Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

situation de l’agriculture française

M. François Patriat ; M. Gabriel Attal, Premier ministre.

guerre en ukraine et ses conséquences

Mme Vanina Paoli-Gagin ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.

coupes budgétaires de bercy

M. Christian Bilhac ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

crise agricole (i)

Mme Karine Daniel ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Karine Daniel.

crise agricole (ii)

M. Gérard Lahellec ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

envoi de troupes au sol en ukraine

M. Loïc Hervé ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.

réduction des dépenses publiques

Mme Ghislaine Senée ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; Mme Ghislaine Senée.

guerre en ukraine

M. Cédric Perrin ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; M. Cédric Perrin.

économies budgétaires (i)

M. Jean-François Husson ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; M. Jean-François Husson.

crise agricole (iii)

M. Jean-Claude Tissot ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

instauration d’un prix plancher pour les agriculteurs

Mme Sophie Primas ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Sophie Primas.

quel tourisme de montagne demain ?

M. Jean-Michel Arnaud ; Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation ; M. Jean-Michel Arnaud.

coupes budgétaires pour l’éducation nationale

M. Jacques Grosperrin ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Jacques Grosperrin.

économies budgétaires (ii)

M. Thierry Cozic ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; M. Thierry Cozic.

finances des départements et inflation normative

Mme Pauline Martin ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; Mme Pauline Martin.

nouveau zonage des zones france ruralités revitalisation (frr)

M. Jean-François Longeot ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-François Longeot.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

3. Liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. – Adoption d’un projet de loi constitutionnelle

Discussion générale :

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

Question préalable

Motion n° 4 de M. Stéphane Ravier. – M. Stéphane Ravier ; Mme Mélanie Vogel ; Mme Agnès Canayer, rapporteur ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux ; Mme Cécile Cukierman ; Mme Nadège Havet. – Rejet par scrutin public n° 133.

Discussion générale (suite)

M. Christopher Szczurek

M. Daniel Chasseing

Mme Dominique Vérien

Mme Mélanie Vogel

M. Ian Brossat

Mme Nathalie Delattre

M. Xavier Iacovelli

Mme Laurence Rossignol

M. Philippe Bas

M. Loïc Hervé

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Muriel Jourda

Mme Elsa Schalck

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article unique

Amendement n° 3 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.

Article unique

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Anne Souyris

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Patricia Schillinger

M. Patrick Kanner

M. Yan Chantrel

M. Thomas Dossus

M. Guillaume Gontard

Mme Sylvie Robert

Mme Mathilde Ollivier

Mme Françoise Gatel

Amendement n° 2 rectifié de M. Philippe Bas. – Rejet par scrutin public n° 134.

Amendement n° 1 rectifié sexies de M. Alain Milon. – Rejet par scrutin public n° 135.

Vote sur l’ensemble

M. Alain Duffourg

Mme Annick Billon

M. Stéphane Ravier

Mme Agnès Canayer

Mme Laurence Rossignol

Mme Cécile Cukierman

Mme Mélanie Vogel

Mme Marie Mercier

Adoption, par scrutin public n° 136, de l’article unique du projet de loi constitutionnelle.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

4. Mise au point au sujet de votes

5. Modification de l’ordre du jour

6. Candidatures à deux missions d’information

7. Candidatures à deux commissions mixtes paritaires

8. Communication d’un avis sur un projet de nomination

9. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

Accord entre l’Asie du sud-est et l’Union européenne dans le domaine du transport aérien. – Adoption en procédure accélérée du projet de loi dans le texte de la commission.

Accord avec l’Andorre concernant la démarcation et l’entretien de la frontière. – Adoption définitive, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.

10. Rénovation de l’habitat dégradé. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Après l’article 9 ter

Amendement n° 58 rectifié de Mme Marianne Margaté. – Rejet.

Amendement n° 4 de M. Rémi Féraud. – Rejet.

Amendement n° 35 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Amendements identiques nos 10 rectifié de Mme Nathalie Delattre et 41 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 31 de Mme Antoinette Guhl et 42 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 39 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier et sous-amendement n° 159 du Gouvernement. – Rejet, par scrutin public n° 137, du sous-amendement ; retrait de l’amendement.

Amendement n° 40 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.

Amendement n° 43 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.

Article 9 quater (nouveau) – Adoption.

Article 9 quinquies (nouveau)

Amendement n° 131 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public n° 138.

Adoption de l’article.

Article 10

Amendement n° 155 de M. Bernard Buis. – Rejet par scrutin public n° 139.

Amendement n° 171 de la commission. – Adoption par scrutin public n° 140.

Amendement n° 95 de Mme Viviane Artigalas. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Article 11

Amendement n° 156 de M. Bernard Buis. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 12, 12 bis A, 12 bis, 12 ter et 13 – Adoption.

Article 13 bis (supprimé)

Amendement n° 51 rectifié de Mme Nadège Havet. – Retrait.

Amendement n° 14 rectifié de M. Christian Bilhac. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Article 14

Amendement n° 36 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Amendement n° 134 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 133 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 172 de la commission. – Retrait.

Amendements identiques nos 135 du Gouvernement et 157 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Adoption de l’amendement n° 135, l’amendement n° 157 rectifié n’étant pas soutenu.

Adoption de l’article modifié.

Article 14 bis

Amendement n° 1 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 140 de M. Stéphane Fouassin. – Rejet.

Amendement n° 2 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Retrait.

Amendement n° 173 rectifié de la commission. – Adoption.

Amendement n° 49 de Mme Micheline Jacques. – Adoption.

Amendement n° 139 de M. Frédéric Buval. – Adoption.

Amendement n° 3 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 14 ter – Adoption.

Article 15

Amendement n° 174 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 15 bis

Amendement n° 141 de M. Stéphane Fouassin. – Adoption.

Amendement n° 142 de M. Frédéric Buval. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 16 et 17 – Adoption.

Après l’article 17

Amendement n° 104 de Mme Viviane Artigalas. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 106 de Mme Viviane Artigalas. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 105 de Mme Viviane Artigalas. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l’ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Bernard Buis

Mme Antoinette Guhl

Mme Viviane Artigalas

M. Stéphane Fouassin

Mme Marianne Margaté

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

11. Ordre du jour

Nomination de membres de deux missions d’information

Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

situation de l’agriculture française

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le mécontentement du monde agricole vient de loin.

Au cours de ces dernières semaines, plusieurs manifestations se sont déroulées dans le pays avec plus ou moins de vigueur, s’accompagnant rarement – heureusement ! – de violences. Néanmoins, elles traduisent un sentiment à la fois d’exaspération et de découragement.

Les causes en sont multiples : le niveau des charges bien entendu, mais aussi les revenus, l’hyperadministration, les surtranspositions, ainsi que les crises conjoncturelles épizootiques que nous venons de traverser.

Dès le début, vous avez répondu à ce mécontentement, monsieur le Premier ministre, en vous rendant notamment en Occitanie et dans d’autres territoires pour apporter des réponses.

Certaines solutions ont été mises en œuvre immédiatement : je pense au remboursement du gazole non routier (GNR), aux annonces concernant le plan Écophyto, ou encore aux mesures de simplification, dont quelques-unes sont déjà entrées en vigueur.

Pour autant, la colère n’est pas retombée. Le monde agricole a exigé d’obtenir des réponses plus claires selon un tempo plus rapide.

Dans les allées du salon de l’agriculture, qui s’est ouvert samedi sur des violences et des excès inadmissibles, commis par des agriculteurs poussés par certains syndicats et certains politiques, le chef de l’État a pris soin de donner une vision claire de l’agriculture, en déclarant qu’il faut avant tout produire, protéger et installer. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

Hier, monsieur le Premier ministre, j’étais à vos côtés dans les couloirs du même salon. En rencontrant les professionnels et les représentants des filières, vous avez su apporter un certain nombre d’éléments de réponse.

Le ministre de l’agriculture, lui, s’est rendu à Bruxelles pour exprimer les exigences françaises concernant les futurs règlements européens en matière agricole.

Hier encore, le ministre de l’économie et des finances est parvenu à trouver un accord avec les banques pour faire en sorte que les agriculteurs bénéficient des prêts et de financements adéquats.

Enfin, la future loi d’orientation agricole (LOA) sera présentée prochainement en conseil des ministres.

Monsieur le Premier ministre, voici ma question (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.) : selon quel calendrier et selon quelle méthode ferez-vous en sorte que les engagements que vous avez pris hier, et qui ont été bien entendus par le monde agricole, se traduisent dans les faits ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, comme vous venez de le rappeler, je me suis rendu hier, avec vous, au salon de l’agriculture pour échanger avec les agriculteurs, leurs représentants, les éleveurs, les pêcheurs, comme je le fais constamment depuis ma nomination en tant que Premier ministre au début du mois de janvier.

Dans l’ensemble des échanges que j’ai pu avoir avec le monde agricole, et comme c’est le cas depuis le début de l’année, j’ai effectivement perçu un sentiment de malaise, de détresse, d’exaspération, un sentiment qui vient de loin, qui s’exprime depuis plusieurs décennies, et qui touche par ailleurs l’ensemble de l’Europe.

Nos agriculteurs souffrent à la fois d’un manque de reconnaissance à tout point de vue, alors que leur travail est pourtant absolument essentiel, puisqu’il permet de nourrir les Français et les Européens, et de réglementations qui se sont ajoutées les unes aux autres, finissant par leur faire perdre le sens de leur métier et par leur donner l’impression qu’ils font face à des injonctions paradoxales. Voilà ce à quoi nous devons répondre.

Dès mon entrée en fonction, je me suis rendu chaque semaine sur le terrain au contact de nos agriculteurs, de nos éleveurs. Je suis allé dans le Rhône, en Haute-Garonne, en Indre-et-Loire, dans la Marne, en Charente-Maritime il y a encore quelques jours, et je continuerai à multiplier les contacts avec eux.

J’ai échangé avec les représentants des syndicats agricoles. Il y a trois semaines, les principales organisations ont annoncé qu’elles levaient leurs barrages à la suite des engagements très concrets que j’ai pu prendre au nom du Gouvernement, en lien avec mes ministres, Marc Fesneau, Agnès Pannier-Runacher, Christophe Béchu et Bruno Le Maire.

Nous avons pris soixante-deux engagements extrêmement concrets pour répondre à tous les points d’attention soulevés par nos agriculteurs et aux demandes de leurs représentants.

Aujourd’hui, je peux vous dire que 80 % de ces engagements sont tenus ou en passe de l’être, c’est-à-dire qu’une partie de ces mesures sont en cours d’examen devant le Conseil d’État – il existe évidemment des délais incompressibles – et qu’elles devraient entrer en vigueur dans les plus brefs délais.

On voit bien qu’au niveau national les choses bougent. Cela étant, ma priorité, c’est que cela bouge aussi aujourd’hui sur le plan local et que les décisions que nous prenons et les progrès que nous constatons à l’échelon national se ressentent dans la vie quotidienne de nos agriculteurs.

L’exécution des engagements du Gouvernement est un enjeu majeur.

Je vais vous donner un exemple : le 1er février dernier, nous avons fait paraître un décret très attendu pour simplifier les opérations d’entretien, le curage des cours d’eau et des fossés. Cette mesure était, je le redis, très attendue : on passe en effet d’une procédure qui dure neuf mois à une procédure qui n’en dure plus que deux ; on passe aussi d’une demande d’autorisation à une simple déclaration.

Sur le terrain, certains agriculteurs continuent malgré tout de nous dire que, malgré cette simplification et la réduction des délais, il est toujours très compliqué pour eux de curer fossés et cours d’eau. C’est à cet enjeu-là que l’on doit répondre : il faut que les décisions de simplification que nous prenons se traduisent concrètement dans les faits.

Autre enjeu majeur, la question du revenu et de la trésorerie des exploitants.

Nous progressons sur la question des mesures de trésorerie à prendre en urgence face aux crises. Je pense ici aux mesures de prévention vis-à-vis de la maladie hémorragique épizootique (MHE), aux aides au secteur viticole, ou encore à l’avance sur le remboursement de la taxe sur le GNR que j’ai récemment annoncée : 50 % de cette avance peuvent désormais être immédiatement versés.

En une semaine, le nombre d’exploitants ayant pu bénéficier de ces mesures d’urgence et de trésorerie a doublé. Et évidemment, ce nombre continue à augmenter jour après jour.

Hier, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président Patriat, a eu lieu à Bercy une réunion très importante, qui a mobilisé les banques : des annonces très fortes ont été faites pour améliorer, là encore, la trésorerie des agriculteurs.

Sans oublier le chantier de la future loi Égalim 4 sur lequel nous devons avancer. Je le rappelle, deux députés ont été missionnés sur le sujet, et je sais que vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez à cœur de faire des propositions.

Je souhaite qu’un nouveau projet de loi soit présenté d’ici cet été pour que l’on puisse renforcer la construction « en marche avant » du prix et élaborer des dispositifs plus protecteurs pour nos agriculteurs.

Enfin, permettez-moi d’aborder une question absolument cruciale – je le dis d’autant plus ici que chacun d’entre nous y est confronté –, celle de l’eau. Quel que soit le territoire où l’on se déplace, les agriculteurs nous le disent : l’eau est un enjeu majeur. (M. Bruno Retailleau acquiesce.)

J’ai pris l’engagement – il sera tenu – de revenir sur l’arrêté de 2021 relatif aux plans d’eau, et notamment son article 4, pour traduire l’engagement du Président de la République de donner la priorité à l’usage agricole et alimentaire de cette ressource. Il s’agit de permettre à des projets qui, pour certains, sont bloqués depuis plusieurs mois, voire des années, de sortir enfin de terre, et ce au bénéfice de nos agriculteurs. Ce sont des engagements concrets et tangibles que nous prenons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

guerre en ukraine et ses conséquences

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la polémique lancée il y a quelques jours sur les propos tenus par le Président de la République, le cynisme le dispute à l’ironie.

Les extrémistes, travestis en colombes, auraient sans aucun doute appelé à l’envoi de troupes pour soutenir la Russie s’ils étaient aujourd’hui au pouvoir. Non seulement l’argent du mage du Kremlin les a financés, mais l’alliance avec la Russie figurait en toutes lettres dans leur programme.

La France n’est pas en guerre au sens où nous l’entendions au XXe siècle, mais elle sait très bien qu’une large part de sa propre sécurité et de celle du continent se joue à l’Est.

Laisser gagner Poutine, c’est accepter la défaite de nos valeurs. Notre groupe ne peut s’y résoudre et se félicite que le Parlement soit amené très prochainement à voter sur le sujet.

La France n’est pas en guerre, mais les conséquences de celle-ci nous affectent. Comme beaucoup, nous sommes la cible de campagnes de manipulation de l’information et d’une forme de propagande, auxquelles la numérisation accrue de la société donne un écho amplifié. Via ce type d’actions de guerre 4.0, nos adversaires cherchent à saper notre volonté, voire à nous imposer la leur.

Dans ces conditions, il nous faut déployer davantage de moyens pour prévenir et contrer ces influences et ces cyberattaques, tout en préservant la liberté de nos concitoyens. Nous ne réussirons pas sans eux. Lucidité, formation et participation des citoyens sont primordiales pour la robustesse de notre démocratie. Beaucoup reste à faire dans ce domaine.

La France doit continuer à soutenir l’Ukraine dans son combat pour rester souveraine. C’est un impératif. Nous devons bien sûr assurer les livraisons d’armes, mais il nous faut aussi renforcer notre arsenal.

Monsieur le ministre, dans le champ informationnel, que compte faire le Gouvernement, tant sur le plan national qu’européen, afin de tonifier notre corps social ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Vanina Paoli-Gagin, depuis deux ans, le régime de Vladimir Poutine fait pleuvoir le fer et le feu sur le peuple ukrainien, qui résiste avec une bravoure qui fait l’admiration du monde entier.

Depuis quelques mois, la posture du régime s’est durcie à la fois sur la ligne de front, le territoire ukrainien, en Russie – avec l’assassinat politique d’Alexeï Navalny, qui aura donné sa vie pour la liberté, et dont nous saluons la mémoire –, en Europe et en France, qui sont désormais la cible de vastes campagnes de manipulation et de désinformation orchestrées par des intérêts ou des courroies de transmission russophiles, qui veulent porter atteinte à notre débat public.

L’intention de Vladimir Poutine est double : affaiblir le soutien à l’Ukraine dans l’opinion publique, d’une part ; porter atteinte à la clé de voûte de nos démocraties libérales, le débat public et les campagnes électorales, d’autre part. On l’a vu récemment lors des élections législatives en Slovaquie, qui ont été perturbées par la diffusion d’un hypertrucage, un deepfake, impliquant l’un des candidats, qui a semé le doute sur les résultats du scrutin.

Le 12 janvier dernier, Stéphane Séjourné, avec ses homologues allemand et polonais, a révélé l’existence de 193 sites dormants destinés à perturber le débat public et les futures élections, grâce au travail remarquable de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, créé en 2021 par la volonté du Président de la République, et placé sous l’autorité du Premier ministre.

Ce lundi 26 février, à Paris, Emmanuel Macron a convoqué un sommet international, qui a rassemblé vingt-sept chefs d’État et de gouvernement ou leurs représentants directs. Les manœuvres informationnelles étaient à l’agenda de cette conférence et feront l’objet d’une réunion de suivi par les ministres des armées et des affaires étrangères.

Pour ma part, j’ai appelé la Commission européenne à se saisir des pouvoirs qui sont les siens aux termes du règlement sur les services numériques pour obtenir de la part des grandes plateformes un engagement ferme,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … celui de faire respecter le silence électoral lors des élections européennes des 6 et 9 juin prochains. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

coupes budgétaires de bercy

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie et des finances, mais il n’est pas là ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est au Brésil pour le sommet du G20, laissant la France à son carnaval budgétaire ! (Sourires.)

Le groupe auquel j’appartiens, le RDSE, n’a pas la réputation de compter dans ses rangs des extrémistes ou des excités.

M. Mickaël Vallet. Ça non ! (Sourires.)

M. Christian Bilhac. Il s’agit du plus ancien groupe politique du Sénat, qui s’appuie sur les valeurs essentielles, au rang desquelles on trouve la défense des principes républicains, fondements de notre démocratie. Groupe minoritaire dans cette assemblée, il ne s’oppose jamais par principe au Gouvernement ni à la majorité sénatoriale.

À la tribune, lors des explications de vote sur le projet de loi de finances pour 2024, j’avais déclaré que le texte était marqué du sceau du mépris pour le travail du Sénat, pour les 150 heures de débat qui venaient d’avoir lieu et pour les 3 800 amendements qui avaient été balayés d’un revers de main.

Avec la publication du décret du 22 février 2024 portant annulation de près de 10 milliards d’euros de crédits votés en loi de finances, vous brutalisez la démocratie ! (M. le ministre délégué chargé des comptes publics proteste.) Dans notre République, il revient en effet au Parlement de voter le budget.

Jouant à la limite du hors-jeu avec les dispositifs de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) de 2001, vous annulez des crédits votés il y a à peine deux mois, de manière solitaire et autoritaire, en oubliant le dicton que, pourtant, tous les enfants connaissent : « Donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler ! »

Toujours en affichant le même mépris et la même assurance, vous avouez en réalité avec ce décret que vos prévisions budgétaires étaient fondées sur des hypothèses trop optimistes, et cela malgré nos multiples mises en garde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Bilhac, je tiens d’abord à vous rassurer : on ne brutalise pas la démocratie avec un décret portant annulation de crédits (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), tout simplement parce que la loi organique relative aux lois de finances, dont la révision en 2021 découle, je le rappelle, d’une initiative parlementaire très largement soutenue, de manière transpartisane, permet de s’adapter au contexte et de revenir sur le vote de certains crédits en cas de crise. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Jean-François Husson. Le contexte n’a pas changé !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le contexte, ne vous en déplaise, a bel et bien changé. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

D’ailleurs, ce n’est pas la France qui le dit : au même moment où nous revoyons nos prévisions de croissance, la Commission européenne, l’Allemagne, l’Irlande ou les Pays-Bas le font aussi. Vous le voyez, tous les pays européens sont touchés par un ralentissement de l’activité économique en raison de la conjoncture internationale.

M. Max Brisson. Vous n’aviez qu’à écouter davantage le Sénat !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Regardez ce qui se passe en Chine, regardez les effets de la guerre en Ukraine : ce décret est un acte de responsabilité.

Nous en avons débattu ici même, monsieur Bilhac, et je sais que vous êtes attaché à l’objectif de redressement des finances publiques et à la nécessité de faire des économies.

Je m’attendais, peut-être naïvement, à ce que vous saluiez cet acte de responsabilité, qui contribue à ne pas laisser dériver nos finances publiques. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K.)

M. Max Brisson. Un peu d’humilité !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons fait en sorte de baisser immédiatement nos dépenses de 10 milliards d’euros, tout simplement parce que, quand on gagne moins, on dépense moins. Nous avons les finances publiques en partage : nous n’allons pas demander à nos enfants et à nos petits-enfants de financer nos dépenses !

Mme Catherine Morin-Desailly. Il aurait fallu en débattre de manière transparente !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’effort porte sur 1,5 % des dépenses de l’État. Je tiens à cet égard à saluer chacune et chacun des ministres qui participe à cet effort, un effort collégial qui, par souci d’exemplarité, pèse uniquement – j’y insiste – sur l’État.

Monsieur le sénateur, j’espère ainsi avoir pu vous rassurer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Très bien !

crise agricole (i)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Karine Daniel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, redonner aux prix leur rôle de signaux de marché, tel était le mot d’ordre des réformes de la politique agricole commune de 1992 et 1999.

Trente ans plus tard, nous y sommes : les prix garantis ont disparu ; les prix sont volatils et singulièrement bas dans plusieurs secteurs de production agricole.

Initialement, les aides directes sont attribuées pour compenser ces baisses de prix. Au fil des réformes, elles sont de plus en plus découplées des facteurs de production, mais restent majoritairement liées à la surface des exploitations.

Madame la ministre déléguée, il y a quelques semaines, le Gouvernement exprimait son refus de mettre en œuvre l’une des principales revendications du monde agricole, celle d’une meilleure régulation des prix.

Acculé par les mobilisations des agricultrices et des agriculteurs, le Président de la République a fini par reconsidérer la question et propose désormais un prix plancher.

Madame la ministre, il va de soi qu’un prix plancher national renforcerait mécaniquement les importations en provenance du reste de l’Europe et des pays tiers. Vous le savez, pour être efficace dans notre marché unique, ce prix garanti doit être européen.

Alors, comment comptez-vous négocier cette unification des prix garantis à l’échelle européenne ? Sur quels critères, pour quelles productions, et selon quel calendrier ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Karine Daniel, vous m’interrogez sur la récente annonce du Président de la République, qui s’inscrit dans le prolongement du travail que nous menons depuis sept ans pour rendre du revenu aux agriculteurs et faire en sorte, au travers des lois Égalim, qu’ils reçoivent une juste rémunération pour leur travail.

Vous le savez, nous avons élaboré les lois Égalim sur le fondement des conclusions des États généraux de l’alimentation : c’est donc l’ensemble des filières agricoles qui se sont mises autour de la table, qui ont fait des propositions et qui ont contribué à la mise en œuvre de ces lois.

Les lois Égalim ont permis des progrès, tant pour le revenu des agriculteurs qu’en matière de contractualisation. Elles ont contribué à prévenir, voire à soutenir un certain nombre d’agriculteurs concernés par cette contractualisation.

Toutefois, nous le constatons ensemble, cela ne va pas assez loin. C’est d’ailleurs ce que nous a dit le Président de la République.

Après la loi Égalim 1, la loi Égalim 2, la loi Descrozaille, nous envisageons d’aller un cran plus loin, c’est-à-dire de construire les prix sur les indicateurs de référence – c’est l’esprit de la loi Égalim – qui sont élaborés par les filières, en faisant en sorte que cette construction « marche en avant ».

Cela signifie qu’il faut mieux structurer les filières, notamment celles qui sont soumises à des obligations de contractualisation aujourd’hui, mais qui ne les respectent pas – je pense notamment à la filière viande. D’autres filières, à l’inverse, parviennent à se structurer : c’est le cas de la filière lait, qui a réussi à contractualiser 90 % de ses volumes de production.

Cela signifie aussi qu’il faut favoriser la signature de contrats tripartites. Un certain nombre de contrats de ce type ont été conclus entre la grande distribution, les industriels et les agriculteurs, mais cela reste minoritaire dans l’ensemble des filières.

Cela étant, je tiens à vous rassurer : nous allons avancer dans cette voie, en lien avec la profession agricole. Nous avons confié une mission de quatre mois à deux députés, qui auront à cœur de nous faire des propositions, lesquelles déboucheront sur un projet de loi auquel vous serez évidemment associés et qui s’appuiera sur l’ensemble des travaux menés par les parlementaires ces derniers mois. (MM. François Patriat et Xavier Iacovelli applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.

Mme Karine Daniel. Madame la ministre, vous aurez beau faire des lois Égalim 1, 2, 3, 4, 5 ou 6, tant que vous raisonnerez sur un plan national, alors que le marché unique est européen, votre politique restera inefficace, et tout le monde le sait !

En matière de régulation des prix, il faudra pouvoir dire un jour aux agricultrices et aux agriculteurs de ce pays qu’il convient de raisonner également sur les quantités produites. Il nous faudra en outre réfléchir à la meilleure manière de réguler ces volumes de production.

Nous réaffirmons pour notre part que le bon échelon d’intervention reste l’échelon européen. Nous devrons avoir ce débat avec les agricultrices et les agriculteurs qui sont mobilisés aujourd’hui sur le terrain, notamment dans le cadre des élections européennes à venir. Nous serons au rendez-vous pour discuter de ces sujets, notamment des enjeux de régulation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

crise agricole (ii)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Les passions populaires que suscite chaque année le salon de l’agriculture ne doivent pas nous faire perdre de vue la crise structurelle que traverse la filière.

Quelques rappels : en 1946, la France comptait 6 millions de paysans ; aujourd’hui, il reste moins de 400 000 exploitations agricoles dans notre pays, et la moitié des agricultrices et des agriculteurs actuellement actifs partiront à la retraite dans les dix ans à venir.

Par ailleurs, en moyenne, deux paysans se suicident chaque jour ; dans le même temps, les grands actionnaires des industries agroalimentaires captent la moitié de la valeur ajoutée, après paiement des salaires et des impôts de production. C’est la preuve que la valeur ajoutée, malgré les lois Égalim, a davantage été captée par l’aval, c’est-à-dire la distribution, que par la ferme, qui est pourtant la source de production de cette valeur.

Ce système a créé une pression permanente sur les prix à la production, qui touche toutes les filières à des degrés divers.

Pour m’en tenir au seul exemple de mon département d’élection, les Côtes-d’Armor, il a perdu en un an la production de 10 millions de litres de lait. Aujourd’hui, certains grands groupes industriels du secteur se livrent à un véritable chantage, allant jusqu’à menacer de refuser de collecter le lait auprès des producteurs qui n’accepteraient pas le prix qu’ils imposent.

Dans un tel contexte, comment ne pas comprendre que l’accumulation des normes et des paperasseries ajoute à l’exaspération, même si ce ne sont pas elles qui contribuent à diminuer le revenu paysan ?

Madame la ministre déléguée, le Gouvernement est-il disposé à engager un mécanisme de type coefficient multiplicateur et prix plancher, afin de mieux garantir le retour de la valeur ajoutée à la ferme…

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérard Lahellec. … et de soutenir les expérimentations en cours, notamment avec les collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Lahellec, vous m’interrogez, comme la précédente oratrice, sur le revenu des agriculteurs, en vous intéressant plus particulièrement au territoire national et à la mise en œuvre des prix plancher.

Vous relayez ici la colère légitime de nos agriculteurs, et vous avez raison ! Il nous faut répondre à cette colère et apporter des solutions concrètes à ces femmes et à ces hommes qui consacrent leur vie à nous nourrir, une vie d’efforts et de contraintes, qui doit être justement rémunérée.

C’est pourquoi, je le redis, nous avons, dès 2017, lancé les États généraux de l’alimentation et fait en sorte que les recommandations des filières agricoles et des agriculteurs trouvent une traduction législative dans les lois Égalim 1 et 2.

A-t-on fait des progrès ? La réponse est oui. Puisque vous avez évoqué les situations de conflit entre un industriel et ses fournisseurs de lait, je rappelle que c’est grâce aux instruments prévus par les lois Égalim que ces derniers bénéficient aujourd’hui de la médiation de l’État, à travers le médiateur des relations commerciales agricoles, dont le rôle est d’accompagner les différents acteurs de la filière. C’est aussi grâce à ces lois que nous avons mis en place un comité de règlement des différends commerciaux agricoles capable de trancher ce type de conflit et de redonner du pouvoir aux agriculteurs dans les négociations.

Comme je l’ai indiqué, nous souhaitons aller plus loin : aussi confions-nous aux députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault le soin de nous faire des propositions d’ici quatre mois, ce qui contribuera à construire « en marche avant » le prix des contrats, et ce qui me permet de répondre partiellement à votre question.

Nous retenons cette approche en concertation avec les filières, et sur la base des coûts de production qu’elles auront elles-mêmes définis. Il nous appartiendra de pousser ces filières à mieux s’organiser.

S’agissant de l’Europe, la question est tout à fait légitime : nous prenons le sujet à bras-le-corps, puisque nous l’avons abordé avec le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, et avec le commissaire à l’agriculture : nous poussons pour la mise en place d’une loi Égalim européenne, qui permette de protéger nos agriculteurs et de renforcer nos contrôles.

envoi de troupes au sol en ukraine

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Il est vingt-trois heures lundi soir quand, à la sortie de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine, le chef de l’État a déclaré que l’envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine ne devait pas être exclu.

Les Français découvrent alors, en direct, un changement fondamental de notre stratégie, au travers du soutien que nous apportons à l’Ukraine face à l’invasion d’une partie de son territoire par la Russie.

Cette déclaration est d’autant plus incompréhensible qu’elle remet en cause toute la cohérence défendue jusqu’ici par la France. Mais que signifie cette initiative dont nos propres alliés au sein de l’Otan se sont aussitôt désolidarisés ?

Monsieur le Premier ministre, cette orientation n’a pas été préparée et n’a pas non plus fait l’objet d’une concertation avec le Parlement, qui n’en a jamais été saisi ni de près ni de loin.

En vertu de notre Constitution, la France ne peut déclarer la guerre que sur autorisation de son Parlement. Bien sûr, nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet lors du débat qui sera organisé prochainement, mais ce ne sera que de manière incidente, puisque le débat en question ne portera que sur l’accord bilatéral de sécurité entre la France et l’Ukraine et qu’il aura lieu après coup.

M. Emmanuel Capus. Quel coup ?

M. Loïc Hervé. Il est impossible de connaître précisément la portée d’une telle annonce ; en outre, les enjeux sont trop vastes pour laisser le champ libre à ce type d’improvisation, surtout quand Donald Trump, désormais donné vainqueur de la course à la Maison-Blanche, proclame haut et fort que, s’il est élu, non seulement il arrêtera de soutenir l’Ukraine, mais il retirera les États-Unis de l’Otan.

Avec cette déclaration sur l’envoi de troupes au sol, nous prenons surtout le risque de fragiliser notre propre camp.

Alors, monsieur le Premier ministre, quels engagements votre gouvernement prend-il ici pour respecter l’ordre constitutionnel et continuer de défendre notre intérêt le plus fondamental, à savoir la paix ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le président Loïc Hervé, le combat des Ukrainiens est aussi le nôtre, parce que, en se battant depuis deux ans pour l’intégrité de leur territoire, ils se battent aussi pour la sécurité de l’Union européenne et de la France. En effet, chacun sait que les dictateurs ne prennent pas de vacances et que, si l’Ukraine devait tomber – mais nous ferons tout pour l’éviter –, la ligne de front se déplacerait inévitablement vers l’ouest. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Quand la maison du voisin brûle et que l’incendie menace de se propager, on ne reste pas les bras ballants ; on se lève et on agit ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti sexclame également.)

Comme le disait Raymond Aron en 1939, nous croyons à la victoire finale des démocraties, mais à une condition, c’est qu’elles le veuillent. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a convoqué, lundi 26 février, un sommet international auquel vingt-sept chefs d’État et de gouvernement, ou leurs représentants directs, se sont rendus et au cours duquel ils se sont entendus pour poursuivre notre soutien à l’Ukraine, pour faire plus, mieux et différemment.

À cette occasion, le Président de la République a déclaré que nous ne pouvions rien exclure, que nous devions explorer tout le champ des possibles, tout en accroissant notre soutien à l’Ukraine. (Mme Marie-Arlette Carlotti sexclame.)

Ce serait une faute grave et une menace pour notre sécurité que de refuser de débattre de toutes les options qui se présentent à nous, aujourd’hui et demain !

Vous avez raison, monsieur le sénateur Loïc Hervé, il faut que les Français soient pleinement associés à ces décisions et éclairés à leur sujet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est la raison pour laquelle le Président de la République a également annoncé qu’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution aurait lieu au sein du Parlement. Ce sera l’occasion pour les deux chambres de se saisir pleinement de ces sujets. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

réduction des dépenses publiques

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, vous avez décidé par décret d’une nouvelle cure d’austérité de 10 milliards d’euros pour notre pays, reconnaissant par là même le caractère insincère du projet de loi de finances pour 2024.

Depuis sept ans, vous voulez faire croire aux Français que l’on peut réduire, à la fois, les recettes fiscales de l’État et les dépenses publiques. Or, dans le domaine des finances publiques, moins plus moins ne fera jamais plus !

Alors qu’un gouvernement devrait protéger et anticiper l’avenir, vous participez aveuglément au creusement des inégalités dans notre pays et vous précarisez, encore et toujours, les plus fragiles.

Éducation : –1,7 milliard d’euros, et autant de professeurs, de chercheurs, d’assistants d’éducation, d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), d’infirmières et d’infirmiers scolaires que l’on ne pourra pas recruter.

Écologie : –2,1 milliards d’euros, et autant de passoires énergétiques que l’on ne rénovera toujours pas en 2024.

Emploi et formation : – 1,1 milliard d’euros, et autant de demandeurs et demandeuses d’emploi sans solution de formation et de retour vers l’emploi.

Pourtant, l’argent est là. Il existe.

Niches fiscales et sociales, réductions d’impôts, baisses des cotisations patronales, aides directes : pour les grandes entreprises, pour les actionnaires, pour les 1 % les plus riches de notre pays, l’argent pleut chaque année un peu plus, mais sans aucun effet manifeste sur les indicateurs économiques qui vous sont si chers.

Monsieur le ministre, quand allez-vous abandonner ce dogme absurde et inefficace du « toujours moins de fiscalité pour les plus aisés », au détriment des services publics et des réponses urgentes et pérennes à la crise sociale et climatique ? Quand allez-vous cesser de mentir aux Français en prétextant une conjoncture défavorable que vous étiez le seul à ne pas voir venir ? Quand allez-vous enfin anticiper et investir pour l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, je le redis, il ne s’agit pas d’une cure d’austérité ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Savez-vous ce qu’était l’austérité dans les pays qui l’ont connue ? La baisse des salaires et des rémunérations, l’augmentation des impôts, la fermeture des services publics et la diminution des pensions de retraite, voilà ce qu’est l’austérité ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

Je ne vous dis pas que nous ne demandons pas de faire un effort collectif… D’ailleurs, cet effort est ciblé sur l’État, et non pas sur les collectivités territoriales ou sur la sécurité (Mêmes mouvements.), dans un souci d’exemplarité.

Vous dites, madame la sénatrice, que nous avons renoncé à toutes nos ambitions écologiques. Or nous avons débattu ici même du budget vert de l’État ; vous savez donc quel effort est fait dans le domaine de la transition écologique, un sujet auquel, je le sais, vous êtes attachée. Nous y consacrons 40 milliards d’euros dans la loi de finances – je vous invite à consulter les documents, nous en avons débattu ensemble –, ce qui représente une hausse de plus de 8 milliards d’euros. C’est le budget le plus vert de notre histoire ! (Marques dironie sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Nous continuons à investir dans la transition écologique comme jamais !

Au travers de MaPrimeRénov’, 800 millions d’euros supplémentaires sont consacrés à la rénovation énergétique des logements, soit davantage que l’année dernière.

Pour le ferroviaire, nous dépenserons plus que l’année dernière, et nous ferons de même pour les énergies renouvelables et pour la décarbonation de l’industrie.

M. Jean-François Husson. Et encore des dépenses, allons-y !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous continuons à investir comme jamais pour la transition écologique ! Nous produisons cet effort alors que nous faisons face à une situation exceptionnelle de baisse de nos recettes ; il nous faut donc ajuster nos dépenses.

Je le redis, cet effort représente 1,5 % au maximum de l’ensemble des crédits de l’État. C’est loin d’être une cure d’austérité !

On ne peut pas laisser nos finances publiques dériver… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. C’est un aveu !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avec le Premier ministre et Bruno Le Maire, c’est ce que nous défendons : garantir, pour les générations suivantes, que nous savons aujourd’hui gérer correctement notre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour la réplique.

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le ministre, à force de toujours passer en force et de ne pas vouloir débattre, vous ne parvenez plus à convaincre, ni à gauche ni à droite de cet hémicycle ! Nous étions là lorsque le projet de loi de finances a été présenté ; nous savons donc pertinemment que ce budget n’est pas vert et que vous dites des mensonges. Cessez de mentir aux Français et agissez !

Nous nous retrouverons au mois de juillet pour l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) ; nous verrons alors qui a raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

guerre en ukraine

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le chef de l’État a tenu lundi dernier des propos qui ont surpris, voire inquiété, les Français et nos alliés.

En juin 2022, il recommandait de ne pas humilier la Russie, alors que les Ukrainiens subissaient depuis cent jours les assauts de l’armée russe. Aujourd’hui, il affirme que l’envoi de troupes au sol ne devrait pas être exclu. Il a compris que la méthode douce ne fonctionnait pas avec Vladimir Poutine. Son entourage tente d’expliquer, d’ailleurs, qu’il aurait souhaité envoyer un signal à la Russie. Mais on ne peut pas improviser sur un tel sujet sans se concerter avec nos alliés !

Ces effets de manche nous isolent et ils obligent nos alliés à se désolidariser. Le sujet est trop sérieux et trop grave : c’est de la sécurité des Français et de l’Europe qu’il s’agit.

Monsieur le Premier ministre, comment le chef de l’État peut-il sérieusement envisager l’envoi de militaires sur le terrain alors que nous ne sommes qu’au début de la relance de notre effort de défense ?

Comment imaginer envoyer des troupes au sol, alors que nous ne sommes pas capables de fournir à l’Ukraine les armes et les munitions dont elle a besoin ?

Je terminerai mon propos par ces mots du Premier ministre polonais, Donald Tusk : « Si tous les pays de l’Union européenne étaient autant impliqués dans l’aide à l’Ukraine que la Pologne, il ne serait sans doute pas nécessaire de discuter d’autres formes de soutien. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Perrin, je suis absolument convaincu que personne ici ne pourrait accepter l’idée ou la perspective que la Russie gagne cette guerre. D’abord parce que, derrière l’Ukraine, il y a nous !

Si un certain nombre de pays historiquement neutres – je pense à la Suède, à la Finlande – font le choix de rejoindre l’Otan, c’est bien parce qu’ils perçoivent une menace directe à leur encontre.

Je vous renvoie également aux déclarations de ministres de la défense de certains de nos voisins, notamment allemand et britannique, relatives à la perspective de conflits en Europe qu’ils prévoient pour les cinq ou dix prochaines années.

Il y a une autre raison pour laquelle on ne peut accepter l’idée que la Russie l’emporte : la guerre que mène ce pays contre l’Ukraine est aussi une guerre contre un modèle et des valeurs qui sont les nôtres.

La Russie cherche à démontrer que la démocratie serait un état de faiblesse et que l’État de droit serait un état d’indécision. Notre responsabilité, que nous assumons depuis deux ans, est précisément de montrer l’inverse.

La France, dès le début de ce conflit, a toujours recherché la paix, en premier lieu par la voie de la diplomatie. Je veux rappeler la mobilisation du Président de la République qui est allé à Moscou rencontrer Vladimir Poutine pour chercher, par la voie diplomatique, à le faire renoncer à son projet d’agression.

Nous avons constaté que les paroles de Vladimir Poutine ne valaient rien et qu’il ne tenait aucun de ses engagements. Depuis lors, nous avons assumé avec nos partenaires européens, pour les raisons que je viens d’évoquer, la position consistant à soutenir les Ukrainiens dans ce combat.

Chacun ici se souvient que, à l’époque, voilà deux ans, nombreux étaient ceux qui excluaient des modalités de soutien qui se sont, ensuite, révélées effectives. Je me rappelle ainsi que, au début de ce conflit, de nombreux responsables politiques, y compris chez un certain nombre de nos alliés, excluaient absolument la possibilité de soutenir les Ukrainiens en leur envoyant des missiles ou des chars. À l’époque, on parlait plutôt de sacs de couchage et de jumelles… La réalité est qu’aujourd’hui les Européens sont unis pour soutenir militairement les Ukrainiens et leur permettre de résister.

Au tout début du conflit, la perspective d’une Europe unie qui prononce des sanctions extrêmement fermes contre la Russie et ceux qui financent cette guerre n’était ni atteinte ni en passe de l’être !

Nous l’avons vu, la Russie a changé de posture : elle s’est durcie dans le cadre de ce conflit, de cette agression armée, mais aussi vis-à-vis de la France et de ses alliés. Vous en êtes conscient en tant que président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, et chacun l’aura également constaté.

Multiplication de fausses informations pour nous intoxiquer, tentatives de déstabilisation pour nous diviser, déstabilisation de pays dans lesquels nos forces étaient déployées – je pense au Sahel –, multiplication des cyberattaques, militarisation de l’espace : en réalité, la Russie est une menace directe et immédiate pour la France sur tous les plans.

Au vu de ces conditions, le Président de la République a réuni une coalition internationale de chefs d’État, qui a dégagé plusieurs consensus : le constat du durcissement de la posture russe ; la nécessité d’aller plus loin tant dans la fourniture d’équipements militaires aux Ukrainiens, pour qu’ils puissent se défendre, que sur un certain nombre d’autres chantiers.

Le Président de la République a été interrogé : pouvait-il exclure des perspectives par principe ?

Monsieur le président Perrin, au regard de ce que je viens de vous dire, de l’historique de ce conflit et du changement de posture de la Russie, le Président de la République pouvait-il dire, en responsabilité, qu’il exclut par principe certaines perspectives ? Je ne le crois pas !

Je le dis de manière très claire, les soldats français dont on parle pourraient tout à fait accomplir des missions de formation, des actions de défense sol-air ou de défense de frontières. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Certaines interventions donnent le sentiment que le Président de la République avait annoncé un certain nombre de choses… Non ! Je le répète, il a, en responsabilité – et je considère qu’il a fait preuve d’une grande responsabilité –, refusé d’exclure des perspectives.

Si nous avions écouté ceux qui excluaient certaines perspectives il y a deux ans, nous ne soutiendrions pas militairement les Ukrainiens aujourd’hui, et ceux-ci n’auraient probablement pas survécu à l’agression russe et combattu comme ils le font héroïquement depuis deux ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d’avoir répondu personnellement à cette question importante.

