M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Stéphane Fouassin applaudit également.)

Mme Antoinette Guhl. Marie-Emmanuelle Blanc, Simona Caprignano, Taher Hedfi, Julien Lalonde, Fabien Lavieille, Pape Niasse, Ouloume Said Hassani, Mohamed Cherif Zemar : ce sont les noms des huit victimes de l’effondrement, le 5 novembre 2018, de deux immeubles de la rue d’Aubagne, à Marseille. Oui, monsieur le ministre, vous le savez, l’habitat indigne tue !

Cette catastrophe a profondément marqué notre mémoire collective. Avec mon collègue Guy Benarroche, nous avons auditionné les familles et le collectif du 5 novembre - Noailles en colère. Une volonté commune a été clairement exprimée : éviter de nouvelles tragédies.

Or que s’est-il passé après ce drame ? D’autres drames, monsieur le ministre !

Il y a quatre semaines, un enfant de 7 ans a trouvé la mort dans un incendie survenu à Marseille, dans un immeuble dit « en bon état », mais un logement jugé, lui, « dégradé ».

Les exemples sont nombreux, trop nombreux, de l’inaction en matière de logement des gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. Depuis 2017, vous restez sourds aux cris d’alarme !

Olivier Klein avait pourtant prédit, en 2022, que le logement serait « la bombe sociale de demain ». Mais vous, que faites-vous ? Pas plus tard que cette semaine, vous annoncez 736,8 millions d’euros de coupes budgétaires sur la mission « Cohésion des territoires », dont 300 millions d’euros pris sur l’aide à l’accès au logement et 359 millions au programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

Monsieur le ministre, 2,4 millions de personnes, en 2022, attendaient un logement social ; mais vous, vous détricotez la loi SRU !

Seulement 93 000 logements sociaux ont été financés en 2023 ; mais vous, vous détricotez la loi SRU !

Plus de 3 000 personnes, dont 900 enfants, demandent un hébergement à Paris ; mais vous, vous détricotez la loi SRU !

Enfin, 72 % des ménages franciliens peuvent prétendre à un logement très social ; mais vous, que faites-vous ? Vous faites la promotion du logement intermédiaire, qui répond aux problématiques de seulement 3 % des demandeurs actuels.

Vous l’aurez compris, sur la question du logement, nous ne sommes pas d’accord !

Pourtant, sur ce projet de loi, nous pouvons l’être ; je peux même dire que, globalement, nous le sommes.

La puissance publique se mobilise enfin, avec les élus locaux, qui agissent tant bien que mal, comme ils peuvent, mais toujours de leur mieux, avec les outils et les moyens qu’ils ont – le rapport de Michèle Lutz et Mathieu Hanotin en est une belle illustration –, et avec les élus nationaux, qui travaillent avec sérieux sur ces sujets prioritaires.

C’est un point de convergence entre nous, quelle que soit notre appartenance politique. Oui, nous partageons tous le constat alarmant qu’a fait la Fondation Abbé Pierre dans son dernier rapport : « L’écart [est] abyssal entre le nombre de logements indignes et le nombre de procédures engagées. » Aussi, l’accélération proposée dans ce projet de loi est plus que bienvenue.

Oui, il fallait accélérer ; vous le faites, nous le faisons avec vous.

Nous avons amendé et enrichi ce texte, pour qu’il intègre les bailleurs sociaux et pas uniquement les propriétaires privés, pour qu’il soit plus ambitieux en matière de protection des locataires et des propriétaires occupants, ou encore de lutte contre les marchands de sommeil, pour qu’il soit encore plus adapté au fonctionnement des syndicats de copropriétaires, et pour qu’il protège mieux les habitants de ces logements indignes.

En revanche, nous ne voulons pas rendre légal le relogement en Algeco, comme vous le proposez. Nous ne voulons pas faire la part belle aux recouvrements et à tous les desiderata des syndics. Enfin, nous ne voulons pas que les opérations d’intérêt national puissent, sous prétexte de les faciliter, être dispensées de toutes les études et concertations nécessaires – cela n’a rien à voir avec la lutte contre l’habitat insalubre !

