons déposé un certain nombre d'amendements pour améliorer ce projet de loi. M. le rapporteur a consacré 58 secondes pour nous répondre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Allons !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous savez bien, monsieur le président, que nous n'en avons jamais discuté. Que l'on pose des questions fondamentales ou non, la réponse est toujours la même ! Il faut voter le texte du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est bien normal ! Cela s'appelle le fait majoritaire...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si nos interventions vous déplaisent, ne vous en prenez qu'à vous-même !

Si je reconnais la difficulté de M. Maurey à ramener dans le giron gouvernemental certaines brebis égarées, cela ne l'autorise pas à dire n'importe quoi, notamment sur le scrutin en vigueur dans les communes de moins de 500 habitants. Non, ce n'est pas faire insulte à ces communes que de vouloir leur appliquer le mode de scrutin utilisé pour élire les autres conseils municipaux. Ce serait leur faire insulte de vouloir que ces toutes petites communes aient un maire, une équipe, un programme ? Ce serait leur faire insulte de dire que nous ne voulons plus de ce mode de scrutin qui est un « assassinat entre amis » ? Vous savez bien que si, dans une commune de 200 habitants, un clan contrôle 50 voix, il n'y a qu'à figurer sur la liste du maire et à faire ensuite voter contre lui pour être maire à sa place ! Vous avez tous vécu ce type de situation !

On nous dit que les maires ruraux ne veulent pas de cette modification de scrutin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous ne connaissons pas les mêmes maires !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Peut être ne fréquentons-nous effectivement pas les mêmes maires. Pourtant, l'Association des maires ruraux de France est favorable à cette idée, comme elle l'était il y a vingt ans à l'intercommunalité alors que peu de gens en voulaient.

Puisque vous en êtes à écouter les maires ruraux, écoutez ce qu'ils vous disent lorsque vous voulez supprimer les conseils généraux ou la compétence générale pour les départements et les régions.

Certes, il y a débat, mais évitons les caricatures. En dotant toutes les communes du même mode de scrutin, nous irions de l'avant. (Applaudissements socialistes et sur divers bancs CRC-SPG)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Notre collègue Sido a estimé que nous ne respections pas le Règlement. Mais nous faisons de la pédagogie et pas de l'obstruction !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Et il le dit en riant !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Nous essayons de vous faire comprendre que ce n'est pas en faisant passer au canon cette réforme, alors que les élus et nos concitoyens sont inquiets, que vous parviendrez à vos fins. Vous n'avez effectivement pas fini de nous entendre. Alors que nous voulons débattre de la création des conseillers territoriaux, vous nous répondez : votez, on verra plus tard.

Dans son discours de Saint-Dizier, le 20 octobre, le Président de la République présentait ce nouvel élu comme le premier pilier de la réforme, fruit d'une longue réflexion. Nous ne proposons pas, a-t-il dit, de supprimer le département ou la région mais de rapprocher les deux. Or il ne s'agit pas d'une simplification ni d'une amélioration mais plutôt d'un mauvais compromis, voire d'un contresens. Si le rapprochement de deux collectivités peut se concevoir, il eût été préférable de distinguer d'un côté le bloc des investissements stratégiques avec l'Europe, l'État et la région et, de l'autre, le bloc des partenariats de proximité, composé de la commune, des intercommunalités et des départements. Il n'est pas logique de rapprocher les conseiller généraux et régionaux. Nos concitoyens ne comprendront pas non plus qu'il n'y ait qu'un seul élu pour deux collectivités qu'ils ont déjà du mal à distinguer. Chaque élection fera l'amalgame entre des projets et des bilans contradictoires, défendus par des élus cumulards chargés du département et de la région. Ils seront toujours sur les routes, entre deux réunions, entre deux commissions, et on parlera d'absentéisme : cette loi va l'organiser. Ce conflit d'intérêt permanent se traduira inévitablement par un recul démocratique et un affaiblissement du rôle stratégique de la région qui, depuis la décentralisation de 1982, a su démontrer de formidables atouts de développement.

Le conseiller territorial met fin aux dépenses redondantes et aux actions concurrentes ? Moins de 10 % des financements des régions sont croisés avec les départements, alors que ce ratio monte à 30 % avec l'État qui sollicite régulièrement les collectivités pour financer ses propres investissements, comme le TGV-est dans ma région.

La création du conseiller territorial va réduire de moitié le nombre d'élus locaux mais permettra-t-elle de faire des économies ? C'est peu probable, d'autant qu'il faudra sans doute construire de nouveaux hémicycles. Quel sera le statut de ce nouvel élu ? Quelle sera son indemnité, sa couverture sociale ? Au final, tout cela reviendra aussi cher qu'avant.

Quid de la constitutionnalité de cette réforme ? Comme le conseiller territorial siégera à la fois au conseil général et au conseil régional, il sera en contradiction avec le principe de non-tutelle d'une institution sur une autre. En outre, l'élection du conseiller territorial se fera au scrutin uninominal à un tour majoritaire pour 80 % d'entre eux. Quelle sera la légitimité de ces élus ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une reprise en main des collectivités perdues par la droite ? De plus, la parité homme femme sera mise à mal, malgré les dénégations de M. Marleix.

Ce scrutin qui revient sur le principe des élections à deux tours en vigueur depuis le début de la République, ne respecte pas l'égalité des citoyens devant le vote.

Cet article témoigne d'une volonté de recentralisation du pouvoir. Réformer oui, mais en faisant confiance aux élus, et l'intelligence territoriale qu'ils représentent. Bref, il faut continuer la décentralisation et non pas liquider le moindre contrepouvoir. (Applaudissements socialistes)

M. Jean-Jacques Pignard.  - Quitte à peiner le président Fischer, je ne voterai pas l'amendement de suppression. Comme l'a dit M. Fortassin, je fais sans doute partie des 10 % d'élus de la majorité qui approuvent sans état d'âme la création du conseiller territorial. Je comprends et je partage les interrogations sur le mode de scrutin et sur la compétence générale. Mais je tiens à dénoncer un faux procès : celui de l'incompatibilité qu'il y aurait entre l'enracinement dans un territoire et le souci de la prospective. A entendre certains orateurs, il y aurait aujourd'hui deux types d'élus et d'assemblées. Des conseils généraux qui ne se soucieraient que du local, voire du subalterne (exclamations socialistes) et des conseils régionaux qui auraient le souci de la noblesse et de la prospective. Bref, il y aurait des élus de cantonniers et des élus d'ingénieurs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) Les uns auraient les pieds dans la glaise tandis que les autres auraient la tête dans les étoiles. (« Mais non ! » sur les bancs socialistes)

J'ai entendu parler de « la République des giratoires » et de « la cantonisation des régions ». Mme Demontès a même estimé que seuls les conseils régionaux pouvaient penser globalement.

Depuis seize ans, je suis conseiller général et il m'est arrivé de penser globalement, notamment dans des grands dossiers culturels que les élus du Rhône connaissent bien.

Les conseillers généraux, comme les conseillers régionaux, peuvent avoir le souci de leurs territoires

M. Jean-Marc Todeschini.  - On le sait !

M. Jean-Jacques Pignard.  - Il faut cesser d'opposer ces élus ! Ne sommes-nous pas à la fois parlementaires et élus locaux ? C'est une tradition républicaine et française, car chez la plupart de nos voisins, on ne peut cumuler ces deux fonctions. Est-ce que le fait d'être à Paris nous empêche de faire de la proximité, d'aller voir nos concitoyens et nos électeurs ? Non ! Est-ce que le fait d'être élu local et parlementaire cantonalise nos fonctions parlementaires ? Non plus !

Je suis fondamentalement optimiste.

On peut retrouver dans le même homme le souci du territoire, de la proximité et de la prospective ; le conseiller territorial peut être un cantonnier et un ingénieur, avoir les pieds dans la glaise et la tête dans les étoiles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre ainsi qu'à droite)

M. Guy Fischer.  - Nous voulons dire notre totale opposition à la création du conseiller territorial.

M. Nicolas About.  - C'est fait !

M. Guy Fischer.  - On ne peut que dénoncer une politique qui vise à une réduction drastique des dépenses publiques et au démantèlement des trois fonctions publiques. Le Gouvernement affirme que cette réforme est indispensable ; nous refusons absolument la perte de ce qui fait notre enracinement dans les régions, dans les départements, dans les villes, de ce qui nous permet d'appréhender, par exemple, les problèmes des grands quartiers.

Comme tous les sénateurs du Rhône, j'ai écrit aux élus des 293 communes, j'ai été à la rencontre du plus grand nombre possible et j'ai perçu des interrogations, de vives oppositions. Ce projet vise à la disparition à terme des départements. Quelles politiques pourront-ils alors mener ? Avec le désengagement de l'État, ils supportent le RSA, l'APA, ou encore la prestation compensatoire de handicap. Je pense particulièrement au devenir du million de chômeurs qui arriveront en fin de droits en 2010. Ce n'est pas le démantèlement de l'ANPE et des Assedic qui leur apportera des réponses concrètes. Certains (16 %) auront droit à l'ASS, d'autres (22 %) percevront le RSA, mais les autres ? Ce sont 600 000 Français qui seront privés de tout revenu de remplacement.

Le jeudi 28 janvier, se tiendra une conférence des finances publiques, entendez une conférence du déficit. Nicolas Sarkozy veut récupérer 50 milliards sur 1 000 milliards et faire payer aux plus pauvres ce qu'il a donné aux banques pendant la crise.

Non, on ne peut accepter qu'il y ait moins de démocratie et plus de difficultés pour les plus modestes. Il faut dire non à cet article, à ce projet ! (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Quel spectacle extraordinaire...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est vous qui le faites !

M. François Fortassin.  - Situation ubuesque, il y aura des conseillers territoriaux enracinés dans un terroir et des conseillers territoriaux hors sol...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Comme les conseillers régionaux...

M. François Fortassin.  - Il y aura dans les départements des assemblées croupions et dans les régions des assemblées pléthoriques. La région Midi-Pyrénées pourrait compter 200 à 250 conseillers territoriaux. Ce ne sera pas évident et je souhaite bien du plaisir à son président, un élu de base dans son département, qui comptera dans son conseil les présidents des conseils généraux plus le président de la métropole. Il lui faudra d'autant plus de talent pour réaliser les arbitrages que les ressources des régions seront réduites de moitié.

M. Bruno Sido.  - Exact !

M. François Fortassin.  - Tout se passe comme si l'État dont les finances sont dans une situation si catastrophique qu'il est comme un bateau faisant eau de toute part, manifestait sa jalousie pour nos collectivités qui ont su investir sans s'endetter -un miracle au moment où on nous reproche d'avoir créé trop d'emplois... Pourquoi couper les ailes d'élus locaux dont les qualités de gestionnaires sont éclatantes ? Voilà une curieuse conception de la démocratie.