Le Président de la République souhaitait maintenir l’ambiguïté stratégique. Or il a obtenu l’effet inverse, puisqu’il a obligé nos alliés à sortir de cette ambiguïté en annonçant clairement qu’ils étaient, quasiment tous, contre l’intervention au sol. Je pense qu’il faut être responsable sur ces questions et qu’il serait bon de consulter le Parlement sur ce sujet.

Par ailleurs, plutôt que de formuler toutes ces petites phrases, qui me paraissent dangereuses, il me semble important – je vous rejoins sur ce point – d’apporter un soutien efficace à l’Ukraine.

La seule chose que comprend Vladimir Poutine, ce sont les rapports de force. Le mieux que nous ayons à faire, car c’est le meilleur rapport de force que nous puissions lui opposer, c’est de nous comporter comme un allié exemplaire et de fournir aux Ukrainiens les munitions et les matériels dont ils ont besoin. C’est le plus important aujourd’hui ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

économies budgétaires (i)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, le 19 février dernier, vous avez choisi d’envoyer le ministre de l’économie et des finances, M. Bruno Le Maire, sur un plateau de télévision pour annoncer un plan d’économie de 10 milliards d’euros. Ce faisant, il contredisait la réponse qu’il m’avait faite, le 25 janvier, à une question d’actualité que je posais au Gouvernement. Pouvez-vous me donner les raisons de cette volte-face ?

Quelle méthode et quel plan d’action allez-vous mettre en œuvre pour réaliser ces économies budgétaires ? Comment allez-vous y associer le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Après avoir répondu au président Perrin, je vais répondre au rapporteur général Husson en souvenir des soirs, et même des nuits, que nous avons passés ici, avec le président Raynal et bien d’autres (Rires.), bien évidemment lors de l’examen du projet de loi de finances, lorsque j’étais ministre chargé des comptes publics…

Monsieur le rapporteur général, nous avons eu l’occasion de dire – Bruno Le Maire, notamment, l’a indiqué – que nous constations, partout en Europe, un ralentissement de l’activité économique. Je vous invite à regarder la réactualisation de la prévision de croissance de l’Allemagne qui a été faite voilà quelques semaines : elle est passée de 1,3 % à 0,2 % – et je le déplore. Ce ralentissement économique touche toute l’Europe, et notamment la France, mais – nous pouvons nous en réjouir – moins la France que ses voisins. Nous avons donc, en responsabilité, réactualisé notre prévision de croissance de 1,4 % à 1 % pour 2024.

M. Jean-François Husson. Ça ne suffira pas !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Le ralentissement économique a probablement démarré à la fin de l’année 2023, avec un impact sur les recettes en 2023 et donc probablement – nous le saurons à la fin du mois de mars – un impact sur le solde public de l’année 2023.

Dans ces conditions – et vous savez que telle a été la ligne que j’ai suivie lorsque j’étais ministre chargé des comptes publics, j’ai décidé en tant que Premier ministre d’ajuster nos dépenses, pour tenir compte de la diminution de nos recettes liée au ralentissement de l’activité économique. Comme je l’ai dit aux membres du Gouvernement, cela ne fait plaisir à personne de prendre de telles mesures d’économies en cours d’année. Nous l’avons fait en responsabilité, en visant des politiques publiques identifiées : l’aide publique au développement (APD) ; MaPrimeRénov’, comme l’a rappelé Thomas Cazenave, mais dans un contexte où le budget qui lui est consacré a massivement augmenté.

Je serais plus disposé à accepter que l’on me donne des leçons sur le budget de la rénovation énergétique si celles et ceux qui le font avaient consacré les crédits nécessaires à la rénovation énergétique lorsqu’ils étaient aux responsabilités, ce qui n’a pas été le cas. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.) Nous sommes plus responsables qu’eux aujourd’hui !

M. Jean-François Husson. Vous les souteniez à l’époque !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Mais je n’avais pas les mêmes fonctions…

Cela étant dit, monsieur le rapporteur général, il nous faut poursuivre ce travail, notamment en prévision du projet de loi de finances pour 2025. Nous devrons dégager des économies structurelles qui sont nécessaires, non pas seulement parce que les recettes ont diminué cette année, mais parce que nous voulons financer un certain nombre de transitions absolument majeures – le réarmement de nos services publics, et en premier lieu de nos services publics régaliens ; la transition écologique ; la transition démographique –, et nous devons avoir les marges de manœuvre pour le faire, en assumant des économies.

J’ai indiqué il y a quelques jours que je souhaitais lancer une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Je l’assume ! Notre modèle social doit être davantage tourné vers l’incitation à l’activité. Plus les Français qui travaillent seront nombreux, plus les recettes permettant de financer nos politiques publiques seront importantes. Si notre taux d’emploi était le même que celui que l’on observe chez nos amis allemands, nous n’aurions pas de problème pour équilibrer nos politiques publiques.

Donc oui, il faut continuer à inciter au travail et assumer la recherche d’un modèle social moins coûteux et plus efficace ; cela fait partie de nos pistes de travail. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous y travaillerez avec nous lors des prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, en soixante jours, tout n’a pas changé : pas davantage la situation en Ukraine que la crise des énergies, les échanges commerciaux, les difficultés de nos relations avec la Chine ou la question des composants électroniques…

Oui, vous avez choisi de doper la croissance dans vos prévisions macroéconomiques, à hauteur de deux fois ce qu’avait prévu le consensus des économistes. Vous êtes donc, finalement, rattrapé par la patrouille et par une forme de mise en danger ou d’amateurisme.

Non, contrairement à ce que dit le ministre de l’économie et des finances, le Gouvernement ne se serre pas la ceinture ! Dois-je rappeler qu’avant 2020 le déficit de l’État était inférieur à 90 milliards d’euros par an, et qu’il est de manière continue depuis 2020 supérieur à 150 milliards d’euros par an ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Vous m’avez reproché en novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances, la brutalité des mesures d’économies que nous proposions et dont le montant, adopté par la majorité sénatoriale, était de 7 milliards d’euros.

Or les mesures d’économies que vous proposez aujourd’hui sont extrêmement brutales, puisqu’elles atteignent 10 milliards d’euros ; et dans le même temps que vous faites cette annonce, vous lâchez 5 milliards de dépenses supplémentaires. On n’y comprend plus rien ! Comme l’ont dit les agriculteurs, le Gouvernement marche sur la tête…

Vous dites que vous augmentez le fonds vert, que vous avez beaucoup peint et dépeint l’an dernier lors de la discussion budgétaire. Mais, en fait, vous en réduisez la portée. Et c’est la même chose pour MaPrimeRénov’.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-François Husson. Ne perdons pas la mémoire ! Vous avez reproché à la gauche, à juste titre, d’avoir oublié qu’elle n’avait pas pris les mesures nécessaires lorsqu’elle était aux affaires. Mais, à l’époque, vous souteniez ce gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

crise agricole (iii)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Madame la ministre, mes chers collègues, après des semaines de tension dans le monde agricole et des années de frustration à la suite des échecs successifs des lois Égalim, le Président de la République semble, à la surprise générale, avoir enfin entendu la principale revendication portée par les paysans : la juste rémunération de leur travail.

Pourtant, comme nous le constatons avec le flou gouvernemental qui perdure depuis samedi, cette mesure du prix plancher, qui pourrait être une bonne idée, risque de malheureusement rester au stade de la grande promesse. La véritable question que nous devons nous poser est la suivante : comment remettre du revenu dans nos fermes, et tout particulièrement dans les filières et les régions les plus impactées ?

Le plan de trésorerie d’urgence, avec de simples demandes de moratoire aux banques, ne supprimera pas cette pression financière. L’annonce d’une nouvelle loi Égalim – la cinquième du nom ! –, dont une entrée en vigueur ne saurait être envisagée avant la fin de 2024, semble une réponse bien incertaine et lointaine face à l’urgence actuelle.

Comme avait pu le faire Jean Glavany, avec les contrats territoriaux d’exploitation (CTE), qui ont sauvé de nombreuses fermes, il est nécessaire de penser à un dispositif plus adapté aux enjeux d’aujourd’hui et aux réalités des territoires. Les inégalités entre les filières et les régions, voire entre deux exploitations situées à quelques kilomètres, poussent à une contractualisation territorialisée et individualisée.

Pour permettre cela, madame la ministre, le groupe socialiste du Sénat vous demande d’engager solennellement une révision du plan stratégique national (PSN) de la politique agricole commune (PAC).

Ces révisions nationales sont rendues possibles par la dernière PAC, et peuvent nous donner des moyens d’agir pour assurer : une meilleure régulation du prix ; une plus juste répartition des aides publiques, notamment en renforçant les paiements distributifs aux premiers hectares et en accompagnant davantage la transition agroécologique ; et enfin, un soutien aux filières en difficulté, qui façonnent et font vivre nos territoires.

En cette période de crise, madame la ministre, comptez-vous réellement engager une révision du PSN français ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Barros applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, nul ne peut nier aujourd’hui que l’agriculture européenne traverse une crise majeure, sans doute l’une des plus importantes de ces dernières décennies. Le covid-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, associée à la déstabilisation des marchés énergétiques et agricoles organisée par M. Poutine, ou encore le dérèglement climatique et les menaces qu’il fait peser sur nos récoltes et la biodiversité, sont autant de sources dans lesquelles cette crise trouve ses racines.

Dans ce contexte, il est naturel que la colère de nos agriculteurs s’exprime haut et fort. Pour reprendre les mots de Georges Clemenceau, la colère gronde, mais elle ne doit pas rester sourde aux appels de l’action.

Comment pourrions-nous tolérer que ceux qui nourrissent notre nation ne puissent vivre décemment de leur labeur ? C’est pourquoi le Gouvernement est à l’action pour traiter le problème fondamental de la juste rémunération, pour les protéger de la concurrence déloyale venant de pays qui n’appliquent pas les mêmes règles environnementales que les nôtres, pour simplifier leur vie, afin qu’ils puissent passer plus de temps sur leur exploitation et moins dans leur bureau – c’est aussi une façon d’alléger leurs charges.

Avec Marc Fesneau, je suis en permanence sur le terrain, au contact et à l’écoute des agriculteurs. Nous n’avons pas attendu le salon de l’agriculture pour agir. C’est ainsi que, sous l’égide du Président de la République et du Premier ministre, nous déployons rapidement un plan d’action pour répondre point par point à leurs difficultés.

Les fonds d’urgence ont d’ores et déjà été mis en place et les premiers paiements ont été effectués depuis mi-février, comme nous nous y étions engagés. Il s’agit d’argent frais qui arrive dans les cours de ferme. C’est valable pour le fonds destiné à accompagner les éleveurs impactés par la maladie hémorragique épizootique (MHE), mais aussi pour le fonds d’urgence viticulture. Et nous avons, vous le savez, engagé une mesure de trésorerie sur le gazole non routier (GNR).

Nous avons également négocié hier, avec le ministre de l’économie, des mesures de trésorerie avec les banques.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les premiers textes de simplification ont été établis. Certains sont d’ores et déjà publiés. Nous engageons dès à présent une réflexion, via la mission Égalim qui va être confiée aux députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault.

Nous avons la conviction que l’avenir de notre modèle agricole passera par le défi du renouvellement des générations. Un projet de loi, qui sera présenté en conseil des ministres, en fera un point central.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le PSN vient d’être négocié avec l’ensemble des filières… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Concluez !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous n’avons pas de raison de le réviser à ce stade, puisque nous avons un plan d’action adapté à la situation.

instauration d’un prix plancher pour les agriculteurs

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Madame la ministre déléguée, samedi dernier, lors de l’ouverture du salon de l’agriculture, alors que le Premier ministre tentait, avec vous, depuis plusieurs semaines, de renouer la confiance avec la profession agricole par le travail et la concertation, le Président de la République, survolté, en bras de chemise, dans un grand numéro de communication comme il les affectionne tant, annonçait… – tadam ! – l’arrivée des prix planchers ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Sortie de nulle part, réclamée par personne – nous l’avons vérifié avec la présidente Estrosi Sassone au salon de l’agriculture –, cette annonce a laissé sans voix les paysans et les organisations professionnelles. Vous-même aviez du mal à cacher votre stupéfaction.

Olivia Grégoire disait récemment, à juste titre, que les prix planchers rappelaient Cuba ou l’Union soviétique. (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains opinent.) Quant à Marc Fesneau, il qualifiait ces mesures de « démagogiques ».

Oui, les prix planchers relèvent de l’économie administrée et n’ont aucun sens dans un marché ouvert. Mis en œuvre, ces prix deviendront des prix plafonds. Ils lamineront la compétitivité de notre agriculture à l’export et entraîneront, à moyen terme, une surproduction comparable à celle que nous avons connue dans les années 1980 pour le lait – la profession s’en souvient !

Madame la ministre, les effets d’annonce n’apportent en aucun cas un soutien structurel, même aux filières les plus fragiles comme celle de l’élevage. Surtout, cette méthode jupitérienne casse toujours et encore cette confiance qu’il faut recréer entre la parole publique et le monde agricole.

Ma question est donc simple : que diable êtes-vous allée faire dans cette galère des prix planchers, à laquelle vous ne croyez pas vous-même ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Je vous rappelle que vous disposez d’un temps plancher imparti de deux minutes ! (Rires.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Plutôt un temps plafond, monsieur le président !

Madame la sénatrice Primas, vous l’avez dit, nous avons engagé depuis plusieurs années des réformes permettant de mieux rémunérer nos agriculteurs. Il s’agit des lois Égalim, dont j’ai longuement parlé dans mes dernières réponses. Nous avons fait évoluer le rapport de force dans la négociation entre agriculteurs, industriels et distributeurs, mais le compte n’y est pas aujourd’hui. Vous avez mentionné les filières les plus fragiles, et notamment celle de l’élevage bovin.

Qu’a donc annoncé le Président de la République ? Qu’il s’agissait de prendre la température (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), de constater que les lois Égalim n’ont pas rempli toutes leurs promesses, de remettre l’ouvrage sur le métier et d’avancer d’un cran pour faire respecter ces lois, sanctionner les tricheurs et construire le prix « en marche avant », ainsi que le prévoyaient les lois Égalim : en faisant en sorte que le prix soit négocié sur la base d’indicateurs de référence entre agriculteurs et industriels avant que la négociation ne démarre entre industriels et distributeurs. Voilà ce que nous allons faire ! Telle est la mission qui est confiée aux deux députés que j’ai cités et qui nous feront des propositions dans les mois qui viennent.

Contrairement à ce que disent certains qui essaient d’entretenir la confusion, les prix planchers ne sont pas des prix administrés. Ce n’est pas Cuba sans le soleil ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ces prix sont établis avec les interprofessions, sur la base d’indicateurs de référence. Mme la ministre Grégoire avait raison de dénoncer les projets défendus à l’époque par l’extrême gauche, qui auraient effectivement eu les effets que vous mentionnez : l’effondrement de nos exportations, et un risque d’augmentation des importations.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Vous n’avez pas vraiment répondu à mes questions, mais je n’en suis pas vraiment surprise. Vous avez des solutions pour améliorer Égalim : il y en a, on vous en a proposé, et nous travaillerons ici au Sénat en ce sens. Mais ce n’est pas le sujet. Pour vous, la question majeure concerne la façon de rétablir la confiance, qui est perdue, avec les agriculteurs.

Ce matin, dans les allées du salon de l’agriculture, les agriculteurs ont compris que vous aviez un langage à Paris, un langage au salon et un langage à Bruxelles, où les députés européens Renew votaient ce matin même une loi de décroissance pour le monde agricole ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

quel tourisme de montagne demain ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre chargée du tourisme, le dérèglement climatique va profondément bouleverser – cela commence déjà – nos modes de vie, particulièrement dans les territoires de montagne. Comment accompagner la transformation dans ces territoires ?

J’ai lu récemment deux rapports.

L’un, issu d’une commande faite par Élisabeth Borne à l’ancien ministre Joël Giraud et intitulé Pour une montagne vivante en 2030, plaide pour une vision de long terme avec des investissements dans le domaine de la formation et du logement, afin de favoriser la diversification des activités et la préservation de la démographie. En somme, il expose la façon dont peuvent se conjuguer économie de la montagne et développement durable, avec maintien de l’activité cœur – l’activité neige –, et prévoit trente-trois recommandations concrètes.

L’autre, celui publié par la Cour des comptes le 6 février dernier, porte sur le sujet des stations de ski face au réchauffement et au changement climatiques. Ses conclusions sont bien différentes. Les magistrats de la rue Cambon dépeignent un secteur d’activité sous perfusion de fonds publics, « incapable » de s’adapter aux enjeux écologiques. Leur conclusion générale se fonde exclusivement sur une grille de lecture financière et sur des indicateurs très contestables.

À titre d’exemple, la Cour des comptes évalue la vulnérabilité des stations sur la base d’une altitude moyenne sans prendre en compte l’étendue du domaine, l’exposition des pistes ou encore le nombre de communes supports. À croire que la culture montagnarde des magistrats de la Cour des comptes se limite à la montagne Sainte-Geneviève et ses 61 mètres d’altitude à Paris !

Ma question est simple, madame la ministre : pour quelle vision de la montagne le Gouvernement va-t-il opter ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Arnaud, vous le savez, cela fait désormais plusieurs années que le Gouvernement est engagé sur cette question et que nous suivons de près la situation économique des stations, que vous avez évoquée et qui est pointée, tant pour aujourd’hui que pour l’avenir, par le rapport de la Cour des comptes.

Nous apportons un soutien massif en matière d’investissements. Le plan Avenir montagnes, lancé par l’ancien Premier ministre Jean Castex, vient de s’achever, avec des investissements qui représentaient – il me semble important de le rappeler – un peu plus de 330 millions d’euros, au service d’une montagne des quatre saisons.

Je tiens à le dire clairement, monsieur le sénateur. Vous vous êtes engagé en faveur du ski, qui est important pour la montagne, et il ne s’agit ni de le dénigrer ni de le remplacer. Mais il faut aussi accompagner les élus de la montagne, comme ils l’appellent – je le crois – de leurs vœux, dans le développement d’une montagne de chaque saison, qui soit capable d’accueillir les touristes même en dehors des périodes d’enneigement.

Les changements climatiques sont structurels, vous l’avez dit. Nous accompagnons des projets très concrets avec des subventions massives de plusieurs millions d’euros pour aménager aujourd’hui la montagne et faire en sorte que celles qui seront moins enneigées puissent proposer d’autres activités.

Je tiens à rappeler que les clients répondent présent, puisqu’il faut saluer le taux d’occupation des stations – je n’y suis pour rien, raison de plus pour m’en féliciter ! Plus de 50 % d’occupation en plein mois de juin dans les Alpes, 60 % dans les Alpes du Nord l’été et jusqu’à la mi-septembre, et 58 % dans les Alpes du Sud : c’est bien la démonstration que, s’il y a la montagne du ski, il y a aussi la montagne de l’avant-ski, et celle de l’après-ski. Le Gouvernement est attentif à accompagner les mutations de cette montagne sans avoir une vision parisienne – comme vous pouvez le dénoncer, parfois à juste titre en évoquant le ski –, mais en étant très lucide, car les acteurs de la montagne le sont. Vous avez écrit très récemment, le 6 février dernier, à Bruno Le Maire : le courrier de réponse devrait prochainement vous être envoyé, j’y veille personnellement.

Les difficultés conjoncturelles sont importantes, et les enjeux structurels, massifs. À l’aune du rapport Giraud, 2030 est le bon horizon. Nous serons aux côtés des collectivités qui, elles aussi, s’engagent – car je ne voudrais pas oublier leur investissement. Des centaines de millions d’euros sont déployés pour accompagner la montagne face à ses difficultés actuelles, mais surtout pour l’accompagner dans ses succès futurs. La montagne, ça nous gagne, mais, surtout, elle gagne des touristes, et pas seulement en hiver, mais pendant les quatre saisons. À nous d’être à la hauteur et de l’accompagner ! (MM. François Patriat et Dominique Théophile applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de l’attention que vous portez à la montagne.

En pratique, je souhaite qu’une clarification soit apportée en ce qui concerne le travail des experts de la Cour des comptes, qui est complètement à côté de la plaque si l’on regarde la manière dont les choses ont été évaluées. Il faut que cela soit dénoncé clairement par le Gouvernement.

Par ailleurs, nous attendons une nouvelle version du plan d’aménagement de la montagne, qui doit prévoir non seulement une diversification des activités, mais aussi une consolidation de l’existant. Je pense en particulier à des aménagements pour lesquels des autorisations ont été données, et qui n’ont pas fait l’objet de recours juridique : il faut les terminer, car c’est de cette manière que l’on respectera les acteurs de la montagne. Je pense en particulier à ce qui se passe sur la montagne de la Meije, à La Grave, dans le département des Hautes-Alpes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

coupes budgétaires pour l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Madame Belloubet, vous avez été récemment nommée ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse à la suite de vos prédécesseurs qui se sont succédé à un rythme soutenu, voire trop soutenu, ce qui témoigne de l’absence de politique éducative du Président de la République. Quel point commun entre Jean-Michel Blanquer et Pap Ndiaye ? Nous avons vite compris que le second avait à cœur de remettre en cause l’action du premier…

Vous succédez à Gabriel Attal qui avait, en son temps, fait des annonces. Allez-vous à votre tour remettre en question ces engagements ? J’ai quelques interrogations : êtes-vous favorable, comme lui, au redoublement et à l’aménagement du collège unique, avec la mise en place de groupes de niveau et non de groupes flexibles ? Êtes-vous pour la généralisation de la tenue scolaire, de l’interdiction de l’abaya et pour le respect de la laïcité lors des sorties scolaires ? Êtes-vous pour la restauration de l’autorité à l’école, ou s’agit-il toujours de « fariboles », pour reprendre vos anciens propos ?

Enfin, madame la ministre, alors que votre prédécesseur a toujours indiqué que l’éducation nationale était la mère des batailles, comment pouvez-vous justifier la baisse de près de 700 millions d’euros des crédits de l’enseignement scolaire ? Éclairez-nous sur le projet que vous voulez mettre en œuvre pour enrayer la baisse de niveau des petits Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Grosperrin, le Président de la République et le Premier ministre ont fixé ce qu’étaient nos priorités pour l’école.

D’une part, clairement, améliorer nos résultats scolaires et donc l’efficacité de notre système éducatif, un objectif qui me semble partagé par les uns et les autres ici.

D’autre part, assurer le bien-être de nos élèves et de nos enseignants dans l’école. Il me semble qu’un climat de sérénité scolaire est indispensable pour la réussite éducative.

M. Max Brisson. Ce n’est pas la question !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Pour le reste, vous me posez une série de questions, dont certaines m’étonnent.

Vous me demandez si je suis favorable à la laïcité. Quelle autre réponse pourrais-je vous apporter qu’une réponse positive ? La laïcité est indissolublement liée à la République. Je ne vois pas comment nous pourrions ne pas exiger le respect dans l’école de l’ensemble des règles communes qui nous lient. Je suis d’une fermeté totale sur ce point.

Vous me demandez si je suis favorable à l’autorité, mais à mon tour de vous demander s’il est possible de vivre ensemble s’il n’y a pas de règles et si ces règles ne sont pas partagées et respectées par tous ?

Vous me demandez si je poursuivrai les orientations qui ont été fixées par mon anté-prédécesseur, M. le Premier ministre, autour du choc des savoirs. Évidemment, je vais le faire, car cela constitue une série de mesures qui sont indispensables pour la réussite de nos élèves. Je veillerai, dans le cadre d’un dialogue avec les représentants des personnels, des parents, de l’ensemble de la communauté éducative, à rendre ces mesures parfaitement applicables dès la rentrée prochaine. C’est mon ambition.

Enfin, un dernier mot sur le budget de l’éducation nationale, qui représente à peu près 64 milliards d’euros, pensions non comprises. Les annulations de crédits que nous devons supporter – nous le faisons parce que c’est un effort collectif nécessaire à la stabilité financière de notre pays – représentent à peine 1 % de l’ensemble des annulations budgétaires, soit 683 millions d’euros.

Nous ne supprimerons aucun poste. Nous resterons fidèles aux choix que nous avons faits pour la rentrée prochaine. C’est mon ambition ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.

M. Jacques Grosperrin. On dit souvent qu’il n’y a pas d’amour, mais qu’il n’y a que des preuves d’amour… Vous n’avez pas fait la preuve, par le passé, des grandes convictions que vous affichez aujourd’hui. J’ai le sentiment que c’est la succession de titulaires au poste de ministre de l’éducation nationale qui vous a fait changer d’avis…

J’aurais souhaité que ce soit le Premier ministre qui me réponde parce qu’il aurait parlé plus vrai. Je suis saisi d’un grand doute, madame la ministre. Car, à ce moment de la vie politique, les Français, les équipes enseignantes et les parents se demandent ce qui va se passer à l’école. Au-delà des mots, il y a des faits établis. Lorsque vous parlez de laïcité, nous savons tous ici, sur l’ensemble des travées, que vous en êtes bien loin. Même s’il s’agit d’un principe important, on voit que la situation est différente sur le terrain et que vous ne le mettrez pas en application. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

économies budgétaires (ii)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui brille une nouvelle fois par son absence.

Un dimanche soir de la semaine dernière, vous annonciez, l’air faussement grave, la nécessité de réaliser 10 milliards d’euros d’économies sur le budget pour 2024. Cette annonce inédite, départie de toute onction démocratique, et dont je viens de rappeler le montant colossal, a opportunément permis, une fois de plus, de se détourner du Parlement.

M. Thierry Cozic. Sur toutes les travées de cet hémicycle, nous vous avions pourtant prévenu, tout comme le Haut Conseil des finances publiques et la Banque de France. Mais vous n’avez écouté que vous-même. Votre prévision de 1,4 % était irréaliste, tout comme celle retenue de 1 %. On frôle l’insincérité budgétaire !

Monsieur le ministre, l’austérité n’est pas une fatalité : c’est un choix politique. En refusant d’augmenter les impôts des plus aisés, vous faites le choix d’une punition collective à l’égard des classes moyennes que vous prétendez pourtant servir. Alors que le quinquennat du Président de la République « sera écologique ou ne sera pas », il est stupéfiant de constater que, avec plus de 2 milliards d’euros de coupes sèches, le budget le plus impacté reste celui de l’écologie. Sans parler des 400 millions d’euros de dotation du fonds vert que vous supprimez pour nos collectivités territoriales !

Loin des discours vertueux qui ne convainquent plus personne, une fois de plus, c’est l’écologie qui fera office de variable d’ajustement. Alors que l’effet récessif de cette suppression de crédits est établi, pensez-vous qu’un tel coup de rabot budgétaire soit de nature à réarmer l’économie que vous prétendez défendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, est-ce qu’on se détourne du Parlement en prenant un décret d’annulation ? (M. Mickaël Vallet ironise.) J’ai déjà répondu à cette question. C’est la loi organique sur les lois de finances qui nous permet de prendre des mesures d’urgence, des décrets d’annulation. Cela nous est arrivé par le passé.

L’annulation est importante – c’est vrai –, mais c’est parce que le ralentissement économique est lui-même considérable, et elle est plus précoce dans l’année, parce que le ralentissement a justement eu lieu à la fin de 2023. Encore une fois, avec Bruno Le Maire, je me tiens à la disposition de la commission des finances. Nous serons auditionnés dès la semaine prochaine pour expliquer dans le détail le décret d’annulation.

En revanche, vous nous accusez d’insincérité budgétaire. Permettez-moi de revenir sur les prévisions économiques. Le dépôt du projet de loi de finances a eu lieu le 27 septembre dernier. À cette époque, l’OCDE, le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne prévoyaient une croissance pour notre pays de 1,2 %, 1,3 % ou 1,4 %.

À l’époque, notre prévision économique était de 1,4 %. En novembre dernier, la Commission européenne prévoyait encore une croissance de 1,2 %. Votre accusation d’insincérité serait valable si nous étions seuls à revoir notre prévision de croissance durant ce mois de février. Or, je vous l’ai dit, la Commission européenne, l’Allemagne et nous-mêmes avons tenu compte des effets du ralentissement de la conjoncture économique.

En ce qui concerne les prévisions de la Banque de France, je rappelle que prévoir est un exercice difficile. À la fin de 2022, elle prévoyait une croissance de 0,3 % en 2023, alors que celle-ci a été finalement de 0,9 %. C’est la raison pour laquelle je maintiens que nos prévisions ont été rigoureuses. Il était de notre responsabilité de nous adapter immédiatement à la nouvelle donne économique. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, vous cherchez à vous dédouaner de votre impéritie, mais les crises ne datent pas d’hier. C’est précisément à l’aune de ces dernières que nous vous avions mis en garde dès l’automne dernier.

M. le président. Il faut conclure.

M. Thierry Cozic. Mais en supprimant 8 000 postes dans l’enseignement scolaire, 7 500 dans la recherche, 300 dans la justice, c’est l’avenir de notre pays que vous sacrifiez sur l’autel des marchés financiers que vous entendez contenter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

finances des départements et inflation normative

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, chefs de file en matière de solidarité, les conseils départementaux, plutôt bons élèves jusqu’à présent, sont en droit de s’interroger sur le modèle qui leur est imposé.

À l’heure où les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont en chute libre, où les leviers fiscaux ont été anéantis, où les dépenses sociales et de ressources humaines n’ont de cesse d’augmenter, où les compensations se réduisent à peau de chagrin et surtout où les sacro-saintes normes deviennent légion à la moindre esquisse de projet, il est grand temps de s’inquiéter sur la capacité à maintenir le cap.

Peut-on se questionner sur le rapport qualité-prix de nos politiques publiques – et ce n’est plus un gros mot ? Selon l’OCDE, le coût annuel français d’un élève dans le secondaire est de plus de 13 000 dollars pour une moyenne de 11 000 dollars dans le reste des pays membres de l’organisation internationale. Un coût en constante augmentation pour une évolution inversement proportionnelle dans le classement Pisa…

Par ailleurs, le Premier ministre vient d’annoncer la suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour 2024 : les bénéficiaires auront donc accès au revenu de solidarité active (RSA). À toutes fins utiles, je vous indique que l’ASS était financée par l’État et que le RSA l’est par les conseils départementaux. Serait-ce une nouvelle délégation sans moyens associés ?

Enfin, que dire d’un projet de circulation douce au-dessus d’un étroit cours d’eau qui est arrêté par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) parce que le petit pont de bois fait de l’ombre aux crapauds ?

Cette situation d’inflation normative, de transferts secs et de complexification contribue au découragement, voire au ras-le-bol, qui rend les collectivités solidaires de notre ferme France, laquelle gronde et s’enflamme, et cela n’a rien à voir avec l’année olympique !

Ma question est donc la suivante : allons-nous vers une asphyxie programmée des départements, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Martin, d’abord permettez-moi de partager votre constat sur la situation des départements. Ils font face à ce qu’on appelle un effet ciseaux, que vous avez bien décrit, c’est-à-dire des dépenses qui augmentent et des recettes qui connaissent des difficultés. Vous avez cité les DMTO, qui baissent de 20 % environ. Certains départements sont en situation difficile – j’insiste sur le mot « certains » parce que la situation est très hétérogène –, et ils maintiennent leur niveau de trésorerie.

Face à cela, le budget pour 2024 prévoit un certain nombre de mesures que je tiens à rappeler pour expliquer comment nous nous tenons aux côtés des départements pour ne pas les laisser seuls face à leurs difficultés.

D’abord, ils bénéficient désormais, dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation, d’une fraction de TVA, qui est un impôt dynamique, ce qui leur procure 250 millions d’euros de recettes supplémentaires.

Ensuite, vous le savez, il existe un fonds de sauvegarde pour les départements le plus en difficulté. Dans le budget pour 2024, nous l’avons doublé pour le porter à 106 millions d’euros afin d’accompagner ces départements.

Par ailleurs, nous avons également prévu 150 millions d’euros pour les départements au titre de leurs dépenses d’autonomie. Le fonds national de péréquation des DMTO – un fonds de péréquation entre départements que vous connaissez – s’élève à 245 millions d’euros.

Enfin, nous avons permis aux départements de s’assurer eux-mêmes, avec un mécanisme qui leur permet de mettre en réserve 35 millions d’euros.

Vous le voyez, madame la sénatrice, nous avons prévu un certain nombre de dispositifs pour accompagner les départements, notamment ceux qui sont le plus en difficulté.

Pour autant, nous suivons de près la situation. Nous aurons en avril ou mai prochain une première idée de la situation pour 2024. Je vous propose que nous en discutions à ce moment-là, avec des données plus précises. Nous avons rendez-vous la semaine prochaine, ici même, pour un débat sur la situation des finances des départements : nous aurons l’occasion, avec un temps de parole supérieur à deux minutes, d’échanger des arguments, d’aller au bout de la réflexion et de bâtir ensemble les mesures qui s’imposent pour nos départements.

M. Francis Szpiner. Bla bla bla !

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.

Mme Pauline Martin. Vous l’avez compris, après quarante années durant lesquelles nous avons connu toujours plus d’État, de lois, de décrets, de réglementations, de circulaires, de paperasses, j’entends qu’il va falloir faire preuve de volonté et surtout de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) engagée par la loi de finances pour 2024 afin de remédier aux carences de l’actuel zonage, à bout de souffle depuis sa création en 2015, est malheureusement loin de faire l’unanimité dans les territoires.

De nombreux élus locaux, que je rencontre dans mon territoire et dans d’autres, parlent même déjà d’un fiasco en raison de nombreuses aberrations du nouveau régime de zonage et des inégalités territoriales qui subsistent, voire s’aggravent. Comme expliquer en effet qu’une commune de plus de 25 000 habitants soit classée, alors que de nombreuses communes rurales de très petite taille sortent du classement ? C’est la définition même de la ruralité qui me paraît ici être en jeu.

Le constat est alarmant. Des départements entiers voient leurs communes sortir du classement, à l’instar de la Moselle ou du Rhône, et d’autres, partiellement, comme la Haute-Loire ou le Jura. C’est peu dire que cette réforme produit du désespoir. À l’automne dernier, à plusieurs reprises, Rémy Pointereau, Louis-Jean de Nicolaÿ, Didier Mandelli et moi-même avions alerté quant au danger d’un classement à la maille intercommunale et aux effets pervers d’un nombre trop réduit de critères.

Vous avez passé outre notre mise en garde, ce qui illustre à merveille l’adage cher au président Edgar Faure : « C’est un grand tort d’avoir raison trop tôt. » Nous n’étions pourtant pas des devins, mais simplement à l’écoute des territoires, car, jusqu’à preuve du contraire, le dialogue est plus efficace pour appréhender les difficultés territoriales que les tableaux Excel de l’administration ou la politique des algorithmes.

Ma question est donc simple : que comptez-vous mettre en œuvre pour pallier les nombreux effets pervers de cette réforme ? Quelle latitude les préfets auront-ils pour utiliser leur droit de proposition afin de « rattraper » les communes qui n’auraient pas dû sortir du classement ? Envisagez-vous la mise en place d’un moratoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président Longeot, vous m’interpellez sur la réforme des zones de revitalisation rurales à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps, d’énergie et de travail ensemble (M. Jean-François Longeot le nie.) et qui a abouti, dans la loi de finances pour 2024, à un vote de l’article à l’unanimité dans cet hémicycle.

C’est un sujet très important pour nos ruralités, et je vous remercie de m’interpeller à cet égard. Cette réforme suscite des inquiétudes. Dans certains territoires – et je les comprends très bien –, il est vrai que certaines communes ne satisfont pas aux critères fixés par la loi et qu’elles ne seront donc plus zonées. Ces communes étaient maintenues artificiellement depuis 2015 dans le zonage, parce que les gouvernements successifs n’avaient pas souhaité acter la sortie des communes qui ne répondaient plus aux critères.

En fait, cela signifiait simplement que leur situation s’était améliorée depuis leur premier classement : c’était une bonne nouvelle, et cela l’est toujours. Vous le savez, l’ancien zonage était devenu inéquitable, illisible et peu efficace. En effet, seulement 7 % des communes zonées, depuis 2015, se saisissaient du dispositif.

Cette réforme est plus juste grâce à l’actualisation des critères et à la prise en compte des problématiques spécifiques de certains territoires : les territoires de montagne, comme vous le savez, et des départements entiers en déprise démographique continue.

Cette réforme est plus efficace grâce au renforcement des exonérations – je veux saluer le travail fait par la sénatrice Espagnac et le sénateur Delcros sur ce sujet. Elle permet de zoner 17 700 communes, contre seulement 13 500 précédemment, et elle apporte de l’attractivité à deux tiers des communes rurales en France, ce qui est inédit.

Les inquiétudes des maires des communes qui devraient sortir du zonage, je les entends. Vous le savez aussi, j’ai déjà eu de nombreux contacts avec les élus des quelques territoires qui m’ont sollicitée. Nous échangeons avec eux. Je rappelle que le zonage n’entrera en vigueur que le 1er juillet prochain.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons donc du temps pour faire le point territoire par territoire. Fidèles à nous-mêmes, nous ne laisserons personne sans solution. Mon engagement pour la ruralité est total, je peux vous l’assurer ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.

M. Jean-François Longeot. Merci, madame la ministre, pour votre réponse, qui montre néanmoins que, comme je le crains, la réforme est mal engagée. Je vous invite donc à venir à la rencontre des élus de mon territoire, le Doubs, pour leur expliquer les raisons de la sortie du zonage, et non pas, comme le disait Coluche avec une pointe d’humour, pour leur expliquer comment s’en passer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 6 mars, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Discussion générale (suite)

Liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse

Adoption d’un projet de loi constitutionnelle

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Question préalable

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (projet n° 299, rapport n° 334).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander au Sénat l’inscription dans notre Constitution de la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Oui, j’ai l’honneur de venir devant vous, pour la troisième fois en moins d’un an et demi, afin de vous présenter un texte de compromis, qui, sans rogner sur l’ambition qui est la nôtre, apporte les garanties juridiques indispensables à l’œuvre du constituant.

J’espère sincèrement, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette fois-ci sera la bonne, car ce projet de loi, une fois n’est pas coutume, a été précédé de longs travaux parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Des votes ont eu lieu, dans des versions différentes, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Le texte, très largement adopté à l’Assemblée nationale, arrive désormais devant le Sénat.

Vous l’aurez compris, il s’agit non pas d’une création de la Chancellerie, mais bel et bien d’une proposition de compromis, qui reprend quasi intégralement la version votée par la chambre haute. Si je parle de « compromis », c’est parce qu’une loi constitutionnelle, plus que toutes les autres, doit se concevoir dans une logique de dialogue et de coconstruction.

Voter une révision constitutionnelle, ce n’est pas voter la version de l’Assemblée nationale ou rien. Ce n’est pas non plus voter la version du Sénat ou rien. Voter une révision constitutionnelle, c’est faire converger les chambres, car elles disposent toutes deux d’un droit de veto.

C’est pourquoi j’ai souhaité que le texte que je vous propose parte de la version votée par le Sénat et, surtout, en respecte les lignes fondamentales, en particulier sur l’encadrement de sa portée.

Les Françaises et les Français nous regardent et attendent que nous soyons tous collectivement à la hauteur de l’attente populaire, à la hauteur des combats passés, à la hauteur de la vocation universelle de la France.

J’ai toujours eu pour le Sénat et la qualité de ses débats un tropisme assumé. Combien de fois ai-je vu ici des convergences se dessiner, malgré des oppositions de fond, dès lors que des arguments solides étaient développés ? C’est précisément, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que j’entends faire cet après-midi.

Mon état d’esprit est celui d’un garde des sceaux déterminé à convaincre, mais avant tout respectueux des consciences de toutes et de tous dans cet hémicycle.

J’en viens aux raisons qui m’amènent aujourd’hui devant vous, et je veux m’arrêter sur la nécessité de cette réforme.

Cette nécessité est d’abord politique.

J’entends qu’un certain nombre d’entre vous ne souhaitent pas importer des débats venus d’outre-Atlantique. Mesdames, messieurs les sénateurs, nul besoin d’aller si loin !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les exemples européens – polonais ou hongrois – devraient suffire à vous convaincre.

Je rappelle que, alors que l’extrême droite était au pouvoir, voilà encore quelques mois, les Polonaises ne pouvaient avorter qu’en cas de viol ou d’inceste ou quand leur vie était en danger. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) Il a fallu qu’un parti modéré revienne – heureusement ! – au pouvoir pour que l’espoir renaisse enfin quant au rétablissement de cette liberté de la femme.

En Hongrie, les femmes qui souhaitent avorter sont forcées d’écouter au préalable les battements de cœur du fœtus qu’elles portent. Elles attendent toujours qu’une future majorité mette un terme à leur calvaire.

Ces parenthèses insupportables dans les droits des femmes, qui sont au mieux des éclipses, au pire des nuits profondes, voilà précisément ce que nous voulons empêcher grâce à cette révision constitutionnelle.

Par ailleurs, si je veux bien concéder que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ne soit pas immédiatement menacée dans notre pays, je rappelle que c’est non pas sur Fox News, mais bel et bien en France, sur une chaîne française, qu’avant-hier encore on associait le nombre d’avortements à celui de morts du cancer et de décès liés au tabac.

J’ajoute que l’on écrit la Constitution non pas seulement pour le présent, mais d’abord et surtout pour l’avenir.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Certains affirment que l’IVG ne serait pas menacée. Tant mieux s’ils ont raison, mais, si l’avenir leur donnait tort, mesdames, messieurs les sénateurs, il serait trop tard !

D’ailleurs, quand le Président de la République Jacques Chirac a proposé la constitutionnalisation de l’abolition de la peine de mort, cette dernière était-elle menacée ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai entendu le président Larcher dire que la Constitution ne devait pas être un catalogue de droits sociaux et sociétaux.

M. Loïc Hervé. Il a raison !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je respecte son point de vue,…

M. Stéphane Ravier. Encore heureux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … même si – le président Larcher, j’en suis sûr, me le concédera – le principe d’une Constitution est aussi de réunir l’ensemble des droits et libertés fondamentaux, dont certains droits sociaux, comme en témoigne le préambule de la Constitution de 1946. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

La liberté de recourir à l’IVG n’est pas une liberté comme les autres, car elle permet aux femmes de décider de leur avenir. Une démocratie ne peut maîtriser pleinement son destin si les femmes qui y vivent n’ont pas la liberté de maîtriser le leur.

J’en viens maintenant à la nécessité juridique de cette révision.

Disons les choses clairement. Trois principes sont en débat aujourd’hui : la liberté de la femme de recourir à une IVG, la liberté de conscience – en l’occurrence, des médecins et des sages-femmes –, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

Seuls deux d’entre eux ont déjà valeur constitutionnelle.

D’abord, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine a été consacré expressément comme principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, à l’occasion de sa décision du 27 juillet 1994.

Ensuite – je m’adresse ici en particulier à Bruno Retailleau et Alain Milon –, la liberté de conscience, donc celle des médecins et des sages-femmes, a été reconnue expressément par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République dans sa décision du 27 juin 2001. Cette liberté de conscience a donc, elle aussi, valeur constitutionnelle.

Ce n’est pas le cas, en revanche, de la liberté de recourir à l’IVG – j’y insiste –, qui, elle, est simplement rattachée à la liberté de l’article 2 de la Déclaration de 1789, sans qu’elle soit d’aucune manière consacrée comme un quelconque principe à valeur constitutionnelle ou principe fondamental reconnu par les lois de la République.

L’objectif de ce projet de loi est donc de protéger l’IVG dans notre Constitution. En effet, actuellement, rien n’empêcherait une majorité, au Parlement, de contraindre excessivement, drastiquement, cette liberté des femmes ou, pis encore, de l’abolir.

