Sommaire

Présidence de M. Dominique Théophile

Secrétaires :

M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

1. Procès-verbal

2. Modification de l’ordre du jour

3. Candidature à une commission d’enquête

4. Rappel au règlement

Mme Nathalie Goulet

5. Condamnés terroristes et lutte antiterroriste. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Guy Benarroche

M. Ian Brossat

M. Michel Masset

Mme Patricia Schillinger

Mme Corinne Narassiguin

M. André Reichardt

M. Aymeric Durox

M. Louis Vogel

M. Philippe Bonnecarrère

M. Francis Szpiner

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 31 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 47 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er bis (nouveau)

Amendements identiques nos 12 de M. Guy Benarroche, 28 de M. Ian Brossat et 32 de M. Jérôme Durain. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 48 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er ter (nouveau)

Amendement n° 46 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 33 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 2

Amendement n° 1 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.

Amendement n° 13 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 3

Amendements identiques nos 14 de M. Guy Benarroche et 34 de M. Jérôme Durain. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 5 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4 – Adoption.

Article 5 (supprimé)

Article 6 – Adoption.

Article 7

Amendement n° 15 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 35 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 25 de M. Ian Brossat. – Rejet.

Amendement n° 49 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 7 bis (nouveau)

Amendements identiques nos 16 de M. Guy Benarroche et 36 de M. Jérôme Durain. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 50 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 7 ter (nouveau)

Amendement n° 45 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 7 quater (nouveau)

Amendement n° 17 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 8

Amendements identiques nos 26 de M. Ian Brossat et 37 de M. Jérôme Durain. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 27 de M. Ian Brossat. – Rejet.

Amendement n° 51 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 18 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 8

Amendement n° 2 de Mme Nathalie Goulet. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 11 de Mme Nathalie Goulet. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 9

Amendements identiques nos 19 de M. Guy Benarroche, 29 de M. Ian Brossat et 38 de M. Jérôme Durain. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 23 rectifié bis de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Adoption.

Amendement n° 6 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 10

Amendements identiques nos 20 de M. Guy Benarroche et 30 de M. Ian Brossat. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 10 bis (nouveau)

Amendements identiques nos 21 de M. Guy Benarroche et 41 de M. Jérôme Durain. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 24 rectifié bis de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 11

Amendements identiques nos 22 de M. Guy Benarroche et 39 de M. Jérôme Durain. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 11 bis (nouveau)

Amendement n° 52 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 12

Amendement n° 43 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 13 (supprimé)

Article 14 – Adoption.

Article 15

Amendement n° 44 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.

Amendement n° 7 rectifié de M. André Reichardt. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 15

Amendement n° 9 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.

Article 15 bis (nouveau)

Amendement n° 53 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Article 15 ter (nouveau)

Amendement n° 40 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 42 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 15 ter

Amendement n° 10 rectifié de M. Hervé Marseille. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 16 – Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion.

Suspension et reprise de la séance

6. Accompagnement humain des élèves en situation de handicap. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi

Mme Anne Ventalon, rapporteure de la commission de la culture

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

M. Gérard Lahellec

M. Bernard Fialaire

Mme Samantha Cazebonne

Mme Marie-Pierre Monier

M. Philippe Mouiller

Mme Laure Darcos

Mme Annick Billon

Mme Monique de Marco

M. Christian Bruyen

Mme Else Joseph

Mme Catherine Vautrin, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Max Brisson

Mme Catherine Vautrin, ministre

Mme Annick Billon

Mme Françoise Gatel

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 1 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Retrait.

Adoption de l’article.

Vote sur l’ensemble

M. Cédric Vial

M. Max Brisson, vice-président de la commission de la culture

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

7. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une commission d’enquête

compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu du nombre d’amendements déposés sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, nous pourrions, en accord avec les commissions concernées et le Gouvernement, et après concertation avec les groupes politiques, siéger éventuellement ce soir afin de terminer l’examen des textes inscrits à notre ordre du jour.

Nous pourrions toutefois poursuivre nos débats jusqu’à vingt et une heures s’il apparaissait possible de terminer l’examen de ces textes sans suspendre la séance.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

3

Candidature à une commission d’enquête

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Mme Nathalie Goulet. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 du règlement du Sénat.

Mes chers collègues, le nom de Mohammad Ghobadlou ne vous dit probablement rien ; ce jeune Iranien a été pendu ce matin pour avoir manifesté dans le cadre du mouvement « Femme, Vie, Liberté ». Il fait partie des très nombreuses victimes du régime iranien.

À la suite du dépôt de deux propositions de résolution – l’une par moi-même, l’autre par François Patriat, chacune soutenue par nombre de nos collègues et nos groupes respectifs –, la commission des affaires européennes et celle des affaires étrangères avaient adopté une résolution européenne en soutien au mouvement populaire iranien, devenue résolution du Sénat.

Ma proposition de résolution européenne visait à instaurer plusieurs sanctions contre le régime iranien ; cet objet n’est pas sans lien avec celui de la proposition de loi relative au terrorisme dont nous allons débattre dans un instant. Le rapporteur comme les deux commissions saisies ont pourtant estimé qu’il n’était pas temps d’inscrire les gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes.

Depuis, il y a eu le 7 octobre et la contribution de la République islamique d’Iran aux pogroms orchestrés par le Hamas ; depuis, il y a eu les attaques en mer Rouge et la contribution de la République islamique d’Iran à l’entreprise de destruction de la stabilité internationale par les Houthis.

Le moment est donc peut-être venu de remettre à l’ordre du jour la résolution votée par nos deux commissions afin d’envisager des sanctions à l’égard de la République islamique d’Iran, dont je vous rappelle qu’elle préside le Conseil des droits de l’homme de l’ONU – je ne sais vraiment pas dans quel monde nous vivons ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Ian Brossat et Joshua Hochart applaudissent également.)

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Discussion générale (suite)

Condamnés terroristes et lutte antiterroriste

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (proposition n° 202, texte de la commission n° 259, rapport n° 258).

Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste que nous vous présentons est aujourd’hui indispensable.

C’est d’abord le maintien de la menace terroriste à un niveau très élevé, ainsi que l’évolution de ses formes, qui la rendent nécessaire.

Les récents attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim ont malheureusement révélé notre vulnérabilité face à des attaques terroristes d’autant plus difficiles à combattre qu’elles sont désormais perpétrées par des personnes que l’on peut qualifier de « loups solitaires ». Dans les deux cas, nous nous sommes en effet trouvés confrontés à des individus isolés, qui ne s’étaient jamais rendus dans la zone syro-irakienne et dont l’action n’était pas soutenue par un réseau djihadiste organisé.

Ces réseaux ont d’ailleurs tiré toutes les conséquences de cette évolution en recentrant leur action sur l’endoctrinement, directement sur notre sol, d’individus incités via les réseaux sociaux à commettre des actes de terrorisme.

En l’état du droit, il est particulièrement ardu, pour les services de renseignement, de surveiller efficacement ces individus, qui se sont souvent radicalisés en ligne et dont le passage à l’acte est imprévisible. Ces personnes se situent par ailleurs dans un angle mort du droit pénal jusqu’au jour de leur passage à l’acte, puisque, vous le savez, le recel d’apologie du terrorisme n’est aujourd’hui pas sanctionné.

L’intensification de la problématique des sortants de prison contribue également au maintien de la menace à un niveau élevé.

Les chiffres sont sans appel : depuis l’été 2018, 486 détenus islamistes sont sortis de détention, selon la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ; environ 50 % d’entre eux restent engagés dans une idéologie radicale. Cette dynamique ne peut aller qu’en s’accentuant, avec près de 70 libérations programmées dans les deux prochaines années et, surtout, les premières remises en liberté d’individus condamnés à de lourdes peines pour des faits de terrorisme.

Nous ne pouvons pas non plus éluder la question des mineurs radicalisés, qui prend chaque année un peu plus d’ampleur. Je ne donnerai qu’un seul exemple : en 2023, 19 mineurs ont été déférés à la justice pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste. Il s’agit en la matière du troisième chiffre le plus élevé depuis 2012. Les services constatent par ailleurs une évolution préoccupante des profils, avec des individus plus jeunes et présentant des projets d’attentat relativement aboutis.

Dans ce contexte, propice aux débordements de tout genre, nous devons agir comme nous l’avons toujours fait au Sénat, avec à la fois sang-froid et responsabilité, sans renoncer à notre rôle traditionnel de gardien des libertés publiques.

Soyons clairs : avec ce texte, nous ne voulons pas révolutionner la législation antiterroriste. Cela serait d’ailleurs peu judicieux, voire dangereux, à six mois d’une échéance telle que celle des jeux Olympiques.

Notre approche est beaucoup plus pragmatique : nous nous appuyons exclusivement – j’insiste sur ce point – sur les retours d’expérience et les besoins exprimés par les acteurs de terrain, judiciaires comme administratifs. Il s’agit de gommer les imperfections et les lacunes du cadre législatif actuel. En d’autres termes, nous entendons, dans le strict respect des libertés publiques, donner à nos forces de sécurité tous les moyens juridiques nécessaires à un combat efficace contre les nouvelles expressions de la menace terroriste.

Le premier volet de notre proposition de loi rénove le régime des mesures judiciaires de sûreté applicables aux terroristes sortant de détention. C’est en effet peu dire que la mesure de prévention de la récidive terroriste récemment mise en place n’a pas abouti : elle n’a pu être mise en œuvre qu’à une seule reprise, tant les critères de son édiction sont déconnectés de la réalité des profils observés sur le terrain.

Nous avons donc souhaité réintroduire une mesure hybride, déjà votée par deux fois dans cet hémicycle, mêlant suivi et surveillance judiciaire, et dont les critères de prononcé sont plus souples.

De la même manière, la proposition de loi étend le champ d’application de la rétention de sûreté en raison de troubles psychiatriques graves aux criminels terroristes et crée un nouveau régime de rétention de sûreté réservé aux condamnés terroristes encore engagés dans une idéologie radicale. L’objectif est simple : éviter à tout prix les « sorties sèches » – selon l’expression consacrée – de condamnés terroristes n’ayant pas renoncé à leur projet mortifère.

Le deuxième volet de notre proposition de loi prend à bras-le-corps la question de la prise en charge des mineurs radicalisés, selon un principe cardinal : l’accompagnement autant que nécessaire, la sanction dès que nécessaire.

Ainsi, l’article 3 renforce l’arsenal mis à la disposition des juges des enfants dans les dossiers à caractère terroriste, en étendant les possibilités de placement sous contrôle judiciaire ou en centre éducatif fermé, d’assignation sous bracelet électronique, ou de détention provisoire.

En ce qui concerne l’accompagnement, notre proposition de loi reprend notamment une proposition formulée, dès 2017, par nos anciennes collègues Esther Benbassa et Catherine Troendlé : pour éviter les ruptures d’accompagnement à la majorité, on autorise une poursuite de la prise en charge de ces jeunes par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Par le troisième volet de notre proposition de loi, nous entendons mettre la législation antiterroriste en adéquation avec les nouveaux modes opératoires observés sur le terrain. Pour ce faire, nous estimons incontournable l’introduction dans notre droit d’une nouvelle forme de délit de recel d’apologie du terrorisme, ainsi que d’une peine complémentaire de « bannissement numérique » et d’interdiction de paraître ; cette peine serait distincte des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas).

Selon nous, tous ces instruments redonneront aux services des marges de manœuvre face à des individus qui sont objectivement très dangereux, mais ne peuvent, en l’état du droit, faire l’objet de poursuites pénales en amont de leur passage à l’acte.

La régulation de l’accès à l’espace numérique de condamnés terroristes est également une mesure de bon sens, tant les réseaux sociaux sont désormais, dans ce domaine comme dans d’autres, le premier vecteur de radicalisation.

Enfin, notre proposition de loi ajuste plusieurs dispositifs antiterroristes qui, à l’épreuve de la pratique, présentent des limites opérationnelles. C’est le cas de la procédure d’autorisation d’achat de fournitures sous pseudonyme, dont les lourdeurs actuelles limitent singulièrement l’efficacité pour les services. Je pense également à la modernisation des critères permettant la dissolution administrative des associations ou groupements de fait.

Je remercie le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, pour l’important travail qu’il a réalisé pour la commission des lois sur cette proposition de loi, travail dont il vous présentera les résultats dans quelques instants.

Je crois que nous partageons tous ici le même objectif, et nous pouvons nous en réjouir. La commission des lois et le Sénat dans son ensemble ont toujours répondu présents lorsqu’il a fallu réformer la législation antiterroriste. Il est vrai que nous nous sommes parfois heurtés à la jurisprudence du Conseil constitutionnel…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est embêtant…

M. François-Noël Buffet. … et que les conditions de l’équilibre requis ne sont parfois pas aisées à discerner. Tenir la ligne de crête entre proportionnalité des mesures et efficacité de la lutte antiterroriste requiert d’unir nos efforts.

C’est pourquoi nous avons tenu à impliquer au maximum les acteurs de terrain, pour être au plus près de leurs besoins, et à prendre en compte dès que cela était possible – j’insiste sur ce point – tous les indices laissés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions antérieures.

Mes chers collègues, chacun d’entre nous sait que le contexte actuel se caractérise par des enjeux dont la gravité est avérée, comme nous pouvons le constater, à longueur de journaux télévisés, au vu des événements dramatiques qui surviennent. L’intensité de la menace terroriste – le ministre de l’intérieur ne me démentira pas, bien évidemment – et son évolution nous imposent de rester unis et de prendre collectivement nos responsabilités.

C’est ce que nous essayons de faire avec cette proposition de loi, qui s’inscrit dans une temporalité particulière.

Au-delà des dispositions nécessaires pour renforcer notre arsenal juridique dans le droit positif, il faut souligner que cette proposition de loi est examinée alors que nous accueillerons prochainement en France un événement considérable, d’envergure mondiale : les jeux Olympiques et Paralympiques. Naturellement, ce seul argument n’est pas suffisant, mais les outils que nous avons prévus sont absolument nécessaires pour permettre à nos services de mener à bien leur mission pendant cette période.

Pour finir, je veux dire que Marc-Philippe Daubresse a apporté des corrections au texte et a même supprimé des articles dont il a considéré qu’ils étaient non opérants, ce qui – j’en conviens – était parfaitement légitime.

Messieurs les ministres, il me semble – j’espère que vous le confirmerez ! – que vous approuvez la grande majorité des objectifs assignés à ce texte et des moyens choisis pour les atteindre. C’est pourquoi il me paraît important de reconnaître l’urgence en engageant la procédure accélérée sur ce texte afin que le travail législatif soit plus rapide. Il serait en effet de notre intérêt – un intérêt collectif, partagé et bien compris – que cette proposition de loi soit promulguée le plus rapidement possible, en tout cas avant les événements de l’été prochain.

Je ne veux pas mettre de pression sur qui que ce soit, mais il serait quand même dommage que nous ne puissions pas bénéficier des mesures et des moyens proposés pour protéger encore mieux tous ceux qui seront dans notre pays afin de profiter de ces événements, car nous savons que le risque terroriste est plus qu’avéré et permanent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère et Joshua Hochart applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, déposée par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, qui vient de nous la présenter, ainsi que par les présidents de groupe Bruno Retailleau et Hervé Marseille.

Les tragiques attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim ont nourri leur réflexion, en vue d’apporter une réponse plus adaptée à de tels actes. La proposition de loi vise à combler plusieurs « trous dans la raquette », des lacunes de la législation pénale en vigueur, et à octroyer aux pouvoirs publics les moyens judiciaires et administratifs indispensables à une lutte antiterroriste efficace.

Sur le fond, la commission des lois accueille favorablement ce texte, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat. Il est, comme j’ai pu le constater au cours de mes auditions, le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie des observations et des propositions des acteurs de terrain de la lutte antiterroriste.

Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ces sujets, au sein de la commission des lois, au cours des trois ou quatre dernières années ; nous avons déjà fait des propositions qui allaient dans le même sens.

Ce texte a le mérite de présenter un dispositif cohérent. En effet, si le législateur a renforcé l’arsenal antiterroriste au cours des dernières années, il s’est concentré, comme l’a souligné M. Buffet, sur les menaces exogènes. Nous nous sommes surtout intéressés, jusqu’à présent, à la répression et au régime des peines, sans anticiper la question du suivi à l’issue de l’exécution de la peine, alors même que nous savions que certaines des personnes sortant de prison sont – le procureur antiterroriste le dit lui-même – des menaces potentielles.

Aujourd’hui, la menace terroriste est devenue endogène : elle a donc un caractère plus imprévisible qu’auparavant. Les attaques sont désormais perpétrées non plus par des groupes armés, mais par des individus solitaires, qui ne bénéficient pas de l’appui de réseaux djihadistes très organisés, mais se sont radicalisés sur les réseaux sociaux et ont recours, le plus souvent, à des armes blanches en vente libre.

Nous sommes donc dans une situation peu satisfaisante : les individus condamnés pour des faits de terrorisme sont aujourd’hui les plus suivis en détention, y compris sur le plan psychiatrique, mais les moins accompagnés à compter de leur libération. En outre, les « loups solitaires », dont certains sont mineurs, profils qui représentent désormais l’écrasante majorité des individus suivis par les services de renseignement, adoptent des comportements et des modes opératoires mal appréhendés par le droit pénal : autoradicalisation en ligne, détention de centaines d’images de crimes et d’apologie du terrorisme, etc.

Bien entendu, l’arsenal législatif est déjà très important. Pour autant, comme me l’ont indiqué, à la quasi-unanimité, les acteurs compétents, les outils tant judiciaires qu’administratifs se révèlent incomplets et inadaptés à l’enjeu.

Enfin, les événements à venir dans notre pays ne font que renforcer l’acuité de ces problèmes.

La proposition de loi soumise à l’examen de notre Haute Assemblée n’a pas pour objet de bouleverser les équilibres construits au cours des dernières années. Elle vise principalement à consolider cet édifice juridique et à remédier aux lacunes que je viens d’évoquer, qui ont été mises au jour par les récents attentats.

Les dispositions initiales de la proposition de loi présentée par François-Noël Buffet ont reçu, dans leur grande majorité, notre assentiment.

Avec l’ensemble des acteurs de la lutte antiterroriste que nous avons auditionnés, nous sommes en effet convaincus qu’il est nécessaire de corriger certaines dispositions pénales afin d’en améliorer l’efficacité et l’opérationnalité.

Nous avons apporté une attention particulière à l’équilibre entre, d’une part, l’opérationnalité et l’efficacité des mesures et, d’autre part, la garantie des droits et libertés constitutionnels. En liaison avec les acteurs concernés, nous sommes parvenus à un texte dont l’équilibre est harmonieux et pesé au trébuchet. Je serai donc défavorable aux amendements tendant à supprimer un article ou certaines de ses dispositions, pour ne pas rompre cet équilibre qui fut difficile à trouver.

S’agissant des mesures judiciaires de sûreté, déjà évoquées par M. Buffet, la commission les a fait évoluer sur trois points.

Compte tenu du bilan non concluant du déploiement de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste – une seule personne se l’est vu appliquer –, il est indispensable de garantir son adéquation aux profils des individus concernés.

La définition de l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste est déjà très exigeante ; les critères de dangerosité de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste le sont presque autant, ce qui rend cette mesure quasiment inapplicable. C’est pourquoi nous avons reformulé les critères, pour viser une probabilité élevée de récidive et une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, plutôt qu’une probabilité très élevée et une adhésion persistante à ces idéologies.

Soucieux de garantir la proportionnalité de la mesure et d’éviter de fragiliser le dispositif éprouvé des Micas – les services secrets ont insisté, à raison, sur ce point –, nous avons contrebalancé cet élargissement par l’ajout de plusieurs garanties. D’une part, nous avons renforcé le volet de réinsertion et d’accompagnement, en permettant aux juges de l’application des peines de prononcer une injonction de soins pour certains profils. D’autre part, nous avons exclu du contenu de la mesure élargie les trois mesures de surveillance particulièrement attentatoires aux libertés que sont l’interdiction de paraître en certains lieux, l’obligation d’établir son domicile en un lieu donné et l’interdiction de port d’une arme ; rappelons que ces mesures figurent déjà dans bien d’autres dispositifs, en particulier les Micas.

De la même manière, la commission a limité le champ des mesures de rétention de sûreté aux seuls individus condamnés pour des crimes terroristes à des peines supérieures ou égales à quinze ans de prison.

En ce qui concerne le volet administratif, nous avons souhaité maintenir le caractère obligatoire d’une autorisation judiciaire préalable pour les opérations d’achat effectuées par des enquêteurs sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites.

Par ailleurs, nous avons choisi de substituer à l’interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre d’une Micas une interdiction de paraître autonome, moins attentatoire aux libertés individuelles et plus facile à mettre en œuvre, notamment dans la perspective des jeux Olympiques.

Enfin, en matière de dissolution des associations et des groupements, il nous est apparu plus opportun de consacrer dans la loi la récente définition de la provocation énoncée par le Conseil d’État et d’instituer un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l’objet d’une telle procédure, pour faire échec à leurs stratégies de revente de leurs biens.

En matière pénale, la commission s’est attachée à renforcer la cohérence judiciaire du texte et à améliorer la pénalisation de certains comportements particulièrement dangereux.

Nous avons ainsi réécrit la définition de l’infraction réprimant la détention de contenus apologétiques, afin de l’entourer d’une série de garanties permettant d’en assurer la constitutionnalité. Pour ce faire, nous avons restreint le champ d’application de l’infraction par deux moyens : d’une part, en introduisant un critère de gravité restreint, en ne sanctionnant que la détention des contenus les plus graves ; d’autre part, en le complétant d’un élément intentionnel : l’infraction ne serait constituée qu’à condition que l’adhésion de l’auteur à un ou plusieurs crimes terroristes soit manifeste.

Nous avons ainsi tiré les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel, qui portait sur une création jurisprudentielle exprimant une interprétation extensive de ce délit : tel n’est pas le choix du Sénat.

En outre, forte des propositions des acteurs judiciaires et administratifs, la commission a souhaité introduire dans le texte des mesures additionnelles.

Je pense en particulier à l’intégration au délit d’apologie du terrorisme de la diffusion, dans certains cas de figure, de contenus apologétiques sur les réseaux privés de communication.

Je pense également à l’obligation d’information du procureur de la République en cas de demande de changement de nom d’une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste.

Je pense enfin au renforcement des informations communiquées aux préfets s’agissant de soins délivrés, sans leur consentement, à des personnes radicalisées, ou aux autorités académiques s’agissant des personnes scolarisées mises en examen ou condamnées pour une infraction terroriste.

Enfin, mes chers collègues, pour tenir compte des observations de plusieurs d’entre vous sur certains points, je vous proposerai d’adopter quelques amendements qui visent à consolider les avancées déjà votées en commission des lois.

Par ailleurs, j’ai revu la notion d’« inconduite notoire » en prenant en considération les observations pertinentes de plusieurs d’entre vous. L’intention du procureur antiterroriste en la matière était justifiée, mais la formulation était inadaptée : je vous présenterai donc un amendement tendant à la modifier.

Nous défendrons également un amendement systématisant l’information des procureurs en cas de demande de changement de nom d’un condamné terroriste.

Par ailleurs, nous donnerons un avis favorable sur les amendements de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio qui visent à accélérer les procédures devant la commission d’expulsion et à garantir le maintien en centre de rétention administrative de tout étranger mis en cause pour des faits de terrorisme.

Enfin, nos collègues Hervé Marseille et Nathalie Goulet proposent des avancées en matière de lutte contre le financement du terrorisme et de sécurisation, au moyen de technologies nouvelles, des grands événements. Nous y serons favorables.

Pour conclure, je souhaite rappeler, à l’instar de François-Noël Buffet, que le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité face au défi du terrorisme. Dès 2014, la commission des lois a pris l’initiative de plusieurs évolutions législatives, qui ont permis de renforcer considérablement l’arsenal pénal, dans le strict respect des libertés individuelles.

C’est ce même état d’esprit qui doit aujourd’hui nous guider et nous amener, collectivement, à approuver ce texte. Doter les pouvoirs publics de nouveaux moyens adaptés à la prise en charge des nouveaux visages de la menace terroriste est une priorité pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par vous présenter mes vœux, en espérant que 2024 soit aussi une bonne année pour votre assemblée.

« Partisans d’une haine sans espoir »,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Malraux !

M. Gérald Darmanin, ministre. … c’est ainsi en effet, monsieur le garde des sceaux, qu’André Malraux décrivait, au fil de ses écrits, le point commun des divers visages du terrorisme. Il exprimait également dans Les Conquérants cette évidence que « la réussite d’une action terroriste dépend de la police qu’elle trouve en face d’elle ».

Tel est bien l’objet de la proposition de loi que vous nous présentez, monsieur le président de la commission des lois : que les actions terroristes échouent parce que nous aurons été bien préparés, en particulier dans le contexte d’une menace terroriste qui, dans l’actualité récente, s’est de nouveau révélée douloureuse pour notre pays et pour le monde occidental.

Pour que vous puissiez débattre et légiférer en toute connaissance de cause, pour que ce texte puisse utilement compléter notre dispositif, je commencerai par dire un mot de l’état actuel de cette menace.

Cette année est particulière, puisque la France accueillera non seulement les jeux Olympiques et Paralympiques – cela n’arrive qu’une fois par siècle ! –, mais également les cérémonies du quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence.

Ces grands événements rassembleurs qui se tiendront sur notre sol pourraient, parce qu’ils sont symboliques et télévisés, donner lieu à la commission d’actes de terreur. La menace terroriste demeure très élevée dans notre pays. Depuis un an et demi, je n’ai cessé de le dire aux Français.

Ainsi, depuis 2012, la France a subi 25 attaques terroristes, qui ont causé 273 morts et des centaines de blessés. Depuis que j’ai l’honneur d’être ministre de l’intérieur – cela fera bientôt quatre ans –, 12 attentats djihadistes ont été déjoués, auxquels il faut ajouter 6 attaques liées à l’ultradroite et à l’ultragauche. Quant aux 10 derniers attentats perpétrés en France depuis 2020, ils ont causé la mort de 11 personnes et en ont blessé 16 autres.

Vous l’avez dit, monsieur le président de la commission des lois, l’année 2023 fut particulièrement meurtrière. En effet, après dix-neuf mois sans attentat, un radicalisé a assassiné sauvagement un enseignant, à Arras, le 13 octobre dernier. Le 2 décembre, un partisan de l’État islamique a tué un passant à Paris, dans le quartier du pont de Bir-Hakeim.

Cette récente vague d’attentats n’a pas épargné l’Europe. Je citerai plus particulièrement la Belgique, touchée le 16 octobre dernier, dans le contexte, propice au passage à l’acte, du conflit israélo-palestinien. Ce dernier déclenche des réactions à travers le monde ; c’est l’un des aspects de la menace endogène que nous subissons.

En effet, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, la menace actuelle, qui exige de faire preuve d’une grande vigilance, est d’abord endogène : elle est parmi nous. Ce sont en effet souvent des Français ou des étrangers présents depuis longtemps sur notre sol, inspirés ou influencés par la propagande djihadiste, qui sont le plus enclins à passer à l’acte.

Ces terroristes de l’intérieur agissent souvent de leur propre chef et, depuis 2018, ils sont très autonomes par rapport aux mouvements terroristes connus ; c’est un changement radical par rapport à ce que nous connaissions jusqu’alors. Cela étant, on observe à présent quelques éléments de divergence par rapport à cette dynamique : depuis un an, on assiste à un regain d’affiliation explicite à des organisations terroristes extérieures, comme l’État islamique.

Autre fait nouveau, déjà souligné : si les terroristes sont influencés par des contenus de propagande islamiste sur internet, ils sont également perméables à d’autres discours de haine, de violence et de négation des valeurs républicaines. Nous sommes passés d’une radicalisation dans des lieux de culte, que nous avons largement fait fermer, à une radicalisation sur internet ; nous sommes passés d’organisations associatives financées par l’extérieur à un séparatisme plus insidieux.

Le succès de ces discours sur les réseaux sociaux mobilise désormais des profils extrêmement jeunes et va bien au-delà de la mouvance radicale traditionnelle. Pour vous donner un ordre de grandeur, sachez que plus de la moitié des personnes impliquées dans un projet d’attentat depuis 2021 avaient moins de 20 ans. Le rajeunissement et l’isolement des individus auxquels font face les services de renseignement, notamment la DGSI, représentent un changement profond dans les caractéristiques des loups solitaires que nous connaissions.

Ces individus, souvent isolés socialement, mais très connectés virtuellement, sont des jeunes scolarisés qui complètent leur radicalisation par de mauvaises fréquentations ou, pour 30 % d’entre eux, souffrent d’une instabilité psychiatrique. Ce dernier point justifie le recours plus systématique des services de renseignement et de police à l’aide de professionnels de la psychiatrie pour les éclairer, mieux évaluer les risques et mieux en prendre en charge les individus en question. C’est évidemment un défi au moment où la santé mentale en France connaît par ailleurs des difficultés profondes.

Toutefois, la folie n’explique pas tout et il est évident que les discours se nourrissent d’abord de la thématique du « blasphème » – je ne fais pas mien ce terme – liée à la réédition des caricatures de Mahomet, comme on l’a vu en France, en Suède et au Danemark, ou de la thématique de l’« islamophobie » – j’insiste là encore sur les guillemets –, largement instrumentalisée ; ces thématiques font basculer dans la violence des individus plus difficilement détectables, obligeant tous les policiers et les gendarmes à rester sur le qui-vive. Les images de Gaza, les détournements, les fake news, mais aussi les drames que connaissent les musulmans à travers le monde sont des déclencheurs pour tous ceux qui, en France, souhaitent avoir une excuse pour passer à l’acte.

Le milieu carcéral – vous le savez mieux que personne, monsieur le garde des sceaux – demeure aujourd’hui un défi pour la sécurité nationale, mais le terrorisme piloté de l’étranger en est un autre, d’autant qu’il connaît un regain depuis dix-huit mois. Nous pensons en effet que, si des organisations islamiques comme l’État islamique, Daech, n’ont plus les moyens de perpétrer des attentats du type de ceux de 2015 ou de 2016, ils en ont toutefois toujours l’intention. Nous voyons ainsi refleurir des publications, des financements, des sélecteurs et parfois des proxys, qui poussent les services de renseignement européens, notamment français, à envisager de nouveau une menace exogène.

Vous le savez, la résurgence du conflit israélo-palestinien est très largement exploitée par la propagande djihadiste et de récentes publications de l’État islamique appellent à cibler Israël et les juifs partout sur le territoire européen et notamment en France, qui accueille la première communauté juive d’Europe.

Enfin, aux terroristes islamistes présents à l’intérieur de nos frontières, qu’ils soient ou non pilotés de l’étranger, s’ajoutent des menaces exacerbées par d’autres idéologies ; en effet, si le terrorisme islamiste est le principal de nos ennemis, il n’est pas le seul.

Il y a d’abord le terrorisme d’ultradroite, qui prospère depuis 2020. Il est porté par des réseaux subversifs et par des cellules dépendant de mouvements mondiaux, mais aussi par des acteurs isolés, endogènes, comme c’est le cas de la menace islamiste. Les accélérationnistes, mais aussi tous ceux qui s’inscrivent dans le monde survivaliste, sont particulièrement préoccupants. L’ultradroite est très armée, beaucoup plus que le reste de la population, et très connectée, grâce à des relais sur internet. Elle aussi instrumentalise les crises internationales ; je pense bien sûr au conflit israélo-palestinien, mais également au conflit ukrainien, dont reviennent certaines personnes.

La menace de l’ultragauche existe également. Nier son existence serait une erreur, une entorse à la vérité. Pour l’instant, il y a certes eu moins de projets d’attentat émanant de l’ultragauche que de l’ultradroite, mais personne n’est à l’abri de l’usage, par des militants ultraviolents se revendiquant de la gauche radicale, d’une violence se rapprochant à brève échéance du terrorisme. Déjà, sur la voie publique, l’ultragauche instrumentalise régulièrement les manifestations et fait feu de toutes les causes sociales ou environnementales. Le risque d’un passage à l’acte terroriste de l’ultragauche n’est pas théorique ; il est avéré par les services de renseignements, comme une opération de la DGSI l’a démontré l’année dernière.

Voilà donc l’état de la menace, qui est principalement islamiste, mais émane aussi de l’ultradroite et peut-être demain de l’ultragauche. Vous connaissez son ampleur, sa nature et ses objectifs.

Les services du ministère de l’intérieur et des autres ministères sont pleinement mobilisés et disposent d’un arsenal juridique renforcé depuis 2021.

Je pense d’abord à la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a pérennisé les mesures exceptionnelles de police administrative instaurées par la loi, dite loi Silt, du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Ces mesures permettent à l’administration d’adapter son travail, notamment d’information, et de contrôler beaucoup plus fortement tous ceux qui veulent attaquer notre façon de vivre. Le périmètre de ces actions « Silt » nous permet, sans nul doute, de faire face à de grands événements, comme le rassemblement d’un million et demi de personnes le 31 décembre dernier à Paris, la Coupe du monde de rugby ou la venue du Saint-Père à Marseille. Ce sera également le cas, évidemment, pour les jeux Olympiques et Paralympiques.

Je pense aussi à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme. Elle a permis de lutter très efficacement contre le repli communautaire afin de combattre avec succès le « djihadisme d’atmosphère », pour reprendre l’expression de Gilles Kepel, qui favorise la radicalisation et le passage à l’acte. D’ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, je serai très heureux de vous présenter, quand vous le souhaiterez, le bilan de cette loi, qui nous permet de lutter contre ceux qui attentent aux valeurs de la République, en fermant des écoles, en contraignant des lieux de culte à se transformer, en expulsant des prêcheurs, en contrôlant de façon continue le commerce et la médecine dite « préventive », ou encore en nous attaquant à la non-scolarisation des enfants et à l’idéologie radicale.

Je pense enfin à la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui accorde à mes services des moyens humains et financiers, alors que nous avons doublé en un mandat le budget de la DGSI. Cette direction pourra compter jusqu’à 5 000 agents à la fin de l’année 2024 et en comptera 500 de plus lorsqu’elle emménagera, en 2028, dans le site unique de Saint-Ouen.