En renforçant par petites touches le rôle des préfets, on poursuit le démantèlement de la décentralisation. Il est encore temps de vous reprendre. Pensez qu'une loi difficile à comprendre porte déjà les stigmates de la non-démocratie et que c'est encore plus grave en ces temps d'individualisme triomphant. Avec la plupart des membres de mon groupe, je voterai contre cet article mais j'espère que le bon sens l'emportera et que vous renoncerez à votre suivisme envers le chef de l'État. Ce serait bon pour le pays ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - J'ai attentivement écouté toutes vos critiques contre le conseiller territorial, cet élu nouveau qui aurait, quelle horreur, une double casquette et risquerait, excusez du peu !, la schizophrénie. Il serait impossible de siéger dans deux collectivités ? Mais, mes chers collègues, cela existe déjà : je siège au conseil municipal de ma commune et dans l'intercommunalité. (Exclamations à gauche) Ce sont deux collectivités différentes et aux compétences essentielles. D'une vraie pauvreté, votre argumentation est absurde. Quand le conseiller territorial siègera en formation départementale, rien n'aura changé pour les transports. Quant à la formation régionale, ayant siégé au conseil régional de 1986 à 2002, je peux vous dire qu'en Aquitaine, un conseiller régional de Gironde va dans les Pyrénées-Atlantiques, en Dordogne ou dans le Lot-et-Garonne, de même que l'élu de ces départements vient à la métropole. Votre argumentation est décidément d'une pauvreté affligeante. (Oh ! à gauche ; applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Puisque nous nous devons la vérité dans cet hémicycle, constatons que l'un des objectifs de la réforme est de réduire de moitié le nombre des élus. Le moment est d'importance car on touche aux fondements institutionnels de notre vie démocratique. Cette réforme induira un véritable bipartisme dans les collectivités territoriales et les élus, devant la difficulté à cumuler leurs responsabilités départementales et régionales, délègueront aux techniciens.

D'autant que le conseiller territorial ne compterait que pour un mandat... Nous sommes totalement opposés à ce démantèlement, qui est une véritable bombe à retardement. (Applaudissements à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - La création du conseiller territorial serait une idée bien saugrenue si elle n'était dictée par des considérations politiques inavouées : faire des économies, mais aussi passer la corde autour du cou des départements et des communes !

J'ai longtemps siégé au conseil général de la Nièvre, aux côtés de François Mitterrand : outré des pouvoirs exorbitants du préfet, il ne supportait pas que les élus, qui votaient le budget, soient contraints d'aller quémander des subventions, casquette à la main. De cette irritation est née la décentralisation, choix politique majeur de sa présidence, appréciée des élus de tous bords.

Rogner les pouvoirs des élus locaux, c'est revenir à cette infantilisation, alors que François Mitterrand avait voulu faire des élus des adultes. Ce projet de loi dépossède les conseils généraux de tout pouvoir et de toute autonomie. Le conseiller territorial porte en lui le germe du retour à la centralisation. Un élu pour deux assemblées, aux compétences différentes -rien à voir, madame Des Esgaulx, avec les conseillers municipaux et intercommunaux, qui font partie du bloc communal ; (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'exclame) autant dire, des assemblées sans élus ! Sans parler du problème constitutionnel...

Nous allons soit vers une cantonalisation des régions, soit, plus sûrement, vers une régionalisation des départements. Sous tutelle, ils verront leur autonomie politiquement et financièrement réduite. Avec un budget dicté par l'État, que restera-t-il pour l'initiative départementale propre, traduisant un choix politique ? Le département pourra aussi bien être géré par un fonctionnaire !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - C'est l'apocalypse...

M. René-Pierre Signé.  - Cette recentralisation va à l'encontre des grandes lois de décentralisation. (Marques d'impatience à droite)

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. René-Pierre Signé.  - Cette démarque archaïque, ce recul de la démocratie, seront fort mal perçus par les Français ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Madrelle.  - Cette réforme habile, voire diabolique, détourne l'attention du statut de l'élu local pour anticiper une véritable révolution institutionnelle. Elle porte en germe, selon le mot de M. Balladur, « l'évaporation » progressive des départements et, partant, des communes, vieux rêve rationalisateur de ceux qui prônent les fusions de régions et de départements. On imagine la République dans une trentaine d'années : une féodalité républicaine aux mains d'une oligarchie qui revendiquera bientôt des pouvoirs règlementaires, voire législatifs, sur le modèle fédéral ! Pour la France, ce serait un changement brutal de régime. La démocratie française prend racine dans ses 550 000 élus locaux plutôt que dans ses partis ou ses syndicats, plus faibles que dans les autres pays. Peut-on se passer de cette formidable école d'engagement républicain, de cette démocratie de proximité ?

Le fédéralisme a deux visages : celui qui tisse l'unité nationale, comme en Allemagne, et celui qui la défait, comme en Belgique. C'est la nature de la République et son évolution qui sont en jeu. Vous jouez avec le feu en créant ce conseiller territorial ; vous recentralisez les pouvoirs, vous brisez les lois Defferre. C'est un terrifiant retour en arrière de 30 ans ! Il serait triste que le Sénat ne puisse rassembler une majorité pour rejeter cet article premier, ce monstre à deux têtes qui va affaiblir la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Rachel Mazuir.  - N'en déplaise à M. Longuet, je vais parler du fond.

M. Bruno Sido.  - Avec de nouveaux arguments ?

M. Rachel Mazuir.  - A ce bal des faux-culs, les maîtres à danser sont surtout avaleurs de couleuvres... Nombreuses sont les cérémonies des voeux où j'entends les maires s'inquiéter de la réforme.

M. Nicolas About.  - Vous nourrissez leur inquiétude !

M. Jean Bizet.  - Désinformation !

M. Rachel Mazuir.  - Même les élus de la majorité la défendent bien mollement. Mme Des Esgaulx s'est contentée de critiquer nos arguments ; va-t-elle défendre la réforme en elle-même ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ça viendra !

M. Rachel Mazuir.  - Vous pensez gagner à moindre frais -mais au fond, vous devez recourir à la méthode Coué pour vous en convaincre. Les Français ne souhaitent pas le retour d'un État autoritaire réglementant leur quotidien -ce que vous proposez en asphyxiant les communes et les départements, avant leur « évaporation » programmée... Maires et présidents de conseil général iront quémander l'aumône auprès des préfets. A la République des citoyens, de la décentralisation, vous voulez substituer la République de quelques-uns. Cette contre-réforme est un danger pour l'avenir de nos territoires, pour la France des citoyens responsables et engagés.

Je continuerai à combattre ce projet de loi, à commencer par cet OGM qu'est le conseiller territorial. (Applaudissements à gauche)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Régression démocratique sans précédent, la suppression de la moitié des élus locaux est une aberration. Où se cache la modernité dans l'avènement de ce nouveau potentat local ? Loin d'améliorer l'efficacité, on risque d'accroître la confusion et l'absentéisme. Conseil général et conseil régional ont des compétences différentes.

S'agit-il d'améliorer la coordination entre région et département ? La création des conseillers territoriaux vise surtout à supprimer le département. Ce seront inévitablement des professionnels de la politique. Et vous parlez d'avancée démocratique ? L'élu local ne doit-il pas être au plus près des citoyens, pour répondre à des besoins que votre politique de remise en cause des services publics rend chaque jour plus pressants ?

Remise en cause du pluralisme et de la parité, recul démocratique, reprise en main des collectivités par l'État : voilà à quoi se résume ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Cartron.  - Cet article premier est au coeur de la réforme : la création du conseiller territorial est bien l'objet principal de ce texte dont la conséquence première sera de mettre à mal l'action publique locale. Recentralisation, perte d'autonomie des collectivités, ruralité maltraitée : tous ces points ont largement été évoqués.

Qui sera ce nouvel élu ? On ne prend guère le risque de se tromper en affirmant qu'il sera le plus souvent un homme. Vous n'avez cessé, monsieur le secrétaire d'État, de chercher à éviter le sujet. A l'évidence, votre projet porte atteinte à la parité. Les délégations aux droits des femmes des deux assemblées s'en sont émues. A la question que vous posait Michèle André, vous avez répondu par la lecture d'une fiche sur un autre sujet. Dans un communiqué de presse publié en décembre, vous niiez le recul de la parité, sans apporter pourtant de chiffres probants.

De fait, l'effet du mode de scrutin uninominal sur la représentation des femmes sera automatique. Qu'il suffise de rappeler que les assemblées régionales, élues au scrutin de liste, comptent 47 % de femmes, quand les conseils généraux n'en comptent que 12,3 %, ce qui place notre pays parmi les bons derniers pour la place des femmes dans la vie politique. Votre réforme ne le fera pas remonter... Les projections sur la base des cantonales de 2008 donnent au mieux 20 % de femmes. Vous n'hésitiez pas, il y a peu encore, à déclarer qu'avec 20 %, l'objectif est satisfait. Cerise sur le gâteau, le conseiller territorial pourra bénéficier d'une suppléante. Voilà une vraie marque de progrès ! Vous n'hésitez pas à déclarer que les femmes seront mieux représentées dans les instances communales, puisque le scrutin de liste s'appliquera dans toutes les communes de plus de 500 habitants. Il faut vous remercier de votre ouverture d'esprit ! Vous inventez la répartition des tâches politiques : aux femmes la proximité, aux hommes les enjeux stratégiques. Belle reconnaissance pour toute les élues qui ont largement fait leurs preuves ! Votre texte, contraire en cela à la Constitution, bafoue le principe de parité. Je voterai contre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Voilà près de trois heures que vous dressez un tableau d'apocalypse de cette réforme. Sachez cependant que les questions que vous avez l'un après l'autre soulevées, je me les suis posées, puisque voilà plus de six mois, le Gouvernement m'a demandé de réfléchir, avec M. Perben, sur l'organisation territoriale. Nous nous sommes beaucoup déplacés. J'ai rencontré, en l'une de ces occasions, un président de conseil général qui m'a bien précisé s'exprimer au nom de sa majorité. Il me disait n'être pas opposé à voir les élus des départements choisis sur la base d'un scrutin cantonal élargi et pouvant devenir, sur la base du même scrutin, élu régional.

M. Bruno Sido.  - Voilà !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Lorsque l'on m'a demandé de faire des propositions, je me suis tout simplement inspiré de ces idées. Ce président de conseil général m'a fait une autre confidence : le renouvellement partiel nuisait, selon lui, à la lisibilité et à la continuité de l'action publique. (On s'amuse à gauche)

M. Bruno Sido.  - Dites donc de qui il s'agit !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Il était enfin favorable à voir les élus décider en commun des modalités de répartition et de mise en oeuvre et de la clause de compétence générale. Tous ces propos reprenaient le texte adopté par sa majorité, qu'il m'a fait parvenir. Je suis élu de Mâcon, et le président de conseil général dont je vous parle n'est autre qu'Arnaud Montebourg. (Mêmes mouvements à gauche)

M. Bruno Sido.  - C'est embêtant.

M. Claude Domeizel.  - On a commencé à parler dans cet hémicycle des conseillers territoriaux avec le texte sur la concomitance des élections, et les voilà aujourd'hui. Je suis toujours de ceux qui aimeraient savoir quel sera leur nombre et quel sera leur mode d'élection. Siégeant à la fois au conseil régional et au conseil général, le conseiller territorial deviendra un permanent de la politique, sillonnant sa circonscription, de Briançon à Marseille, de Marseille à Cannes...

Certains ont dit que l'on revenait à l'Établissement public régional. Mais la loi de 1972 ne prévoyait pas que les représentants des chefs-lieux soient nécessairement élus du conseil général. Je me demande comment se passeront des réunions de conseils généraux où siègeront à la même table un président de conseil régional, un président de conseil général, des vice-présidents... Il sera bien difficile de délibérer...

Quant au mode de scrutin, uninominal à un tour, il pénalise la représentation des femmes. Les simulations laissent espérer 15 à 20 % tout au plus de conseillères territoriales, alors que les femmes sont aujourd'hui plus de 48 % dans les conseils régionaux.

Combien, donc, de conseillers territoriaux ? Si l'on fait le total des conseillers, généraux et régionaux, qu'on le divise par deux et que l'on répartit au prorata de la population, on se retrouve, pour les Alpes-de-Haute-Provence, avec six conseillers territoriaux, dont 20 %, nous dit-on, seront élus à la proportionnelle. Sur six, mieux vaudrait dire sera, car un seul sera concerné. Imaginez un conseil général à six : tout le monde sera président ou vice-président... Si la majorité compte quatre élus sur six, le département sera donc entre les mains de quatre personnes...

Le ministre nous dit alors que l'on comptera au moins vingt conseillers territoriaux par département. Soit. Cela fait donc quinze pour les Hautes-Alpes, 35 pour les Alpes-Maritimes, dix-huit pour le Vaucluse, 33 pour le Var, et 64 pour les Bouches-du-Rhône. Mais si l'on rétablit les proportions, nous passons à 75 pour les Alpes-Maritimes, 120 pour les Bouches-du-Rhône, 60 pour le Var, 41 pour le Vaucluse. Et nous voilà avec une assemblée de 330 élus. Je vous souhaite, monsieur le ministre, beaucoup de plaisir pour trouver une solution à cet épineux problème, qui doit être celui de bien des départements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Teston.  - Le Gouvernement semble considérer que la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la Nouvelle-Calédonie est transposable à ce projet de loi. Je ne suis pas de cet avis. L'article 72 de la Constitution pose le principe selon lequel l'administration d'une collectivité territoriale est assurée par un conseil élu, ce qui semble vouloir dire : des élus distincts pour une collectivité distincte. Ce n'est pas cette logique qu'a suivie le Conseil constitutionnel, qui a estimé que si le territoire était administré par une seule assemblée, rien n'empêchait de confier aux élus une double fonction, territoriale et régionale. Cette jurisprudence ne peut nous être opposée, pour deux raisons.

La première est que si la création du conseiller territorial opère une quasi-fusion des départements et des régions, ces deux collectivités subsistent avec deux personnes morales distinctes, deux budgets distincts et des compétences distinctes. C'est dire que l'article 72 de la Constitution n'est pas respecté. Soit on fusionne pour créer une collectivité nouvelle unique, soit on conserve les deux niveaux et, partant, leurs deux assemblées.

Surtout, le texte porte atteinte au principe constitutionnel selon lequel il ne saurait y avoir de tutelle d'une collectivité sur une autre. En cas de coopération entre collectivités, n'est ainsi autorisé que le chef de filat. Or la mission des conseillers territoriaux peut leur permettre d'orienter la prise de décision au niveau régional en fonction d'intérêts départementaux ou la prise de décision au niveau départemental dans un sens favorable à la région.

Se pose aussi le problème du mode d'élection. Traditionnellement, l'élection a lieu au scrutin uninominal à deux tours. Guy Carcassonne, dans un excellent article publié dans Libération le 10 novembre 2009, déduit de cette « habitude » un principe fondamental, dont le non-respect est de nature à amener le Conseil constitutionnel à s'opposer à la création du conseiller territorial. De nombreux juristes partagent cette analyse : mon intervention s'inspire de celle faite par Mme Chavrier dans la livraison de décembre 2009 d'Actualités juridiques de droit administratif.

Je suis fermement opposé à ce texte. La création du conseiller territorial pose d'énormes problèmes, dont le moindre n'est pas sa constitutionnalité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Luc Fichet.  - En cette période de voeux, les élus locaux m'interrogent : qu'est-ce que cette réforme territoriale ? Je réponds que les communes restent, qu'on conserve les intercommunalités, que les départements et les régions pour l'instant subsistent et que les régions, ma foi, ne sont pas menacées, qu'on y ajoute enfin les métropoles... Que rien ne change, en fait, dans le fameux millefeuille. On me demande alors : et le conseiller territorial ? Je dis que pour ce que j'en ai compris, c'est une sorte d'élu hybride entre le conseiller général et le conseiller régional, qui sera un élu à plein temps mais conservera sa vie professionnelle, qui siégera dans toutes les assemblées, tous les syndicats, toutes les associations, qui sera omniprésent et peu avare de ses déplacements... Superman, en quelque sorte...

Quand je dis aux élus qu'une des raisons de la réforme est la réduction des coûts, ils se sentent offensés. D'autant que les coûts ne vont pas diminuer. Comme le conseiller territorial ne pourra pas tout faire, on a prévu que les suppléants soient actifs et qu'ils siègent là où le titulaire ne pourra pas siéger. Il faudra les indemniser. Résultat : 3 000 titulaires plus 3 000  suppléants, 6 000 élus... On réforme, nous dit-on, pour organiser mieux, pour travailler mieux, pour mieux servir les intérêts du plus grand nombre. Sauf que le conseiller territorial sera si encombré par ses missions et représentations qu'il ne sera pas disponible. Je dis aux élus qui m'interrogent : ne croyez pas qu'il pourra relayer vos préoccupations, il n'en aura pas le temps...

En fait de réforme, le Gouvernement a entrepris de bouleverser notre paysage politique à la seule fin de servir un parti, sans le moindre souci des dégâts collatéraux. Je ne soutiendrai pas ce texte, je ne le défendrai pas, je ne le voterai pas. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Haut.  - Je m'opposerai à la création de cet élu hybride non encore identifié qu'est le conseiller territorial. M. le rapporteur a cité les confidences d'un président de conseil général de notre bord qui serait favorable à la réforme -nous verrons ce qu'il en sera au moment du vote ; je suis persuadé qu'on pourrait aisément trouver de ses collègues de la majorité qui y sont opposés...

Ce texte met côte à côte des collectivités qui n'ont rien à voir entre elles, qui interviennent sur des champs totalement distincts. Le conseiller général est l'élu du lien social et de la proximité, le conseiller régional celui des grandes décisions d'aménagement du territoire. Demain, le nouvel élu ne pourra être à la fois dans son canton, sillonner son département, siéger à la région. C'est la disparition des départements qui est programmée, ce qui ne renforcera pas les régions mais les affaiblira. Cette recentralisation déguisée est une régression démocratique, ne serait-ce que pour la parité.

Le Gouvernement peut encore se ressaisir. Nos collectivités sont inscrites dans la Constitution, elles sont des entités à part entière de la République. Après la suppression de leur autonomie, il est de bien mauvais augure de vouloir les faire disparaître ou de les regrouper d'office. Pour toutes ces raisons, je m'opposerai à l'article premier. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Conférence des Présidents

M. le président.  - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

Semaines réservées par priorité au Gouvernement

MERCREDI 27 JANVIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

JEUDI 28 JANVIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

MARDI 2 FÉVRIER 2010

A 9 heures 30 :

- Dix-huit questions orales :

A 14 heures 30, le soir et la nuit :

- Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

MERCREDI 3 FÉVRIER 2010

A 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

JEUDI 4 FÉVRIER 2010

A 9 heures 30 :

- Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales ;

A 15 heures, le soir et la nuit :

- Questions d'actualité au Gouvernement.

- Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Semaine sénatoriale de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques

MARDI 9 FÉVRIER 2010

A 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

- Question orale avec débat de M. Jacques Mézard à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur le renforcement des droits des personnes placées en garde à vue (demande du groupe du RDSE).

- Question orale avec débat de Mme Michèle André à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur la situation des personnes prostituées (demande de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes).

De 17 heures à 17 heures 45 :

- Questions cribles thématiques sur l'hôpital.

Ordre du jour fixé par le Sénat :

A 18 heures :

- Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

A 19 heures 30, dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Alain Pichon, Doyen des présidents de chambre de la Cour des comptes, faisant fonction de Premier président.

MERCREDI 10 FÉVRIER 2010

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

A 14 heures 30 :

- Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste.

- Proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire, présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. Louis Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

JEUDI 11 FÉVRIER 2010

A 9 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :

- Proposition de loi visant à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail, à instaurer la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail et à intégrer le montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versé par les entreprises dans leur chiffre d'affaires soumis à l'impôt sur les sociétés, présentée par Mme Annie David et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

A 15 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

- Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

- Proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, présentée par M. Christian Cambon et plusieurs de ses collègues du groupe UMP.

Semaines réservées par priorité au Gouvernement

LUNDI 15 FÉVRIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2010.

MARDI 16 FÉVRIER 2010

A 9 heures 30 :

- Dix-huit questions orales.

A 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

MERCREDI 17 FÉVRIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

JEUDI 18 FÉVRIER 2010

A 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement.

- Suite de l'ordre du jour du matin.

LUNDI 22 FÉVRIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord international de 2006 sur les bois tropicaux.

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République hellénique relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République des Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements.

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Angola sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements.

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles.

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile.

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Géorgie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

- Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

- Projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État (procédure accélérée).

MARDI 23 FÉVRIER 2010

A 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

De 17 heures à 17 heures 45 :

- Questions cribles thématiques sur l'avenir des territoires ruraux.

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 18 heures et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

MERCREDI 24 FÉVRIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

JEUDI 25 FÉVRIER 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Deuxième lecture, sous réserve de leur transmission, du projet de loi organique, modifié par le Sénat, relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

La prochaine Conférence des Présidents aura lieu le mercredi 10 février 2010 à 19 heures.

Je vous rappelle que le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du dimanche 28 février au dimanche 21 mars 2010.