Mais, s’il est nécessaire d’agir, il faut le faire de manière calibrée, prudente, soupesée. Que les choses soient très claires : le Gouvernement n’entend pas créer un droit absolu, sans limites, opposable. Il s’agit aujourd’hui de protéger cette liberté de la femme, pas de l’étendre.

Pour dire les choses plus simplement encore, le Gouvernement veut éviter qu’une majorité future puisse mettre à mal la liberté des femmes de disposer de leur corps.

Pour ce faire, le projet de loi reprend – je l’ai dit – une rédaction très proche de celle qui a été adoptée par le Sénat voilà un an.

Comme je l’ai indiqué devant la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je veux ici saluer les membres, notamment la présidente, Mme Dominique Vérien (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – Mme Mélanie Vogel applaudit également.), le projet de loi présenté est à 95 % celui du Sénat. Je réitère ce propos aujourd’hui devant vous.

Jugez-en par vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs.

D’abord, cette version retient l’emplacement choisi par le Sénat, à savoir l’article 34 de la Constitution, qui nous semble l’endroit pertinent pour cette révision constitutionnelle.

Ensuite, cette rédaction accorde, tout comme l’avait fait le Sénat, une place centrale à la loi pour déterminer les conditions d’exercice de cette liberté, et préserve ainsi le rôle du Parlement pour assortir cette liberté de conditions qu’il estime appropriées.

Enfin, contrairement à ce qu’avait voté l’Assemblée nationale initialement, le Gouvernement s’est rangé derrière le choix, opéré par le Sénat, de définir le recours à l’interruption volontaire de grossesse comme une liberté.

Je veux m’arrêter un instant, mesdames, messieurs les sénateurs, sur un point, dont je sais qu’il suscite des débats parmi vous, à savoir le mot « garantie ».

Je veux vous rassurer tout de suite – je le dis en particulier au sénateur Philippe Bas – : ce terme ne devrait pas vous inquiéter, car, contrairement à ce que j’ai pu entendre, il ne crée en aucune manière un droit opposable.

Par ce mot, le Gouvernement entend préciser l’intention qui guide la plume du constituant, car il ne faut pas perdre de vue que le texte emporte modification de l’article 34 de la Constitution, exactement comme vous l’avez voulu. Or nous savons que l’article 34 de la Constitution est avant tout un article de procédure, dédié à la compétence du législateur.

Le terme « garantie » permet de rendre clair le fait que l’objet de cette révision constitutionnelle est non pas d’attribuer une compétence au législateur – il la possède déjà –, mais de guider l’exercice de sa compétence dans le sens de la protection de cette liberté, notamment contre des tentatives législatives de la restreindre drastiquement.

Je le répète, le Gouvernement souhaite, en l’inscrivant dans la Constitution, protéger la liberté de recourir à l’IVG, et non l’étendre.

D’ailleurs, dans son avis, le Conseil d’État confirme de manière limpide cette position qui est la nôtre : « Par elle-même, l’inscription de la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, dans les termes que propose le Gouvernement, ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, tels que notamment la liberté de conscience qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse ainsi que la liberté d’expression. »

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux m’adresser à ceux qui évoquent un « ovni juridique » au sujet de la « liberté garantie ». Je veux, là aussi, les rassurer pleinement : il suffit de reprendre l’article 61-1 de la Constitution, qui renvoie déjà « aux droits et libertés que la Constitution garantit ».

L’article 13 évoque également « la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Enfin, dans le titre XII, si cher au Sénat, les articles 72 et 73 évoquent même le cas de « droits constitutionnellement garantis ».

Ce terme « garantie », vous le voyez, n’a rien d’incongru. Le texte est clair, tout comme son intention.

Qu’il me soit permis de prendre un exemple : même après l’adoption de la présente révision constitutionnelle, une loi qui viendrait porter à huit mois et demi de grossesse le délai maximal pour pratiquer une IVG serait censurée.

Je veux être très clair sur ce point : l’équilibre de la loi Veil sera respecté. Si je devais résumer en une phrase l’esprit de cette révision, je dirais, d’ailleurs, qu’il s’agit d’une protection de la loi Veil, pas d’une extension.

Au reste, mesdames, messieurs les sénateurs, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est bien pour débattre d’une révision de notre Constitution, et non pour voter je ne sais quelle mesure nouvelle relevant du périmètre du ministère de la santé.

Bien sûr, le Gouvernement n’ignore pas les difficultés matérielles et concrètes qui peuvent encore exister dans l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, notamment sur certaines parties du territoire. Mais il s’agit là d’un autre sujet, qui n’est pas d’ordre constitutionnel et qui ne relève pas du périmètre du ministère de la justice.

Le Sénat a déjà dit « oui » à une protection dans notre Constitution de cette liberté, et je veux saluer ici l’engagement de la sénatrice Vogel.

Je veux aussi remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui, dans chaque groupe politique, au-delà des clivages partisans, ont œuvré dans l’ombre du Palais du Luxembourg pour convaincre leurs collègues que, non, ce texte de compromis n’a pas d’effets de bord, et que, oui, il est toujours trop tard, pour protéger un droit, d’attendre que celui-ci soit menacé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – M. Bruno Belin et Mme Elsa Schalck applaudissent également.) Si le Sénat ouvre, cet après-midi, la voie à un Congrès, ce sera en grande partie grâce à vous toutes et à vous tous.

Je veux également saluer l’engagement du sénateur Bas, même si je sais, monsieur le sénateur, que vous préférerez toujours votre version à celle du Gouvernement. (Sourires.) Cependant, je suis sûr que vous savez, dans votre for intérieur, que le Gouvernement, dans sa version de compromis, a largement repris votre proposition, qui avait permis – il faut s’en souvenir – un premier vote historique il y a un an.

Enfin, je veux saluer le travail de la commission et de sa rapporteur, qui, après ne pas s’être opposée au texte lors de son passage en commission, a émis des avis défavorables sur tous les amendements qui seront proposés.

Enfin, je souhaite vous faire une confidence (Murmures.) : je ne serai jamais le procureur du procès en ringardise que certains veulent instruire contre le Sénat. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)

Oui, le Sénat a été, par le passé, au rendez-vous de nos libertés.

En préparant ces débats, je me suis plongé dans les comptes rendus des débats suscités par la loi Veil. Permettez-moi de rappeler que le Sénat était alors en avance ! Les deux principaux points de désaccord avec l’Assemblée nationale étaient non pas des points de sémantique, sans portée juridique, mais des points majeurs, comme le caractère provisoire de la loi, que le Sénat souhaitait supprimer, et le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale, que le Sénat avait ajouté dans la loi, contre l’avis du gouvernement de l’époque. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et SER.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui, j’en ai la conviction profonde : le Sénat sera, aujourd’hui aussi, au rendez-vous de nos libertés, en particulier de celle des femmes.

« Le moment est venu où chaque sénateur doit prendre ses responsabilités, décider en son âme et conscience » : c’est en ces termes que le sénateur Jean Mézard, rapporteur de la loi Veil, concluait son propos liminaire, avant que Simone Veil ne lui réponde, dans son discours : « Cette responsabilité est aujourd’hui particulièrement lourde. Mais je sais que la nation peut compter sur le Sénat pour délibérer et se prononcer avec humanité, sagesse et sérénité. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, je fais miens ses mots, et je vous appelle à adopter conforme ce projet de loi constitutionnelle, pour qu’ensemble nous fassions de la France le premier pays au monde à protéger dans sa Constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, et si nous adoptions ensemble ce texte ? Il est grand temps, n’est-ce pas ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici réunis pour la troisième fois en moins de seize mois pour examiner l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse.

Légalisé depuis 1975, grâce à l’engagement fort de Simone Veil, le droit de recourir à l’IVG est reconnu aujourd’hui comme une liberté fondamentale de la femme.

Près de cinquante ans plus tard, le débat qui nous anime n’est pas de savoir si nous sommes favorables ou non à l’IVG : la question est tranchée. Le consensus politique et démocratique est extrêmement clair sur notre attachement à cette liberté fondamentale, non remise en cause aujourd’hui en France.

Près de cinquante ans plus tard, la question posée est la suivante : faut-il modifier la Constitution pour inscrire à son article 34 que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cette question, a priori simple, soulève de nombreuses interrogations sur les conséquences, tant juridiques que politiques, de cette éventuelle inscription.

Depuis 1975, le législateur n’a cessé de renforcer l’accès à l’IVG : allongements successifs des délais, élargissement aux sages-femmes de la possibilité de les pratiquer, remboursement à 100 %, suppression du délai obligatoire de réflexion et du consentement d’un adulte pour les mineurs. Malgré tout, des difficultés persistent.

L’accès à un centre de santé sexuelle, le développement de l’éducation auprès des jeunes, la faible valorisation des actes médicaux restent des freins connus.

À cet égard, la commission des affaires sociales a confié à notre collègue Alain Milon une mission de contrôle destinée à évaluer la mise en application des lois IVG sur l’ensemble du territoire français. Les réformes nécessaires relèveront de la loi ou du règlement, non de la Constitution.

L’élément déclencheur des nombreuses initiatives parlementaires de constitutionnalisation de l’avortement vient des États-Unis, avec l’arrêt rendu par la Cour suprême le 24 juin 2022, Dobbs v. Jackson Womens Health Organization. Or l’inscription dans la Constitution française de la liberté de recourir à l’avortement ne saurait se faire en réaction à l’importation d’un débat étranger,…

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. … qui, de plus, n’est pas transposable en France.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cependant, nous ne devons pas rester sourds à ce qui se passe dans d’autres pays, notamment européens. L’ensemble des 27 pays de l’Union européenne autorisent désormais l’IVG. Dans 24 pays, l’avortement est autorisé sous conditions – proches de celles qui existent en France. Seuls deux pays, Malte et la Pologne, fixent des conditions très restrictives, et la Hongrie a imposé, en 2022, l’obligation pour la femme souhaitant avorter d’écouter les battements de cœur du fœtus.

Dans le reste du monde, la situation est plus contrastée. L’avortement est autorisé dans seulement 77 pays et complètement interdit dans 22. Mais aucun État ne fait explicitement référence à l’IVG dans sa Constitution, sauf pour l’interdire.

Aujourd’hui, aucune contestation du droit à l’IVG n’est portée en France dans le débat politique, comme le reconnaît le Gouvernement dans l’exposé de ses motifs. Aucun parti politique, aucun groupe parlementaire ne s’oppose à cette liberté fondamentale. Le vote massif et transpartisan intervenu à l’Assemblée nationale en faveur de la constitutionnalisation en est la preuve.

Toutefois, les effets juridiques de cette constitutionnalisation seront plus que limités.

Cette inscription ne sera qu’une consécration constitutionnelle symbolique, comme l’affirme le Conseil d’État dans son avis du 7 décembre dernier. L’inscription noir sur blanc dans la Constitution permettra de consacrer la liberté de recourir à l’IVG, qui acquerra une place éminente dans l’ordre juridique, mais celle-ci ne sera nullement sanctuarisée. Certes, sa suppression nécessitera une révision constitutionnelle. Mais notre loi fondamentale a déjà été révisée 24 fois, et un changement de régime n’est jamais impossible !

La consécration constitutionnelle n’apportera donc aucune garantie juridique absolue, et encore moins une protection renforcée.

Depuis 1975, le Conseil constitutionnel a toujours protégé avec force et constance le droit à l’avortement en France. Dans leur décision du 27 juin 2001, les juges constitutionnels ont clairement affirmé que la liberté de recourir à l’IVG était une composante de la liberté de la femme découlant de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel dispose d’ores et déjà de tous les outils juridiques pour protéger cette liberté fondamentale et assurer sa conciliation avec les autres libertés que sont la sauvegarde de la dignité humaine et la liberté de conscience des médecins.

La rédaction proposée par le Gouvernement conforte, à notre avis, la recherche d’une simple consécration symbolique dans la Constitution.

Proche de la formulation adoptée par le Sénat en février 2023, le projet de loi reprend l’inscription de la liberté de recourir à l’IVG à l’article 34 de la Constitution.

De l’aveu même des nombreux constitutionnalistes auditionnés, aucune place dans la Constitution de 1958 ne permet d’accueillir naturellement le droit à l’IVG. Notre loi fondamentale a été conçue non pas comme un catalogue de droits, mais comme la règle du jeu des institutions. L’énonciation des droits et libertés relève avant tout des « accessoires » à la Constitution que sont le préambule de la Constitution de 1946, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Charte de l’environnement.

L’inscription à l’article 34 est donc un moindre mal.

Cet article procédural énumère les matières qui sont du domaine de la loi. Le législateur étant déjà compétent pour fixer les règles concernant les garanties apportées aux libertés fondamentales, dont fait partie l’IVG, l’ajout exprès ne modifie pas les prérogatives du Parlement.

Comme vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux, la formulation retenue par le Gouvernement – « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » – reprend celle du Sénat à 95 % – notre collègue Mélanie Vogel parle de « 105 % »… (Sourires.)

Dans sa réflexion, la commission des lois a tenu compte de cette avancée dans la recherche d’un compromis, d’autant que le Sénat, par la voix de notre collègue Philippe Bas, est à l’origine de cette nouvelle formulation.

Cependant, deux différences notables subsistent.

La première doit pouvoir être traitée facilement, puisqu’elle porte sur l’utilisation du terme « IVG », au lieu de l’expression « mettre fin à sa grossesse ». Cette substitution n’est pas neutre : nous savons qu’elle est essentielle pour les défenseurs de la constitutionnalisation symbolique de la liberté de recourir à l’IVG, car c’est le terme de la loi Veil. C’est pourquoi je proposerai au Sénat d’accepter d’inscrire le terme « IVG » dans la Constitution.

La seconde soulève plus d’interrogations, puisqu’elle introduit un nouveau concept de « liberté garantie », dont les contours juridiques sont mal définis.

Certes, comme vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux, le terme « garantie » est utilisé à plusieurs reprises dans les textes constitutionnels. Je pense au préambule de la Constitution de 1946 ou encore à l’article 61-1 de la Constitution.

Mais il est surtout inscrit à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Cet article socle affirme clairement que, dès lors qu’elle est inscrite dans la Constitution, une liberté est garantie.

Pourquoi donc le réaffirmer pour l’IVG, et non pour toutes les autres libertés fondamentales ? Pourquoi ajouter cet adjectif redondant, qui alourdit la rédaction de notre Constitution, sans renforcer la portée de ses dispositions ?

De même, la portée juridique du concept de « liberté garantie » n’est pas limpide. Crée-t-il un droit opposable ? Le Conseil constitutionnel l’interprétera-t-il de manière à censurer une loi qui limiterait les possibilités de recourir à l’IVG ? Rien n’est moins sûr, car le Conseil constitutionnel ne s’estime lié ni par les avis du Conseil d’État ni par les débats parlementaires.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, la commission des lois du Sénat est favorable à la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l’IVG. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

La défense de cette liberté fondamentale est un combat livré par de nombreuses femmes et de nombreux hommes. Nous devons continuer à agir pour que toutes les femmes puissent accéder à cette liberté sur tout le territoire français, en s’assurant qu’aucune régression ne vienne en limiter les effets.

Mais, aujourd’hui, nous sommes avant tout constituant. Le texte que vous allez voter, mes chers collègues, n’est pas une simple loi ordinaire : c’est un projet de loi constitutionnelle. Il définira les termes qui seront inscrits dans notre loi fondamentale. Notre responsabilité est grande !

Proche du texte adopté par le Sénat en février 2023, ce projet de loi constitutionnelle ne modifie pas fondamentalement les équilibres juridiques. C’est avant tout une avancée symbolique.

Dès lors, la commission des lois a considéré que les incertitudes rédactionnelles ne pouvaient retarder l’adoption d’un texte conforme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et UC. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)

J’entends les pressions fortes qui pèsent sur chacune et chacun d’entre nous pour constitutionnaliser l’IVG. Dans ce débat passionnant, il appartiendra à chacun de se déterminer en fonction de ses propres convictions. (Applaudissements.)

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Discussion générale

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Ravier, d’une motion n° 4.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat s’oppose à l’ensemble du projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (n° 299, 2023-2024).

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la motion.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à la réflexion, je vous le concède, la gauche a raison : aujourd’hui, en France, la loi Veil est menacée.

« Le respect de tout être humain dès le commencement de la vie », garanti par l’article 1er de la loi Veil, est menacé, tout autant que la clause de conscience des professionnels de santé et la liberté d’expression et de communication à ce sujet.

Simone Veil, de son Panthéon, nous le dit encore, comme elle nous le disait avec toute sa conviction : « L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. » (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Vous voudriez faire d’une dérogation un accomplissement, d’une exception un droit absolu et sans limites, d’une réserve un monument. (Murmures désapprobateurs sur les travées des groupes SER et GEST.) Vous voulez « panthéoniser » l’avortement !

Mais, dans la Constitution comme au Panthéon, la place est limitée. Et, s’il ne faut toucher à la loi « que d’une main tremblante », il ne faut réviser la Constitution qu’avec la crainte de l’architecte qui touche à la clé de voûte de l’édifice national.

Vous voulez panthéoniser l’avortement aux côtés du principe de précaution de 2004, de la garantie des « droits inaliénables et sacrés » de tout être humain de 1946, de la « liberté de conscience » de 1789.

Vous voulez faire entrer l’avortement au panthéon des institutions (Mme Émilienne Poumirol sinsurge.), alors qu’un certain Schœlcher est entré au panthéon des hommes pour avoir mis fin à l’esclavage (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.), qui était pour lui « un attentat contre la dignité humaine ». Au même titre que nous l’avons fait pour les esclaves dans le passé, nous serions bien avisés de réfléchir à l’obtention de la personnalité juridique pour les vies à naître ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

Tenez-vous vraiment, mes chers collègues, à rejoindre le dictateur communiste Tito, qui fut le seul dans l’histoire du monde à graver l’avortement dans le marbre d’une constitution, la constitution yougoslave ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) « Constituer » signifie « bâtir », « édifier », et ne peut rimer avec « avorter » !

M. Stéphane Ravier. Chers collègues de gauche, vous n’acceptez pas d’avoir été dépossédés, en 1975, par une élue de droite, soutenue par un gouvernement de droite (Vives exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.), de ce qui n’aurait jamais dû quitter votre giron idéologique.

Cessez de surjouer à vous faire peur et de vous rêver en résistants !

Mme Cécile Cukierman. Vous êtes cinglé !

M. Stéphane Ravier. Il n’y a aucune menace sur le droit à l’IVG dans notre pays. Aucune ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Cécile Cukierman. Fasciste ! C’est vous, la menace !

M. Stéphane Ravier. Chers collègues macronistes, vous voudriez une victoire symbolique, avec les idées de la gauche et les voix de la droite, pour faire oublier que, du Salon de l’agriculture aux salons de l’Élysée, c’est le désastre permanent pour votre champion ! Le Jupiter de pacotille persiste néanmoins dans son mépris des institutions, en ayant déjà livré la date du Congrès.

Chers collègues du Rassemblement national, n’oubliez pas les propos pas si lointains de votre présidente sur la dérive que constituent – je la cite – les « avortements de confort » ! De la dédiabolisation au reniement, il n’y a qu’un pas. L’abandon ne mène jamais à la victoire.

Chers collègues du centre et de droite, ne cédez pas à ce qui n’est qu’une opération d’agit-prop de la gauche ni à son chantage ! (Protestations.)

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue. (Huées et martèlements de pupitres sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC. – Le brouhaha couvre la voix de lorateur.)

M. Stéphane Ravier. Je ne peux parler !

Mme la présidente. Je vous demande de conclure.

M. Stéphane Ravier. La gauche ne fait qu’instrumentaliser les soubresauts de la politique américaine. (Les coups sur les pupitres redoublent.)

Mme la présidente. Mon cher collègue, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Stéphane Ravier. Le facho vous salue bien ! (M. Stéphane Ravier regagne sa place dans lhémicycle.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Xavier Iacovelli et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur Ravier, votre seul mérite est votre constance à nous démontrer que nous avons raison de vous donner tort, comme nous le faisons d’ailleurs à chaque fois.

M. Stéphane Ravier. En m’empêchant de parler ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Thomas Dossus. Assieds-toi et ferme-la !

Mme Mélanie Vogel. Je ne vous ai pas empêché de parler, monsieur Ravier ! Asseyez-vous maintenant ! Votre temps de parole est écoulé.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je souhaite que nos débats conservent la sérénité qui est la marque de fabrique de notre assemblée…

M. Stéphane Ravier. Pas de la gauche !

Mme la présidente. … et qui contribue à la bonne image de nos travaux.

Je n’hésiterai pas, pour maintenir cette sérénité, à faire usage des prérogatives du règlement qui sont conférées à la présidence de séance.

Ce rappel étant fait, nous reprenons le cours normal de la discussion.

Veuillez poursuivre, madame Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Je vous remercie, madame la présidente. Je vous garantis que, pour ce qui me concerne, je m’exprimerai dans le temps qui m’a été imparti…

Chaque mot qui vient d’être prononcé est la preuve empirique – s’il en fallait encore – que les anti-choix sont toujours là.

Toutefois, ils sont aujourd’hui minoritaires. Et c’est parce que vous êtes minoritaires, monsieur Ravier, et parce que celles et ceux qui veulent que le droit à l’IVG devienne un droit fondamental sont majoritaires dans cette assemblée qu’il convient d’inscrire ce droit dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur certaines travées du groupe RDPI.)

Le projet de l’extrême droite est celui de tous les ultraconservateurs et néofascistes du monde entier : il s’agit de combattre les droits des femmes, les droits sexuels et reproductifs et tous les progrès acquis de haute lutte par les féministes depuis des décennies.

Le vote d’aujourd’hui vise à garantir une meilleure protection de l’interruption volontaire de grossesse.

Il vise aussi à affirmer que la France, et toute sa société, par la voix de son Parlement, donne tort à M. Ravier et à ses amis ; que notre pays choisit aujourd’hui définitivement son camp ; que la République ne sera plus jamais fragile dans la protection du droit de l’IVG et des libertés publiques ; qu’elle affirme sans tergiversation et sans ambiguïté que, oui, nous nous opposons à votre projet, monsieur Ravier ! La France entière vous dit que vous êtes minoritaires et que vous le serez toujours.

À partir de ce soir, vous pourrez toujours parler et vomir vos abominations (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), mais vous n’aurez plus jamais le droit d’attaquer celui des femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission des lois estime que le débat doit se faire. En effet, le sujet de la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse est fondamental, puisqu’il s’agit de modifier notre Constitution.

Ce débat doit se faire dans le respect et avec la volonté d’échanger des idées et des convictions.

C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cette question préalable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Ravier, vous avez, me semble-t-il, été contre-productif pour la cause que vous soutenez. De fait, les sénateurs qui se demandaient si l’IVG était menacée ont obtenu une réponse en vous entendant, ce dont je vous remercie ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Au reste, tout le monde a bien compris que votre but n’était évidemment pas d’aider le Gouvernement…

Vous avez rappelé que la patronne de votre ancienne écurie parlait de l’avortement en termes curieux, puisqu’elle évoquait des « avortements de confort ». Certes, vous avez quitté Mme Le Pen pour aller chez M. Zemmour, mais, si j’ose dire, c’est encore pire ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Je vous remercie une nouvelle fois de votre intervention. Elle a été très utile, en ce qu’elle illustre que certaines personnes, aujourd’hui, continuent de s’opposer à l’IVG.

C’est la raison pour laquelle il faut protéger l’interruption volontaire de grossesse, qui constitue une liberté fondamentale pour les femmes.

Un certain nombre de parlementaires – je ne l’ai pas mentionné tout à l’heure – reçoivent encore régulièrement des fœtus en plastique.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’espère que certains l’évoqueront dans leurs interventions, car c’est une réalité.

On me dit parfois que les États-Unis sont très loin. Certes, il faut franchir l’Atlantique ! Mais la Pologne, c’est plus près, et la Hongrie, encore plus.

Au reste, nous avons envie, en consacrant cette liberté, d’être progressistes et d’aller dans le bon sens. Je le pense vraiment : c’est une journée historique.

Merci encore, monsieur Ravier, de l’expression de votre haine ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cette motion.

Mme la présidente. En application du dernier alinéa de l’article 44 du règlement, la parole peut être accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe politique, pour une durée n’excédant pas deux minutes.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous ne voterons pas cette motion, l’ensemble de notre groupe étant profondément convaincu que le texte qui nous est soumis ici nous permettra de « faire République ». En effet, il vise à inscrire dans la Constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Il nous permettra de faire République, parce que, en reconnaissant le droit à l’avortement dans la Constitution, il tend à asseoir la notion fondamentale d’égalité entre les femmes et les hommes. En faisant en sorte que les femmes disposent librement de leur corps, nous enfonçons un coin dans la domination des hommes sur les femmes.

Il nous permettra de faire République, parce que, au-delà des débats qui ont animé notre Haute Assemblée et des opinions de chacun, que nous respectons, il permettra – nous en sommes convaincus – de sortir des stigmates et des stéréotypes et, ainsi, d’incarner la fraternité.

Au nom de ces trois valeurs de notre République, que notre groupe, par son histoire et ses combats, …

M. Stéphane Ravier. Ceux de Mao ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Cécile Cukierman. … a toujours défendues, nous souhaitons, ce soir, réaffirmer le droit des femmes à disposer de leur corps.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur certaines travées du RDPI. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.

Mme Nadège Havet. Ce texte a déjà été voté à l’Assemblée nationale, dans une formulation de compromis s’inspirant de nos débats précédents. Je salue ce choix.

Il nous est aujourd’hui demandé de l’adopter dans les mêmes termes, ce qui permettra de réunir le Congrès. Nous répondons mille fois « oui » !

Il me paraît fondamental d’inscrire la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution, car il sera beaucoup plus difficile de modifier celle-ci que de changer la loi.

Monsieur le sénateur Ravier, à votre corps défendant, vous êtes l’un des meilleurs arguments à l’appui de ce texte.

En 2022, vous évoquiez des « attaques à la vie ». Des reculs sont enregistrés dans plusieurs pays. La France peut, quant à elle, prendre un temps d’avance !

Si j’entends certains arguments juridiques – pas tous –, je pense que la Constitution est au cœur de notre pacte social. Il s’agit également d’y inscrire des principes fondamentaux.

En effet, aucun pays n’est jamais à l’abri d’une majorité politique susceptible d’abroger les dispositions autorisant l’avortement, la liberté d’y recourir et la contraception, ou d’en restreindre l’accès.

Je veux saluer ici toutes celles et tous ceux, sur toutes nos travées, qui se sont battus, depuis des décennies comme ces dernières années, pour protéger ce droit. Je pense en particulier à Mme Vogel.

Je veux aussi saluer toutes celles et tous ceux qui rendent ce droit effectif dans nos établissements de santé et font de la prévention et de l’accompagnement.

Le groupe RDPI se prononcera contre cette motion. Monsieur Ravier, la reconquête de nos droits commence maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ? …

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 1
Contre 342

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements.)

Discussion générale (suite)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Avant l’article unique

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le débat du jour éveille en nous nombre de considérations politiques, philosophiques et morales. À ce titre, ce serait un manque de respect pour chacun d’entre nous que de tomber dans le manichéisme et la facilité.

Aucune position ne doit être méprisée, et, si la mienne est claire et mûrement réfléchie, nous devons pouvoir les entendre toutes.

L’argument selon lequel la Constitution n’a pas vocation à sanctuariser individuellement des droits et des libertés publiques et que la loi suffit est entendable, mais je rappelle que la Constitution est ce que le peuple et ses représentants veulent en faire. Sinon, on pourrait adresser le même reproche à l’intégration de normes complémentaires dans le bloc de constitutionnalité depuis des décennies, jusqu’à remettre en cause celle de la Charte de l’environnement, ce qui ne viendrait à l’esprit de personne.

Mes chers collègues, il est vrai de dire qu’aucune formation politique qui concourt régulièrement aux élections ne propose de restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse telle qu’elle est permise aujourd’hui et que, à ce titre, aucune menace ne pèserait actuellement sur ce droit acquis pour les femmes.

Mais, si aucune formation politique – j’y insiste – ne menace ce droit, une autre menace persiste à nos yeux : il s’agit évidemment de l’accentuation des revendications politico-religieuses, fondamentalistes et communautaristes et du péril islamiste, qui, insidieusement, mène chaque jour une conquête culturelle, politique et fatalement sociétale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Ainsi, on observe déjà que d’aucuns de nos compatriotes ne peuvent assumer leur homosexualité dans certains quartiers confisqués, que nos compatriotes de confession juive y sont menacés, que les femmes y sont tenues d’obéir pour préserver leur intégrité physique, quand bien même on leur demande de paraître libres et consentantes.

Je crains qu’un jour la faiblesse, la complicité politique et les réalités démographiques n’amènent à des accommodements raisonnables, comme il en existe dans les pays anglo-saxons, et que l’on n’en arrive à plusieurs niveaux de droits sur le territoire français.

D’un autre côté, c’est le paradoxe des luttes intersectionnelles qui nous menace, celui qui veut nous faire croire que toutes les luttes d’opprimés – réelles ou supposées – convergent et que l’on peut défendre aussi bien les libertés sociétales que la radicalité religieuse. C’est oublier que le principe des intersections est d’être le théâtre de dramatiques collisions !

Non, mes chers collègues, on ne défend pas la liberté de la femme en important, en toute conscience, de nouvelles radicalités conservatrices.

Voilà pourquoi je pense, à titre personnel, que nous n’échapperons pas, pour consacrer ce qui constitue aussi notre identité, c’est-à-dire la liberté de choix et de conscience, à la protection supralégale de nos libertés.

Mes chers collègues, je ne crois pas que ceux qui s’opposeront ce jour à cette proposition soient favorables à une restriction du droit à l’IVG, et je m’abstiendrai de tout jugement intellectuel et moral, mais, vous le savez tout comme moi, l’époque ne se prête plus à la nuance ni aux circonvolutions, si entendables soient-elles.

Pour ces raisons, et dans le respect de la liberté de vote et de conscience de chacun, à titre personnel et comme l’ont fait la majorité de mes collègues du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale, je voterai pour l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution. (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent. – M. Stéphane Ravier sexclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, personne ne devrait plus remettre en cause la liberté des femmes à mettre volontairement fin à leur grossesse. Près d’un demi-siècle après sa reconnaissance, cette liberté semble fermement ancrée dans notre droit, protégée, et non menacée.

Cependant, au-delà de la France, cette liberté n’existe pas dans bon nombre de pays. Nous observons, en outre, des reculs au sein de démocraties, y compris en Europe.

La Cour suprême des États-Unis a elle-même rendu, en 2022, un arrêt permettant aux États fédérés de revenir sur cette liberté des femmes. Nous ne pouvons que comprendre l’émotion suscitée par cette décision.

La crainte de nos concitoyens et de nos concitoyennes quant à l’avenir de l’IVG nous paraît donc compréhensible.

L’ensemble des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires tiennent à réaffirmer ici leur entier soutien à la liberté d’avorter. Comme tous les parlementaires, nous avons à cœur de l’encadrer au mieux et de rendre son exercice accessible, chaque fois que cela est nécessaire.

Le projet de loi que nous examinons est l’une des initiatives visant à inscrire l’IVG dans la Constitution pour lui donner une protection supérieure à celle que lui confère la loi.

Cependant, il convient de préciser, comme vous l’avez souligné, monsieur le garde des sceaux, que cette initiative n’améliorera en rien l’exercice effectif de cette liberté. Nous devons rester vigilants sur les difficultés d’accès de nos concitoyennes à l’IVG. Le cadre légal doit être la seule borne de cette liberté.

Si l’IVG figure actuellement dans la loi, sa protection est supralégale. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé que la liberté d’avorter était l’une des composantes de la liberté de l’individu, faisant ainsi bénéficier l’IVG d’une reconnaissance de valeur constitutionnelle.

Une telle reconnaissance n’est toutefois pas gravée dans le marbre, dans la mesure où le Conseil constitutionnel pourrait modifier sa jurisprudence, tout comme la Cour suprême américaine a modifié la sienne.

Si plusieurs textes ont visé à constitutionnaliser l’IVG, nous devons garder à l’esprit que ce que fait une révision constitutionnelle, une autre révision peut le défaire, même si cela peut être beaucoup plus difficile.

Rappelons-nous l’importance du choix des mots en droit, singulièrement lorsqu’il s’agit de la Constitution.

L’IVG, comme toutes les libertés, ne saurait être une liberté absolue. Il est essentiel qu’elle continue à être encadrée par la loi, tant en ce qui concerne les praticiens habilités à la réaliser que s’agissant des délais dans lesquels elle peut être pratiquée.

Nous voulons aussi réaffirmer ici notre attachement à la préservation de la clause de conscience des médecins : ceux qui ne souhaitent pas réaliser cet acte doivent rester libres de ne pas le faire. Cette clause doit pouvoir coexister avec la liberté des femmes. Faut-il la réinscrire dans la Constitution, alors qu’elle figure déjà dans la loi ? Je ne le pense pas.

Il convient de souligner que le fait d’avoir choisi la liberté plutôt que le droit est une formulation qui préserve au mieux les équilibres du régime actuel.

Nous sommes également attachés à la précision selon laquelle l’IVG est une liberté, et non un droit opposable. Nous considérons qu’il revient au législateur, et non au juge, d’en définir les contours.

Nous estimons, à cet égard, que le terme de « liberté garantie » est une formule superfétatoire. La garantie de cette liberté réside bien davantage dans l’inscription au sein de la Constitution que dans cet adjectif déclaratoire.

Cela étant, en rappelant encore une fois leur soutien à la liberté d’avorter, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront selon leur conscience. Une grande majorité d’entre eux votera pour ce texte ; d’autres s’abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, près de cinquante ans après l’adoption de la loi Veil, nous sommes ici réunis pour écrire un nouveau chapitre dans l’histoire des droits des femmes.

Je ne reviendrai pas sur les arguments techniques et juridiques autour de la constitutionnalisation de l’IVG, Mme la rapporteure et surtout M. le garde des sceaux l’ayant fait bien mieux que je ne saurai le faire.

Reste à savoir si l’IVG est aujourd’hui menacée en France. La réponse est non : si l’accès matériel à ce droit reste perfectible, les Françaises peuvent avorter librement.

Cependant, j’aimerais pouvoir avoir autant confiance en l’avenir, qui comporte son lot d’incertitudes. L’histoire récente nous a montré que des démocraties libérales, même bien établies, pouvaient revenir en arrière. Nous courons le même risque, car, si le pire n’est jamais certain, le meilleur ne l’est pas non plus.

De fait, des réseaux militants, bien organisés et de mieux en mieux financés, s’activent pour remettre en cause ce droit, avec des méthodes de plus en plus pernicieuses.

Certaines plateformes vont jusqu’à créer des numéros verts afin de se faire passer pour des organismes publics et dissuader les femmes qui les appellent. Ce n’est pas aux États-Unis que ces plateformes sévissent. C’est en France !

Ce n’est pas aux États-Unis que le planning familial voit régulièrement ses centres attaqués. C’est en France !

Mme Dominique Vérien. Ce n’est pas aux États-Unis que la récente affaire CNews, qui a assimilé l’IVG à la première cause de mortalité dans le monde, aux côtés du tabac et du cancer, a eu lieu. C’est en France ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Dominique Vérien. Quant à la campagne d’autocollants anti-IVG sur les vélos de Paris, ce n’est pas aux États-Unis qu’elle s’est déployée. C’est en France !

Ne péchons pas par excès de naïveté. La France aussi est perméable à ces manœuvres, et, si le droit à l’avortement est encore solidement ancré dans l’opinion publique, il est de notre responsabilité de législateurs de le protéger.

Bien évidemment, ce qui compte est aussi l’effectivité de l’exercice de cette liberté : c’est une chose d’inscrire un droit à l’avortement, c’en est une autre d’en garantir le plein exercice. Nous le constatons, de nombreux pays qui autorisent officiellement l’avortement en restreignent tellement l’accès qu’il est, en réalité, impossible d’y recourir.

Je suis d’ailleurs convaincue que ceux qui, un jour, voudront s’attaquer à cette liberté en France ne s’y opposeront pas frontalement et le feront en en compliquant petit à petit l’accès, en restreignant son champ d’application, jusqu’à en faire une coquille vide.

L’enjeu aujourd’hui est donc de faire en sorte qu’il ne soit pas possible de modifier la loi afin d’interdire le recours à l’interruption volontaire de grossesse ou d’en restreindre les conditions d’exercice au point qu’elle se verrait privée de toute portée.

Ne l’oublions pas, partout où l’IVG est interdite, la contraception l’est aussi. De fait, ne nous y trompons pas, derrière le militantisme anti-IVG, l’idée n’est pas de nous éviter un acte chirurgical : il s’agit bien de contrôler nos corps de femmes.

Constitutionnaliser, c’est envoyer un message à la société d’aujourd’hui comme à celle de demain. C’est affirmer que la reconnaissance solennelle par la République de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, c’est-à-dire de la liberté de la femme de disposer de son corps, est non pas un simple droit social ou sociétal, mais bien une liberté fondamentale, qui mérite d’être garantie au cœur même de son texte le plus sacré.

La Constitution ne doit pas se résumer à un catalogue de procédures institutionnelles. Elle doit traduire la société dans laquelle nous choisissons de vivre, avec ses aspirations et ses valeurs.

Mes chers collègues, certains parmi vous pensent que cette constitutionnalisation est avant tout symbolique. Si tout cela n’est que symbolique, votons ! Nous n’avons rien à perdre.

Et si, comme moi, vous pensez que cela protège un peu plus les femmes, votons ! Nous avons tout à gagner. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE et de nombreuses travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Émilienne Poumirol et Patricia Schillinger et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pendant des siècles, des femmes ont été maltraitées, insultées, condamnées en France parce qu’elles avaient exercé une liberté, inhérente à la condition humaine : celle de choisir leur vie.

Pendant des siècles, des femmes ont comparu en France, devant des tribunaux d’hommes, parce qu’elles avaient décidé de disposer de leurs corps.

Pendant des siècles, des femmes, qui n’avaient pas les ressources, pas les contacts, sont mortes, en France, des suites d’avortements clandestins, mortes parce que femmes dans une société qui avait décidé que les femmes ne pouvaient être ni libres ni responsables.

Depuis le manifeste des 343, depuis que Gisèle Halimi a ouvert, à Bobigny, le procès de la violence et de l’hypocrisie patriarcales, depuis la fondation du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), grâce à la mobilisation de tant de femmes, célèbres et anonymes, la France s’est engagée sur un autre chemin, celui qui aboutira à la loi Veil, puis à toutes celles qui l’ont suivie.

Le vote de ce jour s’inscrit dans cette grande histoire. Cinquante ans après la loi Veil, qu’avons-nous à dire aux Michèle et Marie-Claire Chevalier d’aujourd’hui ? Leur dirons-nous qu’elles demeurent à la merci du bon vouloir du législateur, qui, un jour peut-être, les rappellera à la barre ? Ou leur dirons-nous qu’elles sont à jamais libres ? Voilà la seule question qui nous est posée aujourd’hui.

Le Conseil d’État a été d’une clarté absolue : l’objet du texte proposé est « d’encadrer l’office du législateur afin qu’il ne puisse interdire tout recours à l’interruption volontaire de grossesse ni en restreindre les conditions d’exercice de façon telle qu’il priverait cette liberté de toute portée ».

En votant cette loi, il s’agit donc seulement de dire – mais de dire vraiment – ceci : nous n’interdirons plus jamais l’IVG, nous ne restreindrons plus jamais ce droit et nous sommes tellement sincères, tellement convaincus, tellement sûrs de ne jamais vouloir le faire que nous choisissons aujourd’hui de renoncer démocratiquement à la possibilité même de le faire, car nous pensons que cette possibilité ne devrait plus exister en France, de la même manière que n’existe pas, grâce à la Constitution, la possibilité de réduire de toute portée la liberté de conscience, la liberté d’association ou la liberté d’expression. Ni plus ni moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Patricia Schillinger et M. Éric Bocquet applaudissent également.)

Aujourd’hui, je ne m’adresse pas à celles et à ceux qui, au fond, n’ont jamais considéré que l’IVG était un droit. Non, je m’adresse à toutes celles et à tous ceux qui, quelle que soit leur sensibilité, sont convaincus que l’IVG est non pas une concession que le législateur a faite un jour et pourrait reprendre un autre, mais un droit, que le législateur avait confisqué et qu’il a fini par rendre à ces femmes qui se sont tant battues pour le reprendre.

Je m’adresse aux héritières et aux héritiers de cette droite et de ce centre qui ont voté pour la loi Veil. Si, un jour, une loi menace l’IVG en France et si, ce jour, la Constitution ne peut rien pour l’empêcher, que direz-vous, chers collègues, à vos filles, à vos petites-filles et à vos nièces ? Pourrez-vous les regarder dans les yeux ? Que leur répondrez-vous quand elles vous demanderont pourquoi, quand vous en aviez la possibilité, vous avez refusé de les protéger ? Leur direz-vous que ce texte contenait le terme « garantie » ? Que la date du Congrès avait été annoncée trop tôt ?

Le 20 décembre 1974, la moitié des sénateurs de la droite et du centre ont voté pour la loi Veil. C’était plus qu’à l’Assemblée nationale. Le Sénat comptait sept femmes : cinq de gauche et deux de droite. Toutes ont voté pour !

Quel message enverrons-nous, cinquante ans plus tard, si plus de la moitié d’entre nous vote pour conserver la possibilité d’attaquer un jour la loi Veil ?

Chaque voix contre, chaque voix en faveur du droit à la régression sera la démonstration empirique que, oui, l’IVG doit entrer dans la Constitution !

Je me suis lancée, il y a plus d’un an, avec toutes ces femmes qui ont su montrer, sur ce sujet, ce qu’était faire de la politique en grand, en vrai, pour l’intérêt général – je pense à Laurence Rossignol, Aurore Bergé, Mathilde Panot, Laurence Cohen, Dominique Vérien, Annick Billon, Elsa Schalck, Isabelle Rome et à tant d’autres –, dans cette longue, difficile et magnifique bataille.

J’ai été témoin de l’engagement sans faille des associations féministes et de toute la société. J’ai entendu tant de militantes polonaises me dire combien ce que nous faisions, en France, était merveilleux, et regretter que cela n’ait pas été fait dans leur pays tant qu’il en était temps !

Eh bien, aujourd’hui, en France, il est temps. Il est temps d’être au rendez-vous de notre histoire, de répondre aux immenses espoirs que nous avons soulevés dans le monde.

Aujourd’hui, des Polonaises, des Hongroises, des Américaines, des Iraniennes, des Argentines regardent avec admiration la France s’apprêter à énoncer, sans ambiguïté, que le droit à l’avortement n’est pas un sous-droit. C’est un droit fondamental. C’est l’une des conditions des sociétés libres et égalitaires.

Dès lors, faisons-nous à nous-mêmes, aujourd’hui, cette magnifique promesse : plus jamais les faiseuses d’anges, les cintres, les aiguilles et les mortes !

Disons à nos filles, à nos nièces, à nos petites-filles qu’elles sont aujourd’hui et désormais à jamais libres de choisir leur vie ! (Les membres du groupe GEST se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons tous, je crois, le sentiment de vivre un moment important, sinon historique. Cela se sent.

Le moment est historique, car il s’agit, d’abord, de modifier notre Constitution, geste qui n’est pas anodin.

Le moment est historique, ensuite, car cette modification fait écho, comme cela a été souligné précédemment, au combat mené par des millions de femmes à travers le monde depuis des siècles pour conquérir le droit à disposer librement de leur corps.