Autre moyen de renforcer notre action : l’éloignement des étrangers qui, que leur situation soit régulière ou irrégulière, sont inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), les fameuses fiches S. Nous avons ainsi expulsé un nombre inédit d’étrangers radicalisés qui évoluaient sur notre territoire. Ces expulsions ont continuellement augmenté ; 999 étrangers radicalisés ont été expulsés depuis 2017, dont 131 au cours de la seule année 2023.

J’espère de tout cœur que les dispositions supplémentaires contenues, en la matière, dans le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dit projet de loi Immigration, seront validées par le Conseil constitutionnel et nous permettront de continuer ce travail, puisque, aujourd’hui, tous ceux qui peuvent être expulsés en vertu de la législation en vigueur le sont déjà.

Nous sommes également mobilisés pour garantir la prise en charge précoce des individus susceptibles de commettre un attentat. La seule DGSI a ainsi transmis près de 90 signalements de ce type en 2023, dont plus de 40 pour des faits d’apologie du terrorisme.

La proposition de loi de M. Buffet qui est soumise à votre assemblée aujourd’hui vise à compléter ces dispositions et à renforcer la coordination de tous les services autour du ministère de l’intérieur et de la DGSI, chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national. Son objectif principal est de préserver – vous l’avez indiqué, monsieur le président de la commission – l’équilibre, nécessaire dans une démocratie, entre le besoin de sécurité et la préservation des libertés.

Je souhaite particulièrement m’attarder sur les dispositions qui concernent le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire le titre III.

L’évolution du régime de l’enquête sous pseudonyme à laquelle procède l’article 6 vise à mieux répondre aux besoins de souplesse opérationnelle exprimés par les services ; elle nous permettra à coup sûr de mieux fonctionner.

L’interdiction de paraître dans les lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste est particulièrement pertinente, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques.

L’élargissement des motifs, énumérés dans le code de la sécurité intérieure, de dissolution d’associations et de groupements de fait permettra de ne pas laisser prospérer sur notre territoire des structures qui appellent à commettre des violences en groupe ; je crois que, pour rédiger cette disposition, M. le rapporteur s’est inspiré de la récente jurisprudence du Conseil d’État.

Enfin, le rétablissement du délit de détention de contenus apologétiques pourrait nous permettre d’atteindre un objectif que nous visons depuis bien longtemps et que le Parlement nous a refusé à maintes reprises. J’en remercie donc le Sénat et M. le rapporteur, même si je mesure le chemin qu’il reste à parcourir jusqu’à la validation de cette mesure par le Conseil constitutionnel.

Au-delà de formulations qui pourront être corrigées aujourd’hui et, peut-être, demain à l’Assemblée nationale, j’ai, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, deux réserves principales sur les dispositions de ce texte, même si, vous l’aurez compris, j’en partage l’esprit.

Ma première réserve porte sur l’instauration, à l’article 12, d’une circonstance aggravante au délit d’apologie et de provocation à des actes de terrorisme lorsque les propos incriminés sont tenus, lors de l’exercice du culte ou dans un lieu de culte, par un ministre du culte. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de se prononcer sur une disposition similaire, voulue par le Gouvernement, dans son avis du 3 décembre 2020 sur le projet de loi Séparatisme ; il avait considéré à l’époque qu’il n’était « pas souhaitable de multiplier les particularités de la règle pénale en prévoyant, pour des infractions identiques, des sanctions différentes selon la situation de l’auteur de l’infraction ».

J’ajoute que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État reconnaît le caractère particulier du lieu de culte. Ainsi, au regard du droit pénal, le fait de s’en prendre à un ministre du culte ou de perturber un culte est une circonstance aggravante ; en revanche, la qualité de ministre du culte de l’auteur d’infractions n’en est jamais une. Par conséquent, peut-être serait-il plus prudent, donc plus utile, de ne pas exposer cette mesure au risque de censure constitutionnelle, donc de suivre l’avis du Conseil d’État. Vous l’aurez compris, je partage votre souhait sur le fond, mais une telle mesure me semble risquée, quelques mois seulement après un avis négatif du Conseil d’État sur cette question.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Eh bien, proposez un amendement, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre. Ma deuxième réserve concerne l’introduction d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports publics dès lors qu’un individu a commis un acte à caractère terroriste dans ce type de lieu. À mon sens, cette disposition existe déjà dans le droit, elle est comprise dans l’interdiction générale de paraître. En outre, je m’interroge sur son utilité, puisque les agents de transport n’ont pas accès au fichier des personnes recherchées (FPR) et que le ministère de l’intérieur n’a pas prévu de leur y donner l’accès,…

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous sommes d’accord.

M. Gérald Darmanin, ministre. … ne serait-ce que parce que certains agents des transports y figurent. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je signale donc à la représentation nationale que, si de telles mesures apparaissent utiles dans leur principe, le droit actuel nous permet d’y recourir. Il me paraîtrait par conséquent pertinent que l’article 15 soit supprimé ou réécrit…

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il y a un amendement en ce sens.

M. Gérald Darmanin, ministre. … afin de permettre à tous les agents des transports, qu’il s’agisse de la RATP, de la SNCF, ou d’un autre service, de disposer de garanties de sécurité lorsqu’ils ont des doutes sur telle ou telle personne sensible.

Ces réserves faites, je veux saluer le travail de la commission des lois du Sénat et souligner les améliorations substantielles apportées par M. Daubresse, son rapporteur.

Parmi les avancées que vous avez permises, monsieur le rapporteur, je relève d’abord la disposition aux termes de laquelle une Micas ne sera pas suspendue pendant la procédure d’appel, afin d’éviter la disparition de la personne surveillée ; cela me paraît constituer une bonne mesure.

De même, le fait de donner au préfet la possibilité de faire appel ou de former un pourvoi en cassation pour contester une ordonnance qui n’autorise pas l’exploitation des données saisies lors d’une visite domiciliaire rétablit dans la procédure un équilibre bienvenu entre les parties.

Je considère également comme très utile le fait de permettre aux services de renseignement et au préfet du département dans lequel se trouve une personne suivie pour radicalisation à caractère terroriste de connaître certaines informations ; ce sera précieux pour le suivi des personnes soumises à des soins sans consentement. Cette mesure avait d’ailleurs été suggérée par le Conseil d’État dans son avis sur le décret relatif au fameux fichier Hopsyweb, créé en lien avec le ministre de la santé pour suivre les personnes atteintes de maladies mentales.

Autre ajout très utile à nos yeux : la modification des critères permettant de prolonger la durée de rétention en centre de rétention administrative jusqu’à cent quatre-vingts jours pour les étrangers coupables de provocation directe à des actes de terrorisme. Cette mesure s’inscrit parfaitement dans la politique de fermeté que nous souhaitons mettre en œuvre et fait écho au débat que nous avons eu pendant l’examen du projet de loi Immigration.

Je veux aussi insister sur l’intérêt qu’il y a, selon moi, à créer un délit d’apologie du terrorisme sur les réseaux privés de communication, lorsque ces réseaux, en raison de leur nature, de leurs conditions d’accès, du nombre de personnes y accédant ou de leur appartenance, ou non, à une communauté d’intérêts, peuvent être assimilés à des services de communication publique en ligne.

En effet, les réseaux sociaux, notamment les messageries cryptées, qui s’apparentent parfois à des réseaux sociaux – les groupes de discussion de la messagerie Telegram, par exemple –, représentent désormais l’une des principales difficultés auxquelles font face les services du ministère de la justice et des services de police. Je soumets à la sagacité du rapporteur et du Sénat le fait suivant : être membre d’un groupe Telegram sur lequel sont postées des photos ou des vidéos de viols d’enfants, sur lequel on trafique de la drogue ou sur lequel on partage des contenus faisant l’apologie du terrorisme ne constitue pas en soi une infraction. Or nous ne comprenons pas très bien pourquoi nous ne pouvons pas réagir face à des groupes de discussion rassemblent 2 000, 5 000, 20 000, 30 000, voire 50 000 personnes ; c’est parfois le cas, notamment en matière de drogue ou de pédophilie, mais également en matière de terrorisme.

Je le répète devant le Sénat, les services de renseignement et de police judiciaire éprouvent les plus grandes difficultés à moderniser leurs écoutes téléphoniques, car, il faut bien l’avouer, les messageries cryptées, qui n’ont pas de « porte dérobée », à la différence des conversations téléphoniques classiques, nous empêchent de faire notre travail contre le banditisme et le terrorisme, sauf à utiliser des moyens exorbitants auxquels seule la DGSI peut recourir et qui ne peuvent concerner que quelques personnes.

Enfin, si vous me le permettez, monsieur le garde des sceaux, je crois qu’il faut saluer la disposition destinée à contrecarrer les effets indésirables de la loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation, dite loi Vignal,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Absolument.

M. Gérald Darmanin, ministre. … dont je salue le rapporteur, Marie Mercier, en donnant aux procureurs de la République – non à l’administration – la possibilité de s’opposer à une demande de changement de nom d’une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste. Cela me semble être une mesure de bon sens.

Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques-unes des avancées du texte dont nous débattons. Ce n’est certes pas une révolution, mais c’est une belle évolution, en particulier pour ce qui concerne le titre III, relatif au ministère de l’intérieur, auquel il donnera des moyens supplémentaires pour nous défendre contre le terrorisme.

Je formule le vœu que nous trouvions la rédaction la plus conforme possible à nos textes constitutionnels, parce qu’il y a urgence. Évidemment, les grands événements à venir ont sans doute incité la Haute Assemblée à inscrire ce texte à son ordre du jour : nous sommes à cent six jours de l’arrivée de la flamme olympique sur le territoire hexagonal et à deux cents jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux, cérémonie que nous organisons tous les… trois mille ans, puisque nous ne l’avons encore jamais fait ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Espérons que l’Assemblée nationale fera preuve de la même célérité !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le terrorisme islamique est un fléau contemporain des sociétés occidentales et démocratiques, un fléau que nous devons combattre de toutes nos forces, afin d’assurer la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde de nos valeurs.

Notre rôle, en tant que responsables politiques, est d’être à la hauteur de ce combat ; c’est ce qu’attendent de nous nos compatriotes. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle a déjà fait ; nous pouvons même nous féliciter d’avoir un des dispositifs antiterroristes les plus complets au monde.

En effet, depuis 1986, la France a considérablement renforcé son arsenal de prévention et de répression du terrorisme. Tous les actes de terrorisme ont été érigés en infractions autonomes punies de peines aggravées. Ces infractions relèvent d’un régime procédural particulier, caractérisé par la centralisation des poursuites, de l’instruction et du jugement. Nous avons également créé un régime dérogatoire qui renforce l’efficacité des enquêtes et l’effectivité de l’exécution des peines. Les aménagements et réductions de peines sont ainsi strictement limités. En outre, les auteurs d’infractions terroristes font l’objet d’une prise en charge pénitentiaire spécifique.

J’irai même plus loin : notre arsenal s’est adapté aux évolutions de la menace terroriste. Le Parlement l’a ainsi renforcé en créant, en 2019, le parquet national antiterroriste (Pnat). Ce faisant, vous avez consacré l’existence d’un parquet autonome spécialisé, qui, depuis lors, a démontré son efficacité.

La proposition de loi que votre assemblée est appelée à examiner aujourd’hui vise à apporter des réponses complémentaires pour mieux lutter contre le terrorisme et la radicalisation ; à cet égard, je tiens à saluer le travail de M. Buffet, dont l’engagement sur ces questions n’est plus à démontrer.

Certaines dispositions du texte représentent des ajustements de notre droit. Elles sont nécessaires et, disons-le, bienvenues. D’autres dispositions apparaissent en revanche plus discutables et exigent que nous les retravaillions ensemble : quelques-unes semblent soulever des problèmes de constitutionnalité ; quelques autres, des problèmes opérationnels.

En effet, si notre système repose sur un traitement spécifique des procédures en matière de terrorisme, il demeure évidemment respectueux de notre État de droit. J’ai, depuis toujours, la conviction intime que ce qui distingue la civilisation de la barbarie, c’est la règle de droit, et, contrairement à ce qu’affirment certains populistes, de plus en plus nombreux, l’État de droit n’est pas un obstacle à la lutte contre le terrorisme : il en est l’instrument. C’est pourquoi la lutte contre la radicalisation doit reposer sur un régime respectueux de la légalité ; nous serons tous d’accord sur ce point, me semble-t-il.

Dans son œuvre normative, le législateur a toujours cherché à concilier la nécessaire spécificité de la lutte contre une criminalité complexe, dont la finalité n’est rien de moins que l’effondrement de notre modèle de société, avec la défense des valeurs de notre République. Et je suis convaincu que, cet après-midi, au moment où nous abordons ce débat, vous avez de nouveau à l’esprit cet impérieux besoin d’équilibre.

Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, crée tout d’abord de nouvelles mesures judiciaires de sûreté applicables aux personnes condamnées pour des actes de terrorisme et paraissant présenter un certain danger, quand leur peine arrive à son terme. Je souhaite rappeler quelques éléments à cet égard.

Un travail important est réalisé dans nos établissements pénitentiaires pour prévenir la radicalisation des détenus et freiner tout prosélytisme délétère. Mes services travaillent pour assurer l’évaluation et la prise en charge des personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou présentant des signes de radicalisation. La remise en liberté de détenus condamnés, potentiellement toujours radicalisés, mais ayant purgé leur peine, est accompagnée, bien évidemment, de mesures de surveillance.

Depuis 2017, nous nous sommes efforcés de créer des dispositifs novateurs et d’améliorer les mesures existantes. Notre droit comporte désormais de nombreuses mesures administratives et judiciaires qui permettent d’assurer le suivi des condamnés pour des actes de terrorisme à l’issue de leur incarcération.

Ces personnes peuvent notamment faire l’objet d’un suivi sociojudiciaire permettant de les contrôler pendant une durée longue – dix, vingt ou trente ans –, voire toute leur vie, selon les cas. Cette mesure particulièrement rigoureuse est désormais, depuis la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, obligatoire en matière de terrorisme.

Ensuite, une surveillance judiciaire peut également être prononcée à la sortie de la détention. Cela permet d’imposer des obligations aux personnes considérées comme dangereuses. La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, instaurée par la loi du 30 juillet 2021, permet que la situation de certains détenus soit examinée, sur réquisition du procureur du Pnat, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, après évaluation de la personne concernée au sein du centre national d’évaluation des publics radicalisés du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Une fois la décision judiciaire prise, si ces personnes sont soumises à des obligations et à des interdictions après leur remise en liberté, elles font l’objet d’un accompagnement resserré, du point de vue non seulement sanitaire et social, mais encore éducatif, psychologique ou psychiatrique.

En outre, toute personne condamnée pour terrorisme, apologie du terrorisme ou provocation au terrorisme est inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), ce qui emporte notamment l’obligation de déclarer son adresse et de signaler tout déplacement à l’étranger.

Enfin, à ces mesures judiciaires s’ajoutent des mesures administratives, au premier rang desquelles figurent les Micas, instaurées par la loi Silt du 30 octobre 2017.

L’efficacité globale de ces dispositifs repose à la fois sur leur complémentarité et sur une parfaite articulation entre, d’une part, les autorités administratives et, d’autre part, l’autorité judiciaire.

La présente proposition de loi remplace la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion par une nouvelle mesure, qui avait déjà été proposée par le Sénat en 2021.

La rédaction proposée prévoit le prononcé d’obligations et d’interdictions de même nature que celles qui sont prévues dans les Micas. Une telle superposition serait de nature à fragiliser la légalité des Micas qui seraient prononcées à l’encontre des mêmes personnes, alors que les Micas permettent de prononcer des obligations plus rigoureuses. C’est notamment le cas de l’interdiction de fréquenter certaines personnes.

Le droit actuel distingue clairement les finalités de la mesure administrative de celles de la mesure judiciaire, la première étant destinée à assurer la surveillance de la personne, alors que la seconde vise à prévenir la récidive. Nous considérons que la superposition de dispositifs de sûreté différents nuit à l’efficacité de l’action que l’État mène dans ses fonctions administratives et judiciaires.

Ce texte crée également une rétention de sûreté applicable à des personnes qui ne souffrent d’aucun trouble de la personnalité médicalement constaté, mais qui présentent un certain danger.

Une telle mesure privative de liberté, fondée sur un soupçon d’ordre criminologique, serait, à mon sens, contraire à notre Constitution. Je souhaite attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un point particulier : les mesures de sûreté doivent respecter le principe résultant de l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel la liberté ne saurait être entravée par une « rigueur qui ne serait pas nécessaire ». Or, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler la vigilance dont doit faire preuve le législateur quant au caractère « adapté, nécessaire et proportionné » des mesures restrictives de liberté lorsqu’elles sont imposées à des personnes ayant purgé leur peine. Il ne faudrait pas laisser penser que nous sommes prêts à instaurer une quelconque forme de justice prédictive, laquelle serait la négation de l’idée même de justice, puisqu’elle reviendrait à condamner sur un simple soupçon.

Dans le prolongement de mes premières observations, je veux maintenant dire un mot du délit de détention d’images terroristes, qui figure dans le texte que vous allez examiner. Un tel délit a déjà été jugé contraire à la Constitution : la seule adhésion à une idéologie terroriste, sans qu’il en soit fait l’apologie, ne suffit pas à caractériser une volonté de commettre un acte terroriste. Cela étant, votre commission des lois propose d’élargir la répression de l’apologie d’actes terroristes lorsque celle-ci est faite sur un réseau privé. Cette mesure va dans le bon sens, car il ne fait aucun doute que l’apologie du terrorisme doit être sanctionnée, même si elle est non publique.

Je souhaite également saluer le travail de la commission des lois sur un certain nombre de mesures qui apparaissent opportunes. Il s’agit essentiellement des améliorations apportées aux Micas et au dispositif d’information des préfets concernant les soins psychiatriques d’une personne radicalisée.

Plusieurs autres mesures retiennent mon attention : le placement sous bracelet électronique des mineurs, le contrôle judiciaire de ces derniers lorsqu’ils sont âgés de 13 ans à 16 ans, la possibilité de prononcer une peine en audience unique, la prolongation d’un placement pénal avec suivi effectué par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de 18 ans, ou encore la révocation du sursis probatoire et du suivi sociojudiciaire. Ces mesures, qui vont dans le bon sens, pourront être perfectionnées par la suite, notamment sur le plan technique.

En conclusion, je reconnais que l’objectif de ce texte est louable. Nous devons néanmoins rester vigilants quant au respect des exigences constitutionnelles. Je souhaite donc vivement que la proposition de loi soit améliorée, pour consolider un édifice déjà robuste en matière de lutte contre le terrorisme.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’écoute de la caractérisation que les précédents orateurs, en ouverture de leurs propos, ont faite du terrorisme et de la menace qu’il pose aujourd’hui, je dois reconnaître que ma propre analyse est très proche. Je partage largement ces constats ; c’est sur les dispositions proposées que nous divergeons, même si je relève bien que MM. Darmanin et Dupond-Moretti ont également émis quelques réserves sur certaines d’entre elles, avec leur souplesse et leur diplomatie coutumières.

À mon sens, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la grande majorité des articles que vous nous soumettez ne répondent pas aux problématiques que vous avez vous-même définies. C’est tout à fait paradoxal ! Cette proposition de loi – c’est mon plus grand reproche – se réduit à un énième texte sécuritaire, qui s’ajoutera aux précédents, mais n’aura pas de réel effet sur les problèmes que vous souhaitez résoudre.

Je partage l’esprit du garde des sceaux : l’État de droit, rien que l’État de droit ! Comme l’indiquait le secrétaire général des Nations unies, dans la lignée d’un ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, « nous devons combattre sans relâche le terrorisme pour protéger les droits de l’homme et, en même temps, en protégeant les droits de l’homme, nous nous attaquons aux causes profondes du terrorisme ».

Certaines des solutions qui auraient pu être mises en avant sont totalement absentes de ce texte. Celui-ci nous paraît se joindre à l’inflation législative de ces dernières années sans transcrire une réflexion concertée ou apaisée.

La menace terroriste existe. Vous l’avez bien définie – elle est forte et protéiforme –, mais les propositions défendues par les auteurs de cette proposition de loi sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Elles portent en elles des dérives sécuritaires et une surenchère répressive. L’utilité, la constitutionnalité, l’opérationnalité et, plus simplement, l’efficacité des mesures qui nous sont soumises ne nous semblent nullement démontrées ni démontrables.

Les constats du rapporteur témoignent pourtant d’une réalité inquiétante : je pense aux difficultés de prise en charge, y compris psychologique et psychiatrique, des condamnés terroristes à l’issue de leur peine, à l’imprévisibilité croissante des attaques terroristes par des loups solitaires, ou encore à la problématique de la radicalisation en hausse des mineurs.

Ce texte ne répond pas à ces enjeux. En s’empilant sur notre arsenal contre le terrorisme, nourri de plus de vingt lois depuis 1986, les mesures qu’il contient ne feraient qu’affaiblir les principes fondamentaux de notre droit ; le garde des sceaux nous a d’ailleurs quelque peu mis en garde contre ce danger.

Notre groupe a toujours défendu une politique claire, notamment lors de l’examen de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : les réponses ne peuvent uniquement consister à rogner les droits de la défense ou la capacité du juge à juger.

La prise en charge et le suivi, notamment psychiatrique, des condamnés terroristes après leur peine ne peuvent se faire au prix de la suppression des garanties auxquelles ont droit les justiciables. L’autoradicalisation ne peut se juguler sans comprendre l’isolement social et les pathologies, parfois psychiatriques, des individus ni assurer leur prise en charge. On ne peut appréhender la radicalisation des mineurs par la surveillance seule, sans se préoccuper de l’accompagnement nécessaire des populations en question.

Sur la notion d’« inconduite notoire », qui devrait certes être modifiée au dernier moment par un amendement – nous en reparlerons donc –, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) soulignait que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ». Il faut éviter de tomber dans ce travers. Ainsi, la CNCDH s’inquiète de l’instauration de mesures restrictives de liberté reposant sur un fondement aussi incertain, source inévitable d’arbitraire.

Notre groupe se désole également que rien ne soit fait pour mieux prévenir la radicalisation et accompagner les personnes, notamment les mineurs, qui peuvent la subir. Ainsi, on acte, entre autres mesures, le transfert des mineurs radicalisés vers la protection judiciaire de la jeunesse, en lieu et place de leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Pourquoi ne pas soutenir plutôt les départements dans leur prise en charge de ces jeunes ?

Une étude de 2018 de l’Institut français des relations internationales (Ifri) démontrait que la majorité des actes terroristes était perpétrée par des personnes sans antécédents judiciaires. La pauvreté et l’isolement social sont des facteurs propices à la radicalisation. Rien dans ce texte ne vient aborder ces sujets. Aucune solution n’est présente.

Nous regrettons aussi que ce texte qui vise à renforcer la lutte antiterroriste ne contienne aucune proposition en matière de coopération européenne ou internationale, ou de lutte contre le financement du terrorisme et le rôle plus que trouble de certains pays disposant d’une puissance régionale.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte. Nous défendrons une dizaine d’amendements.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une priorité indiscutable. Il est de notre responsabilité collective de mettre en place des dispositifs efficaces pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

L’accomplissement de cette tâche complexe pose une exigence particulière : nous devons collectivement prendre garde à ne pas céder au terrorisme. À cet égard, la société française a résisté. Elle a refusé jusqu’à présent – tant mieux ! – de tomber dans les pièges tendus par les terroristes, contrairement aux États-Unis avec Guantanamo. Nous avons collectivement fait le choix de ne pas sacrifier notre État de droit. Cela doit rester notre boussole. En effet, le terrorisme, tel un poison, cherche sans cesse à nous contraindre à changer de modèle. Notre droit n’a pas été fait seulement pour les temps calmes !

Dès lors, lutter contre le terrorisme revient à réfléchir à ce que peut faire l’État de droit pour combattre légalement ceux qui balayent toute forme de légalité, sans succomber à la tentation du déni, de l’indifférence, ou de la surenchère.

C’est là que le rôle du politique est crucial : il peut et doit faire face au terrorisme en respectant nos principes fondamentaux, pour protéger notre société et apporter réparation aux victimes.

La vague d’attentats qu’a connue la France en 2015, dont le souvenir a été ravivé par le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, a profondément marqué notre pays. Elle a bouleversé l’institution pénitentiaire et, au-delà, la justice. Depuis ces événements, la politique pénale a connu un durcissement considérable. L’augmentation du nombre de personnes incarcérées pour des affaires en lien avec le terrorisme a mis les prisons sous pression. Toutefois, face à des injonctions contradictoires, l’administration pénitentiaire peine à donner un sens à leur prise en charge.

Dans le fond, cette proposition de loi, qui traite principalement d’individus sortant de prison, doit nous interroger. Considérons-nous ces personnes comme définitivement irrécupérables ? Notre société fait-elle face à des causes perdues qu’elle choisit indistinctement de neutraliser ?

Le point aveugle de ce texte est précisément la prison et la mission de prise en charge assignée à l’administration pénitentiaire. À nos yeux, la répression seule ne peut être la réponse complète à cette problématique.

Il faut s’attaquer aux causes profondes du terrorisme en mettant en place des politiques cohérentes de prise en charge des détenus radicalisés. Sur ce sujet, l’heure n’est pas aux querelles, mais à l’action. Il est impératif de professionnaliser le travail autour de la radicalisation. Celle-ci doit être abordée avec méthode afin d’obtenir des résultats concrets. Le monde carcéral est le talon d’Achille de la société face à la radicalisation ; il manque considérablement de moyens pour prendre ce problème à bras-le-corps.

En outre, la psychiatrie ne doit pas être oubliée. Le cas de l’assaillant du pont de Bir-Hakeim à Paris, présentant des troubles psychiatriques et neurologiques, souligne l’importance de renforcer les moyens de la psychiatrie de ville pour le suivi de patients au profil complexe.

Quant aux mineurs, ce texte renvoie la prise en charge de certains d’entre eux à la protection judiciaire de la jeunesse et semble ainsi reconnaître l’utilité de la PJJ. Nous nous en félicitons, mais je ne peux que faire le lien avec la défense par notre groupe, lors des débats budgétaires, de la hausse des moyens humains de la PJJ. La majorité sénatoriale n’avait pas souhaité nous suivre sur ce point.

Il n’est pas ici question de la seule évolution du droit pénal : on doit aussi s’intéresser aux moyens donnés aux services publics pour fonctionner correctement. Ce texte élude donc un certain nombre de questions essentielles et s’illustre, à nos yeux, par ses manques.

Cependant, il se distingue aussi par ses ajouts, notamment ceux du rapporteur, bien éloignés de l’ambition initiale. À cet égard, un certain nombre d’éléments ne manquent pas de nous inquiéter : des dispositions qui vont bien au-delà de la question du terrorisme.

Tout d’abord, le texte comporte des dispositions portant modification du régime des dissolutions administratives, lesquelles, comme le rappelait dans son intervention le ministre de l’intérieur, ont déjà connu de considérables révisions au travers de la récente loi Séparatisme. Le rapporteur nous propose, par un amendement, de définir légalement la provocation justifiant la dissolution d’une association. En outre, la création d’un régime de transfert des biens des structures dissoutes est suggérée.

Ensuite, l’article 6 ajuste les règles d’autorisation pour les enquêteurs effectuant des achats de produits licites dans le cadre d’une enquête sous pseudonyme.

Enfin, toujours à la suite d’un amendement du rapporteur, il nous est proposé de faire de la notion d’« inconduite notoire » un motif de révocation d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire.

Vous conviendrez que nous sommes bien loin de l’objectif initialement assigné à cette proposition de loi. Pour toutes ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements afin de modifier les éléments qui nous préoccupent ; nous espérons qu’ils seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Colombe Brossel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi sénatoriale nous est présentée comme une réponse aux récents attentats terroristes qui ont touché la France. Les débats qui s’ouvrent éclaireront certainement ce texte et la direction que le Sénat souhaite donner aux politiques publiques de sécurité pour nos concitoyens.

Nous reviendrons sur chacun des articles ; il n’y a pas lieu, dans la discussion générale, d’apposer un blanc-seing ou d’exprimer une opposition de principe aux mesures qui sont proposées. Toutefois, au nom du groupe du RDSE, je voudrais vous faire part de plusieurs remarques à titre liminaire.

Je veux, en premier lieu, présenter les préoccupations qui ont motivé la rédaction de ce texte.

D’abord, nos concitoyens attendent de l’État des réponses aux attaques qui sont commises sur notre sol. Il est vrai que la menace évolue. Elle est amplifiée par l’endoctrinement progressif rendu possible par les réseaux numériques, qui exacerbent les identités et propagent des idéologies mortifères.

À cela, il faut ajouter la problématique très spécifique des personnes qui, détenues en France pour des actes de terrorisme, devraient sortir de détention prochainement.

Enfin, si l’islamisme radical constitue toujours une menace importante, les services de renseignement nous alertent également sur la montée en puissance de la menace terroriste venant de groupuscules fascisants, tout aussi délétères.

Je sais que tous les groupes du Sénat sont attachés à travailler ensemble pour garantir la sécurité des Françaises et des Français. Pour cet impératif, nous avons toujours été mobilisés.

En second lieu, comme nombre de mes collègues, je veux me faire le porte-voix d’un appel à l’équilibre. Les principes cardinaux de notre droit pénal sont un héritage des Lumières et de la Révolution. La proportionnalité et l’individualisation des peines, ou encore le principe selon lequel on ne peut être condamné deux fois pour le même fait ne sont pas des obstacles à une politique efficace. Ils sont au contraire des protections de notre État de droit. Notre collègue Francis Szpiner a employé à leur égard les mots de « capital moral ».

Le Sénat, autrefois conservateur de la Constitution, doit voir le contrôle de la loi par le Conseil constitutionnel non pas comme un empêchement, mais comme un outil de sauvegarde des droits et libertés. Charge aux débats qui s’ouvrent de trouver un équilibre entre liberté et sécurité. Que ces termes ne se réduisent pas à un poncif de plus, employé à justifier des règles d’exception qui finalement se pérenniseraient !

Certaines mesures de cette proposition de loi, éclairées par les travaux de la commission des lois et de M. le rapporteur Marc-Philippe Daubresse, illustrent mes remarques.

À ce titre, on peut relever les interrogations légitimes qui s’expriment sur la sécurité juridique de l’article 1er bis. Celui-ci fait de la notion d’« inconduite notoire » un nouveau motif de retrait d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire. Cette notion, si elle apparaît déjà dans le code de procédure pénale comme motif de révocation de la liberté conditionnelle, pâtit d’un flou important.

Ensuite, l’article 11 bis devra faire l’objet d’une attention particulière à l’aune de la protection de la vie privée.

Enfin, le renforcement de l’arsenal judiciaire s’appliquant aux mineurs et, davantage encore, à ceux de moins de 16 ans, doit nous appeler à la plus grande des vigilances. « Le moyen le plus sûr, mais le plus difficile, de prévenir les délits est de perfectionner l’éducation », disait Beccaria. Avant de judiciariser l’avenir des mineurs, il nous faut nous assurer que tous les moyens éducatifs et sociaux ont été mis en œuvre. Les réponses apportées à la jeunesse conditionnent l’avenir de la Nation. Notre responsabilité envers elle est immense.

Ainsi, le groupe du RDSE se maintiendra dans une dynamique d’équilibre au service de la sécurité des citoyens.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça, c’est de la périphrase !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait écho aux récents attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim. Ils nous ont violemment rappelé à quel point la menace terroriste reste prégnante dans notre pays et n’est pas près de disparaître. À l’évocation de ces tristes événements, le groupe RDPI a une pensée émue pour les victimes et leurs familles. Elles ont tout notre soutien.

Nous pensons également aux forces de l’ordre et à nos services de renseignement, qui luttent activement contre la menace terroriste. Nous tenons à rendre hommage à leur action qui – il faut le souligner – a permis depuis 2017 de déjouer pas moins de quarante-trois attentats.

Pour arriver à ce résultat, nous avons considérablement affermi notre arsenal, avec la loi Silt en 2017, la création du parquet national antiterroriste en 2019, ou encore la loi Séparatisme en 2021.

Nous avons puissamment consolidé les moyens juridiques, judiciaires et administratifs nécessaires à une lutte efficace contre le terrorisme, de manière transpartisane. Il s’agit d’une préoccupation constante de la majorité présidentielle.

Toutefois, comme les auteurs de cette proposition de loi en font le constat, la menace terroriste, en plus de rester élevée, a considérablement évolué depuis les attentats de 2015.

En premier lieu, cette menace peut désormais émaner de détenus ayant déjà purgé leur peine, ce qui pose la question de leur prise en charge à l’issue de cette dernière.

En second lieu, les attaques terroristes sont plus imprévisibles du fait de l’évolution du profil des individus radicalisés. Ces derniers ne bénéficient plus nécessairement du soutien logistique de groupes terroristes basés à l’étranger, comme Daech, l’État islamique ; ils agissent davantage de façon solitaire. Il peut s’agir d’assaillants plus jeunes qu’auparavant, souvent endoctrinés au travers d’internet et des réseaux sociaux. Ainsi, la radicalisation de mineurs parfois très jeunes peut s’effectuer directement sur le territoire national, en dehors de tout lieu de socialisation.

Le texte de nos collègues repose sur le constat que l’arsenal pénal actuel ne permet pas d’appréhender pleinement ces évolutions. De ce fait, il a pour objet de remédier aux lacunes judiciaires et administratives de notre système.

Les membres du groupe RDPI ne peuvent que souscrire à l’objectif de ses auteurs : garantir la sécurité des Français en renforçant les moyens de la lutte contre le terrorisme, dans le contexte de la tenue imminente des jeux Olympiques de Paris.

Toutefois, nous sommes aussi convaincus que la lutte contre le terrorisme ne peut se faire que dans le respect de l’État de droit. Nous avions à ce titre des réserves sur diverses dispositions du texte initial, notamment pour ce qui concerne leur conformité avec certains des principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution.

Aussi, nous tenons à saluer le travail de M. le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, qui s’est attaché à rechercher l’équilibre entre opérationnalité des mesures, efficacité de la lutte contre le terrorisme et garantie des droits et libertés constitutionnels.

À titre d’exemple, nous saluons l’encadrement par le rapporteur des mesures judiciaires de sûreté. En limitant, sur son initiative, leur champ aux condamnés à des peines supérieures à quinze ans d’emprisonnement, ou à dix ans en cas de récidive, pour des crimes à caractère terroriste, et en prévoyant une prise en charge adaptée aux profils radicalisés, la commission a veillé à ce que la mesure respecte les critères de nécessité et de proportionnalité.

