M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure.

M. Yan Chantrel. Nous souhaitons envoyer un message de paix et de respect à notre partenaire. Tel est le sens de notre vote. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.

M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous répondiez à la question que j’ai posée lors de la discussion générale sur les réserves de notre collègue Annick Girardin concernant les zones économiques exclusives ; si ces réserves n’étaient pas levées, le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon se retrouverait enclavé.

En ce qui concerne l’agriculture, mes chers collègues, nous ne pouvons nier que deux modèles s’opposent : d’un côté, un modèle d’agriculture intensive, de l’autre, un modèle d’agriculture plutôt familial. Surtout, nos normes diffèrent. Selon le règlement européen, tout ce qui n’est pas autorisé est interdit. De l’autre côté de l’Atlantique, il en va tout autrement : tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Les règles sont tout à fait différentes.

Je comprends certains de mes collègues, élus de départements où la viticulture prédomine. Je suis moi-même élu d’un département viticole et vigneron.

Cependant, mes chers collègues, nous ne pouvons parler de souveraineté agricole à travers le seul prisme de l’agriculture française. Dans la ferme France, toutes les filières doivent être absolument solidaires les unes des autres.

Nous ne pouvons affirmer que cet accord ne comporte pas de risques pour la filière de la viande bovine. Je tiens à rappeler que nous avons utilisé tous les quotas dont nous disposions. Les Canadiens, pour leur part, n’en ont épuisé aucun ! Pour eux, la porte est grande ouverte. De plus, nous n’avons pas les mêmes intérêts : l’accord nous ouvre un marché de 40 millions de personnes, contre 300 millions pour eux.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas le Ceta.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, sur l’article.

M. Jean-Pierre Grand. Ce débat et les comportements auxquels nous assistons aujourd’hui sont très politiques. Oui, il s’agit bien d’un débat politique. Pour ma part, je voterai naturellement le Ceta.

Quand on voit, dans cet hémicycle, que nos collègues des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains se sont alliés comme un seul homme contre le Ceta et contre nos intérêts fondamentaux…

M. Emmanuel Capus. Et Reconquête !

M. Jean-Pierre Grand. J’oubliais Reconquête !

M. Emmanuel Capus. Et le Rassemblement national !

M. Jean-Pierre Grand. En effet, même s’ils ne sont pas présents aujourd’hui, notre assemblée compte aussi des élus du Rassemblement national.

Bref, permettez-moi de vous dire qu’aujourd’hui est un très grand jour, une belle victoire pour Jordan Bardella. (Vives protestations sur les travées du groupe SER. – Mme Audrey Linkenheld et M. Thomas Dossus soffusquent. – M. Emmanuel Capus applaudit.)

Quand je vois que mes collègues et ma famille politique sont contre le libre-échange, franchement, cela m’agace !

Je vous donnerai deux chiffres : dans ma région du Languedoc-Roussillon, quatre millions d’hectolitres de vin sont stockés dans les cuves, tandis que quatre autres millions d’hectolitres arrivent d’Espagne. Nous avons aujourd’hui d’autres priorités que de saborder nos relations avec le Canada !

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Si je vote l’article 1er, pour autoriser la ratification du Ceta, c’est d’abord dans l’intérêt supérieur de la France, comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale.

C’est ensuite parce que lors de mon premier déplacement à Montréal, en janvier 2015, les entrepreneurs français implantés au Canada m’ont demandé de soutenir le Ceta, ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Cela est devenu ma priorité d’action pour ce pays.

Je le fais également pour soutenir la chambre de commerce France-Canada, présidée par M. Daniel Jouanneau, qui m’a écrit : « Le Ceta offre aux entreprises européennes un bien plus large accès aux marchés publics, dont les sociétés françaises ont su tirer parti.

