M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est un peu excessif…

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire est un long chemin ! Le 49.3 en est le mur ultime.

Monsieur le ministre, par « solisme » budgétaire, vous vous employez à éliminer les volontés des parlementaires, jugés trop peu prompts à gérer les finances publiques – un comble quand la copie du Gouvernement prévoit 4,4 % de déficit par rapport au PIB et un endettement record !

Plus qu’un « solisme », c’est une méthode et des choix hors sols qui vous conduisent à persister, face à l’unanimité du Sénat, à vouloir faire de la France un paradis fiscal pour les grandes fédérations sportives lucratives. Ces articles sont profondément contraires à l’esprit de Coubertin, à l’image de celui sur le chronométreur des jeux Olympiques et sur ses filiales, qui ne paieront pas d’impôt. L’important, c’est de participer, mais surtout pas au financement des services publics !

M. André Reichardt. Très bien !

M. Éric Bocquet. Le « solisme » budgétaire expose également à des « erreurs matérielles », pour reprendre les termes du conseiller d’un ou d’une ministre cité dans la presse. En cause, l’amendement de notre groupe, porté par notre collègue Ian Brossat, qui visait à remédier à une injustice majeure : le taux d’imposition était plus favorable aux logements loués à un touriste étranger pour quelques jours sur Airbnb qu’aux logements loués à un travailleur ou une travailleuse pour quelques années. L’objectif était d’y mettre un terme.

Sauf que le Gouvernement voulait supprimer cet amendement, à en croire la presse, où, toujours anonymement, quelqu’un a annoncé que l’article « sera modifié à l’occasion d’un prochain vecteur législatif, au plus tard dans le budget 2025 » et que « la disposition n’a pas vocation à s’appliquer dans l’intervalle ».

Imaginez un gouvernement qui fait fuiter dans la presse que le budget – la loi donc ! – ne s’appliquera pas… Ouvrons les yeux ! Ce budget, c’est celui pour 2024. La loi, c’est l’imposition des loueurs sur Airbnb. Tous les élus locaux la réclament, mais le Gouvernement prétend avoir raison contre tout le monde. Les seuls moments où il a raison, c’est quand il se trompe…

Notre taxe sur les rachats d’actions modestes, avec son taux de 2 % – soit 400 millions d’euros selon les projections de recettes –, irait trop loin pour le rapporteur général de l’Assemblée nationale, M. Jean René Cazeneuve.

Peu importe que les rachats d’actions aient doublé depuis 2019, pour dépasser aujourd’hui les 20 milliards d’euros. Peu importe que les États-Unis aient institué une telle taxe à 1 %, à compter du 1er janvier 2023.

Le rapporteur général botte en touche, en renvoyant au partage de la valeur, comme si une prime Macron de quelques centaines d’euros pouvait contrebalancer l’enrichissement indu de milliards d’actionnaires. Le « solisme » budgétaire fait fi des comparaisons internationales, dans un aveuglement coupable au service des plus riches.

Notre taxe sur le streaming musical et vidéo, fruit de l’initiative de notre collègue Fabien Gay et, pour sa part, retenue – tout arrive ! –, a été dévitalisée, son taux ayant été abaissé de 1,75 % à 1,2 %. Les multinationales du streaming en sont quittes pour une juste imposition et la déstructuration du monde de la création musicale…

Les collectivités pâtissent également de ce « solisme » budgétaire.

Ainsi, il n’y aura pas de fonds exceptionnels pour les collectivités en proie aux catastrophes climatiques.

Le fonds de sauvegarde pour la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements est réduit à sa portion congrue – 53 millions d’euros supplémentaires. Il est déjà insuffisant en sortant du Sénat.

La DGF augmentera en dessous de l’inflation, conformément à la loi de programmation des finances publiques.

On le sait, les collectivités territoriales ne sont pas à la fête.

Nous continuerons de mener ces batailles, mais, en attendant la responsabilité démocratique, sur la méthode, et la responsabilité budgétaire, nous rejetterons ce budget pour 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive et l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024 est marqué du sceau du mépris : le mépris pour le travail du Sénat, pour ses 150 heures de débats calmes et respectueux, et pour l’examen de plus de 3 800 amendements qui ont été balayés d’un revers de la main.

Il revient à l’exécutif d’arbitrer, certes, mais il y a des limites…

L’exonération fiscale de la Fifa, rejetée à la quasi-unanimité des sénateurs, puis rétablie dans le texte, est emblématique de ce mépris. Lors de l’examen de l’amendement tendant à supprimer cette exonération, je vous avais dit, monsieur le ministre, que vous devriez vous demander, lorsque les groupes sont unanimes, si vous n’aviez pas tort…

Restent quelques amendements rescapés.

Pour ce qui concerne les recettes, le groupe RDSE doit se contenter du rehaussement du plafond de la taxe transférée aux chambres d’agriculture,…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce n’est pas rien !

M. Christian Bilhac. … ainsi que de l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de la réglementation en matière d’assujettissement des entreprises au titre des contributions de formation professionnelle et d’alternance.

En seconde partie, beaucoup de dispositions utiles ont disparu, comme celles qui sont relatives, par exemple, à l’amélioration du logement des gendarmes, à la santé scolaire ou à la création d’une banque de ressources biologiques.

Dans le domaine de l’écologie, il nous reste la protection des cétacés (Sourires.),…

M. Laurent Somon. C’est assez ! (Mêmes mouvements.)

M. Christian Bilhac. … à défaut des 100 millions d’euros pour rénover le réseau ferroviaire ou du bénéfice du chèque énergie pour les habitants des HLM.

Ont été rayées de la carte des autorisations d’engagement de quelques millions d’euros supplémentaires pour l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », ou encore pour l’Institut national du cancer (Inca), la prévention de la maladie de Lyme, la maladie de Charcot. Par ailleurs, 2 millions d’euros ont été refusés à la nouvelle commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, je me contenterai de rappeler que le texte proposé supprime 1,4 milliard d’euros par rapport à celui qu’a voté le Sénat.

Supprimés les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités locales !

Supprimé le rétablissement du prêt à taux zéro pour le logement neuf à tout le territoire !

Supprimée l’aide d’urgence aux départements !

Supprimée la fraction des produits des quotas carbone pour les autorités organisatrices de la mobilité en province !

Supprimé le fonds d’urgence climatique pour les collectivités locales !

Vous avez même supprimé lors de votre arbitrage, monsieur le ministre, des amendements sur lesquels vous aviez émis un avis favorable !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est vrai.

M. Christian Bilhac. Nous saluons, bien évidemment, le nouveau zonage France Ruralités Revitalisation, la prorogation de l’exonération fiscale et sociale sur les pourboires, la transposition de la directive européenne pour une imposition mondiale minimale des entreprises multinationales, ou encore l’amendement streaming visant à augmenter la taxe sur les services vidéo. Je n’oublie pas non plus le taux réduit de TVA sur les préservatifs ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mais ces quelques avancées sont autant de pièces jaunes jetées avec mépris à la représentation nationale.

Pour ne paraphraser personne, à l’Assemblée nationale, le recours à l’article 49.3 signifie : « Ferme ta gueule ! » ; au Sénat, on nous dit plutôt : « Cause toujours, mais je suis sourd ! » (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce texte aggrave le déficit de l’État de 2,4 milliards d’euros. Et vous n’hésitez pas à bafouer le grand principe budgétaire de l’annualité, avec le report massif de crédits d’une année sur l’autre.

Dans le droit fil de sa position de principe, le groupe RDSE ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable qui va nous être soumise. Cela ne signifie pas, tant s’en faut, que le présent projet de loi de finances nous satisfait. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Courage ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le bouclier ! Le ton ne sera pas le même…

M. Olivier Paccaud. Et avec le sourire !

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Jusqu’ici, ça va ! (Sourires.)

M. Thani Mohamed Soilihi. … le Sénat a adopté la semaine dernière un texte dont notre groupe a déploré le déséquilibre. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Plusieurs missions ont été supprimées par la majorité sénatoriale : plus de politique du logement ; plus de crédits pour le sport l’année même des jeux Olympiques et Paralympiques ; plus de crédits pour la politique migratoire, alors que la droite sénatoriale a fait de sa radicalité en la matière un symbole politique au cours des derniers jours.

De la même manière, le volet fiscal du budget, après son examen au Sénat, comportait des réformes de grande ampleur, adoptées sans cohérence ni évaluation préalable, parfois avec le soutien de la majorité sénatoriale, parfois contre elle.

Dans ces conditions, le sort de ce budget en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale était écrit : il fallait rétablir les crédits des politiques publiques essentielles, corriger les mesures fiscales adoptées lorsque leurs objectifs s’avéraient incohérents entre eux, revenir à un budget qui puisse être exécuté et financer notre service public, quand le texte qui sortait du Sénat se contentait d’afficher des messages politiques, dont je ne conteste d’ailleurs pas la légitimité.

C’est ce travail de réécriture que le Gouvernement a fait en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Je me félicite ainsi qu’ait été conservée dans ce texte l’exonération fiscale pour les entreprises mahoraises, que j’ai portée avec le soutien de mon groupe. Je pense également au soutien apporté aux chambres de commerce et d’industrie, amendement défendu par notre collègue Didier Rambaud.

Notre groupe déplore toutefois que nous ne puissions pas débattre de ce texte en nouvelle lecture. Aussi voterons-nous contre la motion de rejet qui nous sera soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Dommage ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sénatrice depuis 2020, j’ai bien compris que les marges de manœuvre des parlementaires étaient réduites sur les projets de loi, qui plus est sur ceux qui sont relatifs à nos finances publiques.

La révision constitutionnelle de 2008 n’a pas marqué la fin du parlementarisme rationalisé. L’initiative gouvernementale en matière de loi de finances demeure totale.

Pour autant, travailler sur le projet de loi de finances n’est jamais décevant. En passant des centaines d’heures en séance publique, en examinant des milliers d’amendements, je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps.

C’est le moment de l’année où les parlementaires débattent des orientations choisies par le Gouvernement pour notre pays. Monsieur le ministre, je ne vous cache pas que j’aurais préféré que celles-ci soient différentes…

Ce moment est donc aussi l’occasion pour nous, à gauche, de présenter nos propositions visant à rééquilibrer la fiscalité au bénéfice des classes populaires et moyennes, et à encourager, tant en recettes qu’en dépenses, la transition écologique.

Malgré ces conditions dégradées, le Sénat a constamment joué son rôle en permettant que se déroulent des débats qui n’avaient pas eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous avons apporté des évolutions notables au texte, avec notamment l’amélioration du nouveau zonage France Ruralités Revitalisation.

Avec mes collègues socialistes, nous avons tiré la sonnette d’alarme sur certains sujets, comme la mise en place de budgets verts pour les collectivités. Nous avons aussi pointé les incohérences de l’exécutif.

La France est « à l’euro près » quand il s’agit de transformer une réduction d’impôt en crédit d’impôt pour tous les résidents d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Mais elle ne l’est pas pour le transport de chevaux, qui voit sa TVA réduite ! (Mme Nathalie Goulet proteste.)

En fin de compte, cette dernière mouture reste foncièrement injuste et en décalage avec les enjeux d’aujourd’hui.

Après trois semaines de débats au Sénat, le texte a été remanié selon le bon vouloir du Gouvernement, via un énième 49.3 à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, je voudrais rappeler que la fonction première du Parlement, c’est de voter l’impôt. Et les parlementaires doivent rester au cœur de l’adoption de la législation fiscale.

Prenons l’exemple de l’article relatif à la Fifa. Celui-ci promet de multiples exonérations fiscales et sociales en cas d’installation de fédérations sportives internationales, dont certaines – il faut bien le dire – n’ont pas fait preuve d’une grande exemplarité.

M. Olivier Paccaud. Pour elles, c’est Noël !

Mme Isabelle Briquet. Cette mesure est symptomatique de la vision qu’a le Gouvernement du Parlement : cet article, absent du projet de loi de finances, a été intégré via le 49.3 en première lecture, puis supprimé au Sénat. Même en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le rapporteur général n’a pas proposé de revenir sur sa suppression.

Pourtant, le Gouvernement a souhaité réintroduire cette mesure, qu’il juge certainement fondamentale…

Au-delà du fond, cette situation interroge sur le rôle du Parlement. L’exécutif va-t-il gouverner de cette manière jusqu’en 2027 ? La fiscalité n’est admissible que dans la mesure où elle est consentie par les parlementaires.

Cette attitude du Gouvernement à l’égard de la représentation nationale, reléguée au second plan, pose un problème démocratique. L’exécutif devrait donc faire plus attention à la place qu’il accorde au Parlement dans notre République.

La motion tendant à opposer la question préalable sera votée par le Sénat, et nous la voterons. Cette issue n’en est pas moins regrettable, mais elle relève de la seule et unique responsabilité du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en posant une question toute simple : qui sait, ici, qu’à partir du 1er janvier prochain toutes les communes devront envoyer leur budget douze jours avant la date de convocation du conseil municipal ?

M. Emmanuel Capus. Ceux qui ont suivi les débats !

Mme Christine Lavarde. Personne, sauf ceux qui étaient présents dans notre hémicycle ! Ce seul exemple illustre la différence entre une approche technocratique et une approche pragmatique.

Le Gouvernement a résolument choisi la première voie ; nous maintenons que la seconde est la seule qui peut réconcilier les citoyens avec la politique.

M. Olivier Paccaud. Le Nouveau Monde !

Mme Christine Lavarde. Telle est la philosophie qui nous a guidés dans la défense de nos amendements. C’est la raison pour laquelle le Sénat a rejeté à l’unanimité le « paradis fiscal » prévu pour la Fifa.

La semaine dernière, nous avons tous ici réfléchi à la façon d’améliorer le travail parlementaire. À cet égard, je vous soumets une idée toute simple : le Gouvernement n’a qu’à abandonner les soixante-dix jours de navette parlementaire ! En effet, deux jours pourraient suffire : l’un pour l’Assemblée nationale, et l’autre pour le Sénat !

Le Gouvernement pourrait ainsi utiliser à son profit la soixantaine de jours supplémentaires pour finaliser la rédaction de tous les articles et envoyer le tout au Conseil d’État afin qu’il donne son analyse. Pourquoi pas, après tout, puisque le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat se limite à une simple discussion générale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Même les amendements mettant en conformité le projet de loi de finances pour 2024 avec la loi de programmation des finances publiques ont été supprimés !

Ce projet de loi de finances s’affranchit d’une loi que la majorité a elle-même écrite, grâce au recours au 49.3 il y a quelques semaines. Ce texte foule aux pieds le Parlement ! J’ajoute même, et je regrette de devoir vous le dire, qu’il vous humilie, monsieur le ministre, puisque vous aviez donné un avis favorable sur certains de nos amendements. (M. Bruno Belin acquiesce.)

M. Olivier Paccaud. Circulez, il n’y a rien à voir !

Mme Christine Lavarde. Les mesures de bon sens ou de simplification ? Balayées, sans que les propos du ministre au banc aient vraiment permis d’en comprendre la raison ! Je considère, pour ma part, qu’elles avaient pour unique défaut de ne pas avoir été présentées par la majorité présidentielle.

Mme Christine Lavarde. Je pense notamment ici au non-assujettissement des locaux d’enseignement privé sous contrat à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Le ministre de l’éducation nationale, ancien ministre chargé des comptes publics, y est pourtant favorable.

Rien n’a été repris de ce qu’a proposé le Sénat, ou bien uniquement des amendements puisés à bonne source, c’est-à-dire auprès du Gouvernement.

Une exception notable : la définition des zones FRR. Heureusement, d’ailleurs ! Car cette disposition préparée pendant dix-huit mois par la ministre Dominique Faure - on aurait pu en douter au vu du léger flottement auquel on a assisté pendant la discussion en séance (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) - a nécessité une nouvelle concertation entre tous les groupes du Sénat, jusqu’à la dernière minute, pour déboucher sur une rédaction adoptée à l’unanimité.

Des amendements de la commission des finances ou du groupe Les Républicains, on ne trouve que des traces.

L’article 5 vicies A instaurant une taxe sur le streaming, porté notamment par un amendement du rapporteur général et par un amendement identique du président de la commission de la culture,…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. On les a repris !

Mme Christine Lavarde. … a été supprimé au profit de l’article 5 vicies B, qui a été réécrit : ce n’est pas le texte du Sénat !

Mme Christine Lavarde. Le Gouvernement a partiellement entendu la demande d’application du principe « qui paie décide » en matière d’exonération de taxe foncière sur le foncier bâti.

L’exonération, introduite à l’article 27 sexies, portant sur les logements individuels sera à la discrétion des communes ; en revanche, celle qui est prévue par l’article 6, qui porte sur les logements sociaux, sera obligatoire.

Certes, l’État a bien introduit un prélèvement sur recettes (PSR) complémentaire pour dédommager les communes. Mais pour combien de temps ? Quelle est la garantie de ce PSR dans la durée ? Chat échaudé…

En effet, une exonération accordée en 2024 a une durée de quinze ans. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que les membres de l’association des maires du Val-de-Marne (AM 94) avaient justement défilé la semaine dernière pour protester contre cette disposition.

Sur l’exonération de TGAP dans les outre-mer, la rédaction finalement retenue est bien éloignée des ambitions sénatoriales : l’article devient une réforme complète de la taxe.

Il en est de même pour la résidence secondaire des Français résidant à l’étranger. Le Gouvernement a retenu, à l’occasion du recours à l’article 49.3, l’amendement du groupe RDPI relatif à une simple résidence de repli, là où le groupe LR visait une résidence d’attache.

En fait, le Gouvernement peut porter au crédit du groupe LR seulement trois mesures, qui sont certes importantes pour les secteurs concernés, mais qui ne vont pas révolutionner la fiscalité française.

Il s’agit de : l’aménagement des conditions d’éligibilité des fonds de capital investissement au dispositif d’apport-cession – un amendement également porté par le groupe Les Indépendants – ; la déduction de la TVA concernant les véhicules de transport de chevaux – un amendement défendu aussi par le groupe Union Centriste – ; enfin, des mesures d’ajustement de l’écotaxe alsacienne, via un amendement porté par tous les sénateurs alsaciens.

Je n’ai pas retenu dans cette courte liste la minirévolution de l’alignement du régime fiscal des locations de meublés de tourisme sur celui du régime du microfoncier pour locations nues. Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’une erreur, après les multiples doublons de la première navette.

C’est dommage, car c’est finalement la seule mesure de ce projet de loi de finances en faveur du logement. Toutes les autres dispositions votées sur l’initiative de la majorité sénatoriale ont, elles aussi, été supprimées : l’exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les dons pour l’acquisition et la construction d’une résidence principale, ou pour des travaux de rénovation énergétique ; le remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune improductive ; le rétablissement du recentrage du prêt à taux zéro dans le logement neuf.

Pourtant, monsieur le ministre, le secteur du logement va très mal : 150 000 emplois sont en jeu et la baisse annuelle des ventes n’a jamais été aussi forte en dix ans. Or vous ne faites rien !

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a jeté, hier, une nouvelle pierre dans la mare : il dénonce une fiscalité du logement incohérente et inégalitaire, et plaide pour une simplification radicale. Pour autant, il ne me semble pas que ces questions soient traitées dans la future loi relative au logement, tant le périmètre de celle-ci se réduit au fil des jours.

Des 7 milliards d’euros d’économies proposées par le Sénat, là encore, il ne reste rien. Pourtant, il ne s’agissait pas de coups de rabot à l’aveugle, contrairement à ce que vous avez dit, de façon caricaturale, monsieur le ministre ! (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)

Pis encore, le déficit de l’État est encore dégradé de 2,5 milliards d’euros, principalement du fait d’une augmentation de la dépense publique de près de 2 milliards. Dans le même temps, les recettes fiscales sont augmentées via le relèvement, par arrêté, des accises sur le gaz et l’électricité. Or vous l’avez caché aux Français.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je l’ai dit ici !

Mme Christine Lavarde. Certes, vous l’avez dit dans notre hémicycle, monsieur le ministre, mais combien de personnes suivent nos débats ? Cette hausse pèsera de manière uniforme sur le budget de tous les ménages, là où le Sénat avait proposé une mesure différenciée pour soutenir les plus fragiles.

Encore tout à l’heure, vous avez osé, monsieur le ministre, évoquer la justice fiscale…

M. André Reichardt. Ce n’est pas bien !

Mme Christine Lavarde. Mais vos mesures ne relèvent pas de la justice fiscale !

En 2022, nous étions le pays le plus taxé de l’OCDE, loin devant le deuxième : les recettes fiscales représentaient 46,1 % du PIB.

Je crains que cette révision à la hausse du déficit ne soit qu’une hypothèse basse, car le Gouvernement n’a pas modifié son hypothèse de croissance, alors même que les dernières estimations de l’OCDE ou de la Banque de France s’écartent de la cible.

Ce projet de loi de finances devait marquer le retour au sérieux budgétaire. C’est complètement raté !

Je ne peux manquer de rappeler que le ministre Bruno Le Maire…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est où ? (Sourires.)

Mme Christine Lavarde. … appelait, le 9 octobre dernier, les députés de la majorité à trouver 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires.

Pour conclure, je relève, monsieur le ministre, que vous vous donnez tous les moyens de ne pas revenir devant le Parlement. Le relèvement des reports de crédits de 43 programmes budgétaires, au-delà de ce que permet la Lolf, est un déni du parlementarisme. Un de plus…

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera pour la motion de rejet qui nous est présentée et se mettra dès demain au travail pour contrôler l’action du Gouvernement, seule prérogative encore à la main des sénateurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Christian Bilhac et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle ne souhaite priver l’État de son budget. C’est une évidence, mais il me semble nécessaire de la rappeler à ce stade du débat.

Le Gouvernement a engagé sa responsabilité pour faire adopter le projet de loi de finances pour 2024. C’était malheureusement la seule issue afin de doter l’État d’un budget. Notre groupe soutient évidemment cette volonté de faire adopter le projet de loi de finances pour cette année. À dire vrai, le contraire serait inquiétant…

Toutefois, cette volonté ne doit pas dévaloriser les débats parlementaires. On l’a vu avec le projet de loi sur l’immigration, c’est grâce au débat parlementaire que le texte a été enrichi. (Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. Yannick Jadot. Alors ça !

M. Emmanuel Capus. Au long de l’examen du projet de loi de finances, nous avons eu de nombreux débats, durant près de 150 heures, qui ont également permis d’enrichir le texte, à l’aide de plusieurs mesures fortes, notamment pour les collectivités.