Le moment est historique, enfin, parce que des millions de femmes mais aussi d’hommes attachés à cette liberté fondamentale nous regardent et nous écoutent en ce moment même.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de faire du droit à l’avortement une liberté garantie pour toutes les femmes qui vivent sur notre sol.

C’est un combat que notre groupe – je le dis face à Laurence Cohen, qui est présente en tribune – a mené depuis de très nombreuses années. En effet, dès 2017, nous avions proposé, au travers d’une proposition de loi constitutionnelle, de constitutionnaliser l’IVG.

Aujourd’hui, avec ce projet de loi constitutionnelle, nous avons la possibilité d’inscrire le droit à l’avortement dans notre Constitution. Le souhait de notre groupe est que ce texte puisse être voté dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée nationale.

Depuis que ce projet est sur la table, nous entendons dire que l’IVG ne serait pas menacée. Pourtant, tout montre qu’elle l’est !

Elle l’est, d’abord, en France, parce que des forces rétrogrades n’ont pas renoncé à la remettre en cause et parce que des forces médiatiques s’organisent pour la contester.

Je pense moi aussi aux propos monstrueux qui ont été entendus sur une chaîne d’information – ou plus exactement de désinformation – en continu, visant à nous faire croire que l’IVG serait la première cause de mortalité dans le monde.

Elle est aussi contestée, mise en cause et en danger par certaines forces politiques. L’intervention de M. Ravier en a porté témoignage tout à l’heure. Il y avait d’ailleurs quelque chose de répugnant à entendre ce dernier, au vu de son identité politique, s’abriter derrière la figure de Simone Veil…

Oui, l’IVG est menacée en France. Elle est menacée en Europe, notamment en Pologne. Elle est menacée aux États-Unis, où quatorze États l’interdisent aujourd’hui. Qui peut, par conséquent, affirmer que l’IVG ne serait pas menacée ?

Qu’entendons-nous par ailleurs ? Que notre Constitution n’aurait pas vocation à être un catalogue de droits sociaux. Il y a là une conception de la Constitution que nous ne partageons pas. Cette conception, au fond, vise à nous faire croire que la Constitution serait un objet juridique froid, qui se limiterait à l’organisation des pouvoirs politiques.

Comment expliquer alors que ceux-là mêmes qui développent cet argument ne soient pas avares en propositions de loi constitutionnelle n’ayant rien à voir avec la stricte organisation des pouvoirs ? C’est vrai du côté de la gauche comme du côté de la droite, qui n’en est pas avare – c’est d’ailleurs son droit le plus strict –, y compris afin d’inscrire les racines judéo-chrétiennes de la France ou de traiter des enjeux liés à l’immigration dans la Constitution… (M. André Reichardt proteste.) Cela n’a pourtant rien à voir avec l’organisation de nos institutions !

Au fond, il ne faudrait pas que l’on ait la main plus tremblante quand il s’agit d’ajouter des droits dans notre Constitution que lorsqu’il s’agit d’en retrancher.

En réalité, aucun des arguments avancés pour rejeter ce projet de loi ou pour l’amender, ce qui revient à retarder son adoption, n’est valable.

En réalité, nous avons la possibilité, par notre vote, de franchir un grand pas et de remporter ensemble une belle victoire, pour les femmes qui vivent en France, parce que ce droit fondamental y sera ainsi protégé, mais aussi pour toutes les femmes à travers le monde qui se battent pour que ce droit soit garanti dans leur pays.

D’ailleurs, quand bien même le vote de ce texte n’aurait pour fonction que de dire à ces femmes qui nous regardent et qui n’ont pas accès à ce droit aujourd’hui que nous sommes à leurs côtés et que nous partageons leur combat, quand bien même il ne servirait qu’à leur envoyer ce signal, il serait fondamentalement utile. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis la décision rendue par la Cour suprême le 24 juin 2022, plus d’une dizaine d’États américains ont totalement interdit l’avortement, pour la plupart sans aucune exception, même en cas de viol ou d’inceste. Dans certains États, l’abject s’incarne même, puisque la loi incite les citoyens à lancer des poursuites à l’encontre des femmes soupçonnées d’avoir avorté.

En Europe, de la Pologne à l’Italie, en passant par la Hongrie, sous la pression de mouvements dits « pro-vie », les conditions de l’accès à l’IVG reculent.

Certes, nous ne sommes pas de ces pays, mais nous avons en commun avec ces nations quelques fondements démocratiques.

En France, le droit à l’avortement n’est pas à l’abri des conservatismes. Il convient tant de s’en émouvoir que de se tenir en alerte.

D’ailleurs, dimanche dernier, une chaîne de télévision privée française exposait une infographie plus que douteuse faisant de l’IVG la première cause de mortalité dans le monde. Plus qu’une maladresse, c’est une manipulation honteuse. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)

Soyons cartésiens : si l’interruption volontaire de grossesse n’était pas directement menacée, pourquoi aurions-nous ce débat ?

Pourquoi vouloir constitutionnaliser l’IVG ? Sans doute parce que, à ceux qui pensent qu’elle est une évidence, nous devons opposer la prudence, en enfermant dans la loi fondamentale un droit acquis de haute lutte par les femmes et pour les femmes.

Au cours des débats qui ont eu lieu en 2023, notre collègue Jean-Yves Roux avait souligné « la tendance mondiale et européenne à une forme de recul des droits et des libertés fondamentales des femmes », et déclaré : « si d’autres reculent, soyons fiers de montrer le chemin inverse, le chemin qui refuse la régression ! ».

J’entends par-ci par-là que constitutionnaliser l’IVG ne serait que symbolique. Mais quel symbole ! D’ailleurs, le débat n’est pas tout à fait tranché par les constitutionnalistes.

Quoi qu’il en soit, la France doit se poser en pays des Lumières et être au rendez-vous de l’histoire, comme elle l’a toujours été. Elle serait la première nation au monde à envoyer ce signal positif.

Le RDSE salue votre initiative, monsieur le garde des sceaux, après avoir soutenu les précédentes propositions de loi que nous avons examinées ici – en octobre 2022, la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Mélanie Vogel, que je salue ; puis, en février 2023, un nouveau texte issu de l’Assemblée nationale. C’est notre troisième rendez-vous. Il nous oblige !

Au cours de ces débats successifs, les positions ont évolué – ce constat concerne aussi mon groupe.

Si le RDSE était majoritairement favorable à l’adoption du premier texte, qui englobait également la contraception et se heurtait à des difficultés juridiques importantes, quelques réserves subsistaient néanmoins quant à l’efficacité de sa rédaction, le risque étant que notre texte fondamental se transforme en une déclaration bavarde.

Reconnaissons que le deuxième texte a fait l’objet d’un travail constructif. Je pense, en particulier, à l’adoption de l’amendement de notre collègue Philippe Bas, qui attribuait simplement et efficacement au législateur la charge de déterminer les conditions « dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».

Ce nouveau projet de loi s’inscrit dans la continuité des précédentes propositions, puisqu’il ajoute, à l’article 34, dans une formulation assez similaire, que la loi « garantit » – et non plus « détermine » – l’accès de la femme à l’IVG.

Ce changement de terme a suscité des amendements qui ne me paraissent pas convaincants. À la lecture de la Constitution, il apparaît que les garanties constitutionnelles des droits et des libertés sont suffisamment nombreuses pour qu’une nouvelle liberté garantie puisse y être insérée sans difficulté.

Certes, il est légitime de s’inquiéter du risque d’inflation des droits constitutionnels, qui pourrait affaiblir les droits concernés, mais, là encore, nos éminents constitutionnalistes ne sont pas tous d’accord. Nous entendons l’alerte, et, si nous observions une dérive un jour, il faudrait s’y opposer fermement.

Cependant, il s’agit aujourd’hui d’asseoir un droit face à un enjeu sociétal fort.

Bientôt cinquantenaire, la loi Veil a vu son cadre légal s’améliorer au fil du temps. Son inscription dans la Constitution n’est que la suite logique d’une avancée fondamentale pour la dignité des femmes.

Mes chers collègues, le RDSE espère voir la raison l’emporter, avec un vote conforme du Sénat. Faire un demi-choix reviendrait à faire de l’IVG un demi-droit. Or les femmes doivent accéder à une liberté pleine et entière, avec, pour seule conscience, la leur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « Le passé ne meurt jamais. Il ne faut même pas le croire passé », écrivait William Faulkner.

Ces mots résonnent avec une acuité particulière aujourd’hui, alors que nous sommes témoins, à l’échelle mondiale, de remises en question des droits des femmes, notamment du droit à l’interruption volontaire de grossesse.

La menace constante de voir le passé ressurgir et nos droits fondamentaux remis en cause illustre l’importance d’inscrire le droit à l’IVG dans le texte suprême de notre République : la Constitution.

En gravant dans le marbre de la loi fondamentale une protection pour toutes les femmes, quel que soit leur milieu, nous garantirons sa résistance à l’épreuve du temps et aux vagues populistes qui pourraient frapper notre pays.

Mes chers collègues, je vous le dis avec force : arrêtons de croire naïvement que ce qui se passe chez nos voisins ne pourrait se produire dans notre pays. Cette croyance est une hérésie !

En effet, les attaques envers les droits des femmes à disposer de leur corps, notamment chez ces pays voisins, nous obligent à faire preuve d’une extrême vigilance.

Aux États-Unis, nous avons été témoins de restrictions sévères et d’interdictions de l’IVG dans quatorze États, marquant un recul dramatique pour les droits des femmes. Pourtant, qui aurait pu penser que la plus grande démocratie du monde aurait pu revenir sur ce droit fondamental ? En 2023, ce sont 65 000 femmes qui n’ont eu aucun recours ni aucun choix possible et qui ont été obligées de garder l’enfant conçu à la suite d’un viol dans ce pays.

La Pologne, sous la dernière majorité gouvernementale, a restreint le droit à l’interruption volontaire de grossesse, ne rendant celle-ci légale qu’en cas de viol ou d’inceste ou lorsque la vie de la mère est menacée.

L’Italie de Meloni souhaite octroyer une allocation aux femmes pour leur éviter d’avorter – comme si l’argent était la première cause d’un avortement…

Mentionnons encore la Hongrie, où un décret oblige les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus avant que ne soit réalisé l’avortement, tel un ultime acte de torture.

Ces exemples internationaux nous rappellent la fragilité de nos libertés et la nécessité de les protéger de manière inébranlable.

Je porte également une attention aux territoires d’outre-mer et aux zones rurales. Alors que le taux de recours à l’IVG est particulièrement élevé dans certains territoires d’outre-mer, il est de notre devoir de protéger cette loi avec fermeté. En effet, envisager de laisser place à un quelconque recul sur ce droit équivaut à accepter de mettre en danger des milliers de femmes dans ces régions, dans un futur incertain.

Face à ces réalités, la France, en tant que nation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit être à l’avant-garde.

L’inscription de l’IVG dans notre Constitution n’est pas seulement un acte de protection. Il l’est, bien sûr, mais il s’agit aussi – nous devons l’assumer – d’un acte symbolique, d’un message fort envoyé aux femmes du monde entier, par lequel nous affirmons nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Par là même, notre pays restera, comme il l’a toujours été au travers des siècles, un phare de liberté, un phare en faveur des droits des femmes, un phare en faveur des droits humains.

Simone Veil elle-même a su porter la voix des femmes, avec force et opiniâtreté, face à l’adversité et au scepticisme.

Sa lutte, qui nous rassemble – celle pour le droit des femmes à disposer de leur corps –, résonne comme l’aboutissement de près de deux siècles de combats, en écho aux aspirations pour l’égalité exprimées par Olympe de Gouges dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791, laquelle proclamait que « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ».

L’histoire, par ces femmes inspirantes, nous enseigne que les droits acquis ne le sont jamais pour toujours.

Mes chers collègues, l’histoire récente à travers le monde nous montre que la montée des gouvernements populistes et nationalistes a fréquemment entraîné un resserrement des libertés, affectant particulièrement les droits des minorités et des femmes, qui sont les premiers à être affectés par ces virages idéologiques.

À ces populistes et nationalistes de notre pays, qui s’imaginent que débattre de l’IVG serait une perte de temps, que le Parlement et le Gouvernement devraient se pencher sur des sujets « plus importants », je veux répondre que rien n’est plus important que les droits des hommes et des femmes : c’est l’essence même de notre République, qu’ils méprisent tant.

À ces populistes et nationalistes de notre pays, je rappelle que les événements qui se sont récemment déroulés dans nos rues, certains documents et courriers que nous recevons ou encore les chaînes d’information en continu qui diffusent des contre-vérités témoignent des menaces persistantes et des attaques régulières contre ce droit fondamental.

Nous vivons à une époque où les réseaux sociaux façonnent de nouvelles croyances, où près d’un jeune sur dix croit à des théories aussi dépassées que celle selon laquelle la Terre serait plate !

Lorsque je pense à mes sœurs, aux femmes et aux petites filles de ce pays, je refuse de les imaginer vivre dans la peur, dans un monde où leur corps ne leur appartiendrait pas, où une grossesse non désirée pourrait bouleverser leur destin.

Parce qu’aucune femme, en France et dans le monde, ne se réveille un matin en pensant que c’est le jour idéal pour prendre la décision déchirante d’avorter.

Parce qu’aucune femme, en France et dans le monde, ne considère l’IVG comme une option de contraception parmi d’autres.

Parce qu’aucune femme, en France et dans le monde, ne recourt à l’IVG avec légèreté et insouciance.

Parce qu’aucune femme, en France et dans le monde, ne se tient devant cette porte sans se demander si elle pourra la franchir, si elle aura la force de poursuivre.

Parce qu’aucune femme, en France et dans le monde, ne doit être réduite à un rôle qu’elle n’a pas choisi, par peur ou par manque de choix.

Non, cher collègue, « l’IVG de confort » n’existe pas ! De tels propos sont non seulement réducteurs, mais aussi et surtout insultants pour les femmes.

La liberté de choisir, à laquelle nous sommes tous attachés dans cet hémicycle, est, au fond, l’une des libertés sociales les plus fondamentales.

Refuser de l’entendre, c’est réduire la femme à un simple utérus et à un rôle reproducteur.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, par devoir et pour l’histoire, pour Simone Veil et pour toutes les femmes qui se sont battues et se battent encore à travers le monde, gravons dans le marbre de notre Constitution la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse en France ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « Quand je dépose le texte, c’est à la suite d’un événement que j’ai connu comme avocat. Une jeune femme est livrée à une faiseuse d’anges, victime de septicémie, elle meurt, à 18 ans. […] Je trouve cela tellement injuste et je me dis : il n’est pas pensable qu’on ne puisse être maître de son corps, a fortiori du fruit que l’on porte, et si on ne veut pas de ce fruit, on a le droit de le rejeter, on n’est pas obligé d’être mère. »

Ces mots sont ceux d’Henri Caillavet. Ils ont été prononcés en 1947, à l’occasion de ce que je pense être la première proposition de loi consacrée à la dépénalisation de l’avortement.

J’ai souhaité que le nom de ce grand sénateur, grand humaniste, grand législateur, soit associé aujourd’hui à ceux de Gisèle Halimi, de Simone Veil et d’Yvette Roudy, à qui nous devons la dédiabolisation de l’avortement, la légalisation de l’IVG et son remboursement. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

Je souhaite, mes chers collègues, répondre à quelques arguments – nous en avons échangé un certain nombre depuis un an et demi – qui me paraissent devoir être sérieusement discutés.

Selon le premier d’entre eux, nous assisterions à l’importation en France d’un débat purement américain, exclusivement justifié par l’arrêt Dobbs v. Jackson Womens Health Organization.

Je rappelle à votre mémoire la proposition de loi examinée ici en 2017 sur l’initiative de notre ancienne collègue Laurence Cohen et des sénateurs communistes – soit cinq ans avant la publication de l’arrêt Dobbs – et celle qui a été déposée en 2019 – soit trois ans avant celui-ci – par Luc Carvounas, alors député.

Si nous pensons indispensable de protéger le droit à l’avortement en l’inscrivant au sommet de la hiérarchie des normes, c’est parce que les anti-IVG n’ont jamais renoncé depuis la loi Veil.

Cela m’amène au deuxième argument souvent entendu, selon lequel l’IVG ne serait pas menacée en France. En ce cas, très bien ! Profitons-en pour prendre les garanties que nous voulons pour l’avenir.

Au reste, il est sans doute vrai, à l’instant où nous parlons, qu’il n’y a pas de menace. Et nous le devons d’abord aux Français, qui, à plus de 80 %, soutiennent le droit à l’avortement et l’ensemble des réformes que nous avons conduites pour en favoriser l’accès. Ils sont aujourd’hui le meilleur bouclier, le bouclier citoyen de la protection de l’IVG. Je veux les saluer et les en remercier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI.)

Mais il faut voir plus loin, tant dans le temps que dans l’espace.

Partout où les extrêmes droites, les ultraconservateurs, les nationaux populistes, les totalitaristes, les illibéraux – quel que soit le nom qu’on leur donne – ont accédé au pouvoir, l’avortement et les droits des femmes sont leurs cibles.

Trump aux États-Unis, Bolsonaro au Brésil, Milei en Argentine, Orbán en Hongrie, Meloni en Italie, Droit et justice (PiS) en Pologne, le ministre de la santé de Poutine… Tous ces gens sont les amis de Mme Le Pen : ce sont ceux avec qui elle danse la valse, déjeune, complote ! Ce sont ceux qui la financent. Et tous, sans exception, ont la même obsession (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDPI.) : restreindre les droits des femmes à l’IVG, poursuivre les femmes qui y recourent, criminaliser et harceler les militantes et les soignantes qui viennent au secours des femmes. Tous, sans exception !

Je ne crois pas à une quelconque exception de l’extrême droite française, à l’idée d’un microclimat qui nous protégerait.

En revanche, je crois à la taqiya, et je ne la vois pas uniquement chez les islamistes ! Je la vois aussi chez nous, chez ceux qui cherchent à se fondre dans le paysage pour faire croire aux Français que l’on n’attaquera pas les droits des femmes. Voilà la réalité qui nous attend ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Alors qu’une chaîne de télévision désigne l’avortement comme première cause de mortalité mondiale et traite les femmes de criminelles – d’autres l’ont évoqué avant moi –, je veux rappeler les exactions continues contre les locaux du planning familial, à Lille ou encore à Bordeaux, témoignage de la détermination et de la violence des anti-choix.

Enfin, le dernier argument est davantage politicien. J’ai entendu certains de mes collègues qu’ils refusaient de « donner le point à Macron ». Chers collègues, il a fallu un an et demi de travail au Parlement, un an et demi de pétitions, de collaboration avec les militantes et les associations pour qu’enfin le Président de la République se décide à déposer un projet de loi ! Aujourd’hui, voter la constitutionnalisation, c’est donner le point au Parlement.

Ce soir, puis au Congrès, nous serons fidèles à la grandeur de la France, ce pays précurseur, phare des droits humains, qui éclaire et encourage celles et ceux qui luttent pour leur émancipation. Je n’ai aucun doute sur ce point : nous serons le premier pays à faire de l’IVG une liberté fondamentale. Cela fera du bien aux Français et à la France. Nous en avons besoin ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cinquante ans après son adoption, la loi Veil est largement entrée dans les mœurs. Nous devons cette acceptation sociale à l’équilibre sur lequel elle repose : primauté de la liberté de la femme au cours des premières semaines de grossesse, primauté de la protection de l’enfant à naître ensuite.

Cet équilibre fondamental a valeur constitutionnelle. En effet, depuis sa décision de 2001, le Conseil constitutionnel vérifie que la loi ne rompt pas « l’équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d’autre part, la liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

Après cinquante années d’application continue d’une loi qui n’est plus contestée et d’un contrôle constitutionnel vigilant, on ne peut pas dire que l’interruption volontaire de grossesse soit en danger ! Et, si de nombreux problèmes demeurent, ils ne sont pas d’ordre juridique.

Aussi n’est-ce pas sans circonspection que nous avons vu arriver, depuis quelque temps, des propositions d’inscription d’un droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, avec des rédactions qui n’étaient pas seulement destinées à protéger la loi Veil, mais qui visaient aussi à ouvrir la voie à une rupture de l’équilibre constitutionnel que j’ai décrit, en faisant de l’IVG un droit opposable, absolu, sans limites.

Malgré les réserves que m’ont inspirées les premières propositions dont nous avons discuté, j’ai admis, dans son principe, l’idée qu’une sécurité supplémentaire pouvait justifier une mention dans la Constitution – pas n’importe laquelle toutefois. Cette ouverture a été assortie de conditions simples : que l’équilibre de la loi Veil soit préservé et que l’espace constitutionnel reste suffisamment ouvert pour que le législateur puisse y faire évoluer la loi sans remettre en cause cet équilibre.

Le Sénat a adopté, l’an dernier, son propre texte, prévoyant que « la loi détermine les conditions » – c’est-à-dire aussi les limites – « dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Il a ainsi reconnu une liberté individuelle, et non un droit opposable qui n’aurait à se confronter à aucune autre exigence constitutionnelle.

C’est d’ailleurs le lot commun de toutes les libertés que d’être limitées par le respect de principes constitutionnels de même force – ici, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation, c’est-à-dire la protection de l’enfant à naître.

Tel a été le choix du Sénat. Nous ne devons pas aujourd’hui en altérer la clarté.

Ce texte a inspiré la rédaction proposée par le Président de la République. On y retrouve, en effet, deux mots essentiels : « conditions », qui indique que la liberté de l’interruption volontaire de grossesse ne peut être sans limites ; « liberté », terme préféré à celui de « droit », pour éviter tout glissement sémantique et juridique vers un droit-créance.

Deux différences apparaissent cependant entre la proposition de chef de l’État et notre texte.

La première consiste à ne plus inscrire « la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse », mais seulement sa « liberté d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » – et non pas, monsieur le garde des sceaux, « la liberté des femmes de disposer de leur corps », comme vous l’avez dit, peut-être par approximation de langage… (M. le garde des sceaux écarquille les yeux. – Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Cette formulation fixe dans la Constitution une terminologie conçue pour ne pas nommer l’avortement dans la loi Veil. J’en prends acte.

La seconde différence est beaucoup plus critiquable, car elle créerait une ambiguïté dans le texte constitutionnel : il s’agit du recours au concept étrange de « liberté garantie ». Il y aurait donc, dans la Constitution, des libertés et des droits « garantis », et d’autres qui ne le seraient pas.

Une telle hiérarchie entre libertés constitutionnelles laisse songeur. La mission du Conseil constitutionnel sera de rechercher l’effet utile de l’adjectif « garantie », sans faire au constituant l’injure de considérer qu’il aurait pu l’écrire pour ne rien dire.

Ne nous y trompons pas : il s’agit, en réalité, de réintroduire, de manière ambiguë, la notion de droit opposable. Mais, en démocratie, c’est à la représentation nationale, et non au juge, de veiller à ce que l’interruption volontaire de grossesse soit accessible à toutes les femmes !

Si l’adjectif « garantie » n’a aucune portée, comme vous le soutenez, monsieur le garde des sceaux, pourquoi l’ajouter ?

Par ailleurs, s’il doit en avoir une, il vaut mieux le retirer ! C’est tout le sens de l’amendement que j’ai déposé avec Bruno Retailleau, président de notre groupe, et de nombreux collègues, à l’instar de notre rapporteur.

Mes chers collègues, je le dis à chacune et à chacun d’entre vous, y compris à celles et à ceux qui, en conscience, veulent s’opposer à toute inscription constitutionnelle (Marques dimpatience sur les travées du groupe GEST.) : si cet amendement n’était pas voté, …

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Philippe Bas. … c’est une version ambiguë de la révision constitutionnelle qui risquerait finalement d’être adoptée, ce qui reviendrait à faire le jeu de ceux qui sont le plus éloignés de l’équilibre fondateur de la loi Veil. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux, en préambule, vous relire le début de l’article 1er de la loi Veil : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi. »

Près de cinquante ans nous séparent de l’intégration de cette phrase dans la loi française. Or la terminologie choisie par le Gouvernement nous éloigne fortement de l’équilibre fondamental auquel Simone Veil était tant attachée.

Pourtant, cet après-midi, nous n’aurions pas le choix. Il faudrait voter le texte qui nous est soumis, pour de multiples raisons : ne pas passer pour un militant anti-avortement ; privilégier le symbole au droit ; être le relais d’une opinion publique qui serait très favorable à une constitutionnalisation, même partielle, de la loi Veil ; être les seuls au monde à inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans notre texte fondamental, et prétendre que cela ferait de notre pays l’avant-garde du progrès…

Permettez-moi d’exprimer quelques doutes.

Peut-on voter ce texte malgré la piètre qualité d’une énième proposition de rédaction de l’article constitutionnel, dont le seul mérite était de mettre d’accord Mathilde Panot et Marine Le Pen à l’Assemblée nationale ? (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Loïc Hervé. Peut-on le voter malgré le fait que l’équilibre intrinsèque de la loi de 1975 ne soit absolument pas repris ?

Peut-on le voter malgré l’absence de réponse précise sur la portée juridique de l’adjectif « garantie », comme Philippe Bas vient de le rappeler ?

Peut-on le voter malgré le risque de voir les pouvoirs du Conseil constitutionnel, déjà étendus, depuis 2008, par l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, encore renforcés ? Voulons-nous faire de notre Conseil constitutionnel une Cour suprême, sur le modèle américain, alors même que cette institution n’est pas étrangère à nos débats de cet après-midi ?

En cas d’avènement d’un président illibéral, d’un gouvernement illibéral, d’une majorité illibérale, combien de temps faudrait-il à ceux-ci pour prendre le contrôle politique du Conseil constitutionnel ?

Mes chers collègues, rappelons-nous la parabole de la paille et de la poutre : ce n’est certainement pas cette inscription constitutionnelle qui répondra à la fermeture de 130 centres IVG qui a eu lieu ces dix dernières années dans notre pays (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) ou qui empêchera CNews de faire des comparaisons stupides !

Le débat de l’accès est le seul qui vaille – je le dis comme membre et même comme militant de la délégation aux droits des femmes du Sénat.

Un sénateur du groupe SER. Eh bien !

M. Loïc Hervé. Mes chers collègues, la volonté de mettre « quelque chose » dans la Constitution ne saurait l’emporter sur le raisonnement juridique le plus simple.

C’est la seule raison pour laquelle certains membres du groupe Union Centriste ne voteront pas ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, quatre minutes : c’est le temps de parole dont je dispose, en ce jour historique (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.),…

M. Philippe Bas. Vous perdez du temps !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … pour tenter de convaincre les derniers indécis, les hésitants sur le sujet qui nous occupe. J’irai donc droit au but.

Non, la volonté française d’inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution n’est pas une réaction à une décision de la Cour suprême des États-Unis. Elle lui préexistait !

À cet égard, je salue de nouveau notre ancienne collègue Laurence Cohen, présente en tribune, qui, en 2017, déposait un premier texte en ce sens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Il est vrai que la décision américaine a été un électrochoc pour la société française. Comment, dans une démocratie avancée, l’IVG pouvait-elle être menacée ?

Oui, comme l’ont rappelé plusieurs intervenants, il existe, en France et en Europe, un risque de remise en cause du droit à l’avortement. Les pays ont été cités : la Hongrie, la Pologne, l’Italie ou l’Espagne, plus rarement évoquée, où ce droit a été menacé en 2014.

Dominique Vérien et d’autres sénateurs ont aussi rappelé de quelle manière les médias français actuels pouvaient aussi prêter leur voix aux militants anti-avortement.

Non, le droit à l’interruption volontaire de grossesse n’est pas déjà garanti constitutionnellement. Il me semble que plus personne n’affirme désormais le contraire – je ne l’ai d’ailleurs pas entendu aujourd’hui. De fait, il ne faut pas confondre une décision du Conseil constitutionnel validant la constitutionnalité d’une loi et l’inscription de son principe dans le texte.

Oui, la Constitution proclame des droits sociaux et sociétaux. J’ignore s’il faut parler d’un catalogue, mais je pense, bien entendu, au droit à l’emploi, à la parité, au droit de grève, à l’abolition de la peine de mort, au droit syndical… Depuis le préambule de 1946 jusqu’à ses articles mêmes, la Constitution en est pleine.

Deux amendements ont été déposés sur ce projet de loi, auxquels je veux répondre, dans l’espoir, mes chers collègues, de vous dissuader de les voter.

Le premier concerne l’adjectif « garantie », que notre collègue Philippe Bas souhaiterait supprimer, au motif que son sens serait flou.

Il est exact que ce terme n’est accolé nulle part dans la Constitution au terme « liberté ».

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cependant, les libertés que j’ai évoquées précédemment s’exercent de manière autonome, individuelle, tandis que la liberté d’avoir accès à l’interruption volontaire de grossesse est particulière, en ce qu’elle nécessite toujours l’intervention d’un tiers, que ce soit le pharmacien qui vend les pilules abortives, le médecin ou encore la sage-femme qui assiste la patiente.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le mot « garantie » vise à empêcher l’État de décider de mettre un terme à l’accès à tous ces dispositifs pour rendre impossible tout avortement de facto.

Le second amendement concerne la clause de conscience des médecins. Celle-ci est d’ores et déjà protégée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais n’est visée spécifiquement dans aucun article de la Constitution.

Mes chers collègues, si vous votez cet amendement, qui vise à réaffirmer la liberté de conscience pour les médecins dans le cadre de l’interruption volontaire de grossesse, vous viderez de sa portée le concept figurant à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’objet de cet amendement est finalement pervers : il atteindrait l’inverse de l’objectif fixé. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’en termine, madame la présidente. Alors que nous allons fêter le cinquantième anniversaire de la loi Veil, à laquelle beaucoup sont attachés et que tous ont mentionnée, quel bel hommage à ce qui s’est passé en 1974 serait le vote de cette constitutionnalisation ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il m’appartient de présenter la position des sénateurs du groupe Les Républicains qui sont opposés au texte qui nous est présenté aujourd’hui.

Il me semble que notre position doit d’abord tenir à l’idée que nous nous faisons du rôle du législateur – pas n’importe quel législateur : le législateur auquel nous demandons de modifier la norme juridique supérieure en droit français qu’est la Constitution.

À cette fin, certains préceptes peuvent nous guider. Certains résonnent assez souvent dans cet hémicycle. Montesquieu a encore été cité tout à l’heure par tous les groupes : « Il ne faut [toucher aux lois] que d’une main tremblante. […] Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. »

En outre, nous devons nous comporter non pas comme des militants, mais comme des êtres de raison qui travaillent dans l’intérêt général.

M. Mickaël Vallet. Et pourquoi ? Ce n’est pas contradictoire !

Mme Muriel Jourda. Nous ne pouvons pas réagir sous le coup de l’émotion. Il nous faut avoir du recul.

Tous ces éléments, nous devons les avoir à l’esprit lorsque nous légiférons. À ce titre, Mme le rapporteur a lancé une première alerte, relayée par plusieurs intervenants, sur l’incertitude juridique dans laquelle nous plonge ce projet de loi constitutionnelle dans la rédaction qui nous est proposée.

Que nous apprêtons-nous à faire par cette modification de la loi fondamentale ?

Sommes-nous en train de remédier à une imperfection juridique qui empêcherait la liberté des femmes de recourir à l’IVG de s’exercer ? Je ne crois pas. Je crois même à l’inverse que l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui figure dans le bloc de constitutionnalité permet de puiser la force constitutionnelle de cette liberté. C’est en tout cas comme cela que le Conseil constitutionnel l’a écrit.

Sommes-nous en train de clore un débat qui agiterait la société et, en conséquence, notre vie politique sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse ? Je ne crois pas non plus. Bien sûr, il y a encore en France des gens hostiles à l’interruption volontaire de grossesse. Ils ont parfaitement le droit de le penser,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Muriel Jourda. … cela s’appelle la liberté d’expression.

Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec notre collègue Mélanie Vogel : oui, ils ont perdu la bataille. Nous vivons dans une société qui, majoritairement, reconnaît la légitimité de la liberté des femmes d’avoir accès à l’IVG. Ce débat n’existe pas, il n’existe plus.

Mme Muriel Jourda. Il existe tellement peu que, je ne l’invente pas, lorsque des textes ont été déposés pour constitutionnaliser cette liberté, ils faisaient allusion non pas à des faits, assez rares au demeurant, qui se produisent en France, mais bien à la décision de la Cour suprême des États-Unis dans un pays où, oui, le débat sociétal sur l’IVG est extrêmement fort.

Mme Laurence Rossignol. C’est la mondialisation !

Mme Muriel Jourda. Ces textes font aussi référence à des faits qui se passent dans des pays qui sont sans doute proches du nôtre, mais qui n’ont ni notre culture, ni nos institutions, ni notre corpus juridique et qui n’ont pas non plus, j’ose le dire, la laïcité, ce principe fort qui est le nôtre.

Par conséquent, nous ne sommes pas plus en train de mettre fin à un débat que de remédier à une imperfection juridique.

Alors, que faisons-nous ? Mme le rapporteur l’a indiqué d’une façon assez claire : il s’agit de la consécration constitutionnelle d’un symbole – ou d’une consécration constitutionnelle symbolique.

Est-ce le rôle de la Constitution que d’émettre des symboles ? (Oui ! sur de nombreuses travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

M. Mickaël Vallet. C’est un symbole de la République !

Mme Muriel Jourda. Est-ce le rôle de la Constitution que d’envoyer des signaux au reste de l’humanité ? Pour ma part, je ne le crois pas.

Pardonnez-moi d’être un peu terre à terre, mais, une fois que nous aurons acquis ce merveilleux symbole, que dirons-nous aux femmes qui ne peuvent pas accéder à l’IVG du fait de la paupérisation médicale actuelle et de l’organisation du système de santé ? (Exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Émilienne Poumirol. C’est un autre problème !

Mme Muriel Jourda. Que dirons-nous aux femmes qui souffrent d’avoir subi une IVG ? (Nouvelles exclamations.) En effet, l’IVG n’est pas un acte médical anodin : il entraîne des souffrances à la fois physiques et psychiques pour un certain nombre de femmes,…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Muriel Jourda. … alors même qu’elle est en augmentation dans notre pays comme dans aucun autre.

Je crains fort, mes chers collègues, que nous n’ayons aucune réponse à apporter aux femmes et que nous réussissions seulement la double prouesse, en donnant à cette mesure une simple portée symbolique, de ne rien changer à leur sort, tout en affaiblissant notre Constitution. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère et Loïc Hervé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)

Mme Elsa Schalck. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c’est la troisième fois que nous avons à répondre dans cet hémicycle à la question suivante : souhaitons-nous inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans notre Constitution ?

Il y a un an, ici même, au Sénat, nous y répondions positivement. Depuis, l’Assemblée nationale s’est prononcée à une très large majorité pour approuver ce projet de loi constitutionnelle.

Aujourd’hui, une étape importante reste à franchir, celle de concrétiser cette volonté commune en nous accordant sur le texte. Je forme le vœu que nous y parvenions.

Le texte constitutionnel qui nous est soumis est le fruit d’un débat parlementaire nourri, engagé depuis plus d’un an. Notre travail législatif aura permis de cheminer collectivement dans l’écoute et le respect des différentes sensibilités. C’est une belle démonstration de la vitalité du débat parlementaire.

Je veux ici saluer l’engagement de notre rapporteur Agnès Canayer sur un sujet sensible, complexe, qui touche à l’intime. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)

Je tiens également à saluer la position de la commission des lois, qui a pris acte du texte sans proposer de le modifier.

Pour ma part, je crois profondément que le droit à l’IVG a toute sa place dans notre Constitution.

En effet, notre Constitution est le texte au sommet de notre hiérarchie des normes. Elle consacre des droits et des libertés fondamentaux et définit les modalités de leur protection. Elle est aussi le socle des grands principes de notre pays. La Constitution est cet acte fondateur par lequel notre société se constitue une identité et décide de l’ordre sociétal voulu.

Le droit à l’IVG y a toute sa place, car il fait partie intégrante de la liberté fondamentale des femmes à disposer de leur corps.

La question qui nous est posée est donc finalement assez simple : souhaitons-nous inscrire dans notre texte fondamental cette liberté pour les femmes à laquelle nous sommes tous profondément attachés ?

Il me semble que le Conseil d’État, au travers de son avis, nous éclaire en affirmant que l’IVG ne fait l’objet d’aucune consécration constitutionnelle en tant que telle. Dès lors, élever ce droit au rang constitutionnel est indéniablement une protection supplémentaire.

Si la situation américaine n’est à mon sens pas comparable à la situation française, faut-il réellement que pèse une menace pour sécuriser un droit ou une liberté ? Je ne le crois pas.

Notre Constitution a cette force de sanctuariser des principes auxquels il ne doit pas pouvoir être dérogé. Sa force, c’est aussi de savoir s’adapter aux évolutions et aux attentes de notre société.

Enfin, sa position au sommet de notre ordre juridique est un rempart à d’éventuelles difficultés qui pourraient survenir dans le futur. Il suffit pour s’en convaincre de se tourner vers des pays européens comme la Pologne ou la Hongrie. Ces exemples illustrent à quel point la situation peut évoluer défavorablement pour le droit des femmes en général, et le droit à l’avortement en particulier. Alors même que nous pensions tous que ces droits étaient acquis, nous découvrons qu’ils peuvent soudainement être remis en cause.

C’est pourquoi, mes chers collègues, il me semble nécessaire de continuer à réaffirmer et à protéger ces droits fondamentaux acquis par des générations de femmes.

Ce texte constitutionnel nous livre une rédaction équilibrée, qui reprend quasi intégralement les termes votés ici même au Sénat il y a un an, grâce à l’amendement de notre collègue Philippe Bas. Le terme « garantie » doit s’entendre comme une protection supplémentaire et non comme un droit opposable. C’est notre volonté aujourd’hui de législateur, demain de constituant.

En tout état de cause, l’inscription de l’IVG dans la Constitution ne doit pas éluder les difficultés préoccupantes de l’effectivité du droit à l’avortement : cent trente centres IVG ont fermé ces quinze dernières années. Ces chiffres appellent vigilance et action, comme l’a rappelé notre président Gérard Larcher.

Ma conviction n’en demeure pas moins que le vote d’aujourd’hui est un rendez-vous important, attendu par nos concitoyens. Aussi, mes chers collègues, je souhaite que nous puissions aboutir dans quelques instants à un vote conforme. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Article unique

Avant l’article unique

Mme la présidente. L’amendement n° 3 n’est pas soutenu. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE.)

M. Mickaël Vallet. Du grand guignol !

Avant l’article unique
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Après le dix-septième alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article unique.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je me félicite que nous soyons réunis ce soir dans l’espoir de faire aboutir la constitutionnalisation de l’IVG. J’ai la certitude qu’avec le recul nous regarderons cette soirée comme un moment précieux de l’histoire de notre République, tout comme l’inscription dans notre Constitution de l’abolition de la peine de mort en 2007.

Si le séisme provoqué par la révocation de l’arrêt Roe v. Wade aux États-Unis a donné toute sa force à cette revendication, soutenue d’ailleurs depuis 2018 par les socialistes, les menaces qui pèsent sur l’IVG n’épargnent pas non plus le continent européen. Je pense notamment à la Pologne où seules les IVG en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère sont autorisées, à la Hongrie où les femmes souhaitant avorter sont obligées d’écouter battre le cœur du fœtus.

Au regard de la montée de l’extrême droite dans notre pays, il est illusoire d’imaginer que nous serons éternellement à l’abri de telles régressions.

C’est pour cela que nous appelons, tant qu’il est encore possible de le faire, à cette constitutionnalisation qui enverra ce message fort : le droit des femmes à disposer de leur corps est inaliénable.

J’espère qu’une telle victoire nous donnera l’impulsion nécessaire pour garantir l’effectivité de ce droit pour toutes les femmes, y compris celles qui vivent en zone rurale. Faute d’offre de soins suffisante, l’accès à l’IVG est en effet marqué aujourd’hui par de fortes inégalités territoriales, qui pénalisent surtout les femmes isolées et les femmes précaires. Rappelons que treize départements ne comptent aucun gynécologue et que 18 % des femmes réalisent leur IVG hors de leur département.

« Je me bats pour le droit de la femme à choisir ses maternités », déclarait Gisèle Halimi. Soyons ce soir à la hauteur de cette ambition. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article unique.

Mme Anne Souyris. « L’injustice est l’hypocrisie patronnée par la morale. » C’est par ces mots que la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, fondatrice de ce qui deviendra plus tard le Mouvement français pour le planning familial, évoquait l’arrivée à l’hôpital des femmes qui venaient d’avorter clandestinement.

Aujourd’hui, soixante ans après et malgré la légalisation de l’avortement qui a suivi, cette phrase résonne toujours dans notre actualité.

L’« injustice » est toujours d’actualité, au regard des inégalités d’accès géographiques et sociales à l’IVG sur notre territoire.

L’« hypocrisie » est toujours d’actualité, lorsque, d’un côté, il est dit que le droit à l’IVG n’est pas menacé dans notre pays et que, de l’autre, le corps des femmes fait l’objet d’un débat public incessant et redevient soudain l’instrument d’un « réarmement » dit démographique.

« Patronnée par la morale », c’est toujours d’actualité, lorsque, voilà quelques jours encore, les femmes étaient accusées d’être à l’origine de la première cause de mortalité dans le monde.

Toujours d’actualité, mais peut-être plus pour longtemps, si nous décidons aujourd’hui de prendre ce tournant historique en constitutionnalisant l’IVG. En votant aujourd’hui en ce sens, nous commençons à graver dans le marbre de la République « mon corps m’appartient », « notre corps nous appartient ».

Cette liberté de choix doit dépasser tous les débats partisans, religieux et individuels. Ce doit être enfin une réalité constitutionnelle, parce que les droits fondamentaux concernent aussi les femmes.

« Il suffira d’une crise », disait Simone de Beauvoir.

M. François Bonhomme. Comment va-t-elle ?

Mme Anne Souyris. Elle aurait pu ajouter : rien n’est jamais acquis pour les femmes.

Aujourd’hui, nous avons la possibilité de faire cesser cette insécurité. Regardons ce qui s’est passé chez nos voisins hongrois et polonais. Oui, l’IVG est un droit précaire qu’il faut protéger. Prenons les devants et protégeons avec force ce droit fondamental. Nous ne savons jamais de quoi les lendemains sont faits. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

(M. Gérard Larcher remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, sur l’article unique.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c’est bien le devoir de la loi fondamentale que de protéger et de garantir les droits les plus fondamentaux. Il est bon et apparemment nécessaire de le rappeler.

Si, aujourd’hui, nous œuvrons à la garantie de cette liberté dans la Constitution, demain, nous continuerons à lutter pour que ce droit soit effectif. Quand les moyens manquent, quand les stocks de médicaments sont vides, quand les forces anti-avortement s’organisent pour piéger les femmes, quand les services publics de santé sont défaillants, c’est bien l’accès des femmes à ce droit qui est compromis.

Si l’inscription dans la Constitution est une avancée nécessaire que nous saluons, il ne faudrait pas la croire suffisante. Disposer de son corps, c’est choisir d’avoir un enfant ou non. Déjà, dans l’histoire, les femmes ont été victimes de la volonté de l’État de contrôler leur corps dans un sens comme dans l’autre.