« Avant le Ceta, seuls les marchés publics fédéraux étaient ouverts à la concurrence européenne. Or les marchés provinciaux et municipaux, désormais accessibles, sont très importants pour nous, car ils concernent des domaines dans lesquels les technologies françaises sont très performantes et correspondent aux besoins canadiens.

« Derichebourg a remporté cinq contrats de collecte des déchets ménagers à Montréal et sa banlieue pour 41 millions de dollars. Alstom équipera le Grand Toronto de rames de trains de banlieue pour un contrat de 118 millions de dollars. Le Ceta favorise ces entreprises. Stellantis construit en Ontario une méga-usine de batteries pour véhicules électriques. Michelin lance un nouveau projet de 300 millions de dollars canadiens dans ses usines en Nouvelle-Écosse. Thales a créé au Nouveau-Brunswick un centre national d’excellence numérique. Sanofi investit 600 millions d’euros dans la construction d’une nouvelle usine de vaccins à Toronto, pour les marchés du Canada, des États-Unis et de l’Union européenne. »

Mme Sophie Primas. Et ça ne s’arrêtera pas !

M. Olivier Cadic. Plus de mille entreprises françaises, dont une majorité de PME, que certains prétendent ici défendre, ont aujourd’hui une filiale au Canada.

Ces entreprises, ces entrepreneurs nous observent. Je vous demande donc de voter pour le Ceta pour favoriser le développement des relations économiques entre nos deux pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, sur l’article.

M. Franck Dhersin. Je ne voterai jamais l’accord avec le Mercosur, voilà qui est très clair. Quant au Ceta, si je reconnais qu’il n’est pas parfait, il n’est pas non plus déséquilibré.

Au salon de l’agriculture, beaucoup d’agriculteurs m’ont dit que cet accord était très important pour eux, parce qu’il leur permet de vendre du fromage, des produits agricoles et du vin au Canada. Non seulement il n’est pas déséquilibré, mais il est aussi profitable à la France. Il est bon pour la France, il est bon pour notre souveraineté.

Voulons-nous nous retrouver dans la même situation que l’Allemagne, qui a décidé d’arrêter sa production nucléaire et se retrouve prisonnière du gaz russe ? Voulons-nous, demain, nous retrouver dans la même situation pour les minerais ?

Je suis pour cet accord, pour la défense des intérêts de la France, pour la défense de notre souveraineté.

M. Yannick Jadot. Mais contre le climat !

M. Franck Dhersin. Il est normal que notre débat soit politique, mais il n’aurait pas dû devenir politicien. Il l’est devenu parce que nos amis communistes ont choisi le bon moment, à la veille des élections européennes, pour relancer le sujet.

M. Yannick Jadot. Mais c’est un beau sujet européen !

M. Franck Dhersin. J’ai entendu les grands élans de gaullisme de nos amis communistes s’adressant à nos non moins amis Les Républicains. Avec eux, je dis : « Vive le Ceta libre ! » (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, sur l’article.

M. Alexandre Ouizille. Nous devrions nous rassembler sur un point : l’État ne peut pas renoncer à ses tribunaux, à ses juges, au fait que l’autorité judiciaire dépende du giron public. Or c’est ce à quoi nous renoncerions si nous autorisions l’organisme de règlement des différends !

Les investisseurs européens, eux, continuent à relever des tribunaux français. Vous instituez donc une forme de discrimination à l’égard des acteurs européens. C’est inacceptable !

Par ailleurs, on nous parle de façon très solennelle de l’intérêt supérieur de la Nation. Peut-on arrêter la blague deux minutes ? On estime que le taux de croissance dans l’Union européenne sera de 0,01 % à l’horizon de 2035 et que les filières auront été totalement déstructurées, comme tous nos collègues l’ont très bien dit. Arrêtez donc les grands discours !

