M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À chacun une sucette !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, nous avons retenu le doublement du montant des amendes prononcées par l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), mesure proposée par la sénatrice Senée.

Pour le groupe Les Indépendants, nous avons retenu le renforcement de l’assouplissement des règles de lien des taux d’impôts locaux du sénateur Capus.

Je pourrais continuer (Vives exclamations.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Continuez, et vous allez vite être à sec !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … et citer les mesures anti-abus…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne sais pas qui abuse ici !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … sur les dons de sommes d’argent en nue-propriété et sur la TVA pour les locations de biens meublés du groupe RDPI et du sénateur Rambaud.

Je citerai aussi les 2 millions d’euros au bénéfice des épiceries solidaires portés par le président Mouiller, la sénatrice Micouleau, la sénatrice Canalès et le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y aura bientôt plus assez de sénateurs !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je citerai également les 1 million d’euros pour la lutte contre les scolytes qui menacent nos forêts, demande de la sénatrice Loisier.

Parce que nous connaissons votre expertise sur le sujet des collectivités, nous avons aussi avancé sur les sujets suivants : l’ajustement des règles de la Tascom en cas de fusion d’EPCI ; la neutralisation à 100 % de la réforme de l’effort fiscal en 2024, demande des sénateurs Sautarel et Cukierman ; la création de 15 équivalents temps plein (ETP) pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) afin de soutenir les collectivités dans leurs projets d’investissement, notamment dans la transition écologique, demande du sénateur Capo-Canellas.

Ces avancées proviennent des travaux de tous les groupes du Sénat. Nous les avons étudiées avec sérieux et avons adopté celles qui contribuaient à la réussite des objectifs que nous avons fixés. Nous avons dialogué, écouté.

Malgré cela, force est de constater que nous avons eu des points de désaccord qui ont animé nos débats en première lecture. (Ah ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oh, si peu…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. D’abord, et ce n’est pas un petit différend, nous ne sommes pas d’accord avec la suppression de plusieurs missions dans la seconde partie du texte – « Cohésion des territoires », « Plan de relance », « Immigration, asile et intégration », « Administration générale et territoriale de l’État » – et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Le déficit ramené à 3 % à l’issue de la première lecture au Sénat était un trompe-l’œil.

Vous avez considéré comme insuffisants les efforts de ce gouvernement en faveur des collectivités territoriales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Sur les recettes comme sur les dépenses, nous avons des désaccords.

Vous avez souhaité augmenter les recettes allouées aux collectivités de 3 milliards d’euros supplémentaires en première partie et de 200 millions d’euros lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette augmentation s’ajoute aux 1,15 milliard d’euros prévu dans le texte du Gouvernement.

Nous devons cibler le soutien aux collectivités. Il faut soutenir celles qui sont en difficulté et permettre à celles qui se portent bien de contribuer, à la hauteur de leurs moyens, à nos efforts de maîtrise de la dépense publique et aux besoins d’investissement.

M. Olivier Paccaud. Celles qui font des efforts !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Sur le bouclier énergétique, nous avons également souhaité modifier le texte du Sénat. Si la sortie des dispositifs exceptionnels sur l’électricité est légitime, un retour à la situation d’avant-crise, du jour au lendemain, serait trop brutal. Nous avons opté pour une sortie progressive des boucliers, je m’en suis expliqué.

Le dispositif que vous avez proposé a permis d’enrichir le texte pour aboutir à la version de compromis que nous vous proposons aujourd’hui. L’augmentation que nous prévoyons, plafonnée à 10 %, est déjà un effort important demandé aux Français.

Je souhaite que le texte qui vous est finalement présenté en nouvelle lecture, enrichi par le travail du Sénat, puisse vous convaincre que nous avons su écouter, dialoguer…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ça n’a pas vraiment été le cas !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … et enrichir le texte. Cette méthode est et restera la mienne.

M. Laurent Burgoa. Et la Fifa, monsieur le ministre ?

Mme Christine Lavarde. Oui, et la Fifa ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2024, après l’usage, une nouvelle fois, de la procédure de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale.