Je ne peux pas m’empêcher de penser à un épisode trop peu connu de l’histoire de mon département, La Réunion. Entre 1960 et 1970, les femmes réunionnaises ont été victimes de la politique antinataliste de l’État français. Les plus fragiles d’entre elles ont subi des stérilisations non consenties et des avortements forcés à l’époque où la loi interdisait l’avortement !

Les dérives se sont produites, parce que des politiques bien intentionnés prétendaient agir ainsi dans l’intérêt des femmes elles-mêmes. En d’autres mots, ils s’étaient affranchis des limites de la loi dont on a parlé tout à l’heure. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)

Et c’est bien pour réaffirmer que le corps des femmes ne doit pas être un espace contrôlé par l’État que nous voterons pour ce projet de loi constitutionnelle. (Marques dimpatience sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Inscrire cette liberté individuelle, première et physique dans la Constitution, c’est admettre que la femme est la mieux placée pour décider pour elle-même. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article unique.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en ce moment crucial où nous abordons la discussion de l’article unique de ce projet de loi constitutionnelle, je souhaite en souligner l’importance et la gravité, ainsi que l’opportunité qu’il représente.

Près de cinquante ans après l’adoption de la loi Veil, le texte que nous examinons prévoit d’élever la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse au rang constitutionnel. Il s’agit bien d’un moment historique.

En conférant à ce choix fondamental la protection suprême de la Constitution, nous réaffirmerions haut et fort que l’IVG et la maîtrise par les femmes de leur fécondité et de leur corps ne relèvent ni d’une tolérance, ni d’une faveur, ni même encore d’une simple exception, mais constituent bien des principes fondamentaux inscrits au plus haut de la hiérarchie des normes.

Dans un contexte où le droit à l’avortement est menacé dans de nombreux pays, notre action enverrait un message d’espoir et de soutien aux femmes d’Europe et au-delà.

Bien que le recours à l’IVG ne soit pas menacé actuellement en France, il est important de rappeler, comme l’a souligné le Conseil d’État, qu’il n’est pas protégé par une disposition de valeur supérieure. Aussi est-il vulnérable aux aléas politiques et sociaux.

La rédaction de compromis proposée s’inspire largement de celle qui a été adoptée par notre assemblée sur proposition du sénateur Philippe Bas. Son adoption conforme serait un véritable motif de satisfaction pour notre assemblée.

En effet, il s’agit bien de garantir la liberté des femmes, tout en offrant une certaine flexibilité permettant au législateur d’adapter le cadre juridique entourant l’IVG.

Mes chers collègues, l’émancipation des femmes et la protection de leurs droits font souvent l’objet de beaux discours dans notre assemblée. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité historique de joindre le geste à la parole.

J’espère sincèrement que notre assemblée saura être à la hauteur de cet enjeu et que la liberté, l’autonomie des femmes, ainsi que le respect de leur corps et de leur droit à en disposer comme elles le souhaitent ne resteront pas de vaines promesses. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article unique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre présence nombreuse montre l’importance que chacun attache au moment politique que nous allons vivre ensemble dans quelques instants.

Le débat qui nous anime aujourd’hui est très attendu de la société française et le garde des sceaux a raison de dire que nous sommes regardés ce soir. En effet, quelle que soit notre position, elle est souvent liée à de très fortes convictions.

Ma conviction profonde, sincère, est que le droit absolu à disposer de son corps est une condition indispensable à l’existence de toutes les autres libertés. Fruit d’un long combat, c’est un élément structurant de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mes chers collègues, partout dans le monde aujourd’hui s’élèvent des voix et des actions pour restreindre et bafouer le droit à l’avortement. Les exemples sont nombreux.

À l’échelle internationale, il y a désormais une coalition d’États qui mène d’âpres offensives contre les droits des femmes, donc contre les droits humains. Le climat n’a jamais été aussi inquiétant, cela a été rappelé à plusieurs reprises lors de la discussion générale. Je pourrais citer l’exemple du planning familial de Lille, dont les locaux ont été tagués de propos insultants à l’égard des femmes il y a quelques jours.

La constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse permettra d’envoyer un signal fort, tant à l’échelon national qu’à l’échelon international, un signal d’absolue conviction que garantir l’accès à l’IVG est cardinal et d’une importance telle qu’il ne pourra pas être remis en question.

Mes chers collègues, je respecte les sensibilités qui se sont exprimées au travers du dépôt d’amendements visant de fait à prolonger la procédure parlementaire. Toutefois, et je tiens à vous le dire avec beaucoup de force, il est aujourd’hui temps ! Le Gouvernement a enfin pris ses responsabilités. Nous avons un véritable rendez-vous avec l’histoire. Ne le manquons pas ce soir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article unique.

M. Yan Chantrel. Monsieur le président, aujourd’hui, et c’est un moment rare dans la vie parlementaire, nous avons la possibilité de faire l’histoire. L’occasion nous est en effet donnée d’être à l’avant-garde, cela a été dit par plusieurs d’entre nous, dans la défense du droit à l’IVG, en envoyant au monde et à toutes les personnes qui luttent pour ce droit un message puissant pour la défense de ce droit fondamental.

Nous sommes regardés par les Françaises et les Français et nous sommes attendus pour graver dans le marbre de notre Constitution le droit à l’IVG. Près de 90 % de nos compatriotes soutiennent ce texte. Certains ont dit au cours de ce débat que ce droit n’était pas menacé et qu’il n’avait donc pas besoin d’être constitutionnalisé.

Je peux témoigner, en particulier en tant que sénateur des Français établis hors de France, que plusieurs pays ont remis en cause ce droit. Là-bas aussi, des responsables publics avaient prétendu que cela ne serait jamais le cas, qu’il n’était pas nécessaire de placer ce droit au sommet de la hiérarchie des normes juridiques de leur pays, parce qu’il n’était pas, disaient-ils alors, menacé. Nous avons vu le résultat !

À l’occasion d’un récent déplacement en Asie, plusieurs compatriotes m’ont dit qu’elles seraient fières de notre pays si nous faisions entrer ce droit dans notre Constitution.

Soyons à la hauteur de ce moment historique, soutenu massivement par nos compatriotes. Devenons le premier pays au monde à constitutionnaliser ce droit fondamental. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article unique.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour un parlementaire, le moment est assez grisant.

C’est grisant de voir une idée d’abord minoritaire prendre de l’ampleur au travers de nos débats, de la voir grandir, de voir le consensus croître par le travail parlementaire des sénatrices de toutes les travées de notre hémicycle.

C’est grisant de voir qu’après deux passages au Sénat nous avons aujourd’hui l’occasion de répondre à une demande de protection des Françaises.

Il faut le redire : ici, personne ne prend à la légère cette modification de la Constitution. Personne ici ne considère que nous pouvons faire entrer dans la Constitution nos humeurs ou l’air du temps. En revanche, oui, nous voulons aujourd’hui protéger les femmes des vents mauvais qui soufflent ou souffleront à l’avenir sur notre démocratie.

M. Thomas Dossus. C’est avec humilité que nous allons voter aujourd’hui, parce que nous ne sommes qu’un petit maillon de la chaîne que constitue ce long combat féministe.

C’est en remontant cette chaîne, cette longue histoire du combat pour l’égalité des femmes et des hommes, cette longue histoire faite de drames et de luttes menées par nos grands-mères, nos mères, nos sœurs, que nous savons à quel point le moment est important et tout ce que nous leur devons.

Ce qui rentrera dans la Constitution, c’est la garantie d’une liberté essentielle, celle des femmes à disposer de leur corps. C’est une nouvelle manifestation du grand principe républicain d’égalité.

Laissons-nous griser par le moment, pour les Françaises et pour toutes celles et tous ceux qui sont attachés à faire vivre nos libertés et nos principes républicains. Votons ce texte conforme. Envoyons ce beau signal à toutes les démocraties aujourd’hui confrontées à la résistance et aux néoconservateurs.

Rendez-vous lundi à Versailles ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article unique.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, oui, c’est un moment fort, un moment émouvant pour le droit et pour la liberté des femmes. Depuis l’adoption de la Constitution en 1958, il en a fallu des combats et il en faudra encore.

Il a fallu attendre juillet 1965 pour que le Parlement vote une loi autorisant les femmes à ouvrir un compte bancaire en leur nom et à travailler sans le consentement de leur mari. Il a fallu attendre le 17 janvier 1975 pour que le droit à l’IVG soit reconnu.

Nous sommes toujours bien loin de l’égalité entre les femmes et les hommes : il reste tant à faire.

Oui, c’est un moment fort, c’est un moment important. C’est aussi la victoire de nos mères, de nos grands-mères, des féministes, des associations, des militantes, des militants qui ont œuvré pour que ce moment puisse avoir lieu et que ces libertés puissent exister.

C’est surtout un moment fort de démocratie. En effet, à l’occasion des trois passages au Sénat, nous avons accompli un travail commun, un travail qui rassemble – le travail parlementaire doit aussi permettre de nous rassembler.

En outre, ce vote dont je suis persuadé qu’il sera favorable rassemblera les Français. Nous savons que 80 % de nos concitoyennes et de nos concitoyens attendent ce vote.

Par la décision que nous allons prendre, nous allons donc non seulement travailler en commun, mais également rassembler les Français. Aujourd’hui, plus que jamais, il ne s’agit pas seulement d’énoncer ou de fabriquer des droits et des libertés, il faut surtout les protéger. Avec ce texte, nous créons non pas un droit complémentaire, mais bien une garantie, car nous allons garantir un droit.

Qui plus est, ce serait une première dans le monde et c’est important. Oui, c’est une valeur symbolique, mais c’est une valeur ô combien symbolique pour l’ensemble des femmes et des hommes qui se battent dans le monde pour avoir ce droit. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article unique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a des moments historiques qu’il faut savoir sentir et appréhender. Celui qui nous rassemble aujourd’hui appartiendra indéniablement à l’histoire perpétuelle du combat en faveur du droit des femmes.

Garantir la liberté de la femme à disposer de son corps se révèle un véritable combat dans le combat, peut-être le plus ardu à gagner.

Or le Sénat, par sa prudence, son réalisme et sa sagesse – triptyque cher à Alain Poher –, a souvent su être au rendez-vous de ces moments historiques. Aujourd’hui, je crois que nous avons précisément besoin de sa prudence, de son réalisme et de sa sagesse.

Prudence de garantir aux femmes une protection juridique maximale, en constitutionnalisant la liberté de recourir à l’IVG.

Réalisme d’observer que la France n’est pas un pays isolé et que, partout, cette liberté est constamment remise en cause et attaquée, quand elle n’est pas tout simplement niée.

Sagesse, enfin, de ne pas insulter l’avenir et d’anticiper, puisque gouverner, c’est prévoir.

Certes, la Constitution n’est pas uniquement un catalogue de droits, mais au travers de ces droits constitutionnellement garantis se dessine quelque chose de beaucoup plus profond, ce à quoi nous attachons une valeur fondamentale, ce que nous estimons devoir être impérativement protégé par notre État de droit, ce qui de manière intangible doit survivre aux tourments et affres du présent, ce par quoi, enfin, nous matérialisons les plus hauts principes de notre République.

Certes, la Constitution n’est pas par essence un catalogue de droits, mais ces droits sont le reflet de ce que nous sommes collectivement.

« Il suffit d’écouter les femmes. » Tel était le conseil prudent, réaliste et sage que prodiguait Simone Veil en 1975. Alors, écoutons-les et protégeons-les, en constitutionnalisant cette liberté si prompte à être effacée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, sur l’article unique.

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a plus d’un an déjà, des femmes du monde entier tournaient leur regard vers la France, plus précisément vers la proposition de loi que ma collègue Mélanie Vogel avait déposée pour constitutionnaliser le droit à l’IVG.

Ce texte représentait enfin une lueur d’espoir, d’avancée sociétale, alors que, dans le monde entier, ce droit était attaqué.

Au mois de juin 2022, la Cour suprême américaine annula l’arrêt historique Roe v. Wade.

Au mois de septembre 2022, la Hongrie décida d’obliger les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus avant tout avortement.

Ce n’est donc pas un hasard si ce sujet a été porté par une sénatrice représentant les Français établis hors de France.

Tous les ans, nous réclamons davantage d’informations de la part des consulats sur les réglementations locales pour les Françaises de l’étranger et pour les rapatriements de Françaises qui résident dans des pays où elles n’ont pas accès à l’IVG. De nombreuses femmes partout dans le monde s’exposent à tous les dangers – médicaux, légaux, sociétaux… – pour avoir accès à une IVG.

Nous pensons à toutes celles qui meurent ou sont grièvement blessées. On peut bien sûr continuer de s’autocongratuler : la France, pays des droits humains, ne serait pas sujette à ce type de régression des droits des femmes.

Il suffit pourtant de lire les courriers que beaucoup d’entre nous avons reçus, de constater les nombreuses attaques dont fait l’objet le planning familial, ainsi que celles qui ont lieu partout dans le monde contre le droit à l’avortement. Oui, nous avons besoin de garantir nos droits !

Ce n’est donc pas un hasard si ce sujet est fièrement porté par de jeunes femmes élues au Parlement, alors que nous sommes encore si peu représentées dans les institutions. Je suis heureuse que plusieurs d’entre vous aient écouté les femmes qui les entourent, leurs conjointes, leurs filles, leurs sœurs. Écoutez-les, écoutez-nous !

Nous parlons de nos corps, de nos aspirations légitimes. Il est temps aujourd’hui que, en responsabilité, nous votions – que vous votiez – ce projet de loi historique afin de constitutionnaliser la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article unique.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, permettez-moi d’apporter ma contribution personnelle à ce débat, sans prétention, car je ne suis pas Simone Veil, qui a porté avec courage des choses qui font à présent consensus. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de débattre pour ou contre l’IVG, ce droit étant inscrit dans la loi.

Je respecte l’ensemble des points de vue qui ont été exprimés. Je me veux extrêmement modeste, car je n’ai de leçons à donner à personne, à aucun d’entre nous, encore moins au monde entier.

Cher Thomas Dossus, vous avez dit que l’atmosphère était grisante ; moi, elle me dégrise totalement et je vais vous dire pourquoi. Je suis profondément troublée quand j’entends dire que nous devons nous mettre à l’abri de choses qui vont arriver prochainement.

Je vais vous livrer une interrogation que j’ai au plus profond de moi : cela signifie-t-il, mes chers collègues, que les partis démocratiques dont nous faisons partie ont définitivement renoncé à gagner les élections et à ne pas faire le lit du Front national ? (Bravo ! et applaudissements nourris sur des travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Bas et Retailleau, Mme Aeschlimann, M. Bacci, Mmes Belrhiti et Berthet, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen et Burgoa, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Chatillon, Mme Ciuntu, MM. Cuypers et Daubresse, Mmes Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Goy-Chavent, Gruny, Imbert, Jacques et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Klinger et Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. de Legge, Le Gleut, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, MM. de Nicolaÿ, Nougein, Paccaud, Panunzi, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet et Puissat et MM. Rapin, Reichardt, Rietmann, Sol, Somon, Szpiner, Tabarot et C. Vial, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

garantie à

par le mot :

de

La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, le Sénat n’étant pas une chambre d’enregistrement – c’est ce qu’il me semble en tout cas –, notre travail est d’essayer d’améliorer les textes qui nous sont soumis. S’il nous faut donc consacrer quelques semaines de travail supplémentaires au présent texte, cela en vaut bien la peine, surtout qu’il comporte des ambiguïtés qu’il serait facile de lever.

Le mot « garantie » est ainsi source d’ambiguïté. Il n’y a pas dans la Constitution deux catégories de libertés et de droits : des droits et des libertés qui seraient garantis, d’autres qui ne le seraient pas.

À la lecture de la Constitution et de tous les textes constitutionnels, que constate-t-on ? Le droit de grève : pas garanti. La liberté syndicale : pas garantie. La liberté d’aller et venir : pas garantie. La liberté d’opinion : pas garantie. La liberté de croyance : pas garantie. La liberté d’expression : pas garantie. Le droit de vivre dans un environnement sain – c’est l’article 1er de la Charte de l’environnement – : pas garanti. L’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives : pas garanti !

Faudrait-il donc considérer, si nous inscrivions une liberté garantie dans la Constitution, que toutes ces libertés ne le seraient pas ? Eh bien non, mes chers collègues ! Les libertés sont garanties du seul fait qu’elles sont inscrites dans les textes constitutionnels. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Quand on ajoute un mot dans un texte constitutionnel – la Constitution n’est pas là pour ne rien dire, elle pose des règles ! –, il a nécessairement une portée. Donc, si nous ajoutons le terme « garantie » dans la Constitution, nous allons susciter chez le juge constitutionnel – et chez tous les autres juges – un travail d’interprétation qui le conduira à ajouter à ce qui est garanti pour les autres libertés des garanties spécifiques pour celle-ci. Cela pourrait mettre en péril l’équilibre entre les droits de l’enfant à naître et la liberté fondamentale de la femme de mettre fin à sa grossesse.

C’est la raison pour laquelle je vous demande très sincèrement et simplement que nous fassions ensemble notre travail d’amélioration du texte. On s’en portera bien s’il est adopté après avoir été amélioré. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Chaque mot inscrit dans la Constitution a un sens, chacun des termes qui y figurent a été pesé, sous-pesé, ses contours et ses enjeux calculés. Nous le voyons, le nouveau concept de « liberté garantie » et l’utilisation qui pourrait en être faite donnent lieu à des interprétations divergentes.

Certains pensent qu’il sera opposable, qu’il donnera lieu à une interprétation, comme vient de le dire le sénateur Bas, du Conseil constitutionnel, dont on ne connaît pas très bien aujourd’hui les tenants et les aboutissants. D’autres pensent au contraire que l’inscription de cette liberté dans la Constitution n’ajoute pas grand-chose ; d’autres encore qu’elle renforce la garantie de cette liberté, lui conférant un statut différent des autres libertés fondamentales.

Quoi qu’il en soit, la commission des lois du Sénat a considéré qu’il ne fallait pas s’opposer à l’utilisation du terme « garantie ». Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice Françoise Gatel, permettez-moi une correction : on a dit non pas « qui vont arriver », mais « qui pourraient arriver ». (Marques dapprobation sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Comme je l’ai dit précédemment, lorsque le président Chirac a pris l’initiative de constitutionnaliser l’abolition de la peine de mort, cette dernière n’était pas menacée. Mais des ombres planent et me font dire, et vous font sans doute dire, qu’il a eu mille fois raison de le faire.

Monsieur le sénateur Philippe Bas, avec la délicatesse qui vous caractérise – c’est votre marque de fabrique –, vous m’avez subrepticement intenté un procès en approximation et, ce faisant, vous avez jeté une pierre dans le jardin de la Chancellerie.

Alors, je vais répondre complètement, comme je l’ai déjà fait à de multiples reprises, à la question de savoir si le texte instaure un droit opposable ou non. L’Assemblée nationale dit que ce n’est pas un droit opposable ; la Chancellerie et le Conseil d’État le disent également.

Dois-je vous faire un procès en certitude ? Je m’interdis de le faire. Je pense que le dialogue est essentiel et que la superposition des monologues n’a aucun sens. Je veux définitivement vous convaincre.

Je n’ignore évidemment pas que le terme « garantie » vous déplaît profondément, mais je veux profiter de cet amendement pour tenter de vous réconcilier avec la rédaction du Gouvernement, qui reprend, je l’ai déjà dit et je le répète, quasi intégralement la version votée par le Sénat, dont vous êtes d’ailleurs l’un des artisans, si ce n’est l’artisan originel.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est bien là son problème !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En préambule, permettez-moi de dire que, s’il est bien normal, au moment où l’on s’apprête à réviser la Constitution, de soupeser avec attention chacun des mots que nous choisissons, cette prudence ne doit pas nous faire céder à une forme de juridisme qui nous détournerait du principal. C’est pourquoi je vais tenter de vous rassurer une bonne fois pour toutes.

Alors, en l’espèce, de quoi s’agit-il précisément ? Il s’agit d’affirmer dans le texte constitutionnel que la liberté dont il est question est « garantie » à la femme enceinte. Par ces mots, le Gouvernement entend préciser l’intention qui guide la plume du constituant.

Il ne faut pas perdre de vue que le texte emporte modification de l’article 34 de la Constitution, exactement comme l’a voulu le Sénat. Or nous savons que l’article 34 de la Constitution est avant tout un article de procédure, consacré à la compétence du législateur.

Le terme « garantie » permet de rendre clair le fait que l’objet de cette révision constitutionnelle est non pas simplement d’attribuer une compétence au législateur, qu’il avait déjà au demeurant, mais de guider l’exercice de sa compétence dans le sens du respect de sa liberté. Vous saisissez bien sûr la nuance.

Par ailleurs, il est inexact d’affirmer que ce mot est inconnu du texte constitutionnel. On y trouve en fait plusieurs occurrences.

La référence la plus évidente se trouve à l’article 61-1 de la Constitution, qui permet à tout citoyen de contester la constitutionnalité d’une loi qui porterait atteinte « aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Par ailleurs, l’article 13 évoque les emplois ou fonctions ayant une importance pour « la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Enfin, les articles 72 et 73 évoquent « un droit constitutionnellement garanti ».

Le terme « garantie », vous le voyez, n’a rien d’incongru. Il ne fait en réalité qu’expliciter l’objet et la portée de cette révision : protéger la liberté des femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse.

Je veux vous rassurer : ce terme ne devrait pas vous inquiéter, car il ne crée en aucune manière un droit absolu, sans limites ou encore opposable. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, personne ne souhaite cela, en tous les cas pas le Gouvernement.

Par le mot « garantie », le Gouvernement a souhaité préciser son intention, en indiquant que la liberté de recourir à l’IVG serait garantie à la femme contre des tentatives législatives de la restreindre drastiquement. Car, oui, le Gouvernement souhaite, en l’inscrivant dans la Constitution, protéger la liberté de recourir à l’IVG. Il souhaite la protéger et non l’étendre.

Dans son avis, le Conseil d’État – il vous convaincra peut-être davantage que votre modeste serviteur – n’a rien trouvé à redire à la rédaction qui a été retenue. De façon on ne peut plus limpide, monsieur le sénateur Bas, il « considère que, par elle-même, l’inscription de la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, dans les termes que propose le Gouvernement, ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit, tels que notamment la liberté de conscience » – elle fera l’objet d’un amendement que nous examinerons dans un instant – « qui sous-tend la liberté des médecins et sages-femmes de ne pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse ainsi que la liberté d’expression ».

Cette rédaction ne crée donc en aucune manière une forme de droit opposable.

Pour toutes ces raisons, qui lèvent les incertitudes juridiques, je suis, tout comme la commission d’ailleurs, défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote. (Exclamations et sifflements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne suis pas sûre que siffler une sénatrice soit tout à fait à la hauteur du débat. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Nous ne voterons pas cet amendement. J’ai indiqué dans mon intervention précédente les raisons juridiques pour lesquelles nous ne le voterions pas, mais je tiens à dire à notre collègue Bas, qui en a peut-être convaincu certains, qu’il n’est pas exact que la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse serait la seule qui soit garantie par la Constitution.

Alinéa 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

Mme Silvana Silvani. Ce n’est pas gagné !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Alinéa 11 : « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. »

Alinéa 13 : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. »

Bref, votre argument, cher collègue, ne tient pas. Vous pouvez contester l’usage du mot « garantie », mais non prétendre qu’il ne figure pas déjà dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Barros et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

M. Rachid Temal. Il y avait longtemps…

M. Stéphane Ravier. J’ai au moins le mérite de réveiller la gauche : merci pour votre accueil chaleureux !

Mes chers collègues, il y a un an, vous aviez choisi la formulation « liberté » d’avorter, car elle vous semblait être un compromis par rapport à l’ouverture d’un droit proposé par Mme Panot de La France insoumise.

Cependant, depuis, le Conseil d’État a invalidé cette distinction dans son avis rendu le 7 décembre 2023 et indiqué ne pas faire de différence entre un droit et une liberté : « Au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui ne retient pas, en la matière, une acception différente des termes de droit et de liberté, le Conseil d’État considère que la consécration d’un droit à recourir à l’interruption volontaire de grossesse n’aurait pas une portée différente de la proclamation d’une liberté. » Monsieur Bas, mon cher collègue, je tiens cet avis à votre disposition si nécessaire.

De plus, si les femmes ont recours au drame que constitue un avortement – car c’est un drame, ne l’oubliez pas ! – sans être soutenues sur les plans économique, juridique, social et surtout psychologique, peut-on considérer qu’il s’agit systématiquement d’une liberté ? Comment doivent le prendre les personnes les plus défavorisées qui y sont poussées par manque de ressources ou par crainte de l’abandon ?

Je vous rappelle que, selon l’Ifop, 47 % des femmes avortent pour des raisons économiques. Il faut ajouter à ces femmes celles qui subissent des pressions familiales ou sociales. Il n’y a ni liberté ni liberté garantie dans ces cas-là. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) conforte, par des études de terrain, la corrélation entre précarité et contrainte d’avorter.

Cet amendement spécieux n’a pour but que de masquer votre refus de vous opposer sur le fond à l’esprit général de ce texte. Le terme « garantie » ne fait que renforcer une synonymie littérale, mais le terme « liberté » seul assure déjà une synonymie juridique.

C’est pourquoi je voterai contre cet amendement.

M. Mickaël Vallet. Allez, retournez sur CNews !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Le groupe CRCE-K s’oppose à la suppression du terme « garantie », car le texte perdrait alors tout son sens. L’objet même de ce projet de loi constitutionnelle est bien de protéger les droits des femmes et d’empêcher le législateur futur de les remettre en question.

Ce texte ne crée pas de droit opposable. Pourtant, le chemin pour avoir accès à une IVG est de plus en plus difficile, notre système de santé manquant de moyens. C’est une réalité. En France, cent trente centres pratiquant des IVG ont fermé en quinze ans en raison de restructurations hospitalières.

Je pense aussi à la loi de 2000 censée garantir la gratuité de la contraception et de la contraception d’urgence pour les mineurs. Elle n’est pas effective. Or, dès qu’il y a défaillance, le droit recule. La non-application de cette loi et les manques en matière de contraception d’urgence expliquent de nombreuses grossesses non désirées et des grossesses précoces, qui peuvent conduire les femmes à devoir avorter.

Ce phénomène touche particulièrement mon département, La Réunion, où 12 % des IVG concernent des mineures, soit deux fois plus que dans l’Hexagone.

En conclusion, il faut poursuivre la lutte et renforcer notre système de santé afin de protéger les femmes, notamment, et de faciliter l’accès à l’IVG. Ce sera la prochaine étape, je l’espère.

En attendant, nous ne voterons pas cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je tiens à mon tour à vous rassurer, cher Philippe Bas, chers collègues, même si le garde des sceaux l’a fait beaucoup mieux que je ne le ferais.

Certains d’entre vous sont bien entendu favorables à la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse, mais craignent de faire un saut dans l’inconnu et ce dernier pas consistant à voter le texte conforme aujourd’hui afin de nous permettre lundi de graver la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution.

D’autres avancent un autre argument : cette constitutionnalisation, dans la rédaction qui nous est proposée, n’aurait qu’une portée symbolique. Mais c’est déjà bien ! Notre pays a souvent été dans le passé – et j’espère qu’il le sera encore dans le futur – le premier à défendre un certain nombre de libertés, de lumières – il a même parfois été le seul. Il est un phare dans le monde pour d’autres pays. Le symbole me paraît donc important.

Toutefois, cette constitutionnalisation n’est pas uniquement symbolique. Si le texte est voté conforme, il permettra de garantir, cher Philippe Bas, qu’il ne sera plus possible d’interdire l’IVG ni de priver cette liberté de toute portée. Tel est, en fait, le sens du mot « garantie ».

Le texte du Gouvernement n’impose pas au législateur l’obligation de renforcer le droit actuel. Il ne prévoit pas non plus une modification de l’équilibre entre les trois principes que vous avez définis et dont nous avons parlé, à savoir le respect de la dignité humaine, la liberté de conscience et la liberté de recourir à l’IVG.

En résumé, tel qu’il est formulé, le texte permet seulement de nous assurer que le législateur ne pourra pas à l’avenir interdire totalement l’IVG ni restreindre cette liberté au point de lui ôter toute portée.

Enfin, chère Françoise Gatel, si le pire n’est pas certain, il est possible. Et nous devons lutter contre le pire dès maintenant, pas au moment où il adviendra.

C’est pour cela que nous ne voterons pas cet amendement et que nous souhaitons que cette assemblée vote le texte conforme à celui de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER, RDPI et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Pour l’instant, nous avons beaucoup discuté de droit, peut-être un peu trop. Cet amendement s’inscrit dans la même veine, comme si la Constitution était uniquement un ensemble de règles juridiques. Or tel n’a jamais été le cas.

Juristes et politistes s’accordent sur le fait que c’est également dans la Constitution qu’une société se raconte. Toute constitution, dont la nôtre, retrace aussi l’histoire d’une Nation, parce qu’elle affirme une conception du monde, en énonçant notamment certains droits et certaines valeurs qui se veulent souvent universels.

En l’espèce, et cela a déjà été dit, il est évident que la conjoncture politique actuelle, même dans les démocraties occidentales, invite à mettre le droit en position de résistance face à des risques de glissement qui se manifestent partout.

Quand il parlait de la Constitution de son pays, Walter Bagehot, célèbre analyste des institutions britanniques de la fin du XIXe siècle, définissait les choses ainsi. Selon lui, une constitution, c’est l’alliage de deux éléments : d’une part, une « partie efficace », qui assure le bon fonctionnement des institutions ; d’autre part, une composante symbolique, mais qui n’en est pas moins importante et qu’il nommait la « partie qui suscite le respect ».

Voilà, mes chers collègues, ce qu’il nous est tout simplement proposé aujourd’hui de faire en constitutionnalisant la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Il ne s’agit pas d’une querelle de terme. Il s’agit juste de faire en sorte que notre constitution suscite encore plus le respect en protégeant les droits des femmes, de chaque femme, de ce pays.

C’est ce choix que je propose que nous fassions collectivement. Il faut pour cela que nous écartions cet amendement, pour les raisons que je viens d’exposer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais dire en quelques mots, en avançant des arguments complémentaires, les raisons pour lesquelles je voterai l’amendement présenté par Philippe Bas.

De deux choses l’une : soit, comme l’a affirmé le garde des sceaux, le terme « garantie » ne crée pas de « droit absolu, sans limites ou encore opposable ». Mais alors pourquoi y êtes-vous tant attaché ? Soit, comme l’ont démontré un certain nombre de juristes, et comme nous le pensons nous aussi, il ne s’agit pas seulement d’une bataille juridique.

Je pense en effet que ce texte n’a pas seulement une visée symbolique, mais qu’il aura une portée effective, juridique, tout simplement parce que, en droit – mes chers collègues, nous faisons du droit ! –, les mots ont un sens, surtout s’ils sont inscrits dans la Constitution – ils revêtent dès lors une puissance supérieure.

Sur le plan juridique, une garantie, c’est une obligation, celle d’assurer quelque chose à quelqu’un.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’accès à la liberté !

M. Bruno Retailleau. Dès lors, en cas de manquement, le garant peut évidemment être mis en cause. Tel est le problème.

Notre crainte, mes chers collègues, c’est qu’une jurisprudence créative puisse instaurer un droit opposable. Nul ne peut aujourd’hui garantir, pas même le garde des sceaux, que cela n’arrivera pas demain. En utilisant le mot « garantie », monsieur le garde des sceaux, le constituant s’en remet finalement au juge et à la jurisprudence.

C’est la raison pour laquelle nous préférerions, comme l’a proposé Philippe Bas, que le terme « garantie » ne figure pas dans le texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je vais rebondir sur les propos de Bruno Retailleau. La crainte, c’est effectivement d’en arriver à un droit opposable. Mais que fait le juge constitutionnel quand il doit interpréter un point de la Constitution ? Il se penche sur nos débats pour savoir quelle était notre intention. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Pas toujours ! (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains renchérissent.)

Mme Dominique Vérien. Le garde des sceaux l’a dit : le texte n’ouvre pas un droit opposable. Si cela ne suffit pas, je le dis moi-même comme nous avons été nombreux à le faire.

Le juge constitutionnel se fondera, je le redis, sur nos débats, ce qui doit dissiper vos craintes. Nous pouvons donc rejeter cet amendement sereinement.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Pour éviter toute polémique, j’indique d’emblée que je voterai ce texte.

M. Kerrouche a dit que la constitutionnalisation permettra de protéger le droit des femmes de recourir à l’IVG. Non, monsieur Kerrouche, c’est nous qui protégeons les droits des femmes en votant des budgets leur permettant d’avoir accès à des centres pratiquant l’IVG et à des informations sur la contraception.

On ne peut pas se payer de mots, monsieur le garde des sceaux : faire une belle réforme constitutionnelle, communiquer sur la réunion du Congrès à Versailles lundi – nous serons heureux de vous accueillir dans notre département –, probablement promulguer la loi le 8 mars à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes et puis en même temps – en même temps ! – procéder par décret à des réductions budgétaires ayant pour effet de restreindre l’accès des femmes à certains droits.

On ne peut pas faire cela ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Monsieur le garde des sceaux, je ne suis pas une juriste comme vous, je n’ai pas de qualités juridiques comme M. Bas ou d’autres dans cet hémicycle. Je voterai cet amendement, mais également le texte, que l’amendement soit adopté ou non.

Ne nous payons pas de mots, ne faisons pas de communication, regardons la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. L’amendement sur lequel nous allons nous prononcer dans quelques instants a pour objet, au fond, de rétablir quasiment à l’identique la version du texte qui avait été votée par le Sénat le 1er février l’année dernière.

S’il était adopté, cela reviendrait en fait à considérer que, dans le cadre de ce débat bicaméral, l’Assemblée nationale devrait abandonner 100 % de ce qu’elle a voté, quand le Sénat devrait, lui, tout conserver.

Je m’adresse aux deux premiers signataires de cet amendement, qui l’ont présenté.

Monsieur Bas, je ne vous ferai pas un procès en insincérité. Je suis persuadée que, bien que ni le Conseil d’État, ni l’Assemblée nationale, ni le garde des sceaux, ni la plupart des juristes que vous avez consultés ne soient d’accord avec vous, vous êtes toujours convaincu de ce que vous dites.

Monsieur Retailleau, cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de l’amendement de Philippe Bas du 1er février de l’année dernière. À son sujet, vous disiez alors : « Si le garde des sceaux a des doutes, j’ai une certitude : cela a été dit à plusieurs reprises, l’amendement de Philippe Bas est superfétatoire. »

Vous ajoutiez : « En politique, la constance et la cohérence sont vertus. » Avouez, cher collègue, que les vôtres aujourd’hui sont un peu mal en point.

La réalité, c’est que celles et ceux qui, dans cet hémicycle, souhaitent voter pour l’introduction du droit à l’IVG dans la Constitution savent qu’il faut pour cela un vote conforme et qu’ils doivent donc ne pas voter les amendements. Mais celles et ceux qui sont contre l’introduction du droit à l’IVG dans la Constitution, pourquoi iraient-ils voter un texte qu’ils ont combattu et rejeté il y a un an ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. J’ai écouté attentivement Sophie Primas et je pense, comme elle, qu’il arrive qu’on inscrive dans la Constitution des règles ne correspondant pas forcément à ce qu’on observe dans l’action publique réelle – l’exemple de l’accès aux soins est, à cet égard, parlant.

J’ai aussi écouté Bruno Retailleau, qui souligne – c’est en tout cas ce que j’en comprends – qu’une garantie doit s’assortir de moyens et que le juge constitutionnel pourrait considérer que le Gouvernement, les pouvoirs publics en général, doit prévoir ces moyens. Pour ma part, j’estime donc que le terme « garantie » est absolument nécessaire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Je suis désolée de devoir ajouter cette explication de texte, mais nous ne nous comprenons pas d’un bord de l’hémicycle à l’autre. L’accord que nous avons eu avec Mélanie Vogel aura été de courte durée, comme je le prévoyais.

Il n’y a aucune inconstance à ne pas avoir voulu voter l’amendement de Philippe Bas l’année dernière et à le voter aujourd’hui. En effet, si ce texte doit être adopté, nous souhaitons qu’il le soit dans sa rédaction la plus sécurisante.

Or le terme « garantie », comme cela a été expliqué à maintes reprises, n’offre aucune sécurité juridique et nous n’avons aucune certitude sur la façon dont il pourrait être interprété par le Conseil constitutionnel.

Nous souhaitons que ce texte soit adopté dans sa version la moins préjudiciable. Quant à la constance, nous la montrerons, sans doute, dans le vote final.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains et, l’autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l’adoption 104
Contre 214

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Cédric Chevalier et Mme Elsa Schalck applaudissent également.)

L’amendement n° 1 rectifié sexies, présenté par MM. Milon, Retailleau et Mouiller, Mmes Imbert, Deseyne et Gruny, M. Somon, Mmes Lassarade, Puissat et M. Mercier, M. Khalifé, Mmes Noël, Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Houpert, de Nicolaÿ et Chaize, Mme Garnier, M. Chatillon, Mmes Petrus, Malet et Pluchet, MM. Gueret et de Legge, Mmes Dumont et Berthet, MM. Panunzi et Duplomb, Mme Aeschlimann, M. Favreau, Mme F. Gerbaud, M. Sol, Mme Belrhiti, MM. Karoutchi et Rapin, Mme Gosselin et MM. Klinger, Szpiner et Tabarot, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux professionnels de santé de ne pas être tenus de la pratiquer ou d’y concourir

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le garde des sceaux, comme certains collègues, vous avez parlé d’une attente populaire et dit que les Françaises et les Français nous regardaient. Si cette attente populaire avait été respectée, y aurait-il eu le 18 juin 1940 ? Y aurait-il eu, en 1974, un vote sur l’IVG ? Y aurait-il eu, en 1982 ou 1983, un vote sur l’abolition de la peine de mort ?

M. Rachid Temal. En 1981 !

M. Alain Milon. Et, il y a quelques années, y aurait-il eu le vote sur le mariage pour tous ?

Vous nous avez indiqué que le Conseil constitutionnel reconnaissait la liberté de conscience. Mme Veil savait fort bien que la liberté de conscience était reconnue et c’est la clause de conscience qu’elle a prévue dans sa loi pour que les professionnels de santé puissent refuser de pratiquer une IVG.

Vous avez dit que la Constitution devait protéger la loi Veil. Je vous propose de reprendre le texte de cette loi plus largement et d’insérer également dans la Constitution la protection des professionnels qui refusent de pratiquer une IVG dans le cadre de la clause de conscience.

Monsieur le garde des sceaux, si certains estiment que le droit à l’IVG pouvait un jour être contesté, n’oublions pas que d’autres pourraient également contester la clause de conscience des professionnels de santé ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’assurer le parallélisme des formes.

Puisque nous inscrivons dans la Constitution, noir sur blanc, la liberté de recourir à l’IVG, qui aujourd’hui n’est protégée par le Conseil constitutionnel qu’en tant que dérivé de la liberté de la femme inscrite à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens, il vise à ce qu’il en aille de même de la clause de conscience des médecins, qui découle, elle, de la liberté de conscience mentionnée à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens.

Il s’agit donc de constitutionnaliser ce qui fait l’équilibre de la loi Veil : la clause de conscience des médecins.

Cependant, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement, pourtant inspiré par la recherche de conciliation et de compromis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme la rapporteure vient d’évoquer le parallélisme des formes, mais l’IVG n’est pas garantie constitutionnellement. Dans la décision dont nous avons déjà parlé, le Conseil constitutionnel n’a opéré que par rattachement. (M. Alain Milon sexclame.) Vous protestez, monsieur Milon, mais laissez-moi aller jusqu’au bout et je vais vous démontrer que vous n’avez pas raison, pour ne pas dire que vous avez tort.

Dans sa décision très claire du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel, se fondant sur l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et sur le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, affirme que la liberté de conscience est un « principe fondamental reconnu par les lois de la République », ce qu’on appelle parfois un PFRLR. Tous les juristes savent qu’un PFRLR a valeur constitutionnelle.

Je comprends que vous vous préoccupiez de la liberté de conscience des médecins et des sages-femmes. Mais nul ne songe à leur imposer d’aller là où leur conscience leur interdit d’aller. Nous respectons tous la liberté de conscience, comme je l’ai dit tout à l’heure.

Vous ne pouvez pas déposer cet amendement en excipant d’un parallélisme des formes, puisque ce principe a une valeur constitutionnelle, alors que l’avortement ne l’a pas encore. Cet amendement, déjà satisfait par la décision que je viens de mentionner, est donc superfétatoire.

La Constitution comporte-t-elle un article évoquant les droits de la défense ? Nullement. Pourtant, ils font l’objet d’un principe ayant valeur constitutionnelle – et heureusement !

Je vous l’assure : le Conseil constitutionnel a dit à tous les médecins et à toutes les sages-femmes de France que leur liberté est déjà inscrite dans la Constitution.

Cet amendement est donc superfétatoire, pour ne pas dire inutile, et je vous demande de le retirer. Sinon, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Monsieur le garde des sceaux, j’aurais scrupule à vous contredire et je ne dirai pas que votre raisonnement est spécieux, mais j’ai bien écouté Alain Milon : il n’a pas parlé de la liberté de conscience, mais de la clause de conscience.

Votre conscience est libre, même lorsque vous exécutez un acte qui n’est pas conforme à vos convictions, par exemple parce que vous êtes lié par un contrat de travail ou que vous êtes fonctionnaire.

La clause de conscience est de nature différente : elle est une sorte de droit de retrait, elle permet de ne pas accomplir un acte que votre conscience réprouve. Ce n’est pas du tout la même chose !

J’ajoute, monsieur le garde des sceaux, que vous auriez pu faire le même raisonnement pour dire qu’il ne faut pas inscrire la liberté de la femme dans la Constitution, puisque celle-ci a déjà valeur constitutionnelle, comme la liberté de conscience ! (Protestations sur des travées du groupe SER. – Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

M. Stéphane Ravier. Je soutiens totalement cet amendement (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) tendant à inscrire dans la Constitution l’objection de conscience des personnels de santé, notamment des médecins. Il prend en compte l’une des premières conséquences néfastes de ce projet de révision constitutionnelle et vise à la limiter.

Déjà, en septembre 2018, les sénateurs macronistes, socialistes, communistes et écologistes – la fameuse brochette… – avaient cosigné une proposition de loi de Mme Rossignol – évidemment ! – visant à supprimer la clause de conscience en matière d’IVG. (Protestations sur les mêmes travées.)

Ceux qui prétendent défendre les libertés, voire incarner la liberté, sont ceux qui, en réalité, sont ses pires ennemis. Car, en supprimant l’article L. 2212-8 du code de la santé publique, ils voulaient forcer médecins, gynécologues obstétriciens, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux à ce choix cornélien : violer leurs convictions personnelles, constitutionnellement garanties, ou prendre la porte de leur établissement et de leur profession.

Voilà la volonté liberticide clairement exprimée de la gauche. Dans leur marche forcée vers la prétendue émancipation, ils nous passent le carcan ! La menace illibérale est donc bien de ce côté-là de l’hémicycle ! (Huées sur les mêmes travées.)

Chers collègues socialistes, vous qui scrutez attentivement les discriminations en ce beau monde, n’êtes-vous pas capables de voir celles que vous causez par votre idéologie ? Vous devriez vous rebaptiser parti sociétaliste, car vous n’avez rien de social – au contraire, vous piétinez le social ! (Brouhaha croissant sur les mêmes travées.)

Dans le cadre du dépôt de cette proposition de loi de 2018, le Comité consultatif national d’éthique, l’Ordre national des médecins et le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France se sont opposés à la suppression de la double clause de conscience des professionnels de santé.