Enfin, j’ai entendu l’argument sur le Rassemblement national. C’est justement parce que nous n’avons jamais réécrit la grammaire de la mondialisation, parce que nous n’avons jamais dit que les questions sanitaires et environnementales prévalaient sur les questions commerciales, que tout n’était pas soumis à l’intérêt commercial, que nous en sommes au point où nous en sommes. Arrêtez de nous renvoyer au Rassemblement national, auquel nous essayons d’échapper par tous les moyens ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Élisabeth Doineau. Mon collègue trouve ce baroque. Il est vrai qu’il est empreint d’une certaine irrationalité.

Dans le département dont je suis élu, l’accord du Ceta est plutôt très favorable non seulement à l’agriculture, mais aussi à l’industrie. Ne jetons donc pas le bébé avec l’eau du bain. Nous devrions être capables, les uns et les autres, d’examiner les incidences de cet accord dans l’ensemble de nos territoires.

S’il existe deux raisons de ne pas voter cet accord, il existe aussi une multitude de raisons de le voter ! La filière du lait a été valorisée, et les ventes de fromages ont été multipliées par deux en volume. Nous devons regarder les choses précisément.

La fièvre et la passion peuvent nous saisir, mais nous devons examiner la situation de manière très rationnelle.

Certains déplorent que la version d’origine du Ceta ne contienne pas de clauses miroirs ; or il n’en était nullement question lorsque le traité a été rédigé. C’est un peu comme si l’on déplorait aujourd’hui ne pas avoir traité la question de l’impact des écrans sur la vie de nos enfants il y a dix ans alors qu’ils n’avaient pas de tablette à l’époque ! Discutons des clauses miroirs aujourd’hui, mais ne disons pas qu’elles relèvent du traité d’origine. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Je reviens sur le caractère irrationnel de notre débat. Chacun le sait, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) travaille sur la fiscalité comportementale. Beaucoup d’entre vous me disent de ne pas augmenter les taxes sur l’alcool : or ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, ne veulent pas voter le Ceta, alors que les exportations d’alcool ont augmenté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Demande de clôture

Article 1er (suite)
Dossier législatif : projet de loi de ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part
Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, sur le fondement de l’article 38 du règlement, je demande la clôture des prises de paroles sur l’article 1er.

Je veux dire un mot, car cet article 38 du règlement est très peu utilisé.

Nous avons ici, au Sénat, un gentlemens agreement : lors des niches parlementaires, nous nous interdisons toute obstruction afin de respecter les initiatives des différents groupes ; or, depuis ce matin, la volonté d’obstruction est manifeste ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K.)

Les uns et les autres ont pu s’exprimer. D’ailleurs, nous entendons chacun répéter, comme si le disque était rayé, les mêmes arguments.

Je vous prie donc, monsieur le président, de bien vouloir soumettre au vote cette demande de clôture, au titre de l’article 38 de notre règlement.

M. le président. Je suis saisi par M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, d’une demande de clôture de la discussion de l’article 1er.

En application de l’article 38 de notre règlement,…

M. Emmanuel Capus. Le Sénat ne peut plus s’exprimer ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. … la clôture de la discussion peut en effet être proposée lorsque au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus, ce qui est le cas.

Aux termes du même article, la parole est donnée à un orateur par groupe qui le demande et à un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Claude Malhuret. Monsieur le Président, qu’entendez-vous par clôture ? Est-ce une clôture immédiate ou aura-t-elle lieu après l’intervention des orateurs inscrits pour prendre la parole sur l’article ?

M. le président. Si le Sénat l’adopte, la clôture sera immédiate. Il ne sera plus possible de prendre la parole sur l’article 1er.

M. Claude Malhuret. Ah ! D’accord… (Rires.)

Je pensais pourtant que nous avions tout notre temps… (Mme Valérie Boyer sexclame.) Il nous avait en effet été expliqué que la discussion de ce projet de loi de ratification dans le cadre d’une niche parlementaire n’était nullement une manière d’examiner le texte à la va-vite. Au contraire, cette niche devait nous permettre d’avoir tout le temps de débattre !

Mme Valérie Boyer. Cela fait sept ans que l’on discute !

M. Claude Malhuret. Je ne comprends absolument pas comment M. Retailleau peut parler d’obstruction. Il n’y a pas eu la moindre manœuvre en ce sens ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ça ne vous a pas gêné pendant les retraites !

M. Claude Malhuret. Les orateurs se sont simplement succédé pour s’exprimer, comme ils en ont parfaitement le droit. Ils disposent encore d’une heure pour le faire… Je ne vois pas en quoi on ferait de l’obstruction !

L’obstruction est le fait de ceux qui veulent nous empêcher de parler ! (Très vives protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ça, c’est la meilleure !

M. Claude Malhuret. Nous allons devoir voter sur ce texte sans pouvoir exprimer notre désaccord.

Je vous signale que, pendant que M. Retailleau était en train de parler, j’avais moi-même demandé à être inscrit sur la liste des orateurs souhaitant prendre la parole sur l’article, mais cela n’a pas été fait. Je vous demande donc, monsieur le président, de bien vouloir m’inscrire sur cette liste, si toutefois il est encore possible de s’exprimer…

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (On conteste le droit de lorateur à sexprimer sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. En vertu du deuxième alinéa de l’article 38 du règlement, un orateur par groupe peut s’exprimer sur la demande de clôture. Un orateur s’est exprimé pour le groupe INDEP, je le fais pour le groupe RDPI. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Lemoyne a la parole !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je m’exprime à présent non pas sur l’article 1er, mais en tant qu’orateur du groupe RDPI pour donner notre avis sur la demande de clôture de notre collègue Bruno Retailleau, conformément au deuxième alinéa de l’article 38.

Je trouve étonnant que l’article 38 soit invoqué dès la troisième heure de nos débats. Je rappelle que, lors de précédents débats sur des sujets importants – je pense à la réforme des retraites –, cet article n’avait été utilisé qu’après des jours et des jours. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Céline Brulin. Il s’agissait d’un texte du Gouvernement !

M. Pascal Savoldelli. Aujourd’hui, c’est une niche parlementaire !

M. le président. Laissez l’orateur s’exprimer, s’il vous plaît !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ce n’est pas parce que le texte est discuté dans le cadre d’un ordre du jour réservé qu’il faut bâcler son examen ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

À vous entendre, nous discutons de sujets à plusieurs milliards d’euros. Le Ceta a des effets très positifs sur certaines filières, mais des craintes sont exprimées. Il est donc important d’aller au bout du débat.

M. Laurent Somon. Vous n’avez pas eu le temps, en sept ans ? (M. Éric Bocquet applaudit.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pour notre part, nous considérons que le recours à l’article 38 est bien trop prématuré et qu’il y a lieu de continuer à débattre, afin d’éclairer pleinement cette assemblée.

Voilà, monsieur le président, ce que je tenais à dire !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité, de la francophonie et des Français de létranger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a été beaucoup attaqué ; certains ont parlé de déni de démocratie, alors qu’il n’en est rien. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Plusieurs sénateurs du groupe CRCE-K. Et les retraites ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Chacun jugera la façon dont le Sénat clôt le débat sur cet article 1er.

Monsieur Gay, vous parlez de déni de démocratie, mais les textes européens prévoient bien évidemment que, avant d’être ratifiés par tous les parlements, les accords peuvent être mis en œuvre provisoirement. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Céline Brulin. Du provisoire pendant sept ans !

M. Franck Riester, ministre délégué. C’est ce que nous avons souhaité. Cela nous permet de disposer de tous les éléments… (Les protestations redoublent sur les travées du groupe CRCE-K.)

Enfin, le ministre peut-il parler ? (M. Fabien Gay sinsurge.)

M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. le ministre délégué !

M. Franck Riester, ministre délégué. Cela permet à chacune et à chacun d’être suffisamment informé et de pouvoir prendre une décision en conscience.

En la matière, les résultats sont clairs. Ils ont été rappelés à l’instant par de nombreux sénateurs et de nombreuses sénatrices. Le bilan du Ceta est bon à tous points de vue pour notre pays, notamment pour nos agriculteurs.

Mme Céline Brulin. Eh bien, votons, pas de problème !

M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur le sénateur Ouzoulias, nous sommes d’accord sur certains sujets, mais pas sur les questions économiques, vous le savez. Nous pensons que nous avons besoin d’exportations et de commerce international pour notre économie (Protestations sur les travées du groupe GEST.) ; vous pensez l’inverse. Vous les communistes, vous êtes cohérents avec les positions que vous avez toujours défendues.

Je ne dirai pas la même chose des sénateurs de droite qui, je le découvre aujourd’hui, soutiennent désormais les thèses économiques et commerciales des communistes… (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K. – Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Sophie Primas. Et ça continue…

M. Franck Riester, ministre délégué. … en s’opposant à un accord qui permet à nos entreprises d’exporter, d’échanger, de créer de la valeur et de l’emploi partout en France. (Très vives protestations sur les mêmes travées.)

Monsieur Retailleau, je ne vous fais pas de procès d’intention, je ne vous donne pas de leçons, je constate simplement que, en la matière, vous associez vos discours et vos votes à ceux des communistes.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et alors ?

M. Max Brisson. Et à ceux de de Gaulle !

M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur le sénateur Duplomb, monsieur le sénateur Jadot, vous nous avez dit avec beaucoup de conviction que c’était un scandale de soutenir un accord qui ne comprenait pas de clauses miroirs pour éviter l’importation de bœuf nourri aux hormones ou traité aux antibiotiques. Monsieur Jadot, il y a des clauses miroirs dans la législation européenne ! (M. Jadot ironise.) Eh oui !

M. Fabien Gay. Vous allez parler pendant une heure, monsieur le ministre ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Ces clauses ne sont certes pas incluses dans l’accord du Ceta, mais elles figurent dans la législation européenne, qui s’applique à toutes les importations en provenance de tous les pays hors de l’Union européenne. (On le conteste sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Elles s’appliquent donc aussi aux importations de pays avec lesquels nous avons des accords commerciaux.

Mme Céline Brulin. Arrêtez, monsieur le ministre !

M. Franck Riester, ministre délégué. Et cela s’applique donc au Canada, monsieur Jadot. (M. Yannick Jadot le nie.) Vous pouvez dire non, mais c’est la vérité !

C’est précisément la raison pour laquelle, monsieur Jadot, il n’y a pas d’importation de bœuf canadien en Europe. Les mesures miroirs empêchent de telles importations. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – Vives protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Vous qui avez été député européen, étudiez la législation européenne avant de dire, devant l’assemblée ici réunie, qu’il n’existe pas de mesure empêchant l’importation de bœuf aux hormones dans l’Union européenne !

Monsieur Jadot, vous nous avez dit que nous étions hypocrites, mais c’est vous qui l’êtes ! (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.) Vous dites oui au Canada, mais non au Ceta !

Monsieur Jadot, monsieur Chantrel, comment pensez-vous que les Canadiens prendront la décision du Sénat s’il refusait d’autoriser la ratification de cet accord (Les protestations redoublent sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.), après que vous avez dit pis que pendre sur leur compte, critiqué leurs règles en matière d’environnement, de droits sociaux ou de tribunaux d’arbitrage ? (Les protestations couvrent la voix du ministre.)

Les Canadiens sont nos grands partenaires…

M. le président. Chers collègues, laissez M. le ministre délégué s’exprimer ! Nous ne pouvons pas continuer à travailler dans de telles conditions !

M. Franck Riester, ministre délégué. Les Canadiens et les Québécois sont nos grands partenaires, à l’échelon international, pour défendre l’environnement, les droits humains et les droits sociaux. Et aujourd’hui vous leur faites la leçon et leur reprochez de ne respecter ni les règles environnementales ni les règles du droit social ? Comment est-il possible de dire des choses pareilles, monsieur Jadot ? (Vives protestations contre la durée de lintervention du ministre.)