Comme vous le savez, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi dernier, n’a pas abouti. Au-delà de nos divergences sur de nombreux articles du projet de loi, c’est bien d’après moi notre opposition sur le fait d’engager - ce que vous ne voulez pas en l’espèce - le redressement des finances de notre pays qui a rendu impossible tout accord avec l’Assemblée nationale.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Malheureusement, à l’issue de ce nouvel usage du 49.3, pour la vingt-deuxième fois, le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale ne fait qu’aggraver la situation.

Les dépenses nettes du budget général sont en hausse de 700 millions d’euros par rapport au texte initial de septembre.

M. André Reichardt. Ce n’est pas bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, où sont les économies supplémentaires annoncées par le Gouvernement ?

Au total, le déficit est de 146,9 milliards d’euros, aggravé de 2,4 milliards d’euros supplémentaires par rapport au texte initial.

Pas un centime des 7 milliards d’euros d’économies votées par notre assemblée, monsieur le ministre, n’a été repris par le Gouvernement !

La baisse d’impôt sur les tarifs de l’électricité reste non ciblée, elle bénéficiera donc prioritairement à ceux qui en ont le moins besoin.

Les aides à l’apprentissage sont conservées, y compris les aides exceptionnelles pour les grandes entreprises embauchant des apprentis hautement diplômés. Aucun effort n’est prévu pour l’audiovisuel public alors que vous-même, monsieur le ministre, annonciez dans La Tribune que ce secteur devrait faire des efforts. Vous réintégrez même toutes les surbudgétisations supprimées par le Sénat.

C’est donc ce même gouvernement qui demande à l’envi au Parlement de faire des économies, à défaut de savoir les proposer lui-même, qui ne les reprend pas quand le Parlement les vote !

C’est un jeu de dupes, monsieur le ministre, qui décrédibilise le monde politique en général et donc la démocratie, en plus de nuire gravement aux finances publiques de notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Vous n’avez finalement repris du Sénat que les quelques dispositifs que vous aviez vous-même transmis aux sénateurs pour les faire adopter avec avis favorable (M. le ministre délégué le conteste.), et qui ne reflètent aucunement les 150 heures de débats sérieux, constructifs et responsables que nous avons eues au sein de notre assemblée. À ce propos, qu’il me soit permis de remercier l’ensemble de mes collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Thomas Dossus applaudissent également.)

M. Michel Canévet. C’est vrai !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous nous dites, monsieur le ministre, que la « taxe streaming », qui figure dans le texte, est un apport du Sénat. Mais alors, pourquoi ne pas avoir repris le dispositif défendu dans les amendements identiques, qui rassemblaient largement le Sénat ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez poussé la provocation jusqu’à vouloir procéder à trois pages de réécriture d’un nouvel amendement, comme pour mieux appuyer sur un dispositif sur lequel vous aviez rendu un avis défavorable ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’ai dit « sagesse » !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le peu qu’il reste des apports du Sénat ne relève même pas de la compétence du ministère de l’économie et des finances, mais relève de celui des collectivités territoriales. Ce sont, notamment, les aménagements au dispositif des zones France Ruralités Revitalisation, prévus à l’article 7 du projet de loi, sujet qui était piloté par la ministre Dominique Faure.

Je citerai tout de même deux autres apports importants de notre assemblée : à l’article 5 duodecies, dit niche Airbnb,…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … vous avez repris le texte du Sénat, qui résulte du vote de plusieurs amendements identiques réduisant à 30 % l’abattement fiscal pour les locaux meublés de tourisme, sous un plafond de revenus de 15 000 euros.

M. Loïc Hervé. Quelle folie !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La loi prévoira donc bien son application aux revenus perçus l’année prochaine. Rassurez-nous, monsieur le ministre : vous comptez bien appliquer la loi ?

M. Max Brisson. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À l’article 15, qui crée la taxe additionnelle sur les autoroutes et les aéroports, je me réjouis que vous conserviez l’amendement de la commission qui affecte 100 millions d’euros de son produit aux communes et aux départements. Je vous indique, d’ailleurs, officiellement que je souhaite que la commission des finances, à l’origine de cette disposition, soit associée au décret d’application prévu par la loi pour déterminer les modalités de ce reversement.

Vous l’aurez compris, pour moi, les quelques « accords » trouvés sont des écrans de fumée qui masquent le fait que l’exécutif choisit de s’exonérer de toute validation parlementaire.

Il s’exonère de toute validation à l’Assemblée nationale par l’usage du 49.3, je le rappelle, sans aucun débat en séance publique, ce qui est nouveau par rapport à la pratique historique du 49.3, et n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution. (M. André Reichardt renchérit.)

Il s’exonère aussi de toute validation au Sénat par l’absence de prise en compte de nos votes !

De fait, la réalité, c’est qu’aucun des principaux votes du Sénat n’est retenu ! On ne retrouve aucun des dispositifs fiscaux en faveur de la transmission de patrimoine et du logement. Le prêt à taux zéro (PTZ) n’est pas maintenu. Il n’y aura pas de ciblage des aides pour l’électricité – je l’ai évoqué –, pas de fonds d’urgence climatique pour les collectivités territoriales, pas de prise en compte des demandes du Sénat sur les dotations aux collectivités : la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) reste à 100 millions d’euros, et l’aide d’urgence aux départements ne sera pas de 100 millions d’euros.

Pas un centime de quota carbone ne sera mis au service des autorités organisatrices de la mobilité de province.

On décèle même, en examinant précisément le 49.3, une volonté du Gouvernement de ne pas être constructif. En effet, monsieur le ministre, par le 49.3, vous revenez sur des dizaines d’avis favorables que vous avez vous-même émis, à ce banc, devant nous !

M. Philippe Bas. Scandaleux !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Encore une fois, quelle est la crédibilité de la parole politique et du Gouvernement dans ces conditions ?

M. Michel Canévet. C’est une vraie question !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sont les propres engagements du Gouvernement qui sont reniés.

Je prends un exemple : la commission des finances, et le Sénat à sa suite, a appliqué la loi de programmation des finances publiques (LPFP), tout juste votée, pour borner à trois ans, soit jusqu’en 2026, les nouvelles niches fiscales. Pourtant, dans le 49.3, vous revenez sur la majorité de ces bornages, qui sont pourtant des engagements que vous avez vous-mêmes pris, à travers un autre 49.3 – sur la LPFP. C’est à n’y plus rien comprendre.

Ce non-respect des engagements pris est encore plus flagrant s’agissant de la trajectoire d’emplois du PLF, où l’objectif de stabilité de la LPFP est piétiné, autant que les amendements du Sénat qui visaient pourtant à produire un effort sur les emplois des opérateurs.

Enfin, et c’est un peu la cerise sur le gâteau, le texte du 49.3 pose d’importants problèmes constitutionnels.

En nouvelle lecture, le Gouvernement a introduit dans le texte des dispositions entières sans lien direct avec les dispositions encore en discussion, qui n’auront donc été examinées par aucune des assemblées : à l’article 5 quindecies, une réécriture globale du « dispositif Madelin » ; à l’article 16 quater A, une réforme de la taxe générale sur les activités polluantes d’une grande technicité, qui n’a rien à voir avec la TGAP en outre-mer, dont traitait l’article initialement ; à l’article 25 bis, une réforme jamais discutée de la compensation des compétences exercées par les régions en matière de formation professionnelle continue.

Par ailleurs, le Gouvernement se laisse de plus en plus de marges fiscales hors la vue du Parlement, en violation de la compétence fiscale du législateur. À l’article 11, vous vous autorisez à augmenter de 1,9 milliard d’euros les accises sur le gaz payées par les ménages français. À l’article 16 sexies, vous déplafonnez complètement les tarifs de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers.

Enfin, comme je l’ai déjà évoqué lors de l’examen des articles non rattachés, vous réintroduisez l’article 44 sur les reports de crédits, qui supprime, sans justification précise, tout plafond de report de crédits pour désormais non pas 12 programmes, comme le prévoyait le texte initial, ni 37 programmes, comme dans le texte issu du premier 49.3, mais pour 43 programmes budgétaires distincts !