Le projet de loi constitutionnelle menace donc, en l’état, notre système médical, déjà si fragile. Il suffira d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) après son adoption pour remettre en cause toutes les limites en termes de délai et de liberté de conscience. (Marques dimpatience et protestations sur les mêmes travées.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Stéphane Ravier. C’est pourquoi je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Cher Alain Milon, je suis désolé de l’outrance qui est venue au secours de cet amendement et je souhaite reprendre le débat au fond, car le sujet est sérieux.

Il est évident que la question de la clause de conscience des soignants, en particulier celle des médecins et des sages-femmes, est importante.

Et j’ai regardé de près ce que disaient les organisations professionnelles, l’institution ordinale ou encore l’Académie de médecine. Or aucune de ces institutions, aucun de ces syndicats de médecins ne tire la sonnette d’alarme ni n’estime que la constitutionnalisation de l’IVG serait une atteinte à la clause de conscience. Tous rejoignent manifestement l’analyse du garde des sceaux.

Je ne suis pas juriste, pas plus qu’Alain Milon, mais je suis très attaché à cette clause de conscience. D’ailleurs, Laurence Rossignol ne l’a nullement menacée, car il existe une clause de conscience générale : avoir une double clause de conscience n’est pas forcément nécessaire, puisqu’un principe général s’applique – un point, c’est tout. (Mme Laurence Rossignol montre son assentiment.)

Mais je ne voudrais pas, cher Alain Milon, que ce soir, à l’issue de notre vote, l’inscription de la liberté des femmes à accéder à l’IVG dans la Constitution soit reportée au nom des médecins. Jamais les femmes qui défendent avec vigueur les droits des femmes ne s’en sont prises à notre clause de conscience. Alors, ne nous en prenons pas à ce progrès pour les droits des femmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST et sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié sexies.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et, l’autre, du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l’adoption 85
Contre 219

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, RDPI, RDSE, SER et CRCE-K.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Alain Duffourg, pour explication de vote.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

M. Alain Duffourg. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite expliquer mon vote sur ce projet de loi, qui tend à inscrire l’IVG dans la Constitution. Aucun parti politique ni personne en France n’entend remettre en cause ce droit. Mais on ne saurait inscrire dans la Constitution un catalogue de lois sociales !

De nombreux Français, il y a quelques jours, ont rendu hommage à Robert Badinter, qui a permis d’abolir la peine de mort. On voit ce soir que ceux qui le soutenaient sont les mêmes qui entendent aujourd’hui sacraliser l’interruption de vie dans la loi fondamentale. (Vives protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Cette inscription est manifestement paradoxale et contraire à l’esprit de notre loi suprême. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je veux commencer mon propos, en remerciant la rapporteure Agnès Canayer pour son travail.

Le vote de ce soir ne doit pas nous exonérer de l’obligation d’accorder enfin les moyens nécessaires pour que l’accès à l’IVG soit effectif sur l’ensemble du territoire. Je rappelle que 18 % des femmes qui avortent le font hors de leur département.

Au moment de voter ce projet de loi de constitutionnalisation de l’IVG, je souhaite expliquer ma position.

Je vais voter ce texte, car il est quasiment identique à la version déjà votée au Sénat.

Je vais voter ce texte, car j’estime que l’IVG est un droit fondamental pour les femmes. Certains estiment que ce droit n’est pas menacé en France : peut-être, nul ne peut le dire aujourd’hui.

Nous devons voter la constitutionnalisation de l’IVG pour toutes les femmes qui nous regardent et qui espèrent.

Nous devons le faire aussi, car la parole de la France, pays des droits de l’homme, est écoutée, attendue et respectée. Ce vote, c’est aussi un message d’espoir pour toutes les femmes qui n’ont pas accès à l’avortement dans le monde. Je pense aux femmes polonaises ; je pense aux femmes hongroises, un pays où celles qui souhaitent avorter doivent écouter les battements du cœur ; je pense aux femmes slovaques, un pays où, en 2018, vingt tentatives de restriction de ce droit ont été enregistrées.

Alors, comme femme, comme sénatrice engagée pour les droits des femmes, je voterai ce projet de loi de constitutionnalisation de l’IVG, parce qu’inscrire ce droit aujourd’hui dans la Constitution, c’est le garantir demain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, RDSE, RDPI et GEST et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Article unique
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote. (Marques de réprobation sur des travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. Stéphane Ravier. Mes chers collègues, en votant pour ce texte, vous ouvrez la voie à la reconnaissance par le juge constitutionnel, à l’occasion d’une QPC, de l’avortement jusqu’au terme de la grossesse, de l’avortement en raison du sexe ou sur des critères eugénistes.

Mme Sophie Primas. Dire cela est abject !

M. Stéphane Ravier. De même, quelqu’un qui voudrait soutenir la vie à naître pourrait être pénalement sanctionnable face à cette valeur suprême qu’est devenu l’avortement. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Tous ces risques en cascade, alors qu’aucun parti ne remet en cause l’IVG, suffisent à fonder mon opposition à ce texte. Une fois celui-ci rejeté, nous pourrions valoriser ce qui honore nos principes constitutionnels et civilisationnels, en réfléchissant à une grande politique familiale française incitative par une meilleure protection et un meilleur accueil de la vie.

Mes chers collègues, vous comprenez bien que ce n’est pas par calcul électoral que je porte le verbe aujourd’hui, mais par sincérité et par conviction vis-à-vis de vous et de ma fonction parlementaire, qui m’oblige. (Marques dironie sur les mêmes travées.)

J’en appelle à votre courage, mes chers collègues de droite, et je vous invite à être des parlementaires libres ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Nous le serons ! (M. Laurent Burgoa renchérit.)

M. Stéphane Ravier. Quant à moi, je ne fais que me ranger à l’avis de Mme Nicole Belloubet qui, en 2017, alors ministre de la justice, soulignait l’inutilité d’inscrire dans la Constitution un droit à l’avortement, tout comme François Bayrou et la présidente de l’Assemblée nationale qui, en 2018, affirmait : « Je ne crois pas que la France puisse être suspectée de remettre en cause l’avortement, je ne crois donc pas utile de l’inscrire dans la Constitution. »

Je me range à votre avis, monsieur le garde des sceaux, quand vous affirmiez que cette constitutionnalisation pourrait conduire à consacrer un accès sans condition à l’IVG, en pensant par exemple à des avortements pratiqués bien au-delà de la limite en vigueur – ce qui n’est pas convenable, disiez-vous. Vous finissiez, en indiquant que nous ne pouvions pas faire abstraction de cette difficulté.

Pour ma part, constant dans mes convictions, je voterai contre cette inscription d’un droit à l’IVG dans la Constitution.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Nous voilà au terme de longs débats qui ont été riches, nourris, respectueux des opinions de chacun.

Au-delà des convictions de chacun d’entre nous, le groupe Les Républicains souhaitait, à travers les amendements déposés par nos collègues Retailleau, Bas et Milon, largement cosignés, que le Sénat emprunte une approche de constituant vigilant.

Notre rôle est de veiller à ce que la rédaction de ce projet de loi constitutionnelle soit la plus intelligible et la plus claire possible, de sorte qu’elle ne donne lieu à aucune interprétation.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que le terme « garantie » ne dépossède pas le Parlement, au profit du juge, en ce qui concerne l’application effective de ce nouvel alinéa de la Constitution.

Nous continuons de penser que la constitutionnalisation du droit à l’IVG ou de la liberté d’y recourir ne rendra pas plus effectif l’accès à l’IVG, parfois mis à mal par la désertification médicale, la diminution du remboursement des actes médicaux, le manque de prévention, d’éducation et de sensibilisation ou encore le manque de moyens des centres de santé sexuelle.

Si nous prenons acte du souhait d’une majorité des sénateurs de faire figurer l’IVG dans la Constitution, les membres du groupe Les Républicains voteront chacun selon leur intime conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Sans surprise, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cet article unique et donc le projet de loi.

Le Sénat va émettre un vote qui sera – je le pense – un beau vote. Nous avons eu des débats à plusieurs reprises sur la question et je sais qu’un certain nombre de collègues ont changé leur vote. Contrairement à notre collègue zemmouriste, je ne renvoie pas chacun à ses déclarations d’hier pour le coincer : moi, je me réjouis que nous avancions.

Nous avons travaillé, me semble-t-il, dans l’esprit de la loi Veil, souvent invoquée dans nos débats. C’est en effet à un texte de compromis que nous aboutissons : la rédaction qui va être adoptée n’était pas la nôtre au départ, de même que la loi Veil n’était pas le texte que la gauche voulait. C’est parce que la gauche a su, à ce moment-là, faire des compromis que la loi Veil a été adoptée.

Aujourd’hui, nous sommes fiers d’avoir fait des compromis et je suis heureuse de voir que beaucoup de collègues ont aussi fait ce chemin. Je remercie leurs femmes, leurs filles… (Rires.) Je remercie toutes celles et tous ceux qui leur ont dit que la société attendait du Sénat qu’il accompagne son évolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Dès la discussion générale, l’intervention de Ian Brossat était claire : nous voterons ce texte.

Nous sommes en effet convaincus qu’il constitue une avancée pour les femmes de notre pays et qu’il est plus largement un appel, pour tous les pays, à inscrire dans leurs constitutions respectives ce droit qui garantit aux femmes la liberté de disposer de leur corps.

D’ailleurs, il ne s’agit pas simplement d’une liberté pour les femmes. L’adoption de ce texte apporte une liberté pour les femmes et les hommes de notre pays. Ce n’est pas le combat des femmes contre celui des hommes. C’est bel et bien le combat d’une société qui fait sien ce principe fondamental : oui, nous disposons de notre avenir ; oui, nous disposons de la capacité à donner vie, à éduquer, mais celle-ci ne peut et ne doit pas être imposée.

Nous voterons ce texte et nous défendrons la même position de fond lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale : nous ferons alors ce qu’il faut pour rendre ce droit pleinement effectif dans l’ensemble des territoires de la République, en donnant les moyens à toutes les femmes, qu’elles se trouvent en territoire rural ou urbain, dans l’Hexagone ou en outre-mer, d’accéder réellement à ce droit à l’avortement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Nous allons faire bientôt un pas immense en France pour la protection des droits et des libertés fondamentales, en énonçant solennellement qu’il n’est pas de société libre, démocratique et égalitaire sans la protection du droit des femmes à disposer de leur vie.

Cette immense avancée, nous la devons évidemment aux sénatrices, aux députées, à tous les parlementaires qui se sont battus pour que nous arrivions ce soir à voter en faveur de l’introduction du droit à l’IVG dans la Constitution.

Mais nous la devons aussi et sinon surtout à la mobilisation massive de toutes les féministes, de toutes les associations féministes de France, de toutes les femmes, de toutes vos femmes, vos filles et vos nièces,… (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Arrêtez avec cet argument !

Mme Mélanie Vogel. … de toutes les femmes qui sont en tribune ici et qui nous regardent. C’est pour elles, grâce à elles, que nous allons voter aujourd’hui. J’aimerais à cet instant les saluer et les remercier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. Je suis une femme libre et je suis un médecin libre. Le texte que nous examinons ce soir est non pas une fin, mais un début. Nous allons modifier la Constitution, mais pour quoi faire demain ?

Il faudra accompagner les femmes, les aimer jusqu’au bout, en votant les crédits nécessaires pour qu’elles assument cet acte et poursuivent leur vie. Mes chers collègues, c’est demain que tout commence ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, GEST et CRCE-K.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 317
Pour l’adoption 267
Contre 50

Le Sénat a adopté. (Vives acclamations sur de nombreuses travées. – Mmes et MM. les sénateurs des groupes CRCE-K, SER, GEST, RDPI, INDEP et RDSE se lèvent et applaudissent longuement. – De nombreux sénateurs des groupes UC et Les Républicains se lèvent et applaudissent également. – M. Stéphane Ravier applaudit la droite ironiquement.)

En conséquence, le projet de loi constitutionnelle est adopté dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce soir, le Sénat a écrit une nouvelle page de l’histoire du droit des femmes.

Ce vote est historique : la France sera le premier pays au monde à inscrire dans sa Constitution la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Ce vote, au fond, redit, à ceux qui ne le sauraient pas encore, que les femmes de notre pays sont libres. Ce vote réaffirme à quel point nous sommes tous attachés à cette liberté.

Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont œuvré pour que ce texte aboutisse. Mesdames, messieurs les sénateurs, rendez-vous au Congrès ! (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
 

4

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour une mise au point au sujet de votes.

Mme Frédérique Puissat. Madame la présidente, lors du scrutin n° 136 de ce jour, portant sur l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, Mme Évelyne Renaud-Garabedian et M. Jean-Pierre Bansard souhaitaient voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

5

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande de compléter l’ordre du jour du mercredi 3 avril par l’examen, en troisième lecture, et sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements en séance sur ce texte au mardi 2 avril à onze heures, et à quinze heures le délai limite pour l’inscription des orateurs des groupes. En outre, nous pourrions fixer à 45 minutes la durée de la discussion générale.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

6

Candidatures à deux missions d’information

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème « L’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale » et des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème « Architectes des Bâtiments de France : périmètre et compétences ».

En application de l’article 21, alinéa 3 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

7

Candidatures à deux commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes et de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par quatorze voix pour et douze voix contre, à la nomination de M. Franck Leroy à la présidence du conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).

9

Conventions internationales

Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord global dans le domaine du transport aérien entre les états membres de l’association des nations de l’asie du sud-est, et l’union européenne et ses états membres

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l'association des nations de l'Asie du sud-est, et l'Union européenne et ses États membres
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l’association des nations de l’Asie du sud-est, et l’Union européenne et ses États membres, signé à Bali le 17 octobre 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l’association des nations de l’Asie du sud-est et l’Union européenne et ses États membres (projet n° 180, texte de la commission n° 341, rapport n° 340).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l'association des nations de l'Asie du sud-est, et l'Union européenne et ses États membres
 

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la principauté d’andorre concernant la démarcation et l’entretien de la frontière

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant la démarcation et l'entretien de la frontière
Article unique (fin)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant la démarcation et l’entretien de la frontière, signé à Andorre-la-Vieille le 16 juin 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant la démarcation et l’entretien de la frontière (projet n° 145, texte de la commission n° 339, rapport n° 338).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant la démarcation et l'entretien de la frontière
 

10

Article 9 ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Après l’article 9 ter

Rénovation de l’habitat dégradé

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations (projet n° 278, texte de la commission n° 343, rapport n° 342, avis n° 333).

Dans la suite de l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier, aux amendements portant article additionnel après l’article 9 ter.

projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement

Chapitre Ier (suite)

Intervention en amont d’une dégradation définitive

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 9 quater (nouveau)

Après l’article 9 ter

Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l’article 22 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, après le mot : « Toutefois », sont insérés les mots : « les voix des propriétaires qui ont leur résidence principale dans la copropriété comptent double et ».

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Le projet de loi dont nous débattons n’enlève pas la responsabilité des copropriétaires dans la prise de décision. Or ces derniers n’ont pas toujours le même souci du bon fonctionnement de la copropriété ; je pense notamment à certains propriétaires bailleurs qui considèrent leur logement comme un moyen de s’enrichir : ils investissent le moins possible dans son entretien, tout en percevant les loyers.

Si mettre en location son logement est un droit, l’entretenir pour louer un logement décent est aussi un devoir et une condition indispensable de l’exercice du droit au logement.

D’après le rapport Hanotin-Lutz, 400 000 logements du parc privé seraient potentiellement indignes, dont la moitié sont occupés par des locataires. Au total, plus de 5 millions de logements sont des passoires thermiques et nécessitent une intervention globale pour améliorer leur performance énergétique.

Il y a donc urgence à agir, parfois sur l’intégralité du bâti, ce que ne souhaitent pas toujours financer les propriétaires bailleurs.

Nous proposons donc que la voix des propriétaires qui habitent leur logement en résidence principale compte double lors des assemblées générales de copropriété. Cela permettra à celles et à ceux qui habitent dans la copropriété de prendre les décisions les plus favorables à l’intérêt de tous.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. Les auteurs de l’amendement souhaitent accorder aux copropriétaires qui ont leur résidence principale dans la copropriété un droit de vote double lors des assemblées générales, ce qui ne serait pas le cas des propriétaires bailleurs ou de ceux dont le logement en question est la résidence secondaire.

Si nous pouvons comprendre la finalité de cette mesure, celle-ci est contraire aux principes de la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui accorde un droit de vote en fonction de la quote-part de propriété de chacun, conformément à la Constitution qui garantit le droit de propriété.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame Margaté, votre amendement consiste à favoriser les copropriétaires occupants au détriment des copropriétaires bailleurs dans la prise de décision.

Le Gouvernement partage l’analyse de la rapporteure : cette mesure constitue une atteinte au droit de propriété ; elle serait donc frappée d’inconstitutionnalité.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Féraud, Mme Brossel et M. Jomier, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article 1383-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, est ainsi modifié :

1° Au 2° du A, le montant : « 10 000 euros » est remplacé par le montant : « 7 000 euros » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 10 000 euros » ;

2° À la première phrase du B, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « cinq ans ».

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Cet amendement vise à rendre plus dynamique le dispositif d’exonération d’une part de la taxe foncière pour les propriétaires qui effectuent des travaux en faveur de la transition énergétique.

Les dispositions en vigueur ont été récemment modifiées. Nous proposons par cet amendement d’élargir le dispositif, en abaissant le montant minimal des travaux concernés : leur montant devrait être égal ou supérieur à 7 000 euros au cours de l’année, et non plus à 10 000 euros, ou à 10 000 euros au cours des trois années qui précèdent la demande, et non plus à 15 000 euros.

Nous proposons également de rendre le dispositif plus incitatif, en portant de trois à cinq ans la durée de l’exonération de taxe foncière. Il s’agit d’encourager les propriétaires à effectuer des travaux de transition énergétique dans leur logement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. L’amendement vise à élargir les conditions dans lesquelles les collectivités peuvent accorder une exonération de la taxe foncière aux propriétaires qui réalisent des travaux d’économie d’énergie.

Cet amendement soulève plusieurs questions.

Tout d’abord, son adoption entraînerait une nouvelle réduction des ressources des collectivités, qui ne serait pas compensée.

Ensuite, il ne me semble pas pertinent de revenir dans ce texte sur des dispositions qui ont été votées à la fin de l’année dernière et qui doivent s’appliquer à partir du 1er janvier 2025.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 832-2 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 832-… ainsi rédigé :

« Art. L. 832-…. – Lorsque l’organisme payeur ou un organisme dûment habilité par ce dernier a constaté que le logement ne satisfaisait pas aux caractéristiques de décence mentionnées à l’article L. 822-9, l’aide personnalisée au logement est conservée par l’organisme payeur pendant un délai maximal fixé par voie réglementaire.

« L’organisme payeur notifie au bailleur ou à l’établissement habilité à cette fin, le constat établissant que le logement ne remplit pas les conditions requises pour être qualifié de logement décent et les informe qu’ils doivent le mettre en conformité dans le délai maximal mentionné au premier alinéa pour que l’aide personnalisée au logement conservée leur soit versée.

« Durant ce délai, le locataire s’acquitte du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des aides personnalisées au logement, dont il a été informé par l’organisme payeur, sans que cette diminution puisse fonder une action du bailleur ou de l’établissement habilité à cette fin à son encontre pour obtenir la résiliation du bail. »

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à instaurer un mécanisme de conservation de l’aide personnalisée au logement en cas de constat de non-décence des logements sociaux. Le mécanisme proposé est calqué sur celui qui existe déjà dans le parc privé et qui a prouvé son efficacité.

La politique de conservation des aides au logement provient de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur. Elle permet de suspendre les aides pendant dix-huit mois pour inciter les propriétaires à rendre leur logement décent.

Ce mécanisme est efficace quand il est mis en œuvre. Il est fortement incitatif, parce que les propriétaires qui réalisent les travaux pour mettre en conformité le logement peuvent percevoir a posteriori les allocations qui ont été bloquées.

Nous proposons d’instaurer le même mécanisme pour le parc social.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Afin d’inviter les bailleurs à réaliser les travaux en cas de non-décence d’un logement locatif, le législateur a modifié, via la loi Alur, les procédures d’octroi et de versement des allocations de logement, lorsque le logement n’est pas décent.

Dès le constat de non-décence du logement, les allocations sont conservées par l’organisme payeur pour une durée maximale de douze mois.

Ce dispositif s’applique déjà en droit à tous les logements locatifs, dans le parc privé comme dans le parc social.

Cependant, il ne trouve qu’assez rarement à s’appliquer, puisque ces allocations ne sont versées qu’aux locataires non éligibles aux aides personnelles au logement (APL). Les logements conventionnés APL, ce qui est le cas de la plupart des logements HLM, sont réputés être décents – la décence constitue l’une des conditions du conventionnement.

C’est pourquoi, lors de l’examen du projet de loi Alur, les organismes conventionnés n’ont pas été intégrés dans le dispositif.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 10 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 41 rectifié est présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon, MM. Duffourg, Cambier et Canévet et Mme Jacquemet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article 17-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le mot : « Seul » est remplacé par le mot : « Seuls » et les mots : « peut être syndic non professionnel » sont remplacés par les mots : « , ses ascendants ou descendants, son conjoint, son partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, son représentant légal ou ses usufruitiers peuvent être syndic non professionnel ».

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.

M. Michel Masset. Par cet amendement, nous voulons permettre à un membre de la famille d’un copropriétaire – ascendants, descendants, conjoint – d’être syndic non professionnel.

Si la plupart des copropriétés sont gérées par des syndics professionnels, certaines ont fait le choix de l’autogestion, soit par le biais d’un syndic bénévole ou non professionnel, soit en constituant un syndicat de forme coopérative.

L’actuel article 17-2 de la loi du 10 juillet 1965 précise que « seul un copropriétaire d’un ou plusieurs lots dans la copropriété qu’il est amené à gérer peut être syndic non professionnel ».

Or certains immeubles, notamment ceux comportant une forte proportion de logements d’investissement locatif, sont composés très majoritairement de copropriétaires bailleurs dont le domicile est souvent très éloigné géographiquement et dont l’implication dans la gestion de l’immeuble est très faible.

Dans la pratique, cela signifie qu’un propriétaire bailleur qui vit à plusieurs kilomètres de l’immeuble peut être désigné syndic, alors que ses ascendants ou ses descendants, qui habiteraient l’un de ses logements sur place, ne peuvent être élus à cette fonction.

C’est pourquoi il est proposé d’étendre la liste des personnes pouvant être désignées comme syndic bénévole, afin de limiter les risques de désorganisation, de perte d’implication et par conséquent de mauvaise gestion.

Cet amendement s’inscrit ainsi parfaitement dans le sens de ce projet de loi qui vise à simplifier les procédures administratives et à faciliter la gestion des copropriétés, afin de prévenir, le plus en amont possible, leur dégradation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.

Mme Anne-Catherine Loisier. J’ajoute simplement que cet amendement s’inspire de dispositions qui existent déjà pour la composition du conseil syndical : un membre de la famille d’un copropriétaire peut déjà participer aux réunions du conseil syndical.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ces amendements, qui ont déjà été rejetés en commission, visent à élargir aux ascendants, aux descendants, au conjoint, au partenaire d’un pacte civil de solidarité (Pacs), aux représentants légaux et aux usufruitiers d’un copropriétaire la possibilité d’être syndic non professionnel d’une copropriété – et non pas seulement de participer à des réunions.

Confier la gestion d’un syndicat à une personne qui n’est pas copropriétaire pose de nombreuses questions quant à la légitimité de cette dernière à exercer cette fonction, notamment si elle ne réside pas dans la copropriété.

Ce sujet mérite d’être débattu, mais la réflexion n’est pas suffisamment mûre pour que nous puissions adopter cet amendement aujourd’hui.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Cet amendement vise à étendre la possibilité d’être syndic bénévole d’une copropriété aux ascendants, aux descendants, au conjoint ou au partenaire lié par Pacs d’un copropriétaire.

La modification envisagée est donc relativement substantielle, puisque les personnes visées par l’amendement sont des tiers à la copropriété. Il existe notamment un risque que les relations entre le copropriétaire et ces personnes, qui peuvent être éloignées de lui, se détériorent dans le temps et que des problèmes familiaux ou relationnels apparaissent.

L’extension proposée paraît trop importante. Elle peut potentiellement mettre en péril les bonnes relations au sein de la copropriété.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Ces personnes peuvent pourtant déjà participer au conseil syndical. Si tel est bien le cas, monsieur le ministre, pourriez-vous m’expliquer pourquoi faire un traitement différent ici ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Le syndic a une responsabilité juridique beaucoup plus importante que celle du conseil syndical.

Mme la présidente. Monsieur Masset, l’amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Masset. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je maintiens aussi mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié et 41 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 31 est présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 42 rectifié est présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon, MM. Duffourg, Cambier et Canévet et Mmes Saint-Pé et Jacquemet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le neuvième alinéa de l’article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’assemblée générale peut également désigner au conseil syndical un locataire dès lors que celui-ci dispose d’un mandat exprès de son bailleur. »

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter l’amendement n° 31.

Mme Antoinette Guhl. Certains immeubles, en particulier ceux qui sont majoritairement destinés à la location, sont principalement possédés par des copropriétaires bailleurs qui peuvent être éloignés géographiquement.

Ces propriétaires peuvent manifester un intérêt limité pour la gestion de leurs biens. Dans de telles situations, les conseils syndicaux peuvent manquer d’efficacité.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les locataires, qui vivent et sont présents au quotidien dans l’immeuble, puissent jouer un rôle au conseil syndical, à condition qu’ils disposent d’un mandat explicite du bailleur pour se porter candidats et qu’ils soient élus par l’assemblée générale, tout comme les autres membres du conseil syndical.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié.

Mme Anne-Catherine Loisier. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Les auteurs de ces amendements proposent qu’un locataire puisse être élu au conseil syndical d’un immeuble.

L’article 44 de la loi du 23 décembre 1986 dispose déjà que les associations de locataires peuvent assister et formuler des observations au cours des assemblées générales.

La gestion de la copropriété reste de la responsabilité des propriétaires. Par ailleurs, les responsabilités financières comme les risques patrimoniaux ne sont pas les mêmes pour les propriétaires et les locataires.

Tout cela incite à la prudence vis-à-vis d’une disposition qui modifierait sensiblement l’équilibre de la loi de 1965. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 et 42 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon et MM. Duffourg, Cambier et Canévet, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) La constitution d’une réserve, laquelle ne peut excéder un quart du montant du budget prévisionnel. »

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement concerne les avances de trésorerie. À l’heure actuelle, le syndic peut appeler auprès des copropriétaires une avance de trésorerie, notamment pour payer les factures des fournisseurs en cas d’impayé ou de retard de paiement.

Le règlement de copropriété doit prévoir expressément la possibilité de réclamer cette avance, laquelle ne peut excéder un sixième du budget prévisionnel, soit l’équivalent de deux mois de charges courantes.

L’objet de cet amendement est double.

D’une part, à des fins de simplification, il vise à supprimer toute référence au règlement de copropriété, afin que l’assemblée générale soit à même de voter la mise en place de cette réserve.

D’autre part, il tend à porter le montant maximum de la réserve à un quart du budget prévisionnel, et non à un sixième, pour tenir compte, notamment, du coût des travaux de rénovation qui peut être aujourd’hui très important.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 159, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 39, alinéa 3

Remplacer les mots :

Le II de l’article 24

par les mots :

L’article 25

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Le Gouvernement propose d’adopter un sous-amendement pour sécuriser juridiquement le dispositif de l’amendement n° 39 rectifié.

En effet, je suis favorable à l’idée de donner à l’assemblée générale des copropriétaires la possibilité de constituer une réserve financière pour faire face aux imprévus. Cette faculté apporterait davantage de souplesse par rapport aux dispositifs actuels qui imposent que la réserve soit prévue dans le règlement de copropriété.

Toutefois, l’amendement prévoit que le montant de la réserve peut s’élever jusqu’au quart du budget prévisionnel, ce qui est susceptible de constituer une somme importante pour les copropriétaires.

Le sous-amendement que je vous propose d’adopter prévoit que la constitution de cette réserve ne puisse se faire qu’à la majorité absolue définie à l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire la majorité des voix de l’ensemble des copropriétaires, et non à la majorité simple de l’article 24 de la même loi, c’est-à-dire la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés.

Cet encadrement du dispositif permettra de mieux maîtriser les conséquences financières pour les copropriétaires.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 39 rectifié, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. L’amendement n° 39 rectifié vise à créer une réserve financière qui ne pourrait excéder 25 % du budget prévisionnel. Elle serait décidée à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Le sous-amendement du Gouvernement prévoit que la décision serait prise à la majorité définie à l’article 25 de cette loi, soit la majorité absolue de tous les copropriétaires.

L’idée peut sembler séduisante, mais on peut s’interroger sur la nécessité d’immobiliser ces fonds, potentiellement importants, auprès du syndic, ce qui conduira à alourdir les charges : soit la copropriété n’a pas de difficultés concernant le paiement des charges et cela n’est pas nécessaire ; soit elle est déjà en difficulté et la constitution de cette réserve alourdira les charges, en tout cas pour ceux qui les acquittent.

De plus, une disposition similaire existe d’ores et déjà, sous la forme du fonds de travaux.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur le sous-amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 159.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 137 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 130
Contre 209

Le Sénat n’a pas adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je retire l’amendement n° 39 rectifié, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié est retiré.

L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon, MM. Duffourg, Cambier et Canévet et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 41-12 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, il est inséré un article 41-… ainsi rédigé :

« Art. 41-…. – Par dérogation aux dispositions de l’article 14-2-1, lorsque l’assemblée générale a adopté le plan pluriannuel de travaux mentionné à l’article 14-2, le montant de la cotisation annuelle alimentant le fonds de travaux ne peut être inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan adopté et à 20 % du budget prévisionnel mentionné à l’article 14-1. À défaut d’adoption d’un plan, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 20 % du budget prévisionnel mentionné au même article 14-1. »

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement concerne les fonds de travaux des petites copropriétés.

Le fonds de travaux a pour objet le préfinancement de travaux importants. Il est alimenté par une cotisation dont le montant, voté en assemblée générale, ne peut être inférieur à la plus élevée des deux sommes suivantes : soit 5 % du budget prévisionnel, soit 2,5 % du montant du plan pluriannuel de travaux.

Les montants obtenus sur cette base sont la plupart du temps extrêmement faibles et ne permettent donc pas de préfinancer des opérations urgentes ou des opérations de rénovation énergétique.

L’objet de cet amendement est donc de porter à 20 % le taux de cotisation du fonds de travaux, mais uniquement pour les petites copropriétés, à savoir celles qui comportent, au plus, cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Les auteurs de l’amendement souhaitent augmenter le taux de cotisation du fonds de travaux dans les petites copropriétés, estimant que, dans celles-ci, le taux minimal de 5 % du budget ne permet pas de réunir des sommes suffisantes.

Pour rappel, les 5 % ne sont qu’un minimum, et les copropriétaires peuvent librement fixer un taux plus important. Il nous paraît nécessaire de leur laisser cette liberté, en fonction de leurs moyens et des besoins de leur copropriété.

Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Madame Loisier, l’amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?

Mme Anne-Catherine Loisier. À ma connaissance, les copropriétaires peuvent décider d’augmenter le taux, mais à la majorité absolue, me semble-t-il, ce qui constitue un frein à la mise en œuvre des travaux essentiels de rénovation énergétique.

Je maintiens mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Guidez, M. Henno, Mme O. Richard, MM. Levi, Lafon et Courtial, Mme Billon et MM. Duffourg, Cambier et Canévet, est ainsi libellé :

Après l’article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l’article 44 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière est ainsi rédigé :

« Dans les immeubles soumis au statut de la copropriété, les représentants des associations désignés ci-dessus participent de plein droit aux réunions du conseil syndical mais ne disposent pas du statut de conseiller syndical. Ces représentants peuvent également assister à l’assemblée générale de copropriété et formuler des observations sur les questions inscrites à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Le syndic de la copropriété informe les représentants des associations, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de la date, de l’heure, du lieu et de l’ordre du jour de l’assemblée générale en respectant le délai de convocation visé à l’article 9 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Sont notifiés aux représentants des associations, selon les mêmes conditions, les documents visés à l’article 11 du décret précité. »

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement vise à améliorer et à renforcer le rôle des représentants des associations dans les copropriétés dites mixtes, c’est-à-dire celles qui se créent à la suite de la vente, par un bailleur social, d’une partie de ses logements. L’immeuble change alors de statut, passant de la monopropriété à la copropriété.

À l’heure actuelle, ces représentants sont invités à participer à l’assemblée générale, mais aucun délai de convocation n’est fixé par les textes et il n’est pas prévu de leur communiquer les documents joints normalement à la convocation. Dès lors, on peut comprendre qu’ils aient du mal à assumer pleinement leur rôle de conseil et à intervenir dans le cadre des réunions.

C’est pourquoi il est proposé, d’une part, d’aligner les conditions d’information des représentants des locataires avec celles des copropriétaires, ce qui implique le respect du délai de convocation de vingt et un jours existant, ainsi que la communication des différents documents utiles, et, d’autre part, de permettre à ces représentants d’assister aux réunions du conseil syndical, de plein droit, mais sans droit de vote.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Cet amendement vise à étendre les droits des associations de locataires dans les copropriétés mixtes.

Aujourd’hui, celles-ci peuvent déjà assister aux assemblées générales et formuler des observations, mais il s’agirait de leur permettre de participer de plein droit au conseil syndical, sans pour autant avoir le statut de conseiller syndical, et d’avoir le même niveau d’information que les copropriétaires en recevant l’ensemble des documents transmis pour l’assemblée générale.

La participation des locataires est une chose, mais, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, leurs responsabilités ne sont pas les mêmes que celles des propriétaires dans la gestion de l’immeuble et le paiement des charges.

Les devoirs et les responsabilités doivent continuer d’aller de pair. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 9 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 9 quinquies (nouveau)

Article 9 quater (nouveau)

Le 1° du III de l’article L. 511-22 du code de la construction et de l’habitation est complété par les mots : « , ou lorsque la procédure contradictoire prévue à l’article L. 511-10 du présent code est engagée ». – (Adopté.)

Article 9 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 10

Article 9 quinquies (nouveau)

I. – L’article 199 novovicies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au 5° du B du I, les deux occurrences de l’année : « 2026 » sont remplacées par l’année « 2027 » ;

2° Le IV bis est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « exclusivement » est supprimé ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ladite réduction d’impôt s’applique également aux logements situés dans des copropriétés en difficulté faisant l’objet des procédures prévues à l’article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ou dans des copropriétés incluses dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées régie par les articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation. »

II. – Le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2027, une évaluation des principales caractéristiques des logements et des contribuables bénéficiaires de ladite réduction d’impôt et le coût de celle-ci.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L’amendement n° 131, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Le dispositif Denormandie dans l’ancien vise à inciter les particuliers, au moyen d’une réduction d’impôt, à la rénovation de logements anciens situés sur le périmètre des programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain et des communes ayant conclu une opération de revitalisation. Il vient d’être prorogé par la loi de finances pour 2024 jusqu’au 31 décembre 2026.

Ce dispositif apparaît plus aisé à être mobilisé pour la rénovation de logements individuels en centre ancien dégradé plutôt que pour des programmes d’ampleur de réhabilitation d’ensemble de copropriétés en sortie d’habitat indigne.

Il serait plus pertinent d’adapter le dispositif dans le cadre d’une réforme plus globale, au regard de son évaluation à terme.

C’est pourquoi le Gouvernement vous propose de supprimer l’article 9 quinquies.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. L’amendement du Gouvernement vise à supprimer l’extension du Denormandie dans l’ancien aux copropriétés en difficulté, dans des opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) ou sous administration provisoire.

Cette extension est une demande largement soutenue par les maires. Elle figurait d’ailleurs dans le rapport Hanotin-Lutz. Le dispositif Denormandie vise à rénover de l’ancien et, nous le répétons depuis hier, dans le contexte actuel de pénurie d’offres locatives, cette mesure nous semble bienvenue, d’autant qu’il n’y a pas de moyens nouveaux dans ce projet de loi. Aussi, la commission a souhaité dégager quelques marges de manœuvre. C’est pourquoi nous sommes défavorables à cette suppression de l’article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 131.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 37
Contre 301

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 9 quinquies.

(Larticle 9 quinquies est adopté.)

Chapitre II

Accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés et les opérations d’aménagement stratégiques

Article 9 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 11

Article 10

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le chapitre unique du titre IV du livre VII est complété par des articles L. 741-3 et L. 741-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 741-3. – I. – Lorsqu’un immeuble ou un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis est inclus dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées régie par les articles L. 741-1 ou L. 741-2 ou dans une opération de revitalisation de territoire prévue à l’article L. 303-2 et que sa gestion et son fonctionnement normal sont compromis en raison de graves difficultés d’entretien ou d’administration résultant notamment de défaillances récurrentes des copropriétaires ou de complexités juridiques ou techniques, l’opérateur peut saisir le juge afin qu’il constate que ces difficultés menacent la poursuite de l’opération et qu’il désigne un expert chargé, aux frais de l’opérateur, de déterminer les conditions matérielles, juridiques et financières de la division du syndicat de copropriétaires ou de la constitution d’un ou de plusieurs syndicats de copropriétaires secondaires.

« II. – Le syndic et l’opérateur fournissent sans délai à l’expert, et en tout état de cause au plus tard à la date fixée par la décision ordonnant l’expertise, les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

« III. – L’expert établit notamment la répartition des parties communes du syndicat des copropriétaires initial, les projets de règlement de copropriété et les états descriptifs de division des nouveaux syndicats des copropriétaires, dresse un état des créances et des dettes dudit syndicat et en établit la répartition selon les principes définis aux 1° et 2° du II de l’article 28 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

« Dans un délai de trois mois, renouvelable une fois, à compter de sa désignation, l’expert adresse au juge et à l’opérateur un rapport présentant les préconisations faites pour opérer la scission du syndicat ou la création d’un ou de plusieurs syndicats secondaires et, le cas échéant, pour assurer la sécurité et la division de l’immeuble ainsi que le résultat des actions de médiation ou de négociation qu’il a éventuellement menées avec les parties en cause.

« L’opérateur notifie ce rapport au syndic, au conseil syndical lorsqu’il en est constitué un ainsi qu’au représentant de l’État dans le département.

« IV. – Si l’expertise révèle que des travaux préalables sont nécessaires pour réaliser la constitution d’un syndicat des copropriétaires secondaire ou les divisions prévues au présent article, le juge peut autoriser l’opérateur à les réaliser.

« Si la division en volumes s’avère nécessaire, le rapport de l’expert établit que l’immeuble ou l’ensemble immobilier peut être scindé en volumes sans parties communes indivises et fonctionnant de façon autonome.

« V. – Lorsqu’il résulte du rapport de l’expert que la division nécessaire à la réussite des objectifs poursuivis par l’opération en cours générerait un partage inégal des parties communes du syndicat des copropriétaires initial entre les syndicats créés, l’opérateur notifie aux copropriétaires lésés une offre d’indemnité dans les conditions et selon les règles prévues au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

« VI. – Au vu des conclusions du rapport de l’expert, le juge peut prononcer :

« 1° La constitution d’un ou de plusieurs syndicats secondaires ;

« 2° La division du syndicat.

« Il désigne, pour chaque syndicat des copropriétaires issu des divisions prévues au présent article ou pour chaque syndicat secondaire constitué en application du présent article, la personne chargée de convoquer l’assemblée générale en vue de la désignation d’un syndic.

« Il homologue les nouveaux règlements de copropriété et les états descriptifs de division des syndicats issus de la division ou les modifications du règlement de copropriété résultant de la constitution d’un syndicat secondaire.

« S’il y a lieu, il ordonne la création d’une union ou d’une association syndicale libre des syndicats issus de la division, en vue de la création, de la gestion et de l’entretien des éléments d’équipements communs qui ne peuvent être divisés.

« En cas de désaccord des parties sur le montant de l’indemnité prévue au V, il fixe l’indemnité comme en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

« La division emporte la dissolution du syndicat initial au jour de son prononcé par le juge.

« Art. L. 741-4. – I. – Lorsqu’un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis fait l’objet d’un plan de sauvegarde prévu aux articles L. 615-1 à L. 615-10 ou est inclus dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées régie par les articles L. 741-1 ou L. 741-2 et que l’inclusion de l’immeuble dans le périmètre d’une association syndicale libre régie par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que, le cas échéant, par le chapitre II du titre II du livre III du code de l’urbanisme engendre des difficultés de gestion, de fonctionnement normal ou financières ou des complexités juridiques qui font obstacle à la poursuite de l’opération ou au succès du plan de sauvegarde, l’opérateur ou le coordonnateur du plan de sauvegarde, au sens du II de l’article L. 615-2 du présent code, peut saisir le juge afin qu’il en fasse le constat et qu’il désigne un expert chargé de déterminer les conditions matérielles, juridiques et financières de la distraction de l’immeuble ou, lorsque l’opération porte sur un ou plusieurs immeubles représentant une part majoritaire du périmètre de l’association, de la dissolution de l’association. L’opérateur notifie ce rapport aux membres de l’association syndicale.

« II. – Au vu des conclusions du rapport de l’expert, le juge peut prononcer :

« 1° La distraction de l’immeuble ;

« 2° La dissolution de l’association syndicale.

« III. – En cas de dissolution, les conditions de la dévolution du passif et de l’actif sont déterminées soit par les statuts du syndicat, soit, à défaut, par un liquidateur nommé par le juge. Elles doivent tenir compte des droits des tiers. Dans le cas de la dissolution comme dans celui de la distraction, les propriétaires membres de l’association sont redevables de leur quote-part des dettes de l’association contractées durant leur période d’adhésion jusqu’à leur extinction totale.

« IV. – En cas de distraction, les éventuels frais relatifs à la modification des statuts ou de tout acte nécessaire pour constater les conséquences de cette distraction sont à la charge de l’opérateur. » ;

2° Le IV de l’article L. 615-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la préconisation du plan de sauvegarde de procéder à la division du syndicat des copropriétaires ou à la création de syndicats des copropriétaires secondaires n’a pas été suivie, le représentant de l’État dans le département ou l’une des collectivités territoriales signataires du plan de sauvegarde peut, avec l’accord du représentant de l’État dans le département et après avis de la commission réunie à nouveau à cet effet, saisir le juge afin qu’il constate que cette abstention compromet la conservation de l’immeuble et qu’il désigne, aux frais de l’État ou de la collectivité territoriale l’ayant saisi, un expert chargé de la mission prévue à l’article L. 741-3. Le rôle dévolu par le même article L. 741-3 à l’opérateur d’opération de requalification des copropriétés dégradées est alors confié au représentant de l’État dans le département ou à la collectivité territoriale ayant saisi le juge, qui peut le déléguer à un opérateur. La division ne peut conduire au partage inégal prévu au V dudit article L. 741-3. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 155, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat, Bitz et Mohamed Soilihi, Mmes Schillinger, Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 303-1, il est inséré un article L. 303-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 303-1-1. - Lorsqu’un immeuble ou un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis est inclus dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 et que la poursuite de cette opération, lorsque celle-ci poursuit un objectif de redressement et de transformation des copropriétés dégradées, nécessite de procéder à la division du syndicat des copropriétaires ou à la création de syndicats des copropriétaires secondaires, le représentant de l’État dans le département ou l’une des collectivités territoriales signataires de la convention prévue à l’article L. 303-1, avec l’accord du représentant de l’État dans le département, peut demander au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires.