M. Pascal Savoldelli. Incroyable ! Un ministre qui provoque tout l’hémicycle !

M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur le sénateur Marie…

M. le président. Mes chers collègues, j’applique le règlement du Sénat : le temps de parole du ministre n’est pas limité. (Mme Silvana Silvani, M. Pascal Savoldelli et M. Didier Marie protestent.)

M. Yannick Jadot. Il ne va tout de même pas parler jusqu’à seize heures !

M. le président. M. le ministre délégué a la parole, et lui seul, conformément au règlement du Sénat.

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.

M. Franck Riester, ministre délégué. Monsieur le sénateur Marie, vous avez cité les propos qu’a tenus le Président Macron lors de son discours à la Sorbonne en 2017 et rappelé qu’il souhaitait la création d’un procureur commercial européen. Vous dites qu’il est scandaleux que ce procureur n’ait pas été nommé. Or c’est faux, monsieur Marie, c’est fait ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.) Il y a bien un procureur commercial européen, c’est M. Denis Redonnet, un Français. Il a même été auditionné par le Sénat il y a quelques jours ! (M. Martin Lévrier applaudit.)

Monsieur le sénateur, depuis le début de ce débat, nous faisons face à une accumulation d’inexactitudes, pour ne pas dire de contre-vérités, tout simplement parce qu’aucun argument de fond ne justifie que l’on s’oppose à la ratification de cet accord avec le Canada. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Les communistes…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous l’avez déjà dit !

M. Franck Riester, ministre délégué. … et les socialistes, avec le soutien des sénateurs du groupe Les Républicains, font un coup en pleine campagne électorale européenne, au détriment de l’intérêt général, au détriment des viticulteurs, au détriment des agriculteurs, des producteurs de lait et des fabricants de fromages, au détriment de toutes les entreprises de ce pays qui exportent au Canada. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Il a déjà parlé !

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, je vais devoir vous demander une suspension de séance. Quinze prises de parole se sont succédé contre le Ceta, et il semble qu’aux yeux de M. Retailleau nous ayons trop discuté et que le débat doive s’interrompre : apparemment, ceux qui ne partagent pas sa position ne peuvent pas s’exprimer. (Mmes Sophie Primas et Cécile Cukierman sexclament.)

Voilà qui pose un problème, car la majorité du Sénat, jusqu’à preuve du contraire, se compose de deux groupes. Les membres de celui auquel j’appartiens ont donc besoin de se réunir autour de leur président, car le sujet l’exige. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pascal Savoldelli. Où est-il, le président du groupe centriste ?

M. le président. Monsieur Cadic, je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes. Elle ne sera pas décomptée du temps de débat dévolu à la niche. (Marques dapprobation sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Joshua Hochart. En application de l’article 38 du règlement, demande est faite de clore le débat. Même si, pendant cette discussion, Jordan Bardella, Marine Le Pen et le Rassemblement national ont été plus que largement cités, voire loués – je vous en remercie, mes chers collègues –, nous n’avons pas encore eu la parole.

Mme Audrey Linkenheld. Il fallait la demander !

M. Joshua Hochart. Si mes collègues du groupe Les Républicains, ainsi d’ailleurs que ceux du groupe socialiste, veulent abréger le débat, c’est peut-être pour passer sous silence qu’ils sont ici souverainistes comme Barrès et là – à Bruxelles – mondialistes comme von der Leyen : leurs homologues au Parlement européen ont voté tous les traités de libre-échange de concert avec leurs alliés macronistes. Vous pouvez bien nous faire taire ici au Sénat, mais vous ne sauriez camoufler votre forfaiture à nos compatriotes.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Quel rapport avec l’article 38 ?

M. Joshua Hochart. Les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe n’ont pas eu la parole sur l’article 1er