En ce qui concerne les mesures administratives de lutte contre le terrorisme, la substitution d’une interdiction de paraître autonome à l’interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre des Micas nous semble moins attentatoire aux libertés individuelles et même opportune, sous réserve des observations qui pourront être faites en séance, dans la perspective de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques l’été prochain.

Si les membres du groupe RDPI sont globalement favorables à ce texte, qui répond à une attente forte, nous n’en avons pas moins quelques réserves.

Ainsi, l’ajout du critère d’« inconduite notoire » comme motif de révocation d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire, ainsi que l’ajout du critère de réitération comme motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi sociojudiciaire nous semblent de nature à nuire à la lisibilité des dispositifs concernés. Si nous devinons les intentions derrière ces modifications, l’imprécision juridique de ces notions nous fait craindre une forme d’arbitraire.

Cela étant dit, le groupe RDPI souscrit pleinement à l’objectif de cette proposition de loi. Ses auteurs entendent adapter l’arsenal dédié à la lutte antiterroriste en partant d’un constat certes sinistre, mais, à notre sens, pertinent. Nous nous interrogeons toutefois sur la capacité de certaines des mesures proposées à concilier respect des principes fondamentaux de notre État de droit et lutte contre le terrorisme. Aussi serons-nous particulièrement attentifs aux arguments des uns et des autres, et plus particulièrement à votre avis, monsieur le garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis vingt ans, les textes législatifs sur le terrorisme se sont succédé au point d’être dorénavant plus nombreux que ceux sur l’immigration. Ce n’est pas chose facile !

En 2009, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, déclarait : « S’agissant du terrorisme, tout attentat aveugle dirigé contre des civils anonymes, par définition innocents, pour semer la terreur et la dévastation est un crime contre l’humanité. La fermeté s’impose. Cela dit, la lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le respect des principes de l’État de droit, justement parce que nous refusons l’idéologie de mort et de violence des terroristes. »

Face aux attentats terroristes qui nous ont frappés, et afin de prévenir et d’éviter toute nouvelle attaque, malgré le formidable travail de nos services de renseignements et de nos fonctionnaires de police et de justice, le débat sur la modification et l’adaptation du droit existant est légitime.

Lorsque nous étions aux responsabilités et que nous avons assisté à l’augmentation des dangers au cours des années 2010, en particulier entre 2012 et 2015, nous avons fait évoluer notre droit.

En 2014, nous avons créé de nouvelles infractions afin de permettre une approche judiciarisée de personnes n’étant pas encore passées à l’acte violent, renforçant ainsi la capacité de l’action judiciaire.

La loi du 24 juillet 2015 a donné à nos services de renseignement la possibilité de détecter, dans un cadre légal, les risques qui pouvaient exister sur notre territoire.

La loi du 3 juin 2016 a introduit, en matière d’infractions terroristes, la peine complémentaire de suivi sociojudiciaire, qui emporte l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive après l’exécution de la peine.

Nous sommes donc pour qu’on légifère en cas de nécessité, pour que l’on modifie alors le droit existant, mais à condition de toujours s’assurer de l’équilibre indispensable entre la sécurité de nos concitoyens et le respect des libertés fondamentales et individuelles.

Regardons attentivement les motivations des terroristes qui s’en prennent à notre pays : il s’agit avant tout de s’attaquer à ce que nous sommes, à nos valeurs, à notre État de droit et à notre justice. Aussi, chaque fois que nous modifions notre droit en fragilisant un peu plus nos principes fondamentaux et les droits de la défense, nous reculons face à eux.

Il y a quelques années déjà, la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine a fait l’objet d’une large censure de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020. Le motif était que ces mesures contrevenaient à « la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée », ainsi qu’au « droit de mener une vie familiale normale », d’une manière qui n’était « ni adaptée, ni proportionnée à l’objectif » de prévention d’actes terroristes.

Ensuite, la loi du 30 juillet 2021 a instauré une nouvelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion : la mesure judiciaire de sûreté. Cette fois, le Conseil constitutionnel avait censuré l’allongement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas.

Nous avons bien compris que le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a fait céder de nombreuses digues, dont celle de la responsabilité du législateur. Désormais, des travées de la droite jusqu’à l’Élysée, jouer avec la Constitution et nos droits fondamentaux est un nouveau mode opératoire politique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Narassiguin. Messieurs les ministres – je m’adresse en particulier au garde des sceaux, que j’ai bien entendu –, vos mises en garde bienvenues sur ce texte ne suffisent pas : il faut y faire obstacle !

Pour notre part, il nous paraît toujours aussi inconcevable que le Parlement adopte des dispositions qui seraient très largement inconstitutionnelles et attentatoires aux libertés individuelles.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il faut relire Le Coup dÉtat permanent !

Mme Corinne Narassiguin. Nous dénonçons ces bricolages législatifs délibérés, entrepris à des fins de communication politique.

Au sein de cette proposition de loi, de nombreux points sont problématiques : la création d’une nouvelle mesure de sûreté, la notion très floue d’« inconduite notoire », qui suffirait à renvoyer une personne en prison – l’amendement qui nous est soumis par le rapporteur ne nous semble pas de nature à corriger ce flou –, l’instauration, toujours avec un risque d’arbitraire, de la rétention de sûreté en cas de « trouble grave de la personnalité » ou de radicalisation « persistante », l’interdiction de paraître lors des grands événements, ou dans les transports publics, qui peut durer jusqu’à trois ans, ou encore l’omniprésence constante du pouvoir administratif par rapport au pouvoir judiciaire.

Pour l’instant, la rétention de sûreté est une mesure exceptionnelle qui ne concerne qu’un nombre restreint de crimes graves, dont le viol, le meurtre et l’assassinat, la torture et les actes de barbarie, l’enlèvement et la séquestration. Elle a été créée par la loi du 25 février 2008 ; peuvent y être soumis les individus particulièrement dangereux à l’issue de l’exécution de leur peine.

En élargissant aux crimes terroristes le champ de la rétention de sûreté, vous souhaitez donc créer une nouvelle peine après la peine, non pas pour un acte passé, pour lequel une sanction aura déjà été prononcée, mais pour un acte potentiel, en raison de la dangerosité de la personne et selon des critères dont l’imprécision laisse craindre une application totalement arbitraire. Cette nouvelle peine viserait à sanctionner une personne non pas pour ce qu’elle a fait, mais pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle pourrait faire ! Vous cherchez à instaurer une justice prédictive. Nous refusons cette vision digne d’une œuvre de science-fiction dystopique !

Nous constatons une nouvelle fois qu’aucune réflexion de fond n’est menée, notamment sur la radicalisation en détention et sur les outils employés afin de lutter contre celle-ci. Pire, vous faites de la détention l’alpha et l’oméga de la peine, sans vous soucier d’une exposition renforcée à la radicalisation en prison. Pas à pas, chers collègues, vous êtes en train de mettre à mal notre système pénal et, ainsi, notre État de droit. Vous le savez !

Permettez-moi de citer de nouveau Robert Badinter, qui déclarait voilà quinze ans, à propos de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté : « [Notre] système de justice pénale […] repose sur le principe de la responsabilité entendue comme la contrepartie de la liberté. Vous avez choisi de violer la loi, la peine qui vous est appliquée est la sanction de cette violation. Vous répondez de vos actes selon les principes de l’État de droit. À partir du moment où l’on décide de garder quelqu’un en détention au regard d’un crime virtuel qu’il pourrait commettre, parce qu’on le considère comme dangereux, vous êtes passé dans un autre système. Comment voulez-vous alors vous défendre, puisque vous n’êtes accusé de rien ? Comment les magistrats diagnostiqueront-ils la “dangerosité criminologique” ? »

Avec ce texte, vous souhaitez nous faire passer d’une justice de liberté à une justice de sûreté, renouant avec des courants de pensée du XIXe siècle, qui théorisaient le criminel né, un individu amoral commettant des crimes par nécessité biologique, atavique, tel un sauvage.

Ce texte, c’est le renoncement aux principes fondamentaux de notre droit pénal : la présomption d’innocence, le droit à la réinsertion après la peine effectuée, le respect de la vie privée et familiale, le principe de non-rétroactivité du droit pénal et celui de non-cumul des peines. C’est nier ce que toutes les statistiques révèlent : une véritable réinsertion après la peine limite toute récidive.

Modifier ainsi notre droit pénal serait un point de bascule, mais aussi et surtout un point de non-retour, préparant une fois de plus tous les outils qui seraient mis à disposition d’un régime autoritaire, qui pourrait ainsi mettre à terre notre démocratie.

Enfin, deux articles de cette proposition de loi, les articles 9 et 10, nous interpellent particulièrement, car ils ne sont autres que les articles 9 et 23 du projet de loi Immigration récemment adopté. Que viennent-ils faire ici ? Soit ils sont conformes à la Constitution et entreront en vigueur après la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier prochain, soit ils seront censurés pour inconstitutionnalité. Souhaiteriez-vous donc nous faire adopter deux articles qui seraient contraires à notre Constitution ?

Nous regrettons également le véhicule législatif retenu, à savoir une proposition de loi, laquelle, par définition, ne bénéficie pas d’un avis du Conseil d’État.

Au fond, nous partageons, bien sûr, l’objectif de ce texte. Toutefois, nous considérons que les moyens doivent avant tout être tournés vers le renseignement, la prévention et une application proportionnée du droit existant.

Vous l’aurez compris, au cours de ce débat, le groupe socialiste conservera sa position constante : nous serons très vigilants quant au respect de notre État de droit et de nos principes fondamentaux relatifs aux droits de la défense. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pas de sécurité sans sûreté !

Notre sécurité collective nécessite en effet, plus que jamais, des moyens de fermeté et des mesures de sûreté. À cet égard, disons-le d’emblée, la présente proposition de loi s’avère absolument indispensable.

Dès avant les attentats de 2015, à force de missions d’information et de rapports, nous avons produit collectivement, au Sénat, un travail permettant de mieux connaître les nombreux aspects du terrorisme.

Nous mesurons par conséquent toute la singularité du terrorisme : son « hybridité », comme on dit à présent, c’est-à-dire sa forme à la fois civile et armée, à la fois politique et religieuse, qui nécessite des efforts constants, de nouvelles ressources et des moyens eux-mêmes hybrides.

Nous voudrions donc insister sur l’importance de la perspective originale retenue pour la présente proposition de loi : elle n’est ni préventive ni répressive, ou plutôt elle n’est pas exclusivement l’une ou l’autre, puisqu’elle s’intéresse au suivi des condamnés terroristes, qui est impératif.

Ce texte est indispensable, en premier lieu, du fait de la nécessité d’une adaptation de notre droit à la menace terroriste. Dès 2015, je présidais, avec ma collègue Nathalie Goulet, une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, ce qui m’autorise à rappeler l’une de ses conclusions, qui n’a jamais été démentie depuis lors : il n’est de terrorisme que « dissimulé », menaçant, quelles qu’en soient les apparences religieuses et politiques, ou les formes insérées dans nos sociétés modernes.

Dans nombre de décisions émanant du juge pénal et du juge de l’asile, on relève ces « stratégies de dissimulation », les discours manquant de « cohérence ou de vraisemblance », les indices d’« allégeances » et de « loyautés » occultes des condamnés terroristes.

Comment, dès lors, la liberté ne risquerait-elle pas de cacher elle-même l’insécurité ?

On ne peut lutter efficacement contre le terrorisme qu’à l’aide de mesures de suivi, ainsi que de peines complémentaires et personnalisées. Il faut se réjouir à cet égard des dispositions de ce texte, qui assureront la sécurité de tous dans les transports, dans les manifestations, dans nos fêtes et nos célébrations, par des mesures de sûreté à l’encontre, si nécessaire, de quelques-uns.

Indispensable, ce texte l’est encore parce qu’il permet une adéquation de notre système aux condamnés terroristes.

L’on sait bien à quel point les discours de radicalisation peuvent faire impression sur les esprits simples ou jeunes, par le biais des nouvelles technologies ; cela a déjà été rappelé.

Nous avons d’ailleurs renforcé, en 2022, la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ; je me réjouis, en tant que rapporteur pour la commission des lois du texte l’ayant permis, que celui-ci bénéficie enfin d’un décret d’application.

Il reste toutefois à rendre le plus sûr possible le suivi des mineurs condamnés en la matière, ainsi qu’à assurer leur déconnexion de ces divers canaux, lesquels favorisent à coup sûr leur isolement et, parfois, leur radicalisation.

Enfin et surtout, cette proposition de loi est indispensable par son appréhension des condamnés terroristes qui, quels que soient leur profil psychologique ou leurs mobiles, présentent une dangerosité particulière.

Cette notion de « dangerosité », si imprécise soit-elle, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un dispositif répressif, ne peut être ignorée et abandonnée par le droit.

Comment ignorer, en effet, que des actes de terrorisme meurtriers peuvent encore être commis après une radicalisation en prison, un fichage S et des multirécidives pouvant aller jusqu’à trente condamnations ?

Le sénateur d’Alsace que je suis se souvient parfaitement d’un tel profil, mes chers collègues, puisque c’était celui du terroriste de 29 ans qui a frappé Strasbourg, voilà cinq ans, en plein marché de Noël, pour ne pas dire en plein cœur.

Dans ces circonstances, comme dans tant d’autres, les mesures de sûreté paraissent les mieux à même d’affronter la dangerosité des condamnés, si elle persiste.

Mon intervention serait toutefois incomplète si elle n’évoquait pas un point important, qui semble pourtant passer entre les mailles de ce texte. En effet, alors que l’objectif donné par les auteurs de cette proposition de loi à son titre II est de « renforcer le suivi des mineurs radicalisés », il faut regretter que ce texte ne s’intéresse pas plus résolument aux acteurs en contact étroit avec la jeunesse, à savoir, notamment, les enseignants et les éducateurs sportifs, qui seraient, à mon sens, les mieux à même de les suivre.

Pourtant, dès 2015, un rapport sénatorial recommandait de « mettre en place des actions obligatoires […] de formation à la détection de la radicalisation, à destination des acteurs de terrain (personnels enseignants, conseillers d’éducation, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’aide sociale à l’enfance, éducateurs sportifs », etc.).

Malgré la création de « référents radicalisation », au ministère de l’éducation nationale par exemple, cette offre de formation pour tous les agents publics reste à réaliser.

Je prends l’initiative d’attirer ici l’attention de notre assemblée sur l’offre de formation continue des agents publics titulaires et contractuels, qui pourrait être efficacement complétée, de surcroît sans surcoût pour nos finances publiques.

Malheureusement, les deux amendements que j’avais déposés à cette fin n’ont pas survécu au couperet de l’article 40 de la Constitution. Je ne le comprends pas ! En effet, le financement de la formation continue de ces agents existe. Il n’était pas question de l’augmenter, mais simplement de définir des priorités nouvelles.

Pour conclure, je veux souligner que nous soutenons cette proposition de loi parce qu’elle ajoute aux mesures de sûreté des moyens de fermeté. Ceux-ci nous semblent indispensables, car ils concernent la lutte contre le terrorisme là où elle peut encore être renforcée. Je pense notamment à la dissolution des groupements, à l’expulsion des étrangers et à la sanction des contenus numériques terroristes.

Dans ces domaines, face à une radicalisation qui non seulement précède l’acte terroriste, mais souvent persiste après une condamnation, le présent texte apporte une importante contribution. Cette proposition de loi combine utilement la sûreté et la fermeté, pour notre sécurité commune. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère et Louis Vogel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 2012 et les tueries abjectes de Mohammed Merah, notre pays a connu une cinquantaine d’actes terroristes islamistes, provoquant 272 morts et 1 200 blessés selon le décompte de la DGSI.

Il revient au législateur que nous sommes de donner les armes juridiques nécessaires au peuple français pour nous prémunir collectivement d’un tel danger.

Ainsi, cette proposition de loi, qui instaure trois nouvelles mesures de sûreté applicables aux condamnés pour terrorisme, afin de renforcer leur surveillance à leur sortie de détention, ainsi que d’autres dispositifs visant à mieux contrôler et réprimer les auteurs d’actes terroristes, va dans le bon sens, c’est-à-dire dans le sens d’un « réarmement », pour reprendre un mot à la mode, de la société face à cette idéologie totalitaire et meurtrière.

Ces mesures reprennent d’ailleurs ce que nous préconisons depuis des années, au Rassemblement national, à propos des terroristes, qui ne sont pas des délinquants de droit commun, car ils visent un but bien différent, celui de détruire la société. Ils se fichent de la réinsertion sociale, ils la refusent totalement. Ils ne veulent pas être réinsérés dans une société qu’ils combattent et détestent. La mise en place de mesures de réintégration sociale les concernant est vouée à l’échec. D’où l’intérêt des mesures de sûreté, qui correspondent finalement au principe de précaution inscrit dans la Constitution.

Néanmoins, il conviendrait d’aller plus loin dans la recherche de la protection des Français. Nous proposons ainsi depuis des années l’expulsion automatique des terroristes étrangers ayant purgé leur peine en France, afin de dégager du temps et de l’argent en matière de surveillance et d’éviter tout risque de récidive.

De la même façon, il nous paraît opportun de déchoir de la nationalité française des terroristes français ayant commis des actes contre notre pays ou les ayant projetés, mais aussi d’expulser automatiquement vers leur pays d’origine tous ceux qui seraient dotés d’une double nationalité. Le Conseil d’État a d’ailleurs, en mai 2023, confirmé la déchéance de nationalité décidée par le Gouvernement à l’encontre d’une Franco-Turque de 25 ans, condamnée en 2017 pour avoir projeté un attentat en France. Dans son ordonnance, le Conseil d’État a considéré que la déchéance de nationalité de cet individu n’était pas « disproportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits commis ».

Depuis 2019, une vingtaine de déchéances de nationalité ont été prononcées pour terrorisme en France, mais il est impossible pour l’instant de déchoir ceux qui sont nés Français. Il faut que la loi le permette : tous ceux qui ont porté les armes contre notre pays sont indignes d’en posséder la nationalité, nés français ou pas.

Enfin, il convient de rappeler une évidence : le terrorisme islamique est un phénomène importé par l’immigration. Selon Le Figaro, en France, depuis 2015 « sauf deux exceptions – deux Français convertis –, tous les autres terroristes islamistes sont, à plus ou moins long terme, le fruit de l’immigration issue des pays musulmans ».

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n’est pas vrai !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est une contre-vérité !

M. Aymeric Durox. Bien sûr que si ! Pour le chercheur Jean-Baptiste Meyer, « le nier aujourd’hui reviendrait à renoncer à expliquer une part importante de ces événements ».

Peut-être une telle explication ne vous intéresse-t-elle pas, monsieur le ministre !

Ainsi, au-delà de tout l’arsenal judiciaire, la lutte contre le terrorisme islamique passe d’abord et avant tout par une maîtrise totale de nos flux migratoires et leur réduction drastique, ce qui paraît à tous les Français la chose la plus élémentaire à faire. (M. Joshua Hochart applaudit. – Protestations au banc du Gouvernement.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Et l’ultradroite ?

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel.

M. Louis Vogel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est, depuis toujours, l’une des cibles privilégiées des actes terroristes.

Encore très récemment, l’assassinat de Dominique Bernard, en octobre 2023, nous a rappelé la prégnance de la menace terroriste dans notre pays ; la tenue, dans quelques mois, des jeux Olympiques et Paralympiques accroît encore les risques, comme M. le ministre de l’intérieur vient de le rappeler.

Les risques que fait peser la menace terroriste sont encore renforcés par le fait que les profils des terroristes évoluent : aux exactions d’équipes envoyées depuis l’étranger a succédé une menace endogène, alimentée par des individus installés sur le territoire national et perméables à l’idéologie djihadiste.

Bien que nos services de renseignement aient déjà déjoué de nombreuses actions terroristes en devenir – je salue à cet égard l’engagement et le dévouement des agents au service de la sécurité de nos concitoyens –, il faut aujourd’hui adapter notre droit pour répondre aux nouvelles formes de terrorisme. Tel est bien l’objet du présent texte.

Nous avions adopté en 2021 une proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention. Il faut compléter ce dispositif.

Le texte que nous examinons procède à plusieurs améliorations de dispositifs existants, que nous soutenons.

Il s’agit tout d’abord d’élargir l’éventail des mesures que le juge peut prononcer, de mieux assurer le suivi des anciens détenus et d’étendre la rétention de sûreté aux auteurs d’actes terroristes.

Ensuite, les dispositions législatives relatives au contrôle judiciaire et à l’assignation à résidence doivent être modifiées.

Enfin, nous sommes pleinement favorables aux dispositions qui permettent l’expulsion des étrangers terroristes et leur interdiction du territoire : ces individus ne méritent pas de rester sur notre sol !

Je vous l’avoue, mes chers collègues, nous étions plus réservés s’agissant de la notion d’« inconduite notoire », qui a déjà fait l’objet d’un débat en commission des lois. Elle pourrait justifier qu’il soit mis fin à une semi-liberté, une détention à domicile sous bracelet, ou une libération conditionnelle.

Je salue l’amendement de M. le rapporteur visant à remplacer cette notion par celle, beaucoup plus précise, de « comportement contraire aux valeurs de la République », en lien direct avec le champ de l’incrimination.

Les obligations fixées doivent être claires et précises, afin que leur exécution soit sans équivoque et que le juge puisse sanctionner des manquements précis sans déborder du cadre défini ; tel est bien l’objet de l’amendement de M. le rapporteur.

De même, la création d’un nouveau délit d’adhésion à une idéologie terroriste nous paraît être une idée intéressante, mais délicate à manier. Nous partageons l’objectif et considérons que le travail en commission a permis d’en améliorer la rédaction. Une telle infraction se situe néanmoins aux limites de la légalité. Nous espérons que le travail législatif permettra d’aboutir à une rédaction encore améliorée.

La proposition de loi permet également de corriger plusieurs erreurs qui subsistent dans notre droit positif, notamment en ce qui concerne la procédure de changement de nom.

Il s’agit de rendre plus opérationnels encore des dispositifs qui participent déjà de l’amélioration de la sécurité de nos concitoyens.

En conséquence, la présente proposition de loi nous paraît contribuer utilement à renforcer notre arsenal pénal, tout en préservant, de façon équilibrée, les libertés fondamentales de nos concitoyens et en respectant l’État de droit, qui n’est pas nécessairement un État faible !

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra donc son adoption. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme est toujours présent en France, cela a été largement rappelé.

La question posée cet après-midi est la suivante : avons-nous tout fait pour lutter contre le terrorisme ? En l’absence de totale certitude, l’exécutif et le Parlement ont l’obligation de faire le maximum. Le garde des sceaux a tout à l’heure évoqué un objectif louable ; tout comme le président de la commission des lois, il a la volonté de supprimer les angles morts. Chacun est d’accord pour mener, le plus efficacement possible, la lutte contre le terrorisme. Je ne crois pas, ma chère collègue Corinne Narassiguin, qu’il s’agisse d’une question de communication politique : nous nous passerions bien d’avoir à mener ce combat !

Depuis 2015, le sujet de la lutte contre le terrorisme n’a jamais quitté le champ des préoccupations du Parlement. Je pense aux mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, à la loi Silt de 2017, à la loi du 17 août 2020, qui a créé une mesure judiciaire de suivi et de surveillance dite post-sentencielle, ainsi qu’aux dispositions de 2021 sanctuarisant les Micas, que vous avez tous en tête.

Ces textes successifs démontrent la difficulté de la tâche, dans ses dimensions tant opérationnelles que juridiques. Votre travail, monsieur le rapporteur, a été de tenter de concilier, dans le cadre de l’analyse des propositions de nos collègues auteurs de la proposition de loi, les contraintes opérationnelles et la logique de conformité constitutionnelle.

Le volet constitutionnel a été largement évoqué durant les débats. Sans faire, bien entendu, nulle référence à l’actualité de demain, je crois qu’on peut le considérer sous deux angles.

Sur un plan direct, les garanties proposées, notamment pour les mesures de sûreté – je pense à l’adhésion « persistante » et à la probabilité « très élevée » –, permettront-elles de franchir le test de constitutionnalité ? On le voit bien, les éléments sont subtils.

Par ailleurs, sur un plan indirect, l’évolution de la menace ne constitue-t-elle pas un facteur d’évolution de l’appréciation de la proportionnalité et de la nécessité des mesures envisagées ?

Je serais tenté de dire que ces deux plans ont une influence. Chacun constate l’évolution de la menace terroriste. Vous avez fait référence, mes chers collègues, aux loups solitaires, à l’idée qu’une radicalisation peut survenir alors même que l’on est isolé. Ainsi les responsables des mosquées font-ils aujourd’hui référence, lorsque l’on discute avec eux, à l’« imam Google », qui a remplacé leur propre autorité. Il existe donc une autoradicalisation.

Par ailleurs, ce sont des personnes condamnées à des peines longues à la suite d’actes terroristes qui vont bientôt sortir de prison. Or la lutte contre la radicalisation n’a obtenu qu’une réussite limitée ; c’est d’ailleurs l’un des points faibles de notre société. En outre, le taux de troubles psychiatriques parmi ces personnes est important.

Dans ces conditions, il est normal d’examiner au mieux les conditions d’équilibre et de proportionnalité des mesures proposées. Je ne crois pas qu’il y ait là une référence à une justice que l’on pourrait dire « prédictive ». Quant à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, elle n’a qu’un lointain rapport avec les sujets qui nous occupent aujourd’hui. Il me semble donc difficile de reprendre des citations de l’époque !

Le groupe Union Centriste considère que les deux nouvelles rétentions de sûreté proposées vont dans le bon sens. Elles concernent, d’une part, les personnes condamnées pour fait de terrorisme atteintes de troubles psychiatriques graves et, d’autre part, les personnes condamnées encore engagées dans une idéologie radicale.

Nous approuvons une telle extension. Nous approuvons aussi que soit retravaillé – c’est peut-être l’un des points les plus délicats de la proposition de loi – le délit de recel d’apologie du terrorisme. La conciliation entre les libertés, le principe de légalité d’une infraction et l’objectif à valeur constitutionnelle d’ordre public est un problème qui résonne singulièrement.

Il nous faut tout de même mesurer l’importance du sujet à traiter, au-delà de la qualification juridique. Si, à l’occasion d’une visite domiciliaire, sont révélés la détention ou l’enregistrement de données à caractère terroriste, que fait-on ? On voit bien que le choix est entre judiciariser, avec les garanties qui en résultent, et ne rien faire, ce qui, dans une telle situation, me paraîtrait extrêmement perturbateur. C’est un risque qu’il serait difficile de prendre, alors même que nous prenons bien volontiers en considération l’attention que vous avez manifestée pour la qualité de la rédaction de cette disposition.

J’avoue avoir un faible pour la créativité des auteurs de la proposition de loi et de notre rapporteur, qui souhaitent aller chercher, si vous me permettez cette formule, la diffusion de contenus faisant l’apologie du terrorisme sur des réseaux de communication privés, lorsque l’ampleur de cette diffusion est importante ou en cas d’absence, entre les destinataires, d’intérêts communs autres que celui pour le terrorisme. Je crois en effet que l’autoradicalisation peut s’alimenter dans des groupes WhatsApp, Telegram et autres, en tout cas dans la fréquentation d’un environnement qui isole et fournit une sorte de substrat mortifère.

Je suis un peu plus réservé sur la peine complémentaire de bannissement numérique. Je comprends, monsieur le rapporteur, que ce sont les mineurs qui seraient particulièrement visés. Toutefois, je vois mal ce qui interdirait de créer des profils successifs, sauf à ce que les plateformes bannissent à partir de l’identifiant de connexion, ce qui me paraît plus compliqué.

En outre, je vois mal la portée de l’interdiction de paraître dans les transports en commun, même si je comprends bien que vous avez en tête les jeux Olympiques.

Enfin, s’agissant des articles 9 et 10, ils seront revus dans le cadre de la navette.

Malgré la lourdeur et la noirceur du sujet, je souhaite conclure de manière un petit peu plus ludique, en évoquant l’« inconduite notoire » comme motif de retrait d’un sursis probatoire. Une telle référence m’a quelque peu étonné, même si je partage, monsieur le rapporteur, votre souci d’en trouver une. Je dois cependant l’admettre, l’article 733 du code de procédure pénale fait bien référence à l’inconduite notoire comme motif de retrait d’une libération conditionnelle, ce qui montre que le droit pénal peut aussi réserver quelques surprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Szpiner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme, c’est un venin inoculé à la démocratie, dont le but est de nous faire perdre nos valeurs, ce qui permet ensuite d’affirmer que nous ne valons pas mieux en termes de non-droit et de violence. Nous savons ce qu’il en est advenu pour la démocratie américaine à Guantanamo.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est un texte qui respecte l’État de droit, qui n’est pas, je le rappelle, l’État de faiblesse. Quelle a été la démarche du président de la commission des lois et du rapporteur ? Ils ont fait le point avec les acteurs de la lutte antiterroriste pour tenter, au vu d’un certain nombre de dossiers, d’améliorer l’efficacité des forces de l’ordre et de l’institution judiciaire.

Ces propositions sont-elles, par nature, contraires à l’État de droit ? J’en viens d’emblée à la disposition la plus contestée, à savoir celle de la rétention de sûreté, notion que nous n’avons pas inventée. Ce que vous dites est tout de même extraordinaire, monsieur le garde des sceaux ! Ce n’est pas de la justice « prédictive » ! La rétention existe dans le code de procédure pénale ; elle a été votée et avalisée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas ce qu’on a fait de mieux !

M. Francis Szpiner. Nous nous contentons d’ajouter, après les violeurs, les pédophiles, les assassins et les auteurs d’actes de barbarie, les terroristes. Vraiment, cela vous choque-t-il d’ajouter à cette liste ceux qui sèment la terreur et tuent ? Car c’est de cela qu’il s’agit !

Si vous relisez l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, vous verrez qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle obéissant à un certain nombre de conditions.

Vous ne pouvez donc pas dire à nos concitoyens qu’il faudrait refuser cette mesure exceptionnelle, qui existe d’ores et déjà, qui est encadrée par la loi, au motif qu’en la complétant dans le sens que nous proposons nous porterions atteinte aux libertés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa et Mme Sylvie Goy-Chavent. Parfait !

M. Francis Szpiner. Vous vous inquiétez par ailleurs des problèmes de dissolution d’associations. Mais le terrorisme est une chaîne ! Il y a celui qui tue, mais il y a aussi celui qui loue l’appartement, celui qui fournit les armes, celui qui fournit la voiture, etc. : toute une série de maillons dont font partie des associations, qui font office, par exemple, d’agences de voyages vers la Turquie, vers la Syrie, vers les territoires contrôlés par Daech. Il faut s’armer de tous les moyens normatifs possibles dans cette lutte.

En outre, d’éventuelles dissolutions – M. le ministre de l’intérieur le sait – ne se font que sous le contrôle de la justice administrative, laquelle ne partage pas toujours nos analyses.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est même fréquent !

M. Francis Szpiner. Ainsi va l’État de droit !

Notre vision est simple : lutter contre le terrorisme sous le contrôle du juge. En tout état de cause, je ne vois pas en quoi ces dispositions portent atteinte à l’État de droit.

Pour ce qui est des mineurs radicalisés, lorsqu’un mineur de plus de 13 ans est mis en prison, pensez-vous vraiment que ce puisse être parce qu’il a commis un péché véniel ? J’étais voilà quelques semaines au tribunal criminel pour enfants où étaient jugés les gamins qui ont dénoncé – vendu – Samuel Paty à son assassin. À quelle peine ont-ils été condamnés ? Vingt mois de prison, dont une partie avec sursis. Quand la justice met un mineur en prison, vous pensez bien qu’elle le fait par nécessité, pour des raisons impérieuses.

J’en viens au délit de recel d’apologie du terrorisme.

Le père Hamel a été tué parce que, en quarante-huit heures, sur WhatsApp, ses assassins se sont rencontrés. Cette boucle WhatsApp était suivie par le renseignement territorial, mais celui-ci n’a tout simplement pas eu les moyens d’arrêter les futurs meurtriers. Si les dispositions de la présente proposition de loi avaient existé, il aurait été possible d’intervenir !

Je veux bien que, dans un monde parfait, on puisse tout faire, sonder les cœurs et les reins, et se dire que l’on va sauver tout le monde. Mais l’impératif d’efficacité commande que nous nous donnions les moyens de lutter contre le terrorisme. Cette proposition de loi a peut-être l’apparence d’un paquet de mesures séparées, mais c’est bien l’expérience du terrain qui nous conduit à rassembler ces divers éléments.

Nous avons par ailleurs, avec M. le rapporteur, un point de divergence – il le sait. Il a certes accompli un très gros travail, et M. Bonnecarrère a raison de dire que l’inconduite notoire existe déjà dans le code de procédure pénale. Après qu’un avocat a contesté les dispositions afférentes et demandé que le Conseil constitutionnel soit saisi parce qu’il estimait que cette notion était trop vague, la chambre criminelle – qui porte parfois bien son nom – de la Cour de cassation a statué qu’il n’y avait pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel n’a donc pas eu à se prononcer, à ce jour, sur la notion d’« inconduite notoire ». Reste qu’à mon avis il est impossible de s’appuyer sur une telle notion ; et la nouvelle formulation retenue par la commission ne me satisfait pas.

Dans l’ensemble, néanmoins, mes chers collègues, le texte que nous vous demandons d’adopter est un texte efficace, utile, qui ne viole aucun principe juridique.

J’ajoute une dernière remarque.

M. le ministre de l’intérieur a dit, à juste titre, qu’il était chagriné par un aspect du texte, à savoir les aggravations de peine prévues à l’encontre des imams faisant l’apologie du terrorisme…

M. Gérald Darmanin, ministre. Dans les lieux de culte !

M. Francis Szpiner. … dans les lieux de culte. Il s’est inquiété de ce que le Conseil d’État a déjà émis, sur des mesures similaires, un avis défavorable. J’ai beaucoup de respect pour le Conseil d’État ; mais celui-ci, comme son nom l’indique, ne donne que des conseils : il ne dit pas la conformité à la Constitution.