« Le premier alinéa du présent article n’est applicable qu’aux opérations prévoyant des dispositifs d’accompagnement social des occupants et des propriétaires, d’intervention immobilière et foncière, incluant des actions d’acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété. L’immeuble concerné doit également présenter un état de dégradation compromettant sa conservation. Cet état est constaté par un rapport d’expert établi aux frais de l’État ou de l’une des collectivités signataires de la convention.

« Lorsque le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires n’a pas été adopté par l’assemblée des copropriétaires, le syndic en informe les signataires de la convention.

« À réception de cette information, l’une des collectivités territoriales avec l’accord du représentant de l’État dans le département ou le représentant de l’État dans le département signataires de la convention peut, après avis des autres signataires, saisir le juge afin qu’il :

« 1° Constate que cette abstention compromet la poursuite de l’opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 ainsi que la conservation de l’immeuble compris dans son périmètre ;

« 2° Désigne, aux frais du demandeur, un expert chargé de la mission prévue à l’article L. 741-3.

« Le rôle dévolu par le même article L. 741-3 à l’opérateur d’opération de requalification des copropriétés dégradées est alors confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. La division ne peut conduire au partage inégal prévu au V de l’article L. 741-3. »

II. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou dans une opération de revitalisation de territoire prévue à l’article L. 303-2

III. – Alinéas 11 et 20

Remplacer les mots :

peut prononcer

par les mots :

prononce

IV. – Alinéa 19

Supprimer les mots :

fait l’objet d’un plan de sauvegarde prévu aux articles L. 615-1 à L. 615-10 ou

et remplacer les mots :

ou au succès du plan de sauvegarde, l’opérateur ou le coordonnateur du plan de sauvegarde, au sens du II de l’article L. 615-2 du présent code,

par les mots :

, l’opérateur

V. – Alinéa 26

Remplacer les mots :

le représentant de l’État dans le département ou l’une des collectivités territoriales signataires du plan de sauvegarde peut, avec l’accord du représentant de l’État dans le département et

par les mots :

l’une des collectivités territoriales, avec l’accord du représentant de l’État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut,

VI. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la poursuite du plan de sauvegarde est compromise du fait de l’inclusion de l’immeuble dans le périmètre d’une association syndicale libre régie par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que, le cas échéant, par le chapitre II du titre II du livre III du code de l’urbanisme, l’une des collectivités territoriales avec l’accord du représentant de l’État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut saisir le juge dans les conditions prévues à l’article L. 741-4 afin qu’il en fasse le constat et qu’il désigne, aux frais de l’État ou de la collectivité territoriale l’ayant saisi, un expert chargé de la mission prévue à l’article L. 741-4.

« Le rôle dévolu par ce même article à l’opérateur d’opération de requalification des copropriétés dégradées est confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. La commission des affaires économiques a adopté un amendement modifiant l’extension de la procédure de réorganisation forcée aux copropriétés dégradées situées dans le périmètre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah) pour l’autoriser dans les opérations de revitalisation de territoire (ORT). Or cette modification paraît restrictive dans la mesure où les ORT comprenant un volet habitat sont considérées comme des Opah.

Il apparaît par ailleurs nécessaire de préciser la procédure de réorganisation forcée, afin de la rendre opérationnelle et proportionnée au regard de la privation du droit de propriété qu’elle implique.

À cette fin, sur le volet opérationnel, le présent amendement a pour objet d’expliciter les rôles des différentes parties prenantes à l’Opah, qui sont différents de ceux qui sont prévus dans le cadre des Orcod.

Mme la présidente. L’amendement n° 171, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

….° Après l’article L. 303-1, il est inséré un article L. 303-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 303-1-… Lorsqu’un immeuble ou un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis est inclus dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 et que la poursuite de cette opération, lorsque celle-ci poursuit un objectif de redressement et de transformation des copropriétés dégradées, nécessite de procéder à la division du syndicat des copropriétaires ou à la création de syndicats des copropriétaires secondaires, le représentant de l’État dans le département ou l’une des collectivités territoriales signataires de la convention prévue à l’article L. 303-1, avec l’accord du représentant de l’État dans le département, peut demander au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires.

« Le premier alinéa du présent article n’est applicable qu’aux opérations prévoyant des dispositifs d’accompagnement social des occupants et des propriétaires, d’intervention immobilière et foncière, incluant des actions d’acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété. L’immeuble concerné doit également présenter un état de dégradation compromettant sa conservation. Cet état est constaté par un rapport d’expert établi aux frais de l’État ou de l’une des collectivités signataires de la convention.

« Lorsque le projet de division du syndicat des copropriétaires ou de création de syndicats de copropriétaires secondaires n’a pas été adopté par l’assemblée des copropriétaires, le syndic en informe les signataires de la convention.

« À réception de cette information, l’une des collectivités territoriales avec l’accord du représentant de l’État dans le département ou le représentant de l’État dans le département signataires de la convention peut, après avis des autres signataires, saisir le juge afin qu’il :

« 1° Constate que cette abstention compromet la poursuite de l’opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 ainsi que la conservation de l’immeuble compris dans son périmètre ;

« 2° Désigne, aux frais du demandeur, un expert chargé de la mission prévue à l’article L. 741-3.

« Le rôle dévolu par le même article L. 741-3 à l’opérateur d’opération de requalification des copropriétés dégradées est alors confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. La division ne peut conduire au partage inégal prévu au V de l’article L. 741-3. » ;

II. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou dans une opération de revitalisation de territoire prévue à l’article L. 303-2

III. – Alinéa 19

Supprimer les mots :

fait l’objet d’un plan de sauvegarde prévu aux articles L. 615-1 à L. 615-10 ou

et remplacer les mots :

ou au succès du plan de sauvegarde, l’opérateur ou le coordonnateur du plan de sauvegarde, au sens du II de l’article L. 615-2 du présent code,

par les mots :

, l’opérateur

IV. – Alinéa 26

Remplacer les mots :

le représentant de l’État dans le département ou l’une des collectivités territoriales signataires du plan de sauvegarde peut avec l’accord du représentant de l’État dans le département et

par les mots :

l’une des collectivités territoriales, avec l’accord du représentant de l’État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut,

V. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la poursuite du plan de sauvegarde est compromise du fait de l’inclusion de l’immeuble dans le périmètre d’une association syndicale libre régie par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que, le cas échéant, par le chapitre II du titre II du livre III du code de l’urbanisme, l’une des collectivités territoriales avec l’accord du représentant de l’État dans le département ou ce dernier, signataires du plan de sauvegarde, peut saisir le juge dans les conditions prévues à l’article L. 741-4 afin qu’il en fasse le constat et qu’il désigne, aux frais de l’État ou de la collectivité territoriale l’ayant saisi, un expert chargé de la mission prévue à l’article L. 741-4.

« Le rôle dévolu par ce même article à l’opérateur d’opération de requalification des copropriétés dégradées est confié au demandeur, qui peut le déléguer à un opérateur. »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Le Gouvernement a principalement pour objectif de créer un régime spécifique pour faciliter la scission des copropriétés incluses dans les Opah et de préciser les dispositions à mettre en œuvre dans les plans de sauvegarde lorsqu’une copropriété est incluse dans une association syndicale libre.

Ces évolutions nous semblent bienvenues, et sont d’ailleurs reprises dans cet amendement. Il est important que les villes petites et moyennes puissent disposer d’un outil facilitant la scission des copropriétés, notamment dans les centres anciens lorsque c’est nécessaire, et que cela ne soit pas réservé aux grandes opérations que sont les Orcod et les Orcod d’intérêt national.

Le Gouvernement répond ainsi à une demande de l’Assemblée nationale et du Sénat. Qu’il en soit remercié.

En revanche, le Gouvernement souhaite aussi revenir sur le pouvoir d’appréciation du juge que la commission des affaires économiques et la commission des lois ont voulu conserver. C’est la règle dans les scissions qui se pratiquent aujourd’hui sous administration provisoire. Il nous semble que c’est une garantie du droit de propriété en cas de partage inégal, à l’instar du recours à un expert indépendant. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs souligné dans son avis.

Il s’agit du seul point de désaccord que nous avons avec le Gouvernement sur cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 95, présenté par Mmes Artigalas et Linkenheld, M. Kanner, Mme Brossel, MM. Féraud et Lurel, Mme Narassiguin, MM. Ros, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

de revitalisation de territoire prévue à l’article L. 303-2

par les mots :

programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 qui a pour objet la rénovation urbaine

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Les travaux en commission ont réduit le champ de la procédure de scission forcée des copropriétés en redressement aux périmètres des ORT.

L’article 10 prévoit la possibilité pour l’opérateur d’une Orcod d’imposer la scission des grands ensembles en copropriétés comportant un ou plusieurs immeubles dégradés affectés par des difficultés de gestion, étant précisé qu’il revient à l’opérateur de démontrer la nécessité de cette procédure.

Cette faculté vise à pallier les inconvénients d’une scission judiciaire, qui se déroule généralement sur un temps trop long. Dans un souci d’efficacité, les députés ont proposé d’élargir la scission des copropriétés hors administration provisoire aux Opah, lorsqu’elles ont pour objet la rénovation urbaine.

L’objectif est bien de trouver les outils les plus efficaces, tout en restant dans un cadre sécurisé, pour accompagner les grands ensembles en difficulté financière, notamment du fait d’un nombre trop important de lots de copropriétés.

Nous proposons ainsi de rétablir le périmètre retenu à l’Assemblée nationale, à savoir les Opah, et non les seules ORT.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 95 et 155 ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Pour les raisons que je viens de développer, la commission ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 155. Par ailleurs, je demande le retrait de l’amendement n° 95, qui sera satisfait si l’amendement de la commission est adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Ces trois amendements vont dans le même sens, un bon sens, d’ailleurs, puisqu’il s’agit de clarifier et de recentrer le dispositif proposé par le Gouvernement.

Néanmoins, j’y insiste, nous pensons qu’il y a un problème de rédaction à l’amendement n° 171 de Mme la rapporteure. En effet, il est prévu de conférer au juge judiciaire un pouvoir d’appréciation sur le prononcé de la scission de copropriété à l’issue de l’expertise. Or ce serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs. En effet, si le juge judiciaire est bien compétent pour entériner l’atteinte au droit de propriété que constitue une telle scission forcée de copropriété, il n’est pas juge de l’opportunité du projet de la puissance publique. Il doit se borner ici à constater que les conditions légales sont réunies pour ordonner la scission. Nous sommes donc en présence d’une compétence liée.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de retenir la rédaction de M. Buis à l’amendement n° 155, même si, je le répète, les trois amendements sont assez proches. J’en suis désolé, mais cela me conduit à donner un avis défavorable sur les amendements nos 95 et 171.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 155.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l’adoption 39
Contre 297

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 171.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 140 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 222
Contre 117

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’amendement n° 95 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

I. – Le titre II du livre V du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Procédure de prise de possession anticipée » ;

2° À l’intitulé du chapitre Ier, après le mot : « Travaux », sont insérés les mots : « d’extrême urgence » ;

3° Le second alinéa de l’article L. 522-1 est supprimé ;

4° Il est ajouté un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Opérations de requalification des copropriétés dégradées

« Art. L. 523-1. – Dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées mise en place en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation, l’État peut, par décret pris sur avis conforme du Conseil d’État, autoriser la prise de possession anticipée de tout ou partie d’un ou de plusieurs immeubles dégradés ou dangereux dont l’acquisition est prévue pour la réalisation d’une opération d’aménagement déclarée d’utilité publique, dès lors que des risques sérieux pour la sécurité des personnes rendent nécessaire ladite prise de possession et qu’un plan de relogement des occupants a été établi.

« Art. L. 523-2. – La prise de possession a lieu dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, sous réserve des articles L. 522-3, L. 522-4 et L. 523-3 à L. 523-7.

« Art. L. 523-3. – Par dérogation à l’article L. 521-2, l’accès à l’immeuble des agents du maître de l’ouvrage peut être autorisé par un arrêté du représentant de l’État dans le département indiquant le nom de la commune, la dénomination de l’opération de requalification des copropriétés dégradées et des syndicats de copropriétaires concernés, le numéro des parcelles d’assise des bâtiments dégradés et, le cas échéant, le numéro des lots de copropriété faisant l’objet de la prise de possession ainsi que le nom de leurs propriétaires.

« Un plan désignant les bâtiments ou les parties de bâtiments concernés est annexé à l’arrêté.

« L’arrêté est notifié par le représentant de l’État dans le département au bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, au maire de la commune dans laquelle sont situés les immeubles ou les droits réels immobiliers, aux syndicats de copropriétaires, aux copropriétaires concernés et aux occupants connus. Les modalités d’affichage et de notification de cet arrêté ainsi que les conditions dans lesquelles il est procédé à l’état des lieux et de leur occupation sont précisées par décret en Conseil d’État. Les frais relatifs à l’état des lieux et de l’occupation peuvent être mis à la charge du bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique.

« Art. L. 523-4. – Par dérogation à l’article L. 314-7 du code de l’urbanisme, le délai dans lequel l’occupant doit faire connaître son acceptation ou son refus de l’offre de relogement qui lui est due en application de l’article L. 423-2 du présent code est d’un mois, faute de quoi il est réputé l’avoir acceptée.

« Art. L. 523-5. – Lorsque des risques pour la sécurité des personnes rendent nécessaires des travaux qui requièrent l’éviction provisoire ou définitive des occupants des logements, ces occupants sont relogés dans les conditions prévues aux articles L. 314-2 ou L. 314-3 du code de l’urbanisme.

« Art. L. 523-6. – L’article L. 521-7 n’est pas applicable aux opérations de requalification des copropriétés dégradées.

« Art. L. 523-7. – Si la prise de possession intervient avant le transfert de propriété, les droits de jouissance et les baux relatifs aux immeubles ou aux droits réels immobiliers libérés en application de la procédure prévue au présent chapitre sont éteints de plein droit à compter du relogement ou du départ volontaire définitif des occupants. »

II (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article L. 741-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent inclure des monopropriétés. »

Mme la présidente. L’amendement n° 156, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat, Bitz et Mohamed Soilihi, Mmes Schillinger, Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

L’arrêté est notifié par le représentant de l’État dans le département au bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique et au maire de la commune dans laquelle sont situés les immeubles ou les droits réels immobiliers. Le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique est chargé de la notification aux syndicats de copropriétaires, aux copropriétaires et aux occupants connus.

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Le présent amendement vise à clarifier les obligations d’information entre l’autorité compétente et l’opérateur chargé de la mise en œuvre de l’Orcod. Avec cette modification, la charge de la notification de l’arrêté aux syndicats de copropriétaires, aux copropriétaires et aux occupants est confiée à l’opérateur, à l’instar de ce qui est prévu en matière d’expropriation.

L’opérateur est en effet le plus à même de procéder à ce type de communication, qui peut nécessiter des moyens importants et fait parfois l’objet de marchés spécifiques, lesquels ne sauraient être mis à la charge du représentant de l’État dans le département.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Cet amendement tend à affiner une précision que nous avions introduite en commission pour la rendre plus opérationnelle. C’est pourquoi l’avis est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Tout à fait favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 156.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
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Article 12 bis A

Article 12

I. – (Non modifié) Le chapitre unique du titre Ier du livre V du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 511-1 et le premier alinéa de l’article L. 511-2 sont complétés par les mots : « ou d’utiliser » ;

2° Au 2° de l’article L. 511-1, après le mot : « habitation », sont insérés les mots : « ou à l’utilisation » ;

3° À l’article L. 511-6, après la première occurrence du mot : « habitation », sont insérés les mots : « ou à l’utilisation ».

II. – (Non modifié) L’article L. 511-11 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « habiter », sont insérés les mots : « ou d’utiliser » ;

b) Les mots : « travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la » sont remplacés par les mots : « mesures et travaux nécessaires à une remise en état du bien aux normes de salubrité, de sécurité et de décence seraient plus coûteux que sa » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après les mots : « dès lors qu’il est sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des tiers, » sont supprimés et les mots : « n’est plus » sont remplacés par le mot : « reste » ;

b) À la deuxième phrase, après le mot : « personne, », sont insérés les mots : « les mesures prescrites et ».

II bis. – (Non modifié) Au premier alinéa du I de l’article L. 511-15 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « et sauf dans le cas mentionné à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 511-11 » sont supprimés.

III. – (Supprimé) – (Adopté.)

Article 12
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Article 12 bis

Article 12 bis A

Après l’article L. 151-35 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 151-35-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 151-35-1. – Nonobstant toute disposition du plan local d’urbanisme, il ne peut être exigé la réalisation de plus d’une aire de stationnement par logement pour une opération de transformation ou d’amélioration d’immeubles faisant l’objet d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris en application des articles L. 511-11 ou L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation ou inclus dans un îlot ou dans un ensemble cohérent d’îlots comprenant un tel immeuble, dès lors que ladite opération a pour objet de faire cesser la situation ayant motivé la prise de l’arrêté. » – (Adopté.)

Article 12 bis A
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Article 12 ter

Article 12 bis

L’article L. 511-8 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les situations d’insécurité mentionnées au 2°, lorsqu’elles concernent le risque incendie, et au 3° de l’article L. 511-2 peuvent être constatées par un rapport des services départementaux d’incendie et de secours remis aux autorités compétentes mentionnées à l’article L. 511-4. » – (Adopté.)

Article 12 bis
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Article 13

Article 12 ter

Au I de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation, les deux occurrences du mot : « logement » sont remplacées par les mots : « local ou de l’installation, qu’il ou elle soit à usage d’habitation, professionnel ou commercial ». – (Adopté.)

Article 12 ter
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Article 13 bis (supprimé)

Article 13

(Non modifié)

Le III de l’article L. 615-6 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’existence des graves difficultés financières ou de gestion mentionnées au I du présent article est présumée établie lorsque les comptes prévus à l’article 14-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n’ont pas été communiqués à l’expert dans un délai de deux mois à compter de la réception par le syndicat des copropriétaires d’une demande en ce sens. » – (Adopté.)

Article 13
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Article 14

Article 13 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Havet, MM. Buis, Iacovelli, Fouassin et Lemoyne, Mme Duranton, MM. Lévrier, Omar Oili et Haye et Mme Nadille, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le premier alinéa de l’article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « ainsi que de la fiche de sortie présentant la situation financière de la copropriété sur la base des comptes des trois dernières années approuvés ou à approuver » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Un décret fixe le contenu et les modalités de mise en œuvre. »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement de ma collègue Nadège Havet vise à imposer la transmission d’un historique de la situation financière en cas de changement de syndic.

Le présent projet de loi a notamment pour ambition de moderniser les outils d’intervention afin de prévenir le plus en amont possible les risques de dégradation des copropriétés. Plus de 100 000 copropriétés sont identifiées comme étant en difficulté, sans qu’il soit toujours possible de déterminer les causes de cette situation.

En conséquence, il paraît souhaitable de pouvoir retracer les évolutions financières de la copropriété en cas de changement de syndic et d’en formaliser l’historique.

Cette fiche de sortie, dont le contenu et les modalités de mise en œuvre seraient fixés par décret, est de nature à satisfaire à cette demande de lisibilité.

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le premier alinéa de l’article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « , ainsi que la fiche de sortie présentant la situation financière de la copropriété sur la base des comptes des trois dernières années approuvés ou à approuver » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette fiche de sortie est définie par décret. »

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cette fiche de sortie doit permettre de suivre l’évolution financière de la copropriété à chaque changement de syndic, afin d’être en mesure d’identifier des responsabilités en cas de carence ou d’inaction ayant mis la copropriété en difficulté.

Surtout, un tel bilan pourrait contribuer à anticiper des difficultés dans la phase de transition entre deux syndics et paraît de nature à surmonter les difficultés que peuvent rencontrer les copropriétaires dans la compréhension de pièces et de documents dont la présentation procède de normes comptables et n’est pas nécessairement adaptée à une lecture « profane ».

En résumé, il s’agit de fournir des éléments d’information synthétique permettant une appréciation de la situation consolidée des copropriétés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ces deux amendements ont pour objet de rétablir la fiche de sortie, supprimée en commission, que devrait réaliser le syndic dont le contrat est résilié ou non renouvelé.

Les obligations des syndics en cas de changement sont d’ores et déjà précises, complètes et contraintes dans le temps, sous peine d’astreinte. Il existe déjà une fiche synthétique devant être mise à jour annuellement, à destination des copropriétaires.

Nous ne voyons pas aujourd’hui d’intérêt attaché à cette nouvelle formalité, qui risque surtout de complexifier le droit, à rebours des objectifs de simplification et d’accélération que vise ce texte.

Voilà pourquoi nous proposons de maintenir la suppression et donnons un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Je partage tout à fait la vision de Mme la rapporteure sur ces deux amendements. Comme elle l’a très justement dit, en cas de changement de syndic, la loi de 1965 prévoit déjà pour le syndic sortant une obligation de transmission au nouveau syndic d’un certain nombre de documents, tels que la situation de la trésorerie, la référence des comptes bancaires, les archives du syndicat des copropriétaires. Bref, il est déjà obligé de transmettre beaucoup d’informations.

Si je comprends l’objectif que vous visez à travers ces amendements, ils nous semblent constituer un alourdissement des tâches des syndics, sans réelle plus-value. C’est la raison pour laquelle je propose à leurs auteurs de les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Buis, l’amendement n° 51 rectifié est-il maintenu ?

M. Bernard Buis. Non, je le retire, madame la présidente. J’ai été convaincu par les arguments de M. le ministre.

M. Michel Masset. Je retire également mon amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 51 rectifié et 14 rectifié sont retirés.

En conséquence, l’article 13 bis demeure supprimé.

Article 13 bis (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 14 bis

Article 14

I. – Après le premier alinéa de l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’exécution des travaux de projets compris dans le périmètre d’une opération d’intérêt national mentionnée à l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme risque d’être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à sa réalisation, et que, pour les immeubles bâtis à usage d’habitation, un projet de plan de relogement a été établi, un décret pris sur avis conforme du Conseil d’État peut, à titre exceptionnel, en autoriser la prise de possession. »

II. – (Non modifié) Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 123-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« – des projets qui sont situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, et qui répondent aux objectifs de cette opération, lorsqu’une participation du public par voie électronique est organisée en application de l’article L. 123-19-11 du présent code ; »

b) Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsqu’une évolution de plan ou de programme est nécessaire pour permettre la réalisation d’un projet qui est situé dans le périmètre d’une opération d’intérêt national et qui répond aux objectifs de cette opération, cette enquête publique peut être remplacée par une procédure de participation du public par voie électronique en application de l’article L. 123-19-11 ; »

2° La section 5 devient la section 6 et l’article L. 123-19-11 devient l’article L. 123-19-12 ;

3° La section 5 est ainsi rétablie :

« Section 5

« Dispositions particulières aux opérations dintérêt national

« Art. L. 123-19-11. – Lorsqu’un projet situé dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, et répondant aux objectifs de cette opération ou toute évolution de plan ou de programme rendue nécessaire pour en permettre la réalisation doit faire l’objet d’une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent code ou de la procédure de consultation du public prévue à l’article L. 181-10-1, il peut être procédé, par dérogation, à une participation du public par voie électronique dans les conditions définies à l’article L. 123-19.

« Lorsque la réalisation d’un projet ou l’évolution d’un plan ou d’un programme mentionné au premier alinéa du présent article est soumise à l’organisation de plusieurs participations par voie électronique, il peut être procédé à une participation par voie électronique unique ; les autorités compétentes pour prendre la décision s’accordent sur celle qui sera chargée d’ouvrir et d’organiser cette participation. À défaut d’accord, sur la demande du maître d’ouvrage ou de la personne publique responsable, le représentant de l’État, lorsqu’il est compétent pour prendre l’une des décisions d’autorisation ou d’approbation envisagées, peut ouvrir et organiser la participation par voie électronique.

« Dans les mêmes conditions, il peut également être procédé à une participation par voie électronique unique lorsque les participations par voie électronique concernant plusieurs projets ou évolutions de plans ou de programmes peuvent être organisées simultanément et que l’organisation d’une telle participation par voie électronique contribue à améliorer l’information et la participation du public.

« Pour permettre la réalisation d’un projet mentionné au premier alinéa du présent article, lorsqu’il est recouru à une déclaration emportant une mise en compatibilité d’un document de planification ou d’urbanisme ou à une procédure intégrée prévue à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, la participation du public par voie électronique doit porter à la fois sur l’intérêt général de l’opération et sur la mise en compatibilité qui en est la conséquence.

« Le présent article n’est pas applicable à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique mentionnée au second alinéa de l’article L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. »

III. – (Non modifié) L’article L. 102-13 du code de l’urbanisme est complété par des 10° et 11° ainsi rédigés :

« 10° La prise de possession d’un ou de plusieurs immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à l’opération peut être autorisée dans les conditions prévues à l’article L. 522-1-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

« 11° Les projets répondant aux objectifs de l’opération et les évolutions de plan ou de programme nécessaires pour en permettre la réalisation peuvent faire l’objet de la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement dans les conditions définies à l’article L. 123-19-11 du même code. »

IV. – (Non modifié) Le I de l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme est complété par des 5° et 6° ainsi rédigés :

« 5° La réalisation d’une opération d’intérêt national prévue à l’article L. 102-12 du présent code ;

« 6° La réalisation d’une opération de requalification des copropriétés dégradées prévue aux articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation. »

V. – (Non modifié) La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le décret en Conseil d’État est pris après avis du représentant de l’État dans la région et après consultation de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d’opérations d’aménagement ou de la métropole de Lyon, des communes, des départements et des régions dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération ainsi que, le cas échéant, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat concernés. L’avis intervient dans un délai de trois mois à compter de la saisine et est réputé favorable s’il n’est pas intervenu à l’expiration de ce délai. »

VI. – (Non modifié) L’article L. 123-19-11 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant du II du présent article, s’applique aux procédures engagées après la publication de la présente loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à supprimer l’article 14, qui a pour objet d’élargir la palette des outils utilisables pour la mise en œuvre d’une opération d’intérêt national (OIN) en introduisant la possibilité de recourir à la procédure de participation du public par voie électronique et à la prise de possession anticipée des biens en cas d’expropriation.

En fait, cet article n’a rien à voir avec ce texte, qui a pour ambition de résoudre les problèmes d’habitat dégradé et d’habitat indigne. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, a d’ores et déjà modernisé les OIN en leur offrant plus de souplesse et notre groupe estime qu’il n’est pas opportun d’aller plus loin.

Nous estimons par ailleurs que les OIN constituent des passages en force de l’État. Le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à Bure en est l’exemple concret, puisque c’est l’État qui l’impose.

Avec cet amendement, nous recentrons le texte sur son objectif initial, à savoir l’habitat indigne, et non la facilitation des OIN.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. La commission n’a pas souhaité modifier cet article, qui procède à des modifications relativement limitées du régime des OIN et pourrait rendre celles-ci plus opérationnelles ; cela bénéficierait notamment aux Orcod d’intérêt national, mais aussi à certains des futurs « territoires engagés pour le logement ».

Pour entrer davantage dans le détail, je ferai tout d’abord remarquer que la prise de possession anticipée est, en réalité, déjà possible dans les Orcod-IN et la plupart des grands projets d’infrastructure, soit la majeure partie des projets couverts par les OIN. La commission a en outre précisé qu’elle ne pourrait se faire qu’à titre exceptionnel, ce qui ne figurait pas dans le texte initial.

Ensuite, en ce qui concerne la participation du public par voie électronique, l’expérimentation mise en place dans l’OIN de Guyane a donné des résultats satisfaisants. C’est une mesure d’accélération bienvenue ; je ne vois aucune raison de nous y opposer, d’autant qu’il ne s’agit que d’une faculté.

Enfin, la procédure intégrée de mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme permet, elle aussi, d’accélérer le processus, en mettant en parallèle les modifications des documents de différents niveaux. Cela ne change rien au fait que ces documents doivent, de toute façon, permettre la réalisation des projets concourant aux objectifs des OIN.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Il est identique à celui que vient d’exprimer Mme la rapporteure ; je salue à ce propos son appréciation de l’article 14, qui représente un élément important d’accélération et de simplification. On ne saurait nier son lien avec le texte initial, puisqu’il y figurait ! En témoigne également l’intitulé du projet de loi, « relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement ». Enfin, les excellents arguments de Mme la rapporteure justifient l’utilité de cette mesure d’accélération.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement de suppression de l’article 14.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

I. – Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 122-1-1, après la première occurrence du mot : « publique », sont insérés les mots : « d’un projet situé dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du même code, et répondant aux objectifs de cette opération, » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 522-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. L’article 21 de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte a ouvert la possibilité de reconnaître une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), constituant l’un des critères conditionnant la délivrance d’une dérogation aux mesures de préservation des espèces protégées, pour des projets industriels, au stade de la déclaration d’utilité publique (DUP).

L’objectif de cette disposition était de renforcer la cohérence de la procédure et sa solidité juridique en permettant, bien avant la finalisation du dossier d’autorisation et l’engagement de la phase de travaux, d’interroger le caractère de RIIPM du projet, dès la phase de la DUP de celui-ci. Pour cela, le pétitionnaire doit compléter son dossier par un volet complémentaire permettant de l’établir.

Le présent amendement vise à permettre le recours à cette procédure pour des projets nécessaires aux OIN et aux grandes opérations d’urbanisme (GOU), afin d’en faciliter la réalisation.

C’est donc, une nouvelle fois, une mesure de simplification et d’accélération que nous vous soumettons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Permettre de reconnaître le caractère de RIIPM de tel ou tel projet dans la DUP de celui-ci a pour effet que cette reconnaissance ne pourra être contestée qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la DUP et non plus, ultérieurement, à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation « Espèces protégées ». Ainsi, on gagne du temps en faisant remonter au moment de la DUP le point de départ du délai durant lequel la RIIPM peut être contestée, de manière à paralléliser les délais de recours contentieux.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 134.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 133, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Après les mots :

l’urbanisme

insérer les mots :

ou d’une grande opération d’urbanisme mentionnée à l’article L. 312-3 du même code

2° Remplacer les mots :

sa réalisation

par les mots :

la réalisation de cette opération

II. – Alinéa 6

Après les mots :

l’urbanisme,

insérer les mots :

ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du même code,

III. – Alinéa 7

Après le mot :

national

insérer les mots :

ou d’une grande opération d’urbanisme

IV. – Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux grandes opérations d’urbanisme

V. – Alinéa 12

Après les mots :

l’urbanisme,

insérer les mots :

ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du même code,

VI. – Alinéa 18

Remplacer les mots :

à l’article L. 522-1-1

par les mots :

au deuxième alinéa de l’article L. 522-1

VII. – Après l’alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

IV bis. – Après le 5° de l’article L. 312-5 du code de l’urbanisme, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 6° La prise de possession d’un ou de plusieurs immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à l’opération peut être autorisée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

« 7° Les projets répondant aux objectifs de l’opération et les évolutions de plan ou programme nécessaires pour en permettre la réalisation peuvent faire l’objet d’une procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement dans les conditions définies à l’article L. 123-19-11 du même code. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Divers outils spécifiques ont été mis en place et renforcés pour les GOU depuis la création de ce dispositif dans la loi Élan. Les dernières évolutions en ce sens figurent dans la loi relative à l’industrie verte, en particulier concernant la remobilisation des zones d’activité économique (ZAE).

Il convient de faciliter la réalisation de ces opérations en permettant, comme pour les OIN, de mobiliser à titre dérogatoire, sous réserve de remplir les conditions prévues, les deux facultés ouvertes par le présent article du projet de loi : la prise de possession anticipée en matière d’expropriation et la participation du public par voie électronique.

Cela permettra notamment de traiter plus efficacement les enjeux liés au logement dans le cadre de la GOU du centre-ville de Marseille, qui mobilise une société publique locale d’aménagement d’intérêt national et vise à lutter contre l’habitat dégradé et indigne dans certains secteurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 172, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Remplacer les mots :

à l’article L. 522-1-1

Par les mots :

au deuxième alinéa de l’article L. 522-1

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et indiquer l’avis de la commission sur l’amendement n° 133.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. Toutefois, il serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 133 du Gouvernement, sur lequel, dans la continuité de la ligne pragmatique à laquelle je me suis déjà référée à plusieurs reprises, la commission a émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 172 ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Je ne peux qu’inviter Mme la rapporteure à le retirer au profit de celui du Gouvernement, au vu de notre convergence de points de vue et de notre vision partagée de la nécessaire simplification des procédures.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Je retire l’amendement n° 172, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 172 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 135 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 157 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. L. Vogel, Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos et MM. V. Louault et Verzelen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Dans les périmètres des opérations d’intérêt national visées au X de l’article 44 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, jusqu’à la date fixée par le décret mentionné au même alinéa, le second alinéa du VI de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable aux fonds de concours octroyés, par une communauté d’agglomération résultant de la transformation d’un ancien syndicat d’agglomération nouvelle, pour la réalisation ou le fonctionnement d’équipements rendus nécessaires par les opérations de construction ou d’aménagement.

La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 135.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Cet amendement vise à exonérer les communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle du plafonnement qui limite habituellement le montant des fonds de concours qui peuvent être apportés par ces établissements intercommunaux à une commune membre pour des équipements publics.

Cette dérogation serait limitée dans le temps et viserait les seules agglomérations issues des villes nouvelles et situées dans le périmètre d’une OIN, afin qu’elles puissent financer davantage les équipements publics rendus nécessaires par des développements urbains de grande ampleur.

En pratique, seraient concernées les OIN de Val d’Europe Agglomération et de Sénart. On facilitera ainsi la réalisation de ces opérations d’aménagement stratégiques, notamment pour la construction de logements.

Mme la présidente. L’amendement n° 157 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ordinairement, nous ne sommes pas favorables aux dérogations relatives aux plafonds de financement par fonds de concours. Néanmoins, il s’agit en l’occurrence de remédier à une malfaçon de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe : les communautés d’agglomération des villes nouvelles ne peuvent, depuis lors, participer au financement des infrastructures de ces villes nouvelles que dans les conditions du droit commun, alors même qu’elles affrontent des problématiques très différentes de celles des communautés d’agglomération classiques. Cet amendement vise donc à créer une dérogation ponctuelle et limitée dans le temps, qui correspond à une demande forte des collectivités.

De ce fait, l’avis de la commission est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 135.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14, modifié.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 14 ter

Article 14 bis

I. – (Non modifié) À l’article 750 bis C du code général des impôts, l’année : « 2028 » est remplacée par l’année : « 2038 ».

II. – La loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer est ainsi modifiée :

1° A (nouveau) Après le III de l’article 1er, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. – Pour l’appréciation de l’atteinte du seuil de la moitié des droits indivis mentionné aux I et III, un acte de notoriété peut être dressé selon les modalités fixées aux articles 730-1 à 730-5 du code civil, à la demande d’un ou plusieurs indivisaires, contenant l’affirmation qu’ils sont, seuls ou avec d’autres qu’ils désignent, propriétaires indivis du bien, et dans quelles proportions. » ;

1° À la fin du IV du même article 1er, l’année : « 2028 » est remplacée par l’année : « 2038 » ;

2° Le premier alinéa de l’article 2 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « indivisaires », sont insérés les mots : « qui ne sont pas à l’initiative du projet » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il remet le projet en mains propres contre récépissé aux indivisaires qui sont à l’initiative du projet. » ;

3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 5, le mot : « judiciaire » et les mots : « soit en nature, soit » sont supprimés ;

4° Il est ajouté un article 7 ainsi rédigé :

« Art. 7. – Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, par dérogation à l’article 47 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, les articles 771 à 775 du code civil sont applicables, dès l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, aux successions ouvertes avant le 1er janvier 2007 et non encore partagées à cette date. »

III. – Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Martin :

1° Par dérogation à l’article 2272 du code civil, le délai pour acquérir la propriété immobilière est de dix ans, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2038 ;

2° Par dérogation à l’article 2261 du code civil, la possession par un indivisaire d’un immeuble dépendant d’une succession ouverte avant l’entrée en vigueur de la présente loi et non partagée à cette date est réputée non équivoque à l’égard de ses co-indivisaires, y compris durant la période de possession antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 5

Remplacer l’année :

2038

par l’année

2048

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Les trois amendements que je vais défendre à cet article sont très importants pour l’outre-mer ; ils ont tous pour objet l’application d’un texte que nous avons voté il y a cinq ans, la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite loi Letchimy.

Notre assemblée peut être fière de cette loi, car c’est à la suite de nos travaux, en particulier de ceux que votre serviteur a menés au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que Serge Letchimy, alors député de Martinique, a déposé la proposition de loi dont elle est issue.

Les règles novatrices qui figurent dans ce texte facilitent la sortie de l’indivision successorale ; ainsi, pour y procéder, on n’exige plus l’unanimité des indivisaires, mais la moitié plus un.

Toutefois, la mise en pratique de cette loi a pris du retard, ce qui est d’autant plus gênant que ces règles dérogatoires ont été limitées dans le temps afin de ne pas risquer une censure pour inconstitutionnalité. Les praticiens, notamment les notaires, se rendent compte que le délai fixé en 2018 est insuffisant et demandent d’ores et déjà qu’il soit prorogé. J’ai participé à des colloques où les représentants de la profession notariale expliquaient que, en dépit du caractère très important et intéressant du dispositif, ils savaient déjà qu’ils seraient dans l’incapacité de terminer le travail en dix ans.

Voilà ce qui justifie ce premier amendement, qui tend à prolonger d’ores et déjà ce délai de dix années supplémentaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. L’article 14 bis allonge d’ores et déjà la durée du dispositif : il devait s’éteindre au 31 décembre 2028, mais l’horizon est repoussé à 2038, soit dans quatorze ans. Nous aurons donc certainement d’autres occasions de revenir sur ce dispositif et sur sa date d’extinction. En outre, plus nous repousserons cette date, moins nous inciterons les acteurs à se saisir des possibilités ouvertes par la loi.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je trouve la position de Mme la rapporteure un peu dure. Je suis prêt à considérer cet amendement comme un amendement d’appel, mais il faudra revenir sur ces dispositions. Ce sont les notaires eux-mêmes qui expliquent que, compte tenu du stock de dossiers en attente, le délai, même prorogé, ne suffira pas. À ma connaissance, cette prorogation n’a pas encore eu lieu, alors même que le texte prévoit que le délai est susceptible d’être prorogé.

Dès lors, j’espère, madame la rapporteure, un peu plus de souplesse de votre part dans le cadre de la navette et d’ici le prochain rendez-vous sur cette question. Le foncier outre-mer s’est trouvé bloqué pendant des années, car les successions ne se sont pas faites normalement, au fil du temps. Les travaux menés au Sénat, et dont, je le répète, nous pouvons être fiers, permettent, enfin, de sortir de ce blocage ; quelque chose a commencé à fonctionner. Je vous demande donc solennellement de ne pas bloquer la machine, si je puis dire, et je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode.

Cela étant dit, je maintiens l’amendement, car il est important et je souhaite qu’il soit soumis au vote.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 140, présenté par MM. Fouassin, Buis, Buval, Patriat et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, M. Omar Oili, Mme Phinera-Horth, MM. Rohfritsch, Kulimoetoke, Théophile et Patient, Mme Schillinger, M. Bitz, Mme Havet, MM. Lévrier, Lemoyne et Rambaud, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

II. – Après l’alinéa 8

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 2, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. 2 …. – Pour le calcul de la quote-part indivise prévue aux articles 1 et 2 et pour la notification prévue au premier alinéa de l’article 2, seuls sont pris en compte les indivisaires dont l’existence ne peut être légitimement ignorée ou qui peuvent être identifiés sans diligences manifestement disproportionnées.

« Art. 2 …. – Pour l’application dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article 827 du code civil, le partage judiciaire peut également se faire par souche dès lors que la masse partageable comprend des biens immobiliers dépendant de plusieurs successions et lorsque ces biens :

« 1° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués en nature compte tenu du nombre important d’indivisaires ;

« 2° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués par tête compte tenu de la complexité manifeste à identifier, localiser ou mettre en cause l’ensemble des indivisaires dans un délai et à un coût raisonnables.

« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, la demande de partage par souche doit faire l’objet d’une publicité collective ainsi que d’une information individuelle s’agissant des indivisaires identifiés et localisés dans le temps de la procédure. Toute personne intéressée dispose d’un délai d’un an à compter de l’accomplissement de la dernière des mesures de publicité ou d’information pour intervenir volontairement à l’instance. À l’expiration de ce délai, les interventions volontaires restent possibles si l’intervenant justifie d’un motif légitime, apprécié par le juge, l’ayant empêché d’agir. Le partage par souche pourra avoir lieu si au moins un indivisaire par souche est partie à l’instance. Tous les membres d’une même souche sont considérés comme représentés dans la cause par ceux qui auront été partie à l’instance, sauf s’il est établi que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du requérant.

« Le présent article s’applique aux demandes en partage introduites avant le 31 décembre 2038 et postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° du relative à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé pour le cas mentionné au 1° ou postérieurement à l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l’application du cas mentionné au 2° . »

III. – Alinéa 9

Supprimer les mots :

les mots : « le mot : « judiciaire » et

IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Cet amendement vise à répondre à un défi majeur en matière d’accès au logement dans les départements et régions d’outre-mer, ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il tend, en simplifiant les procédures, à faciliter la construction d’équipements nécessaires au développement de ces territoires.

Plusieurs ajustements sont proposés.

Premièrement, la suppression de la référence à l’acte notarié de notoriété simplifierait les procédures de règlement de succession prévues par la loi Letchimy.

Deuxièmement, en restreignant la prise en compte des indivisaires aux seules personnes identifiables sans effort démesuré, on clarifierait l’application de la loi Letchimy même dans des situations où l’identification des héritiers est complexe.

Troisièmement, l’introduction du partage par souche constituerait une innovation qui faciliterait la sortie des indivisions persistant sur plusieurs générations.

Enfin, en supprimant la disposition étendant le dispositif dérogatoire au partage amiable, on se prémunirait des risques d’inconstitutionnalité par un alignement du dispositif sur les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et dans la Convention européenne des droits de l’homme.

En somme, par cet amendement, nous proposons des ajustements qui apparaissent essentiels pour lever les obstacles au développement économique et à l’accès au logement dans nos territoires d’outre-mer. En l’adoptant, nous contribuerons à libérer le potentiel de ces régions, favorisant un avenir prospère et équilibré pour tous.

Merci, mes chers collègues, de soutenir cet amendement important pour nos territoires ultramarins !

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

2° L’article 2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le notaire choisi pour établir l’acte de vente ou de partage dans les conditions prévues à l’article 1er en notifie le projet, par courrier recommandé ou par acte extrajudiciaire signifié à personne ou à domicile, à tous les indivisaires, ou leur en remet un exemplaire en main propre contre récépissé. Il procède à sa publication dans un journal d’annonces légales au lieu de situation du bien ainsi que par voie d’affichage et sur un site internet.

« En cas d’impossibilité de procéder à la notification prévue par l’alinéa précédent, les effets attachés à celle-ci résultent du seul accomplissement des formalités de publicité visées au même alinéa. » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « , sauf si l’intention d’aliéner ou de partager le bien du ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis ne lui avait pas été notifiée selon les modalités prévues aux trois premiers alinéas du présent article » sont supprimés ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans tous les cas l’indivisaire omis ne peut réclamer sa part qu’en valeur auprès des autres copartageants. »

II. – Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Toujours dans un élan d’amélioration du dispositif de la loi Letchimy, cet amendement tend à remédier à certaines lourdeurs de la procédure fixée dans ce texte, qui exige notamment une double notification par acte extrajudiciaire, c’est-à-dire par acte d’huissier, pour le dire de façon moins technique.

