M. le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale.

projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’union européenne et ses états membres, d’une part, et le canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’union européenne et ses états membres, d’une part, et le canada, d’autre part

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Est autorisée la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, signé à Bruxelles le 30 octobre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Allizard, rapporteur. L’article 1er prévoit d’autoriser la ratification du Ceta.

Il me semble important de rappeler à cet instant que le Ceta est un accord économique et commercial, mais que le présent projet de loi vise également à ratifier un accord de partenariat stratégique entre l’Europe et le Canada, qui fera l’objet de l’article 2.

Ces deux articles – ces deux accords – sont parfois présentés comme les versants économique et politique d’un même rapprochement entre l’Union européenne et le Canada. Or il s’agit bien de deux accords distincts.

Ainsi, si dix parlements nationaux n’ont pas ratifié le Ceta, seuls trois États, dont la France, n’ont pas approuvé l’accord de partenariat stratégique, ce qui est bien la preuve que les deux sont dissociables. C’est aussi la preuve que l’article 1er relatif au Ceta et l’article 2 relatif à l’accord de partenariat stratégique peuvent faire l’objet de votes opposés.

J’ajoute, car cette question a été posée en commission, que la mise en place d’un mécanisme juridictionnel destiné au règlement des différends entre investisseurs et États figure dans l’accord économique et commercial, dans le Ceta donc, et non dans l’accord de partenariat stratégique. Ce mécanisme constitue bel et bien une atteinte à la souveraineté des États.

Mes chers collègues, si certains d’entre nous sont en désaccord avec le contenu du Ceta, en raison notamment des risques qu’il fait peser sur le monde agricole, il me semble que nous ne pouvons qu’être favorables à un resserrement des liens politiques avec le Canada, comme l’article 2 et l’accord de partenariat stratégique le prévoient.

C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article 1er, qui est le seul posant problème.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, sur l’article.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de nous prononcer sur cet article, il est important de rappeler combien nous sommes attachés au partenariat qui nous lie au Canada, avec qui nous avons une histoire commune.

Le sénateur de la Meuse que je suis connaît l’importance de notre histoire commune, mais ce traité, amorcé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, voulu par la présidence de François Hollande, entré en vigueur en 2017, suscite aujourd’hui beaucoup de crispations, notamment au sein de plusieurs filières agricoles, et de l’incompréhension chez certains d’entre nous.

En effet, en sept ans, beaucoup de choses ont changé. Nous n’avons eu de cesse d’accroître les contraintes et les exigences environnementales et normatives pesant sur nos agriculteurs, sans que ces normes soient dans le même temps imposées à nos partenaires commerciaux.

Soit on exige la mise en place de clauses miroirs, comme l’ont tant de fois évoqué le Gouvernement et Bruxelles, sans pour autant qu’aujourd’hui encore le traité en comporte une seule – il serait par exemple nécessaire d’établir une mesure miroir sur les hormones, car, comme l’a relevé la Commission européenne à deux reprises, il existe des lacunes dans la traçabilité du bœuf canadien – ; soit on procède à un choc de simplification, afin de laisser nos agriculteurs concourir en se conformant à des règles de concurrence équitables.

Il faut faire un choix ! Ce traité, qui n’impose pas les mêmes obligations à nos partenaires commerciaux qu’à nos agriculteurs, crée au quotidien des distorsions de concurrence totalement insupportables.

C’est la raison principale pour laquelle nombre d’entre nous émettent des doutes et expriment des réticences. Quel que soit le vote des uns et des autres, il s’agit là non pas d’un vote de défiance, mais d’un vote qui pointe les contradictions des politiques, notamment européennes, à l’image du Green Deal et de la stratégie dite « de la ferme à la fourchette ».

Enfin, il n’est pas satisfaisant d’aborder un sujet aussi stratégique en si peu de temps, au détour d’une niche, alors même que le Sénat a demandé à plusieurs reprises au Gouvernement d’inscrire ce projet de loi autorisant la ratification du Ceta à son ordre du jour. Je voterai donc la suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. En 2021, devant notre assemblée, vous aviez dit, monsieur le ministre, que le Sénat serait appelé à se prononcer sur le projet de loi autorisant la ratification du Ceta, et que nous n’étions pas en retard.

Pourtant, sans l’initiative du groupe CRCE – K, nous serions encore en train d’attendre, une attente qui prolongerait d’autant le déni démocratique que constitue l’application provisoire de ce traité depuis près de six ans.

Monsieur le ministre, comme vous, nous pensons que notre politique commerciale doit contribuer à accroître la résilience de l’Union européenne dans les domaines climatique et sanitaire, qu’il faut renforcer la cohérence entre notre stratégie commerciale et notre engagement en faveur du développement durable et du climat.

C’est pourquoi nous sommes opposés à la ratification de cet accord, qui est en contradiction avec les objectifs que vous avez évoqués à plusieurs reprises depuis 2020.

À l’heure où la biodiversité s’effondre, où le climat se dérègle, où les températures augmentent, mettant en difficulté notre agriculture, comment croire que la multiplication des échanges puisse être une solution viable ? Comment croire que l’augmentation des importations de pétrole de schiste ou de ses produits dérivés puisse être une bonne nouvelle pour l’environnement ?

Pourquoi minimiser les menaces pesant sur la filière bovine française et la mise en concurrence des éleveurs qui ne sont pas soumis aux mêmes normes ?

Malgré vos discours, monsieur le ministre, la réalité est têtue. Les normes qui s’appliquent à l’Union européenne ne sont pas respectées par nos partenaires canadiens ; le Ceta ne mentionne pas explicitement le principe de précaution ; les demandes de contrôles plus rigoureux formulées par l’Europe pour garantir la traçabilité des bovins, qui garantissent notamment le respect de l’interdiction des viandes aux hormones, n’ont pas reçu un accueil positif de la part de nos partenaires canadiens.

Pour toutes ces raisons, nous sommes contre cet accord et demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Le débat qui s’engage à cet instant est tronqué. Certains d’entre nous voteront dans le même sens pour des raisons totalement différentes, voire diamétralement opposées.

M. Emmanuel Capus. Peu importe, c’est le résultat qui compte !

M. Daniel Gremillet. Mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu ! (M. Emmanuel Capus proteste vivement. – Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur Capus, ça devient pénible !

M. Daniel Gremillet. Si nous ne débattons pas dans le respect des uns et des autres, il sera bien difficile de travailler ensemble. Pour ma part, j’ai toujours fait en sorte de respecter les positions de ceux qui ne partagent pas les miennes.

M. le président. Poursuivez, mon cher collègue.

M. Daniel Gremillet. Lorsque le Ceta a été signé en 2016, nous avons considéré qu’il était possible de conclure des accords de coopération avec le Canada.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Vous nous avez expliqué qu’il serait désastreux de rejeter cet accord, mais le désastre, vous en serez largement responsable !

Lorsqu’on signe un accord de libre-échange, il faut se donner les moyens de faire face à la concurrence qu’il emporte ! Depuis 2016, la France et l’Europe avaient l’obligation d’éviter une situation de distorsion. Or rien n’a été fait à cet égard. Au contraire, nous n’avons eu de cesse d’accroître les contraintes économiques à l’échelle européenne. Et je ne parle pas que de l’agriculture, les échanges commerciaux ne se limitant pas aux échanges agricoles.

La semaine dernière, le Parlement européen a révisé la directive sur les émissions industrielles et imposé de nouvelles contraintes aux installations industrielles, qui s’appliquent également au secteur agricole. Comment voulez-vous, alors que de telles contraintes ont des conséquences négatives sur l’agriculture et l’économie, que l’on puisse avoir des échanges équilibrés ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il ne s’agit pas de juger le Canada, pays que je respecte. Les Canadiens ont rempli leur mission, c’est le gouvernement français qui n’a pas fait ce qu’il fallait. Il est inimaginable, à l’échelle communautaire, de poursuivre dans cette voie sans aucun contrôle des États membres.