Je rappelle, monsieur le ministre, que la Lolf impose, pour ces reports, un plafond par programme et une justification précise ! C’est le principe même de l’annualité budgétaire, donc le principe même de l’autorisation parlementaire, qui est piétiné ici.

Je ne saurais finir ma présentation de cette nouvelle lecture sans évoquer la caricature que constitue l’article visant les fédérations internationales olympiques (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui est un condensé de tous les défauts que je viens d’évoquer.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Tenez-vous bien, mes chers collègues : il est désormais acté que le Gouvernement réintroduit, dans le 49.3, le paradis fiscal pour la Fédération internationale de football association (Fifa). (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Du super bling-bling !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Excusez du peu : pas d’impôt sur les sociétés, pas de cotisation foncière des entreprises, pas d’impôt sur le revenu pour ses salariés… Tout cela au profit d’une organisation privée qui brasse des milliards d’euros !

M. Philippe Bas. Lamentable !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cette disposition, monsieur le ministre, n’a pas été votée à l’Assemblée nationale, ni en première ni en nouvelle lecture. Et je rappelle qu’elle a été supprimée ici, au Sénat, à l’unanimité.

Cette réintroduction par le Gouvernement n’est pas un manque de prise en compte du Parlement ; elle ne pose pas la question des éventuels apports du Sénat : c’est une véritable provocation, non seulement pour le Sénat, mais aussi pour les Français !

M. Olivier Paccaud. Quel mépris !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cette décision est particulièrement grave, tant elle manque de mesure, d’équité et de justice.

Je vous pose la question, monsieur le ministre : pourquoi cet aveuglement coupable et cet acharnement forcené ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guislain Cambier applaudit également.)

M. Max Brisson. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En conclusion – il en faut bien une, monsieur le ministre -, vous ne serez pas étonné que la commission des finances ait proposé, ce matin, à une large majorité, d’opposer la question préalable, en nouvelle lecture, sur ce projet de loi de finances pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que dire après ce réquisitoire ?

Sans surprise, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 12 décembre dernier, n’a pu aboutir favorablement.

Comme l’a rappelé notre rapporteur général, un trop grand nombre d’articles restaient en discussion. Une nouvelle lecture n’a évidemment pas permis au Gouvernement d’avancer, et nous avons subi les conséquences d’une nouvelle mise en œuvre de l’article 49.3, qui a balayé d’un revers de main la quasi-totalité des apports du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez, tout à l’heure, pratiqué le name dropping. Cela peut faire plaisir, mais ne règle pas du tout la question ! Avouez qu’un ratio de 120 amendements sur 3 800 n’est pas très favorable…

Pour l’année prochaine, la prévision de déficit public demeure inchangée par rapport à la version du texte adoptée à l’issue de la première lecture du budget à l’Assemblée nationale, à savoir 4,4 % du PIB. Malgré le retrait des mesures de crise, la dépense publique devrait, toutes sphères d’administration confondues, augmenter de plus de 100 milliards d’euros par rapport au niveau de 2022.

Nous aurions pourtant dû revenir à une plus juste appréciation des « ordres de grandeur ». Après le « quoi qu’il en coûte » et les montants astronomiques de concours publics déployés pour limiter l’impact des crises sanitaire et énergétique, les ajustements doivent, plus que jamais, être calibrés « au trébuchet », plutôt qu’au doigt mouillé.

Le Sénat vous a ainsi fait de nombreuses propositions d’économies, améliorant de 0,3 point le solde public, compte non tenu, évidemment, du rejet de différentes missions budgétaires – nous sommes d’accord.

À cet égard, nous sommes nombreux, au sein du groupe Union Centriste, à déplorer le rejet des crédits de cinq missions cette année.

La préservation de nos ressources publiques comme le respect du principe d’égalité devant l’impôt appellent, de notre part, une rationalisation accrue des niches fiscales. Or plus de 40 % des articles de la première partie concernent des niches !

Nous avons formulé des propositions en ce sens.

Je m’arrêterai évidemment quelques instants sur la giganiche fiscale de la Fifa, que M. le rapporteur général a évoquée.

Les sénateurs de toutes les travées de cet hémicycle se sont unis pour supprimer l’article correspondant, qui est malgré tout revenu.