Par cet amendement, nous proposons d’alléger cette procédure : l’une des notifications pourrait se faire par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par remise en main propres au destinataire contre récépissé, comme en matière de licenciement.

Tous les amendements en discussion commune vont dans le bon sens. Pour évoquer celui que vient de défendre mon ami Stéphane Fouassin, je comprends que ceux d’entre nous qui entendent parler pour la première fois de partage par souche puissent en avoir peur, mais je peux vous dire que c’est une pratique qui est appliquée en Polynésie française. Ce sont les juridictions de ce territoire, sa cour d’appel au premier chef, qui ont mis en pratique le partage par souche.

Dès lors – et ce que je dis vaut aussi pour mon amendement –, les mesures que nous proposons ne doivent pas vous inquiéter, mes chers collègues. Je le redis, ce sont les praticiens du droit, notamment les notaires, qui nous demandent ces améliorations d’un dispositif qui, s’il est bon, est encore perfectible. Tel est bien l’objet de ces amendements : simplifier la pratique pour permettre l’achèvement de la réforme foncière entamée dans les outre-mer.

Mme la présidente. L’amendement n° 173, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 8

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 2, il est inséré un article 2-… ainsi rédigé :

« Art. 2-…. – Pour l’application dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article 827 du code civil, le partage judiciaire des successions ouvertes depuis plus de dix ans peut également se faire par souche dès lors que la masse partageable comprend des biens immobiliers dépendant de plusieurs successions et lorsque ces biens :

« 1° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués en nature compte tenu du nombre important d’indivisaires ;

« 2° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués par tête compte tenu de la complexité manifeste à identifier, localiser ou mettre en cause l’ensemble des indivisaires dans un délai et à un coût raisonnables.

« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, la demande de partage par souche doit faire l’objet d’une publicité collective ainsi que d’une information individuelle s’agissant des indivisaires identifiés et localisés dans le temps de la procédure. Toute personne intéressée dispose d’un délai d’un an à compter de l’accomplissement de la dernière des mesures de publicité ou d’information pour intervenir volontairement à l’instance. À l’expiration de ce délai, les interventions volontaires restent possibles si l’intervenant justifie d’un motif légitime, apprécié par le juge, l’ayant empêché d’agir. Le partage par souche pourra avoir lieu si au moins un indivisaire par souche est partie à l’instance. Tous les membres d’une même souche sont considérés comme représentés dans la cause par ceux qui auront été partie à l’instance, sauf s’il est établi que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du requérant.

« Le présent article s’applique aux demandes en partage introduites avant le 31 décembre 2038 et postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° du relative à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé pour le cas mentionné au 1° du présent article ou postérieurement à l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l’application du cas mentionné au 2° du même article. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme la rapporteure pour présenter cet amendement et indiquer l’avis de la commission sur les amendements nos 140 et 2.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Je vais commencer par indiquer l’avis de la commission sur les amendements nos 140 et 2, pour mieux justifier le dépôt de celui-ci, qui leur est lié.

L’objet de l’amendement n° 140 est multiple.

Il tend tout d’abord à revenir sur l’essentiel des apports conjoints des commissions des lois et des affaires économiques, notamment en supprimant la possibilité de recourir au mécanisme de l’acte de notoriété pour l’appréciation du seuil de la moitié des droits indivis mentionné dans la loi Letchimy, alors que ce mécanisme a pour objet de pallier une difficulté majeure d’application de ladite loi, à savoir la difficulté à connaître le nombre exact d’indivisaires.

Il tend ensuite à introduire un nouvel article au sein de la loi Letchimy. Je comprends et partage la philosophie qui préside à cette initiative : sécuriser les notaires dans le processus d’identification des indivisaires. Toutefois, en l’espèce, la disposition proposée risque d’avoir l’effet inverse en raison des formulations imprécises retenues, qui pourraient être source de contentieux à l’avenir. Par exemple, qu’est-ce qu’un indivisaire « dont l’existence ne peut être légitimement ignorée » ? Quelle interprétation donner à cette formulation ? Au contraire, le recours à l’acte de notoriété, demandé par la profession notariale, est de nature à les sécuriser davantage.

Enfin, il tend à ajouter un autre article à la loi Letchimy permettant de procéder à des partages judiciaires par souche dans les territoires ultramarins, sur le modèle des dispositions dérogatoires actuellement en vigueur en Polynésie française. Il s’agit d’une mesure forte, dont on aurait apprécié qu’elle ait au préalable fait l’objet d’une concertation.

Vous l’aurez compris, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 140.

Toutefois, après avoir consulté certains de mes collègues ultramarins, notamment la présidente de la délégation aux outre-mer, Micheline Jacques, j’ai souhaité reprendre à mon compte, par l’amendement n° 173, la proposition relative au partage par souche.

L’amendement n° 2 vise pour sa part à alléger encore les obligations d’information des indivisaires qui s’imposent pour les procédures d’acte de vente ou de partage de biens engagés par leurs coïndivisaires. L’article 14 bis procède d’ores et déjà à un allégement des modalités d’information, qui me paraît traduire un bon équilibre entre facilitation et célérité des procédures, d’une part, et respect des droits des indivisaires, de l’autre. Aller au-delà de l’équilibre trouvé ne me paraît pas judicieux.

L’avis de la commission sur l’amendement n° 2 est donc également défavorable.

Enfin, comme je viens de vous l’indiquer, j’ai repris, dans mon amendement n° 173, une des mesures contenues dans l’amendement n° 140, amendement qui ne peut recevoir un avis favorable de notre commission en raison de ses autres dispositions.

Le partage par souche constitue une dérogation au principe de partage par tête inscrit dans le code civil. Cette dérogation doit dès lors être justifiée, ce qui est manifestement le cas dans de nombreux territoires ultramarins où, malgré la loi Letchimy, le règlement de nombreuses successions demeure bloqué en raison de la multiplicité des indivisaires issus de plusieurs générations.

Après avoir pris le temps de la consultation, notamment avec la présidente Micheline Jacques, et après avoir interrogé nos collègues sénateurs de Polynésie française sur la bonne application de cette disposition dans leur territoire, je vous propose donc d’étendre ces dispositions aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, de façon encadrée et seulement jusqu’en 2038, date d’extinction des mesures dérogatoires figurant dans la loi Letchimy.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. C’est une belle discussion que nous avons là. Nous sommes favorables à l’esprit qui anime ces trois amendements, pour les raisons que je vais vous exposer.

Les auteurs de l’amendement n° 140 proposent de poursuivre la simplification de la loi Letchimy amorcée par l’Assemblée nationale et par votre commission.

Tout d’abord, au vu des difficultés de notification que nous avons déjà évoquées, ils proposent que seuls les indivisaires dont on connaît l’existence soient pris en compte pour le calcul des seuils prévus par la loi Letchimy. J’y suis tout à fait favorable, car cette précision permettra de faciliter les sorties d’indivision tout en respectant le droit de propriété de tous les indivisaires, puisque la rédaction proposée permet de s’assurer que des recherches suffisantes, sans être excessives, auront été effectuées pour identifier tous les indivisaires.

Ensuite, ils proposent de permettre le partage par souche dans les territoires soumis à la loi Letchimy, comme c’est déjà le cas en Polynésie française.

J’y suis également favorable, car cette méthode de partage, qui permet d’attribuer un lot à une lignée familiale plutôt qu’à un héritier en particulier permettra, elle aussi, de faciliter la sortie des indivisions non réglées depuis plusieurs générations.

Par ailleurs, comme vous le soulignez, l’article 5 de la loi Letchimy, qui empêche l’indivisaire omis de solliciter la nullité du partage, ne peut s’appliquer que dans le cadre d’un partage judiciaire. Étendre ce dispositif dérogatoire au partage amiable, comme l’a fait la commission, porte probablement une atteinte importante au droit de propriété des indivisaires omis, puisqu’un indivisaire minoritaire sciemment omis par les indivisaires majoritaires ne pourrait plus demander la nullité du partage.

L’atteinte au droit de propriété de l’indivisaire omis est d’autant plus grande que le dispositif de l’article 5 de la loi Letchimy a déjà été considérablement allégé par l’Assemblée nationale et par la commission, puisque le texte adopté supprime toute possibilité pour l’indivisaire omis de revendiquer sa part en nature. Or c’est précisément pour éviter les abus du partage amiable que l’article 5 de la loi Letchimy a été volontairement limité au partage judiciaire.

Enfin, comme M. Fouassin l’a relevé, la référence à l’acte de notoriété est inutile, puisque les articles 730 et suivants du code civil s’appliquent déjà dans le cadre de la loi Letchimy.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 140 ; je demande le retrait de l’amendement n° 2 à son profit.

Si l’amendement n° 140 est adopté, l’amendement n° 173 deviendra sans objet. Toutefois, s’il n’était pas adopté, nous serions favorables à l’amendement n° 173 ; c’est une simple nuance dans la rédaction qui fait que nous préférons l’amendement n° 140.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 140, comme j’y ai été aimablement invité par M. le ministre.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 140.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage sur l’amendement n° 173 ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 173 rectifié.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 49, présenté par Mme Jacques, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après le mot :

Constitution,

insérer les mots :

à Saint-Barthélemy,

La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. À Saint-Barthélemy, où les transmissions de propriétés se sont parfois effectuées oralement, le délai de prescription de trente ans laisse peu de témoins vivants de la volonté du donateur. Par ailleurs, la prescription des griefs entre coïndivisaires est une des situations les plus fréquentes. Le partage verbal a bien été fait, selon des plans établis par un géomètre, laissant chacun des bénéficiaires jouir, privativement, de sa parcelle. Cette carence de titrement bloque le règlement des successions indivises. On peut également, de ce fait, connaître des difficultés pour mener à bien des projets d’aménagement de la collectivité. Et lorsque le foncier est aussi rare qu’à Saint-Barthélemy, il va sans dire que les conséquences des blocages sont démultipliées.

Par cet amendement, je propose donc d’étendre à Saint-Barthélemy les règles de la prescription acquisitive figurant au III de l’article 14 bis, au même titre que celles de la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. La commission estime que les élus de ces territoires sont les mieux à même d’observer des désordres justifiant de telles dérogations. Aussi s’en remet-elle à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Il est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(Lamendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme la présidente. L’amendement n° 139, présenté par MM. Buval, Buis, Fouassin, Patriat, Mohamed Soilihi et Omar Oili, Mme Phinera-Horth, MM. Kulimoetoke, Patient, Rohfritsch et Théophile, Mme Nadille, M. Bitz, Mmes Schillinger, Havet, Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Lemoyne, Lévrier, Rambaud et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

à Saint-Pierre-et-Miquelon

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Les mesures inscrites aux alinéas 12 à 14 de l’article 14 bis ont pour objet d’abaisser à dix ans le délai de prescription acquisitive de propriété immobilière dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, ainsi qu’à Saint-Martin. L’Assemblée nationale a adopté un sous-amendement de M. Lenormand visant à étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon le champ de ces dispositions.

Toutefois, eu égard à l’absence, à Saint-Pierre-et-Miquelon, d’un désordre foncier de même ampleur que celui que l’on constate dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin, l’extension à ce territoire de dispositions aussi spécifiques et dérogatoires au droit commun de la propriété n’apparaît pas nécessaire et peut même être analysée comme une atteinte excessive au droit des propriétaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Pour les raisons que j’ai exposées au sujet de l’amendement précédent, la commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Il est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(Lamendement est adopté.) – (M. Stéphane Fouassin applaudit.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Après le mot :

date

insérer les mots :

ou dépendant d’une succession ouverte à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Ce troisième amendement est le dernier de la série, et je vous épargnerai donc les explications techniques… Je connais le sort qui lui a été réservé en commission, lequel sera sans doute le même dans l’hémicycle.

Madame la rapporteure, vous avez souvent cité la présidente de notre délégation sénatoriale aux outre-mer. Je rappelle que ces amendements sont issus des travaux que nous avions menés au sein de celle-ci sous la présidence du prédécesseur de Mme Jacques, à savoir Michel Magras.

Il est dommage que nos amendements aient été rejetés, mais nous y reviendrons. En effet, le foncier outre-mer ne pourra pas être débloqué si nous n’améliorons pas les dispositifs que nous avons votés ici. Comptez sur moi pour persister dans cette voie, car il y va du développement de nos territoires !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Les dispositions prévues au III de l’article 14 bis sont fortement dérogatoires au droit commun. (M. Thani Mohamed Soilihi sexclame.) En effet, dans notre droit positif, et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la prescription est en principe équivoque entre coïndivisaires.

L’article 14 bis pose la présomption que la possession par un indivisaire d’un immeuble dépendant d’une succession ouverte avant l’entrée en vigueur de la loi, et non partagée à cette date, est non équivoque à l’égard de ses coïndivisaires. Il s’agit d’une mesure dérogatoire visant à traiter un stock, et non le flux de successions à venir, dont on peut légitimement espérer qu’elles soient davantage encadrées aujourd’hui qu’il y a cinquante ou même cent ans.

En proposant d’étendre cette dérogation au flux de successions à venir, nous irions trop loin dans le dérogatoire, au détriment des droits des autres coïndivisaires d’une succession.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’ai été aimablement appelé à retirer mon amendement, mais en dépit de l’amitié que j’ai pour Mme la rapporteure, je ne le ferai pas. (Sourires.)

Vous insistez, madame la rapporteure, sur le caractère dérogatoire de la mesure. Mais encore heureux ! Si nous n’avions pas adopté de dispositions dérogatoires, nous en serions toujours au point de départ et, à droit constant, le foncier outre-mer serait bloqué. Voilà pourquoi il a fallu inventer des dispositifs nouveaux.

Je maintiens donc l’amendement, et vous demande de l’adopter, mes chers collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 bis, modifié.

(Larticle 14 bis est adopté.)

Article 14 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 15 (texte non modifié par la commission)

Article 14 ter

(Non modifié)

À la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 1607 ter du code général des impôts, les mots : « , dans la limite de 5 € par habitant » sont supprimés. – (Adopté.)

Chapitre III

Mesures diverses

Article 14 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
Article 15 bis

Article 15

(Non modifié)

I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Au 1° de l’article L. 511-2, le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 511-17, après la référence : « L. 511-15, », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, la rémunération de l’expert nommé par la juridiction administrative en application de l’article L. 511-9, » ;

3° Au 2° du III de l’article L. 511-22, les mots : « interdiction d’habiter » sont remplacés par les mots : « prescription de cessation de mise à disposition du local ou de l’installation à des fins d’habitation ou une interdiction d’habiter, d’utiliser » ;

3° bis Au dernier alinéa de l’article L. 521-1, les mots : « de péril » sont remplacés par les mots : « d’insécurité » ;

3° ter L’article L. 521-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du II, les mots : « d’insalubrité ou de péril » sont remplacés par les mots : « de traitement de l’insalubrité ou de mise en sécurité » ;

b) Le III est ainsi modifié :

– à la fin du premier alinéa, les mots : « la déclaration d’insalubrité ou l’arrêté de péril » sont remplacés par les mots : « l’arrêté de traitement de l’insalubrité ou de mise en sécurité » ;

– au début du deuxième alinéa, les mots : « Une déclaration d’insalubrité, un arrêté de péril » sont remplacés par les mots : « Un arrêté de traitement de l’insalubrité, un arrêté de mise en sécurité » ;

3° quater Au début du III de l’article L. 521-3-2, les mots : « Lorsque la déclaration » sont remplacés par les mots : « Lorsqu’un arrêté de traitement de » ;

4° Au premier alinéa du I de l’article L. 551-1, la référence : « III » est remplacée par la référence : « IV ».

II. – Au premier alinéa de l’article 434-41 du code pénal, la référence : « III » est remplacée par la référence : « IV ».

Mme la présidente. L’amendement n° 174, présenté par Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer les mots :

la référence : « IV »

par les mots :

les références : « IV et V »

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Tout à fait favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 174.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15, modifié.

(Larticle 15 est adopté.)

Article 15 (texte non modifié par la commission)
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Article 16

Article 15 bis

I. – La loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer est ainsi modifiée :

1° Le II de l’article 9 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« II. – L’arrêté du représentant de l’État dans le département est pris sur le rapport de l’agence régionale de santé ou, par application du dernier alinéa de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, du service communal d’hygiène et de santé et après délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l’organe délibérant de l’établissement public compétent portant sur le projet d’aménagement et d’assainissement mentionné au premier alinéa du I du présent article. Préalablement à son édiction, le représentant de l’État dans le département peut consulter la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques, à laquelle le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat est invité à présenter ses observations. Il avise le propriétaire du terrain, tel qu’il apparaît au fichier immobilier ou au livre foncier, et les personnes occupant le terrain d’assiette sans droit ni titre ou occupant des locaux à usage d’habitation ou les donnant à bail de la date de réunion de la commission et de la faculté qu’ils ont d’y être entendus, à leur demande. » ;

b) Le troisième alinéa est supprimé ;

c) (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « Cet avis » sont remplacés par les mots : « L’avis mentionné au premier alinéa du présent II » ;

2° Le premier alinéa du II de l’article 10 est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, les mots : « L’arrêté du représentant de l’État dans le département est pris après avis de » sont remplacés par les mots : « Préalablement à l’édiction de son arrêté, le représentant de l’État dans le département peut consulter » ;

b) La dernière phrase est complétée par les mots : « lorsqu’elle est consultée par le représentant de l’État dans le département ».

II. – (Non modifié) Le premier alinéa de l’article L. 1416-1 du code de la santé publique est complété par les mots : « et des articles 9 et 10 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer ».

Mme la présidente. L’amendement n° 141, présenté par MM. Fouassin, Buis, Buval, Patriat et Omar Oili, Mme Phinera-Horth, M. Mohamed Soilihi, Mme Nadille, MM. Rohfritsch, Théophile, Kulimoetoke, Patient et Bitz, Mmes Schillinger, Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Haye, Iacovelli, Lemoyne, Lévrier, Rambaud et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Au troisième alinéa, après le mot : « bail », rédiger ainsi la fin de cet alinéa : « des motifs qui le conduisent à envisager de mettre en œuvre la police de traitement de l’insalubrité, des mesures qu’il compte prendre ainsi que de la faculté qu’ils ont de présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Lorsqu’il consulte la commission mentionnée au premier alinéa du présent II, il avise également les personnes susmentionnées de la date de réunion de la commission et de la faculté qu’elles ont d’y être entendues, à leur demande. »

III. – Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Les deuxième et troisième phrases sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées :

« Le propriétaire du terrain, tel qu’il apparaît au fichier immobilier, la personne qui a mis les locaux concernés à disposition aux fins d’habitation et les occupants sont avisés des motifs qui conduisent le représentant de l’État dans le département à envisager de mettre en œuvre la police de traitement de l’insalubrité, des mesures qu’il compte prendre et de la faculté qu’ils ont de présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Lorsqu’il consulte la commission mentionnée au présent alinéa, il avise également les personnes susmentionnées de la date de réunion de la commission et de la faculté qu’elles ont d’y être entendues, à leur demande. Cet avis est effectué aux personnes susmentionnées, soit personnellement, soit, à défaut de connaître leur adresse actuelle ou de pouvoir les identifier, par affichage à la mairie de la commune ainsi que sur la façade du bâtiment concerné. »

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Cet amendement, essentiel, vise à renforcer les garanties fondamentales en matière de respect du contradictoire dans le cadre des arrêtés préfectoraux relatifs au traitement de l’insalubrité de l’habitat informel, conformément aux articles 9 et 10 de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer.

Le présent article 15 bis du projet de loi introduit le caractère facultatif de la saisine du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), en supprimant également la procédure contradictoire. Cet amendement prévoit une modification cruciale en réintroduisant une procédure spéciale, pour assurer ainsi le respect du contradictoire. Cette procédure prévoit notamment l’obligation d’aviser les personnes concernées par affichage à la mairie ou sur la façade du bâtiment.

L’objectif est clair : il s’agit de garantir une phase contradictoire robuste dans les procédures d’insalubrité engagées par le préfet en vertu de la loi de juin 2011 précitée. En reconnaissant que l’avis du Coderst est rendu facultatif, il est impératif d’inclure une procédure contradictoire inspirée de celle prévue par le droit commun.

En adoptant le présent amendement, nous réaffirmerons notre engagement envers la justice et le respect des droits fondamentaux des personnes concernées par ces procédures. Nous assurerons ainsi une approche équilibrée et transparente, conformément aux principes qui guident notre système juridique.

Je vous encourage vivement à soutenir cet amendement, mes chers collègues, car il contribue à garantir la légitimité et l’équité des décisions prises dans le cadre des procédures liées à l’insalubrité de l’habitat informel. Je vous remercie, de votre soutien en faveur de la justice et du respect des droits de tous !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Cet amendement vient utilement renforcer les garanties en matière de respect du contradictoire en cas de saisine du Coderst par le préfet.

Ces garanties, sans être absentes de la rédaction actuelle, y étaient allégées.

L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 141.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 142, présenté par MM. Buval, Buis, Fouassin, Patriat et Omar Oili, Mme Phinera-Horth, MM. Mohamed Soilihi et Patient, Mme Nadille, MM. Rohfritsch, Théophile, Kulimoetoke et Bitz, Mmes Schillinger, Havet et Cazebonne, MM. Rambaud, Lemoyne, Iacovelli, Lévrier et Haye, Mme Duranton et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° Au VII de l’article 9, les mots : « selon les dispositions des articles 13, 14, 15, 17 et 19 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre » sont remplacés par les mots : « selon les dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 511-3, L. 511-4 et L. 511-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique » ;

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. L’ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 relative à la partie législative du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (Cecup) a été publiée au Journal officiel de la République française le 11 novembre 2014.

Cette ordonnance abroge les articles 13, 14, 15, 17 et 19 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre, dite loi Vivien, et recodifie ces dispositions relatives à l’expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine au sein du titre Ier du livre V du Cecup.

Il convient donc d’ajuster le VII de l’article 9 de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, en remplaçant les articles de la loi Vivien abrogés par les articles de renvoi au Cecup.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il est favorable sur cet amendement de coordination juridique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Même avis : je suis toujours d’accord avec Mme la rapporteure ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 142.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15 bis, modifié.

(Larticle 15 bis est adopté.)

Article 15 bis
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Article 17

Article 16

(Non modifié)

I. – La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée est ainsi modifiée :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 18-2, les mots : « alinéa 11 » sont remplacés par les mots : « avant-dernier alinéa » ;

2° Au dernier alinéa du I de l’article 20, les mots : « du privilège mentionné » sont remplacés par les mots : « de l’hypothèque légale mentionnée » ;

3° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article 26-7 est ainsi modifiée :

a) Les mots : « du privilège » sont remplacés par les mots : « de l’hypothèque légale » ;

b) À la fin, la référence : « 1° bis » est remplacée par la référence : « 3° ».

II. – À l’article L. 132-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la référence : « L. 122-7 » est remplacée par la référence : « L. 122-6 ». – (Adopté.)

Article 16
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Après l’article 17

Article 17

(Non modifié)

L’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété, l’ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 relative à la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l’habitation, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis, l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale, l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, l’ordonnance n° 2021-141 du 10 février 2021 relative au prolongement de la trêve hivernale, l’ordonnance n° 2021-142 du 10 février 2021 portant prorogation de certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, l’ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 visant à renforcer le contrôle des règles de construction, l’ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d’activité et l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 sont ratifiées. – (Adopté.)

Article 17
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Après l’article 17

Mme la présidente. L’amendement n° 104, présenté par Mmes Artigalas et Linkenheld, M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 256-3 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Peuvent également être opérateurs les organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du présent code ou leurs filiales créées en application du 19° de l’article L. 421-1, du soixante-sixième alinéa de l’article L. 422-2, et du vingt-huitième alinéa de l’article L. 422-3 du même code. »

La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Si vous en êtes d’accord, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements suivants nos 106 et 105.

Mme la présidente. Tout à fait, ma chère collègue.

J’appelle donc également en discussion les deux amendements suivants.

L’amendement n° 106, présenté par Mmes Artigalas et Linkenheld, M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 8° de l’article L. 421-4, le quarante-deuxième alinéa de l’article L. 422-2 et le quarante-et-unième alinéa de l’article L. 422-3 du code de la construction et de l’habitation sont complétés par les mots : « ou se rapportent à un bail réel solidaire d’activité »

L’amendement n° 105, présenté par Mmes Artigalas et Linkenheld, M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 9° de l’article L. 421-4, le quarante-troisième alinéa de l’article L. 422-2 et le quarante-deuxième alinéa de l’article L. 422-3 du code de la construction et de l’habitation sont complétés par les mots : « ainsi que pour conclure des baux réels solidaires d’activité définis à l’article L. 256-1 du présent code ».

Vous avez la parole pour présenter ces trois amendements, ma chère collègue.

Mme Audrey Linkenheld. Ces trois amendements portent tous sur le même sujet : le bail réel solidaire d’activité (BRSA) qui est un élargissement récent du bail réel solidaire (BRS). Ils visent à ce que les organismes d’HLM puissent figurer parmi les opérateurs qui peuvent porter et conclure les BRSA.

Aujourd’hui, des organismes d’HLM peuvent détenir, à la fois, des logements classiques et des locaux commerciaux, ce qui permet d’assurer la mixité fonctionnelle dans nos villes. Nous sommes, en général, ravis qu’il y ait des rez-de-chaussée actifs ou associatifs associés à nos logements sociaux.

Nous souhaitons permettre à ces organismes d’HLM d’être opérateurs dans les opérations de bail réel solidaire d’activité, à l’instar de leur statut d’opérateur reconnu pour les opérations de bail réel solidaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Ces amendements visent à ce que les organismes d’HLM, qui sont déjà des acteurs du BRS, puissent mettre en œuvre le bail réel solidaire d’activité, à l’instar des sociétés d’économie mixte (SEM) ou des sociétés publiques locales (SPL). Il s’agit de leur permettre de développer la mixité d’activité, notamment en pied d’immeuble, ou dans les ensembles plus larges qu’ils ont en gestion.

Nous soutenons activement, et depuis le départ, le développement des organismes de foncier solidaire (OFS) et du BRS, car nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un outil très important d’accession sociale à la propriété. Dans ce cadre, les bailleurs sociaux doivent disposer de tous les outils utiles pour réussir leurs interventions.

Je suis heureuse d’émettre, à la fin de ce débat, un avis très favorable sur ces trois amendements qui viennent corriger ce qui nous paraît être un oubli de l’ordonnance du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d’activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Malheureusement, mon avis ne sera pas le même que celui de Mme la rapporteure.

L’activité de construction, de gestion et de vente des locaux d’activité est étrangère aux activités liées au logement locatif social ou à l’accession sociale, qui constituent le cœur des missions de service public des organismes d’HLM. Il apparaît nécessaire, dans un contexte de crise de l’offre de logement, de concentrer l’activité de ces organismes sur leur cœur de métier.

Cela vaut en particulier pour l’essor du BRS, en faveur duquel les organismes d’HLM jouent un rôle essentiel dont ils ne doivent pas s’écarter.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Je remercie Mme la rapporteure pour le soutien qu’elle apporte aux OFS, au BRS ainsi qu’aux organismes d’HLM.

Je veux aussi rassurer M. le ministre. Nous sommes parfaitement conscients que l’activité des organismes d’HLM relève d’un service d’intérêt économique général (Sieg). Au travers de ces amendements, nous souhaitons faire de la mixité fonctionnelle ou du BRSA non pas l’activité principale des organismes d’HLM, mais une activité accessoire. Le fait de louer un rez-de-chaussée en pied d’immeuble à un commerce ou à une association fait déjà partie de l’activité des organismes d’HLM. Cela relève, je crois, de ce que réclament les collectivités, lesquelles aiment que la mixité fonctionnelle s’ajoute à la mixité sociale.

N’ayez crainte, monsieur le ministre, vous pouvez nous faire confiance sur ce sujet ! Cette précision étant apportée, j’espère que vous émettrez un avis de sagesse sur ces amendements…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.

Je mets aux voix l’amendement n° 106.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.

Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Vote sur l’ensemble

Après l’article 17
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour la qualité de son travail, qui a permis d’apporter un certain nombre d’améliorations au texte voté à l’Assemblée nationale, de donner davantage de moyens aux collectivités, une réelle capacité d’agir aux maires, et de répondre aux enjeux de santé et de sécurité qui concernent nos concitoyens.

Je remercie également les équipes de la commission des affaires économiques, qui ont accompagné Mme la rapporteure dans un délai particulièrement contraint.

Je souhaite aussi vous remercier, monsieur le ministre. Vous présentiez dans cet hémicycle votre premier projet de loi en tant que ministre du logement. Ce texte sera certainement voté à l’unanimité, comme l’ont assuré l’ensemble des intervenants.

Nous avons tous dit que nous voulions que ce texte soit le plus utile possible. Nous sommes tous mobilisés pour accompagner les maires dans la lutte contre l’habitat indigne, et pour accélérer et simplifier la rénovation de l’habitat dégradé.

Mais, j’y insiste, un certain nombre de sujets ne figurent malheureusement pas dans ce texte ; je pense en particulier à la résorption des biens sans maître, mais il y en a bien d’autres.

Vous aurez compris au fur et à mesure de nos débats que des sujets nous intéressent et nous mobilisent particulièrement, comme celui des locations saisonnières et touristiques – disant cela, je me tourne vers Rémi Féraud. Vous nous avez annoncé que la proposition de loi relative à ce problème qui a été votée à l’Assemblée nationale serait présentée très prochainement au Sénat. Nous attendons ce texte, et serons largement mobilisés dans cet hémicycle pour assurer une meilleure régulation des locations touristiques et saisonnières, lesquelles participent à l’attrition du parc locatif privé.

Pour conclure, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que nous attendons une loi sur le logement. Qu’elle soit « grande » ou « moyenne », il est important qu’elle nous soit présentée le plus rapidement possible. En effet, même si le présent projet de loi est adopté à l’unanimité, il n’est pas de nature à remédier à la grave crise du logement que connaît notre pays.

Nous espérons que le Gouvernement en prendra pleinement conscience et que vous pèserez de tout votre poids auprès de l’exécutif pour que le logement soit porté au rang de priorité, et que nous puissions enfin prendre des mesures tant conjoncturelles que structurelles permettant d’offrir à l’ensemble de nos concitoyens un logement abordable qui corresponde à leurs attentes et à leurs besoins. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Je tiens tout d’abord à remercier M. le ministre, et plus largement le Gouvernement, de nous avoir présenté ce projet de loi qui était attendu par les collectivités et les élus locaux, lesquels sont confrontés à un nombre croissant de logements indignes.

Plusieurs mesures de ce texte ont été renforcées, pour atteindre les mêmes objectifs : simplifier, accélérer et prévenir.

Je salue le travail de Mme la rapporteure qui, sur ce texte technique, a proposé des mesures de bon sens ; je pense notamment aux mesures de sécurisation et d’encadrement du prêt collectif, et aux sanctions renforcées contre les marchands de sommeil.

Je remercie également M. le ministre, qui a répondu à nos diverses sollicitations avec clarté et bienveillance.

Je me félicite également des amendements présentés par le groupe RDPI. Je pense notamment : à l’amendement n° 146 visant à exclure l’échelonnement des prêts collectifs ; à l’amendement n° 151 tendant à conférer un pouvoir de sanction aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux communes en cas de non-respect des dispositifs de déclaration de mise en location et d’autorisation préalable de mise en location sur leur territoire ; au rétablissement de l’article 8 bis A.

Je salue enfin, mes chers collègues, la cordialité de nos débats depuis hier.

Le groupe RDPI votera bien évidemment ce texte et souhaite qu’une commission mixte paritaire, conclusive, se réunisse rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Je tiens, moi aussi, à saluer le travail très important de Mme la rapporteure sur ce texte, car il a permis d’y introduire de réelles avancées.

Je salue également la tenue des débats en commission et dans l’hémicycle.

Globalement – je l’ai déjà dit –, ce texte va dans le bon sens, et nos débats ont permis de l’améliorer, afin que la puissance publique puisse mieux lutter contre l’habitat indigne et que les occupants qui en sont les victimes soient mieux protégés.

Vous le savez, monsieur le ministre, la priorité absolue, c’est de faire face à la crise du logement, à laquelle l’habitat indigne contribue. À cet égard, ce projet de loi est bienvenu, mais il reste encore beaucoup à faire sur la question du logement. Nous attendons, par conséquent, les prochains textes sur le sujet.

Parmi les avancées qui ont été adoptées lors de l’examen du projet de loi en séance, je citerai celles que nous avions nous-mêmes proposées par voie d’amendement : le rétablissement de l’élargissement du fonds de garantie de l’État pour les travaux de lutte contre l’insalubrité, ainsi que le rétablissement des frais de recouvrement réclamés par les syndics. Parmi tous les amendements que nous avions déposés, seuls ces deux-là ont été adoptés.

Nous regrettons, en revanche, le maintien de certains articles problématiques. Il s’agit de l’article 7, qui dispense de formalités d’urbanisme les constructions temporaires ; de l’article 3, qui permet de simplifier les procédures de démolition des habitats informels à Mayotte et en Guyane ; et de l’article 3 bis AA.

Sur ce dernier article, je tiens à exprimer nos inquiétudes, car je ne l’avais pas fait à l’occasion de son examen : il constitue, même si cela n’a pas été voulu, une atteinte importante au droit des occupants en faisant disparaître le droit au retour. J’espère que nous pourrons aborder ce point d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire.

Le groupe écologiste votera, bien entendu, pour ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Je souhaite, moi aussi, saluer le travail de Mme la rapporteure, mais aussi celui que nous avons fait en commission et dans l’hémicycle. Nous avons en effet réussi à améliorer, à tous les niveaux, et à simplifier quelque peu ce texte qui était au départ consensuel, et à atteindre les objectifs que le groupe socialiste, pour sa part, s’était fixés. Nous avons ainsi consolidé les outils qui sont à la disposition des maires, afin de les rendre plus opérationnels.

De nombreux maires ayant vécu des épisodes dramatiques dans leur ville nous avaient en effet saisis, car ils ne voulaient plus que de tels drames se reproduisent. À cet égard, le rapport de Michèle Lutz et Mathieu Hanotin a été au fondement de nos débats, et l’audition de ces deux maires a été extrêmement instructive.

Notre travail ayant été transpartisan et consensuel, mon groupe votera ce texte.

J’exprimerai cependant un regret sur deux points qui nous tenaient à cœur ; peut-être la commission mixte paritaire permettra-t-elle d’y revenir.

Le premier point, auquel nous sommes très attachés, est la possibilité pour les maires de demander un diagnostic structurel des immeubles situés dans les centres-villes anciens. Cela permettrait de prévenir certaines dégradations invisibles.

Le second point concerne l’expérimentation relative aux inspecteurs de salubrité et aux agents de la police municipale ayant des pouvoirs d’enquête judiciaire. L’avantage d’une telle expérimentation serait de savoir si le dispositif peut être étendu.

Monsieur le ministre, nous attendons des mesures fortes, une grande loi sur le logement ainsi que des innovations, car la crise du logement est bien présente. Nous devons travailler tous ensemble afin que cette réalité ne se transforme pas – à moins que ce ne soit déjà le cas – en bombe sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour explication de vote.

M. Stéphane Fouassin. Je veux saluer le travail de Mme la rapporteure sur ce texte et celui de Mme la présidente de la commission des affaires économiques, qui a étudié d’arrache-pied les différents dossiers.

Le groupe RDPI votera, bien évidemment, ce projet de loi.

Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter sur les difficultés que connaît le logement outre-mer, notamment à La Réunion, mais aussi à Mayotte ; de très nombreux Mahorais rejoignent en effet le territoire réunionnais, et nous avons une carence importante en termes de logement. Tous les Ultramarins attendent une grande loi pour le logement outre-mer.

Par ailleurs, je vous souhaite une fois encore un bon anniversaire ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.

Mme Marianne Margaté. Comme mes collègues, je tiens à saluer la qualité de nos débats en séance et au sein de la commission, et celle des auditions qui ont été menées.

Si nous avons pu avancer relativement vite au sein de l’hémicycle, en examinant en quelques heures seulement plus de cent soixante amendements et une cinquantaine d’articles, c’est certainement parce que nous sommes efficaces. Mais c’est aussi parce que le texte qui nous a été présenté pour répondre à l’enjeu du mal-logement, et qui est certes opérationnel, ne va pas complètement au fond des choses. Il ne suscite donc ni approbation complète ni opposition résolue.

Sans totalement convaincre ni vraiment déranger, ce projet de loi visant à lutter contre l’habitat dégradé, plein de bonnes intentions, permet de consolider des outils opérationnels et d’obtenir des avancées concrètes.

L’une de ces avancées résulte de notre amendement visant à suspendre le paiement du loyer lorsqu’un logement présente des risques sérieux pour la sécurité de ses occupants.

D’autres dispositions auront plus de mal à être mises en œuvre puisque nous ne disposons d’aucune garantie du Gouvernement ; c’est le cas, par exemple, pour les moyens alloués à la réalisation de travaux, ou pour les expropriations.

Ce texte, qui nous semble incomplet, a malgré tout été amélioré par l’Assemblée nationale et le Sénat. Cela a été dit, nous attendons tous un plan ambitieux qui soit à la hauteur des besoins des 2,6 millions de ménages en attente d’un logement social et des 15 millions de mal-logés.

Pour ce qui concerne les 115 000 copropriétés dégradées, des réponses nouvelles sont également attendues et, pour notre part, nous en proposons. Telle est ainsi mon ambition en tant que rapporteure de la commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés immobilières.

Pour l’heure, le groupe CRCE – K votera en faveur de ce texte, tout en formulant les attentes que je viens d’évoquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. À mon tour, je tiens à remercier tous les participants à ce débat très fructueux, qui a permis d’avancer, même si nous attendons un grand texte relatif au logement outre-mer – un secteur qui connaît une crise encore plus grave que celle qui sévit dans l’Hexagone, comme l’a rappelé Stéphane Fouassin.

Je souhaite souligner la « touche » ultramarine de ce projet de loi. Il n’est pas si fréquent que nous puissions présenter des amendements relatifs aux outre-mer sans que l’on nous renvoie à une ordonnance d’adaptation ! En cela, nos débats d’hier et d’aujourd’hui ont été intéressants.

Nous avons pu exposer les particularités ultramarines à l’occasion de l’examen d’un texte de portée générale qui concerne l’ensemble de notre pays. C’est suffisamment rare pour qu’on le souligne.

Je vous remercie, madame la rapporteure, pour les avis négatifs que vous avez émis sur mes amendements… (Sourires.) Ils sont la preuve de votre rigueur !

Satisfait des débats que nous avons eus, je vous donne rendez-vous pour la suite !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Je serai brève.

Je tiens, moi aussi, à saluer la qualité de nos débats et l’état d’esprit qui a présidé à nos échanges et à nos travaux, lesquels nous ont permis d’enrichir le texte – tel était en effet l’objectif de son examen en séance –, et qui a été partagé sur toutes les travées de l’hémicycle.

Je remercie également les équipes de la commission des affaires économiques, qui nous ont permis de travailler dans un délai très contraint.

J’adresse mes remerciements les plus sincères à Mme la présidente de la commission des affaires économiques pour son écoute, son accompagnement et ses contributions, ainsi qu’à tous les membres de ladite commission, qui m’ont accompagnée en ces moments aussi contraints sur la forme que riches sur le fond.

Enfin, je remercie M. le ministre pour son écoute, nos échanges et ce partage. Je ne répéterai pas les propos très justes de Mme la présidente de la commission sur nos attentes, qui sont très fortes. Vous avez pris de nombreux engagements lors de ce débat, et annoncé cette fameuse grande loi Logement dont nous rêvons. Nous souhaitons que ce rêve devienne réalité !

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, au Sénat, nous savons être une force de proposition et parvenir à des compromis sans nous compromettre. Sachez user, et peut-être abuser, de cette qualité ! Nous aimerions, par ailleurs, ne pas être mis à contribution trop tardivement, car nous souhaitons apporter des réponses à nos concitoyens qui attendent beaucoup de nos travaux sur ce sujet central pour notre démocratie.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement.

(Le projet de loi est adopté.)  (Applaudissements.)

Mme la présidente. Je constate qu’il y a unanimité !

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Madame la présidente, je vous remercie d’avoir conduit ces débats avec qualité.

Madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, je vous remercie de nos échanges très fructueux.

Mesdames, messieurs, les sénateurs, je me félicite du dialogue qui s’est instauré entre nous, qui nous a permis de trouver de nombreux points d’accord. C’était un réel plaisir que de partager ces vingt-quatre heures à vos côtés et, je tiens à le dire, c’est un beau cadeau que vous m’avez fait là ! (Sourires.) Je souhaite que, avec vos collègues de l’Assemblée nationale, vous parveniez à une commission mixte paritaire fructueuse.

En tout cas, je suis certain que nos échanges laissent augurer de beaux débats entre nous.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement
 

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Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 5 mars 2024 :

À quatorze heures trente et le soir :

Débat sur les finances des départements ;

Débat sur le thème « JO 2024 : la France est-elle prête ? » ;

Proposition de loi relative au financement des entreprises de l’industrie de défense française, présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 365, 2023-2024) ;

Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 367, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)

nomination de membres de deux missions dinformation

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, les listes des candidatures préalablement publiées sont ratifiées.

Mission dinformation sur le thème « Lavenir de la santé périnatale et son organisation territoriale » (vingt-trois membres)

M. Bruno Belin, Mme Annick Billon, M. Olivier Bitz, Mmes Céline Brulin, Marion Canalès, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Annick Jacquemet, M. Patrice Joly, Mmes Else Joseph, Florence Lassarade, Christine Lavarde, Annie Le Houerou, Marie-Claude Lermytte, Marie Mercier, Laurence Muller-Bronn, M. Saïd Omar Oili, Mmes Émilienne Poumirol, Marie-Pierre Richer, Anne Sophie Romagny, Elsa Schalck, M. Laurent Somon et Mme Anne Souyris.

Mission dinformation sur le thème « Architectes des Bâtiments de France : périmètre et compétences » (vingt-trois membres)

MM. Jean-Claude Anglars, Pierre Barros, Mmes Nadine Bellurot, Colombe Brossel, Sabine Drexler, Nicole Duranton, MM. Vincent Éblé, Daniel Fargeot, Mme Else Joseph, M. Alain Joyandet, Mme Sonia de La Provôté, MM. Laurent Lafon, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Anne-Catherine Loisier, Monique de Marco, Marie Pierre Monier, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. Hervé Reynaud, Mme Anne Ventalon, MM. Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial et Adel Ziane.

nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mme Lauriane Josende, M. Francis Szpiner, Mme Dominique Vérien, M. Christophe Chaillou, Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Nadine Bellurot, Olivia Richard, Audrey Linkenheld, Cécile Cukierman, MM. Vincent Louault et Guy Benarroche.

La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à lautonomie a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Philippe Mouiller, Jean Sol, Mmes Elsa Schalck, Jocelyne Guidez, Corinne Féret, Annie Le Houerou et Solanges Nadille ;

Suppléants : Mme Chantal Deseyne, Corinne Imbert, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Monique Lubin, Cathy Apourceau-Poly, M. Daniel Chasseing et Mme Anne Souyris.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER