M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Nicole Duranton, oui, les Houthis menacent la sécurité maritime et le commerce international en mer Rouge. Ces attaques sont une atteinte à nos intérêts nationaux et aux intérêts européens.

Un navire de la CMA CGM et la frégate Languedoc ont d’ailleurs été directement ciblés. Plusieurs compagnies maritimes, vous l’avez dit, sont contraintes de contourner cette zone.

Ces attaques sont aussi une violation évidente du droit international. La résolution adoptée le 10 janvier dernier par le Conseil de sécurité des Nations unies les condamne et rappelle le droit des États à se défendre.

Face à ces menaces, la France agit en détruisant directement les drones dirigés contre des navires, qu’ils soient civils ou militaires.

Dans ce contexte, les États-Unis ont fait le choix d’une opération militaire sur les territoires contrôlés par les Houthis. La France n’a pas souhaité y prendre part. À ce stade, nous nous contentons de mener une action en mer en totale autonomie, mais en coordination avec nos alliés. Nous étudions aussi les moyens de renforcer la présence européenne en mer Rouge.

Voilà notre approche, madame la sénatrice : fermeté dans le cadre collectif et, en même temps, désescalade par le dialogue. L’escalade est aujourd’hui de la seule responsabilité des Houthis ; notre responsabilité est d’éviter un embrasement supplémentaire dans la région. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation en ukraine

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Claude Malhuret. Après vous avoir félicité, monsieur le Premier ministre, pour votre nomination, je voudrais évoquer les propos qu’a tenus à Kiev votre ministre de l’Europe et des affaires étrangères, soulignant que l’aide à l’Ukraine restera une priorité. Il faut maintenant tenir cette promesse !

La situation est devenue critique. Les crimes de guerre du boucher du Kremlin infligent chaque jour un atroce supplice à la population civile d’Ukraine.

Les Ukrainiens, qui ont brillamment contre-attaqué à Kharkiv et Kherson en 2022, sont aujourd’hui en position de faiblesse, parce que, depuis le début, le soutien des démocraties peut se résumer par une formule : trop peu, trop tard !

Si nous avions livré à temps les chars, les missiles, les batteries anti-aériennes, l’armée russe n’aurait pu reconstituer ses défenses et faire échouer la contre-offensive de 2023. Nous sommes en train de renouveler cette erreur.

Depuis des mois, Zelensky attend 60 milliards de dollars de Washington, bloqués par les Trumpistes au Congrès, et 50 milliards d’euros de l’Europe, paralysée par ses cinquièmes colonnes – Orbán le collabo en Hongrie, Le Pen et Mélenchon, les chiens-chiens à leur Poutine en France, et tant d’autres ailleurs.

Nos tergiversations mettent l’Ukraine en grand danger – je pèse mes mots. Une défaite serait celle de l’Europe tout entière, un formidable stimulant pour la Chine face à Taïwan, pour le docteur Folamour de Corée du Nord, pour les mollahs iraniens tueurs de femmes au Moyen-Orient.

Il serait impensable que le prochain Conseil européen du 1er février ne déjoue pas les manœuvres d’Orbán le corrompu et ne débloque pas la totalité de l’aide promise à l’Ukraine. Je vous demande aujourd’hui l’engagement formel d’y parvenir et de soutenir sans restriction le fonds de 100 milliards d’euros pour l’industrie de la défense européenne, proposé par le commissaire français Thierry Breton.

En ce début de mandat, vous vous dites sans doute, monsieur le Premier ministre, que vous serez jugé sur vos résultats dans notre pays, et c’est exact. Mais à l’échelle de l’Histoire, votre gouvernement et tous les gouvernements d’Europe seront jugés à l’aune de la victoire ou de la défaite des démocraties en Ukraine face à l’internationale reconstituée des dictateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains. – M. Yannick Jadot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, voilà près de deux ans, en dépit de toutes les règles de droit international et de tous ses engagements, la Russie a agressé l’Ukraine. C’est une attaque cynique et meurtrière, avec des frappes aériennes répétées, qui visent délibérément les civils. Ce qui est en jeu dans ce conflit – je vous remercie de l’avoir rappelé aussi clairement –, c’est la liberté, la démocratie et l’avenir de notre continent. La Russie espère que l’Ukraine cédera et que ses soutiens se lasseront. Je le dis de manière très claire, en tant que chef du Gouvernement, comme le Président de la République l’a rappelé hier : la Russie se trompe. Nous ne faiblirons pas et nous ne faiblirons jamais. Notre détermination est intacte, je le réaffirme ici devant vous.

Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est rendu à Kiev pour son premier déplacement après sa nomination. Permettez-moi, pour la première fois en tant que Premier ministre, au nom du Gouvernement, et en votre nom à tous, j’en suis sûr, de dire mon admiration pour le peuple ukrainien et de saluer son courage exceptionnel.

Monsieur le président Malhuret, vous avez évoqué notre soutien à l’Ukraine, lequel, je le disais à l’instant, ne faiblira pas. Le Président de la République a annoncé hier la livraison de nouveaux missiles de longue portée et de centaines de bombes. Ce sont des armements attendus par les Ukrainiens et qui seront déterminants sur le terrain. En parallèle, nous continuons à former des militaires ukrainiens, comme nous le faisons depuis le début du conflit pour répondre à leurs besoins. Nous poursuivrons donc notre soutien militaire, en concertation avec nos partenaires. J’ajoute que notre soutien humanitaire continue lui aussi, pour répondre aux besoins les plus immédiats du peuple ukrainien, notamment en matière d’éducation et de santé.

Pour réussir, la mobilisation de tous les acteurs est essentielle. Je pense évidemment à l’État, aux collectivités locales, dont je veux saluer l’engagement remarquable. Nombre d’entre elles interviennent en solidarité avec les Ukrainiens. Je pense aussi aux acteurs privés, engagés en soutien de l’économie ukrainienne, dans la perspective de la reconstruction.

Notre soutien de long terme à l’Ukraine civile comme militaire sera inscrit dans l’accord bilatéral de sécurité que le Président de la République signera avec le président Zelensky, lors de son déplacement à Kiev en février prochain. Ce soutien de la France, le Président de la République aura l’occasion de le réaffirmer vendredi, à Cherbourg, en adressant ses vœux à nos armées.

J’ajoute, comme vous l’avez rappelé, que la France porte également la mobilisation en faveur de l’Ukraine à l’échelon européen. Nous sommes déterminés à obtenir un accord sur la Facilité pour l’Ukraine au Conseil européen extraordinaire du 1er février prochain. Concrètement, cette facilité doit permettre à l’Ukraine de faire face à ses besoins de financement immédiats et de mener les investissements essentiels pour se reconstruire et se moderniser.

L’Union européenne est également déterminée à poursuivre son soutien militaire à l’Ukraine. Le Conseil européen de décembre dernier a ainsi demandé que s’intensifient les travaux sur la réforme de la Facilité européenne pour la paix (FEP).

En s’en prenant à l’Ukraine, la Russie a attaqué nos valeurs. La Russie a remis en cause la démocratie et la liberté. Nous nous tiendrons aux côtés de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Nous nous tiendrons toujours aux côtés de nos valeurs, c’est l’une de nos priorités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

crise de l’ostréiculture

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Voilà quatre ans, presque jour pour jour, lors d’une séance de questions au Gouvernement, notre collègue Muriel Jourda interrogeait le ministre de l’agriculture de l’époque, Didier Guillaume, sur la manière dont il comptait venir en aide aux ostréiculteurs, alors durement touchés par des pollutions de l’eau de mer au norovirus, lors des fêtes de fin d’année de 2019.

Mme Élisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique, rappelait que, dans le cadre du onzième programme d’intervention des agences de l’eau, quelque 3,6 milliards d’euros d’aides devaient être accordés au titre du traitement des eaux usées.

Comment et où ces fonds ont-ils été employés ? Force est de constater que les mêmes causes ont produit les mêmes effets. En témoigne l’interdiction de la vente d’huîtres du bassin d’Arcachon prise par arrêté préfectoral le 27 décembre dernier, en raison de la contamination de la production au norovirus.

Le préfet a réuni autour de lui les collectivités et les établissements publics compétents dans la gestion des eaux usées et des eaux pluviales sur le bassin versant. Il a promis d’accélérer les programmes d’investissement pour apporter des réponses à moyen et long termes.

Voilà quelques jours, M. le ministre Christophe Béchu m’indiquait, à la suite d’un courrier que je lui ai adressé, que l’État pourrait intervenir sur des aides à l’investissement. Toutefois, pour l’heure, il est question non pas d’investir, mais de survivre.

La fermeture pour vingt-huit jours de la totalité de la zone de production du bassin d’Arcachon a entraîné 5 millions d’euros de pertes sèches et fait craindre de perdre la confiance des consommateurs.

Aussi, en sus des aides aux collectivités qui ont été annoncées, comment allez-vous aider directement les ostréicultrices et les ostréiculteurs ? Serez-vous épaulé par un ministre chargé de la mer, tant les enjeux en la matière sont vastes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. – MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Nathalie Delattre, vous avez raison, les difficultés liées notamment au traitement des eaux usées, cause principale des pollutions au norovirus, sont un sujet récurrent.

Vous l’avez rappelé, à l’issue d’épisodes pluviométriques intenses, les débordements de stations d’épuration et les opérations de délestage sur les réseaux d’eau pluviale, qui étaient saturés, ont conduit à la propagation du norovirus, qui produit des infections humaines de type gastroentérite aiguë. Une telle situation a justifié les mesures de protection prises par la direction générale de l’alimentation.

Les interdictions temporaires sont destinées à protéger la santé des consommateurs, ce qui constitue, les ostréiculteurs l’ont dit avec grande responsabilité, la priorité absolue devant une telle situation.

Les difficultés ne sont pas liées à la qualité du travail des ostréiculteurs. Si les coquillages contaminés peuvent de nouveau être commercialisés une fois le virus éteint, à la suite d’un épisode de filtration dans des eaux saines, le préjudice économique et le préjudice d’image, c’est-à-dire le préjudice médiatique, sont importants.

Puisque les producteurs ne sont en rien responsables, la possibilité de mobiliser des mesures de soutien, cela a été dit par Hervé Berville, est à l’étude, certaines ayant déjà été activées par le passé. Peut-être d’autres mesures devront-elles être mobilisées. Je pense notamment aux exonérations de la redevance domaniale. Pour ce qui concerne les mesures fiscales ou les charges sociales, nous étudierons la question avec le ministre de l’économie et des finances.

Pour ce qui concerne les actions des collectivités locales, nous ferons appel à Christophe Béchu, que vous avez cité.

Il convient d’abord de mettre pleinement en œuvre le principe pollueur-payeur. En tant qu’élu local, je sais à quel point il est parfois difficile de développer certains projets. Toutefois, en l’occurrence, les responsables devront payer.

Il faut ensuite accélérer les investissements, qui n’ont sans doute que trop tardé. Nous devrons accompagner les collectivités en la matière. Nous allons donc travailler avec les préfectures des zones concernées pour indemniser à court terme et accélérer les investissements à moyen et long termes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

politique générale du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, dans un exercice assumé d’autosatisfaction, le président Macron m’a hier rassuré. Notre pays va bien, l’ascenseur social fonctionne et nos services publics ont les moyens de remplir leurs missions !

J’ai sans doute été distrait, car, pour moi, la réalité est tout autre. Dans ma réalité, l’école publique est fragilisée par des professeurs non remplacés et désabusés. L’hôpital public s’effondre. J’ai en tête l’exemple tristement emblématique de la maternité Jeanne de Flandre, à Lille, qui transfère une partie de ses patientes et de leurs bébés en Belgique. Dans ma réalité, la France compte désormais près de 5 millions de pauvres et la classe moyenne a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Le déclassement social frappe de plus en plus nos concitoyens. Dans ma réalité, le logement traverse une crise d’une ampleur inédite depuis trente ans, sans que nous disposions, à ce stade, d’un ministre de plein exercice.

Monsieur le Premier ministre, il faut ouvrir les yeux. Tel est l’état de la France, dont vous êtes comptable. Les propos du Président de la République traduisent sa déconnexion avec le quotidien des Français. Pour lui, c’est la moralisation et l’ordre pour les citoyens, la dérégulation et le désordre pour les intérêts financiers. Ce n’est pas d’optimisme dont il a fait preuve hier soir : il cultive une amnésie politicienne pour conserver le mauvais cap qu’il a fixé voilà bientôt sept ans.

Quant aux Français, ils n’ont rien oublié : ni l’injuste réforme des retraites, ni la stigmatisation des chômeurs, ni la xénophobie rampante de la loi Immigration. Monsieur le Premier ministre, aurez-vous la lucidité de poser ce constat ? Aurez-vous l’audace d’en tirer toutes les conséquences ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, manifestement, nous n’avons pas assisté à la même conférence de presse. Les nombreux Français qui l’ont suivie à la télévision…

M. Hussein Bourgi. Moins nombreux que pour ses vœux !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … ont pu entendre, au contraire, un Président de la République lucide sur les difficultés de notre pays et les défis que nous avons à relever. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Cette lucidité doit-elle nous empêcher de reconnaître et de mettre en avant un certain nombre de progrès intervenus ces dernières années dans notre pays ? Je ne le crois pas !

M. Hussein Bourgi. Lesquels ? Le pouvoir d’achat ? La santé ? Le logement ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. S’agissant du taux de chômage, particulièrement bas, un taux que nous n’avons pas connu depuis un certain nombre d’années, ne peut-on pas parler de progrès, non pas pour le Gouvernement ou le Président de la République, mais pour ces millions de Français qui ont pu retrouver un emploi ?

M. Olivier Paccaud. Tout va très bien, madame la marquise !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Face au décollage de l’apprentissage, qui concernera bientôt, dans notre pays, 1 million de jeunes, ne peut-on pas parler de progrès, non pas pour le Gouvernement ou le Président de la République, mais pour tous ces jeunes qui pourront trouver leur voie grâce à l’apprentissage ?

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. S’agissant des droits ouverts, ces dernières années, sur l’initiative du Président de la République et de sa majorité – je pense notamment à l’ouverture de la PMA, la procréation médicalement assistée, à toutes les femmes –, ne peut-on pas parler de progrès, non pas pour le Gouvernement ou le Président de la République, mais pour toutes les femmes qui pourront s’engager dans un projet familial ? Je pourrais encore multiplier les exemples.

Cela me rend-il aveugle ou sourd aux difficultés que traversent les Français et à la situation du pays ? La réponse est non. Je crois l’avoir dit dès ma prise de fonction à Matignon, lors de la passation de pouvoir : je suis lucide sur les difficultés, les angoisses, les inquiétudes, les doutes et les colères de nombreux Français. Je pense aussi à ceux qui n’expriment pas de colère, tout simplement parce qu’ils n’attendent plus rien. J’en suis conscient.

Je le sais, tous les Français qui travaillent chaque jour, qui sont toujours au rendez-vous de leurs responsabilités, et qui ont toujours le sentiment d’avoir un peu plus de ce qu’il faut pour être accompagnés par la solidarité nationale et un peu moins de ce qu’il faut pour s’en sortir tout seuls, attendent beaucoup de nous.

J’en suis conscient, les Français attendent évidemment beaucoup en matière de santé, d’accès aux soins et d’hôpital.

Monsieur Kanner, chacun le sait, j’ai été membre du parti socialiste (Murmures ironiques sur les travées du groupe SER.),…

M. Olivier Paccaud. Personne n’est parfait !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … et j’ai travaillé auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé. Or les budgets et l’investissement alloués à l’hôpital public depuis 2017, notamment au travers du Ségur de la santé, nous en aurions rêvé dans les précédentes majorités ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel et M. Franck Dhersin applaudissent également. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

Les arbitrages financiers rendus à l’époque n’avaient pas été ceux-là ! Nous avons fait le choix clair et résolu de soutenir l’hôpital. Bien évidemment, l’argent ne suffit pas. Il faut poursuivre la transformation, particulièrement en travaillant sur les coopérations, pour l’accès aux soins de tous les Français. Tel est le mandat de Catherine Vautrin.

En ce qui concerne l’école, nous avons devant nous de nombreux défis à relever. Au cours de ces derniers mois, en tant que ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, …

M. Jean-François Husson. Cela n’a pas duré longtemps !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … j’ai eu l’occasion de le dire, j’ai porté un constat lucide sur les difficultés de notre école, qui m’ont conduit à prendre un certain nombre de décisions assez fermes et assez radicales.

La question de la laïcité, notamment, ne doit jamais souffrir aucune contestation et doit être respectée en tout lieu de notre territoire.

M. Vincent Éblé. Quel rapport ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. J’ai pris cette décision extrêmement claire dès ma prise de fonction.

J’ai également affirmé le rétablissement de l’excellence et de l’exigence à tous les niveaux de l’école. En effet, on ne peut accepter que, pour certains, l’école soit devenue une forme de tapis roulant sur lequel on se pose, en se laissant glisser de classe en classe, sans que personne vérifie si l’on a le niveau pour passer dans la classe supérieure. C’est pour l’égalité des chances que l’on remet de l’exigence et de l’excellence à tous les niveaux.

La ministre de l’éducation nationale devra bien évidemment poursuivre cette action et déclinera le choc des savoirs que j’ai eu l’occasion d’annoncer.

M. Éric Kerrouche. Le choc, on l’a eu !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je suis tout aussi lucide en ce qui concerne les difficultés en matière de sécurité. Depuis 2017, nous avons créé 14 000 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires. Nous avons investi comme jamais dans la justice, avec un garde des sceaux particulièrement tonique pour obtenir des budgets supplémentaires pour son ministère, comme j’ai pu l’observer en tant que ministre des comptes publics. En la matière, les enjeux de transformation sont également importants, afin que le service public de la justice soit toujours au rendez-vous des Français.

Enfin, pour ce qui concerne la transition écologique et la protection de la planète, je suis également lucide. En tant que Premier ministre, je suis chargé de la planification écologique de notre pays, comme ma prédécesseure. J’aurai à cœur d’appliquer, et même d’accélérer, avec mes ministres, la feuille de route présentée par le Président de la République sur la planification, qui fait de la France un pays moteur en matière de transition écologique. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

J’entends les critiques et les questions qui sont posées, mais j’attends que l’on me montre un pays de l’Union européenne qui s’engage autant que nous, un pays ayant réussi à réduire de 4 % ses émissions de gaz à effet de serre, comme nous l’avons fait l’an dernier ! Quel pays a réussi à faire la même chose dans l’Union européenne ? Aucun autre pays comparable au nôtre ne possède un niveau d’émission de CO2 par unité de production aussi faible que celui de la France !

Je n’ai pas l’intention de faire ici ma déclaration de politique générale. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Quoi qu’il en soit, vous le voyez, j’ai des choses à vous dire. Je suis sûr que nous aurons, au Sénat, de très beaux débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je ne doute pas de votre sincérité. Simplement, je vous le dis comme je le pense : changer de premier violon ne change pas la partition. Alors que le Président de la République vous a qualifiés, vous et vos ministres, de soldats de l’an II lors du premier conseil des ministres situé à côté de son bureau, à l’Élysée, je ne voudrais pas que ces soldats de l’an II, qui ont sauvé la République, se transforment demain en cavaliers de l’Apocalypse, qui permettraient à l’extrême droite de s’installer dans ce pays. Malheureusement, votre politique est en train d’y concourir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

feuille de route du ministère de l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains.

M. Max Brisson. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), de la jeunesse (Mêmes mouvements.), des sports (Mêmes mouvements.) et des jeux Olympiques et Paralympiques (Même mouvements.). J’espère, madame, n’avoir oublié aucune de vos fonctions…

Lors de la passation de pouvoirs, rue de Grenelle, vendredi dernier, le Premier ministre affirmait : « L’école sera la mère des batailles de mon gouvernement. » M. le Président de la République l’a confirmé hier.

J’ai donc trois questions à vous poser.

À la lumière de votre large portefeuille, comment comptez-vous concilier de manière efficace et permanente la bataille de la refondation de l’école et, en même temps, le défi de l’organisation des Jeux de Paris ?

Dans cette « mère des batailles », quelle image du professeur entendez-vous porter dans la société ? Quelle est votre vision de son rôle, de sa place, de son autorité ?

Dans cette « mère des batailles », quel rôle et quelle place entendez-vous donner à l’enseignement privé, sous contrat et hors contrat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Max Brisson, en réunissant les champs de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports dans notre contexte olympique et paralympique, vous n’avez rien oublié !

Le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié un continuum de responsabilités aux synergies nombreuses. Au cœur de ce continuum, il y a une ambition, à savoir le réarmement civique de notre jeunesse (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) et il y a un trésor, c’est l’école.

Pour la servir, je m’appuierai sur trois piliers.

D’abord, il convient de restaurer l’exigence, au travers du choc des savoirs impulsé par Gabriel Attal, et de réaffirmer l’autorité de nos professeurs sur la vie de classe, leurs enseignements, les décisions de redoublement et les notations.

Ensuite, il faut renforcer l’attractivité des métiers de l’enseignement, en réinventant la formation initiale des enseignants, en repensant leur formation continue, en continuant d’améliorer l’organisation et les remplacements de courte durée, en poursuivant les réformes engagées pour la revalorisation des carrières et des conditions de travail des enseignants et d’autres catégories de personnel, comme les infirmières scolaires, les assistants sociaux et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).

Mme Émilienne Poumirol. Il n’y a plus ni médecins ni infirmiers scolaires !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Enfin, il est nécessaire, plus que jamais, dans la France des jeux Olympiques et Paralympiques, de construire une école de l’épanouissement républicain, où la peur et le harcèlement n’ont plus leur place, une école dans laquelle tous les élèves s’approprient les valeurs de la République, avec l’instruction civique, le respect de la laïcité et l’engagement par le biais du service national universel.

Il s’agit d’une école inclusive, monsieur le sénateur, attentive au bien-être et à la santé de tous nos enfants. Il s’agit aussi d’une école ouverte sur la société, avec la découverte des métiers au collège, les stages des élèves de seconde et la nouvelle carte des formations pour les lycéens professionnels. Il s’agit enfin d’une école sachant reconnaître les singularités de nos enfants et faisant grandir leurs talents, notamment par le sport, l’art et la culture.

Ma détermination, c’est de faire réussir la jeunesse, de faire réussir toutes les écoles de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.