J’espère que nos débats sur ce projet de loi, qui est – je veux le dire clairement – à la fois utile et bienvenu, progresseront dans un esprit de recherche de convergence.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je compte sur vous pour étudier, voire accepter, sans posture idéologique, les amendements que les écologistes défendront.

Par une telle convergence, nous retrouverons l’honneur de la politique, en respectant les millions de ménages, propriétaires occupants ou locataires, jeunes ou vieux, qui subissent le froid l’hiver et les bouilloires thermiques l’été, qui ont des plafonds trop bas ou des fenêtres trop petites, qui déplorent des problèmes d’humidité et de moisissures, ou dont l’ascenseur est définitivement en panne, bref, en respectant celles et ceux qui souffrent du mal-logement ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Ian Brossat et Jean-Luc Brault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, face à une crise du logement qui ébranle les fondations de notre société, c’est un message d’urgence que notre groupe tient à porter.

Cette crise, qui condamne 330 000 personnes à l’errance sans domicile et plonge 15 millions de personnes dans une précarité alarmante dans un pays aussi avancé que le nôtre, est intolérable.

Il y a tant à faire : dans le logement social, pour répondre aux 2,6 millions de demandeurs en attente ; dans la rénovation énergétique, pour rénover les 5 millions de logements mal isolés ; dans la construction, pour relancer un secteur à l’arrêt.

Pendant trop longtemps, les mesures prises pour répondre à cette crise ont été insuffisantes, voire contre-productives.

Nous avons assisté à une libéralisation du secteur du logement : on a poussé les bailleurs sociaux à vendre à la découpe ; on les a privés de 1,3 milliard de recettes sans compensation ; on a baissé les aides personnelles au logement (APL) pour les locataires ; enfin, on a facilité les expulsions des plus précaires, avec la loi Kasbarian. (M. le ministre délégué sourit.)

Vous avez exacerbé la précarité plutôt que de la soulager. Et cela continue !

Tout récemment, les premières annonces du nouveau gouvernement en matière de logement ont, encore un peu plus, renforcé nos inquiétudes. Nous y voyons une volonté de casser la loi SRU, en intégrant les logements intermédiaires, aux loyers élevés, dans le calcul du taux de logements sociaux présents sur chaque commune.

Le 1er février dernier, j’étais à la présentation du rapport de la Fondation Abbé Pierre. Soixante-dix ans après cet appel historique, qui avait déclenché un sursaut des citoyens et des pouvoirs publics, nous avons eu droit à un passage éclair du ministre de la transition écologique, qui en a profité pour accabler les sans-papiers, qui seraient responsables de leur maintien à la rue et engorgeraient les places d’hébergement. Aucune annonce, aucun sursaut !

Tous ces signaux doivent être perçus pour ce qu’ils sont : des attaques contre le droit au logement. Or ces attaques fonctionnent, puisque le nombre de mal-logés n’a jamais été aussi élevé depuis la Seconde Guerre mondiale.

Victor Hugo l’avait ainsi exprimé en son temps : « Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre ! Vous n’avez rien fait tant qu’il y a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère ! » Aujourd’hui, la souffrance du peuple est là. Elle nous oblige, car c’est un enjeu de dignité humaine.

Après avoir allumé le feu, le Gouvernement veut enfiler son costume de pompier et tenter d’éteindre, avec un petit extincteur, un brasier qui devrait mobiliser tous nos canadairs.

Le projet de loi qui nous est présenté est intéressant, mais certainement insuffisant. Il a déjà été, il faut le dire, amélioré par l’Assemblée nationale, ainsi que par notre commission des affaires économiques. Je compte sur la séance publique et nos amendements pour lui apporter des améliorations supplémentaires.

Ce texte contient plusieurs mesures qui semblent pertinentes, comme la labellisation de « syndic d’intérêt collectif », la possibilité pour les copropriétaires de souscrire à des prêts collectifs, une amélioration et une facilitation des procédures d’expropriation et d’intervention sur le bâti, avec une attention particulière portée aux résidents, et des peines plus lourdes contre les marchands de sommeil. Une plus grande vigilance et une fermeté accrue à l’égard des syndics défaillants sont aussi indispensables ; plusieurs de nos amendements visent à aller dans ce sens.

Ce texte exprime des intentions louables, qui laissent penser que dans quelques années l’habitat dégradé sera derrière nous. Pourtant, la marche est haute, et l’ascenseur semble toujours en panne : 9 milliards d’euros de travaux seraient nécessaires, selon la Banque des territoires, mais le projet de loi est muet sur les moyens budgétaires mis à disposition pour intervenir.

Il y aura bien des prêts collectifs pour les copropriétaires, mais avec quel argent ? Il y aura peut-être des interventions publiques, mais avec quels moyens ? Il y aura sans doute davantage de procédures contre les marchands de sommeil, mais avec quels effectifs dans les tribunaux judiciaires ?

Il y a quelques jours, vous avez annoncé 10 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’État, dont 1 milliard pris sur MaPrimeRénov’. Le nouveau ministre du logement a, quant à lui, prévu de contourner la loi Climat et résilience en modifiant les critères du diagnostic de performance énergétique, laissant ainsi perdurer les passoires thermiques.

Alors, avec tout cela, qui ira dire aux mal-logés qu’ils peuvent attendre pour avoir un toit sur leur tête, pour allumer le chauffage sans se ruiner, ou pour vivre sans la crainte de voir leur balcon tomber sous leurs pieds ?

Trop de catastrophes sont déjà connues, à Marseille, à Paris, à Lille, ou encore à Grigny, avec la mort de la petite Solange dans l’incendie d’un logement indigne. La difficulté du quotidien, pour les 1,2 million de personnes qui vivent dans une copropriété dégradée, réduites à se dire que, au milieu des moisissures, sous des plafonds qui s’effritent avant, peut-être, de s’effondrer, on est déjà mieux qu’à la rue.

Nous espérons pouvoir voter ce projet de loi à l’issue des débats qui s’ouvrent. Nous prendrons nos responsabilités et nous souhaitons que le Gouvernement prenne les siennes, en donnant, enfin, des moyens pour répondre à cette crise du logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.  M. Christophe Chaillou applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 40 % des Français habitent un immeuble collectif. La qualité de cet habitat doit être une priorité de notre action politique.

Pourtant, l’habitat dégradé est un phénomène silencieux et massif, encore largement méconnu, qui n’est pas le problème de quelques villes pauvres ou quartiers prioritaires.

Je souhaite à cet égard saluer l’initiative de notre assemblée, qui a mis en œuvre une consultation des élus locaux sur la lutte contre l’habitat dégradé afin de mieux connaître les besoins de nos maires et leurs difficultés, et de recueillir leur avis et leurs suggestions sur les principales dispositions de ce texte.

Ainsi, le projet de loi qui nous a été soumis a pu être amendé de manière à le rendre plus juste et efficace, ainsi qu’à replacer avec pertinence les maires au cœur des politiques publiques du logement.

De fait, 58 % des maires interrogés ont ainsi déclaré avoir une ou plusieurs copropriétés dégradées dans leur commune. Deux tiers d’entre eux estiment que c’est une question importante, voire très importante.

Les copropriétés se retrouvent souvent en difficulté et se dégradent au point de nécessiter l’intervention des pouvoirs publics.

Leur rénovation est freinée par des difficultés inhérentes à l’habitat collectif, comme le coût élevé des travaux, l’impossibilité d’obtenir le soutien d’une majorité des copropriétaires réunis en assemblée générale, ou la concentration d’une population défavorisée dans certaines copropriétés.

Dans les grands ensembles, dans certains quartiers prioritaires ou dans des centres-villes anciens, ce problème peut prendre des proportions très importantes. De lourds moyens financiers et juridiques sont alors nécessaires pour y mettre un terme et éviter de mettre en danger les occupants et de faire le lit des marchands de sommeil.