Quelles initiatives avez-vous prises pendant dix ans pour que la France pèse au quotidien pour rendre cet accord supportable et équilibré ?

Nous serons amenés à en reparler très bientôt sur les questions énergétiques, le secteur étant soumis au même déséquilibre.

Voilà pourquoi je voterai les amendements de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
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Discussion générale

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Article 1er (interruption de la discussion)
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Article 1er (suite)

Accord économique et commercial global UE-Canada

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part.

Dans la suite de la discussion, nous poursuivons les prises de parole sur l’article 1er.

Discussion générale
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Demande de clôture

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois avouer que j’ai été blessé par certains propos qui ont été tenus ce matin. Comparer les positions de notre groupe et de notre parti à celles du Rassemblement national est véritablement offensant.

M. Éric Bocquet. Absolument !

M. Pierre Ouzoulias. Cela l’est d’autant plus au lendemain de la cérémonie en mémoire de l’amiral de Gaulle. Ce que nous partagions et partageons encore avec les gaullistes, c’est notre attachement à la souveraineté nationale.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Pierre Ouzoulias. Je suis très fier de constater que nous pouvons nous retrouver sur cette idée, comme nous nous étions retrouvés en 1945 dans le cadre du Conseil national de la Résistance (CNR). (Applaudissements.)

Il n’y a pas de souveraineté nationale sans souveraineté alimentaire. Que s’est-il passé depuis la mise en œuvre du Ceta il y a six ans ? Le cheptel bovin a diminué d’un million de vaches en France. Plus de 50 % des éleveurs sont âgés de plus de 55 ans. Les prix sont trop faibles, et le Ceta continuera de les tirer vers le bas.

Mes chers collègues, je m’exprime non pas en tant que sénateur des Hauts-de-Seine, mais en tant que petit-fils du fondateur de l’Union de la jeunesse agricole de France en 1937, qui défendait l’exploitation familiale comme un modèle d’exploitation agricole.

Mme Sophie Primas. Excellent !

M. Pierre Ouzoulias. Depuis lors, nous n’avons pas dévié, nous n’avons pas changé. Depuis 1937, notre position est cohérente, contrairement à celle de l’extrême droite. Nous défendons le modèle de l’exploitation familiale, parce que c’est un enjeu agricole, environnemental et politique.

Nous considérons qu’il est crucial pour nos territoires, dans ce qu’on appelle de manière prosaïque la diagonale du vide, de préserver nos paysages. Pour cela, il faut conserver des paysans et pour cela, il faut maintenir l’élevage. C’est pourquoi il faut rejeter le Ceta. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.

M. Yannick Jadot. Quel plaisir d’avoir ce débat lucide et responsable ! Nous aurions dû l’avoir il y a six ans, un an après la signature du traité par les États européens, mais le Gouvernement avait alors choisi d’ignorer le Sénat – c’est sa responsabilité !

Il y a deux raisons de rejeter le Ceta.

La première tient à la partie du traité qui est déjà en vigueur. Cela a été dit, les conditions de production agricole et d’élevage au Canada n’ont rien à voir avec les nôtres. Les agriculteurs canadiens utilisent des farines animales, à l’origine de la maladie de la vache folle, et des antibiotiques pour faire grossir les animaux, ce qui constitue, nous le savons, un véritable problème de sécurité sanitaire et alimentaire. Dans leurs immenses élevages industriels, on ne se soucie pas du bien-être animal. Tout cela, nous le savons déjà et rien que pour cela, il faut faire tomber le Ceta !

Quelle hypocrisie de la part du Gouvernement ! Durant toute la crise agricole, il nous a expliqué qu’il fallait des clauses miroirs, qu’il fallait défendre nos paysans… Et là – c’est un moment de vérité –, il expose nos éleveurs à une concurrence déloyale.

La deuxième raison pour laquelle il ne faut pas voter la ratification tient à la partie du traité qui n’est pas mise en œuvre aujourd’hui, celle sur l’investissement. Déjà, lors de la négociation du Ceta, le Canada avait fait pression sur l’Union européenne pour qu’elle ne sanctionne pas les carburants issus des sables bitumineux.

Nous savons que le Canada attaque pour autoriser les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les pesticides, y compris au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Si cet accord sur l’investissement devait entrer en vigueur, les firmes de la chimie, du pétrole, des pesticides attaqueront les États européens sur leur législation de protection sanitaire et environnementale.

Oui au Canada, mais non au Ceta ! J’invite le Gouvernement à ne plus faire preuve d’hypocrisie, par respect pour le Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Je trouve ce débat quelque peu baroque et j’essaie d’en trouver les sources, les origines.

Dans son roman Sérotonine, que j’ai lu il y a quelque temps, Michel Houellebecq écrit que notre agriculture est en train de vivre quelque chose de puissant et de dramatique, un « énorme plan social », un plan social qui ne dit pas son nom, un plan social caché.

Oui, il faut s’inquiéter de la misère agricole, ou plutôt de certains agriculteurs, et la dénoncer. C’est un vrai sujet. Mais résoudrons-nous ce problème en votant contre le Ceta ? Le penser, c’est se tromper. On veut faire du Ceta une victime collatérale de la crise agricole, alors que ce n’est pas un mauvais accord.

Monsieur Jadot, vous avez dénoncé ce traité avec beaucoup de véhémence. Pardonnez-moi, mais c’en était presque cocasse. On avait l’impression que vous vous exprimiez contre le Mercosur… (M. Yannick Jadot sexclame.) Or nous discutons bien du Ceta, et non du Mercosur ! Mes chers collègues, on tape à côté de la plaque.

La commission des affaires européennes a organisé une table ronde très intéressante, à laquelle a notamment participé Édouard Balladur. Les intervenants l’ont confirmé, il existe une misère agricole dans toute l’Europe. Si nous voulons être réellement efficaces, alors il faut réunir le Conseil européen pour revoir la politique agricole commune. Voilà qui aurait du sens et une réelle portée ! Remettre tout à plat en matière d’agriculture à l’échelle européenne, voilà qui serait efficace !

Sincèrement, mes chers collègues, je le répète, je trouve notre débat baroque. Pour ma part, je suis favorable au Ceta. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, sur l’article.

M. Emmanuel Capus. Il faut évidemment voter cet accord, et ce pour deux raisons.

La première raison, c’est qu’il s’agit d’un accord avec le Canada. Le Canada, ce n’est pas le Mercosur. Le Canada, ce n’est pas rien pour la France ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pascal Savoldelli. C’est un beau pays ! (Sourires.)

M. Emmanuel Capus. Les Canadiens sont nos cousins ! On ne peut pas dire non au Canada au lendemain de la journée internationale de la francophonie ! (MM. Olivier Cadic et Franck Dhersin applaudissent.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Vive le Québec libre ! (Sourires.)

M. Emmanuel Capus. À ce propos, je suis très fier que le président du groupe d’amitié France-Québec ait voté la motion de renvoi en commission, cela montre bien que ceux qui connaissent le Canada et le Québec font le bon choix !

La deuxième raison de voter cet accord, c’est qu’il s’agit d’un bon accord. (Nouvelles exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)

C’est tout d’abord un bon accord pour notre économie. C’est pourquoi le président de la délégation aux entreprises a également voté la motion de renvoi en commission. Les membres de cette délégation, qui est utile, savent que le Ceta sert notre économie.

C’est ensuite un bon accord pour notre sécurité nationale.

M. Emmanuel Capus. Il est extrêmement important pour notre sécurité nationale de voter cet accord, parce qu’on ne peut pas rester dépendants de l’uranium ou du lithium russes. Nous avons besoin d’importer ces matières premières du Canada.

Enfin, c’est un bon accord pour notre agriculture en général, pour nos viticulteurs, pour nos appellations d’origine protégée (AOP), mais surtout pour nos éleveurs bovins ! Dire le contraire, c’est mentir et souffler sur les braises.

M. Jean-Claude Tissot. C’est faux !

M. Emmanuel Capus. Le rapporteur pour avis l’a dit : l’agriculture canadienne est horrible, elle a des méthodes horribles, nous ne voulons pas de leurs produits. Or ces produits n’arrivent pas sur le marché européen, précisément parce que leurs méthodes ne sont pas bonnes ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Les Canadiens ont demandé l’autorisation d’utiliser de l’acide peracétique, mais nous la leur refuserons ! (Protestations sur diverses travées, lorateur ayant dépassé son temps de parole.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Emmanuel Capus. Voilà ce qu’a dit Laurent Duplomb en conclusion de son intervention ! (Brouhaha.) Jamais les Canadiens ne changeront de méthode, jamais leur bœuf n’arrivera donc sur le marché européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à respecter le temps de parole qui vous est imparti.

La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.

M. Philippe Folliot. Mes chers collègues, il est des moments où l’émotion et la passion ne peuvent pas tout justifier.

M. Louis Vogel. C’est vrai !

M. Philippe Folliot. Le traité dont nous débattons n’est pas virtuel, il est appliqué depuis sept ans. Il est somme toute assez rare que nous légiférions sur un traité qui a déjà été mis en œuvre. Cela nous offre un certain recul pour analyser la réalité des choses.

Force est de constater que ce traité a donné de bons résultats dans les domaines économique et agricole, dans les filières laitière et viticole, mais aussi dans la filière bovine, dont il est particulièrement question aujourd’hui. Alors que 1 400 tonnes de viande bovine canadienne ont été importées dans l’Union européenne en 2023, 14 000 tonnes de viande européenne ont été exportées au Canada. La voilà la réalité !

Nous faisons face à un enjeu politique. Nos collègues communistes défendent une position logique et cohérente avec celle qui a toujours été la leur, je rends hommage à leur constance ; en revanche, mes chers collègues du groupe socialiste et du groupe Les Républicains, permettez-moi de vous dire que ce n’est pas en faisant la course à l’échalote avec les extrêmes (Mme Cécile Cukierman sexclame.), vous qui êtes issus de partis de gouvernement, que vous gagnerez en crédibilité politique !

M. Pascal Savoldelli. C’est hors sujet !

M. Philippe Folliot. En rejetant ce traité, nous engagerons la responsabilité de la France, qui a toujours été favorable à la construction européenne – comme vos partis respectifs –, et nous enverrons un message négatif à la communauté internationale. C’est particulièrement dommage ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, sur l’article.

M. Didier Marie. Je souhaite que « cette politique commerciale soit profondément renouvelée, profondément changée. Je ne veux pas de nouvelles discussions commerciales avec les règles d’hier, qui nous ont conduits à ces situations absurdes que nous avons aujourd’hui sur l’accord entre l’Europe et le Canada. »

« Nous avons besoin d’avoir une transparence des négociations et de la mise en œuvre des accords commerciaux. Nous avons besoin d’une exigence sociale et environnementale dans nos débats commerciaux. Et nous avons besoin d’une réciprocité en créant un procureur commercial européen, chargé de vérifier le respect des règles, par nos concurrents, et de sanctionner sans délai toute pratique déloyale. »

Ces mots ne sont pas les miens : ce sont ceux d’Emmanuel Macron, qu’il a prononcés lors de son discours à la Sorbonne en 2017.

Mme Sophie Primas. C’est loin…

M. Didier Marie. Sept ans plus tard, j’invite tous ceux qui soutiennent le Ceta à s’inspirer de ces propos. Remettez cet accord en cause ! Il est déséquilibré, il est même absurde, selon le Président de la République.

Remettez-le en cause parce qu’il accroît fortement les échanges de biens et de services polluants, tels que les combustibles fossiles ; parce qu’il ne prévoit pas de conditionnalités tarifaires pour faire respecter des critères de durabilité dans les modes de production ; parce qu’il ouvre de nouvelles voies au Canada et à ses industriels pour peser contre le renforcement des législations européennes en matière sanitaire ou environnementale.

Remettez-le en cause parce que le tribunal arbitral, un tribunal ad hoc, permettra aux entreprises d’attaquer nos normes.

Votez contre le Ceta, votez pour les amendements de suppression de l’article 1er ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. À l’issue de la discussion générale, M. Théophile, qui présidait la séance ce matin, a indiqué que, la commission n’ayant pas élaboré de texte, nous allions examiner les articles du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Voilà qui est très intéressant !

Lors de la discussion de l’article 1er, de l’article 2 et de l’ensemble du texte en commission des affaires étrangères, commission saisie au fond, il s’est trouvé une majorité pour adopter un amendement de suppression de l’article 1er ; mais, étonnamment, il ne s’est pas trouvé de majorité pour adopter le projet de loi ainsi modifié. Les mêmes personnes étaient pourtant présentes dans la salle…

Cette discordance montre que certains de nos collègues ressentent manifestement un malaise : ils sont conscients de l’intérêt du Ceta, mais font peut-être, ici et là, l’objet d’amicales pressions.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Les pressions, c’est dans les deux sens !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Voilà qui montre aussi qu’il est nécessaire de travailler au fond ; tel était d’ailleurs l’objet de la motion de renvoi en commission.

J’en viens à deux points liés au texte.

Pour ce qui concerne le règlement des différends, notre collègue Didier Marie me semble vivre dans le monde d’avant la modification du Ceta. Je rappelle en effet que nous avons obtenu une forme de veto climatique, qui a été endossé par la France, le Canada et l’Union européenne ! Il permettra d’éviter que soient remises en cause des dispositions réglementaires et législatives voulues par les États.

Pour ce qui concerne les craintes en matière agricole, le Ceta inclut très clairement et explicitement une clause de sauvegarde. Cela signifie que jamais le Canada ne pourra, d’un coup d’un seul, exporter 65 000 tonnes vers l’Union européenne. Le cas échéant, nous pourrions déclencher cette clause et ainsi éviter de déséquilibrer notre marché. Je tenais à le souligner.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.

M. Yan Chantrel. Je prends la parole, car j’ai été nommément interpellé par le ministre. De plus, s’il y a bien une personne dans cette chambre qui est attachée à l’amitié entre nos deux pays, pour des raisons personnelles et en tant que président du groupe d’amitié France-Canada, c’est bien moi.

Monsieur le ministre, réduire la relation entre la France et le Canada à un accord commercial est une insulte pour nos partenaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Anne-Catherine Loisier et M. Laurent Somon applaudissent également.)

En raison des liens historiques entre nos deux pays, de nos échanges universitaires et culturels, de la langue que nous avons en commun, nous sommes des peuples amis et, entre amis, nous pouvons nous dire les choses d’égal à égal.

Monsieur le ministre, la responsabilité de la dégradation éventuelle de cette relation vous revient ! (M. le ministre délégué ironise.) Pourquoi ? Parce que vous avez souhaité contourner le Parlement et que, ce faisant, vous avez contourné le peuple. Il s’agit d’un déni de démocratie particulièrement scandaleux. Vous portez une responsabilité dans ce débat, que vous devez assumer.

Mes chers collègues, il y avait des échanges économiques entre la France et le Canada avant cet accord ; il y en aura aussi après ; il y en a toujours eu ! Le rejet du Ceta ne mettra pas fin aux relations économiques entre nos deux pays. Soyons raisonnables ! Mais des règles fondamentales doivent être respectées, en matière environnementale ou sociale, ou encore s’agissant des tribunaux d’arbitrage, ces derniers ne respectant ni le Parlement ni nos règles juridiques.

Tel est le sens de notre message, qui n’est en rien un message de défiance. Notre amitié pour le Canada est profonde, nous respectons pleinement les Canadiens.

Notre vote ne sera pas entièrement négatif, puisque nous voterons l’article 2 du texte.