M. Patrice Gélard.  - Quelle différence y a-t-il entre une séance du soir et une séance de nuit ?

M. le président.  - Une séance de nuit va au-delà de minuit.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. François Patriat.  - J'ai tenté la semaine dernière, en vous parlant de mon expérience de conseiller territorial avant la lettre entre 1978 et 1981, de vous convaincre que la création d'un élu unique pour les départements et les régions n'était pas de nature à favoriser le développement des territoires et le bon fonctionnement des collectivités. A ce qu'il semble, je n'ai pas été entendu ; je reviens donc à la charge. Ce projet de loi est d'un parfait cynisme. Napoléon disait que les Français dateraient leur bonheur de la création des préfets. Aujourd'hui le Gouvernement veut nous faire revenir à une époque révolue. Avec quel cynisme n'envoie-t-il pas les préfets à l'inauguration d'équipements pour lesquels l'État n'a pas déboursé un sou ! Quel cynisme d'organiser ce débat en pleine campagne pour les élections régionales, et de montrer du doigt les collectivités censément dispendieuses ! La conférence des déficits publics rend ces dernières responsables de la détérioration des comptes publics ; mais les élus qui m'entourent savent bien que les collectivités sont obligées d'équilibrer leur budget et n'empruntent que pour investir.

Cynisme aussi de présenter une réforme inaboutie : renonçant à choisir entre les départements et les régions, car cette décision aurait suscité l'hostilité des Français et des élus ; le Gouvernement, en créant des conseillers territoriaux, cherche à affaiblir les uns et les autres : les régions n'auront ni les ressources, ni l'autorité suffisante pour mener à bien leurs politiques. Le risque de cantonalisation est réel : l'un de nos collègues disait tout à l'heure que les régions ne seraient pas plus cantonalisées que le Sénat ne l'est aujourd'hui, mais le Sénat ne vote pas de crédits locaux ! Les conseillers territoriaux auront naturellement tendance à favoriser leurs propres territoires, au détriment des stratégies globales.

Cynisme encore vis-à-vis des élus auxquels seront imposées de nouvelles charges sans compensation financière, et qui n'auront plus les moyens d'assumer leurs compétences. M. Borloo évoquait tout à l'heure un projet de décret relatif à la réhabilitation des logements sociaux ; les collectivités seront appelées à y participer, mais avec quel argent et en vertu de quelles compétences ?

Cynisme enfin vis-à-vis des citoyens, à qui l'on fait croire que l'organisation territoriale sera ainsi plus claire et plus efficace, quand nous savons le contraire.

Ce texte doit être intégralement revu. Mais le Gouvernement refuse de tenir compte des travaux du Sénat. L'acte I de la recentralisation a bel et bien commencé. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

M. Jacques Berthou.  - J'ai plaisir à débattre avec vous, monsieur le ministre, comme nous l'avons fait en d'autres circonstances avec respect, complicité et amitié. Mais ce soir je suis forcé de constater nos divergences. La création des conseillers territoriaux risque d'éloigner les élus locaux du terrain. Leur rôle est d'être à l'écoute des besoins des citoyens, de prendre des décisions et d'en suivre les effets. Ils sont plus que jamais indispensables à l'heure où les problèmes administratifs se multiplient et où l'incertitude pèse sur les finances territoriales. L'éloignement des élus risque de transférer leurs responsabilités aux services administratifs.

Et les personnels de ces services, quelle que soit leur qualité, n'ont pas les mêmes préoccupations que les nôtres et ne rendent pas de compte aux électeurs. Les élus pèseront moins sur l'exécution, le suivi des dossiers, leur financement et la rigueur budgétaire. Une moindre présence des élus conduira inévitablement à des pertes de temps, à des décisions moins performantes et moins appropriées et, donc, à un surenchérissement des coûts qui va à l'encontre du but recherché : faire des économies. En conclusion, moins de proximité, moins de démocratie, mais plus de dépenses et de technocratie, voilà ce qu'entraînera la création du conseiller territorial. Monsieur le ministre, vous comprendrez donc que, par réalisme et par bon sens, je ne vote pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Raoul.  - Durant tout l'après-midi, j'ai écouté attentivement les orateurs de la majorité, espérant qu'ils éclairent mon avis par des réflexions positives. Hélas !, je n'ai entendu que rappels au Règlement et observations négatives sur les interventions de mes collègues. Ces dernières reflètent pourtant l'état d'esprit des maires, quelle que soit leur obédience politique. Vous risquez d'avoir des surprises très désagréables. Je ne parle pas seulement des régionales, mais aussi d'une échéance qui concerne le Sénat au premier chef. A écouter les maires, vous regretterez d'avoir commis ce geste envers les fondements de la République.

Pas un seul sénateur de la majorité n'a valorisé ce texte...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais si ! Vous n'étiez pas là ! (On surenchérit à droite)

M. Daniel Raoul.  - Monsieur le président, je ne vous ai jamais interrompu lorsque vous aviez la parole ! Aucune intervention positive sur l'article premier...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - M. Montebourg le soutient !

M. Daniel Raoul.  - ...que ce soit de la part de M. Maurey ou de Mme Des Esgaulx. Ce projet, je le dis solennellement, remet en cause les fondements de la République depuis plus de deux siècles.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pas de la République !

M. Patrice Gélard.  - Les régions n'existaient pas !

M. Daniel Raoul.  - Vous remettez en cause la décentralisation initiée par les lois Mauroy et Defferre et poursuivie avec les lois Chevènement et Voynet.

M. Patrice Gélard.  - Ces lois n'ont pas deux siècles !

M. Daniel Raoul.  - Vous avez fait avorter le projet de loi Raffarin qui clarifiait l'intervention des différents niveaux de collectivités avec la notion de chef de file. Pourquoi ? A cause de ce qui fut, pour vous, une échéance douloureuse et, pour nous, une chance inespérée : mars 2004 ! Vous passez outre les déclarations du président du Sénat sur la revalorisation du travail de notre assemblée. La commission Belot et le rapport Krattinger-Gourault auraient, pourtant, permis de trouver un consensus pour améliorer l'organisation territoriale de la France.

Puisque vous aimez les entreprises, permettez-moi de décrire cette réforme comme une « réorg' », pour reprendre le jargon à la mode, de la holding France dont les collectivités seraient les filiales. Vous avez commencé, avec la loi de concomitance, par mettre fin aux contrats de certains de ses employés, si j'ose dire, en prévoyant l'expiration des mandats en 2014. Mettre ainsi fin au travail de certaines compétences, on a rarement vu cela en entreprise !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On va licencier !

M. Daniel Raoul.  - Ensuite, en réformant la fiscalité, (Marques d'impatience à droite où l'on compte à haute voix les dernières secondes de temps de parole dont dispose l'orateur) vous avez défini les budgets des filiales et des services...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Daniel Raoul.  - ...sans que l'on connaisse le produit fourni, en l'occurrence les compétences des collectivités, et les règles de recrutement des personnels : les modalités d'élection des conseillers territoriaux. En clair, vous avez mis la charrue avant les boeufs pour saboter l'entreprise France ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Le Cam.  - J'insisterai sur les aspects antidémocratiques de cet article premier. Les conseillers territoriaux seront élus pour 80 % d'entre eux dans le cadre des territoires, de la culture départementale, mais dans des nouvelles circonscriptions cantonales découpées au profit d'un certain parti politique. Les 20 % restants seront élus à la proportionnelle. Seront-ils plus régionaux dans l'âme ? Nous n'en savons rien. Vous créez un véritable déséquilibre, le risque est grand que l'on assiste à un glissement de la décision des élus, dont vous restreignez le nombre, vers les fonctionnaires des départements et des régions.

De plus, l'habitude de travailler ensemble sur les dossiers étant vite prise, les départements s'effaceront au profit d'une gestion globale au niveau des régions, le but recherché par cette loi. La réduction de la moitié des élus enlève toute souplesse au système qui se voudrait complémentaire entre les scrutins proportionnel et majoritaire. C'est une atteinte sans pareille à la démocratie de proximité. Avec une proportionnelle à 50 %, les cantons seraient cinq à six fois plus grands qu'aujourd'hui. Cela reviendrait à élire des micro-députés, ce dont personne ne souhaite dans cette assemblée. La proportionnelle intégrale, si elle n'a pas toutes les vertus, assure une représentation vraiment pluraliste de la population, garantit la parité et une majorité stable par la prime à la liste majoritaire. Le fonctionnement des régions l'a prouvé. Comment un conseiller du Gouvernement a pu imaginer le scrutin majoritaire à un tour -le mode de scrutin le plus inimaginable, le plus aberrant, le plus antidémocratique- qui permet d'élire des personnes n'ayant jamais obtenu de majorité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Parce que la proportionnelle le peut ?

M. Gérard Le Cam.  - Il interdit les alliances entre les familles politiques, mais incite à des arrangements malsains avant même l'expression populaire. Il va tuer la richesse démocratique de nos communes et, particulièrement, de nos communes rurales. Finis le bénévolat des élus, celui du monde associatif et l'esprit communal qui permet à chacun « de se sentir de quelque part » ! Au prétexte du mille-feuille, vous retirez la crème -les services aux habitants, les investissements publics, les services publics- pour ne laisser qu'une pâte sèche, une ruralité exsangue, aux cotés des métropoles et des pôles métropolitains qui capteront les subventions.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La France est aujourd'hui essentiellement urbaine !

M. Gérard Le Cam.  - Voilà la France des inégalités que nous prépare M. Sarkozy. Nous combattrons pied à pied ce texte qui revient sur l'héritage de 1789 et la décentralisation des années 1980. Mais le Président de la République, il est vrai, a pris l'habitude de réécrire l'histoire, il s'en est déjà pris à 1968 et aux acquis du Conseil national de la Résistance. L'histoire de France et celle de nos collectivités territoriales n'est pas une ardoise Velleda que l'on efface d'un coup. Ce qu'il faut effacer, c'est cette loi et cet article premier ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - Comme d'autres, j'ai participé aux cérémonies de voeux de la nouvelle année. Des élus locaux m'ont interrogé sur cette réforme, mais la situation n'est pas celle qu'ont décrite de manière caricaturale certains intervenants.

M. Jean-Claude Carle.  - Absolument !

M. Dominique de Legge.  - Toute posture doctrinaire...

M. Adrien Gouteyron.  - Très bien !

M. Dominique de Legge.  - ...est vouée à l'échec. Permettez-moi de prendre trois exemples tirés de mon expérience d'élu régional que mon collègue, M. Le Menn, ne démentira pas. En 2005, nous avons été étonnés de voir la région Bretagne prendre l'initiative heureuse de la promotion touristique ; mais le département d'Ile-et-Vilaine ayant sa propre politique, a refusé de s'associer à ce projet. Lorsqu'on a voulu renouveler l'expérience en 2006 l'Ile-et-Vilaine était redevenue bretonne... Belle illustration de la nécessité, pour la région et les départements, de travailler ensemble ! Ensuite, le Finistère a réhabilité la liaison routière entre Quimper et Brest et, dans le même temps, la Bretagne la liaison ferroviaire.

Plusieurs voix sur les bancs socialistes.  - Et alors ?

M. Dominique de Legge.  - Résultat, concurrence entre le département et la région ! (Protestations à gauche) Dans ces conditions, on peut douter de la bonne utilisation des deniers publics. Enfin, en matière économique, j'ai constaté, il y a quelques semaines, que la Bretagne et l'Ile-et-Vilaine avaient des critères très différents et se refusaient à intervenir tant que l'autre collectivité ne le faisait pas également. Conséquence : rien ne se passe.

Mes chers collègues, on ne peut pas à la fois dénoncer la situation actuelle et ne présenter aucune proposition comme vous l'avez fait sur la taxe professionnelle et les collectivités territoriales.

Voix sur les bancs socialistes.  - Il dit n'importe quoi !

M. Dominique de Legge.  - Le conseiller territorial redonnera un peu de cohérence à nos politiques territoriales ! (Applaudissements à droite)

M. Martial Bourquin.  - La réforme des collectivités territoriales méritait mieux que ce projet de loi. Un rapport remarquable a été fait sur le sujet par la commission Belot, où la question de la modernisation de notre organisation territoriale était abordée avec la volonté déterminée d'en corriger les défauts. Ce travail a été jeté aux orties, et vous vous êtes assis dessus ! Pourquoi ? Parce que et uniquement parce que le Président de la République veut ses conseillers territoriaux. Ce mépris pour votre collègue et pour les membres de sa commission est insupportable !

Les conseillers territoriaux sont censés apporter une simplification ? Ceux qui ont connu les régions élues au second degré -et c'est un peu cela le conseiller territorial- savent que ce n'était pas la panacée et que, en matière de simplification, c'était catastrophique.

Cela limitera les dépenses ? Mais lorsque l'État a confié les lycées ou les transports régionaux aux régions, dans quel état étaient-ils les uns et les autres ? Sans le travail des collectivités territoriales, si les communes ne s'étaient pas occupé des crèches et les départements du social, où en serait la France ? Les collectivités ont fait un travail extraordinaire et les attaques de Nicolas Sarkozy contre elles et contre leurs élus en sont d'autant plus indécentes.

Qu'arrivera-t-il avec le cocktail explosif fin de la taxe professionnelle/condamnation du département/fin de la compétence générale pour la région et le département ? Sans cette compétence générale, comment aurait-on payé le TGV Rhin-Rhône ? Qui soutiendra désormais les fédérations et clubs sportifs ? Qui mènera les politiques culturelles ? Avez-vous pensé à tout cela, monsieur le ministre ? Non, vous n'y avez pas pensé ! C'est comme pour La Poste et l'Ircantec : vous n'y aviez pas pensé... Vous allez mettre la France en panne, parce que 75 % de l'investissement public est le fait des collectivités territoriales. Vous leur coupez les ailes, avec un objectif inavoué mais évident : si les régions n'étaient pas à gauche, cette réforme n'existerait pas ! (Applaudissements à gauche)

Avec cette loi, vous voulez reprendre ce que le suffrage universel vous a retiré ! (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Terrade.  - La plupart des maires jugent cette réforme inacceptable car elle va mettre en péril l'existence même du dernier lieu où s'exerce encore la démocratie de proximité. Même si le texte se garde bien de supprimer l'échelon communal, du point de vue administratif il en fait une coquille vide où les élus locaux seront privés de tout pouvoir dans des domaines essentiels à la vie communale. Le dernier lieu de proximité et l'ultime possibilité pour les habitants de rencontrer un élu proche d'eux disparaîtront. Les grandes communautés urbaines pourront se transformer en « métropoles » dont les périmètres gigantesques laissent présager l'affaiblissement du pouvoir politique au profit du pouvoir administratif et de celui de nombreux lobbies prêts à investir dans le marché juteux des services publics. Les petites communes pourraient être regroupées par la seule décision des préfets qui bénéficieraient de pouvoirs exceptionnels, pour ce faire. Les maires des communes regroupées au sein des communes nouvelles, à l'instar de celles regroupées dans les métropoles, ne conserveraient que les compétences de la petite enfance, de l'entretien des bâtiments scolaires, de l'état civil et du Centre communal d'action sociale. Le logement, l'urbanisme, la sécurité, la culture, le sport, l'aide aux associations locales, les équipements sportifs, culturels et de loisirs, les cimetières, etc. ne seraient plus de la compétence de nos communes. Les expériences de démocratie participative et de gestion de proximité disparaîtraient, de fait. La métropole et la commune nouvelle collecteraient l'impôt et en fixeraient les taux. Il y a fort à parier que la commune, privée de ressources, deviendrait une coquille vide privée de moyens humains et incapable de faire face aux dernières compétences qui lui resteraient.

M. Patrice Gélard.  - Catastrophisme !

Mme Odette Terrade.  - C'est là une attaque brutale contre la démocratie et les acquis de la Révolution française, une régression sans précédent destinée à éliminer les derniers lieux de résistance. Cette attaque s'inscrit dans le droit fil du traité de Lisbonne. Ce texte sera l'outil qui manquait à la Commission européenne pour mettre en oeuvre l'accord général sur le commerce des services imposé par l'Organisation mondiale du commerce.

Ce soir, dans le Val-de-Marne, plus de 1 500 manifestants ont exigé, devant la préfecture, le maintien des trois niveaux de nos collectivités et de leurs compétences. Plus de 31 000 personnes ont signé la pétition en ce sens. Le Gouvernement serait bien inspiré d'en tenir compte. (Applaudissements à gauche)

M. François Trucy.  - Le groupe UMP, loin de désapprouver ce débat dont il apprécie la qualité, voudrait cependant savoir combien il reste encore d'interventions sur cet article premier.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Cent-quinze ! (Sourires)

M. le président.  - Nous allons justement passer aux amendements portant sur cet article premier.

Amendement n°115, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article. 

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Comment décider de la création de ce conseiller territorial sans connaître son mode d'élection ? Comment juger cette initiative du Gouvernement sans connaître le futur partage de compétences entre les différentes collectivités et entités territoriales ? Il faudrait discuter et voter à l'aveuglette. Vous nous demandez de signer un chèque en blanc en créant les conseillers territoriaux sans savoir ce qu'ils seront. Cette question de forme justifierait, à elle seule, la suppression de cette disposition prématurée.

Mais notre opposition porte sur le fond. L'instauration du conseiller territorial est un élément clé de la nouvelle architecture institutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy. La fin du conseiller général confirme les menaces qui pèsent sur le département, avec le développement de l'intercommunalité subie, notamment sous la forme des métropoles. La création du conseiller territorial accompagne aussi la fin de la compétence générale des régions et des départements parce que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités exige, pour chacune d'elles, des conseils élus disposant des moyens d'agir. L'article 72 de la Constitution établit cette règle qui aurait dû rester intangible sans le coup de force du Gouvernement. Enfin, la création des conseillers territoriaux met en cause la parité, le pluralisme et le bénévolat.

M. le président.  - Amendement identique n°349 rectifié, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Le rapporteur a sorti de son chapeau celui des 102 présidents de conseil général qui est favorable à la réforme. Soyons indulgents pour ce tout jeune président qui, peut-être, n'a pas encore eu le temps de prendre la mesure de sa fonction.

Dans l'intervention de Mme Des Esgaux, j'ai trouvé discutable le parallèle avec les communes et les communautés de communes : les unes et les autres ont exactement les mêmes compétences, ce qui n'est pas le cas des régions et des départements.

En revanche, entre le département et la région, les compétences et les missions sont différentes. Avec la réduction du nombre des élus, nous allons rencontrer de gros problèmes. Concrètement, il sera difficile de faire fonctionner le conseil général : comment maintenir le lien avec la population si le nombre d'élus locaux est réduit de moitié ?

M. le président.  - Il vous faut conclure !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - M. Sido a mal interprété les propos de M. Mauroy qui disait que le peuple trancherait en dernier recours. Il ne pensait pas aux élections régionales mais à la présidentielle. (Exclamations à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il ne faut pas rêver !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Si un socialiste est élu président, il remettra en cause cette réforme. (On ironise à droite)

M. le président.  - Amendement identique n°486 rectifié, présenté par M. Adnot.

I. Supprimer cet article.

II. En conséquence, avant cet article, supprimer la division « Chapitre Ier » et son intitulé.

M. Philippe Adnot.  - La création du conseiller territorial marquera la fin de la dynamique de la décentralisation. Nous sommes à peine en train de mettre en oeuvre les nouvelles missions qui nous ont été confiées que nous sommes confrontés à ce bouleversement. En tant que président de conseil général, je vous assure que les départements ont du mal à intégrer les équipements transférés, à valoriser les compétences, tout en faisant des économies. Or, tous ces efforts vont être réduits à néant pour des raisons incompréhensibles.

Je suis hostile à cet article car la création du conseiller territorial ne marchera pas. Ce n'est pas être contre le Gouvernement que de dire cela : j'appartiens à la majorité, mais je reste persuadé que l'on peut faire beaucoup mieux dans l'intérêt de nos concitoyens. Pourquoi ne pas y réfléchir ensemble ? En ne votant pas cet article, nous ne serons pas contre le Gouvernement mais nous dirons qu'il est possible de faire mieux.

Dans mon département, il y a 33 conseillers généraux. Avec la réforme, nous n'en aurions plus que 21, mais le nombre de conseillers régionaux passerait de 50 à 100. Comment expliquer cette arithmétique à nos concitoyens ? J'ai tenté de le faire, mais sans succès ! En outre, la région sera gouvernée par une quinzaine de conseillers territoriaux puisque les autres leur délégueront leurs votes.

Enfin, il n'existe nulle part au monde des assemblées qui ne disposent pas de leurs propres élus. On nous crée un être hybride : ni les départements, ni la région ne fonctionneront bien. Vous savez tous que c'est la vérité et que la qualité de ces assemblées qui auront la même origine en pâtira. Les démocrates ne peuvent accepter un tel appauvrissement.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Philippe Adnot.  - J'avais prévu de développer un autre argument, mais je le ferai lors des explications de vote.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est très intéressant !

M. Philippe Adnot.  - Je vous invite à réfléchir : en votant cet amendement, vous ne serez pas contre le Gouvernement mais vous démontrerez que vous voulez améliorer ce texte. (Vifs applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement identique n°507 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Charasse, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Mézard, Tropeano et Plancade et Mme Laborde.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je présente cet amendement au nom de la très grande majorité du groupe RDSE. L'explication de M. Adnot a été très convaincante. Je ne suis pas dans la majorité, mais je suis persuadé qu'il eût été possible de faire une réforme des collectivités territoriales pragmatique, par petites touches, en corrigeant ce qui doit l'être et en achevant, par exemple, la carte de l'intercommunalité. M. Mercier était rapporteur du Sénat lorsque nous avons voté, à la quasi-unanimité, la loi sur l'intercommunalité. Aujourd'hui, vous voulez tout bouleverser. M. Hortefeux prétend ne pas vouloir attenter à l'existence des départements. Mais le binôme département-région est fallacieux. En réalité, il s'agit de faire disparaître le département : M. Balladur n'a pas dit autre chose lorsqu'il a estimé que le département devait s'évaporer dans la région.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais nous y sommes opposés !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il a également dit qu'on ne pouvait pas aller contre le lobby des présidents de conseils généraux ! La commission Attali avait eu au moins la franchise de proposer la suppression du département. Hier soir, le Président de la République a estimé que la Guyane et la Martinique, en adoptant un statut de collectivité unique, avaient préfiguré la réforme des collectivités territoriales ! Ce sont les mots même qu'il a employés. Il a salué ce vote qui anticipait sur la réforme des collectivités : on vous propose l'extension à la métropole du régime de l'outre-mer.

En votant pour les conseillers territoriaux, vous acceptez de facto la suppression des départements. Mais ils sont très utiles et ils ont une identité forte, enracinée dans plus de deux siècles d'histoire

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ils sont essentiels pour la proximité et même pour le développement économique. Je m'en suis rendu compte dans le territoire de Belfort.

Le département, c'est l'organisation territoriale de la République depuis 1789 avec une assemblée élue au suffrage universel depuis 1871.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Certes !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - En votant contre le département, vous donneriez un mauvais coup à la République et je ne pense pas que vous puissiez le faire, vous, les élus des départements. (Applaudissements à gauche ; M. Philippe Adnot applaudit aussi)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - La commission soutient le principe de la création des conseillers territoriaux qui permettra de renforcer le couple département-région en garantissant une meilleure coordination entre ces deux niveaux tout en préservant l'ancrage territorial de ses élus. Le conseiller territorial, c'est la clé de voûte de cette réforme et la commission des lois y a porté un intérêt tout particulier.

Lorsque je me suis permis de citer M. Montebourg, monsieur Peyronnet, c'est parce que c'est mon président de conseil général et parce qu'il est une personnalité éminente au niveau national, si j'en crois ses passages nombreux à la télévision. (Vives exclamations sur les mêmes bancs) J'ai oublié de vous dire qu'il s'agissait d'une résolution voté par le parti socialiste de Saône-et-Loire où il est dit : « Le conseil général déplore le caractère figé et daté des cantons qui ne prennent plus en compte les réalités démographiques, condition d'un équilibre démocratique. (Nouvelles exclamations sur les bancs socialistes) La pertinence de ces périmètres électoraux est désormais posée ». C'est bien ce que je pense ! Le conseiller territorial aura une assise démographique plus importante et il fera la synthèse entre le conseil général et le conseil régional.

M. Martial Bourquin.  - C'est tout ce que vous avez à nous opposer comme arguments ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Les finances publiques seront alors mieux gérées et la politique menée sur nos territoires sera plus dynamique. (Exclamations indignées à gauche) J'invite mes collègues à ne pas voter ces quatre amendements de suppression.

M. Martial Bourquin.  - Lamentable !

M. Michel Mercier, ministre.  - J'ai écouté cette après-midi les 51 orateurs qui se sont exprimés sur la création du conseiller territorial.

M. Jean Bizet.  - Nous sommes éclairés !

M. Michel Mercier, ministre.  - Il est tout à fait normal qu'il y ait eu un grand débat (Exclamations sur les bancs socialistes) J'ai écouté tout le monde et j'aimerais qu'il en soit de même pour moi !

Le choix du Gouvernement est pragmatique.

M. Martial Bourquin.  - Ca commence mal !

M. Michel Mercier, ministre.  - Monsieur Bourquin, je ne vous demande pas d'être d'accord avec moi ! Vous avez été élu pour vous opposer. J'accepte que vous le fassiez, mais il vous arrive de faire des erreurs, notamment lorsque vous parlez des investissements des collectivités locales : vous oubliez toujours de rappeler la part de l'État.

M. Martial Bourquin.  - Je demande la parole !

M. Michel Mercier, ministre.  - Personne ne vous a interrompu. Acceptez que je puisse parler à mon tour ! Vous avez une conception du dialogue assez particulière. J'accepte de ne pas détenir à moi tout seul la vérité. Si vous pouviez en faire de même, cela nous permettrait d'avoir un dialogue fructueux.

Le Gouvernement a donc choisi le conseiller territorial.

M. Jean-Claude Carle.  - Choix judicieux !

M. Michel Mercier, ministre.  - En ma qualité d'élu local, de président de conseil général, j'assume pleinement ce choix. Il n'y a pas d'un côté les bons présidents de conseils généraux qui expliquent que c'est la fin des départements et, de l'autre, les mauvais qui sont favorables à cette réforme.

Je suis aussi un adepte du département. Il a une profonde utilité, rend des services tout à fait exceptionnels et doit continuer à les rendre : il ne faut pas le supprimer. Acceptez, monsieur Adnot, qu'un président de conseil général ne pense pas comme vous.

M. Philippe Adnot.  - Je n'ai rien dit !

Voix sur les bancs CRC-SPG.  - Ce n'est pas une réponse !

M. Éric Doligé.  - Ce ne sont pas des questions !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Je suis à la disposition du Sénat, de jour comme de nuit pour dialoguer mais il faut pour cela s'écouter.

Mme Éliane Assassi.  - Mais dites des choses !

M. Michel Mercier, ministre.  - Oui, le Gouvernement a fait le choix du conseiller territorial et il a choisi de conserver les deux collectivités, le département et la région avec les compétences et le fonctionnement qui sont à présent les leurs. Nous assumons ce choix car c'est celui qui permet d'avancer. Personne ne peut supprimer le département ou la région, il faut les rapprocher et nous le faisons à travers les élus. Ce n'est pas extraordinaire, ça existe déjà. Tout n'est pas comparable, mais à Paris, les conseillers municipaux sont aussi conseillers généraux : voilà une réalité qui intéresse plusieurs millions de Français et avec laquelle il faut faire. Le même élu peut gérer deux collectivités.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la ruralité. Mais quand on regarde, on constate que sur certaines listes régionales, les candidats sont issus majoritairement de l'agglomération. (Exclamations sur les bancs socialistes) Je ne dis pas que des choses fausses...

M. Martial Bourquin.  - Vous exprimez une opinion...

M. Michel Mercier, ministre.  - Avec le conseiller territorial, tous les territoires seront représentés.

M. Jean-Claude Carle.  - Un homme, un territoire !

M. Michel Mercier, ministre.  - Je trouve donc votre argument un peu bizarre. (Applaudissements à droite) Le choix pragmatique du Gouvernement nous conduira plus avant, avis défavorable aux amendements. (Applaudissements à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'absence d'argumentation du rapporteur est étrange car, s'il y a des présidents de conseil général de gauche partisans de la réforme, comme il y en a de droite qui s'y opposent, on aurait pu réfléchir par-delà les clivages partisans, ainsi que la mission Belot avait réussi à le faire, au moins en partie. On serait alors arrivé à quelque chose de plus consensuel, de moins clivant.

Sans revenir sur les bonnes raisons de voter ces amendements, je veux souligner les enjeux et les objectifs poursuivis avec la suppression de la taxe professionnelle, la reventilation des impôts locaux et la concomitance. Il s'agit d'abord de réduire les dépenses des collectivités locales.

M. Guy Fischer.  - Voilà !

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'essentiel a été accompli avec la loi de finances qui a limité strictement l'autonomie fiscale des collectivités afin de satisfaire aux critères de Maastricht ; on ajoute une couche avec ce texte. On prive progressivement les collectivités de leur rôle d'acteur, de moteur économique, et les chefs d'entreprise qui se réjouissent des 5 milliards qu'ils gagnent dans l'affaire déchanteront bientôt. Quand le chômage explose, limiter ainsi la dépense publique est indécent.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est responsable !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est une bombe à retardement qui explosera dans deux, cinq ou dix ans.

Il s'agit ensuite d'un fric-frac électoral -je reprends une expression du Président du Sénat. Je comprends que vous soyez d'accord, il vous favorise.

Il s'agit en outre de bouleverser une organisation territoriale conforme à notre tradition pour passer de trois niveaux à deux niveaux, la région et les intercommunalités qui remplaceront à terme les communes.

Comme cette politique n'est pas vendable, vous avancez masqués et proposez des blocs région-département et commune-intercommunalité. De bons esprits, sortis de Polytechnique ou d'ailleurs, défendent cette solution. On découvrira un jour que ces couples ne fonctionnent pas et l'on supprimera l'un de leurs éléments -devinez lequel.

Mme Des Esgaulx est dans une confusion complète : comment mettre sur le même pied d'un côté la commune et l'intercommunalité qui en est l'outil, et le département et la région alors que ces collectivités ne sont pas l'outil l'une de l'autre. La confusion s'est déjà établie dans les esprits : les nouvelles communes, ce sont les intercommunalités. Certains traînent des pieds, mais c'est le sens dans lequel on va.

Mes chers collègues, vous n'aviez pas voté les lois de décentralisation et cela n'a pas eu de conséquences mais, maintenant que vous en êtes devenus partisans, pensez aux conséquences du vote que vous allez émettre. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Adnot.  - Je n'avais pas eu le temps d'aller au bout de ma démonstration sur ce qui ne marche pas. On n'aura plus de représentation féminine et cela, mesdames, vous ne pouvez pas l'accepter et vous devez dénoncer une régression insupportable. (Exclamations à droite) Voter le conseiller territorial, c'est voter la fin de la représentation féminine. (Applaudissements à gauche ; Mme Catherine Troendle proteste) Loin de moi l'idée de dire du mal des femmes...

J'étais tout à l'heure au ministère de l'intérieur -je ne suis pas un opposant. Le ministre m'a pris à part : vous êtes contre le projet mais vous ne proposez rien. Si, je propose quelque chose. Mon département compte 300 000 habitants et 33 conseillers généraux. Je propose qu'on réduise ce nombre à 30. Puis, dans des circonscriptions électorales de 20 000 habitants, on élirait un homme et une femme ; (« Bien sûr ! » à gauche) on flècherait ces élections : quinze élus iraient à la région et les 30 au département. On aurait ainsi une représentation équilibrée, le territoire ne serait pas déshérité, non plus que les assemblées.

Ne votez pas maintenant la création du conseiller territorial, nous pourrons faire quelque chose de mieux ensemble. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Mercier veut un vrai dialogue et il a raison. Il faut donc écarter certains arguments. Rappeler l'amendement de M. About, ce plat de lentilles assorti de l'annonce dans Le Figaro d'une quatrième place aux élections régionales, n'est pas digne du débat républicain que nous souhaitons tous.

Mme Jacqueline Panis.  - Pas de déballage !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne sommes pas de ceux qui disent qu'il ne faut rien faire : des réformes sont nécessaires.

Mais on aurait pu prendre une autre voie : par exemple, approfondir l'intercommunalité, avec plus de compétences, de démocratie...

M. Jean-Claude Carle.  - C'est le cas !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...ou renforcer les régions. A la suite des décisions récentes, celles-ci vont voir leur liberté financière encadrée, leurs compétences limitées. Or nous avons besoin de régions pugnaces, qui agissent sur les questions d'avenir : transports, aménagement du territoire, université, développement technologique, etc.

Fusionner régions et départements conduira à « cantonaliser » les régions. Il n'y a aucune économie à attendre de la fusion des conseillers généraux et régionaux : les départements devront toujours financer les dépenses sociales, et certains rencontrent déjà des difficultés ! Il faut laisser le département mener à bien ses politiques, et favoriser des régions fortes, à dimension européenne.

Nous sommes tous conditionnés par la façon dont nous avons été élus ; le mode de scrutin actuel contribue à façonner la politique régionale. Les conseillers territoriaux défendront avant tout le canton qui les aura élus ! Autant cela se justifie au sein de l'espace départemental, autant je crains que la politique régionale ne se résume à la juxtaposition de préoccupations à caractère territorial. Nous voulons des régions fortes, ambitieuses. Ne passons pas à côté de cet enjeu. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Que va-t-il advenir des départements, si les métropoles récupèrent toutes les compétences du conseil général ? En prenant Paris en exemple, M. Mercier montre qu'il a accepté par avance leur disparition. Mais si l'on étendait ce principe à Lyon, qu'adviendrait-il du reste du département du Rhône ?

S'agissant du nombre de conseillers territoriaux, ceux de la ruralité seront trop nombreux et il vous faudra fixer un plancher et un plafond : le Conseil constitutionnel y verra une rupture d'égalité, et vous risquez la censure ! C'est un mode de scrutin inique.

D'accord avec le rapporteur sur la Saône-et-Loire : nous ne sommes pas contre un redécoupage des cantons. Un de nos amendements proposait d'ailleurs de tenir compte des intercommunalités, vous l'avez refusé.

Quant à la baisse des investissements publics dans les départements, que certains redoutent, elle se fait déjà sentir : dès 2010, certains conseils généraux réduisent leurs investissements de 50 % ! On verra la réaction des grands capitaines d'industrie, notamment dans les travaux publics...

Bref, toutes ces raisons nous conduisent à rejeter cet article.

M. Yves Krattinger.  - Paris est un cas à part, et son modèle ne peut être étendu au reste du territoire.

M. Philippe Dominati.  - Vision désuète !

M. Yves Krattinger.  - Que les élus aient un ancrage territorial, d'accord. Mais vous ne pouvez pas dire que les listes régionales ne représentent que les villes : j'ai moi-même été un conseiller régional de la campagne !

Personnellement, je ne suis pas contre le scrutin uninominal dans les cantons : il peut dégager d'excellents élus, M. Mercier en est la preuve.

Que les régions et les départements travaillent mieux ensemble, c'est en effet un objectif à poursuivre. A Lyon, vous avez récemment expliqué que les relations étaient au beau fixe entre M. Collomb, M. Queyranne et vous-même, exception faite de je ne sais quelle question de tracé...

M. Michel Mercier, ministre.  - Occupez-vous donc de la Haute-Saône...

Voix à droite.  - C'est Clochemerle !

M. Yves Krattinger.  - Mais ce n'est pas un cas isolé : les Bretons aussi travaillent bien ensemble ! Pour conforter la concertation infrarégionale, nous avions proposé un conseil régional des exécutifs, réunissant les présidents de la région, des départements et des agglomérations autour des grandes questions stratégiques et des enjeux régionaux. Cette idée, que vous n'aviez d'ailleurs pas combattue, vaut bien le méli-mélo que vous proposez !

Dans une assemblée, il faut un débat clair entre une majorité et une minorité. (Marques d'impatience à droite) Je crains qu'avec votre système, les différents échelons travaillent non pas mieux ensemble mais moins bien ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je demande à chacun d'avoir l'amabilité de faire en sorte que nous puissions nous écouter les uns les autres.

M. Gérard Longuet.  - Pendant combien de temps encore ?

M. Claude Domeizel.  - Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas convaincu, et je doute que vous ayez convaincu les sénateurs de la majorité.

M. Jean Bizet.  - Mais si !

M. Claude Domeizel.  - M. le rapporteur a été bien inspiré de ne pas citer la page 42 de son rapport, où, après avoir évoqué un mode de scrutin encore incertain, il enchaîne sur une série de conditionnels : le scrutin « ne comporterait » qu'un seul tour, un découpage des cantons « serait organisé »... Je m'adresse aux sénateurs de la majorité : ne pas voter cet amendement de suppression, c'est voter pour l'incertitude. Il est un dicton sur tous les champs de foire, y compris sur le foirail de Lacanau, que M. Jacques Blanc connaît bien, c'est qu'on n'achète jamais une bête dans un sac. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Doligé.  - Vous nous parlez toujours comme si nous ne comprenions rien. Mais si vous avez votre vérité, nous avons la nôtre. Je préside mon conseil général depuis seize ans, et M. Sueur pourra vous dire si je le fais avec passion (M. Jean-Pierre Sueur le confirme) Je n'ai pas envie de voir mon département disparaître ! Et je suis agréablement surpris de voir les vertus que l'on reconnaît, dans ce débat, au département. Je remercie d'ailleurs M. Chevènement d'avoir reconnu qu'il conservait sa capacité d'intervention économique : je me suis battu pour cela en 2004. Et je me souviens des interventions de la gauche : « nous avions tort », « nous signions la mort du département »...

Autre argument, ce texte serait une ruse électorale. Personnellement, je passerai, en 2014, de 41 à 28 territoires. J'en perdrai treize, ruraux, tous à droite. Est-ce une manoeuvre électorale de ma part que de souscrire à ce texte ?

Et était-ce une manoeuvre que de proposer, comme je l'ai fait, la conférence des exécutifs ? Que d'avoir fait voter l'obligation de réunir, au moins une fois par an, l'ensemble des présidents de conseils généraux et de conseils d'agglomération ?

M. Martial Bourquin.  - C'est la pratique !

M. Éric Doligé.  - Ce n'est pas vrai. Nous nous sommes réunis trois fois en douze ans pour parler à la région de nos problèmes.

N'est-ce pas, en revanche, M. Fortassin qui nous disait tout à l'heure que pas plus de 10 % des sénateurs de l'UMP souscrivaient avec ce texte ? Mais qui donc a-t-il sondé ? Voilà un de vos effets de manche pour faire croire, à la lecture du Journal officiel, que 90 % de nos collègues sont d'accord avec vous !

Sur le cumul, je rappelle que nous avions mené la réflexion, en son temps, sur la question des responsabilités dans les intercommunalités, et que nous n'avions pas voulu, alors, en faire un mandat. Il n'y a donc pas cumul. Ne connaît-on donc aucun maire socialiste de grande ville, président d'intercommunalité et sénateur ? Nous sommes moins forts que vous sur ce point.

Cessez donc de jouer sur les mots. Nous ne sommes pas pour la fusion entre département et région. On doit être capables de faire en sorte que les deux entités fonctionnent. Je défendrai bec et ongles le conseiller territorial, parce que je suis persuadé que c'est une bonne réforme. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Gérard Longuet.  - C'est avec confiance que j'invite l'ensemble de mes collègues de l'UMP et de la majorité à rejeter ces amendements de suppression. Nous avons besoin de faire bouger, sur le terrain, la vie locale du pays. Nous sommes tous attachés aux communes. Comment protègera-t-on leur existence, leur valeur ajoutée, leur proximité, et l'attachement qui est le nôtre à leur endroit sinon par un long cheminement vers l'intercommunalité ?

Monsieur Adnot, monsieur Chevènement, la vie de nos compatriotes a changé. Aujourd'hui, on vit dans une commune, on travaille dans une autre, on dépense pour ses loisirs dans une troisième. Nos enfants n'allaient pas, il y a 20 ou 30 ans, à l'université. Mais dès lors que nous avons l'ambition de l'ouvrir à 80 % d'une classe d'âge, il faut bien sortir des limites du département.

Certes, les conseils généraux sont importants dans la réflexion économique, mais comment couper celle-ci d'une réflexion sur les infrastructures de transport ? Il faut mettre fin à la séparation (exclamations à gauche) et sortir du seul conseil général, du confort de la vie locale qui ignore les enjeux régionaux : université, hôpitaux, transports...

Si vous acceptez la suppression de cet article, vous cassez toute perspective de réforme alors que nos compatriotes, dans leurs comportements, ne s'arrêtent plus aux limites du département. Ils vivent pleinement dans leur région, si ce n'est au-delà : pourquoi aller à la métropole régionale quand on va à Paris en quelques heures de TGV ?

Les institutions ne sont pas faites pour les élus. Ce sont les élus que nous sommes qui sont à la disposition de leurs compatriotes. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP et au banc des commissions) Je suis un homme de droite, un conservateur, féru d'histoire : je pourrais vous parler, avec de l'émotion dans la voix, de Napoléon qui pensait que le bonheur des Français datait de l'institution du préfet. Je préfère vous engager à ouvrir les yeux : la vie moderne appelle des institutions modernes. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Martial Bourquin.  - Je n'entends que mépris pour le département dans les propos de M. Longuet. (Exclamations à droite)

M. Gérard Longuet.  - Vous avez les institutions à coeur : nous avons à coeur les Français !

M. Martial Bourquin.  - Les conseils généraux ne sont donc pas capables de traiter de la question du vieillissement ? Des questions sociales ? Du développement économique ? Nous ne devons pas vivre dans les mêmes départements, car chez nous, les choses se passent bien.

Les interventions de M. Longuet, de M. le ministre, nous ramènent à l'éthique du débat. Mais pourquoi donc nous a-t-on mobilisés des mois pour produire un rapport relatif à l'organisation territoriale s'il ne s'agissait, en fin de compte, que de sortir in fine, comme un diable d'une boîte, le conseiller territorial, dont M. Longuet ne nous disait rien avant ce jour, et qui n'est apparu que parce que le Président de la République le veut ? Il faut donc que le conseiller territorial soit créé, de gré ou de force. M. Longuet s'impatiente aujourd'hui du nombre des interventions ? C'est qu'il n'y a plus rien à débattre, la messe est dite, il n'y a plus qu'à voter. (Exclamations à droite)

Si Le Monde titre aujourd'hui sur l'emballement du Parlement, c'est bien qu'il y a un vrai problème : tout vient du dessus et vous n'avez plus d'autre choix qu'appliquer la volonté du Président.

Mais la question essentielle est la suivante : il faut que la France change, il faut la moderniser. La départementalisation a-t-elle fait ses preuves ?

Nous avons plus que jamais besoin de collectivités territoriales fortes, grâce à la décentralisation, grâce à l'intercommunalité. Si les communautés d'agglomération, si les régions n'avaient pas été là, le plan « Université 2000 » serait encore dans les limbes ! Si les régions et d'autres collectivités n'avaient pas été là, nous n'aurions pas de lignes à grande vitesse, nous n'aurions pas d'aménagement du territoire ! C'est bien pour cela, M. Adnot l'a dit, que tant d'élus de gauche et de droite... (Exclamations à droite)

M. Bruno Sido.  - Mensonges !

M. Jacques Blanc.  - Ne parlez pas pour nous !

M. Martial Bourquin.  - ...s'opposent à ce que vous mettiez à mal ce qui fonctionne bien aujourd'hui ! La France se modernise, les collectivités territoriales y contribuent ; mais avec la RGPP, l'État est en train de s'affaiblir. Ce sera aux collectivités territoriales de relever le gant. Des élections sont proches. Si vous pensez vous en sortir avec une entourloupe institutionnelle, si vous pensez que le verdict des urnes peut être changé par une loi, votre manoeuvre se retournera contre vous comme un boomerang. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Panis.  - Des élus lorrains ont rencontré cet après-midi le ministre luxembourgeois en charge des grandes régions. « Vous avez en France l'État, la région, le département, l'intercommunalité, les communes ; c'est trop, c'est trop lourd », nous a-t-il dit. Et on nous le dit en Allemagne, en Italie ou en Belgique. Je voterai contre ces amendements.

Je souhaite que la place des femmes progresse, mais cette question relève du mode de scrutin, ce qui n'est pas le débat d'aujourd'hui. (On rit à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Bien que vous affirmiez vouloir le maintien des assemblées délibérantes des départements et des régions, votre objectif est bien de créer les conditions de la disparition des départements, non d'organiser leur complémentarité. M. le ministre a peiné à défendre sa réforme. J'ai écouté hier le Président de la République, j'ai lu ce qu'en a rapporté la presse. (Exclamations à droite) Il s'est réjoui que le vote « des Guyanais et Martiniquais (ait) anticipé la réforme des collectivités territoriales ». Monsieur Longuet, la vraie complémentarité n'est ni l'écrasement ni la fusion, mais la coopération des différents niveaux de collectivités et la bonne articulation de leurs compétences.

Le mode de scrutin envisagé est illisible, alors que vous prétendez à la simplification. Personne ne nie le besoin de réforme, mais il faut savoir pour qui on réforme. Quel est l'objectif de la réduction drastique du nombre d'élus de proximité ? Avec ce bouleversement de notre équilibre institutionnel, vous laissez derrière vous une bombe à retardement ; vous créez les conditions d'une nouvelle explosion des inégalités. Je voterai les amendements de suppression. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous avions l'opportunité de procéder à un utile toilettage institutionnel pour mettre notre architecture territoriale en adéquation avec les enjeux du XXIe siècle. Malheureusement, les explications du rapporteur et du ministre n'ont pas été à la hauteur de ces enjeux. Puis est venu M. Longuet, dont l'intervention nous donne à penser que là où il vit départements et région sont dans l'incapacité de travailler ensemble -d'où il déduit la pertinence de la création du conseiller territorial. Dans quel département vivez-vous donc, monsieur Longuet ? Dans le mien, la Haute-Garonne, il y a bien longtemps que départements et région, y compris lorsqu'ils étaient de couleur politique différente, ont été capables de mutualiser leurs moyens pour assurer l'essor d'Airbus et le succès du plan « Université 2000 », ou encore de créer le Cancéropole. Ceux qui stigmatisent les financements croisés sont les mêmes qui viennent dire aux conseils généraux et régionaux qu'ils n'auront ni TGV, ni plan « Campus » s'ils ne mettent pas la main au portefeuille. Mais peut-être le département de M. Longuet souffre-t-il d'un retard structurel... Ce qu'il appelle de ses voeux existe déjà...

La seule interrogation qui vaille à nos yeux, c'est celle-ci : quelle est la véritable motivation de cette fusion départements-région qui ne dit pas son nom, avec la création du conseiller territorial ? La réponse est simple : il faut répondre à une injonction de l'exécutif, qui ne supporte pas les contre-pouvoirs locaux ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle.  - Ne pourrait-on demander la clôture ?

M. Rachel Mazuir.  - L'enseignement supérieur, la santé sont l'affaire des régions -voilà ce que nous dit M. Longuet. Mais l'enseignement supérieur est bien présent au chef-lieu de mon département, Bourg-en-Bresse, grâce à la région, mais aussi au conseil général ; et j'entends qu'il le reste et soit même amélioré, car c'est un moyen d'aménager le territoire et de permettre aux familles modestes d'y accéder. Je ne suis pas certain de pouvoir y contribuer encore avec cette réforme. Et dans le domaine de la santé, nous nous battons pour sauver des hôpitaux de proximité ...

J'ai voté mon budget il y a un mois, sans savoir de quels moyens je pourrai disposer, (marques d'ironie à droite) du moins au départ. L'an dernier, j'avais inscrit 170 millions d'euros d'investissements, auxquels se sont ajoutées 15 millions venant du plan de relance, que j'ai applaudi ; cette année, je ne peux en programmer que 146 -et le plan de relance aura disparu. C'est la même situation dans bon nombre de départements. Et lorsque nous pouvions décider de la fiscalité, notre autonomie était de 41 % ; elle n'est plus que de 15 %. Les départements participent à la lutte contre la crise. En réduisant leurs capacités d'investissement, vous porterez la responsabilité d'avoir ajouté de la crise à la crise ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Daudigny.  - Je voterai ces amendements animé par trois sentiments. L'incompréhension, d'abord. Je n'ai entendu de la bouche du rapporteur, du ministre ou de M. Longuet aucun argument en faveur de la création du conseiller territorial, aucune réponse concrète. Dites-nous en quoi la réduction du tiers des membres des conseils généraux est bonne pour les départements ? Dites-nous en quoi la modernité y trouve son compte lorsqu'un élu traitera un jour de questions sociales et un autre jour d'aménagement du territoire ? Vous qui plaidez pour la spécialisation des niveaux de collectivité, dites-nous en quoi votre réforme est un progrès en ce sens ?

Mon deuxième sentiment est la tristesse. Sans l'avouer, vous êtes en train d'assassiner cet échelon essentiel de l'action publique qu'est le département.

Je crains aussi que cette réforme ne porte un nouveau coup aux campagnes en affaiblissant la démocratie de proximité, au moment même où de nombreux services publics ferment, où la RGPP conduit au désengagement de l'État, où la politique de santé est centralisée au sein des agences régionales de santé et les chambres consulaires réorganisées au niveau régional. Ce texte doit être réécrit. (Applaudissements à gauche ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

A la demande des groupes socialiste et UMP, les amendements identiques nos115, 349 rectifié, 486 rectifié et 507 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 155
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

Mme Isabelle Pasquet.  - La création des conseillers territoriaux est destinée d'après le Gouvernement à mieux coordonner les politiques départementales et régionales. Je crains plutôt que dans la confusion des rôles elle ne place les départements sous la tutelle des régions, ce qu'interdit la Constitution.

Cette réforme est aussi censée renforcer la légitimité des élus. Les conseillers généraux en manqueraient-ils ? Ce n'est pas l'avis des Français, qui sont 62 % à leur faire confiance : les conseillers généraux sont avec les maires les seuls élus qui échappent au discrédit général. C'est parce qu'ils restent proches du terrain que les électeurs leur font confiance : ils sont chargés au quotidien de répondre aux attentes des Français, qu'il s'agisse de crèches, de logements sociaux, de transports, de vie associative, de sport ou de culture.

Cette réforme menace en outre de faire reculer la parité : le nombre d'élus diminuant, les femmes risquent d'être elles aussi moins nombreuses qu'auparavant.

Mais ce texte est parfaitement cohérent avec votre volonté de supprimer à plus ou moins long terme les départements, déjà soumis à l'autorité des préfets de régions.

Les élus départementaux doivent conserver leur spécificité, car leurs missions diffèrent de celles des élus régionaux. La démocratie et la poursuite de la décentralisation l'exigent.

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

 « Les conseillers généraux sont élus à la proportionnelle intégrale. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Plutôt que de dépecer les départements, il serait plus opportun de renforcer la démocratie locale en améliorant la représentativité des conseils généraux, qui ne reflètent que très imparfaitement la diversité de la société française. Au lendemain des élections cantonales de 2008, 87,7 % des conseillers généraux étaient encore des hommes, alors qu'il y a 47,6 % de femmes au sein des conseils régionaux grâce au scrutin de liste. La loi du 31 janvier 2007 a introduit une innovation assez farfelue, en imposant que chaque candidat ait un suppléant de l'autre sexe.

Elle s'est heurtée à de fortes résistances. A preuve, en 2008, 79,1 % des titulaires investis étaient des hommes...

L'instauration du conseiller territorial n'améliorera pas cette situation. Le mode de scrutin n'a toujours pas été fixé, mais l'amendement About, accepté de façon éhontée par M. le ministre, (M. Yves Pozzo di Borgo proteste) le préfigure. Le risque est grand de voir régresser la parité et la mixité sociale. Aucun réajustement ne saura garantir, mieux que la proportionnelle, la représentativité de la population. Cette vérité mathématique est systématiquement dénigrée car la proportionnelle serait synonyme d'instabilité politique et de pouvoir donné aux ultras. Mais puisque les ultras ont une existence légale... (M. Paul Blanc ironise) Pour nous, la crise de la représentation politique s'explique par la faible représentativité des élus dont nos assemblées parlementaires sont l'exemple le plus criant. La professionnalisation politique accrue, inhérente à la création des conseillers territoriaux, ne fera qu'amplifier ce phénomène. Aussi proposons-nous que les conseillers généraux soient élus à la proportionnelle intégrale. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. le président.  - Amendement n°483 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Vial, B. Fournier, Faure, Revet et Pierre, Mme Payet et MM. Alduy, Carle, Juilhard et Bernard-Reymond.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il est composé de quinze conseillers territoriaux au minimum. »

M. Jacques Blanc.  - Pour que les départements fonctionnent correctement, le nombre de conseillers territoriaux doit être fixé à quinze. Nous défendons les départements : la création des conseillers territoriaux ne les détruira pas. Faisons confiance aux élus. Peut-être cette réforme menace-t-elle davantage les régions... Avec quinze conseillers territoriaux, nous assurerons la représentation des départements les moins peuplés et les plus ruraux, telle La Lozère. Ayant présidé un conseil régional durant dix-huit ans, cette réforme m'apparaît comme une chance car, pour mener de vraies politiques de développement des territoires, nous avons besoin de conserver un lien avec les territoires. D'où mon refus total de la proportionnelle. Cette réforme est une chance pour les territoires ruraux, en particulier ceux de montagne !

Prochaine séance demain, mercredi 27 janvier 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 27 janvier 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30,

Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 169, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).

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ERRATUM

AU COMPTE RENDU DU JEUDI 21 JANVIER 2010

Dans l'intervention de M. Louis Mermaz, bien lire :

1) page 37, première colonne, neuvième ligne : « la ville nouvelle de l'Isle d'Abeau »

2) page 38, première colonne, quatorzième ligne avant la fin : « Salaise »

3) page 38, première colonne, dernière ligne : « un canton ».