Dans ce contexte, un tel projet de loi était plus qu’urgent.

Pourtant, au cours des trente dernières années, nous avons voté de nombreuses lois visant l’habitat dégradé.

Nous avons institué de nouveaux outils, parfois mal connus, dont le cumul rend l’utilisation de plus en plus complexe.

Du fait de l’importance des charges d’investissement, les délais de réhabilitation des immeubles se trouvent allongés, jusqu’à atteindre, parfois, quinze ou vingt ans. Les copropriétaires paupérisés se retrouvent alors dans l’impossibilité de payer leurs charges ou les travaux d’entretien, tandis que la valeur marchande des immeubles qui se dégradent ne cesse de baisser. Quant aux occupants, ils sont dans l’impossibilité financière de se loger ailleurs.

Tous les ingrédients sont donc réunis pour créer de l’habitat indigne, dont un million de Français sont aujourd’hui victimes. Pour nos concitoyens le mal-logement peut avoir de réels effets sur la santé, l’éducation, l’équilibre familial, l’insertion sociale et la vie professionnelle.

Nous attendons donc beaucoup de ce projet de loi : il faut redonner de la dignité aux personnes, il faut qu’elles puissent vivre dans des logements décents.

Je ferai plusieurs observations sur le projet de loi en lui-même.

S’agissant, tout d’abord, de l’intervention des collectivités et des opérateurs afin de lutter contre l’habitat indigne, je salue les travaux réalisés en commission pour leur donner, légitimement, des outils plus efficaces et plus rapides en vue de permettre une intervention plus précoce des pouvoirs publics, de la rendre moins coûteuse, mieux planifiée, et avec des relogements mieux anticipés et davantage inscrits dans le projet urbain. Je pense ici au syndic d’intérêt collectif et à l’emprunt global et collectif. Néanmoins, j’attends désormais que le Gouvernement s’engage à financer ce dernier, si nous ne voulons pas qu’il reste lettre morte.

Par ailleurs, nous relevons sur le terrain que les occupants de logement insalubre sont trop souvent laissés dans l’ignorance des procédures de rénovation et des actes qui les concernent.

Pour encore plus d’efficacité et d’opérabilité, le groupe du RDSE a déposé des amendements visant à mieux accompagner, protéger et informer les occupants de ces logements. J’entends ici exprimer notre volonté de simplifier l’accès à l’information des copropriétaires, en posant la dématérialisation comme principe, ou à communiquer le constat d’insalubrité aux copropriétaires en même temps qu’au préfet.

S’agissant de la problématique des marchands de sommeil, nous saluons le travail effectué en commission. Celle-ci s’est fondée sur le retour d’expérience des maires pour retenir, à titre préventif, plusieurs évolutions sur le permis de louer et le permis de diviser, facilitant ainsi leurs conditions de mise en œuvre et la lutte contre ces marchands de sommeil.

Je veux enfin signaler un point de vigilance concernant la procédure d’expropriation. Le nouvel outil envisagé est intéressant ; néanmoins, il ne résout pas l’un des plus gros points de blocage possible lors de la mise en place d’une telle procédure, à savoir celui du relogement des occupants, que ce soit à titre temporaire ou définitif, notamment dans les très grandes opérations, qui nécessitent le relogement simultané de centaines de ménages, principalement dans un parc social déjà saturé. Il s’agit d’un vrai frein pour certaines opérations ; d’ailleurs, plus de 90 % des maires ayant répondu à la consultation ont soulevé cette difficulté, y compris pour des opérations plus ponctuelles.

Pour autant, parce que ce texte répond à une demande et à un besoin urgent, parce qu’il vient compléter intelligemment les dispositifs existants, institués par le plan Initiative Copropriétés et par la loi Élan, les membres du groupe du RDSE voteront en sa faveur.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur du logement subit une crise majeure causée par de multiples facteurs : une crise de l’offre, avec une chute des permis de construire et des mises en chantier en 2023, mais également une crise de la demande, avec une baisse du pouvoir d’achat immobilier liée à la hausse des taux d’intérêt et au maintien des prix à des niveaux élevés.

Si, avec ce projet de loi, nous ne prétendons pas résoudre l’entièreté de la crise, l’ambition est néanmoins d’apporter notre pierre à l’édifice dans deux chantiers titanesques : la rénovation de l’habitat dégradé et les grandes opérations d’aménagement. En la matière, force est de constater que nous devons accélérer et simplifier. Tel est bien l’esprit de ce projet de loi.

Face au nombre croissant de copropriétés particulièrement fragiles et à la complexité des procédures, il nous appartient de faciliter et de simplifier la vie des acteurs de terrain, à commencer par nos élus locaux.

Grâce à ce projet de loi, les élus disposeront demain de nouvelles attributions bienvenues, leur permettant d’intervenir le plus en amont possible sur le bâti dégradé, afin d’éviter de multiplier les constructions délaissées. L’objectif est clair : plus de prévention, pour moins de dégradations.

Alors, comment les élus pourront-ils concrètement agir ?

D’abord, en cas d’urgence, lorsque des travaux entrepris engendrent des installations présentant un risque certain pour la sécurité ou pour la santé, et lorsque la mise en demeure sera restée sans effet, le maire pourra désormais procéder d’office à la réalisation des mesures prescrites aux frais du propriétaire. Cela va dans le bon sens : il n’est pas juste de laisser une personne en irrégularité exemptée de toute obligation.

Les maires pourront également s’appuyer sur un rapport des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) pour motiver leurs arrêtés de mise en sécurité.

Je pense également au fait de rendre destinataires du procès-verbal de l’assemblée générale de copropriété le maire, le président de l’EPCI compétent ou le préfet. En outre, ces acteurs pourront désormais participer à ces assemblées générales.

Nos concitoyens subissent parfois l’immobilisme de certaines entités ; je pense à des professionnels de l’immobilier, mais aussi à des propriétaires. Il est donc logique que les maires et les préfets puissent être présents et participer à ces moments décisifs dans la vie d’une copropriété dont le bâti s’est dégradé. Cela permettra aux acteurs de terrain d’être informés des situations territoriales afin d’agir le plus rapidement possible.

Ensuite, mes chers collègues, pour faire davantage de prévention, encore faut-il avoir réalisé le bon diagnostic du bâtiment.

En ce sens, l’article 8 bis apporte une solution. Il permet de définir dans le plan local d’urbanisme, communal ou intercommunal (PLU ou PLUi), des secteurs dans lesquels la réalisation d’un diagnostic global de structure sera obligatoire, une fois tous les dix ans, afin de mieux surveiller la dégradation du bâti et de pouvoir intervenir sans attendre une dégradation irrémédiable.

Je crois que nous pouvons saluer ces mesures, qui démontrent que le Gouvernement souhaite faire davantage confiance aux élus locaux en matière de simplification.

Mais les élus locaux ne sont pas les seuls acteurs de terrain. N’oublions pas, en effet, le rôle essentiel des copropriétaires, qui demandent, eux aussi, plus d’accompagnement, notamment pour la rénovation énergétique.

Or, si nous voulons réduire le nombre de copropriétés dégradées, nous devons faciliter la rénovation énergétique de tous les bâtiments.

Cependant, ces travaux souvent très onéreux nécessitent, la plupart du temps, l’octroi d’un prêt.

Grâce à l’article 2 du projet de loi, un nouveau type de prêt collectif sera créé pour les copropriétés, qui pourront désormais souscrire un tel prêt pour financer les travaux essentiels à la rénovation énergétique. Afin d’éviter les blocages, il est prévu que tout copropriétaire n’indiquant pas son refus de souscrire un emprunt sera supposé y adhérer. La mise en place de cet emprunt sera toutefois soumise à un vote des copropriétaires, à la majorité.

À ce propos, notre groupe défendra des amendements visant notamment à intégrer les caractéristiques de ce prêt collectif aux éco-prêts à taux zéro (éco-PTZ) souscrits au nom des syndicats de copropriétaires.

Mes chers collègues, ce texte permettra également de renforcer notre lutte contre un fléau qui gâche le quotidien de nombreux Français, celui des marchands de sommeil.

Là encore, toujours en matière de prévention, il me semble que ce texte met une solution pertinente à la main des collectivités pour anticiper les situations critiques et ainsi mieux protéger les habitants.

Je fais référence à la création d’une nouvelle procédure d’expropriation des immeubles qui sont dans un état de dégradation encore remédiable.

Aujourd’hui, l’expropriation de certains immeubles insalubres est certes possible, mais elle ne peut être mise en place que pour les immeubles ayant fait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement d’insalubrité ayant prescrit la démolition ou l’interdiction définitive d’y habiter.

Pour que l’expropriation s’applique, il faudra désormais que deux arrêtés de sécurité ou de salubrité aient été pris en l’espace de dix ans sans que les travaux prescrits aient été exécutés. N’oublions pas non plus la réalisation d’un plan de relogement lorsqu’une interdiction temporaire d’habiter est prononcée.

Avec cette nouvelle procédure, nous ferons davantage de prévention pour éviter les dégradations irréversibles imposant des démolitions coûteuses.

Nous éviterons surtout aux habitants le traumatisme d’un départ forcé de leur domicile, tout en économisant l’argent public et en renforçant l’efficacité de l’action de la puissance publique.

Enfin, la lutte contre les marchands de sommeil nécessite également de renforcer les sanctions.

Je salue en ce sens les mesures adoptées en commission visant à porter de dix à quinze ans la durée de l’interdiction d’acquisition d’un bien immobilier encourue par un marchand de sommeil.

Les débats permettront, sans aucun doute, de renforcer encore davantage notre arsenal juridique.

Notre groupe propose, au travers d’un amendement, de rétablir comme délit le fait de mettre à la disposition d’une personne, moyennant une contrepartie, un hébergement contraire à la dignité humaine. D’autres amendements que nous avons déposés visent à autoriser les maires à sanctionner le non-respect des dispositions de déclaration de mise en location ou à faciliter la sortie des indivisions en outre-mer.

Mes chers collègues, nos concitoyens attendent des mesures fortes en matière de logement. Avant que de futurs textes ne soient soumis au Parlement, nous avons aujourd’hui l’occasion de légiférer sur un enjeu essentiel pour nombre de Français, à savoir la rénovation du bâti dégradé.

Aussi, j’espère qu’à l’issue de nos débats, sans qu’ils stigmatisent jamais l’une ou l’autre des parties, les outils proposés dans ce projet de loi seront renforcés. Bien évidemment, notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il serait difficile de contester la nécessité de faire du chantier des copropriétés dégradées une cause nationale.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : on compte près de 400 000 logements indignes en métropole – la moitié sont occupés par leur propriétaire – et près de 150 000 en outre-mer.

Qu’il s’agisse de Marseille ou de Lyon, de Saint-Denis, de Villeurbanne, de Vaulx-en-Velin ou de tant d’autres villes, ce sont les maires socialistes qui ont inlassablement alerté sur l’urgence de la lutte contre l’habitat indigne.

Les procédures de traitement de l’habitat dégradé, en l’état actuel du droit, sont souvent très longues, laissant ainsi prospérer les marchands de sommeil et les situations à risque pour les occupants.

Dans les cas les plus graves, de telles situations conduisent à des effondrements ! Le drame survenu rue d’Aubagne à Marseille, le 5 novembre 2018, est resté dans toutes les mémoires. Pourtant, d’autres drames ont depuis lors eu lieu, à Lille en 2022, à Grigny, à Nanterre, à Paris ou à Stains en 2023. Une telle récurrence prouve qu’il y a urgence à agir.

À l’occasion de notre débat sur ce texte, j’ai une pensée pour Claude Dilain, ancien sénateur et maire de Clichy-sous-Bois ; certains d’entre vous ici l’ont peut-être connu. La lutte contre l’habitat indigne était au cœur de son engagement et de son action politique. En 2013, il a rendu un rapport sur le logement dégradé intitulé Copropriétés en danger. Ses travaux ont largement nourri le volet de lutte contre l’habitat indigne de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur. Dix ans plus tard, c’est encore ce sujet qui nous réunit !

Ainsi, dans la loi de 2014, plusieurs mesures ont déjà renforcé l’arsenal législatif en la matière, mais force est de constater qu’elles demeurent insuffisantes. En tant que législateur, il était donc de notre devoir de doter au plus vite les collectivités de moyens supplémentaires et renforcés pour lutter contre ce phénomène, qui menace notre cohésion sociale.

Je tiens à saluer le travail de Mme la rapporteure, qui a simplifié et amélioré ce texte dans un temps très contraint. Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain l’ont aussi amélioré en commission. Aussi, je remercie Mme la rapporteure d’avoir tenu compte de nos amendements, particulièrement de ceux qui ont pour objet les aides aux collectivités.

En effet, en prenant appui sur le rapport de Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, et de Michèle Lutz, maire de Mulhouse, nous avions en tête trois objectifs : la consolidation, pour les rendre véritablement opérationnels, des outils à disposition des maires ; la prévention des dégradations le plus en amont possible ; le renforcement de la protection des locataires et occupants.

Nous avons ainsi étendu les compétences de la commune pour le permis de louer, en introduisant le transfert de la compétence pour le recouvrement des amendes relatives au permis de louer aux communes et aux EPCI. Par ailleurs, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) pourra mettre à disposition des collectivités territoriales les biens à titre gratuit.

Le texte crée aussi une nouvelle procédure d’expropriation, calquée sur la procédure instituée par la loi de 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre, dite loi Vivien, pour les immeubles dont l’état est critique, mais qui peuvent encore être sauvés. Il s’agit donc de rénover plutôt que de démolir.

Nous avons également instauré un droit au relogement pérenne pour les occupants qui ne pourront pas réintégrer leur habitat initial, et une obligation de relogement définitif, si les travaux ne sont pas réalisés.

Nous avons introduit une sanction en cas de refus d’établir un bail écrit ou de remettre une quittance. Nous avons également élargi les mesures de protection des occupants dès le début de la procédure contradictoire contre des menaces ou congés abusifs de la part de propriétaires.

Je souligne aussi l’ajout de la rénovation de l’habitat dégradé dans les missions de l’ANCT pour mieux accompagner les maires qui ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire pour intervenir dans les petites copropriétés.

Je pense également à l’extension à quinze ans de l’interdiction d’acquisition d’un bien immobilier qui est encourue par un marchand de sommeil.

Néanmoins nous demeurons vigilants sur certains points, dont nous ne manquerons pas de débattre durant la discussion des articles. Par exemple, si je me félicite de la création du prêt collectif, la question du fonds de garantie pour l’ensemble des travaux de rénovation des copropriétés en difficulté doit être reposée. D’ailleurs, c’est ce que recommandait le rapport de la Banque des territoires sur le financement des travaux des copropriétés dégradées.

Mes chers collègues, il me semble nécessaire de faire en sorte que ce texte permette d’assurer de véritables suivis en amont des logements en déshérence, mais aussi en cours de réhabilitation.

À ce titre, il faut donner aux élus locaux et aux préfectures les moyens pour ce faire et de renforcer les procédures de contrôle à leur disposition.

Par ailleurs, gardons toujours à l’esprit qu’il faut accompagner les occupants de logements dégradés et non leur faire porter la responsabilité exclusive des signalements !

Les débats qui s’ouvrent aujourd’hui nous permettront donc, je l’espère, de perfectionner encore ce texte, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.  Mme Antoinette Guhl et M. Ian Brossat applaudissent également.)