M. Michel Canévet. C’est un scandale !

Mme Nathalie Goulet. Je rappelle tout de même que les recettes totales de la Fifa s’élevaient, en 2022, à 4,6 milliards de dollars !

Alors que nous venons de parler d’égalité devant l’impôt, comment allons-nous expliquer aux infirmiers, aux enseignants et aux autres salariés de ce pays qu’ils doivent payer l’impôt, quand les salariés de la Fifa en seront exonérés ?

Nous verrons comment se présente la partie non lucrative…

Très franchement, je me demande, d’ailleurs, monsieur le ministre, si cette mesure survivra au contrôle du Conseil constitutionnel, tant il est vrai que la rupture d’égalité devant l’impôt semble ici une évidence.

M. Olivier Paccaud. Nous avons affaire à des amateurs !

Mme Nathalie Goulet. D’autres mesures, adoptées elles aussi à la quasi-unanimité du Sénat, auraient mérité une plus grande attention de la part du Gouvernement.

Je pense, par exemple, au maintien du PTZ pour un logement neuf sur l’ensemble du territoire, ou encore, toujours à l’article 6 du PLF, à la transformation de l’exonération de taxe foncière pour les logements sociaux en dégrèvement, afin de préserver les ressources fiscales locales malmenées.

Quelques motifs de satisfaction méritent soulignés.

Je pense ainsi à quelques mesures contre la fraude fiscale, sans que l’on ait touché à l’arbitrage des dividendes ou aux conventions fiscales internationales ; à la préservation, à l’article 7 du PLF, des améliorations apportées au bon fonctionnement du nouveau régime zoné d’exonérations fiscales et sociales France Ruralités Revitalisation, sur l’initiative de notre collègue Bernard Delcros ; à la suppression de la hausse de la redevance pour pollutions diffuses ainsi qu’à la suppression des tarifs planchers de la redevance pour irrigation dite « non gravitaire », malgré le rétablissement de l’article 16 ; au relèvement, à l’article 28 – toujours au bénéfice de nos agriculteurs –, du montant de taxe affectée aux chambres d’agriculture, conformément au souhait exprimé sur l’ensemble de ces travées ; à la majoration de 100 millions d’euros de la hausse de la DGF, afin de soutenir les collectivités locales les plus fragiles ; ou encore, sur l’initiative de Laurent Lafon et des membres de la commission de la culture, à l’instauration d’une taxe streaming ou à la revalorisation, à hauteur de 3,7 millions d’euros, de la dotation versée par l’État aux scènes de musiques actuelles (Smac).

Comme je l’ai dit, compte tenu de l’échec de la CMP, nous voterons évidemment la motion.

Cependant, monsieur le ministre, je pense qu’il est très important de réfléchir aux conditions, absolument détestables, dans lesquelles nous travaillons sur le PLF. Certes, je comprends bien que nous soyons, comme toujours, contraints par le temps. Mais je rappelle que 3 800 amendements ont été déposés cette année ! Le Gouvernement n’y est pas pour grand-chose, mais je pense qu’il faudra vraiment travailler plus en amont pour l’année prochaine !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Oui !

Mme Nathalie Goulet. Cela vaut pour le rapporteur général, pour le président de la commission des finances comme pour l’ensemble d’entre nous.

Je pense que nous pouvons progresser sur certains sujets. Je pense notamment à la fraude fiscale, sur laquelle vous avez montré beaucoup de bonne volonté et de bonnes intentions.

Compte tenu de l’état de notre situation budgétaire, je pense qu’il vaut mieux prendre l’argent dans la poche des voleurs que dans celle des contribuables. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’ouverture de nos débats budgétaires, il y a un mois, j’avais résumé l’approche parlementaire du Gouvernement ainsi : « À l’Assemblée : taisez-vous. Au Sénat : cause toujours. »

J’aurais pu emprunter une formule plus récente du président Larcher, mais nous avons pour coutume de laisser la vulgarité à la porte de notre hémicycle… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. La vulgarité est de tous les côtés !

M. Thomas Dossus. À la lecture du texte issu du 49.3, il nous apparaît que cet adage a prévalu une nouvelle fois. Compte tenu de l’investissement de chacun des sénateurs et de chacune des sénatrices dans nos débats, on peut dire, au regard de leurs résultats réels, tangibles dans le budget, que l’effort parlementaire ne paie pas, ou qu’il paie très peu.

Rembobinons le mauvais film qu’est devenu le débat budgétaire dans notre République, au parlementarisme dit « rationalisé », même si « piétiné » conviendrait mieux.

Nous avons commencé à échanger ensemble, monsieur le ministre, lors des « dialogues de Bercy ». Vous nous aviez alors annoncé un budget historique pour la transition, avec un cap : le verdissement de notre fiscalité.

Je vous avais déjà fait part de nos doutes, tant les ordres de grandeur annoncés étaient loin de ce qui est attendu pour être à la hauteur de nos engagements, de nos trajectoires climatiques et des générations futures.

Vous aviez ouvert la porte aux débats parlementaires pour enrichir éventuellement cette trajectoire budgétaire historiquement verte.

Malgré 150 heures de débats en séance publique dans cet hémicycle, aucune ouverture n’a semblé possible sur le verdissement de notre fiscalité, que ce soit les propositions de fiscalité incitative ou la mise à contribution des comportements les plus polluants ou des plus aisés : tout a été balayé avec le mépris habituel.

Cependant, sur d’autres sujets, des dizaines d’amendements ont été adoptées, parfois de façon très large et transpartisane, sur des points essentiels.

Mais ce n’est pas le Parlement qui tient le stylo, et ce n’est pas le respect du débat parlementaire qui guide ce gouvernement. Nous sommes donc amenés, après ces heures de débats, à statuer sur un texte qui a largement balayé le travail de notre Haute Assemblée. Et, quand il ne l’a pas fait, quand, par miracle, un amendement transpartisan a survécu, cela nous est présenté comme un oubli à corriger !

Vous avez refusé de maintenir le prêt à taux zéro. Vous avez refusé de mieux cibler les aides sur l’énergie. Vous avez refusé de retravailler la dotation globale de fonctionnement des collectivités. Même la recherche de financements pour les transports publics n’a pas trouvé grâce à vos yeux ! L’égalité territoriale a été bafouée : la seule autorité organisatrice de la mobilité qui a pu se doter de ressources supplémentaires reste, une nouvelle fois, l’Île-de-France.

Nous saluons tout de même un progrès, objet d’un combat historique de certains des sénateurs de notre groupe : nous nous félicitons de la création d’un fonds de soutien de 250 millions d’euros pour accompagner, dans leur fonctionnement, les collectivités dotées d’un plan climat.

Enfin, la persévérance de mon collègue Ronan Dantec a fini par payer. Ce combat de longue haleine permettra à de nombreuses collectivités d’accélérer leurs projets. C’est un pas dans la bonne direction. Ne doutons pas que les prochaines années amèneront à amplifier le mouvement.

Je vais conclure, monsieur le ministre, par un message de colère, cette colère qui monte dans un certain nombre de territoires et chez un certain nombre d’élus locaux.

Monsieur le ministre, le Gouvernement et l’État ne sont pas à la hauteur de leurs obligations en matière d’hébergement. Des milliers d’enfants – oui, des enfants ! – dorment toujours à la rue.

Nous avons voté ici, de manière transpartisane, 6 000 nouvelles places d’hébergement d’urgence. Mais, d’un trait de plume, en mauvais comptable, vous avez décidé de les annuler ! D’un trait de plume, vous avez décidé de laisser des gamins dormir dans des tentes.

Vous n’avez eu de cesse de rappeler à quel point la France renouait avec l’investissement et le retour de la richesse produite, à quel point les comptes se redressaient, à quel point nous sommes au rendez-vous de la compétition mondiale.

Mais que valent toutes ces paroles quand des gamins continuent de dormir à la rue ? Qui peut accepter cela ?

Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, ce trait de plume pèsera lourd dans votre bilan. Nous saurons vous le rappeler ! Vous serez désormais le comptable qui aura préféré laisser dormir des gamins à la rue pour rassurer les banquiers.

Nous ne voterons donc pas ce budget. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)