Et, comme M. le ministre l’a fait remarquer, il est quand même extraordinaire que le ministre du culte ait droit à toute la considération du Conseil d’État quand il est victime – en cas d’agression, il fait l’objet, comme le lieu de culte, d’une protection spécifique, le fait que la victime ait la qualité de ministre du culte et que l’agression soit commise dans un lieu affecté au culte valant circonstance aggravante – et à toute son indulgence quand il est auteur. Je pense donc qu’il faut maintenir cette nouvelle circonstance aggravante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un délit qui existe par ailleurs !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste

TITRE Ier

INSTITUER DE NOUVELLES MESURES DE SÛRETÉ APPLICABLES AUX CONDAMNÉS POUR TERRORISME À LEUR SORTIE DE DÉTENTION

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 230-19 est complété par un 20° ainsi rédigé :

« 20° Les obligations ou interdictions prévues au 5° de l’article 132-44 dudit code et aux 8°, 9°, 12° à 14° et 19° de l’article 132-45 du même code prononcées dans le cadre d’une mesure de sûreté applicable aux auteurs d’infractions terroristes prévue à l’article 706-25-16 du présent code. » ;

2° À l’intitulé du titre XV du livre IV, les mots : « et du jugement des » sont remplacés par les mots : « , du jugement et des mesures de sûreté en matière d’ » ;

3° Au quatrième alinéa de l’article 706-16, les mots : « à l’article 706-25-7 » sont remplacés par les mots : « aux articles 706-25-7 et 706-25-19 » ;

4° L’article 706-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures de sûreté prévues à la section 5 du présent titre sont ordonnées sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste par la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris ou, en ce qui concerne les mineurs, par le tribunal pour enfants de Paris. » ;

5° Au premier alinéa de l’article 706-22-1, après la référence : « 706-17 », sont insérés les mots : « et les personnes astreintes aux obligations prévues à l’article 706-25-16 » ;

6° L’intitulé de la section 5 du même titre XV est ainsi rédigé : « De la mesure judiciaire de sûreté applicable aux auteurs d’infractions terroristes » ;

7° L’article 706-25-16 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

– les mots : « état de récidive légale » sont remplacés par les mots : « réitération d’une infraction à caractère terroriste » ;

– la première occurrence du mot : « très » est supprimée ;

– le mot : « persistante » est remplacé par le mot : « avérée » ;

– après les mots : « actes de terrorisme », sont insérés les mots : « ou parce qu’elle souffre d’un trouble grave de la personnalité » ;

– après les mots : « sa réinsertion, », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, sur réquisitions du procureur de la République et dans les conditions prévues à la présente section, ordonner à son encontre une mesure judiciaire de sûreté comportant une ou plusieurs des obligations mentionnées à l’article 132-44 du code pénal et aux 1°, 8°, 12°, 13°, 19°, 20° et 22° de l’article 132-45 du même code. » ;

b) Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – La mesure prévue au I ne peut être ordonnée que lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :

« 1° Les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions mentionnées au premier alinéa du même I ;

« 2° La mesure apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive.

« La mesure de sûreté prévue audit I n’est pas applicable si la personne a été condamnée à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis simple en application de l’article 132-29 du code pénal, à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire en application de l’article 132-40 du même code, sauf si le sursis probatoire a été révoqué en totalité en application de l’article 132-47 dudit code, à un suivi socio-judiciaire en application de l’article 421-8 du même code ou si elle fait l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire prévue à l’article 723-29 du présent code, d’une mesure de surveillance de sûreté prévue à l’article 706-53-19 ou d’une rétention de sûreté prévue à l’article 706-53-13. » ;

8° L’article 706-25-17 est ainsi rédigé :

« Art. 706-25-17. – La situation des personnes détenues susceptibles de faire l’objet de la mesure judiciaire de sûreté prévue à l’article 706-25-16 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République, au moins six mois avant la date prévue pour leur libération par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité et leur probabilité de récidive.

« À cette fin, la commission demande le placement de la personne concernée, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.

« À l’issue de cette période, la commission adresse à la juridiction régionale de la rétention de sûreté et à la personne concernée un avis motivé sur la pertinence de prononcer la mesure mentionnée à l’article 706-25-16 au vu des critères définis au I du même article 706-25-16. » ;

9° L’article 706-25-18 est ainsi rédigé :

« Art. 706-25-18. – La mesure judiciaire de sûreté prévue à l’article 706-25-16 est prononcée, avant la date prévue pour la libération du condamné, par un jugement rendu après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. La décision doit être spécialement motivée au regard des conclusions de l’évaluation et de l’avis mentionnés à l’article 706-25-17, ainsi que des conditions mentionnées au I de l’article 706-25-16.

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté ne peut prononcer la mesure prévue au même article 706-25-16 qu’après avoir vérifié que la personne a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge adaptée à sa personnalité et à sa situation, de nature à favoriser sa réinsertion.

« Le jugement précise les obligations auxquelles le condamné est tenu ainsi que la durée de celles-ci.

« La décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la libération.

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande de la personne concernée, selon les modalités prévues à l’article 706-53-17 et, le cas échéant, après avis du procureur de la République, modifier les mesures de sûreté ou ordonner leur mainlevée. Cette compétence s’exerce sans préjudice de la possibilité, pour le juge de l’application des peines, d’adapter à tout moment les obligations de la mesure de sûreté. » ;

10° L’article 706-25-19 est ainsi rédigé :

« Art. 706-25-19. – La mesure de sûreté prévue à l’article 706-25-16 est prononcée pour une durée maximale d’un an.

« À l’issue de cette période, elle peut être renouvelée pour la même durée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté, sur réquisitions du procureur de la République et après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, dès lors que des éléments actuels et circonstanciés permettent d’établir que les conditions prévues au I du même article 706-25-16 continuent d’être réunies.

« La durée totale de la mesure ne peut excéder trois ans ou, lorsque le condamné est mineur, deux ans. Cette limite est portée à cinq ans ou, lorsque le condamné est mineur, à trois ans, lorsque la personne a été condamnée à une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à dix ans. » ;

11° L’article 706-25-20 est ainsi rédigé :

« Art. 706-25-20. – Les décisions de la juridiction régionale de la rétention de sûreté prévues à la présente section sont prises après avis du juge de l’application des peines compétent en application du premier alinéa de l’article 706-22-1. Elles peuvent faire l’objet des recours prévus aux deux derniers alinéas de l’article 706-53-15.

« La mesure prévue à l’article 706-25-16 et les obligations y afférentes sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.

« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la mesure et d’une ou de plusieurs des obligations prévues au même article 706-25-16 doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure. »

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 11 à 16

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous ne souhaitons pas, par cet amendement, discuter le bien-fondé du principe même des mesures de sûreté, dont il a déjà été débattu à maintes reprises ; nous souhaitons encore moins remettre en cause tout ce qui peut aller dans le sens d’un renforcement de l’accompagnement médical et psychiatrique.

Nous tenons cependant à marquer notre opposition à certaines des évolutions introduites par le rapporteur. En effet, l’application d’une mesure de sûreté décidée sur le fondement d’un risque de récidive et d’une adhésion persistante à une idéologie incitant au terrorisme apparaît extrêmement délicate, d’autant plus que cette mesure pourrait désormais trouver à s’appliquer en cas de réitération d’une infraction à caractère terroriste, soit sur un champ bien plus large que celui qui était défini par la version initiale de la proposition de loi, laquelle visait la seule récidive. La notion d’infraction à caractère terroriste couvre en effet une multitude d’actes à la dangerosité et à la gravité variables.

Les transformations législatives proposées semblent donc à la fois superflues et dangereuses. Je vous pose la question, monsieur l’auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur : en quoi une adhésion « avérée » est-elle plus facile ou plus pertinente à caractériser qu’une adhésion « persistante » ? Du propre aveu du rapporteur en réunion de commission, la rédaction qui, dans le texte initial, encadre cette mesure de sûreté serait trop peu « opérationnelle ». Mais ce constat n’est-il pas rassurant ? Il démontre simplement que des mesures aussi exceptionnelles doivent être strictement encadrées et ne sauraient s’appliquer qu’à une fraction infinitésimale de la population, à moins que vous ne considériez que des millions de terroristes sont en liberté dans les rues.

Je le rappelle, notre objectif est vraiment l’efficacité et l’opérationnalité de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous venez de le dire à juste titre, ma chère collègue : nous recherchons l’efficacité. À cet égard, notre collègue Szpiner vient de remarquablement dire les choses.

Que constatons-nous ? Le parquet antiterroriste nous dit que la disposition de prévention de la récidive terroriste est une bonne mesure, mais que, compte tenu de la rédaction actuellement en vigueur, il ne parvient pas à caractériser la « dangerosité » visée par la loi.

J’ai tout simplement demandé au procureur national antiterroriste quelle meilleure formulation nous pourrions trouver, et il m’a répondu que la loi pourrait viser une probabilité « élevée » plutôt que « très élevée » de récidive et une adhésion « avérée » plutôt que « persistante » aux idéologies incitant à la commission d’actes de terrorisme.

Mon idée n’est pas de réinventer les choses : avec une telle formulation, nous gagnerons en efficacité et il sera plus facile de condamner : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En l’état du droit, la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste, créée par la loi du 30 juillet 2021, peut être prononcée à l’égard de personnes qui présentent, à l’issue de l’exécution de leur peine, « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».

Ces critères reprennent ceux qui sont applicables aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). C’est la raison pour laquelle – je suis d’accord avec l’auteur de l’amendement – il convient de ne pas multiplier les rédactions permettant d’appréhender la radicalisation : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 47, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Les deuxième et troisième alinéas et la seconde phrase du quatrième alinéa du I sont supprimés ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 1er ter (nouveau)

Article 1er bis (nouveau)

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 742, après la référence : « 739 », sont insérés les mots : « ou en cas d’inconduite notoire » ;

2° Au premier alinéa de l’article 763-5, après le mot : « soins », sont insérés les mots : « ou en cas d’inconduite notoire ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 12 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 28 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 32 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Guy Benarroche. Les discussions qui ont eu lieu en commission – ainsi que le bon sens – ont conduit le rapporteur à renoncer à la notion d’« inconduite notoire », dont il a été question en discussion générale. Cela dit, sa proposition consiste à remplacer cette notion par les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ».

Or un tel critère apparaît flou et serait source d’arbitraire. De surcroît, la constatation d’un tel manquement suffirait à révoquer un sursis probatoire ; or le sursis probatoire s’assortit d’obligations prononcées par le juge telles que l’obligation de travailler ou de suivre une formation, l’obligation de soins, l’interdiction de se rendre dans certains lieux, etc. Le non-respect de ces obligations est un critère beaucoup plus objectif que celui qui est ici proposé.

Je rappelle également que le contrôle du suivi des obligations est effectué par le juge de l’application des peines, assisté par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Or ceux-ci restent en attente d’une profonde revalorisation de leurs carrières – et je profite de l’examen de ce texte pour rappeler qu’il est indispensable de réarmer ces services essentiels.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 28.

M. Ian Brossat. Comme vient de le dire Guy Benarroche, cet article ajouté en commission la semaine dernière complète les motifs de retrait d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire définis dans le code de procédure pénale par la notion d’« inconduite notoire ».

Tout d’abord, sur la forme, il fait partie des articles de cette proposition de loi qui dépassent le strict cadre de la législation antiterroriste, ce qui ne saurait nous convenir.

Sur le fond, ensuite, si nous pouvons souscrire à l’objectif de lutte contre le terrorisme, cela suppose de légiférer avec le plus de précautions possible, comme nous y invitent les multiples censures du Conseil constitutionnel. Bien que déjà présente dans le code de procédure pénale, la notion d’« inconduite notoire » est à la fois source d’insécurité juridique et contraire à l’objectif de lisibilité de notre droit.

C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 32.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons eu ce débat sur la notion d’« inconduite notoire » en commission des lois. J’entends que vous fassiez référence au procureur national antiterroriste – ce n’est pas la première fois, cher collègue Daubresse : tout cela est formidable –, mais, que je sache, ce n’est pas lui qui rédige la loi. Je pense que nous devrions éviter d’écrire les articles des textes dont nous débattons sous la dictée d’un procureur.

Toujours est-il que les mots « inconduite notoire » ne veulent rien dire. D’ailleurs, en commission, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas su éclairer ce que concrètement cela signifiait.

Quelles sont nos objections ?

Le critère de lisibilité de la loi est un motif de censure constitutionnelle : si cette proposition de loi était déférée devant le Conseil constitutionnel, les dispositions qui visent l’inconduite notoire seraient censurées. Pour ce qui est des questions d’inconstitutionnalité, je le sais bien, la majorité sénatoriale comme le Gouvernement se montrent assez peu farouches, mais il est temps de se reprendre.

Un autre argument peut être invoqué, mais notre collègue Szpiner le fera sans doute – je ne veux pas l’en priver.

La proposition du rapporteur Daubresse, dont nous allons débattre en examinant l’amendement suivant, n’est pas plus efficace. S’agissant d’une sanction radicale, il faut que les critères soient précis. La matière pénale étant ce qu’elle est, nous ne pouvons rester dans le flou au seul motif qu’un procureur antiterroriste se serait prononcé dans le sens que vous avez indiqué – « c’est embêtant » ; « dans certains cas, on ne sait pas… » ; « cependant… » ; « on a l’impression que… » ; « ça ne va pas », etc.

Telle n’est pas la façon dont nous devons travailler !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais d’un même mouvement donner l’avis de la commission sur ces amendements et présenter mon amendement n° 48 : ils relèvent du même débat.

Je vais redire, pour les collègues qui n’en sont pas membres, ce que j’ai expliqué en commission des lois.

Madame de La Gontrie, je n’écris aucun amendement sous la dictée d’untel ou untel.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ne faites pas référence au procureur national antiterroriste, alors !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Si vous avez lu mon rapport – et je ne doute pas que vous l’ayez fait –, vous y aurez vu que j’ai tenu compte d’observations formulées par les juges de l’application des peines, par le procureur antiterroriste, par les tribunaux pour enfants – pour ce qui a trait aux mineurs – et par des tas de professionnels du droit. Nous sommes confrontés à de nouvelles formes, endogènes, de terrorisme. La question est donc de savoir comment nous pouvons être plus opérationnels, plus efficaces, dans le respect des libertés.

Voici ce que l’on nous dit, et qui est vrai : un certain nombre de condamnés satisfont certes « facialement », quand ils sont en prison, aux critères de prévention de la récidive, mais on peut démontrer qu’ils ont par ailleurs des comportements, notamment sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas forcément exemplaires – c’est le moins que l’on puisse dire. On m’a donc parlé de la notion d’« inconduite notoire ». J’ai vérifié : elle figure déjà dans le code de procédure pénale, comme l’a souligné M. Bonnecarrère, mais il est vrai que la définition en est quelque peu sibylline.

Rouvrant le débat aujourd’hui même en commission, j’ai dit que les termes d’« inconduite notoire » étaient une mauvaise formulation : je la retire donc. De fait, persévérer dans cette direction nous exposerait à des risques juridiques certains.

Nous proposons de leur substituer les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ». Cette formulation, mes chers collègues, nous l’avons en effet votée dans le récent projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Nous verrons bien dans quelques jours, d’ailleurs, ce qu’en dit le Conseil constitutionnel…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voilà rassurés !

M. Gérald Darmanin, ministre. Et pourtant, c’est bel et bien rassurant !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Au moins, nous fondons notre rédaction sur une notion que l’on peut caractériser : « avoir des comportements manifestement irrespectueux des principes de la République ».

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 12, 28 et 32 au profit de l’amendement n° 48 de la commission, même si, évidemment – je l’ai déjà dit –, je suis ouvert à ce que nous retenions une nouvelle formulation dans le cadre de la navette, à supposer que le texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sur les amendements nos 12, 28 et 32, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Je veux rassurer Mme de La Gontrie : ce n’est pas le procureur national antiterroriste qui dicte quoi que ce soit. Il applique la loi, comme tous les magistrats de ce pays, qui sont, selon la formule consacrée, « la bouche de la loi ».

En revanche, il n’est pas inutile de prendre attache avec le procureur national antiterroriste, qui répond aux questions qui lui sont posées et dont l’expérience est extrêmement précieuse pour éclairer nos débats – voilà tout ce que je me permets de dire. Rassurez-vous, madame la sénatrice : chacun est à sa place et le procureur national antiterroriste n’a pas violé la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous défendez le rapporteur ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je défends le procureur national antiterroriste ! Et j’entends bien que l’on puisse l’auditionner et s’inspirer des réponses qui sont les siennes. Je ne vois pas là que le parquet national antiterroriste, le Pnat, soit celui qui dicte la loi au législateur.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12, 28 et 32.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 48, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

en cas d’inconduite notoire

par les mots :

lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

ou en cas d’inconduite notoire

par les mots :

ou lorsque le comportement du condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République

Cet amendement a été précédemment présenté par M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sagesse, comme sur les précédents.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Le rapporteur Daubresse propose de remplacer les mots : « en cas d’inconduite notoire » par les mots « lorsque le comportement du condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ».

Nous avions déjà signalé, lors du débat sur le projet de loi Immigration, quels risques d’inconstitutionnalité emporte une telle rédaction, étant donné le flou, c’est-à-dire la menace d’arbitraire, qui entoure pareille expression. Encore ne s’agissait-il alors que de la délivrance de titres de séjour, ce qui est déjà en soi un sujet très sérieux. En l’espèce, il s’agit de renvoyer des gens en prison : en la matière, la présente proposition n’est pas plus acceptable que la notion d’« inconduite notoire », raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 2

Article 1er ter (nouveau)

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 723-35, après le mot : « imposées », sont insérés les mots : « ou de nouvelle condamnation » ;

2° Au premier alinéa de l’article 763-5, après le mot : « soins », sont insérés les mots : « ou de nouvelle condamnation ».

M. le président. L’amendement n° 46, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à supprimer l’ajout par le rapporteur d’un nouveau motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi sociojudiciaire, à savoir la commission d’une nouvelle infraction.

Premièrement, nous souhaitons rappeler que cette proposition de loi est censée être motivée par la lutte antiterroriste et par conséquent être ciblée sur les condamnés terroristes. Or cet article 1er ter aurait des effets bien plus larges.

Deuxièmement, pourquoi toute nouvelle condamnation devrait-elle entraîner la révocation d’un suivi sociojudiciaire ? Devrait-on révoquer ce type de mesure à l’aveugle, de manière automatique, sans aucune prise en compte du contexte, de la personnalité ou, tout bêtement, du type d’infraction auquel se rapporte cette nouvelle condamnation ? La révocation dont il est question s’appliquera-t-elle, par exemple, aux infractions routières ?

L’article 723-35 du code de procédure pénale dispose d’ailleurs d’ores et déjà que la juridiction de jugement qui décide de prononcer une nouvelle peine à l’encontre d’une personne placée sous surveillance judiciaire peut – après avis du juge de l’application des peines – révoquer ladite surveillance en cas de condamnation pour tout crime ou délit pour lequel le suivi sociojudiciaire est encouru, disposition tout à fait équilibrée et fonctionnelle.

Cet article 1er ter nous paraît donc superflu et dangereux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. S’agissant d’un amendement de suppression, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter.

(Larticle 1er ter est adopté.)

Article 1er ter (nouveau)
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Après l’article 2

Article 2

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 706-53-13 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou pour les crimes à caractère terroriste » ;

b) Au deuxième alinéa, après la troisième occurrence du mot : « aggravé », sont insérés les mots : « ou pour les crimes à caractère terroriste » ;

c) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à quinze ans pour un ou plusieurs crimes à caractère terroriste, ou d’une durée supérieure ou égale à dix ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et qu’il est établi, à l’issue d’un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l’exécution de sa peine, que cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion. » ;

d) (nouveau) Le dernier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette prise en charge est adaptée au profil des personnes placées en application du troisième alinéa du présent article afin de leur permettre l’acquisition des valeurs de la citoyenneté. Elle peut, le cas échéant, intervenir, de façon permanente, au sein d’un établissement d’accueil adapté. » ;

2° Au premier alinéa de l’article 706-53-14, le mot : « à » est remplacé par les mots : « aux premier et deuxième alinéas de » ;

3° Après le même article 706-53-14, il est inséré un article 706-53-14-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-53-14-1. – La situation des personnes mentionnées à l’article 706-53-13 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité.

« À cette fin, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté demande le placement de la personne concernée, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues, aux fins notamment d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.

« À l’issue de cette période, la commission adresse à la juridiction régionale de la rétention de sûreté et à la personne concernée un avis motivé sur l’opportunité de prononcer la mesure mentionnée à l’article 706-25-16 au regard des critères définis au deuxième alinéa du I du même article 706-25-16.

« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l’objet d’une rétention de sûreté lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :

« 1° Les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes et la mesure prévue audit article 706-25-16 apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions criminelles à caractère terroriste ;

« 2° La mesure apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive.

« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge adaptée à sa radicalisation et de mesures de nature à favoriser sa réinsertion.

« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au tribunal de l’application des peines de Paris pour qu’il apprécie l’éventualité d’un placement sous surveillance judiciaire. »

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Le droit en vigueur autorise, à titre exceptionnel, à continuer d’enfermer une personne bien qu’elle ait fini d’exécuter sa peine lorsqu’elle présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’ell[e] souffr[e] d’un trouble grave de la personnalité ».

La disposition que je viens de citer se compose d’une conjonction de subordination, qui marque une relation causale, et de la mention d’un « trouble grave de la personnalité », qui renvoie à une pratique psychiatrique longue, connue, et à une évaluation d’ordre médical.

Il est proposé, dans cette proposition de loi, d’ajouter dans le code de procédure pénale une nouvelle possibilité d’enfermer quelqu’un sans qu’il y ait été condamné, s’il « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».

Monsieur le rapporteur, ce que vous écriviez à propos du suivi judiciaire dans le rapport d’information que vous consacriez en février 2020 au bilan de la loi Silt peut être aujourd’hui répété : « Les conditions d’appréciation de la dangerosité et du risque de récidive reposent exclusivement sur un examen clinique confié à des experts psychiatres. Or, comme l’ont indiqué les représentants du parquet national antiterroriste à la mission, une telle procédure, initialement conçue pour des auteurs d’infractions à caractère sexuel, ne permet que difficilement d’apprécier la dangerosité, d’un point de vue criminologique, des condamnés terroristes, qui ne présentent pas, dans leur grande majorité, de troubles mentaux. Dans la pratique, les experts sollicités peinent à se prononcer sur les cas de condamnés pour des faits de terrorisme, rendant parfois complexe, pour le magistrat, le prononcé d’une telle mesure, y compris dans les cas où la dangerosité apparaît évidente. »

De quelle « évidence » parliez-vous alors ? Il semble que vous ayez la prescience dont manquent tous les praticiens… Avez-vous bien réfléchi aux conséquences qu’emporterait l’application de la disposition qui nous est ici soumise ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez raison de relire ce que j’écrivais à l’époque.

Cette fois, vous ne souhaitez pas supprimer l’article dans son ensemble : vous êtes donc d’accord sur le principe. Reste qu’en proposant la suppression des alinéas 5 et 6 vous ne retenez pour ainsi dire que les critères qui s’appliquent actuellement à la mesure de prévention de la récidive terroriste ; or ceux-ci sont à ce point restrictifs qu’ils seraient plutôt constitutifs d’une nouvelle infraction, à savoir l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Vous allez donc très loin !

Quant à moi, j’essaie de définir des critères qui permettent de prendre en charge de façon permanente dans une structure spécialisée, aux fins de déradicalisation, les personnes condamnées pour crime terroriste sortant de plus de quinze années de détention, qui présentent une probabilité de récidive très élevée. La mesure que je propose obéit à une procédure pluridisciplinaire, incluant des expertises médicales, et ne peut être appliquée qu’aux seuls criminels terroristes condamnés – je l’ai dit – à des peines supérieures à quinze ans d’emprisonnement, à condition, de surcroît, qu’il n’existe aucune autre mesure moins stricte permettant d’éviter la récidive.

Je considère donc que cette disposition présente toutes les garanties de proportionnalité nécessaires : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je m’en remettrai, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat.

Je vais m’en expliquer, répondant, ce faisant, à la philippique que j’ai dû subir de la part de Francis Szpiner.

Mais enfin, nous a-t-il dit de sa voix si belle et si grave (Sourires.), une telle rétention de sûreté est acceptée depuis 2008, notamment pour les viols. Et on ne l’accepterait pas pour le terrorisme ?

Mais le problème n’est pas du tout là, monsieur le sénateur !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous n’avez pas bien examiné la question, ce qui m’étonne, car je sais combien vous êtes toujours minutieux et scrupuleux dans l’analyse que vous faites des textes.

En réalité, il manque un petit quelque chose dans votre exposé : c’est la condition de présence chez l’intéressé de troubles mentaux dûment constatés. Or, à vous suivre, la rétention de sûreté pourrait être prononcée à raison de la seule constatation d’une dangerosité criminologique – et rien d’autre.

Vous énumérez les infractions, dont le viol, auxquels s’applique, depuis 2008, la rétention ; dont acte. Et vous proposez de supprimer le critère de trouble mental, qui, à l’heure actuelle, conditionne le prononcé d’une peine de rétention de sûreté. Voilà qui n’est pas neutre : la différence est de taille !

Ces alinéas me semblent donc contestables sur le plan constitutionnel, mais le Sénat, dans la grande sagesse dont il est coutumier, dira ce qu’il a à dire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je pense qu’il faut poursuivre le raisonnement du garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour une fois que vous êtes d’accord avec moi…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sur les dispositions dont nous demandons la suppression, le Gouvernement se prononce défavorablement, et le fait de manière extrêmement argumentée ; c’est que nous sommes ici au cœur de la justice prédictive.

Le problème que nous avons, avec les infractions terroristes, c’est que nous sommes en réalité incapables d’identifier des troubles mentaux chez celles et ceux – plutôt ceux, d’ailleurs – qui les commettent.

Il a déjà été prévu – chacun en a pensé ce qu’il voulait – une entorse au principe en vertu duquel il ne peut y avoir de sanction post-sentencielle – au moins ladite entorse restait-elle cantonnée aux troubles mentaux.

Monsieur le rapporteur Daubresse, que dit le Pnat ? Il dit qu’il ne sait pas faire, qu’il ne sait pas encadrer ces situations de prévention de la récidive par la constatation de troubles mentaux. Si vous votez ce dispositif, mes chers collègues, vous mettrez le doigt dans la justice prédictive…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ça, c’est sûr…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … et, sur cette pente, vous ne vous arrêterez jamais ! Dès lors, vous considérerez que toute personne condamnée est vouée à récidiver.

C’est en cela que le problème est grave et c’est en cela que votre proposition est inconstitutionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 1

Après l’article 2

Après l’article 2
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 13

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La section 7 du titre III du livre premier est complétée par un article 137-… ainsi rédigé :

« Art. 137-…. – La personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut bénéficier des mesures prévues aux sous-sections 1 et 2 de la présente section. » ;

2° Le second alinéa de l’article 729-2 est supprimé.

II. – Après l’article 132-1 du code pénal, il est inséré un article 132-1-… ainsi rédigé :

« Art. 132-1-…. – Une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut être condamnée à une peine nécessitant pour son exécution sa présence sur le territoire national, à l’exception de l’emprisonnement, la détention criminelle ou la réclusion criminelle effectifs au sein d’un établissement pénitentiaire.

« Aucun aménagement de peine nécessitant pour sa bonne exécution la présence du condamné sur le territoire français ne peut être accordé à une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire national ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français.

« Les peines d’emprisonnement, de détention criminelle ou de réclusion criminelle des personnes visées à l’alinéa précédent ne peuvent être aménagées que selon les modalités prévues à l’article 729-2 du code de procédure pénale. »

III. – Le chapitre IV du titre IV du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 264-… ainsi rédigé :

« Art. L. 264-…. – Les décisions d’éloignement d’un étranger faisant l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire dont l’exécution nécessite sa présence sur le territoire français ne peuvent être mises à exécution en l’attente de la fin des obligations mises à sa charge. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est issu d’une proposition de loi déposée à la suite de différents incidents, en premier lieu le meurtre en 2021, en Vendée, du père Olivier Maire. Cet assassinat a été l’occasion de mettre en exergue ce qui me semble une incohérence de notre législation : la justice peut prononcer des mesures qui nécessiteront la présence de la personne sur le territoire national alors même que, légalement, elle n’a pas le droit d’y être et devrait le quitter immédiatement.

Il est donc proposé de prévoir que les personnes dépourvues de titre de séjour ou faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ne pourront être condamnées à des peines qui nécessitent, pour leur exécution, une présence effective sur le territoire national.

La condamnation à un travail d’intérêt général, par exemple, empêche l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cela me semble une incohérence, je l’ai dit ; c’est pour la supprimer que j’ai déposé le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mme Goulet soulève un véritable problème, qui a ému toute la France au moment du drame qu’elle a évoqué : celui de la conciliation, lorsqu’un étranger en situation irrégulière est mis en examen, entre le déroulement de la procédure judiciaire et l’exécution de la procédure d’éloignement.

Nous avions eu ce débat lors de l’examen de la loi Séparatisme ; à l’époque, nous n’avions pas souhaité faire primer l’éloignement sur la procédure judiciaire, afin d’éviter qu’il ne devienne virtuellement impossible, pour les victimes, d’obtenir réparation.

Les arguments qui avaient été avancés dans ce contexte sont toujours valables aujourd’hui. Je demande néanmoins au Gouvernement de nous le confirmer ; le cas échéant, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On ne peut pas éloigner les gens avant qu’ils n’aient été jugés, cela me paraît une évidence. Comment feraient les parties civiles ?

Cet argument avait nourri les discussions dans le cadre très particulier que vous avez rappelé, madame la sénatrice. Cette affaire n’étant pas terminée, il m’est d’ailleurs interdit de m’y pencher davantage.

En revanche, le débat public suscité par cette question – fallait-il éloigner l’intéressé ou le maintenir à la disposition de la justice ? – me paraît avoir été tranché dans un sens qui est évidemment favorable aux victimes.

Que n’aurait-on dit si ce monsieur avait été éloigné ! Qu’auraient dit les parties civiles ?

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, monsieur le président !

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 1
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Article 3

M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.

L’amendement n° 13, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de création de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, juridictions spécialisées compétentes dans les affaires complexes liées aux infractions terroristes.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement d’appel a pour objet d’amener dans la discussion le sujet de l’organisation territoriale judiciaire de la lutte antiterroriste.

Parce que le pouvoir judiciaire nous paraît le parent pauvre de la lutte antiterroriste, dominé en la matière à la fois par les services de renseignement et l’administration, via les préfets, notre groupe demande la mise en place de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, à l’image des juridictions interrégionales spécialisées actuellement compétentes en matière de lutte contre la criminalité organisée, qui ont fait leurs preuves dans le démantèlement des réseaux, comme les travaux de la commission d’enquête sénatoriale qui travaille actuellement sur le sujet sont en train de le confirmer.

La création de structures spécialisées dans la lutte contre le terrorisme au sein du tribunal de grande instance de Paris doit être étendue au niveau régional afin de contribuer au renforcement du renseignement territorial sur l’ensemble du territoire français, pour une meilleure prévention des projets criminels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à cette demande de rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis… sauf si c’est au ministre de l’intérieur et des outre-mer que vous demandez le rapport, monsieur le sénateur ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE II

RENFORCER LE SUIVI DES MINEURS RADICALISÉS ET ADAPTER L’ARSENAL PÉNAL APPLICABLE EN CAS DE COMMISSION D’ACTES DE TERRORISMES PAR DES MINEURS

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 13
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Article 5

Article 3

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Après le 3° de l’article L. 331-1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour une infraction à caractère terroriste. » ;

2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 331-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette durée est portée à deux ans pour l’instruction des infractions à caractère terroriste. » ;

3° Après l’article L. 333-1, il est inséré un article L. 333-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 333-1-1. – Le mineur âgé d’au moins treize ans peut être assigné à résidence avec surveillance électronique par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et la détention, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 137 et 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale, lorsqu’il encourt une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste. Ces juridictions statuent après avis du service de la protection judiciaire de la jeunesse ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation si l’intéressé est majeur au moment de la décision.

« Il peut en outre être astreint aux obligations prévues aux 1° à 14° de l’article L. 331-2 du présent code.

« Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile ne sont pas applicables. » ;

4° Après l’article L. 433-5, il est inséré un article L. 433-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 433-5-1. – La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à trois mois pour l’instruction du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal.

« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 2° de l’article L. 433-2 du présent code est portée à un an pour l’instruction des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du code pénal. » ;

5° L’article L. 433-6 est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à un an pour l’instruction des délits à caractère terroriste, à l’exception du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal. » ;

b) (nouveau) Après le mot : « instruction », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « des délits mentionnés aux articles 421-2-1 et 421-2-6 du code pénal. » ;

6° Le second alinéa de l’article L. 521-2 est complété par les mots : « , à l’exception des infractions à caractère terroriste ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 34 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à supprimer l’article 3, qui a pour objet de déroger au droit pénal spécial des mineurs pour étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation et placés sous main de justice.

Cet article va à l’encontre du principe de l’autonomie du droit pénal des mineurs délinquants, qui consiste à adapter la réponse pénale en tenant compte de la minorité de l’auteur de l’infraction.

Cette spécificité, qui autorise l’aménagement des règles procédurales, est sans cesse remise en cause par le groupe Les Républicains du Sénat. Ainsi, d’année en année, la procédure pénale des mineurs se rapproche de celle des majeurs.

Pourtant, les mineurs radicalisés et délinquants sont aussi victimes d’un environnement et en perte de repères. Ils sont par essence influençables et doivent être protégés contre les atteintes à leur libre arbitre.

La pauvreté et l’isolement social des mineurs sont, par exemple, des facteurs propices à leur radicalisation, qui peut même s’apparenter à un phénomène d’emprise sectaire.

À ce titre, le législateur a déjà prévu une incrimination d’incitation de mineurs à participer à un groupement terroriste. Cette incrimination, inscrite à l’article 421-2-4-1 du code pénal, sanctionne tout ayant droit faisant la promotion des mouvements sectaires ou radicaux auprès de mineurs.

Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires réaffirme l’intérêt d’une justice pénale des mineurs qui tienne compte des spécificités d’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, de la primauté de l’éducatif sur le répressif, de la spécialisation des juridictions et des procédures.

Le tout-répressif et les mesures coercitives à l’égard des mineurs ont une incidence importante et néfaste sur leur avenir et sur leur construction. Une politique de prévention contre la radicalisation à la hauteur des enjeux serait bien plus efficace que la simple surenchère répressive pour lutter contre l’embrigadement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 34.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement tend lui aussi à supprimer cet article, qui nous semble contraire à l’esprit qui doit gouverner la justice des mineurs.

Je veux mentionner la note du ministère de la justice du 10 février 2017 relative à cette question.

Venant de passer quarante-huit heures d’immersion au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de Gironde, j’ai pu mesurer le travail spécifique qui est mené sur cette question et qui reposer essentiellement sur le principe de la spécialisation.

Cet article est quelque peu contradictoire avec tout ce que nous tâchons de promouvoir et avec ce que le ministère de la justice essaie justement de développer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 34.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet, Borchio Fontimp, Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et M. Sido, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 9° de l’article L. 331-2 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° S’abstenir d’utiliser certains réseaux électroniques d’information ou de messagerie spécialement désignés par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’y maintenir une présence ou une activité, de quelque façon que ce soit. »

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Compte tenu de l’utilisation courante des réseaux de communication ou d’information par les discours de radicalisation, il me paraît indispensable de permettre aux juridictions pour enfants d’interdire à certains mineurs, faisant l’objet de mesures de contrôle judiciaire, l’utilisation des réseaux sociaux et l’accès à ces derniers, comme je l’ai souligné dans la discussion générale.

Le présent amendement vise à inscrire cette mesure spéciale parmi les obligations susceptibles d’intégrer le contrôle judiciaire d’un mineur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous comprenons parfaitement l’intention de M. Reichardt, mais le dispositif proposé est difficilement opérationnel et particulièrement restrictif.

En outre, ainsi que je l’ai rappelé en commission, nous pensons, compte tenu des obligations existantes – nous avons proposé, à l’article 14, de reprendre une peine complémentaire de bannissement numérique –, que nous sommes déjà suffisamment armés et qu’il ne faut pas aller plus loin, sous peine de nous exposer à un problème de proportionnalité.

En conséquence, je sollicite le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je formule la même proposition.

Je rappelle, par ailleurs, que le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique doit être examiné en commission mixte paritaire et que ce texte est plus large que ce que vous préconisez.

M. le président. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?

M. André Reichardt. Je confirme que M. le rapporteur m’a tenu le même discours en commission. Je veux lui dire que cet amendement ne me paraît pas manquer de proportionnalité.

Selon moi, il ne pose pas d’interdiction générale : il reviendrait naturellement au magistrat de prononcer l’interdiction concernée dans chaque affaire, selon chaque réseau. Il s’agit donc d’une faculté distincte et complémentaire de celle que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, à savoir le bannissement numérique.

Monsieur le garde des sceaux, je vous ai bien entendu également. Il est clair que le projet de loi que vous évoquez est important. Toutefois, il serait dommage de priver le juge de la faculté de prononcer cette interdiction.

Je maintiens mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 4

Le dernier alinéa de l’article L. 112-15 du code de la justice pénale des mineurs est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le placement peut se poursuivre après la majorité de l’intéressé, sur décision spécialement motivée du juge, lorsqu’il a été prononcé à l’égard d’un mineur pour l’instruction du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal ou des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du même code. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 6

Article 5

(Supprimé)

TITRE III

COMPLÉTER ET AJUSTER LES MOYENS ADMINISTRATIFS ET LE CADRE PÉNAL POUR LUTTER PLUS EFFICACEMENT CONTRE LE TERRORISME

Chapitre Ier

Renforcer les moyens d’enquête et de surveillance à disposition des services de renseignement

Article 5
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Article 7

Article 6

Le 3° de l’article 230-46 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’objet des acquisitions et des transmissions est licite et que les nécessités de l’enquête l’exigent, le procureur de la République ou le juge d’instruction saisi des faits autorise, sur demande spécialement motivée et pour une durée qui ne peut excéder quarante-huit heures, toutes opérations portant sur une ou plusieurs catégories de contenu, produit, substance, prélèvement ou service déterminées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Article 6
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Article 7 bis (nouveau)

Article 7

Après le chapitre VI du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI BIS

« Interdictions de paraître dans des lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste

« Art. L. 226-1-1. – Aux seules fin de prévenir la commission d’actes de terrorisme, le ministre de l’intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, prononcer à l’égard de toute personne ne faisant pas déjà l’objet de la même mesure au titre des obligations prévues aux articles L. 228-2 et L. 228-4 du code de la sécurité intérieure ou aux articles L. 332-11 et L. 332-16 du code du sport et pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste.

« Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l’événement, dans la limite de deux mois. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.

« Cette interdiction peut être assortie d’une obligation de répondre, au moment de l’évènement objet de l’interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par le ministre de l’intérieur, dans la limite d’une fois par jour.

« La personne soumise à l’obligation mentionnée au premier alinéa du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. Ce recours s’exerce sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code.

« Le fait de se soustraire aux obligations du présent article est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet article a pour objet de créer une nouvelle mesure administrative d’interdiction de paraître dans les grands événements, autonome des Micas.

Ces dernières, adoptées dans le cadre de la loi Silt, prévoient déjà l’obligation de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, l’obligation de signaler ses déplacements au-delà d’un périmètre déterminé et l’interdiction de paraître en un lieu déterminé.

Sous couvert du principe de précaution, l’adoption d’une énième mesure administrative créera inévitablement un risque d’arbitraire pour une partie de la population.

Dès lors que les aménagements apportés au droit pénal permettent de judiciariser de manière plus précoce les personnes susceptibles de passer à l’acte terroriste, de telles mesures, qui tendent à renforcer le millefeuille législatif et qui sont source de confusion, ne nous semblent pas nécessaires.

Enfin, la législation pénale en matière de lutte antiterroriste en France étant extrêmement développée, l’inscription, dans notre droit commun, d’une multitude de mesures administratives coercitives adoptées dans une logique prédictive fait peser des menaces sur notre État de droit.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

dans lesquels se tient un évènement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste

par les mots :

par décret, dans lesquels se tiennent des grands événements et des grands rassemblements de personnes ayant pour objet d’assister à des événements exposés à un risque d’actes de terrorisme en raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui les accueillent ainsi que leur organisateur

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement a pour objet de préciser les lieux concernés par l’interdiction de paraître.

Nous estimons que cette mesure s’inscrit ouvertement dans la perspective des jeux Olympiques. Il convient donc de définir le plus précisément possible à quel type d’événement elle s’appliquerait.

Nous proposons de définir cette interdiction par décret, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les grands événements, notamment pour les jeux Olympiques.

Nous nous inquiétons de ce que cet article, qui concerne un événement exceptionnel, pourrait devenir d’application courante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nos collègues socialistes veulent limiter aux seuls grands événements et grands rassemblements le champ de l’interdiction de paraître, créée par l’article 7 bis et qui, je le rappelle, ne s’applique normalement que dans le cadre des Micas.

Une telle limitation ne me paraît pas nécessaire et me semble trop restrictive. Je veux donner un exemple : le procès des complices des attentats de Trèbes et de Carcassonne, qui se tient actuellement, peut nécessiter que des interdictions de paraître soient prises à l’encontre de certains individus ; or, si votre amendement était adopté, cela serait impossible !

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer les mots :

Sauf urgence dûment justifiée,

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. L’alinéa 5 de l’article 7 prévoit notamment de déroger à la notification d’une interdiction de paraître à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur en cas « d’urgence dûment justifiée ».

Si l’alinéa 7 du même article permet expressément l’exercice d’un référé-liberté à l’encontre de cette interdiction, le juge administratif ne dispose que de quarante-huit heures pour statuer sur un tel recours.

Dès lors, et par cohérence avec la garantie du droit à un recours effectif, il convient de prévoir de manière systématique une notification à l’intéressé au plus tard quarante-huit heures avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de paraître, sans qu’une quelconque urgence puisse justifier l’inverse.

Le fait qu’une telle mesure d’interdiction soit autonome d’une Micas rend cette disposition d’autant plus nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Par cet article, la commission a souhaité conférer un caractère beaucoup plus opérationnel à l’interdiction de paraître, dans un nombre de cas très limités et strictement nécessaires, dont la liste est précisée, afin de permettre au ministre de l’intérieur de notifier la mesure moins de quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.

Toutefois, nous avons conservé la possibilité d’une contestation devant le juge des référés dans un délai maximum de quarante-huit heures, ce qui permet d’exercer les droits de recours : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 49, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

même code

par les mots :

code de justice administrative

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Article 7 ter (nouveau)

Article 7 bis (nouveau)

Avant le dernier alinéa de l’article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’annulation de la décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article, le ministre de l’intérieur peut interjeter appel dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification dudit jugement. Il est statué sur cet appel par le président de la cour administrative d’appel ou un magistrat délégué par lui dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine de la cour. La mesure dont le renouvellement a été annulé demeure en vigueur jusqu’à l’expiration du délai d’appel ou, en cas de recours, jusqu’à l’expiration du délai de soixante-douze heures précité. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 16 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 36 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 16.

M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à supprimer l’article 7 bis, qui a pour objet de rendre suspensif l’appel interjeté par le ministère de l’intérieur à l’encontre du jugement d’annulation de renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

Cette mesure confère un pouvoir disproportionné aux magistrats du parquet d’aller à l’encontre des décisions d’annulation des magistrats du pôle antiterroriste, alors que ces derniers souffrent d’un manque d’indépendance, étant placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques.

Pour rappel, les jugements d’annulation des Micas sont prononcés lorsqu’il n’existe plus de raisons sérieuses de penser que le comportement de l’individu constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.

Ce sont des mesures particulièrement attentatoires aux libertés individuelles, de nature à porter atteinte à la liberté d’aller et venir. L’opportunité de mettre fin ou non à de telles mesures doit donc être laissée à l’appréciation du magistrat, sans que sa décision soit assortie d’un quelconque effet suspensif.

La prévention des actes de terrorisme est un objectif légitime, qu’il ne s’agit nullement de contester.

Cependant, cet article, comme l’ensemble de la proposition de loi, en rognant sur les libertés individuelles, sans apporter de garanties aux justiciables, témoigne d’une dérive inquiétante en écho à une logique de suspicion qui a pénétré notre État de droit.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 36.

Mme Corinne Narassiguin. En commission, M. le rapporteur a souhaité conférer un caractère suspensif à l’appel interjeté par le ministère de l’intérieur à l’encontre du jugement d’annulation du renouvellement d’une Micas.

Selon certains, ce ne serait pas grave, puisqu’il est statué en appel dans un délai de soixante-douze heures. Mais cet argument ne tient pas : comme M. le rapporteur l’a expliqué en commission, lorsque le tribunal administratif annule la mesure de renouvellement, la surveillance de l’intéressé prend fin, y compris si le ministre de l’intérieur et des outre-mer fait appel du jugement.

Pourquoi en irait-il autrement ? Dans notre pays, ce sont encore les tribunaux qui décident en la matière !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 36.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

Avant le dernier

par les mots :

Après le huitième

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7 bis, modifié.

(Larticle 7 bis est adopté.)

Article 7 bis (nouveau)
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Article 7 quater (nouveau)

Article 7 ter (nouveau)

Le II de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À la fin du troisième alinéa, les mots : « ayant autorisé l’exploitation des documents et données saisis » sont supprimés ;

2° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « autorisant l’exploitation des documents et données saisis » sont supprimés.

M. le président. L’amendement n° 45, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Par cet amendement de suppression, nous tenons à faire remarquer deux choses, qui sont révélatrices à la fois de la dynamique de cette proposition de loi et d’un mouvement de fond qui, ces dernières années, va toujours dans le même sens.

M. le rapporteur a expliqué l’insertion de cet article par la présence d’une malfaçon dans la loi du 30 juillet 2021. Lorsque l’on veut légiférer aussi régulièrement et aussi rapidement sur ces questions, doit-on se plaindre de constater des malfaçons ?

Monsieur le rapporteur, vous souhaitez une voie de recours contre la décision du juge des libertés et de la détention du refus d’exploitation de documents et de données saisis dans le cadre d’une visite domiciliaire. Permettez-nous de dire que cette hypothèse est suffisamment rare pour devoir être amplement justifiée !

Vous n’avez de cesse de proposer de limiter l’office du juge, mais jusqu’où et jusqu’à quand ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7 ter.

(Larticle 7 ter est adopté.)

Article 7 ter (nouveau)
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Article 8

Article 7 quater (nouveau)

Après la première occurrence du mot : « consentement, », la fin de l’article L. 3211-12-7 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « se voir communiquer :

« 1° Les données d’identification de cette personne et les données relatives à sa situation administrative portées à la connaissance du représentant de l’État dans le département d’hospitalisation ou, à Paris, du préfet de police en application des articles L. 3212-5, L. 3212-8 et L. 3212-9 du présent code ou dont il dispose en application du chapitre III du présent titre et de l’article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque ces données sont strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ;

« 2° Les données relatives à la forme et à la durée de l’autorisation de sortie de courte durée, les données relatives à la modification de la forme de la prise en charge ainsi que les données relatives à la date de levée de la mesure de soins.

« Les données mentionnées aux 1° et 2° ne peuvent être communiquées lorsqu’elles sont antérieures de plus de trois ans à la date de levée de la mesure de soins sans consentement. »

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Il s’agit, cette fois, de supprimer l’article 7 quater, qui a pour objet de renforcer la transmission des informations ayant trait à la prise en charge d’une personne radicalisée hospitalisée sans son consentement aux préfets du lieu d’hospitalisation et du lieu de domicile.

Le Syndicat de la magistrature avait souligné, lors de l’examen de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, que ces dispositions marquaient une étape supplémentaire et significative dans le fichage et la surveillance des personnes souffrant de troubles psychiatriques.

Selon ledit syndicat, le secret médical est un principe fondamental de l’exercice de la médecine dont le respect découle des exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, relatives à la protection de la santé.

Sans confiance des patients envers leur médecin, par crainte de la diffusion de données médicales, l’incitation à aller se soigner se trouve dangereusement altérée, alors même que le code de déontologie médicale prévoit que le secret médical est institué dans l’intérêt des patients et pour préserver la confiance dans le corps médical.

Pour ces raisons, notre groupe s’oppose à cette mesure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7 quater.

(Larticle 7 quater est adopté.)

Chapitre II

Rénover les moyens d’entrave administrative aux activités et groupements terroristes

Article 7 quater (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 2

Article 8

I. – Le chapitre II du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 212-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La provocation mentionnée aux 1°, 6° et 7° est constituée lorsqu’une association ou un groupement de fait, à travers ses dirigeants ou un ou plusieurs de ses membres agissant en cette qualité ou directement liés à ses activités, dans les conditions fixées à l’article L. 212-1-1, incite des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer aux agissements mentionnés aux 1°, 6° et 7° du présent article ou les légitime publiquement ou s’abstient de mettre en œuvre les moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitation à les commettre. » ;

2° Après l’article L. 212-1-1, il est inséré un article L. 212-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-1-2. – Lorsque l’autorité administrative engage une procédure de dissolution d’une association en application de l’article L. 212-1 ou à défaut, dès le prononcé de cette dissolution, elle saisit, par requête, le président du tribunal judiciaire du ressort du siège de l’association, aux fins de désignation d’un curateur. Le président de la juridiction statue dans les cinq jours de sa saisine. La mission du curateur prend effet à la date où la dissolution est prononcée.

« Lorsque l’ordonnance est rendue au cours de la procédure de dissolution engagée sur le fondement du même article L. 212-1, la mission du curateur prend effet à la date où la dissolution est prononcée.

« Le curateur exerce les pouvoirs conférés par les articles 809-2 à 810-8 du code civil aux curateurs des successions vacantes.

« Le curateur a pour mission de procéder à la liquidation des biens de l’association et de convoquer, dans un délai déterminé par le tribunal, la réunion d’une assemblée générale à seule fin d’adopter une délibération sur la dévolution des biens, nonobstant toute clause figurant dans les statuts de l’association ou toute délibération préexistante ayant cet objet. L’assemblée générale est convoquée et délibère valablement à la majorité des suffrages exprimés quel que soit le nombre de membres présents. Le curateur communique immédiatement copie de la délibération de cette assemblée générale à l’autorité administrative.

« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’en application de la délibération mentionnée au quatrième alinéa du présent article, les actifs de l’association dissoute risquent d’être transmis à une personne morale dont l’objet ou les agissements sont de même nature que ceux ayant justifié la mesure de dissolution, ou lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé de la dévolution des biens, ou que le curateur a été empêché d’exercer sa mission, l’autorité administrative saisit le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de la délibération de l’assemblée générale et de désignation d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’une personne morale de droit public à laquelle les biens seront dévolus. La demande est formée, instruite et jugée selon les règles régissant la procédure accélérée au fond. À peine d’irrecevabilité, l’assignation est délivrée dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle la délibération mentionnée au premier alinéa a été portée à la connaissance de l’administration.

« La délibération de l’assemblée générale convoquée par le curateur ne produit ses effets qu’à l’expiration du délai imparti à l’autorité administrative pour saisir le tribunal judiciaire ou, le cas échéant, lorsque la demande est rejetée par une décision ayant force de chose jugée.

« Lorsque la décision de dissolution a fait l’objet d’une requête en annulation, la dévolution effective des actifs de l’association dissoute n’intervient le cas échéant qu’après rejet de cette requête.

« Dans l’attente des décisions juridictionnelles mentionnées aux sixième et septième alinéas, les actifs ayant fait l’objet de l’ordonnance de dévolution des biens par le tribunal judiciaire sont consignés à compter de son prononcé par le curateur. »

II. – L’article L. 212-1-2 du code de la sécurité intérieure s’applique aux procédures de dissolution engagées à compter de la publication de la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 26 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 37 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 26.

M. Ian Brossat. L’article 8 est celui qui a le plus attiré notre attention.

Il modifie les conditions de dissolution administrative des associations, en précisant la notion de « provocation » pouvant justifier une telle mesure.

Or cette dissolution dépasse largement le cadre de la seule lutte contre le terrorisme. Tel qu’il est rédigé, cet article modifie l’article L. 212-1 du code de sécurité intérieure, qui sous-tend le régime de dissolution de toutes les associations et groupements de fait.

Si l’islamisme est la mouvance la plus concernée par les mesures de dissolution, avec dix-neuf dissolutions sur quarante-six depuis 2012, aucune d’entre elles n’a été suspendue ou annulée en justice.

À vrai dire, sur ces quarante-six dissolutions, seules deux ont été suspendues en justice et deux autres ont été annulées, dont celle qui visait les Soulèvements de la Terre.

On peut convenir que quatre sur quarante-six, cela ne relève pas exactement d’un « gouvernement des juges », expression qui revient de manière récurrente dans le débat public, de façon pour le moins confuse… C’est pourquoi nous ne comprenons pas la volonté de « moderniser et renforcer » – pour reprendre les termes de l’exposé des motifs du texte – ce régime de dissolution administrative.

Plus généralement, le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’activisme violent publié en novembre dernier relève plusieurs des limites du principe même d’une telle mesure.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 37.

Mme Corinne Narassiguin. J’ai peu à ajouter à l’excellente présentation de M. Brossat.

Nous demandons également la suppression de ces dispositions, dont nous estimons qu’elles ne relèvent pas de l’objet de ce texte, consacré au terrorisme. Les dispositions de cet article vont bien au-delà et concernent directement la question des associations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 37.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 27, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Il s’agit d’un amendement de repli.

Nous proposons ici de ne supprimer que les dispositions de l’article qui touchent aux modalités de dissolution administrative des associations et groupements de fait, sans revenir sur celles qui instituent un régime de dévolution des biens de ces associations dissoutes, ajoutées en commission.

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Constitue une provocation au sens des 1° , 6° et 7° , l’incitation explicite ou implicite, par propos ou par actes, à se livrer aux agissements qu’ils mentionnent ou la légitimation publique de ces agissements ou l’abstention à mettre en œuvre des moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitations à commettre ces agissements. » ;

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 27.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous avons pris soin de reprendre les termes utilisés par le Conseil d’État dans sa récente décision sur les Soulèvements de la Terre.

Nous ne faisons donc que graver dans le marbre de la loi une définition jurisprudentielle, afin de sécuriser l’action des services du ministère de l’intérieur : avis défavorable sur l’amendement n° 27.

L’amendement de la commission vise simplement à rendre la rédaction de cet article plus lisible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 27 et favorable à l’amendement n° 51.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« S’agissant des provocations à la violence contre des biens, la décision de dissolution de l’association ou groupement de fait doit être adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public au vu des effets réels qu’ont pu avoir ces provocations. » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Il s’agit d’un amendement important.

Nous souhaitons consolider la jurisprudence du Conseil d’État que vient d’évoquer M. le rapporteur, laquelle distingue les violences contre les biens et les violences contre les personnes.

À la suite des manifestations de Sainte-Soline, le ministre de l’intérieur avait qualifié les manifestants d’« écoterroristes » et avait fait des Soulèvements de la Terre l’objet de sa vindicte, remettant également en cause les travaux et le financement de la Ligue des droits de l’homme.

Notre groupe a toujours défendu toutes les libertés associatives et syndicales. Nous avons également toujours déploré l’acharnement déraisonnable et disproportionné qu’ont eu à subir certaines associations.

L’amendement que nous proposons nous semble essentiel à l’équilibre des droits des associations en ce qu’il vise à limiter l’arbitraire avec lequel l’État s’attaque à certaines manifestations.

Nous sommes stupéfaits par la minimisation de certains faits et l’acceptation de certaines dégradations par le ministre.

Rien que cette semaine, monsieur le ministre, nous avons assisté à une explosion revendiquée qui a soufflé le bâtiment de la direction de l’environnement à Carcassonne, ainsi qu’à un blocage des trains à Agen, avec déversement de pneus et fumier sur les voies ferrées… Il faut croire que toutes les actions ne se valent pas ! Pour autant, cela ne se justifie pas juridiquement.

Nous souhaitons permettre à toutes les colères de s’exprimer et protéger des tentatives de dissolution arbitraire certaines associations de désobéissance civile, qui organisent des actions d’occupation, qui ne véhiculent pas de haine, qui ne commettent pas de violences envers les personnes ou groupes de personnes.

À l’image des dernières déclarations du ministre Gérald Darmanin, nous comprenons que des actions menées par ces associations – blocus, occupation de lieux – ne peuvent être qualifiées d’« agissements troublant gravement l’ordre public ».

Nous souhaitons donc que la latitude d’expression accordée aux agriculteurs ces derniers jours puisse bénéficier à tous, quelles que soient les revendications, et pas seulement à ceux qui sont soutenus politiquement par le pouvoir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur le sénateur, autant il nous semble nécessaire de graver dans la loi la définition – novatrice – de la « provocation », telle qu’elle a été définie dans la jurisprudence du Conseil d’État, autant il nous paraît superflu de le faire en ce qui concerne le devoir de l’administration de prendre des décisions adaptées, nécessaires et proportionnées. Une telle exigence n’a rien de nouveau et va de soi : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis : défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
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Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 11

Après l’article 8

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa du I de l’article 21 de la loi n° 2021-1109 du 2 août 2021 confortant le respect des principes de la République, après les mots : « contributions volontaires » sont insérés les mots : « les parts de sociétés civiles immobilières ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République, nous avions ajouté à la liste des biens qui devaient être listés les parts de sociétés civiles immobilières (SCI) détenues par les associations.

Le Sénat avait adopté cette mesure, qui a ensuite été supprimée en commission mixte paritaire.

Conformément à la jurisprudence du Sénat, je souhaite que ces parts de SCI figurent de nouveau dans les biens des associations. Il s’agit d’une demande expressément formulée par Tracfin dans son dernier rapport sur l’état de la menace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement correspond tout à fait à l’esprit de la commission : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 2
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Article 9

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

L’amendement n° 11, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article L. 561-2-3 du code monétaire et financier est supprimé.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Dans le même texte, nous avions demandé l’assujettissement des cagnottes en ligne aux obligations de contrôle de Tracfin.

Le Sénat avait adopté cette disposition, qui avait été supprimée en commission mixte paritaire, avant d’être intégrée dans la loi grâce à une directive européenne.

Néanmoins, l’article L. 561-2-3 du code monétaire et financier fixe une limite à ce contrôle.

Compte tenu des nombreuses difficultés que nous rencontrons en ce moment avec les cagnottes en ligne, je souhaite la suppression du second alinéa dudit article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

Chapitre III

Garantir l’expulsion d’étrangers terroristes

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 11
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Article 10

Article 9

I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article L. 252-2 est ainsi rédigé :

« Par dérogation au sixième alinéa de l’article L. 631-2, la circonstance qu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement n’a pas pour effet de le priver du bénéfice des dispositions du présent article. » ;

2° Le chapitre Ier du titre III du livre VI est ainsi modifié :

a) L’article L. 631-2 est ainsi modifié :

– l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement. » ;

– sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre de son conjoint, d’un ascendant ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l’autorité parentale.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 du code pénal ainsi qu’à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou en raison de sa fonction.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour sauf si cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4, d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ou du 1° de l’article L. 432-3. » ;

b) L’article L. 631-3 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après les mots : « intérêts fondamentaux de l’État », sont insérés les mots : « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République tels qu’énoncés à l’article L. 412-7, » ;

– au huitième alinéa, les mots : « 3° et 4° » sont remplacés par les mots : « 1° à 5° » et, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , d’un ascendant » ;

– le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement ou de trois ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine. » ;

– sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 du code pénal ainsi qu’à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou en raison de sa fonction.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1, l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour sauf si cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4, d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ou du 1° de l’article L. 432-3. » ;

3° À l’article L. 641-1, la référence : « , 131-30-1 » est supprimée.

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 131-30 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime, d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi. Sans préjudice de l’article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, ainsi que de la nature, de l’ancienneté et de l’intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l’interdiction du territoire français. » ;

b) À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « , pour la durée fixée par la décision de condamnation, » sont supprimés ;

c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La peine d’interdiction du territoire français cesse ses effets à l’expiration de la durée fixée par la décision de condamnation. Cette durée court à compter de la date à laquelle le condamné a quitté le territoire français, constatée selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

2° L’article 131-30-1 est abrogé ;

3° L’article 131-30-2 est ainsi modifié :

a) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « au 3° et au 4° » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 5° » ;

– après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , d’un ascendant » ;

b) Le dernier alinéa est complété par les mots : « , ni aux délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ni aux crimes, ni aux délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ni aux délits commis en réitération et punis d’au moins trois ans d’emprisonnement » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La décision est spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger dans ces cas. » ;

4° Les articles 213-2, 215-2, 221-11, 221-16, 222-48, 222-64, 223-21, 224-11, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 431-8, 431-12, 431-19, 431-27, 433-21-2, 433-23-1, 434-46, 442-12, 443-7 et 462-4 sont abrogés ;

5° Le dernier alinéa de l’article 435-14 est supprimé ;

6° À la fin de l’article 441-11, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « aux articles 441-3 et 441-6 » ;

7° À la fin de l’article 444-8, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à l’article 444-5 ».

III. – À la première phrase du sixième alinéa du I de l’article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, les mots : « visés au dernier » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’avant-dernier ».

IV. – À l’avant-dernier alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale, les mots : « par les articles 131-30-1 ou 131-30-2 » sont remplacés par les mots : « à l’article 131-30-2 ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 19 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 29 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 38 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 19.

M. Guy Benarroche. C’est le pompon ! L’article 9 a pour objet de faciliter la levée des protections contre l’éloignement dont bénéficient certaines catégories d’étrangers. Cette mesure est déjà inscrite dans le projet de loi Immigration, adopté définitivement par le Parlement le 19 décembre 2023.

En attente de la décision qui sera rendue par le Conseil Constitutionnel le 25 janvier 2024, la majorité sénatoriale a jugé bon de réintroduire cette disposition dans cette proposition de loi, soit pour marquer son territoire, soit de peur que cette mesure ne fasse l’objet d’une censure.

Comme lors de l’examen des articles anticonstitutionnels du projet de loi Immigration, certains de mes collègues et moi-même, issus de toute sensibilité politique, ici comme à l’Assemblée nationale, considérons qu’il n’est pas concevable que le Parlement réintroduise certaines mesures dans un texte de peur que celles-ci ne soient jugées attentatoires aux libertés individuelles et écartées par le Conseil constitutionnel.

Bis repetita non semper placent. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Il parle latin ! (Sourires au banc des commissions, ainsi quau banc du Gouvernement.)

M. Guy Benarroche. En d’autres termes, cela revient à adopter un article, parce qu’il contient des dispositions qui risquent d’être censurées par le Conseil constitutionnel dans un autre texte.

De tels procédés illustrent la seule intention d’affichage politique de ces lois sécuritaires, en dépit de toute réflexion sur leur validité juridique.

Cet amendement vise donc à supprimer l’article 9.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 29.

M. Ian Brossat. Je fais mienne l’argumentation de M. Benarroche et demande également la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 38.

Mme Corinne Narassiguin. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le fait que la décision du Conseil constitutionnel n’ait pas encore été rendue n’a pas à être pris en compte.

Monsieur le rapporteur, en commission, vous avez argué que la proposition de loi avait été rédigée avant l’adoption du projet de loi Immigration. Pour autant, rien ne vous empêche de supprimer aujourd’hui ces dispositions qui sont parfaitement inutiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Rien ne m’empêche non plus de faire le contraire ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Sur ces amendements identiques de suppression, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19, 29 et 38.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin, Pellevat, Karoutchi, Reichardt, Frassa et Burgoa, Mmes Di Folco, Goy-Chavent et Dumont, MM. Mouiller, Bouchet, H. Leroy et Panunzi, Mmes Belrhiti, Aeschlimann et Josende, M. Bruyen, Mmes Joseph, Garnier, Borchio Fontimp et Puissat, MM. Paccaud, Sol et Lefèvre, Mme Deseyne, MM. Rapin, Reynaud et Sido, Mme Imbert et MM. Brisson et Naturel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 632-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si la commission décide, à la demande de l’étranger, de renvoyer pour un motif légitime l’examen du dossier à une date ultérieure, la nouvelle réunion ne peut avoir lieu plus d’un mois à compter de la décision accordant ce renvoi. » ;

c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

- Après la quatrième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La commission rend son avis motivé dans un délai qui ne peut excéder sept jours à compter de la réunion. » ;

- Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Si l’avis n’est pas rendu dans le délai de sept jours à compter de la réunion, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies. » ;

d) Le dernier alinéa est supprimé ;

La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Mme Catherine Di Folco. Par cet amendement, Mme Eustache-Brinio entend fluidifier par deux moyens la procédure de consultation de la commission d’expulsion prévue dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).

D’une part, il s’agit de réduire de quinze à dix jours le délai entre la remise du bulletin de convocation et la réunion de la commission.

D’autre part, il s’agit de prévoir que la commission d’expulsion rend son avis dans un délai maximum de sept jours à compter de sa réunion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement est tout à fait utile.

La commission d’expulsion est un passage obligé pour permettre aux étrangers de se défendre, s’ils sont sous le coup d’une expulsion. Les délais actuels créent une lourdeur inutile, voire dangereuse, notamment lorsqu’il s’agit d’éloigner des étrangers qui menacent gravement l’ordre public.

Par conséquent, réduire à dix jours le délai entre la remise du bulletin de convocation et la réunion de la commission et à sept jours la remise de l’avis par cette instance est une mesure de bon sens, sur laquelle la commission émet un avis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet et Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mmes Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et M. Sido, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette durée est interrompue et reconduite en cas de retour sur le territoire français.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement a pour seul objectif de garantir un accomplissement complet de la durée d’interdiction du territoire en cas de retour irrégulier.

Je sais bien ce que me répondra M. le rapporteur, il me l’a déjà dit en commission : en cas de violation de l’interdiction du territoire français, des sanctions pénales et une nouvelle interdiction du territoire français peuvent être prononcées. Vous avez mille fois raison, monsieur le rapporteur.

En revanche, la reconduction automatique de cette interdiction du territoire français n’est à l’heure actuelle pas encore prévue dans le droit positif. C’est précisément le but de cet amendement que de permettre une automaticité de la prolongation de la peine d’interdiction du territoire français en cas de retour irrégulier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je comprends bien l’intention louable qui sous-tend cet amendement. Toutefois, je le redis : le droit existant prévoit que la violation d’une interdiction du territoire français est passible de trois ans de prison et d’une nouvelle peine d’interdiction du territoire français qui peut aller jusqu’à dix ans.

Par conséquent, cet amendement me semble satisfait. C’est pourquoi la commission y est défavorable, même s’il lui semble préférable qu’il soit retiré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Article 10 bis (nouveau)

Article 10

Le chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un article L. 773-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 773-11. – I. – Le présent article est applicable au contentieux des décisions administratives prononcées sur le fondement des articles L. 212-1, L. 224-1, L. 225-1 à L. 225-8, L. 227-1 et L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier, des articles L. 222-1, L. 312-1 et L. 312-3, L. 321-1, L. 332-1, L. 432-1 et L. 432-4, L. 511-7, L. 512-2 à L. 512-4, L. 631-1 à L. 631-4, L. 731-3 et L. 731-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des articles 21-4 et 21-27 du code civil, dès lors qu’elles sont fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.

« II. – Lorsque des considérations relevant de la sûreté de l’État s’opposent à la communication d’informations ou d’éléments sur lesquels reposent les motifs de l’une des décisions mentionnées au I, soit parce que cette communication serait de nature à compromettre une opération de renseignement, soit parce qu’elle conduirait à dévoiler des méthodes opérationnelles des services mentionnés aux articles L. 811-2 ou L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, l’administration peut, lorsque la protection de ces informations ou éléments ne peut être assurée par d’autres moyens, les transmettre à la juridiction par un mémoire séparé en exposant les raisons impérieuses qui s’opposent à ce qu’elles soient versées au débat contradictoire.

« Dans ce cas, la juridiction, qui peut alors relever d’office tout moyen et procéder à toute mesure d’instruction complémentaire en lien avec ces informations ou pièces, statue sur le litige sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni en révéler l’existence et la teneur dans sa décision. Lorsque les éléments ainsi communiqués sont sans lien avec les objectifs énoncés au premier alinéa du présent II, le juge informe l’administration qu’il ne peut en tenir compte sans qu’ils aient été versés au débat contradictoire. L’administration décide alors de les communiquer ou non. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 20 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 30 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 20.

M. Guy Benarroche. Comme pour l’article précédent et pour les mêmes raisons, il s’agit d’un amendement de suppression.

En effet, l’article 10 reprend l’article 73 du projet de loi Immigration, adopté le 19 décembre 2023 par le Parlement, en prévoyant d’autoriser le recours à un dispositif de contradictoire asymétrique devant le juge administratif pour le jugement de décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.

Là encore, un recours devant le Conseil constitutionnel a été déposé, dont nous attendons la décision. De nouveau, la majorité sénatoriale souhaite réintroduire cette disposition, de peur qu’elle ne soit censurée.

Ce procédé risque de nuire à la lisibilité de la loi pénale, avec un effet doublon si les mesures concernées sont adoptées et validées par le Conseil constitutionnel dans les deux textes. Qui plus est, il n’est pas concevable que le Parlement introduise dans une nouvelle proposition de loi une mesure qui serait jugée attentatoire aux libertés individuelles et écartée par le Conseil constitutionnel.

Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement de suppression de l’article 10.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 30.

M. Ian Brossat. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sur ces amendements de suppression, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 30.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
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Article 11

Article 10 bis (nouveau)

Au premier alinéa de l’article L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « constatées, », sont insérés les mots : « dont la provocation directe à des actes de terrorisme ou leur apologie, ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 41 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 21.

M. Guy Benarroche. L’article 10 bis a pour objet d’étendre la possibilité de prolonger jusqu’à 210 jours la rétention administrative d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’expulsion édictée en raison d’une provocation directe à des actes de terrorisme ou de leur apologie pénalement constatée.

Avec cet article, le rôle du placement en centre de rétention administratif est dévoyé et de plus en plus assimilé à de la détention.

Nombreux sont ceux qui font ainsi plusieurs allers-retours entre ces deux lieux d’enfermement : en 2019, ils ont été plus de 3 200 à avoir été emmenés en centre de rétention administrative à leur sortie de prison et près de 300 à avoir été envoyés devant le tribunal correctionnel à partir de ces mêmes centres. Ces chiffres sont en augmentation depuis plusieurs années.

Selon la Cimade, cette spirale de l’enfermement s’autoentretient : elle maintient en dehors du droit celles et ceux qui sont considérés comme « indésirables », avant de les plonger dans un engrenage dont il est impossible de sortir. En effet, plus les personnes sont précarisées, plus elles se retrouvent réprimées, et plus elles sont réprimées, plus elles sont précarisées.

Parce que le centre de rétention administrative (CRA) n’a pas pour but premier de neutraliser les personnes suspectées de dangerosité et parce que le placement en CRA, contrairement à la peine d’emprisonnement, n’a pas de visée punitive, mais est décidé dans un objectif d’éloignement des personnes en situation irrégulière, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 41.

Mme Corinne Narassiguin. L’article 10 bis, dont nous demandons également la suppression, étend le champ des mesures exceptionnelles. Quel sens cela a-t-il de multiplier les candidats potentiels à une rétention administrative de 210 jours ?

Progressivement, la rétention administrative est détournée de son usage pour durer de plus en plus longtemps, s’appliquer à de plus en plus de monde et se substituer à la détention, ce qui n’est pas normal ni souhaitable dans un État de droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sur ces amendements de suppression, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça, c’est de l’argumentation ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 41.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin, Pellevat, Karoutchi, Reichardt, Frassa et Burgoa, Mmes Di Folco, Goy-Chavent et Dumont, MM. Mouiller, Bouchet, H. Leroy et Panunzi, Mmes Belrhiti, Aeschlimann et Josende, M. Bruyen, Mmes Joseph, Garnier, Borchio Fontimp et Puissat, MM. Paccaud, Sol et Lefèvre, Mme Deseyne, MM. Rapin, Reynaud et Sido, Mme Imbert et MM. Brisson et Naturel, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

après le mot : « constatées, », sont insérés les mots : « dont

par les mots :

les mots : « pénalement constatées » sont remplacés par les mots : « , dont

La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Mme Catherine Di Folco. Mme Jacqueline Eustache-Brinio appelle notre attention sur le fait que la combinaison des articles L. 742-6 et L. 742-7 du Ceseda n’autorise la prolongation jusqu’à 210 jours de la rétention administrative d’étrangers faisant l’objet d’une décision d’expulsion pour des activités à caractère terroriste que lorsque ces dernières ont été pénalement constatées. L’arrêté d’expulsion a toutefois le caractère d’une mesure de police administrative et, de jurisprudence constante, son prononcé est indépendant d’une condamnation pénale.

Il est donc paradoxal que ce critère, qui n’est par ailleurs pas mentionné dans la directive Retour, soit pris en compte pour la prolongation de la rétention administrative des intéressés.

Il s’agit donc d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit une nouvelle fois d’une mesure opérationnelle tout à fait efficace, sur laquelle la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis, modifié.

(Larticle 10 bis est adopté.)

Chapitre IV

Compléter l’arsenal pénal répressif antiterroriste

Article 10 bis (nouveau)
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Article 11 bis (nouveau)

Article 11

Après l’article 421-2-5 du code pénal, il est inséré un article 421-2-5-1 A ainsi rédigé :

« Art. 421-2-5-1 A. – Le fait de détenir ou d’enregistrer, sans motif légitime, des images ou représentations d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes visés au 1° de l’article 421-1 commis par des individus agissant en relation avec une entreprise terroriste, est puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende lorsque cette détention s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion de l’auteur de ce fait aux crimes terroristes exhibés.

« Constitue notamment un motif légitime tel que défini au premier alinéa la détention résultant de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervenant dans le cadre de recherches scientifiques ou réalisées afin de servir de preuve en justice, ou le fait que cette détention s’accompagne d’un signalement de l’origine de ces images ou représentations aux autorités publiques compétentes. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 39 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 22.

M. Guy Benarroche. L’article 11 a pour objet de consacrer le délit de recel d’apologie du terrorisme, qui permet de sanctionner les individus détenant de telles images apologétiques sans volonté de diffusion.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2017-682 QPC du 15 décembre 2017, censuré ce délit au motif qu’il portait « une atteinte à l’exercice de la liberté de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

La majorité sénatoriale tente d’introduire de nouveau cette mesure, en l’assortissant de quelques garanties. Elle a pourtant déjà été jugée attentatoire aux libertés individuelles et écartée par le Conseil constitutionnel. De tels procédés illustrent la seule intention d’affichage politique, en dépit de toute réflexion sur la validité juridique de ce qui est proposé.

Je ne peux m’empêcher de rappeler une citation d’un Président de la République, dont tout le monde se souvient : « Quand on consulte des images de djihadistes et des sites djihadistes, on est un djihadiste et on doit être traité comme tel. » C’était le président Sarkozy…

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 39.

Mme Corinne Narassiguin. Nous demandons la suppression de la réintroduction du délit de recel d’apologie du terrorisme sur lequel le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de se prononcer en apportant une réponse extrêmement claire : ce délit porte une atteinte qui n’est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la liberté d’expression et de communication.

Les auteurs de la proposition de loi prétendent encadrer cette infraction en la caractérisant : si elle « s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion de l’auteur de ce fait aux crimes terroristes exhibés », est-il ainsi précisé à cet article.

Une fois encore, il est fait appel à cette fameuse « adhésion » à l’idéologie. Le recours à cette formulation n’est vraiment pas gage de sécurité et d’efficacité pour la loi pénale. Ce n’est pas en adossant progressivement de plus en plus d’infractions et de sanctions au critère de l’adhésion idéologique que nous rendrons la loi plus intelligible, mieux applicable et protectrice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, nous avons repris les motivations de la décision du Conseil constitutionnel et adapté l’article 11 en conséquence.

La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
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Article 12

Article 11 bis (nouveau)

L’article 421-2-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni des peines prévues au premier alinéa le fait de diffuser des documents, images ou supports de toute nature faisant l’apologie du terrorisme sur des réseaux privés de communication lorsque ces réseaux, à raison de leur nature, de leurs conditions d’accès, du nombre de personnes y accédant ou de leur appartenance ou non à une communauté d’intérêts, peuvent être assimilés à des services de communication au public en ligne. »

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

réseaux privés de communication lorsque ces réseaux

par les mots :

espaces privés de communication électronique lorsque ces espaces

et les mots :

services de communication au public en ligne

par les mots :

espaces de communication ouverts au public

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11 bis, modifié.

(Larticle 11 bis est adopté.)

Article 11 bis (nouveau)
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Article 13

Article 12

Avant le dernier alinéa de l’article 421-2-5 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque les faits ont été commis, dans un lieu de culte ou dans l’exercice du culte, par un ministre du culte. »

M. le président. L’amendement n° 43, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous demandons la suppression de cet article à deux titres.

D’une part, la provocation à des actes de terrorisme doit être combattue et réprimée de manière égale partout, d’où qu’elle vienne. Nous la jugeons suffisamment grave pour ne pas la distinguer selon le lieu dans lequel elle est commise.

D’autre part, les magistrats n’ont pas besoin de nous pour être sévères et appliquer la loi. Nous avons basculé dans une véritable inflation de la loi pénale qui finira par désorganiser à terme son équilibre. N’y a-t-il aucune solution plus efficace que l’ajout d’une circonstance aggravante dans le code pénal ?

Même si nous avons aujourd’hui affaire à un texte qui rêve de justice prédictive, il faut rappeler et accepter que, généralement – et ce depuis toujours –, le droit pénal arrive trop tard. Sa vocation est d’agir a posteriori.

Chers collègues, que proposerez-vous une fois que toutes les peines auront été portées à leur maximum ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je rappelle à nos collègues que cet article reprend l’une des préconisations du rapport de la commission d’enquête sénatoriale de 2018 sur l’organisation et les moyens des services de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique, conduite notamment avec Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

Quand les sénateurs créent une commission d’enquête, c’est, autant que faire se peut, pour que figurent ultérieurement dans la loi les préconisations qu’elle contient. Par conséquent, il était hors de question que je retire cette très bonne suggestion de Mme Eustache-Brinio.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
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Article 14

Article 13

(Supprimé)

Article 13
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Article 15

Article 14

L’article 421-2-5 du code pénal est complété par six alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’ils sont commis dans les circonstances mentionnées au deuxième alinéa du présent article, les faits mentionnés sont punis d’une peine complémentaire de suspension des comptes d’accès à des services en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction. Le présent alinéa s’applique aux comptes d’accès aux services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

« La suspension est prononcée pour une durée de six mois au plus. Cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.

« Pendant l’exécution de la peine, il est interdit à la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès aux services de plateforme en ligne ayant fait l’objet de la suspension ainsi que de créer de nouveaux comptes d’accès à ces mêmes services.

« La décision de condamnation mentionnée au premier alinéa du présent article est signifiée aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d’exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage des comptes faisant l’objet d’une suspension et mettent en œuvre des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.

« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage des comptes faisant l’objet d’une suspension est puni de 75 000 € d’amende.

« Pour l’exécution de la peine complémentaire mentionnée au sixième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la décision initiale de condamnation. » – (Adopté.)

Article 14
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Après l’article 15

Article 15

Le titre III du livre VI de la première partie du code des transports est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Peine complémentaire dinterdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public

« Art. L. 1635-1. – Lorsque les faits ont été commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits prévus aux articles 421-1 à 421-8 du code pénal, encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans tout ou partie d’un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l’accès à ces réseaux.

« La peine est prononcée en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée. Elle peut être suspendue ou fractionnée en application du troisième alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale.

« Lorsque l’interdiction de paraître accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

« La violation de cette interdiction est punie des peines prévues à l’article 434-41 du code pénal.

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique aux personnes morales en charge d’une mission de transport collectif de voyageurs l’identité des personnes faisant l’objet de cette interdiction, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »

M. le président. L’amendement n° 44, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous comprenons l’intention qui préside à la rédaction de cet article. Que les choses soient bien claires, nous soutenons nous aussi la protection des transports en commun.

Toutefois, cette peine complémentaire d’interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public nous semble inopportune. C’est la même logique qui prévaut. En effet, on pourrait décliner à l’infini de nouvelles peines complémentaires à partir de toutes les infractions existantes.

Il existe bien d’autres façons de protéger ces espaces. Nous n’avons pas à établir de peines complémentaires automatiques. Il n’y a pas plus de terroristes des transports qu’il n’y a de terroristes des supermarchés ou autres.

Cet article fait montre d’une certaine absurdité, raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog et Vermeillet, M. Bruyen, Mme Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mmes Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et MM. Sido et Maurey, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

véhicule affecté au transport collectif de voyageurs

et les mots :

moyen de transport collectif de voyageurs

par les mots :

moyen de transport public

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement vise à clarifier la portée de la peine complémentaire de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public en retenant la formulation « moyen de transport public » en lieu et place des expressions « véhicule affecté au transport collectif de voyageurs » et « moyen de transport collectif de voyageurs »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. Reichardt, nous avons déjà eu ce débat en 2021. Pour éviter un risque de disproportionnalité, nous avions alors adopté une rédaction que nous avons reprise dans ce texte.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis défavorable.

M. André Reichardt. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet, Borchio Fontimp, Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et MM. Sido et Maurey, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette interdiction de paraître est inscrite au fichier des personnes recherchées.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement vise à améliorer la sanction de toute violation d’une interdiction de paraître dans les transports en commun, en l’assortissant d’une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) avec la mention spéciale correspondante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous n’avons pas encore évoqué ce point. M. Reichardt a raison, sa proposition améliore fortement l’opérationnalité du dispositif : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.

(Larticle 15 est adopté.)

Article 15
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Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 9 rectifié

Après l’article 15

Après l’article 15
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Article 15 bis (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet et Borchio Fontimp, M. Pointereau, Mmes Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et M. Sido, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre III du livre III du code du sport est complété par un article L. 332-… ainsi rédigé :

« Art. L. 332-. – Lorsque les faits ont été commis dans un lieu accueillant des manifestations sportives, dans un équipement sportif ou un lieu d’accès à un équipement sportif au sens de l’article L. 312-2 du présent code, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits prévus aux articles 421-1 à 428-8 du code pénal, encourent également une peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans tout ou partie des lieux et équipements sportifs déterminés par la juridiction.

« La peine est prononcée en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée. Elle peut être suspendue ou fractionnée en application du troisième alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale.

« Lorsque l’interdiction de paraître accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

« La violation de cette interdiction est punie des peines prévues à l’article 434-41 du code pénal.

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique aux personnes morales en charge de l’exploitation des équipements sportifs l’identité des personnes faisant l’objet de cette interdiction, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement tend à créer une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux et équipements sportifs.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, cette disposition s’inscrit évidemment dans l’optique des jeux Olympiques et Paralympiques. Elle a toutefois une portée plus globale, puisqu’elle vise tous les lieux et équipements sportifs, même en l’absence de grands événements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission s’est penchée sur ce sujet et l’a anticipé. En effet, comme je l’ai déjà expliqué, l’article 7 prévoit une interdiction de paraître à la portée plus générale, qui semble plus facile à motiver, donc plus efficiente.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. André Reichardt. Je souhaite plaider un peu plus longuement ma cause auprès de M. le rapporteur et de M. le ministre.

M. le rapporteur a indiqué en commission des lois que les champs d’application de l’article 7 et de cet amendement étaient proches. Pour autant, comme je viens de le souligner, ils ne correspondent pas tout à fait. Si la sécurisation des grands événements en cas de menaces graves est satisfaite, grâce aux modifications que vous avez apportées à l’article 7, monsieur le rapporteur, ce même article exclut la possibilité d’interdire l’accès aux équipements et installations sportives en temps normal. C’est précisément cet élargissement qu’a pour objet cet amendement.

Prenons le cas d’un match de football traditionnel de championnat, par exemple avec le Racing Club de Strasbourg Alsace, à la Meinau. Il paraîtrait logique qu’en dehors de grands événements – même s’il y en a beaucoup à Strasbourg (Sourires.) – il soit possible d’ordonner une interdiction de paraître dans cette enceinte.

Je retirerai cet amendement uniquement si M. le rapporteur me donne l’assurance que l’article 7 englobe les cas que je viens d’évoquer. Un match ordinaire de football de championnat est-il couvert par cet article ? Je ne le pense pas. Pourtant, cela me semble important.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je le répète : si un risque terroriste est avéré à la Meinau, pour reprendre votre exemple, mon cher collègue, il est bien couvert par l’article 7.

La mesure proposée par cet amendement, si ce dernier était adopté, poserait un problème de disproportionnalité et serait censurée.

Par ailleurs, comme je l’ai fait remarquer, j’essaie de faire en sorte que les dispositions que nous votons ne viennent pas porter ombrage aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, qui, ainsi que l’a souligné M. le garde des sceaux voilà quelques instants, sont très efficaces. (M. le garde des sceaux acquiesce.) Je n’ai eu de cesse d’éviter tout chevauchement de dispositions qui serait préjudiciable.

Voilà pourquoi la commission demeure défavorable à cet amendement.

M. André Reichardt. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 9 rectifié
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Article 15 ter (nouveau)

Article 15 bis (nouveau)

Au début du quatrième alinéa de l’article 61-3-1 du code civil, sont ajoutés les mots : « Lorsque la personne est condamnée pour des crimes à caractère terroriste ou ».

M. le président. L’amendement n° 53, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I.- Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 60 est ainsi modifié :

a) A la première phrase du premier alinéa, après les mots : « Toute personne » sont insérés les mots : « dont l’acte de naissance est détenu par un officier de l’état civil français » ;

b) La dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;

c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le changement de prénom demandé est susceptible de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du demandeur pour l’une des infractions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République.

« L’officier de l’état civil informe le demandeur de la saisine du procureur de la République. Si celui-ci s’oppose au changement de prénom, le demandeur, ou son représentant légal, peut saisir le juge aux affaires familiales. » ;

2° L’article 61-3-1 est ainsi modifié :

a) A la première phrase du premier alinéa, les mots : « Toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou » sont remplacés par les mots : « Toute personne majeure dont l’acte de naissance est détenu par un officier de l’état civil français peut demander à cet officier de l’état civil » ;

b) Au quatrième alinéa, après les mots : « En cas de difficultés », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au premier alinéa, lorsque le changement de nom demandé est susceptible de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du demandeur pour l’une des infractions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, ».

II. – Après le sixième alinéa de l’article 706-25-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° De déclarer tout changement de prénom ou de nom ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’article 15 bis est important, puisqu’il tend à lutter contre les détournements abusifs de la procédure de changement de nom introduite par la loi relative au choix du nom issu de la filiation, dite Vignal, par des condamnés terroristes.

On peut encore aller plus loin. C’est pourquoi cet amendement a quatre objectifs : premièrement, élargir le dispositif aux changements de prénom ; deuxièmement, garantir la saisine systématique par l’officier de l’état civil du procureur de la République territorialement compétent ; troisièmement, garantir l’unicité des documents justifiant de l’identité et prévenir des problèmes sécuritaires liés à une éventuelle double identité ; quatrièmement, ajouter, au titre des obligations des personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), l’obligation de déclarer tout changement de nom ou de prénom.

Il s’agit donc d’éviter que les terroristes ne détournent la loi Vignal à leur profit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Nous ne nous opposerons pas à cet article, pas plus qu’à cet amendement.

Cependant, je tiens à exprimer au nom du groupe SER notre inquiétude générale au regard de ce qui sous-tend cette démarche.

Nous ne sommes évidemment pas opposés à ce que le procureur soit systématiquement informé, dans la mesure où c’est bien à lui seul qu’il revient de prendre la décision. Pour autant, nous tenons à rappeler que son rôle n’est pas de faire obstacle à une volonté de réintégration ou de réinsertion qui peut être tout à fait sincère et passer aussi par un changement de nom, notamment après une condamnation. On ne peut pas partir du principe que toute personne condamnée est appelée à récidiver.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. Nous voterons bien évidemment cet amendement.

En effet, lors de l’examen de la proposition de loi Vignal, texte qui est entré en vigueur le 1er juillet 2022, nous avons alerté sur la facilité à opérer ce changement de nom, qui peut se faire en mairie ou sur simple demande.

Il a été question du Fijait. Pour ma part, je signalerai le cas de Francis Évrard. Ce violeur multirécidiviste, qui a violé le petit Enis, vient de changer de nom en prison pour prendre celui de sa maman. De ce fait, Francis Évrard n’apparaît désormais plus sur le Fijais, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

Je me félicite évidemment de la rédaction de cet amendement, mais nous en reparlerons en ce qui concerne le Fijais.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 15 bis est ainsi rédigé.

Article 15 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 15 ter - Amendement n° 10 rectifié

Article 15 ter (nouveau)

Au premier alinéa des articles 138-2 et 712-22-1 du code de procédure pénale, après la référence : « 706-47 », sont insérés les mots : « ou pour un crime ou une infraction à caractère terroriste ».

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous demandons la suppression de l’information obligatoire de l’autorité académique et du chef d’établissement d’une mise en examen ou d’une condamnation pour infraction terroriste, y compris d’apologie, d’une personne scolarisée ou ayant vocation à être scolarisée dans l’établissement scolaire, que celui-ci soit public ou privé.

L’adoption de cette mesure, dont on peut comprendre l’intention, pourrait en pratique avoir des effets contre-productifs et néfastes. En effet, à partir du moment où vous informez un chef d’établissement, vous faites porter sur ce dernier une responsabilité qui n’est pas la sienne. Que dirait-on ? Que ferait-on ? Que reprocherait-on à un chef d’établissement si l’un de ses élèves commettait un crime, alors qu’il avait été informé ?

Monsieur le rapporteur, vous avez expressément cité l’apologie de terrorisme dans l’objet de l’amendement de commission visant à créer l’article 15 ter ; or c’est justement l’exemple type d’une infraction qui pourrait facilement être reprochée à des légions de collégiens. Faudrait-il alors mettre en place des fichiers, prévoir la déscolarisation de sûreté ? Soit on est condamné, soit on ne l’est pas. Soit on est libre, soit on ne l’est pas. Soit on a quelque chose à reprocher, soit on n’a rien fait.

Avec cet article, vous êtes en train de brouiller toutes les lignes et tous les principes. Je rappelle à cet égard le rapport d’information de M. François Pillet, que l’on connaît bien dans cette assemblée, qui avait mis en garde contre ce type de mesures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sur cet amendement de suppression, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

des articles 138-2 et

par les mots :

de l’article

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement de repli tend à exclure du champ de l’article 15 ter l’information obligatoire en cas de mise en examen, disposition qui bafoue totalement la présomption d’innocence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’une disposition contraire à la position défendue par la commission la semaine dernière : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15 ter.

(Larticle 15 ter est adopté.)

Article 15 ter (nouveau)
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Article 16 (début)

Après l’article 15 ter

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Marseille, Mme N. Goulet, MM. Henno, Levi, Longeot et Menonville, Mmes Tetuanui et Guidez, MM. Laugier, Mizzon et Bleunven, Mme Jacquemet, MM. Pillefer, Duffourg, Bonnecarrère et Kern, Mme Herzog, M. Lafon, Mmes Vermeillet, de La Provôté, Florennes et Sollogoub et MM. Vanlerenberghe, Cazabonne, Capo-Canellas, Cigolotti, Maurey, S. Demilly et Chauvet, est ainsi libellé :

Après l’article 15 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « imagerie », sont insérés les mots : « ou de photographie numérique » ;

b) Après le mot : « millimétriques », sont insérés les mots : « ou centimétriques » ;

2° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « images », sont insérés les mots : « produites par un dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques » ;

b) À la troisième phrase, après le mot : « image », sont insérés les mots : « produite par ondes millimétriques » ;

c) Après la troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’image produite par ondes centimétriques analyse les densités et non les formes, permettant la visualisation simultanée de la personne et de son image à travers une photographie numérique produite uniquement en cas de détection d’une substance ou d’un objet interdits. » ;

d) À la dernière phrase, après le mot : « images », sont insérés les mots : « produites par un dispositif d’imagerie ou de photographie utilisant des ondes millimétriques ou centimétriques ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. L’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure autorise le recours aux dispositifs d’imagerie utilisant des ondes millimétriques pour la sécurisation des sites et enceintes dans lesquels sont organisées des manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs.

Cet amendement a pour objet de permettre à des sociétés d’utiliser une technologie innovante basée sur les ondes centimétriques, et pas seulement millimétriques, pour la sécurisation des sites et événements susvisés.

Il s’agit là d’un amendement de précision, rédigé au millimètre par M. Marseille. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le président Marseille a raison de considérer que les ondes centimétriques sont nettement moins intrusives que les ondes millimétriques. La précision qu’il propose d’introduire rend donc le dispositif plus opérationnel : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. J’aimerais que le rapporteur Daubresse nous précise la différence entre les deux types d’ondes. (Sourires.) En attendant, j’émets un avis de sagesse sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 15 ter.

Article additionnel après l'article 15 ter - Amendement n° 10 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Article 16 (interruption de la discussion)

Article 16

Les conséquences financières pour l’État résultant de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 30 janvier.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 16 (début)
Dossier législatif : proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste
Discussion générale

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien
Discussion générale (suite)

Accompagnement humain des élèves en situation de handicap

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, présentée par M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues (proposition n° 840 [2022-2023], texte de la commission n° 251, rapport n° 250).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, être devant vous ce soir constitue pour moi à la fois un plaisir, un aboutissement, un honneur, une étape et une satisfaction.

Un plaisir tout d’abord, puisque ma proposition de loi porte sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je suis très mobilisé depuis près d’un an maintenant. C’est toujours – du moins, je l’imagine – un moment important dans la vie d’un parlementaire de voir son texte débattu dans l’hémicycle.

Un aboutissement ensuite, car la mission flash que j’ai menée sur les modalités de gestion des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pour une école inclusive a fait apparaître la nécessité de passer par un texte législatif pour résoudre un certain nombre de problèmes. La présente proposition de loi est la traduction de la recommandation n° 10 du rapport d’information que j’avais remis au nom de la commission de la culture, dont je remercie le président, Laurent Lafon.

Un honneur également, car vous avez été très nombreux, sur toutes les travées, à encourager et à soutenir mon initiative, avec, à la clé, un vote unanime en commission de la culture. J’espère que le Sénat sera ce soir à la hauteur du vote intervenu en commission.

Une étape aussi, car si vous décidez d’adopter ce texte aujourd’hui, le processus législatif devra se poursuivre à l’Assemblée nationale, avec, je l’espère, le regard bienveillant du Gouvernement, ce qui serait un atout indéniable.

Une satisfaction enfin, car cette loi, si elle est on ne peut plus simple, réglera des problèmes qui sont devenus complexes et qui, d’ailleurs, n’existaient pas avant que l’État ne les crée…

Sans me livrer à un historique exhaustif, j’aimerais rappeler quelles ont été les principales étapes dans la politique de prise en charge du handicap.

J’évoquerai tout d’abord la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Adopté sous l’impulsion du Président de la République de l’époque, Jacques Chirac – vous étiez alors membre du gouvernement, madame la ministre (Mme la ministre acquiesce.) –, ce texte a constitué un premier pas important, en permettant de passer d’une obligation éducative à une obligation de scolarisation de tous les enfants en situation de handicap dans un établissement en milieu ordinaire le plus près de chez eux.

Cette première étape a été confirmée par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adoptée sous le quinquennat de François Hollande, qui a permis de nouvelles avancées, avec la création, notamment, des fameux AESH et l’inscription dans le marbre de la notion d’« inclusion scolaire ». L’engagement des décideurs publics en faveur de tout ce qui peut faciliter cette inclusion ne s’est jamais démenti depuis lors.

Le code de l’éducation dispose d’ailleurs très clairement qu’il revient à l’État de mettre en œuvre tous les moyens concourant à la scolarisation d’une personne en situation de handicap, qu’il s’agisse d’un enfant, d’un adolescent ou même d’un adulte.

Mais, après ces deux grandes avancées, il y a eu un recul. En effet, dans une décision de novembre 2020, le Conseil d’État, à rebours des politiques menées par les différents gouvernements et des votes successifs intervenus au Parlement, a jugé que le législateur avait probablement fait erreur en considérant la prise en charge sur le temps méridien comme nécessaire – elle l’est pourtant bel et bien ! – à l’inclusion scolaire.

Nous avons donc besoin aujourd’hui d’une loi, afin de rétablir ce qui, de mon point de vue, n’aurait jamais dû être remis en cause par une jurisprudence et de réaffirmer la position constante du législateur et des différents gouvernements : pour qu’un enfant en situation de handicap puisse être scolarisé, il est nécessaire de prévoir un accompagnement sur le temps méridien. Et c’est une responsabilité qui incombe à l’État !

Mes chers collègues, en votant ce texte, vous rappellerez au juge que c’est le Parlement, et non la jurisprudence, qui fait la loi !

Car la jurisprudence de 2020 est venue complexifier encore la vie des parents d’enfants en situation de handicap – comme s’ils avaient besoin de cela ! –, en leur imposant de trouver un nouvel interlocuteur et d’engager des démarches supplémentaires. Les effets de bord observés n’étaient peut-être pas souhaités à l’origine, mais ils sont bien réels aujourd’hui.

Premièrement, on a assisté à une rupture dans la prise en charge des enfants en situation de handicap.

En effet, la politique de prise en charge a été mise en place pour permettre aux enfants en situation de handicap de suivre une scolarité la plus normale possible, avec des mesures d’accessibilité quand c’est faisable et des compensations humaines quand c’est nécessaire.

Or une telle rupture d’accompagnement éducatif, qui a, par exemple, obligé à des changements d’interlocuteur là où un accompagnement sur le temps méridien était maintenu, a créé des difficultés supplémentaires. On pense évidemment aux enfants atteints de troubles autistiques, mais le problème va bien au-delà de ce seul cas.

Deuxièmement, les collectivités territoriales en ont également pâti. D’abord, le transfert d’une telle responsabilité a représenté un coût financier très difficile à supporter, en particulier pour certaines communes rurales. Ensuite, alors que les communes n’étaient jusqu’à présent pas compétentes en matière de handicap, on leur a demandé de juger si tel ou tel enfant avait besoin d’être accompagné, ce qu’elles n’ont évidemment pas la capacité de faire. Enfin, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne notifiant plus sur le temps méridien, les maires ont dû assumer une charge probablement trop lourde pour eux, de surcroît avec un coût pour la collectivité contraire, nous semble-t-il, à l’intention du législateur.

Troisièmement, l’enseignement privé, que les collectivités territoriales ne sont pas tenues de financer en cas de carence du financement étatique, n’avait pas non plus la possibilité d’utiliser le forfait scolaire pour rémunérer les personnels chargés de l’accompagnement sur le temps méridien. Cela a conduit à des difficultés importantes, notamment des déscolarisations d’enfants, avec, quand c’était possible, des rescolarisations dans des établissements publics voisins. Il a fallu recourir au « système D », par exemple en faisant appel au bénévolat, pratique qui ne devrait plus avoir cours à notre époque. Et il est arrivé que le ministère de l’éducation nationale maintienne des financements, malgré la décision du Conseil d’État, afin de ne pas faire de vagues…

Quatrièmement, comment aller vers une professionnalisation du métier d’AESH, comme le souhaitent les personnels concernés, avec des contrats à temps partiel, voire très partiel, ou des multi contrats ? Les AESH ont besoin d’avoir un contrat unique, avec un employeur unique, et de suivre une formation adaptée à leur métier, en l’occurrence la prise en charge.

Or c’est précisément ce que la décision du Conseil d’État ne permet pas. Et si la circulaire du 4 janvier 2023 a pu sembler constituer une avancée, on s’est aperçu qu’elle était peu appliquée. Sans doute faudrait-il d’ailleurs – c’est un autre sujet – s’interroger sur l’applicabilité des décisions du ministère de l’éducation nationale…

Je ne serai pas plus long. Comme je l’ai indiqué, ce texte simple a pour objet de résoudre des problèmes compliqués.

Certes, il ne les résoudra pas tous : si l’objectif de l’inclusion scolaire justifie la mobilisation de tous les dispositifs qui ont été mis en place, il faut revoir de fond en comble l’organisation générale.

Pour autant, nous avons aujourd’hui la possibilité de franchir une première étape. Je crois que beaucoup d’associations, d’enseignants, d’AESH et d’enfants nous attendent. Soyons au rendez-vous de l’inclusion ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Anne Ventalon, rapporteure de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aucune institution n’incarne mieux la promesse républicaine que l’école, à condition de veiller à faire en sorte qu’elle assume ces valeurs d’égalité et de fraternité gravées sur les frontons de nos établissements scolaires.

C’est pourquoi l’école inclusive fait l’objet d’une attention particulière et ancienne de notre commission. Je remercie donc Cédric Vial de nous avoir donné l’occasion d’en débattre en examinant sa proposition de loi visant à la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.

La dernière fois que nous avons abordé le sujet avec le ministre de l’éducation nationale, c’était au mois de novembre dernier, dans un tout autre contexte. Sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, nous avions dénoncé la volonté du Gouvernement de transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en pôles d’appui à la scolarité. Cette réforme, pourtant systémique, se faisait sans concertation et en catimini lors du débat budgétaire.

Bien entendu, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne réglera pas à elle seule l’ensemble des problématiques auxquelles l’école inclusive doit faire face. Mais elle constitue une première étape. Il s’agit de garantir une continuité tout au long de la journée dans la prise en charge des élèves en situation de handicap scolarisés.

Combien d’enfants ont besoin d’un accompagnement humain sur le temps méridien ? Répondre avec précision à une telle question nécessiterait de disposer de données exhaustives qui – hélas ! – font défaut.

L’ordre de grandeur qui m’a été donné par les services du ministère de l’éducation nationale est de 20 000 à 25 000 élèves concernés en 2023, une estimation sans doute basse.

Ce sont en tout cas plusieurs milliers d’enfants et leur famille qui ont été perturbés par la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020. En effet, celui-ci a considéré que la compétence de l’État devait se restreindre à la prise en charge des situations de handicap sur la seule période scolaire. Les temps périscolaires, incluant le passage à la cantine, relèvent de la responsabilité des collectivités territoriales. Cette décision a modifié la prise en charge financière et administrative des AESH sur le temps méridien, à rebours de la pratique en vigueur.

La nouvelle situation a fait deux perdants : les élèves et leurs accompagnants. Ces AESH, qui sont principalement des femmes, ont en effet vu leur emploi du temps malmené, ne pouvant plus travailler pour l’éducation nationale sur le temps périscolaire. Surtout, elles se retrouvent à présent avec deux employeurs : l’État pour le temps scolaire, et la commune pour le temps périscolaire. Elles enchaînent ainsi les heures sans pause réglementaire de vingt minutes à midi ou sans prise en compte des temps de trajet lorsqu’elles sont affectées l’après-midi dans un autre établissement.

Les communes ont dû assumer une charge financière supplémentaire, et ce dans un contexte budgétaire contraint. Elles doivent également exercer une compétence qui n’est pas de leur ressort et peuvent ainsi avoir des difficultés pour identifier la bonne personne à recruter.

Enfin, certains élèves en situation de handicap se retrouvent sans accompagnement sur le temps méridien malgré les recommandations de la maison départementale des personnes handicapées.

D’ailleurs, afin d’éviter de mettre en difficulté des élèves qui étaient jusqu’ici accompagnés à la cantine avec une prise en charge de l’État, les personnels de l’éducation nationale ont eu pour consigne de ne pas remettre en cause les situations existantes. Le ministère m’a indiqué continuer à financer 60 % des besoins d’accompagnement sur le temps périscolaire. Bien évidemment, je salue la décision de ne pas retirer du jour au lendemain son accompagnant à un élève. Mais quid des 40 % restants ?

Car la jurisprudence du Conseil d’État entraîne des différences de traitement.

Je pense notamment aux élèves du premier degré, pour lesquels, à l’exception de ceux qui étaient déjà accompagnés en 2020, la prise en charge de l’accompagnement humain sur le temps méridien dépend des capacités de la commune. Pour le second degré, en revanche, c’est l’État qui continue de financer.

Je pense également aux élèves en situation de handicap scolarisés dans des établissements privés sous contrat.

Le forfait scolaire ne permet pas de couvrir les dépenses qui interviennent sur le temps périscolaire, contraignant les établissements à faire appel à des volontaires – parents, grands-parents ou enseignants retraités. Parfois, des AESH sont présents sans refacturation par le rectorat et la question de la responsabilité en cas d’accident de travail est passée sous silence.

Enfin, l’absence de solution a aussi malheureusement conduit certains parents à retirer leur enfant de l’établissement.

Face à ces situations et aux nombreuses questions des communes, quelle a été la réponse du ministère ?

Une note adressée aux recteurs le 4 janvier 2023 a rappelé les trois modalités pour l’organisation de la prise en charge des élèves handicapés pendant la pause méridienne : le recrutement direct par la collectivité territoriale, le recrutement en commun et la mise à disposition par l’éducation nationale d’AESH volontaires aux collectivités territoriales.

Reconnaissons-le, la mise à disposition représente un progrès. Elle permet de réduire le nombre d’employeurs des AESH et d’améliorer leurs conditions de travail, permettant aussi une vraie continuité dans le suivi des élèves en situation de handicap.

Néanmoins, elle reste difficile à mettre en œuvre pour les communes, car il n’existe pas de convention type harmonisée. La mise à disposition, qui est une convention tripartite entre le rectorat, la commune et l’AESH, reste donc un outil juridique complexe, notamment pour les petites communes.

Enfin, le conventionnement ne règle pas la question du coût pour les communes et pour les établissements privés sous contrat. Je signale d’ailleurs qu’au moins une académie applique des frais de gestion de 5 % pour la mise à disposition d’un AESH à une commune.

Au regard de cette situation confuse, que tous les acteurs s’accordent à faire évoluer, notre collègue Cédric Vial a donc déposé cette nécessaire proposition de loi, qui vise à transférer à l’État la prise en charge des AESH intervenant sur le temps méridien.

Et c’est en considérant les impératifs de solidarité et de l’intérêt de l’enfant que la commission a adopté ce texte sans modification. Celui-ci réduit les inégalités de situation entre des enfants aux besoins comparables et assure une continuité dans leur prise en charge. Je tiens à féliciter une nouvelle fois Cédric Vial de son initiative salutaire.

Une telle évolution législative pose aussi la question de la formation des AESH. Les soixante heures de formation sont sans doute déjà insuffisantes et doivent être complétées. En effet, les missions à accomplir sur le temps méridien, qui sont plus axées sur les gestes du quotidien, diffèrent du temps pédagogique.

Je conclurai mon propos par deux points.

D’abord, madame la ministre, je souhaite vous alerter sur les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Les élèves concernés sont affectés dans ces classes par l’éducation nationale. L’école qui les accueille peut être située dans une commune autre que leur commune de résidence. Certains élus, au motif qu’ils n’ont pas donné leur accord à une scolarisation en dehors de la commune, refusent de payer la prise en charge de l’AESH sur le temps périscolaire. La situation est telle que certains maires s’opposent aujourd’hui à l’ouverture d’une classe Ulis dans leurs écoles, en raison du reste à charge qu’elle engendre.

Ensuite, il y a urgence à réformer l’école inclusive. Il est nécessaire de remettre au cœur de ses priorités l’accessibilité physique, matérielle et pédagogique et de ne pas se reposer uniquement sur un accompagnement humain, qui ne peut pas tout.

Mme Anne Ventalon, rapporteure. Mais urgence ne veut pas dire précipitation : la concertation de l’ensemble des acteurs est incontournable.

Je tiens à le réaffirmer avec force : la commission de la culture et le Sénat se tiennent aux côtés de l’ensemble des acteurs pour améliorer le quotidien des quelque 478 000 élèves en situation de handicap et de leur famille, mais aussi celui de leurs enseignants et de leurs camarades de classe.

C’est à ce prix que nous garantirons à chaque élève le même droit à la scolarité, donc à l’égalité des chances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier M. Vial de me donner l’occasion d’évoquer les élèves en situation de handicap, ainsi que celles – j’insiste sur le terme « celles », car ce sont le plus souvent des femmes – et ceux qui les accompagnent au quotidien.

Prenons un peu de recul. Notre politique éducative est aujourd’hui confrontée à un véritable défi historique. Elle a déjà relevé celui de la scolarisation de tous les enfants de 3 ans à 17 ans. À présent, notre responsabilité commune est de scolariser tous les élèves de la maternelle au lycée en tenant compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers.

Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Vial, votre proposition de loi permet de régler de manière simple des problèmes complexes. Je souhaite insister sur ce point. Nos concitoyens attendent de nous que nous puissions trouver le chemin le plus court entre un problème donné et sa solution. Et votre proposition de loi s’inscrit indiscutablement dans cette perspective.

Notre école doit relever différents défis : la qualité de l’enseignement ; les relations entre les élèves et les professeurs, ainsi qu’entre les élèves ; l’environnement scolaire ; enfin, l’accueil de tous les enfants, y compris des enfants en situation de handicap.

Accueillir chaque enfant tel qu’il est, cela implique de changer notre regard sur la vulnérabilité, en particulier la vulnérabilité éducative, qui, si elle peut avoir plusieurs facettes, est particulièrement douloureuse quand elle résulte d’un manque éducatif. Quand on ne dispose pas des mêmes chances à l’école, on ne dispose pas des mêmes chances dans la vie ! Et laisser des élèves en situation de handicap sur le bord du chemin scolaire, c’est ajouter une vulnérabilité à une autre. C’est une double peine, et c’est surtout une injustice ! Ces enfants ont le droit, comme tous les autres, de trouver leur voie, d’avoir une scolarité sereine, en vue d’une insertion plus facile.

L’accueil des enfants en situation de handicap à l’école est une question incontournable.

Il y a aujourd’hui près de 35 % d’élèves en situation de handicap de plus qu’en 2017. Logiquement, le nombre d’AESH a augmenté de plus de 40 %. Nous assistons à une progression constante du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire. Entre 2004 et 2022 – vous faisiez allusion tout à l’heure à la loi de 2005, monsieur le sénateur Vial –, le nombre d’élèves est passé de 134 000 à 430 000, soit une hausse de 220 %. Très concrètement, cela signifie qu’AESH est devenu, en termes d’effectifs, le deuxième métier de l’éducation nationale.

C’est pour reconnaître le rôle essentiel de ces personnels dans l’école inclusive que notre gouvernement a, je le rappelle, revalorisé leur salaire, avec une progression moyenne de 26 % – en valeur absolue, cela représente 200 euros nets de plus par mois – entre août 2021 et janvier 2024.

Nous sommes évidemment toujours en phase avec les objectifs de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Votre proposition de loi, qui vise à renforcer la lisibilité des modalités de gestion des AESH, peut – Mme la rapporteure l’a souligné – constituer un premier pas. Mais elle doit nécessairement s’accompagner d’une réforme de plus grande ampleur sur les modalités de prescription, ce qui suppose une concertation avec tous les acteurs concernés.

Garantir la continuité de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur toute la journée d’école est une nécessité pour permettre une scolarité sereine et efficace. C’est aussi un pas supplémentaire en direction de l’inclusion.

Il ne peut pas y avoir de service public en pointillé. C’est la continuité du service public qui suscite la confiance. Et c’est la confiance qui est à la base de tout parcours scolaire digne de ce nom !

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette initiative. Par son efficacité, elle favorisera le bien-être et la réussite de tous les élèves dans leur diversité, ce qui est précisément le cœur de l’action du Gouvernement pour l’école.

Pour ma part, je reste déterminée à participer à la construction d’une école inclusive juste et exigeante pour tous. Cette ambition rejoint une conviction profonde : la réussite n’est pas qu’une question de résultats. Il n’y a pas de réussite sans sérénité !

Il est de notre devoir de proposer cette école de l’épanouissement et d’assurer la sérénité nécessaire à chacun de nos élèves. Si de nombreux sujets peuvent nous diviser, celui du bien-être et de l’épanouissement des élèves ne peut que nous rassembler.

Plus largement, ce combat pour une société inclusive me tient particulièrement à cœur. Il est au centre des préoccupations de mon ministère, dont l’action s’exerce des premiers aux derniers jours de la vie. Nous accompagnons ainsi l’ensemble des personnes vulnérables, quelles que soient les épreuves qu’elles traversent, et nous valorisons tous les métiers.

Le soutien aux personnes en situation de handicap sera donc l’une de nos priorités absolues. Nous le savons, le chemin vers une école pleinement inclusive est encore long, mais nous avançons dans la bonne direction.

Madame la rapporteure, cette proposition de loi n’est qu’une première étape. Vous avez souligné l’élément clé que représente le financement de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Il sera, demain, assuré par l’État à 100 %.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Le Gouvernement adoptera sur ce texte une position de sagesse particulièrement bienveillante. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de l’école doit être la mère de toutes les batailles, et l’école inclusive en fait partie intégrante.

Si la création de 4 500 postes d’AESH est une disposition significative du projet de loi de finances pour 2024, les problèmes relatifs à l’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap sont loin d’être réglés. Les raisons en sont multiples.

Premièrement, les AESH, qui sont souvent contraints d’enchaîner les contrats à durée déterminée, souffrent d’une instabilité professionnelle liée à leur statut.

Deuxièmement, leur rémunération est trop faible. Les AESH se voient en effet proposer majoritairement des contrats de vingt-quatre heures par semaine, soit la durée de scolarisation d’un élève de maternelle et de primaire.

Ce temps de travail, que conditionne le temps de scolarité, équivaut environ à 60 % d’un temps plein. Il explique une rémunération mensuelle de l’ordre de 800 euros par mois. Soulignons au passage que cette précarité concerne majoritairement des femmes, cette profession féminine étant à 90 %.

Troisièmement, je pointerai le manque de formation. En effet, une formation de soixante heures ne saurait suffire pour exercer la compétence professionnelle attendue de la part d’un AESH.

Cependant, la présente proposition de loi ne prétend pas traiter le sujet de l’école inclusive ni même celui du statut des AESH, dans leur exhaustivité. Au fond, elle tend à résoudre un problème qui découle d’un cadre réglementaire traitant de manière différenciée le temps méridien et le temps périscolaire.

Les AESH sont désormais en nombre – vous avez bien voulu le rappeler, madame la ministre –, la deuxième catégorie de l’éducation nationale, après celle des enseignants.

Les collectivités locales, les communes et les AESH eux-mêmes attendent des clarifications. Ils réclament l’élaboration d’un cadre général cohérent. Or nous ne parviendrons pas à régler ce problème par des bricolages successifs.

Nous avons, tout d’abord, des classes Ulis. Leur cadre de compétence se trouve exclusivement placé sous l’autorité de la commune qui les abrite, alors même que ces classes accueillent parfois des élèves des communes voisines.

Nous avons, ensuite, des rectorats, qui consentent des mises à disposition de ces agents, mais qui les refacturent aux communes.

Nous avons, enfin, un vide juridique – cela vient d’être rappelé – pour ce qui concerne les établissements privés sous contrat.

Le texte que l’on nous propose d’adopter constitue donc un moyen simple de régler une situation confuse, en permettant à l’État de prendre en charge l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Il ne doit être néanmoins que la première étape d’un débat de fond.

Dans le travail d’exploration qu’elle a bien voulu conduire au nom de notre groupe politique, notre collègue Michelle Gréaume est allée plus loin, en proposant de financer les AESH sur l’ensemble du temps passé au sein de l’institution scolaire.

Il faudra régler également la question du statut des AESH, qui aspirent à être intégrés dans la catégorie B de la fonction publique.

Considérant toutefois que ce texte comporte, en l’état, une disposition simple de nature à résoudre un problème concret, nous le voterons.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE votera ce texte. Nous saluons en effet la proposition de Cédric Vial, ainsi que le travail de Mme la rapporteure Anne Ventalon, visant à proposer une solution à la situation ambiguë des élèves requérant un accompagnement par AESH sur le temps méridien.

Les auditions ont révélé des disparités d’accompagnement – entre les communes et selon le type d’enseignement, public ou privé – qui contreviennent à l’égalité de traitement à laquelle ont droit les élèves en situation de handicap, quel que soit leur lieu d’habitation ou de scolarisation. Cela n’est pas acceptable.

Selon une sagesse africaine, il faut tout un village pour éduquer un enfant, quand une sagesse rurale bien de chez nous dit : « Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées ». (Sourires au banc des commissions.) Madame la ministre, il est temps de remettre de l’ordre et de placer l’intérêt des enfants au centre de nos préoccupations, plutôt que de se perdre dans des polémiques de compétences.

Que l’État, par l’éducation nationale, reste le maître de l’enseignement.

Que les communes continuent à assurer l’accueil, l’entretien des locaux, le recrutement des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) et l’organisation du temps périscolaire avec leurs intervenants et leurs associations locales.

Que les départements, enfin, par leurs compétences, assument le médico-social, tout le médico-social.

La protection maternelle et infantile (PMI) examine et dépiste les handicaps jusqu’à l’âge de 6 ans. Expliquez-moi, madame la ministre, quelle plus-value apporte une médecine scolaire famélique en effectifs en prenant le relais dans le suivi des enfants après 6 ans ?

La santé, ce n’est pas que la médecine. C’est aussi le bien-être physique, psychique et social des individus, auquel le sanitaire ne contribue qu’à hauteur de 20 %.

La santé scolaire a davantage besoin de psychologues et d’assistantes sociales que de médecins et d’infirmiers pour dispenser des soins.

Les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, ont pour mission d’évaluer les besoins d’accompagnement par les AESH des élèves en situation de handicap. Donnons donc aux départements la pleine compétence dans ce domaine. Confions-leur le recrutement et la rémunération des AESH, avec une compensation financière de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et une péréquation entre départements – cela se fait dans le domaine social –, ainsi que par l’État.

Cette répartition claire des tâches entre l’éducation nationale, les départements, les communes et même les régions pour l’orientation et les stages fonctionne déjà dans les cités éducatives ; bientôt, elle s’appliquera dans les territoires éducatifs ruraux, ces fameux TER qui n’arrivent pas à très grande vitesse ! (Sourires.) Adoptons donc, pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, cette méthode qui fait ses preuves.

Le temps méridien n’est pas un temps anodin : la cantine est nécessaire pour les enfants des familles précaires, et nous pouvons, d’ailleurs, saluer l’engagement des collectivités en matière de tarification sociale.

Surtout, l’éducation à l’équilibre alimentaire doit être une priorité, au même titre que l’activité physique quotidienne, si nous voulons combattre l’épidémie d’obésité et de diabète qui deviendra bientôt un fardeau considérable pour notre société.

Enfin, madame la ministre, ne laissez pas votre collègue de l’éducation nationale gérer des situations à la fois douloureuses pour les élèves en situation de lourd handicap, perturbantes pour les autres élèves de leur classe et épuisantes pour le corps enseignant. Ce dernier doit composer avec des élèves porteurs de handicaps trop lourds, qui relèvent d’instituts médico-éducatifs (IME), mais qui, par manque de places en IME, sont condamnés à être scolarisés en classe ouverte.

Ces situations ne sont pas tenables et risquent de remettre en question l’école inclusive. Celle-ci est un beau projet, qui requiert néanmoins les moyens de ses ambitions.

La présente proposition de loi le rappelle. Si j’ai semblé élargir son objet initial, c’est qu’il est urgent, madame la ministre, de prendre ce sujet à bras-le-corps. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en nous dotant d’un nouveau texte visant à favoriser l’inclusion de nos élèves, nous faisons un pas de plus vers une école toujours plus inclusive. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cette proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien est la traduction législative de l’une des recommandations du rapport d’information Modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive de notre collègue Cédric Vial, que le groupe RDPI et moi-même saluons.

Cette démarche s’inscrit par ailleurs dans la logique de la promesse formulée par le Président de la République au sujet des AESH lors de sa campagne électorale en 2022.

Le présent texte contient des dispositions importantes pour trois acteurs : les élèves en situation de handicap, les accompagnants d’élèves en situation de handicap et les collectivités territoriales.

Ayant beaucoup travaillé sur ce sujet au sein du réseau de l’enseignement français à l’étranger, je tiens tout d’abord à souligner l’avancée que comporte ce texte pour les élèves. En effet, dès lors que la prise en charge des AESH sur le temps méridien n’est plus assurée ou qu’un élève est accompagné par un AESH différent sur les temps scolaire et méridien, une rupture intervient dans la continuité de l’accompagnement, qui est pourtant essentielle au bien-être des élèves concernés.

Dans d’autres cas, faute de prise en charge sur le temps méridien, les parents n’ont d’autre choix que de prendre le relais, avec tous les problèmes qui s’ensuivent.

Il arrive également que certains parents embauchent directement des AESH. Or, non seulement cette pratique représente un coût important pour les familles, mais elle échappe aux contrôles obligatoires habituellement réalisés par l’éducation nationale.

En ce qui concerne les AESH et leurs conditions de travail, le texte introduit une disposition simplifiant leur statut, l’État devenant leur unique employeur. Il permet également le lissage des emplois du temps, en ouvrant la possibilité de continuer à travailler pour l’éducation nationale sur le temps méridien.

Nous ne connaissons que trop bien les situations de précarité que peuvent rencontrer les AESH, et ce texte ne les résoudra pas toutes. Saluons tout de même cette avancée.

La proposition de loi a pour but premier de revenir à la prise en charge totale, par l’État, de l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, comme c’était le cas avant la décision du Conseil d’État de novembre 2020. Ce dernier avait jugé en effet que la compétence de l’État en matière de prise en charge des situations de handicap ne devait porter que sur le temps scolaire.

C’est la raison pour laquelle la responsabilité qui incombait jusqu’alors à l’État s’est déportée sur les collectivités territoriales pour le premier degré et sur les départements et les régions pour le second degré. Cette situation a entraîné plusieurs conséquences, pour les AESH, pour les élèves en situation de handicap et pour les collectivités, qui ont dû assumer une charge financière supplémentaire.

Ainsi, le transfert de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales a pu créer une rupture d’égalité entre les élèves, dans la mesure où les situations de prise en charge diffèrent selon les communes. En effet, il est important de noter que, les communes n’exerçant habituellement pas de compétences en matière de handicap, cette nouvelle charge pouvait être difficile à assumer.

Pour conclure, je tiens à saluer de nouveau le travail de notre commission, ainsi que celui de Cédric Vial et de la rapporteure Anne Ventalon. Il a permis d’aboutir à des avancées rétablissant une forme de solidarité nationale, afin d’accompagner au mieux les élèves en situation de handicap au sein de notre école.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus d’un an après l’adoption unanime de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation, je me réjouis que nous ayons de nouveau l’occasion d’aborder le sujet de l’inclusion scolaire au sein de cet hémicycle.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a consacré le droit à une scolarisation ordinaire – lui-même conforté par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui a introduit la notion d’inclusion scolaire –, a profondément transformé la prise en compte du handicap dans notre paysage éducatif.

Depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a ainsi quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 en 2023.

Cette concrétisation quantitative de la promesse de l’école inclusive – pour notre part, nous appelons souvent de nos vœux le passage à une logique plus qualitative – repose en grande partie sur les épaules des accompagnantes et accompagnants d’élèves en situation de handicap. Je devrais, d’ailleurs, insister sur le féminin, 93 % des AESH étant des femmes. C’est sur elles que repose la réussite de l’inclusion. Elles la portent à bout de bras.

J’ai à l’esprit la formule utilisée par une enseignante que nous avons auditionnée récemment. À bout de souffle comme beaucoup de ses collègues, elle disait : « Sans AESH, on ne tiendrait plus debout ».

Leur rôle d’appui auprès des élèves en situation de handicap étant indispensable et l’inclusion en milieu ordinaire ne reposant pas seulement sur le temps scolaire en lui-même, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.

Ce texte, qui concrétise l’une des recommandations de la mission d’information que Cédric Vial – je le salue – a menée sur les modalités de gestion des AESH, a le mérite de revenir à l’esprit des lois de 2005 et de 2013, ainsi qu’au paradigme qui était en vigueur jusqu’à la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020.

Cette décision, qui a dégagé l’éducation nationale de toute responsabilité dans le financement de l’inclusion sur le temps méridien, a créé des difficultés multiples, que ce soit pour les collectivités territoriales, pour les AESH ou pour les élèves. En effet, toutes les communes n’étant pas en mesure de financer l’emploi des AESH, des inégalités de prise en charge sont apparues entre territoires et entre établissements scolaires.

Dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons aujourd’hui, la question est encore plus pressante.

En raison de la dualité des employeurs, les AESH eux-mêmes ont subi de nouvelles contraintes en matière d’organisation de leur temps de travail, au détriment, notamment, de leur temps de pause, pourtant obligatoire.

Enfin, les élèves en situation de handicap présentant des besoins d’accompagnement sur le temps méridien – selon les estimations, ils seraient entre 20 000 et 25 000 – ont été confrontés au risque d’une rupture d’accompagnement entre les temps scolaire et méridien, obligeant certains parents à prendre le relais et d’autres à recourir à des AESH privés, voire, dans les cas les plus complexes, à déscolariser leur enfant.

Prenant acte de la décision du Conseil d’État, un courrier du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse adressé aux recteurs et rectrices, le 4 janvier 2023, a formalisé les trois cas de figure envisageables pour les collectivités : soit la mise à disposition par l’éducation nationale des AESH volontaires aux collectivités, soit le recrutement direct d’AESH par la collectivité pour les heures relevant du périscolaire, soit le recrutement d’AESH en commun par l’État et les collectivités territoriales.

Si la mise à disposition, solution préconisée par le ministère, représente une avancée, son application sur le terrain se révèle complexe et très inégale.

Dans mon département de la Drôme, il m’a ainsi été indiqué que, à ce jour, l’ensemble des AESH intervenant sur le temps périscolaire étaient recrutés directement par les collectivités. Cette modalité ne règle d’ailleurs pas la question du coût de cette prise en charge pour les communes, qui reste le principal point d’achoppement.

Au regard des fortes contraintes liées à la situation actuelle, nous souscrivons pleinement, par conséquent, à l’objectif de cette proposition de loi.

Je tiens toutefois à partager avec vous quelques points d’alerte, madame la ministre.

Tout d’abord, quelle garantie avons-nous, tout d’abord, que cette nouvelle dépense, qui représente un coût d’environ 31 millions d’euros, ne se fera pas au détriment d’autres dépenses liées à l’inclusion scolaire ?

Ensuite, nous exprimons des réserves quant à la restriction de la prise en charge au seul temps méridien et non au temps périscolaire dans son ensemble. Ce dernier contribue pourtant pleinement à l’inclusion des élèves en situation de handicap.

Je m’interroge, d’ailleurs, sur les conséquences qu’aurait l’application de cette loi pour les AESH qui sont actuellement employés par les collectivités sur le temps méridien et d’autres temps périscolaires. Je crains que le problème de l’emploi des AESH sur le temps périscolaire ne se repose très rapidement.

Enfin, nous devons veiller à ce que ce transfert constitue bien une avancée pour les AESH et n’entraîne pas de nouvelles dégradations de leurs conditions de travail. Je pense notamment à leur niveau de rémunération, certaines communes étant plus généreuses que l’État. La logique du moins-disant ne doit pas prévaloir.

Plus largement, il nous faut réaffirmer l’urgence d’une réflexion plus globale sur l’organisation de l’école inclusive et sur le statut des personnels chargés de l’accompagnement humain.

En quelques années, les AESH sont devenus la deuxième catégorie de personnels de l’éducation nationale. Il est inacceptable qu’ils et elles continuent à exercer dans des conditions aussi précaires, avec un salaire mensuel toujours en deçà du seuil de pauvreté, sans prise en compte du temps de préparation et de formation nécessaire au bon exercice de leurs diverses missions.

Ce manque de considération nuit à l’attractivité de cette profession, comme en témoignent les nombreuses vacances de postes constatées sur le terrain.

Toutes et tous, nous avons pourtant conscience de l’ampleur du besoin, ne serait-ce que pour satisfaire les notifications d’accompagnement humain qui sont émises par les maisons départementales des personnes handicapées.

J’irai même plus loin : le ministère doit réfléchir à la mise en place de brigades de remplacement, qui manquent aujourd’hui cruellement. Je pense ainsi à l’exemple récemment porté à ma connaissance d’une AESH de mon département non remplacée pendant les dix semaines de son arrêt maladie. Des postes supplémentaires sont, là encore, nécessaires.

Il est plus que temps, pour le Gouvernement, de prendre à bras-le-corps le sujet de l’inclusion scolaire, trop souvent source de souffrance pour les élèves concernés, ainsi que pour les personnels de la communauté éducative.

Une seule boussole doit nous guider : la scolarisation dans les meilleures conditions possible des élèves en situation de handicap, à rebours de la logique de rationalisation budgétaire qui se cache derrière les pôles d’appui à la scolarité, heureusement censurés par le Conseil constitutionnel à la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

En gardant ces réserves à l’esprit, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux d’intervenir aujourd’hui en qualité de président de la commission des affaires sociales, mais aussi, pour quelques heures encore, en tant que président du groupe d’études Handicap de notre institution.

Je tiens en premier lieu à remercier et à féliciter notre collègue Cédric Vial, auteur de ce texte, qui reprend l’une des vingt recommandations du rapport de la mission d’information flash de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, publié en mai 2023. Je puis en témoigner : lorsque l’on porte un message avec conviction, en voir la traduction législative est essentiel. En même temps, c’est une source de satisfaction.

Je souhaite également féliciter notre rapporteure, Anne Ventalon, de la qualité de son travail.

Il était en effet nécessaire de légiférer, en raison de la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 opérant un transfert de la charge financière de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap en dehors du temps scolaire, de l’État vers les collectivités territoriales.

Non seulement cette jurisprudence du Conseil d’État méconnaît l’esprit de la loi du 11 février 2005, qui veut que l’État, au nom de la solidarité nationale, mette en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap, mais elle crée encore un grand nombre de difficultés financières, juridiques et organisationnelles quant à sa mise en œuvre pour l’ensemble des parties intéressées.

C’est pourquoi la clarification qu’apporte cette proposition de loi est bienvenue et souhaitable.

Permettez-moi de profiter de cette tribune pour évoquer de nouveau la situation des AESH sur notre territoire national.

Voilà un an, le Sénat examinait et adoptait une proposition de loi visant à lutter contre la précarité des AESH. Cette proposition de loi prévoyait notamment que les AESH puissent bénéficier d’un CDI à l’issue d’un certain nombre d’années de service, tout en rappelant à l’ensemble des acteurs qu’il était urgent d’ériger un véritable statut pour les AESH.

Malgré ces avancées, le métier reste complexe et peu attractif. Par conséquent, de nombreux élèves en situation de handicap ne peuvent bénéficier d’un accompagnement, faute de personnel, et cette situation est commune à l’ensemble des départements de notre territoire national.

Nous connaissons bien les causes de cette désaffection : faible rémunération, manque de formation ou encore complexité administrative.

Pour ma part, je plaide une nouvelle fois pour un véritable statut des AESH, mais également pour la création d’un service global des enfants en situation de handicap.

Même si cette proposition peut bouleverser les acteurs, notamment l’éducation nationale et les collectivités, il convient selon moi de mettre l’enfant au centre du dispositif et de prendre en considération son parcours de vie, une notion essentielle, d’une façon générale, dans la prise en charge du handicap.

Un jeune enfant en situation de handicap peut avoir besoin d’un accompagnement le matin, pendant l’accueil périscolaire – compétence communale ou intercommunale –, puis pendant le temps scolaire et la pause méridienne et, enfin, le soir, à la garderie. Ne serait-ce que pour ces trois moments, les acteurs compétents sont différents.

Toutefois, il peut également avoir besoin d’être accompagné au centre de loisirs, le mercredi ou pendant les vacances scolaires, ou dans ses activités sportives et culturelles.

En résumé, les moyens, les organisations et les financements sont multiples. Je vous invite donc, madame la ministre, à réfléchir à la mise en place d’un accompagnement global intégrant également les transports.

Finalement, nous traitons ce sujet par petits bouts. L’aspect que nous traitons aujourd’hui, organisationnel et financier, est essentiel, mais il ne règle en rien l’accompagnement des enfants en situation de handicap.

Je suis persuadé que nous pouvons faire mieux, à moyens financiers constants, et proposer un accompagnement de meilleure qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 a suscité la consternation des parents d’enfants en situation de handicap.

Comment, à l’heure où l’école inclusive est devenue une réalité tangible, peut-on refuser à un enfant handicapé le bénéfice d’un AESH lors de la pause du déjeuner ?

Comment ne pas être indigné d’une telle rupture de l’accompagnement, au seul motif que la pause méridienne n’est pas considérée comme du temps scolaire ?

Dans l’urgence, les familles ont dû s’organiser et, parfois, mettre leur vie professionnelle entre parenthèses.

Les collectivités territoriales ont été placées dans une situation intenable, avec le devoir moral de trouver des solutions pour que ces enfants fragiles n’aient pas à supporter le poids d’une décision, certes fondée juridiquement, mais humainement inacceptable.

Plusieurs communes de mon département, l’Essonne, ont ainsi dû se résoudre à prendre financièrement en charge l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps de la pause méridienne : une charge supplémentaire bien malvenue à l’heure où elles se débattent dans des difficultés sans nom pour équilibrer leur budget et garantir la qualité et la pérennité de leurs services.

Certains établissements scolaires, ceux de l’enseignement privé sous contrat, ont dû prendre la responsabilité de trouver les financements nécessaires ou de laisser les familles assumer un coût bien trop lourd pour elles.

Il ne faut pas oublier les AESH, qui constituent un capital humain fort précieux ; leurs emplois du temps et leurs conditions de travail, tellement difficiles et si peu reconnues, ont été bouleversés au sein des Pial.

La proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, à laquelle je me suis bien entendu associée, est donc particulièrement bienvenue. Son adoption assurera la continuité de la prise en charge des enfants handicapés.

Sur 478 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée 2023, entre 20 000 et 25 000 ont besoin d’un accompagnement humain durant le temps périscolaire.

Ce texte met fin à la pluralité d’employeurs, qui est devenue la règle pour les AESH. Il renforce le droit des enfants en situation de handicap à un parcours continu et adapté en milieu ordinaire, dans l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Il met fin, surtout, à une forme de mesquinerie – celle qui découle de la décision du Conseil d’État, non de l’action du Gouvernement, madame la ministre ! –, en prévoyant que la solidarité nationale incombe à l’État et qu’il lui appartient, en conséquence, de financer l’intégralité du salaire de l’AESH, quelle que soit la nature – scolaire ou périscolaire – des activités durant lesquelles ce dernier intervient.

Alors qu’il finance actuellement 86 500 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT), je ne doute pas un instant qu’il soit capable de rémunérer l’intervention des AESH auprès des enfants concernés durant le temps méridien.

J’ajoute que cette proposition de loi traduit l’une des recommandations issues du rapport d’information de la commission de la culture, Modalités de gestion des AESH pour une école inclusive.

Enfin, je ne voudrais pas conclure sans indiquer qu’une réflexion globale sur l’accompagnement du handicap à l’école est nécessaire.

L’école inclusive, nous le savons, est au bord de la rupture. Nous avons certes beaucoup progressé sur le chemin de l’égalité, l’abolition des discriminations et la banalisation du handicap. Notre regard sur ce dernier a changé, et nous voyons bien que les différences s’estompent dans les consciences.

Toutefois, si l’inclusion en milieu ordinaire est acquise, les injonctions et les incantations ne sont pas bonnes conseillères. Nous devons imaginer dès aujourd’hui l’école inclusive de demain.

L’école ne peut pas accueillir tous les handicaps, et nous avons le devoir moral d’accélérer les créations de place dans les établissements médico-sociaux, notamment dans les IME.

Il nous faudra également, très vite, mener une réforme structurelle des conditions d’emploi et de travail des AESH. Nous sommes en effet bien conscients que la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation ne peut s’envisager que comme une première étape et qu’un acte II de l’école inclusive est indispensable.

C’est donc avec conviction que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte, qui est essentiel, non seulement sur le plan juridique, mais aussi et surtout sur le plan humain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’éducation nationale croule sous les sujets importants, qui sont tous plus urgents les uns que les autres.

Je tiens donc à saluer nos collègues qui ont réalisé un travail d’ampleur sur cette proposition de loi : son auteur, Cédric Vial, et notre rapporteure, Anne Ventalon, que je remercie de la qualité et du nombre des auditions que nous avons pu mener.

Quel est le constat ? Depuis la loi pour l’égalité des chances, promulguée voilà dix-huit ans, la question de la prise en charge des élèves par les AESH sur le temps méridien et périscolaire n’a jamais été traitée de façon satisfaisante et définitive.

L’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020 dispense l’État de prendre en charge l’accompagnement des élèves sur le temps périscolaire. Depuis trois ans, il incombe donc aux collectivités territoriales de supporter financièrement le coût des AESH mobilisés sur le temps méridien.

D’après la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), entre 20 000 et 25 000 élèves en situation de handicap seraient concernés par un dispositif d’accompagnement durant la pause méridienne. À la suite de la décision du Conseil d’État, ces élèves, leurs familles et leurs établissements scolaires sont en grande difficulté. Des dizaines d’enfants, d’ailleurs, ont été déscolarisés.

Le recrutement des AESH est complexe. La circulaire du 4 janvier 2023, qui rappelle les trois types de conventionnement possibles, ne remédie pas à leur lourdeur administrative.

En conséquence, dans le premier et le second degré, les parents et les établissements doivent mettre en œuvre des solutions souvent bricolées.

Les difficultés de financement par les collectivités territoriales varient d’un département à l’autre. Dans sept régions, aucune prise en charge effective des élèves pendant la pause méridienne dans le second degré n’est prévue.

Au cours des auditions, nous avons également constaté les inégalités entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Dans ces derniers, la seule solution pour financer les AESH pendant le temps périscolaire est souvent de faire payer les familles. Que leurs enfants soient dans le public ou dans le privé, les parents qui embauchent eux-mêmes un accompagnant pour la pause méridienne doivent débourser 400 euros.

Toutes les familles n’ont pas la possibilité de dépenser un tel montant. En Loire-Atlantique, une mère a ainsi lancé un appel au secours dans les médias après avoir dû arrêter de travailler pour pouvoir déjeuner avec son enfant dans sa voiture… À l’heure de l’école inclusive, une telle situation est inconcevable !

Une autre conséquence inacceptable de la décision du Conseil d’État est la mise en danger des enfants.

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté a donné aux collectivités territoriales la possibilité de consulter le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais). Or les parents qui embauchent un AESH, en utilisant par exemple le chèque emploi service universel (Cesu), n’ont évidemment pas la possibilité de consulter et de procéder à ces vérifications.

Pour toutes ces raisons, des familles sont contraintes de renoncer à leurs droits.

Bien que l’on ne dispose pas de données chiffrées consolidées, comme cela a souvent été répété au cours de nos auditions, il est apparu durant ces dernières que le nombre des non-recours est supérieur à celui des demandes d’embauche.

Depuis trois ans, tous les acteurs attendent une solution pour clarifier et sécuriser la prise en charge des élèves. C’est donc avec enthousiasme que je salue la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, qui entend remédier à ces difficultés, en apportant une première réponse.

Pour ce qui concerne le personnel, le rapport d’information sénatorial sur les modalités de gestion des AESH indique que 288 000 élèves en situation de handicap ont besoin d’un accompagnement : 140 000 AESH devraient en effet exercer à la fin de l’année 2024, soit environ un pour deux élèves.

Néanmoins, deux points sont à prendre en considération : d’une part, les AESH ne sont pas répartis de façon égale sur le territoire ; d’autre part, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés continue d’augmenter chaque année, comme vous l’avez souligné, madame la ministre.

Je rappelle que l’on compte en moyenne deux à trois contrats d’AESH par élève, pour couvrir le temps scolaire, le temps périscolaire et le temps méridien. La qualité de cet accompagnement, fortement saccadé, n’est assurément pas optimale.

Je m’interroge par ailleurs sur le temps de travail. Légalement, l’employeur a l’obligation d’accorder au salarié un temps de pause à l’occasion du déjeuner. Qu’en sera-t-il pour un AESH travaillant sans discontinuer entre huit heures et dix-huit heures, en enchaînant le suivi en classe et l’accompagnement de la pause méridienne ?

Je tiens enfin à souligner que ce métier, qui est exercé à 93 % par des femmes, demeure précaire et peu attractif.

Les travaux parlementaires ont permis d’apporter une première amélioration grâce à l’adoption, en 2022, de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (AED). Celle-ci constitue un premier pas qui en appelle d’autres, à l’image, par exemple, de la récente augmentation, le 1er septembre 2023, de la prise en charge des frais de transport. Il s’agit d’une mesure positive, mais je déplore le manque de solutions pérennes pour les AESH et les AED exerçant milieu rural, qui sont lésés par ces dispositifs.

Je m’interroge également sur la formation. Accompagner un élève durant le temps méridien ne requiert probablement pas les mêmes compétences que pour suivre son apprentissage en classe. La formation initiale de soixante heures mérite d’être musclée.

Le sujet de la formation est d’autant plus important que le Gouvernement entend fusionner les métiers d’AESH et d’AED pour créer le métier d’accompagnement à la réussite éducative.

L’accompagnement des élèves en situation de handicap est un métier à part entière, tout comme celui de l’animation durant les temps périscolaires. Les missions des uns et des autres ne peuvent pas forcément fusionner ni être interchangeables.

En conclusion, ce texte apporte une première amélioration incontestable et nécessaire. Une réflexion devra être menée sur le temps périscolaire dans sa globalité. Je suis convaincue que le renforcement et le développement de l’école inclusive passent par l’attractivité et la stabilité de la loi.

Dans certains départements, les chiffres sont déjà encourageants. En Vendée, 90 % des enfants ayant fait l’objet d’une notification de la MDPH seraient accompagnés, selon la directrice académique des services de l’éducation nationale (Dasen). Mais, comme l’a souligné Michel Canévet, le coût est important : il s’élève à 500 000 euros pour le département du Finistère, rien que pour les écoles publiques. On comprend aisément que tous les départements n’en aient pas les moyens !

Nous ne devons pas détruire les fondations déjà construites ; il convient au contraire d’y ajouter de nouvelles briques. Nous avions voté contre l’article 53 du projet de loi de finances, qui visait à transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en pôles d’appui à la scolarité (PAS).

M. Max Brisson. Très bon rappel ! (Sourires.)

Mme Annick Billon. Je me réjouis que cet article ait finalement été censuré par le Conseil constitutionnel. Nous devrons poursuivre nos travaux, tout en restant à l’écoute des acteurs du terrain.

Je déplore – permettez-moi cette impertinence, madame la ministre – que Mme la ministre Oudéa-Castéra ne soit pas présente parmi nous, alors qu’il s’agit du premier texte relatif à l’éducation nationale que nous examinons depuis sa nomination.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Annick Billon. L’éducation nationale a besoin d’une ministre et d’un ministère pleinement engagés et entièrement mobilisés.

Qu’elle ait délégué la discussion d’un texte sur l’éducation à vous, madame la ministre de la santé et du travail, est bien la preuve que l’école est malade.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Bernard Fialaire et Mme Laure Darcos applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant même la création d’un ministère éléphantesque de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, ainsi que les rebondissements successifs de l’affaire de l’établissement Stanislas, la majorité présidentielle avait déjà essuyé un échec concernant l’éducation nationale.

Je pense à la tentative de réforme de l’école inclusive et à la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre dernier sur la loi de finances pour 2024. Par cette décision, les sages ont censuré l’article 53 de la loi, dont l’objet était de remplacer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) par des pôles d’appui à la scolarité (PAS).

Nous l’avions tous dit à votre prédécesseur, madame la ministre, sur toutes les travées de cette assemblée : cette réforme était dépourvue de lien direct avec l’objet de la loi de finances. Elle aurait nécessité un projet de loi à part entière, une étude d’impact spécifique ; il aurait fallu que les parlementaires puissent mener des auditions. Mais l’article a été réintroduit par le Gouvernement par le biais du 49.3 à l’Assemblée nationale…

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Dans tous les territoires, la mise en œuvre chaotique de l’école inclusive a suscité d’énormes frustrations : frustration des enseignants, qui sont privés d’une formation approfondie qui leur permettrait d’acquérir les outils pédagogiques nécessaires pour accueillir en classe des élèves ayant un besoin éducatif particulier ; frustration des parents d’élèves, qui constatent les difficultés à faire respecter les décisions de relatives aux besoins d’accompagnement des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ; frustration des collectivités territoriales, qui se sont vues obligées, par une décision du Conseil d’État, de prendre en charge cette politique nationale depuis 2020 ; et, bien sûr, frustration des accompagnantes et des accompagnants, qui sont recrutés dans des conditions extrêmement précaires, même si une loi d’origine parlementaire a apporté, en 2022, quelques améliorations à leur statut, pour leur permettre d’obtenir plus rapidement un CDI.

Des progrès restent à faire. À la rentrée dernière, seulement un accompagnant sur deux était protégé par un contrat à durée indéterminée.

Ce métier, qui est devenu le deuxième de l’éducation nationale, ne dispose pas de statut. Les emplois ne donnent souvent pas lieu à une fiche de poste. Une formation spécifique et une revalorisation des taux horaires seraient nécessaires.

Dans certaines collectivités, des élus ont pris le sujet à bras-le-corps et proposent aujourd’hui des formations et de meilleures rémunérations pour cette mission d’accompagnement humain.

On peut ainsi résumer les choses : en matière d’école inclusive, le Gouvernement a lancé de grandes idées en l’air, et nous, parlementaires, devons recoller les morceaux !

C’est ce que nous faisons avec cette proposition de loi de Cédric Vial et du groupe Les Républicains, qui vise à pallier les incertitudes d’un système de financement flou concernant l’accompagnement durant le temps périscolaire.

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème de pilotage de la politique d’inclusion ni que les moyens humains soient surabondants. Au contraire, les besoins nécessaires à la mise en œuvre de cette politique ont été, dès sa conception, sous-estimés. Or ils sont essentiellement humains, dans la mesure où il s’agit de politiques éducatives.

Dans ce domaine comme dans d’autres, le Gouvernement tente de faire supporter le coût de son orthodoxie budgétaire aux collectivités territoriales. Or celles-ci n’ont pas à porter la responsabilité d’une politique nationale ni, encore moins, à se voir imposer des compétences nouvelles par un ministre qui contractualise avec les écoles catholiques. N’était-ce pas le sens du protocole d’accord sur la mixité signée en mai 2023 ?

Les collectivités doivent, en revanche, garder la liberté de participer à l’amélioration des conditions de travail des accompagnants et des accompagnantes. Nous avions déposé des amendements dans ce sens.

En dépit de cette réserve, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour ce texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Bruyen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Cédric Vial est de bon sens. Elle s’impose même, tant les conséquences négatives de la décision du Conseil d’État sont de plus en plus perceptibles, graves, voire inacceptables.

Il faut en effet souligner qu’il existe localement des inégalités d’accompagnement, en raison de l’absence, plus ou moins prononcée, de capacité à gérer ces situations, notamment, mais pas seulement, sur le plan budgétaire. Il est nécessaire de revenir à un dispositif dans lequel l’État témoignera de sa sincère volonté de considérer les collectivités locales comme des partenaires, en tenant compte de leurs difficultés, particulièrement dans la ruralité.

L’examen de cette proposition de loi ne constitue qu’un début. Elle ne réglera pas tout et elle nous invite au contraire à réfléchir au plus vite, comme on l’attend de nous, à l’évolution du statut et des conditions de travail des AESH, pour rendre leur métier plus attractif ou pour renforcer leur formation, par exemple en matière d’aide au repas, qu’il convient d’appréhender, dans certains cas, sous un angle presque médical. Nous devons aussi nous intéresser à nombre d’autres sujets relatifs à l’école inclusive dans sa globalité.

En ce qui concerne la pause méridienne, particulièrement pour ces enfants qui ont un handicap, les acteurs de l’éducation sur le terrain affirment qu’elle fait bien partie intégrante de la scolarité dans un système qui se veut inclusif.

Depuis septembre 2020, certaines collectivités ont adopté des conventions, lorsqu’elles disposent de l’ingénierie permettant de recourir à cette formule. Mais comme l’a souligné notre rapporteure, Anne Ventalon, l’expérience montre que cette solution peut faire peser un vrai risque sur les élus locaux, car le transfert de l’autorité de gestion peut entraîner celui de la responsabilité en cas d’accident.

Oui, depuis 2020, progressivement, la situation devient anxiogène.

L’angoisse pèse sur les familles : celles-ci n’activent pas toujours la possibilité offerte par la notification de la MDPH de bénéficier de l’accompagnement d’un AESH durant le temps méridien, tant elles mesurent que l’équation est impossible à résoudre pour leur commune.

L’angoisse pèse aussi sur les élus locaux : il est bien douloureux pour eux de ne pas pouvoir participer à cet élan pour une école plus inclusive. Reconnaissons toutefois qu’ils apportent déjà une part importante et essentielle dans cette perspective, lorsqu’ils engagent de lourds travaux pour améliorer l’accessibilité des établissements.

L’angoisse pèse enfin sur les enfants eux-mêmes : déjà fragilisés, ils ne peuvent pas comprendre le mécanisme qui leur interdit de bénéficier de ce qui pourrait sensiblement améliorer leur bien-être.

C’est bien pourquoi il convient que l’État joue le rôle d’un facilitateur, pour que ces enfants, qui sont trop souvent en souffrance, bénéficient d’un accompagnement à la hauteur de la belle ambition d’une école toujours plus inclusive.

En ce qui concerne l’aspect budgétaire, qui est au cœur du problème, je veux aussi souligner que cette dépense ne peut ni ne doit incomber aux départements par le biais de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Elle ne peut leur incomber, parce que, au-delà de l’aide à l’enfant dans les gestes du quotidien, qui correspond, c’est vrai, aux raisons d’être de la PCH, c’est bien plus d’éducation qu’il est question, au même titre que pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Elle ne doit pas leur incomber, dans la mesure où les enfants qui bénéficient de l’aide d’un AESH ne remplissent pas tous les critères d’admission à la PCH. En outre, cette dernière ne constitue pas une aide pour le domicile.

Enfin, si la compensation aux départements des dépenses relatives aux allocations individuelles de solidarité (AIS) est globalement très insuffisante, c’est dans le domaine du handicap qu’elle est la plus basse, de l’ordre de 30 % seulement.

Cette charge ne relève donc pas des départements. On pourra juger que mon alerte est sans fondement, mais je sais d’expérience qu’il sera important de rester, dans la durée, très vigilant sur ce point.

J’en reviens à l’essentiel, pour réaffirmer qu’il est impératif de corriger une approche que l’on peut qualifier de négative sur ce sujet fondamental, celui de la constitution d’un parcours scolaire véritablement inclusif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte important. Il peut sembler convenu au regard de son contenu, mais il est essentiel au regard du nombre, qui ne cesse d’augmenter, des élèves en situation de handicap qui sont scolarisés.

Cette proposition de loi est bienvenue pour les familles, les professionnels, les accompagnants des élèves en situation de handicap et les collectivités locales, bref pour la société dans son ensemble.

Ce texte est destiné à apporter une avancée capitale dans la vie scolaire.

Le handicap reste évidemment une épreuve. Je veux saluer toutes les familles où un ou plusieurs enfants sont en situation de handicap : elles font beaucoup d’efforts et déploient des sacrifices considérables dans leur vie. Il appartient à notre société de les aider et de les accompagner. Cet investissement humain fait honneur à l’exigence d’humanité qui continue à nous habiter.

Le handicap est, en effet, un domaine où la solidarité nationale est naturellement appelée à s’exercer. Il revient à l’État d’appuyer celles et ceux qui sont confrontés à cette situation, car ce sont des charges et des exigences qui excèdent celles d’une vie ordinaire.

Dans une décision du 20 novembre 2020, le Conseil d’État a estimé que le financement des emplois relatifs à l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps méridien ne relevait pas de la responsabilité de l’éducation nationale.

Cette jurisprudence a eu pour conséquence de compliquer la vie des parents, mais aussi celle des collectivités locales, qui se sont retrouvées confrontées à la nécessité d’assurer ce financement. Elle a aussi entraîné des ruptures dans les parcours de ces jeunes.

Les collectivités locales ont dû intervenir financièrement, alors que leurs ressources sont déjà limitées et qu’elles sont abondamment sollicitées, comme on l’a encore vu récemment.

Il s’agit donc d’un goulot d’étranglement supplémentaire. Et je ne parle pas des modalités d’application, qui varient selon les écoles : certaines doivent en effet supporter des charges plus lourdes que d’autres. Finalement, cette inégalité pèse sur des milliers de familles en plein désarroi.

Je veux rappeler les difficultés de nos collectivités locales, sur lesquelles on se décharge un peu trop facilement quand il s’agit du soin, de la santé ou de l’accompagnement.

Je n’oublie pas les problèmes que cela suscite dans la pratique, notamment, mais pas seulement, pour les établissements privés sous contrat : il faut réorganiser les emplois du temps, faire appel à des volontaires, gérer de multiples contrats de travail, tandis que la multiplication du nombre des accompagnants, parfois pour un même élève, est source d’inconfort et d’angoisse pour les enfants.

Pour cette raison, je me réjouis que soit reconnu, dans le code de l’éducation, le principe de la rémunération à la charge de l’État du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne.

Je me réjouis aussi pour les accompagnants, qui seront rémunérés sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne. C’est aussi une clarification importante pour les familles.

La proposition de loi apporte ainsi une clarification, qui s’inscrit dans l’esprit de la loi sur le handicap du 11 février 2005 – je salue, à cet égard, le travail de Philippe Bas, qui était, à l’époque, ministre des affaires sociales. En effet, ce texte majeur mettait à la charge de l’État l’organisation de la scolarisation des élèves en milieu ordinaire.

Or la jurisprudence du Conseil d’État crée une certaine dissonance dans ce cadre cohérent. Il nous importait de la corriger.

Je ne jette pas la pierre au juge administratif – il a voulu appliquer le droit existant –, mais cette affaire est l’occasion de rappeler que c’est au législateur, parce qu’il a la légitimité pour s’exprimer au nom des citoyens, qu’il revient d’agir pour corriger les effets d’une jurisprudence problématique. Voilà peut-être une démarche que nous serons appelés à renouveler, lorsque des décisions de justice nous paraîtront insatisfaisantes ou inadaptées. (Mme Frédérique Puissat acquiesce.)

Je rends hommage également à la commission de la culture, qui a joué son rôle. Elle a signalé le problème et rappelé les complications soulevées par notre cadre législatif, dont l’effet est de compromettre l’exercice des missions de l’État.

Je salue à cet égard mon collègue Cédric Vial, qui, dans son rapport du 3 mai 2023, avait rappelé la difficulté pour l’éducation nationale de répondre aux enjeux liés à la massification de l’aide humaine et à l’accessibilité de nos écoles. Ces dernières doivent être inclusives, dans le bon sens du terme.

Ce constat a débouché sur une proposition de loi qui a été largement cosignée, ce qui montre une nouvelle fois que le Sénat est la chambre des territoires et qu’il peut relayer avec réactivité les demandes de nos concitoyens, en l’occurrence celles des parents en difficulté. Notre assemblée n’est pas une maison opaque dont les sujets de préoccupation seraient déconnectés de ceux des Français.

Je remercie Anne Ventalon de son travail au sein de notre commission. Elle a défendu le texte qui nous est soumis et que nous avons adopté à l’unanimité.

Mes chers collègues, la problématique en jeu n’est pas seulement financière ou matérielle : elle touche à l’humain, à la place que nous accordons aux plus fragiles. C’est au fond une part de nous-mêmes qui révèle ce que nous sommes.

Comment ne pas se souvenir des propos du général de Gaulle à l’égard de sa fille, qui était atteinte de trisomie ? « Anne m’a aidé à dépasser tous les échecs et tous les hommes », disait-il. Le fondateur de nos institutions nous rappelle ainsi que la Ve République, c’est aussi ce devoir permanent d’humanité.

Ce texte, qui fait consensus, constitue un pas important. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Plusieurs orateurs sont intervenus sur la question de la rémunération des AESH. C’est le cas notamment de M. Lahellec, de Mme Monier, de M. Mouiller ou de Mme de Marco. En la matière, un effort a été réalisé depuis 2021, puisque les AESH ont bénéficié d’une augmentation de 200 euros par mois, soit une hausse de 26 %. Ce n’est certes pas suffisant, mais il fallait le signaler.

J’ai trouvé intéressante la notion de santé scolaire, qui a été mise en avant par M. Fialaire. Je prends devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’engagement de travailler sur cette question, qui concerne aussi bien le ministère de l’éducation nationale que le mien.

Oui, nous manquons de médecins. Il est inutile de se mentir, nous connaissons tous les conséquences du numerus clausus. Nous avons besoin de temps pour former des praticiens. Pour autant, il est impératif de travailler sur ce sujet, d’apporter des solutions, et je souhaite m’atteler à cette question très rapidement.

Je tiens à vous dire aussi que je partage votre analyse sur l’équilibre alimentaire : la prévention est un enjeu pour tout le monde, pour les enfants en situation de handicap comme pour tous les enfants. Il faut veiller à ce que l’heure du repas soit un moment où on les aide à se nourrir correctement. C’est incontestablement un élément important pour leur bien-être, et c’est pourquoi je souhaitais insister sur ce point.

J’ai bien noté également les propos que vous avez été plusieurs à exprimer sur les places en IME. L’enjeu est évidemment financier, mais il y a aussi une question de formation.

Madame Billon, à votre question impertinente, j’apporterai une réponse qui ne le sera pas moins : il n’est pas si mauvais que la ministre du travail et des solidarités soit devant vous, car la formation dans ce secteur est essentielle.

L’attractivité passe évidemment par la reconnaissance financière, sonnante et trébuchante. Mais, au-delà de cet aspect, il faut aussi évoquer les perspectives de carrière. Comment aider celles et ceux qui s’engagent dans ces domaines à évoluer ? La formation est l’une des réponses absolument indispensables. Le continuum gouvernemental a aussi son importance… (Sourires.)

Le président de la commission des affaires sociales a rappelé l’importance d’un service d’accompagnement autour de l’enfant. Celui-ci est au centre du dispositif. La prise en compte de son parcours de vie, qui appelle des réponses plurielles, est importante.

Cet accompagnement répond également à l’attente des parents, qui sont confrontés, comme Mme Else Joseph l’a dit, à une multitude d’intervenants. Il faut se mettre à leur place : il est important qu’il y ait un accompagnement des familles.

Laure Darcos a insisté elle aussi sur la nécessité de réfléchir globalement, avec le ministère de l’éducation nationale, à la prise en charge du handicap à l’école. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises : jusqu’où va l’école inclusive ? Nous devons évidemment penser aux familles, qui aspirent à aller le plus loin possible en la matière. Nous sommes là dans l’humain et nous devons faire preuve de doigté, d’écoute et de respect – c’est très important.

Christian Bruyen était encore président de conseil départemental il n’y a pas si longtemps – nous étions sur le même terrain de jeu, si vous me permettez cette expression, monsieur le sénateur –, et je reconnais, dans son propos, cette expérience. Je crois que cette proposition de loi apporte une réponse concrète et intéressante en matière d’accompagnement financier. Elle pose par là même un acte d’éducation.

C’est la raison pour laquelle, je le redis, le Gouvernement émet un avis de sagesse, que je qualifierai de très accompagnante, sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant la prise en charge par l’état de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien
Article 2

Article 1er

L’article L. 211-8 du code de l’éducation est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° De la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne ».

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. L’examen de ce texte est consensuel, ce qui est bien normal vu le sujet.

J’ai lu avec beaucoup d’attention cette proposition de loi. Son article 1er modifie l’article L. 211-8 du code de l’éducation et prévoit que l’État a la charge de la rémunération des AESH.

C’est une excellente chose, me semble-t-il – je veux féliciter Cédric Vial sur ce point –, d’autant que cet article évoque aussi les personnels d’administration et d’inspection, les professeurs exerçant dans les collèges et les lycées, les dépenses de fonctionnement à caractère pédagogique ou encore les droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique. Bref, l’inscription des AESH dans cet article les inclura de manière très claire dans l’éducation nationale.

Pour autant, je note que c’est la ministre du travail qui se trouve au banc du Gouvernement. Madame la ministre, vous avez déjà un peu répondu à la remarque, que vous avez qualifiée d’impertinente, d’Annick Billon.

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est Mme Billon qui a tout d’abord parlé d’impertinence ! (Sourires.)

M. Max Brisson. Néanmoins, je voudrais insister sur ce point. L’école inclusive pourrait tout à fait être abordée comme un sujet interministériel. Pourtant, nous avions cru comprendre, à l’occasion de l’examen de l’article 53 du projet de loi de finances pour 2024, que le ministère de l’éducation nationale tenait à prendre la main sur ce sujet.

Madame la ministre, êtes-vous présente au banc du Gouvernement pour une simple question d’agenda ou parce que le dossier des AESH sera désormais traité de manière interministérielle ?

Est-ce que, comme cela semblait être le cas au moment de l’examen du projet de loi de finances, c’est le ministère de l’éducation nationale qui conduira la politique d’accompagnement des élèves en situation de handicap ?

Quelle est la cohérence de l’action gouvernementale en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur le sénateur, je vais vous répondre aussi clairement que je le peux. Nous parlons ici d’agents du ministère de l’éducation nationale, donc de la fonction publique. Or cette dernière ne figure pas dans mon décret d’attribution.

Pour autant, je suis chargée des solidarités et du handicap. Surtout, je ne pense pas que nos concitoyens cherchent à savoir qui est chargé de quoi. Ils veulent plutôt savoir comment le Gouvernement, dans sa globalité, entend répondre à leurs attentes. Tel est le sens de mon engagement.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.

Mme Annick Billon. Madame la ministre, j’ai en effet parlé d’impertinence tout à l’heure, mais je voulais surtout insister sur le fait que le métier d’AESH est aujourd’hui le deuxième métier de l’éducation nationale. Or ce ministère fait face à de nombreux problèmes, comme le montrent les statistiques et les nombreuses propositions de loi déposées au Sénat sur les sujets qu’il a à traiter.

Par ailleurs, madame la ministre, je voudrais vous remercier de votre écoute.

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est normal !

Mme Annick Billon. C’est certes normal, mais ce n’est pas toujours le cas, les ministres, ou nos collègues d’ailleurs, vaquant souvent à d’autres occupations durant les discussions générales… Qui plus est, vous avez répondu à chacun d’entre nous.

J’ai également apprécié la qualité de vos réponses, ce qui montre peut-être, cher Max Brisson, que les ministères XXL peuvent aussi apporter des solutions à nos problèmes ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article.

Mme Françoise Gatel. Je veux tout d’abord remercier Cédric Vial de cette proposition de loi, qui a toute sa pertinence.

Je voudrais surtout évoquer la question des collectivités locales, et je vous remercie, madame la ministre, d’avoir porté une attention particulière à cette question. En Afrique, c’est le village entier qui prend en charge les enfants. Chez nous aussi, toute la société doit se rassembler dans cette perspective.

Or nous avons un problème de cohérence. Aujourd’hui, ce sont les MDPH, donc les départements, qui prescrivent les modalités d’accompagnement des enfants. Elles veillent évidemment – les familles examinent cela de très près – à prescrire un accompagnement maximum, mais ce ne sont pas elles qui paient in fine. L’éducation nationale et les collectivités se retrouvent alors dans de grandes difficultés, par exemple quand la MDPH prescrit des mesures très importantes en cours d’année, alors qu’il n’y a plus de crédits disponibles.

Dans mon département d’Ille-et-Vilaine, où l’école inclusive fonctionne bien, nous sommes contraints d’aller chercher auprès de l’ARS, l’agence régionale de santé, des fonds qui sont destinés aux Ehpad, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Madame la ministre, nous devrons donc nous interroger sur la cohérence entre le prescripteur et le payeur. Il n’est pas possible que le prescripteur ne soit pas le payeur.

Je voudrais aussi évoquer la question des écoles privées. En Bretagne, plus de 40 % des enfants y sont scolarisés. Dans mon département, quarante communes ont une école privée, et celles-ci jouent un rôle social très important – toutes sortes de familles y sont inscrites.

Or ces écoles, qui sont sous contrat d’association, ont les plus grandes difficultés à accompagner les enfants en situation de handicap. Madame la ministre, il faut aussi examiner ce sujet avec la plus grande attention.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Après le sixième alinéa de l’article L. 917-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont rémunérés par l’État sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne. »

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Fialaire, Mme M. Carrère, M. Laouedj, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Roux, Mme N. Delattre et MM. Daubet, Cabanel et Bilhac, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu’ils sont amenés à travailler sur cette période, les accompagnants des élèves en situation de handicap disposent d’aménagements particuliers afin qu’ils puissent bénéficier d’un temps de repos.

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Avec cet amendement d’appel, qui vise à soulever la question du bien-être au travail des AESH, je veux rappeler que l’article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature prévoit qu’aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.

Durant nos auditions, les professionnels nous ont dit souhaiter une augmentation du temps de travail des AESH, afin d’améliorer la professionnalisation du secteur. Mais la mise en place des Pial a eu des conséquences en termes de temps de travail : les impératifs de flexibilité et adaptabilité se sont accrus.

Dans ce contexte, cet amendement tend simplement à rappeler que l’amélioration des conditions de travail n’est pas incompatible avec la qualité de l’accompagnement des élèves. Au contraire, cela participe d’une meilleure attractivité du métier, soit l’un des objectifs de cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Ventalon, rapporteure. Je partage votre préoccupation, mon cher collègue, car, lors des auditions, on nous a soumis des cas où les AESH enchaînent les heures sans pouvoir prendre de pause.

Toutefois, il me semble que le transfert à l’État de la compétence d’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien est de nature à répondre aux interrogations que vous soulevez.

En effet, les AESH auront un contrat unique et un employeur unique sur l’ensemble de la journée. Ils pourront donc bénéficier d’un temps de pause, dès lors que leur temps de travail quotidien atteint six heures. C’est l’application du code du travail.

En outre, la rédaction de l’amendement a une portée plus large : il ouvre un droit à des aménagements pour tout AESH amené à travailler sur le temps méridien, y compris si son intervention se limite à cette seule période, soit quelques heures par jour.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. L’article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature prévoit qu’aucun temps de travail ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.

Or les AESH seront des agents de la fonction publique d’État, et ce cadre sera mis en œuvre pour les AESH qui interviennent pendant la pause méridienne.

La pause méridienne n’est pas comptabilisée comme temps de travail, sauf si l’emploi du temps et le projet personnalisé de scolarisation (PPS) prévoient l’accompagnement d’un élève pendant ce temps, ce qui est précisément l’hypothèse dans laquelle nous nous trouvons ici.

Dans ce cas, si vous cumulez, dans le cadre de votre contrat, six heures continues de travail au cours des journées concernées, vous bénéficiez d’une pause de vingt minutes décomptée de votre temps de travail, prévue avant ou après le temps de restauration de l’élève. Je viens de vous lire un extrait du guide national des AESH.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Monsieur Fialaire, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Bernard Fialaire. Je suis heureux d’avoir sensibilisé le Sénat et le Gouvernement à cette question. Après avoir entendu les précisions de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Nous nous apprêtons à voter un texte qui est simple, mais qui va nous permettre de résoudre des problèmes devenus complexes. Bernard Fialaire vient d’ailleurs de soulever l’une des difficultés que ce texte permettra de régler.

Je tiens, à ce moment de l’examen de la proposition de loi, à adresser certains remerciements.

Je voudrais tout d’abord saluer Anne Ventalon, notre rapporteure, pour son travail efficace et sérieux, qui nous a permis d’aboutir à ce qui ressemble à un consensus.

Je tiens à remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, et Bruno Retailleau d’avoir permis l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée.

Je voudrais saluer aussi Laurent Lafon et Max Brisson, pour leur confiance et leur soutien constant.

Je voudrais remercier ensuite l’ensemble des orateurs, quel que soit leur groupe politique, de leur soutien. Avec ce texte, nous dépassons les enjeux politiciens et les frontières partisanes.

Enfin, je voudrais remercier Mme la ministre de la position qu’elle a annoncée au nom du Gouvernement et qui marque une vision et un engagement nouveaux, que je tiens à saluer. La période des vœux étant encore ouverte, j’espère, madame la ministre, que vous saurez accompagner ce texte jusqu’à son adoption par l’Assemblée nationale.

J’émets également le vœu que le Gouvernement se saisisse des dix-neuf autres propositions formulées dans mon rapport d’information portant sur les modalités de gestion des AESH. Si tel était le cas et si la méthode retenue était un peu plus respectueuse du travail parlementaire que ce qui a été esquissé lors de la discussion sur l’article 53 du projet de loi de finances pour 2024, alors il pourra compter sur mon engagement à ses côtés, pour une meilleure prise en charge des enfants en situation de handicap.

Obtenir des résultats et plus d’efficacité dans la politique d’inclusion scolaire est une impérieuse nécessité, et réaliser un tel travail en commun serait tout à notre honneur. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Max Brisson, vice-président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Le président de notre commission, Laurent Lafon, a dû s’absenter, et je voudrais saluer, au nom de la commission, l’adoption – probable – de cette proposition de loi de Cédric Vial, qui fait suite à un rapport d’information qu’il nous avait présenté.

Ce rapport contenait vingt propositions. Une devrait être adoptée ce soir dans un large consensus. Il en reste donc dix-neuf, madame la ministre : nous sommes à votre disposition pour les explorer ! Vous avez parlé de « sagesse très accompagnante », une belle formule qui devrait permettre – en tout cas, nous l’espérons – que ce texte aboutisse au plus vite.

Pour autant, comme l’a indiqué Françoise Gatel, il nous reste des sujets à régler, en particulier les relations entre l’ensemble des acteurs qui accompagnent les élèves en situation de handicap. Madame la ministre, nous n’avons pas aimé la tentative du Gouvernement de passer en force, ou d’une certaine façon à la sauvette – je pense à l’article 53 du dernier projet de loi de finances.

Nous souhaitons remettre les choses à plat – Françoise Gatel l’a dit – et nous participerons activement à ce beau débat. Le rapport de Cédric Vial pourrait d’ailleurs nous inspirer.

Nous devons dépasser l’espèce d’affrontement que nous avons connu au moment de l’examen du projet de loi de finances : on pouvait comprendre que le ministre de l’éducation nationale veuille reprendre la main, parce qu’il est le payeur, mais nous avons d’abord besoin d’une bonne articulation avec les experts des MDPH.

La politique de l’école inclusive nécessite un fort partenariat entre le ministère de l’éducation nationale et le vôtre, madame la ministre. Vous étiez donc parfaitement à votre place pour représenter le Gouvernement à l’occasion de l’examen de ce texte ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Vautrin, ministre. Merci !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien
 

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 24 janvier 2024 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (texte de la commission n° 248, 2023-2024) ;

Proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 244, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

nomination dun membre dune commission denquête

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission denquête sur limpact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Francis Szpiner est proclamé membre de la commission denquête sur limpact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, en remplacement de M. Roger Karoutchi, démissionnaire.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER